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Revue de sémiolinguistique des textes et discours SEMEN 41 L’énonciation éditoriale Coordonné par Marc ARABYAN Marc ARABYAN, Stéphane BIKIALO, Sylvie FABRE, Michel FAVRIAUD, Marina KRYLYSCHIN, Marc JAHJAH

Modèles de la valeur entre pratique du sens et hétérogénéité sémiotique

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Revue de sémiolinguistique des textes et discours

SEMEN 41

L’énonciation éditoriale Coordonné par Marc ARABYAN

Marc ARABYAN, Stéphane BIKIALO, Sylvie FABRE, Michel FAVRIAUD, Marina KRYLYSCHIN, Marc JAHJAH

SEMEN Revue de sémiolinguistique des textes et discours,

publiée par les Presses universitaires de Franche-Comté, Collection Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté

Revue fondée en 1983 par Thomas Aron et Jean Peytard

Nouvelle organisation et nouveaux comités :

Directrice de publication : Andrée Chauvin-Vileno Directeur de la Rédaction : Philippe Schepens

Directrice Adjointe de la Rédaction : Séverine Equoy Hutin

Comité scientifique

Ruth Amossy (U. de Tel Aviv), Marc Angenot (U. McGill, Montréal ), Jacqueline Authier-Revuz (U. Sorbonne Nouvelle, Paris 3), Jean Bellemin-Noël (U. Paris 8 Vincennes – Saint Denis), Éric Bordas (ENS Lyon), Véronique Braun Dahlet (U. de Sao Paulo) (U. de Franche-Comté), Sonia Branca-Rosoff (U. Paris 3 – Sorbonne nouvelle), Michel Charolles, (U. Paris 3 – Sorbonne nouvelle), Claude Condé (U. de Franche-Comté), Bruno Curatolo (U. de Franche-Comté), Robert Damien (U. Paris 10 Ouest Nanterre La Défense), Montserrat López Díaz (U. de Saint Jacques de Compostelle), Jules Duchastel (U. du Québec), Pierre Fiala (U. Paris-Est Créteil), Ligia-Stela Florea (U. Babès-Bolyai, Cluj-Napoca), Jacques Fontanille (U. de Limoges, et Institut Universitaire de France), Roland Gori (U. d’Aix-Marseille), Ghislaine Haas (U. de Bourgogne), Daniel Jacobi (U. d’Avignon et des Pays du Vaucluse), Anna Jaubert (U. de Nice Sophia Antipolis), Jean-François Jeandillou (U. Paris Ouest Nanterre La Défense), Alicja Kacprzak (U. de Lodz), Estela Klett (U. de Buenos Aires), Claire Kramsch (U. de Californie, Berkeley), Alice Krieg-Planque (U. Paris-Est Créteil), Bernard Lamizet (Institut d’Études Politiques de Lyon), Daniel Lebaud (U. de Franche-Comté), Marc Lits (U. Catholique de Louvain), Diana Luz Pessoa de Barros (U. Presbytérienne Mackenzie et U. de Sao Paulo), Sophie Marnette (U. d'Oxford et Balliol College), Dominique Maingueneau (U. Paris-Sorbonne, Paris 4), Sylvie Mellet (U. de Nice Sophia Antipolis), Sophie Moirand (U. Sorbonne Nouvelle - Paris 3), Musanji Mwatha-Ngalasso (U. Michel de Montaigne-Bordeaux 3), Paola Paissa (U. de Turin), Alain Rabatel (U. Claude-Bernard, Lyon 1), Teun A. Van Dijk (U. Pompeu Fabra, Barcelone), Jef Verschueren (U. d’Antwerp), Ruth Wodak (U. de Lancaster)

Comité éditorial

Jean-Michel Adam (U. de Lausanne), Johannes Angermueller (U. Johannes Gutenberg de Mayence), Marc Bonhomme (U. de Berne), Andrée Chauvin-Vileno (U. de Franche-Comté), Jacques Guilhaumou (ENS/U. de Lyon et U. de Provence),

Séverine Equoy-Hutin (U. de Franche-Comté), Dominique Legallois (U. de Caen Basse Normandie), Mongi Madini (U. de Franche-Comté), François Migeot (U. de Franche-Comté), Alain Rabatel (U. Claude-Bernard, Lyon 1), Philippe Schepens (U. de Franche-Comté), Jean-Marie Viprey (U. de Franche-Comté)

Comité de lecture

Guy Achard-Bayle (U. de Lorraine), Frédéric Antoine (U. Catholique de Louvain-la-Neuve), Sémir Badir (U. de Liège), Jeanne-Marie Barbéris (U. Paul-Valéry, Montpellier 3), Josiane Boutet (U. Paris Diderot, Paris 7), Jacques Bres (U. Paul-Valéry, Montpellier 3), Thierry Bulot (U. Rennes 2), Marcel Burger (U. de Lausanne), Étienne Candel (U. Paris Sorbonne-Paris 4), Emmanuelle Danblon (U. Libre de Bruxelles), Marianne Doury (CNRS, Paris), Nathalie Garric (U. de Nantes), François Jost (U. Sorbonne Nouvelle - Paris 3), Yasuo Kobayashi (U. de Tokyo), Roselyne Koren (U. Bar-Ilan), Laurent Filliettaz (U. de Genève), Yves Jeanneret (U. Paris-Sorbonne, CELSA), Isabelle Laborde-Milaa (U. Paris-Est Créteil), Guy Lochard (U. Sorbonne Nouvelle - Paris 3), Jean-François Laé (U. Paris 8-Vincennes Saint Denis), Damon Mayaffre (U. de Nice Sophia Antipolis), Juan Manuel Lopez Munoz (U. de Cadix), Marie-Anne Paveau (U. Paris 13 - Paris Nord), Laurent Perrin (U. Paris-Est Créteil Val de Marne), André Petitjean (U. de Lorraine) , Michael Rinn (U. de Brest), Frédérique Sitri (U. Sorbonne Nouvelle - Paris 3), Jean-François Tétu (U. Lumière Lyon 2), Emmanuel Souchier (U. Paris Sorbonne-Paris 4), Malika Temmar (U. de Picardie Jules Verne / Amiens), Sarah de Voguë (U. Paris Ouest Nanterre La Défense-Paris 10), Jacques Walter (U. de Lorraine)

Attachées éditoriales : Marion Bendinelli, Laëtitia Grosjean (U. de Franche-Comté)

Nouvelle maquette de la couverture : Marie Bonjour, à partir d’un dessin de l’artiste Paul Kallos, initialement offert à Thomas Aron (Alufc, 1984).

ISBN : 978-2-84867-553-4ISSN : 0768-4479

© Presses universitaires de Franche-Comté 2016, Collection Annales littéraires, n° 955

Semen est sur le portail scientifique Revues.org.

SOMMAIRE

I. Dossier thématique

Marc ARABYAN Présentation .............................................................................................................

7

Michel FAVRIAUD Ponctuation blanche et grise dans un album de jeunesse de Béatrice Poncelet ......

27

Marina KRYLYSCHIN L’image du texte dans le livre d’or d’exposition ....................................................

51

Stéphane BIKIALO Énonciation éditoriale et littérature exposée ...........................................................

69

Sylvie FABRE Référencement naturel et production des écrits web ..............................................

91

Marc JAHJAH Des énoncés sans énonciateurs ? Du surlignement à la citation dans Kindle d’Amazon ................................................................................................................

111

Marc ARABYAN Épilogue. Un apprentissage éditorial ......................................................................

135

II. Varia

Antonino BONDÌ La valeur entre pratique du sens et hétérogénéité sémiotique ................................

151

Marie RENOUE Marier esthétique et communication via la médiation, du point de vue de la sémiotique ? ………………………………………………………………………

163

III. Comptes-rendus de lecture

Patrick ANDERSON François Migeot, Portée des ombres. Presses universitaires de la Méditerranée, 2015 ........................................................................................................................

179

Andrée CHAUVIN-VILENO Corinne Grenouillet. Usines en textes, écritures au travail. Paris, Classiques Garnier, 2014 ..........................................................................................................

181

Mongi MADINI Patrick Charaudeau . Humour et engagement politique. Limoges, Lambert-Lucas, 2015 .............................................................................................................

185

Antonino BONDÌ LIAS-IMM/EHESS

La valeur entre pratique du sens et hétérogénéité sémiotique

1. La sémiolinguistique et l’épistémologie de la valeur Parmi les disciplines faisant partie de l’archipel des sciences du

langage, la sémiotique a été l’une des plus profondément caractérisées par une sorte de vocation modélisante. Sémiotique et linguistique générale ont été construites par le biais d’un transfert constant de terminologies, de concepts théoriques, de stratégies descriptives et même de solutions heuristiques. Cela apparaît évident dès le geste théorique inaugural de Ferdinand de Saussure dans le Cours de linguistique générale. La sémiologie au sens d’une « étude de la vie des signes au sein de la vie sociale » (Saussure, 1968 : 33) fait partie de la psychologie sociale et même générale, dont les enjeux ne sont que partiellement partagés avec la linguistique générale. La modélisation et la schématisation des phénomènes ne constituant pas une des préoccupations principales de Saussure, il n’en est pas moins clair que pour le maître genevois il ne peut pas y avoir de sémiologie ni de linguistique sans la construction ou l’emprunt d’un modèle général d’explication qui puisse rendre compte du fonctionnement des phénomènes envisagés. Même le concept de « signe » a une physionomie pour ainsi dire modélisatrice : en ne se limitant pas à constituer un outil épistémologique de description des phénomènes, il relève d’une épistémologie constructiviste qualifiant les phénomènes au rang d’objets scientifiques par le biais d’une procédure qui les schématise et généralise. Dans la filiation saussurienne, malgré les différences de contexte scientifique, le travail de Louis Hjelmslev apparaît comme emblématique de la vocation modélisante propre à la sémiotique générale. En fait, le linguiste danois a poursuivi un projet théorique ambitieux, à visée formalisatrice et en mesure de décrire n’importe quel système sémiologique. Pour Hjelmslev, sémiotique et théorie du langage partageraient une même axiomatique : un système de concepts interdéfinis qu’on extrait du matériau sémiolinguistique disponible sous les yeux des parlants (les textes), qui se configure comme un champ immanent aux formes. Ainsi, grâce à cette axiomatique, la linguistique peut assurer la description exhaustive de chaque forme sémiolinguistique possible et aboutir à une formalisation des structures linguistiques, en s’appuyant sur un modèle global du signe et de

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sa dynamique de composition et constitution. Sans rentrer ici dans le détail et sans aucune prétention de vouloir reconstruire tous les passages historiques et conceptuels de cet enchevêtrement épistémologique, nous nous contentons de souligner que ce partage ou cet emprunt entre linguistique et sémiotique a pu se déployer puisque il y a eu des modèles du signe qui ont joué le rôle de véritable pivot épistémologique entre les deux disciplines, et dont les répercussions ont déterminées l’histoire de la sémiotique européenne au XXe siècle. Tout particulièrement, les modèles du signe et du texte ayant marqué l’histoire de la sémiotique se sont retrouvés impliqués dans un questionnement critique inhérent non seulement à la définition et à la compréhension du statut de leurs objets spécifiques – c’est-à-dire des signes et des textes – mais aussi concernant les limites ou l’ampleur du modèle même. Est-ce que la facture même du modèle était celui d’un schéma unitaire d’explication du phénomène, une sorte de procédure holistique de description et saisie de tel ou tel autre phénomène ? Ou, à l’inverse, s’agirait-il plutôt d’un ensemble des schémas locaux, décomposables et recomposables au fur et à mesure que l’objet et l’angle d’observation changent ?

2. De l’immanentisme à la prise en compte de la concrétude du sens

Il y a à l’intérieur de ce genre de questionnement le repositionnement continuel de la sémiotique, de sa modélisation immanentiste et discontinuiste du signe et du texte jusqu’à sa reconversion continuiste et externalisante (Ablali 2003), s’intéressant à l’inscription de l’entour pragmatique du signe à l’intérieur des frontières de qualification scientifique de l’objet. Dans le sillage de la réflexion post-hjelmslévienne, nous avons assisté lors des années 1950-1970 au développement d’une posture théorique formaliste, qui envisageait la qualification des phénomènes langagiers et sémiotiques sub more geometrico. Ainsi, elle a esquissé une sorte d’algèbre de la langue, en s’appuyant sur : a) une conception intrasystémique des langues et des signes ; b) une épistémologie immanentiste décrivant l’ensemble des relations conformément à un appareillage théorique cohérent ; c) une démarche « a-subjectiviste » (ou antipsychologiste), qui entendait décrire les formations symboliques ou culturelles indépendamment des forces, des corps ou de l’expérience sémiotique singulière et subjective. Sur cette ligne, la sémiotique s’est retrouvée impliquée dans un intérêt pour l’axiomatisation et la formalisation des unités de sens. Une bonne partie de la linguistique et de la sémiotique structuraliste constitue un exemple paradigmatique de cette attitude (Bondì 2011). L’objet sémiolinguistique saisi par les sujets parlants est à concevoir

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comme un faisceau de relations faisant partie d’un système, ces rapports étant conçus comme la clé de voûte pour décrire de façon exhaustive l’unité sémiotique ou linguistique examinée. En d’autres termes, la compréhension de ce que constitue un signe passerait par le déploiement d’un champ d’objectivation axiomatisé, qui neutralise l’expérience sémiotique quelle que soit sa définition et sa nature. L’axiomatisation sémiotique relevant de la batterie terminologique hjelmslévienne, quitte à évacuer la dimension concrète de l’expérience vécue par les sujets historiquement déterminés, ne se propose pas comme un métalangage mais comme un modèle extrait de la réalité linguistique même.

Vers la fin des années 1970 et le début des années 1980, la sémiotique (et notamment l’école de Paris) a essayé de relativiser le modèle immanentiste pour faire place à la dimension cognitive et sociale de l’expérience sémiotique, en réintroduisant la pratique de la constitution du sens. C’est dans ce contexte que Jacques Fontanille reformule la critique bourdieusienne du structuralisme, concernant l’incapacité de celui-ci de comprendre et décrire l’exécution et la pratique concrète. Pour Fontanille le structuralisme ne réussissait pas à articuler les modèles qu’il proposait avec la pratique et l’action des sujets sociaux, car

si le code (le modèle, le système) ne permet pas de décrire et de comprendre la parole concrète, c’est justement parce que, du point de vue de la structure, le faire pratique est toujours considéré comme un rebut, un reste non pertinent » (Fontanille, 2008 : 119-120).

Il est nécessaire d’élaborer une théorie de la détermination des actions et d’accepter la subjectivité comme dimension centrale de la constitution de formes et de valeurs sémiotiques. Ainsi, les théories sociales du sens et de la production sémiotique devaient s’efforcer de déceler l’émergence de niveaux hétérogènes et contradictoires d’expérience corporelle. Celle-ci révèle la stratification et la complexité de l’espace social, expérimenté par les sujets qui y sont situés et engagés. Dès lors, l’appréhension des structures de la pratique du sens et de la constitution des valeurs sociales advient par la construction d’un dispositif qui puisse détecter à la fois la complexité des agents culturels et la stratification de la circulation sémiotique.

Dès lors, en tant que science des signes au sein de la vie sociale, la sémiotique s’est trouvée placée dans un contexte épistémologique visant d’un côté la construction de procédés d’identification des passages formateurs et constituants de ses propres objets ; d’un autre côté elle n’a pas pu extirper la nécessité d’externaliser, pour ainsi dire, ses modèles de représentation du sens, en y intégrant les dimensions concrètes de la vie sémiologique par le biais d’une hétérogénéité et d’une pluralité des facteurs

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modélisants (Violi, 2001 : 323-357). Ces deux perspectives propres à la sémiotique contemporaine ont été traversées par le concept de « valeur », qui a constitué un véritable vecteur de modélisation sémiotique jouant un double rôle : à la fois objet de représentation et schématisation et pivot épistémologique visant à rapprocher les analyses intrasystémiques et immanentistes avec des cadres d’analyses plus élargies, en mesure de faire émerger les différents régimes de valorisation qui affectent les formes sémiotiques (Basso Fossali 2014).

3. La valeur comme vecteur de modélisation de la sémiose

Pourquoi la valeur a-t-elle autant d’importance ? De quoi s’agit-il lorsque l’on parle de valeur sémiotique ? Et en quoi cette notion peut-elle nous éclairer sur la question des modélisations en sciences du langage ? Les approches fonctionnalistes et immanentistes, en réduisant la complexité de l’approche saussurienne, ont identifié la valeur sémiotique avec une sorte de signification objectale. Ainsi, elle a été réduite à un réseau des relations intrasystémiques, à partir duquel des unités closes se dégagent et sur lesquelles il est possible d’effectuer des opérations de sélection paradigmatique et d’enchaînement syntagmatique. Par voie de conséquence, le signe est compris par un jeu d’opérations formelles, et on assiste à une séparation nette entre l’univers langagier et celui des objets sémiotiques situés dans un univers où il faut tenir compte des contextes et des pratiques. Dans ce genre d’approches, le signe et sa valeur sont appréhendés à partir de la clôture organisationnelle d’un système, sans tenir compte de la dimension discursive de l’énonciation concrète, de la prise de parole singulière lors de son déploiement circonstanciel, intentionnel et phénoménologique. Pourtant, les formes énonciatives dégagent des réseaux et des articulations, se déployant lors des plans expressifs et du contenu et explicitant l’ensemble des relations significatives. Et c’est l’ensemble de ces relations qui constitue la valeur sémiotique de l’objet, qui, étant toujours le produit des différentes relations et forces conflictuelles, ne peut pas être une propriété inhérente à la chose (Morgagni 2012).

Pour ces raisons, nous proposons une définition minimale de la notion de « valeur » qui puisse traverser les différentes traditions l'ayant élaborée. Ainsi, on peut la voir dans les termes de l’émergence d’une « disponibilité pour une saisie » à l'intérieur d'un système qui met en lumière et en perspective ses propres rapports de force, différence et opposition. De surcroît, et à l'égard de la pratique d'analyse et du va-et-vient entre celle-ci et la prise du « réel », des pratiques signifiantes instituant leurs propres normes et contraintes, ce type de définition de valeur s'avère un vecteur de modélisation interne à un phénomène de sens. Le regard de l'analyse et de

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l'épistémologie devrait être capable d'extraire, à partir de cette disponibilité de saisie, les prégnances esquissant et stabilisant des physionomies telles qu’une description phénoménologique pourrait le faire. Elle enregistre les régimes de différenciation qu’un signe absorbe et retransmet constamment dans le circuit du sémiologique et leur permet de s’épanouir lors de la perception des formes et usages. En même temps, s’agissant d’un régime pluriel de différenciation émergente qui règle l’échange et l’existence même des formes, la valeur se trouve soumise à une pluralité des registres d’évaluation, aussi bien implicites qu’explicites, collectifs autant qu’individuels. C’est donc dans sa double nature à la fois de phénomène purement négatif engendrant des régimes de différentialité et de phénomène positivement perçu, reçu et évalué par les sujets sociaux, que la valeur s’articule à la variation, comme a remarqué Jean-Marie Klinkenberg, pour qui la fixation de la valeur et la reconnaissance des instruments pour mesurer les échanges ne sont pas innocents ni naturels :

La fixation tant de la valeur que l’élection de l’unité et de l’instrument sont inséparables d’une interaction sociale. Ce qui nous ramène aux fondements sociologiques de la pensée de Saussure, fondamentalement durkheimiens : le concept de « langue » qui a inspiré une bonne partie de la sémiotique européenne, postule un accord préalable à toute énonciation et l’existence d’un système extérieur aux consciences individuelles et qui s’imposerait aux différents partenaires de l’échange. [...] cette conception de l’échange suggère en effet que les partenaires sont interchangeables ; et du coup, elle élimine toute tension entre eux, et ne leur laisse par conséquent aucune perspective de négociation, ni des valeurs ni des instruments. Or, c’est dans ces tensions que les valeurs s’instituent, en convergeant ou en se combattant. [...] si la fixation de la valeur est un récit, plusieurs actants y interviennent. Et ces instances sont par définition plurielles. Ce n’est donc pas « la » valeur qu’institue le récit, mais « une » valeur. (Klinkenberg, 2011 : 165).

Si la valeur est le propre d'un système qui est d’emblée sémiotique et sémiotisable, en tant que son vecteur de modélisation interne, comment penser un modèle qui soit, en revanche, le « propre » d'une observation seconde, du mouvement inverse, allant de la pensée vers son soi-disant objet ? Sommes-nous obligés de revenir sur les dichotomies classiques – ou, à tout le moins, sur la dialectique – entre objet et représentation ? Nous estimons pouvoir échapper à cette tentation en proposant une conception autre du regard épistémologique porté sur les pratiques signifiantes et sur les subjectivités les incarnant. Pour atteindre cela, il est important de souligner alors que le signe et sa valeur sont à comprendre comme un moment dans un déploiement sémiotique, la pointe émergente d’une

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structure d’interaction plus complexe. Il s’agit d’une modélisation des interactions entre vecteurs qui constituent les formes linguistiques, orientent leur circulation sémiotique et en même temps déterminent leur évaluation sociale. Nous essayerons d’esquisser cette modélisation de la valeur comme disponibilité à l’émergence d’une saisie du sens en relevant l’épaisseur d’une structure interactive où se mêlent les facteurs institutionnels et sociaux, les dimensions subjectives, les relations systémiques et la dynamicité de l’échange et sa matérialité. Et pour cela, nous reviendrons à Saussure, en révisant certains aspects de sa théorie de la valeur.

4. Saussure et la théorie sémiologique : la langue comme institution

La théorie de la valeur de Saussure nous oblige à interroger les tensions entre la virtualité expressive et l’actualisation des signes, ainsi que leur nature d’êtres naturellement transmissibles, transposables et destinés à changer de façon ininterrompue. Cette démarche théorique est possible parce que le concept de valeur se trouve tramé à l’intérieur d’une conception de la langue en tant qu’institution pure. Saussure ne propose pas seulement une conception dynamique de la sémiose, mais vise aussi à mettre en relief la nature toujours située et distribuée de la cognition linguistique, dont les valeurs notamment jouent le rôle à la fois d’instruments régulateurs de tout genre de parcours d’interprétation et systématisation des systèmes mêmes, ainsi que de lieux de la différenciation culturelle continuelle. Cette interprétation s’appuie sur une lecture de certains passages des Écrits de linguistique générale (Saussure 2002) :

Parmi tous les systèmes sémiologiques, la « langue » est le seul, avec l’écriture, qui ait eu à affronter cette épreuve de se trouver en présence du TEMPS, qui ne soit pas simplement fondé de voisin à voisin par mutuel consentement, mais aussi de père en fils par impérative tradition et au hasard de ce qui arriverait en cette tradition, chose hors de cela inexpérimentée, non connue ni décrite. Si l’on veut la linguistique est donc une science psychologique en tant que sémiologique [...]. Ce fait qui est le premier qui puisse exciter l’intérêt du philosophe reste ignoré des philosophes : aucun d’eux n’enseigne ce qui se passe dans la transmission d’une sémiologie. (Saussure, 2002 : 262).

Ce texte manifeste – comme l’a remarqué Patrice Maniglier (Maniglier, 2006 : 238) – la conscience de Saussure à l’égard de la radicalité de son projet scientifique. Même si la valeur n’apparaît pas de façon explicite dans ce passage, Saussure présente ici une conception non-fonctionnaliste de la langue en tant qu’institution dont la physionomie est

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décidément précise. La langue peut se définir comme une sorte « d’espace purement extérieur, où quelque chose est donné à penser, et qui ne cesse de devenir autre que lui-même » (Maniglier, 2006 : 337-369). Plus précisément, Saussure suggère que la langue est le seul fait ou instinct psychologique dont la nature est celle d’être une institution sociale de sens, qu’il qualifie comme « pure » et « sans analogue ». Ainsi, c’est sous l’angle de l’analyse des variations et des changements que Saussure identifie la césure qui est censée être opératoire pour garder une différence constitutive entre l’institution sociale « langue » et les autres institutions anthropologiques et culturelles :

Whitney a dit : le langage est une Institution humaine. Cela a changé l’axe de la linguistique. La suite dira, croyons-nous : c’est une institution humaine, mais de telle nature que toutes les autres institutions humaines, sauf celle de l’écriture, ne peuvent que nous tromper sur sa véritable essence, si nous nous fions par malheur à leur analogie. Les autres institutions, en effet, sont toutes fondées (à degrés divers) sur les rapports NATURELS des choses, sur une convenance entre [ ] comme principe final. Par exemple, le droit d’une nation, ou le système politique, ou même la mode de son costume, qui ne peut pas s’écarter un instant de la donnée des [proportions] du corps humain. Il en résulte que tous les changements, toutes les innovations… continuent de dépendre du premier principe agissant dans cette même sphère, qui n’est situé nulle part ailleurs qu’au fond de l’âme humaine. Mais le langage et l’écriture ne sont PAS FONDÉS sur un rapport naturel des choses. Il n’y a aucun rapport à aucun moment entre un certain son sifflant et la forme de la lettre S, et de même il n’est pas plus difficile au mot cow qu’au mot vacca de désigner une vache. C’est ce que Whitney ne s’est jamais lassé de répéter pour mieux faire sentir que le langage est une institution humaine. Seulement cela prouve beaucoup plus, à savoir que le langage est une institution SANS ANALOGUE (si l’on y joint l’écriture) et qu’il serait vraiment présomptueux de croire que l’histoire du langage doive ressembler même de loin, après cela, à celle d’une autre institution. (Saussure, 2002 : 211-212).

Pour Maniglier, la langue en tant qu’institution sans analogue est un fait à la fois psychologique et social, les deux qualifications n’étant pas en contradiction entre elles, car la langue est soumise à une hétérogénéité de facteurs constitutifs ou de régimes de constitution : l’action du temps ; la transmission sémiologique et la nature hasardeuse des changements. Maniglier a souligné la densité conceptuelle qui est à l’origine de la conception du langage comme instinct sémiologique et de la langue comme institution sociale pure. Pour Saussure il ne s’agit pas finalement d’une

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simple définition de la langue comme système ou forme sociale. Il est profondément désireux de comprendre comment la socialité constitue non pas une seule propriété de la langue, mais une région qui l’organise et modalise en s’imposant aux sujets. Autrement dit, « Saussure ne se contente pas d’affirmer que la langue est sociale ; il dit précisément que c’est parce qu’elle est sociale que la langue est réelle » (Maniglier, 2006 : 343). En affirmant que la langue est en soi un fait social, Saussure vise à renverser la conception foncièrement fonctionnaliste des systèmes sémiologiques, qui ferait de la langue un moyen d’expression de la pensée, pour affirmer, tout au contraire, que les individus, pris isolément, ne pourraient jamais être considérés comme les créateurs des langues, et surtout qu’il ne peut y avoir aucune instance qui puisse être retenue comme « contemporain » de l’acte d’institution d’une langue. Nous apprenons la signification d’un signe par un interminable usage de la langue, en la systématisant en permanence par la faculté de parler de chaque sujet, qui est involontaire, irréfléchie, et donc sociale :

quand on reconnaît qu’il faut considérer le signe socialement, on est tenté de ne prendre d’abord que ce qui semble dépendre le plus de nos volontés ; et on se borne à cet aspect en croyant avoir pris l’essentiel : c’est ce qui fait qu’on parlera de la langue comme d’un contrat, d’un accord. C’est négliger le plus caractéristique. Le signe, dans son essence, ne dépend pas de notre volonté. Sa puissance est là irréductible. Ce qui est le plus intéressant dans le signe à étudier, ce sont les côtés par lesquels il échappe à notre volonté. Là est sa sphère véritable, puisque nous ne pouvons plus la réduire. On considère la langue comme une législation, à la manière des philosophes du XVIIIe siècle ; or la langue, encore plus que la législation, doit être subie beaucoup plus qu’on ne la fait (Saussure, 1968 : 49).

Donc la langue échappe à toute forme de volonté, en induisant des « choses sociales ». C’est à ce titre qu’elle est sémiologique, continue Maniglier, car le signe n’est réductible à aucune opération ou aucun acte volontaire. « Ne pouvant être considéré comme une expression ou une modification de l’esprit, le signe doit être considéré comme une “chose valant pour lui-même” » (Maniglier, 2006 : 345) :

le langage a été le plus formidable engin d’action collective d’une part, et d’éducation individuelle de l’autre, l’instrument sans lequel en fait l’individu ou l’espèce n’auraient jamais pu même aspirer à développer dans aucun sens ses facultés natives (Saussure, 2002 : 145).

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5. Émergence de la valeur et puissance sociale

Dès lors, la langue chez Saussure est à saisir en tant qu’institution pure : un espace extérieur relevant autant d’une « action collective et sociale ininterrompue » (jusque dans l’intimité de la constitution de n’importe quel sujet parlant) ainsi que d’une éducation individuelle. C’est à partir de cette saisie qu’on identifie la langue à un système des valeurs. Le lien étroit entre la notion de valeur et la dimension collective et/ou sociale est souligné par Saussure lui-même :

VALEUR – COLLECTIVITÉ

Quelle que soit sa nature plus particulière la langue, comme les autres sortes de signes, est avant tout un système de valeurs, et cela fixe sa place au phénomène. En effet toute espèce de valeur quoique usant d’éléments très différents n’a sa base que dans le milieu social et la puissance sociale. C’est la collectivité qui est créatrice de la valeur, ce qui signifie qu’elle n’existe pas avant et en dehors d’elle, ni dans ses éléments décomposés ni chez les individus. (Saussure, 2002 : 206)

À côté de la définition plus répandue du concept de valeur chez Saussure – cette notion étant notamment définie comme l’ensemble des rapports régulateurs de différence et d’opposition entre les termes d’un système de signes – on commence à voir que la vulgate du Cours de Linguistique générale ne restitue pas la complexité de l’archipel conceptuel qui adresse et pousse la notion de valeur en direction d’une conception non fonctionnaliste et fortement institutionnaliste de la langue – celle-ci vue donc plutôt comme un « milieu » extérieur et partagé par les locuteurs, ce qui implique comme contrechant une théorie sémiologique en tant que théorie de l’esprit. De cette conception découle que le langage est un fait psychologique, un « lieu de développement qui n’est “plus dirigé” par une volonté pensante » (Maniglier, 2006 : 400). C’est par le biais d’une critique des conceptions de la langue comme organisme et comme expression du génie d’un peuple que Saussure éclaire cette démarche :

Le tout se passe hors de l’esprit, dans la sphère des mutations de sons, qui bientôt imposent un joug absolu à l’esprit, et le forcent d’entrer dans la voie spéciale qui lui est laissée par l’état matériel des signes [...]. Le procédé est ce qu’il est obligé d’être par l’état des sons ; il naît la plupart du temps d’une chose non seulement fortuite et non seulement matérielle, mais de plus négative [...]. Mais dès lors quelle est la valeur d’une classification quelconque des langues d’après les procédés qu’elles emploient pour l’expression de la pensée ; ou à quoi cela correspond-il ? Absolument à rien, si ce n’est à leur état momentané et sans cesse modifiable. Ni leurs antécédents,

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ni leurs cousinages, encore moins l’esprit de la race n’ont aucun rapport nécessaire avec ce procédé qui est à la merci du plus ridicule accident de voyelle ou d’accent qui se produira l’instant d’après dans la même langue. (Saussure, 2002 : 216).

La notion de valeur comme « ensemble des forces hétérogènes » – temps, socialité, hasard – est au croisement d’une problématique sémiologique de nature strictement épistémologique. Elle est à comprendre bien sûr comme ce qui qualifie les différences et les oppositions entre signes, car elle en détermine négativement leur présence, leur circulation sémiologique, leur transmission et même leurs interprétations lors des contextes d’énonciation concrète (la parole). Pourtant, prise en filigrane à l’intérieur de cette problématique, elle nous permet d’en proposer une reformulation en termes de « points de stabilisation » externes du sens et de la « pensée », toujours jetés dans le circuit de la circulation et de la transmission dont les caractéristique sont d’être toujours « variables », « transmissibles » et « transposables ». La valeur sémiotique d’un signe, donc, est à concevoir comme un point de stabilisation provisoire et précaire, librement créé par les communautés et en même temps comme ce qui est passivement accepté, reçu et reconnu par les sujets parlants :

Nous n’établissons aucune différence sérieuse entre les termes valeur, sens, signification, fonction ou emploi d’une forme, ni même avec l’idée comme contenu d’une forme; ces termes sont synonymes. Il faut reconnaître toutefois que valeur exprime mieux que tout autre mot l’essence du fait, qui est aussi l’essence de la langue, à savoir qu’une forme ne signifie pas mais vaut. (Saussure, 2002 : 28).

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Résumé : La notion de valeur constitue un outil épistémologique indispensable en sciences humaines. Mais de quoi s’agit-il lorsque l’on parle de valeur sémiotique ? Chez Saussure, la valeur interroge les tensions entre la virtualité expressive et l’actualisation des signes, ainsi que leur nature d’êtres naturellement transmissibles, transposables et destinés à changer de façon ininterrompue. Comprendre la valeur sémiotique d’un objet, donc, implique de dégager des réseaux et des articulations explicitant l’ensemble des relations qui se déploie à l’intérieur d’un dispositif anthropologique –

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l’institution – où sont en jeu les identités sémiologiques des objets et des acteurs autant que leur stratification expressive.

Mots-clés : sémiotique, modélisation, Saussure, valeur, institution

Abstract : The value is a key concept of a human sciences. But what is the specificity of semiotic value ? For Saussure, the linguistic and semiotic values focus the tensions between the expressive virtuality and actualisation of signes as well as their transmissibility, transposability and ininterrupted changes. Therefore, understanding the semiotic value of object implies to identify networks and joints explaning every semiotic relationship. This relationship system develops within a anthropological device – the institution – in which are involved the semiological identities of objects and social actors as well as their expressive stratification.

Keywords : semiotics, modelisation, Saussure, value, institution