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Nœuds ou champs ? Analyse de l’expertise internationale sur la criminalite ´ trans- nationale organise ´e et le terrorisme Amandine Scherrer Chercheure invite ´e, Department of Politics, Universite ´ de Manchester Chercheure associe ´e a ` la Chaire de recherche du Canada en se ´curite ´, identite ´ et technologie, Universite ´ de Montre ´al Benoı ˆt Dupont Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en se ´curite ´, identite ´ et technologie, Universite ´ de Montre ´al In the particular context of the post–Cold War era, when military threat re- constructed itself in discourses around more diffuse phenomena like organised transnational crime and terrorism, civil servants from state administrations were called upon to participate in more or less formal meetings within the framework of regional and/or international institutions. These meetings in- tensified during the 1990s, which helped reinforce or create networks of actors at an international level. Analysis of these work groups, also called ‘‘expert groups’’, presents a certain number of empirical and epistemological difficul- ties that are explored in this article. The objective is to shed light on one of these expert groups in particular and, using empirical data that are often dif- ficult to collect, assess the pertinence of two theoretical approaches developed in the social sciences: field theory and nodal governance. Keywords: transnational crime, terrorism, international expertise, field, governance Dans ce contexte particulier de l’e `re post-guerre froide, ou ` la menace essen- tiellement militaire s’est reconstruite dans les discours autour de phe ´nome `nes plus diffus comme la criminalite ´ transnationale organise ´e et le terrorisme, des fonctionnaires des administrations e ´tatiques ont e ´te ´ appele ´s a ` participer a ` des rencontres plus ou moins formelles dans le cadre d’institutions re ´gionales et/ ou internationales. L’intensification de ces rencontres au cours des anne ´es 1990 a contribue ´a ` renforcer ou a ` cre ´er des re ´seaux d’acteurs a ` l’e ´chelle inter- nationale. L’analyse de ces groupes de travail, aussi appele ´s « groupes d’ex- perts », pre ´sente un certain nombre de difficulte ´s, tant sur le plan empirique 6 2010 CJCCJ/RCCJP doi:10.3138/cjccj.52.2.147

Nœuds ou champs ? Analyse de l'expertise internationale sur la criminalité transnationale organisée et le terrorisme

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Nœuds ou champs ? Analyse de l’expertiseinternationale sur la criminalite trans-nationale organisee et le terrorismeAmandine ScherrerChercheure invitee, Department of Politics, Universite de Manchester

Chercheure associee a la Chaire de recherche du Canada en securite,

identite et technologie, Universite de Montreal

Benoıt DupontTitulaire de la Chaire de recherche du Canada en securite, identite et

technologie, Universite de Montreal

In the particular context of the post–Cold War era, when military threat re-constructed itself in discourses around more diffuse phenomena like organisedtransnational crime and terrorism, civil servants from state administrationswere called upon to participate in more or less formal meetings within theframework of regional and/or international institutions. These meetings in-tensified during the 1990s, which helped reinforce or create networks of actorsat an international level. Analysis of these work groups, also called ‘‘expertgroups’’, presents a certain number of empirical and epistemological difficul-ties that are explored in this article. The objective is to shed light on one ofthese expert groups in particular and, using empirical data that are often dif-ficult to collect, assess the pertinence of two theoretical approaches developedin the social sciences: field theory and nodal governance.

Keywords: transnational crime, terrorism, international expertise, field,governance

Dans ce contexte particulier de l’ere post-guerre froide, ou la menace essen-tiellement militaire s’est reconstruite dans les discours autour de phenomenesplus diffus comme la criminalite transnationale organisee et le terrorisme, desfonctionnaires des administrations etatiques ont ete appeles a participer a desrencontres plus ou moins formelles dans le cadre d’institutions regionales et/ou internationales. L’intensification de ces rencontres au cours des annees1990 a contribue a renforcer ou a creer des reseaux d’acteurs a l’echelle inter-nationale. L’analyse de ces groupes de travail, aussi appeles « groupes d’ex-perts », presente un certain nombre de difficultes, tant sur le plan empirique

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qu’epistemologique, que cet article se propose d’analyser. Cet article a ainsipour objectif d’apporter un eclairage sur un de ces groupes d’experts en par-ticulier, et de mesurer, sur la base de donnees empiriques souvent delicatesa reunir, la pertinence de deux approches theoriques developpees en sciencessociales : la theorie des champs et celle de la gouvernance nodale.

Mots cles : criminalite transnationale, terrorisme, expertise internationale,champ, gouvernance

Introduction

Dans ce contexte particulier de l’ere post-guerre froide, ou la menaceessentiellement militaire s’est reconstruite dans les discours autour dephenomenes plus diffus (Bigo 2003), comme la criminalite transna-tionale organisee et le terrorisme, des fonctionnaires des adminis-trations etatiques ont ete appeles a participer a des rencontres plusou moins formelles dans le cadre d’institutions regionales et/ou inter-nationales. Si ces rencontres sur de tels enjeux n’etaient pas en soiune nouveaute (Anderson 1989 ; Nadelmann 1993 ; Anderson, DenBoer, Culler, Gilmore, Raab et Walker 1995 ; Bigo 1996 ; Deflem 2002 ;Sheptycki 2005), leur intensification au cours de ces annees 1990 a con-tribue a renforcer ou a creer des reseaux d’acteurs a l’echelle interna-tionale. L’analyse de ces groupes de travail, aussi appeles « groupesd’experts », presente un certain nombre de difficultes, tant sur le planempirique qu’epistemologique. Difficulte empirique tout d’abord, carl’acces a la connaissance de tels groupes est limite. Ces groupes fonc-tionnent en effet de maniere relativement opaque, et peu d’institutionsrendent publiques l’identite de leurs participants, ainsi que le deroule-ment de leurs reunions. Difficulte epistemologique ensuite, les cadresd’analyses permettant de saisir la dynamique de ces modes de fonc-tionnements internationaux etant pour le moins imparfaits. Cet articlea ainsi pour objectif d’apporter un eclairage sur un de ces groupesd’experts en particulier, et de mesurer, sur la base de donnees empiri-ques souvent delicates a reunir, la pertinence de deux approches theo-riques developpees en sciences sociales : la theorie des champs et cellede la gouvernance nodale.

Si parmi les nombreux groupes de travail agissant au niveau interna-tional certains ont ete tres largement etudies (Programme de rechercheChallenge 2004-20091), notamment en Europe (Bigo, Bonditti, Bonelli,Chi, Megie et Olsson 2008), un de ces groupes a fait l’objet de nette-ment moins d’attention : soit le groupe d’experts du G8 sur la crimi-

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nalite transnationale organisee et le terrorisme, le Groupe de Lyon/Rome. Cette lacune est sans doute due a deux facteurs : une croyancelargement repandue que le G8 est essentiellement une enceinte quigere des enjeux macroeconomiques, et une opacite certaine du modede fonctionnement du G8. Cependant, a partir de la documentationofficielle du G8, d’entretiens avec certains des acteurs du Groupe deLyon/Rome, obtenus non sans difficulte, de documents internes etnon publies reunis et archives, une recherche minutieuse a rendupossible une connaissance plus precise de ce groupe (Scherrer 2009a).Notre connaissance du Groupe de Lyon/Rome repose ainsi sur un cor-pus de sources primaires de 98 documents, dont 20 documents officiels(communiques, declarations publiees lors des Sommets du G8) et 78documents internes, non publies, au Groupe de Lyon/Rome (obtenuspour la plupart lors d’entretiens couvrant la periode 1996–2007). Cecorpus de sources primaires s’est enrichi de 20 entretiens avec desmembres du Groupe de Lyon/Rome realises entre 2003 et 2007 enFrance, en Grande-Bretagne et au Canada. Trois entretiens supplemen-taires ont ete realises au cours de cette periode avec des observateursde la Direction generale Justice, Liberte et Securite (DG-JLS) de laCommission europeenne au Groupe de Lyon/Rome. Ce chiffre rela-tivement bas s’explique par nombre de raisons. La premiere est la dif-ficulte inherente a notre objet. Le caractere confidentiel des rencontresdu Groupe de Lyon, ce qui s’y dit et ce qui s’y produit, semble etreaccepte et partage par ses acteurs. Ce constat vaut pour l’integralitede nos entretiens, a de tres rares exceptions pres. Beaucoup de nossollicitations d’entretiens ont recu des fins de non-recevoir, au nom,notamment du respect de la confidentialite des deliberations. Cesdifferentes absences dans notre corpus d’entretiens, les logiques de ladiscretion et les infinies precautions pour ne pas divulguer quoi quece soit de compromettant, constituent d’ailleurs, et sans nul doute pos-sible, un element important et fort de notre reflexion sur ce Grouped’experts particulier.

Dans le cadre de cet article, nous proposons d’explorer et de tester lesvoies qu’offrent les deux approches mentionnees precedemment, afinde mieux comprendre ces reseaux de sociabilite dans lesquels les ac-teurs du Groupe de Lyon/Rome s’inscrivent et dont l’etude permetd’apporter un certain nombre d’hypotheses sur la production, la pro-motion et la diffusion de normes en matiere de lutte contre la crimi-nalite transnationale organisee, et plus recemment contre le terrorisme.Il ne s’agit ici pas pour autant d’ignorer les autres courants developpesen criminologie et/ou en relations internationales, et notamment lesetudes de transferts de politique publique (les Policy Transfers Studies2)

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ou encore les analyses criminologiques critiques empruntant fortementa la sociologie afin de decrire l’international (Sheptycki 2007). Cet arti-cle entend neanmoins se consacrer exclusivement aux approches dela gouvernance nodale et du champ, qui ont ete tres theorisees cesdernieres annees, et ce, notamment dans le domaine de la securite. Ils’agira d’une part de reperer les enjeux theoriques et methodologiquesde ces deux approches et de relever leur pertinence dans l’etude duGroupe de Lyon/Rome, et d’autre part de mesurer leur acuite dans lacomprehension des transformations et des dynamiques des espaces deproduction de la securite.

Champs et gouvernance nodale : comprendre les acteursde la securite

La prise en compte dans la litterature scientifique des acteurs agissantau niveau international au sein de reunions de travail, la nature deleurs interactions, la dynamique de leur fonctionnement et la porteede leurs travaux, a donne lieu a un certain nombre de cadres concep-tuels. Les theories des relations internationales, par exemple, se sontenrichies d’une approche en terme de communaute epistemique (Haas1992) et d’approches plus sociologiques en terme de champ (Bigo 2003,2005). En criminologie, l’approche en terme de gouvernance nodale aete souvent adoptee afin de mieux saisir ces reseaux d’acteurs d’ori-gines tres diverses agissant dans le domaine de la securite ( Johnstonet Shearing 2003). Cependant, tandis que le modele de la communauteepistemique donne une image assez figee et homogene des groupesd’acteurs etudies, la theorie des champs et l’approche en terme degouvernance nodale insistent davantage sur les caracteristiques de cesgroupes de travail internationaux, leurs ressources et leur positionne-ment relationnel. Toutefois, ces deux cadres conceptuels ne se recou-pent pas tout a fait, car ils soulevent des enjeux theoriques et method-ologiques differencies, mais a bien des egards complementaires. C’estpourquoi les placer en position de dialogue, a partir d’un cas empiri-que precis, permet d’aller au-dela des clivages des disciplines et deles enrichir reciproquement, dans la perspective d’une ameliorationde l’arsenal methodologique et theorique a notre disposition pouranalyser la complexite des mecanismes de circulation des savoirs etdes pratiques a l’echelle internationale.

Enjeux theoriques et methodologiques

Dans les theories des relations internationales, et plus exactement ausein des etudes de securite (security studies), Didier Bigo avait formalise

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des les annees 1990 la notion de « champ des professionnels de lasecurite », adoptant ainsi une demarche sociologique inspiree de PierreBourdieu (1992), et qui permettait de « penser ensemble les trans-formations des missions des diverses agences de securite » dans lecontexte de l’apres-guerre froide (Bigo 2003 : 49). Une telle analyse per-mettait ainsi de faire « apparaıtre un espace social transcendant lacoupure interne/externe, national/international (. . .). Cet espace socialfonctionne comme un champ de forces dont la necessite s’impose auxagents qui s’y trouvent engages et il debouche sur une certaine homo-geneite qui s’exprime par les memes interets bureaucratiques, lesmemes types de definition de l’adversaire, de savoirs sur ce dernier.C’est aussi un champ de luttes a l’interieur duquel les agents s’affron-tent avec des moyens et des fins differencies ». Si la notion de champde la securite permet d’echapper a l’opposition binaire entre securiteinterieure et exterieure et entre niveau national et international dansl’etude de la promotion de la securite et de ses discours, l’approche enterme de gouvernance nodale insiste quant a elle, dans un meme soucid’analyse des transformations des espaces d’enonciation de la securite,sur la pluralite des acteurs qui y sont impliques. Partant d’une per-spective hayekienne sur les limites epistemologiques des organisationset des strategies humaines, l’approche de la securite en terme degouvernance nodale a ete conceptualisee il y a quelques annees, essen-tiellement en criminologie, et avait pour objectif de tenir compte d’unevariete d’acteurs operant et interagissant dans des systemes sociauxparticuliers (Johnston et Shearing 2003 ; Burris, Drahos et Shearing2005 : 32–33). A partir de la reconnaissance d’une « gouvernance » dela securite, entendue comme l’ensemble des programmes mis en placeafin de repondre a des menaces, reelles ou anticipees (Johnston etShearing 2003 ; Dupont, Grabosky, Shearing et Tanner 2007), l’interetpour ces auteurs est de reperer les differents centres d’emanation dela securite, soit les « nœuds » de la gouvernance. Dans l’analyse desespaces de productions de la securite, l’adoption d’une theorie duchamp invite a etudier la structuration des acteurs pour comprendrela securite qu’ils produisent, la ou l’approche criminologique postuleune gouvernance de la securite et se focalise davantage sur les differ-ents nœuds de cette gouvernance. Bien que partant de postures tresdifferentes (d’une part une theorie du monde social, fait de logiquesde lutte et d’effets d’exclusion, d’autre part, l’analyse d’une mise enreseau de differents acteurs, avec ses jeux de confiance et de defiance),la theorie du champ et la perspective de la gouvernance nodale ne sontpourtant pas radicalement opposees.

L’approche en terme de gouvernance nodale defend en effet un projetanalytique focalise sur les agents impliques dans la « gouvernance de

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la securite ». Cette gouvernance de la securite, qu’elle soit pensee enterme de « reseaux » (Dupont 2003, 2004) ou de « nœuds » (Burris etal. 2005), est le produit de differentes interactions pouvant unir et/oureunir de multiples agents aux statuts extremement divers. A certainsegards, l’approche en terme de gouvernance nodale permet d’elargircet espace d’autorisation et de production de la securite a des agentsque les etudes ayant emprunte a la theorie du champ de la securite neprennent pas en compte de maniere systematique, et notamment lesagents prives. Si l’implication d’acteurs prives n’est pas un phenomenerecent dans les espaces de production de la securite, les tenants del’approche en terme de gouvernance nodale relevent l’importancecroissante de la pluralisation (ou multilateralisation) de cette gouver-nance ainsi que les liens et relations qui s’y deploient et qui connectentdes nœuds etatiques et non etatiques. Il s’agit meme la d’un des rai-sonnements axiomatiques majeurs de cette approche, qui relativise lapriorite conceptuelle accordee a l’Etat et le fetichisme institutionnelqui en decoule. Dans un mouvement similaire, la theorie des champsnous rappelle egalement qu’il faut sortir des approches realistes desrelations internationales, au sein desquelles l’Etat est trop souvent con-sidere comme l’unique referent. L’idee qu’il faille etre prudent et eviterde rabattre toute analyse sur le squelette hegelien de l’Etat est une ideerelativement communement admise dans les etudes de securite enrelations internationales depuis la fin des annees 1980. D’ailleurs,l’approche en reseaux a fait les riches heures des tenants de l’ecoleneo-institutionnaliste qui etaient soucieux de rendre compte de la plu-ralite des acteurs sur la scene internationale (courant transnationaliste,etudes des communautes epistemiques, etc.).

D’autre part, l’agenda de recherche defendu par les tenants de la gou-vernance nodale rejoint en bien des points la methode sociologiqueadoptee dans les analyses du champ des professionnels de la securite.Les « nœuds » qui constitueraient la gouvernance de la securite sontainsi identifies comme des lieux de savoir, de capacite et de ressourcesqui peuvent etre deployes a la fois pour « autoriser » et « fournir » dela gouvernance (authorize and provide, selon la terminologie utilisee parDupont [2004]). D’un point de vue empirique, l’analyse de ces nœudsse doit de repondre a un certain nombre de questions qui sont autantd’axes de recherche (Johnston et Shearing 2003). Parmi elles figurent laquestion de la capacite et de l’autorite de fabriquer des regles quiseront considerees comme des normes de gouvernance, la questiondes instruments materiels/legaux/symboliques/personnels mobilisa-bles (les « technologies » de la gouvernance), et la question du cadremental qui forge la maniere dont on concoit le monde et la facon de

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reagir aux situations et aux circonstances (les « mentalites » de la gou-vernance). Ainsi, l’analyse des « caracteristiques » des nœuds de lagouvernance de la securite que sont les mentalites, les technologies,les ressources et les structures institutionnelles (Burris et al. 2005) sontmanifestement compatibles avec une sociologie de type bourdieu-sienne, qui tient compte de l’importance du capital culturel, social,politique, economique et symbolique dans les rapports de force et laconstitution d’un champ particulier. Toutefois, l’approche en terme degouvernance nodale constitue un outil de recherche incomplet afin derendre compte de la dynamique de ces lieux de production, de promo-tion et de diffusion de discours et de pratiques sur la securite. Notam-ment, en se focalisant sur les formes de collaboration entre acteursprives et publics, cette approche permet moins de saisir les luttes eninterne de ces reseaux et de degager les enjeux de pouvoir et la capa-cite de certains acteurs a s’imposer au detriment d’autres. L’approcheen terme de gouvernance nodale, en effet et bien qu’elle s’en defende,peut assez rapidement donner une image figee d’un ensemble trescomplexe et mouvant. Si on peut bien parler de « reseau international »ou de « nœuds » de la gouvernance de la securite, leurs caracteris-tiques presentees comme autant d’axes de recherche amenent a con-siderer chaque nœud comme un tout particulier, dont les rouages in-terieurs demeurent peu etudies, ce qui pose de nombreuses difficultespour qui veut montrer les dynamiques relationnelles, mais aussi lafluidite des acteurs qui constituent ces nœuds.

Par ailleurs, si l’approche en termes de gouvernance nodale permetd’interroger les differentes caracteristiques du nœud d’une « gouver-nance » afin de les situer par rapport aux autres nœuds, elle s’interrogepeu sur les capacites de ces groupes sociaux a produire des enoncessur la figure de l’ennemi et d’imposer leur autorite sur la definition dece qui fait peur. Cet aspect constitue en revanche une question centralede la theorie du champ de la securite, qui tient compte de la diversitedes acteurs qui sont autant de « professionnels de la gestion de lamenace » qui construisent, mettent en mots une certaine perceptionde ce qu’est la menace et elaborent des pratiques specifiques a partird’elle (Bigo 2003 : 51). Cette dimension est essentielle dans les analysesdes moyens de lutte contre des phenomenes aussi vagues et flous quesont la « criminalite transnationale organisee », mais aussi le terror-isme. En outre, face a des menaces pensees et exprimees en terme dereseaux (mafieux, terroristes, etc.), la reponse institutionnelle s’ordonnesouvent selon une maxime de type analogique : reseaux contre reseaux(Dupont 2007). Or, ce discours justifiant la transformation meme desmodes organisationnels de ces agences, de ces institutions en charge

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de l’elaboration et des differents degres de la repression de ces sujetsd’insecurite, demeure un point relativement marginal des etudes de lagouvernance nodale. Lorsqu’il s’agit de mettre en evidence la distancequi existe entre les transformations empiriquement observables dansles organisations et leurs discours de communication institutionnelle,force est de constater que le terme de reseau est a la fois un outil del’analyse et une justification institutionnelle et politique. Comme lerappelle Benoıt Dupont (2007), l’invocation du reseau sert bien souventde ressource et de justification aux restructurations des services depolice. L’aspect eminemment normatif des analyses empruntant a lagouvernance nodale fait d’ailleurs l’objet de debats recurrents entrecriminologues (Dupont et Wood 2006), mais au contraire des debatsayant lieu chez les internationalistes (Buzan, Waever et de Wilde1998 ; Huysmans 2002, 2006 ; Macsweeney 1999 ; C.A.S.E. 2007) peude place semble etre accordee aux effets « d’insecurisation » (insecuriti-zation) sur l’homogeneisation des pratiques, c’est-a-dire une certaineinflexion du maintien de l’ordre et de la loi vers des approches repres-sives et proactives, sur lesquelles nous reviendrons. En revanche, s’ilexiste un point fort de ces analyses en terme de reseaux, c’est biende souligner la pluralite des acteurs participant a la production desecurite, mais aussi, et surtout, les phenomenes relationnels qui struc-turent a la fois les premices, l’objectivation, les ressources utiliseeset les effets (pratiques et symboliques) des pratiques de securite ainsideveloppees.

L’interet majeur d’une approche relationnelle et nodale, c’est bien eneffet la visibilite (et notamment au moyen de la cartographie) qu’elleoffre de ces processus. La cartographie d’un espace donne a un tempsdonne devient realisable, pour peu que les interrelations entre les dif-ferents acteurs aient pu etre mises en evidence a priori. Neanmoins, cesanalyses n’offrent que peu de moyens pour comprendre les structuresdes rapports de force, les coups joues par les acteurs et les effetsinduits par les differentes memoires institutionnelles. Si l’approcheen terme de reseau permet de visualiser les contours et les formes dedensite relationnelle, elle est incomplete pour eclairer les effets desedimentation des prises de position et d’opposition, les couts d’entreeet de maintien au sein d’un reseau pour un ou des acteurs consideres.Malgre les limites conceptuelles ainsi soulignees, l’agenda de recherchedefini par l’approche en termes de gouvernance nodale a certainementson interet dans l’analyse de nos donnees empiriques. Il a tout d’abordpermis de confirmer tout l’interet d’une approche sociologique desgroupes d’acteurs etudies, mais aussi de relativiser, dans des cas precisde partenariats et/ou des dialogues entre acteurs publics et prives, la

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preponderance conceptuelle d’une « bureaucratie transnationale »(Sheptycki 2005).

Application a un cas d’etude : le Groupe de Lyon/Romeet ses acteurs

Comme mentionne en introduction, le G8 a mis en place des 1995 ungroupe d’experts sur la criminalite transnationale organisee, le Groupede Lyon, qui tire son nom du Sommet du G8 de Lyon tenu en 1996durant lequel les experts soumettent leurs premieres recommanda-tions. En 2002, l’enjeu terroriste prenant le pas sur la lutte contre lacriminalite transnationale organisee, le Groupe de Lyon devient leGroupe de Lyon/Rome, en absorbant le Groupe du G8 sur les enjeuxdu contre-terrorisme, le Groupe de Rome. De 1996 a nos jours, cegroupe d’experts n’a cesse d’edicter un certain nombre d’orientationsvisant a contrer la criminalite transnationale organisee, puis le terror-isme, essentiellement sous la forme de recommandations et de bonnespratiques. Ces recommandations et bonnes pratiques concernent aussibien la promotion d’instruments de lutte favorisant la cooperationsurtout judiciaire et policiere, que la promotion de pratiques profes-sionnelles specifiques. L’entreprise de devoilement du Groupe deLyon/Rome a donc permis d’apprehender ce groupe d’acteurs commepartie integrante de la mobilisation internationale contre la criminalitetransnationale organisee et le terrorisme (Scherrer 2009a).

Depuis 1996, ce Groupe de Lyon/Rome a connu quelques evolutions,mais aussi des constantes. Le Groupe de Lyon/Rome est en effet diviseentre differents groupes specialises, dont les seuls ayant ete perma-nents depuis 1996 sont le sous-groupe Migration, le sous-groupe Crimesde haute technologie (ou cybercrime), le sous-groupe Cooperationoperationnelle et le sous-groupe Cooperation judiciaire. A partir de2002, les experts du G8 s’appropriant les enjeux terroristes, les struc-tures du Groupe s’en trouvent elargies sous la forme d’un nouveausous-groupe specialise : le sous-groupe des Praticiens du renseigne-ment. La repartition socioprofessionnelle de l’expertise du Groupe deLyon/Rome a egalement connu une evolution importante. De 1996 a2002, le Groupe de Lyon reunissait en majorite des fonctionnaires issusdes ministeres de l’Interieur, de la Justice et des Affaires etrangeres despays membres du G8. Sur la base d’une liste confidentielle des mem-bres du Groupe de Lyon/Rome obtenue en 2005 et de son analyseminutieuse, il nous a ete possible de restituer pour cette annee-la larepartition des experts de l’ensemble du groupe selon leurs affiliations

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institutionnelles3. Il en est ressorti que plus de 70 % des deleguesetaient affilies aux ministeres de l’Interieur ou equivalent des adminis-trations du G8, et que dans leur grande majorite ces delegues etaientissus des services de police et de renseignement. Cette predominancede la representation des agences de police et de renseignement nousa ete confirmee par les acteurs que nous avons interroges, et il nous aegalement ete indique que cela constituait une tendance relativementnouvelle. En effet, avant 2002, la repartition entre services de police etservices juridiques des pays membres, notamment, etait relativementequilibree, comme cela nous a ete avance au cours des entretiens. Cetterepartition socioprofessionnelle modifiee de l’expertise joue bien evi-demment sur les orientations adoptees afin de lutter contre la criminal-ite transnationale organisee, et a fortiori contre le terrorisme, et notam-ment l’extension de mesures proactives et preventives. Depuis 2002, eneffet, l’ensemble des sous-groupes du Groupe de Lyon n’a eu de cessede se focaliser sur le developpement des outils de surveillance electro-nique (biometrie, documents de voyage securises), sur l’ameliorationdes techniques speciales d’enquetes, sur l’extension des bases de don-nees et le partage d’information, ou encore sur l’usage de l’ADN dansles investigations policieres (Scherrer 2009a).

Dans l’etude de ce cas empirique que constitue le Groupe de Lyon/Rome, l’utilisation des methodologies defendues par l’approche entermes de gouvernance nodale et par la theorie du champ permetd’eclairer des elements importants a la comprehension de la naturedu Groupe de Lyon/Rome. L’etude des « mentalites », par exemple,qui constitue un des enjeux des caracteristiques d’un nœud de gouver-nance selon les tenants de cette approche (Burris et al. 2005) permet desaisir dans une certaine mesure les referents cognitifs des experts duGroupe de Lyon/Rome. Sur la base de nos entretiens, des points desimilitudes entre les experts ont ainsi ete releves sur ce qu’est la crimi-nalite transnationale organisee et le terrorisme (menace transnationale,ennemi a combattre, representations schematiques et pas toujoursnettement definies des contours de la menace) et les attitudes a yopposer (plus de cooperation policiere et judiciaire, et toujours plusde methodes preventives et proactives dans le domaine policier),favorisant un consensus sur les travaux a mener. La force du discoursrepressif dans les orientations du Groupe de Lyon/Rome peut d’ail-leurs etre directement correlee a la surrepresentation des acteurs desservices de police au sein du Groupe (Scherrer 2009b). Axee en grandepartie sur l’echange de l’information policiere et sur les mesures pro-actives et preventives, l’analyse des « mentalites » des experts duGroupe explique partiellement les « methodes » sur lesquelles reposent

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les bonnes pratiques qu’ils elaborent. Cependant, l’etude des « menta-lites » et de leurs effets dans l’analyse des reseaux de securite telle quedeveloppee par les tenants de la gouvernance nodale ne recoupe pastout a fait l’analyse du « cadre cognitif » qu’adopterait une demarcheplus sociologique. Dans une perspective du champ de la securite, eneffet, le cadre cognitif des acteurs est pense comme le determinant dela construction du monde social, tandis que l’approche en terme degouvernance nodale analyse les mentalites comme constitutives dureseau. Il ne s’agit en effet pas, dans la gouvernance nodale, d’elaborerune cartographie mentale des reseaux. Cet element constitue tres cer-tainement une des limites importantes de cette approche, qui ne pensepas les effets d’homogeneisation des discours et des pratiques. Par ex-emple, si des points de similitudes entre les experts du G8 sur la crim-inalite et le terrorisme peuvent etre degages a l’aide de la methodolo-gie empruntee par les tenants de la gouvernance nodale, l’utilisationde la theorie du champ permet de mieux montrer que le consensusauquel ces experts parviennent n’est qu’un consensus a minima, quireflete le plus petit denominateur commun entre des acteurs venantde cultures professionnelles differentes. Si la plupart des experts quenous avons rencontres4 sont d’accord pour dire que la criminalitetransnationale organisee et le terrorisme constituent une menaceserieuse, la repartition socioprofessionnelle de leur expertise accordeplus de place aux agents promouvant des moyens policiers, parfois encontradiction avec la volonte des agents des services judiciaires, sou-cieux d’encadrer legalement ces pratiques. Comme le releve justementDidier Bigo (2005), si le champ des professionnels de la securite, ouchamp des professionnels de « l’(in)securisation », cree des formes decollaboration entre des agences qui, auparavant, se cotoyaient mini-malement (et dans ce cas-ci principalement les services de police et dejustice), il cree en meme temps des formes de competition (voire desdivergences fondamentales sur les strategies et les moyens a employer)entre ces memes agences. Il est apparu en ce sens au cours de nos en-tretiens que les experts issus du monde policier mettent plus nettementl’accent sur les difficultes de l’operationnel. Leur approche est avanttout pragmatique et evacue sans complexe la delicate question de ladefinition de la criminalite transnationale organisee ou du terrorisme.Un des acteurs interroges, delegue britannique au sous-groupe Pra-ticien du Renseignement du Groupe de Lyon/Rome, affirme ainsi ace sujet : « ne pas avoir de definition stricte n’est pas un probleme. Letout est d’agir face a la menace a laquelle tu es confronte »5. Cettevalorisation de l’operationnel par rapport au cadre legal nous a eteconfirmee a maintes reprises par des acteurs relevant surtout dusous-groupe Cooperation operationnelle. Un membre francais de ce

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sous-groupe resume par exemple ainsi la vocation de ce sous-groupe :« arreter les groupes criminels d’une facon ou d’une autre, meme si cen’est pas politiquement correct de le dire ainsi »6. Les membres de cesous-groupe reconnaissent, sans veritable surprise, pour la plupartagir ensemble afin d’accroıtre l’efficacite de la cooperation, surtout etavant tout policiere. Le discours porte par les magistrats rencontresinsiste bien plus sur les difficultes des definitions relatives, par exem-ple, a la criminalite transnationale organisee. L’un d’eux, delegue fran-cais au sous-groupe Cooperation judiciaire du Groupe de Lyon/Rome,reconnaıt ainsi volontiers que « le vocable de crime organise est parfoisutilise avec un sens juridique tres precis, parfois comme un conceptbeaucoup plus large, presque de sociologie juridique de type crimino-logique »7. Ce meme magistrat souligne que les definitions internatio-nales sont essentiellement centrees sur la participation a la criminalitetransnationale organisee plus que sur la criminalite transnationaleorganisee en tant que telle, afin de remedier aux problemes que celaposait pour garantir des possibilites operationnelles. Cette delicateposition du magistrat qui peine a trouver une definition legale stricteet universelle, mais est confronte dans le meme temps a un imperatifde cooperation qui le presse de faciliter les enquetes policieres et judi-ciaires au niveau international, est une tendance forte de la mobilisa-tion internationale contre la criminalite transnationale organisee, et afortiori contre le terrorisme, et la mise en place de pratiques d’ex-ception a fait l’objet de maintes etudes (Bigo, Bonelli et Deltombe2008 ; Bigo et Tsoukala 2008 ; Rigouste 2009). A cet egard, la theoriedu champ de la securite permet mieux de differencier le sens communde la mise en commun du sens. Neanmoins, le raisonnement axioma-tique des tenants de l’approche en termes de gouvernance nodale a,pour notre cas empirique, un interet majeur : celui de ne pas s’arretera une dimension etatique de ces reseaux d’acteurs producteurs desecurite.

Transformations et dynamiques des espaces de productionde la securite

L’une des limites importantes de la theorie du champ dans l’etude del’expertise du G8 sur la criminalite transnationale organisee et le ter-rorisme reside dans une reflexion axee sur le centre et ses frontieres,qui sont constitutives du champ. Si l’analyse des couts d’entree dansle champ et des structurations en interne permet de saisir les effets delutte et de dissension (essentiels, comme nous venons de l’exposer, a lacomprehension des discours et des pratiques des acteurs concernes),

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elle limite la prise en compte des points de contact exterieurs au champet l’insertion des acteurs qui le peuplent dans d’autres espaces de deci-sion ou d’intervention, par exemple leur connexion avec des acteursqui n’appartiennent pas a leur champ de reference, mais qui jouentneanmoins un role important dans leur fonctionnement quotidien. Onparle ici de multiplexage des acteurs, c’est-a-dire de leur capacite aappartenir simultanement a plusieurs ensembles relationnels qui obei-ssent a des contraintes extremement diversifiees (Hanneman et Riddle2005). C’est la un des points forts de l’approche en termes de gouver-nance nodale, qui tient compte de la pluralisation des acteurs quiautorisent et fournissent de la securite.

Une pluralisation des acteurs ?

L’exemple du G8 et des modalites de sa lutte contre la criminalitetransnationale organisee et le terrorisme montre a priori que l’on estdavantage dans un schema classique de la diplomatie d’Etat. Onentend par la ces negociations au niveau international reunissant lesfonctionnaires d’Etat des services traditionnellement reconnus commeles plus a meme de combattre le crime, soit essentiellement les admini-strations judiciaires et policieres. L’analyse du Groupe de Lyon/Romemontre neanmoins que dans certains cas bien precis, il existe desexceptions a ce schema classique.

Un des arguments les plus forts et les plus innovants de la gouver-nance nodale est la prise en compte de l’importance croissante de lamultilateralisation des acteurs en charge de la securite. Ces derniersforment en effet des reseaux decentralises au sein desquels se cotoientacteurs publics, prives et hybrides collaborant autour de problemati-ques communes (Bayley et Shearing 2001). Dans le cas du Groupe deLyon/Rome, il convient ainsi de noter la particularite que constitue leGroupe d’experts sur le cybercrime, Groupe qui a mis en avant despartenariats publics/prives. En effet, ce sous-groupe est a l’origine del’organisation de deux conferences internationales sous les auspices duG8, l’une tenue a Paris en mai 2000, l’autre a Berlin en octobre de lameme annee. Le titre de ces conferences etait alors explicite de ce par-tenariat : « Instaurer la confiance et la securite dans le cyberespace :premier dialogue entre les industriels et les Etats ». Ces conferencesont reuni a chaque fois plus de trois cents responsables publics etprives. Parmi eux, des representants des entreprises de telecommuni-cations (IBM, Netscape, AOL, Microsoft), des representants des entre-prises de lecteurs de carte a puces (Cyber-comm), des operateurs de cer-

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tification (Certplus), des courtiers d’assurance pour sites de commerceelectronique (Fia-net), mais aussi des agents de compagnies de voyagesen ligne (Travelprice.com). Il est d’ailleurs particulierement pertinent desouligner que ces conferences ont fait surgir des debats interessantsautour des themes de la « co-regulation ». C’est ainsi que le GlobalInternet Project, qui rassemble des editeurs de logiciels, ainsi que desrepresentants des telecommunications et de la finance a fait savoirlors de cette conference qu’il serait fortement souhaitable que les pou-voirs publics s’associent a l’avenir aux multiples efforts du secteurprive « pour promouvoir l’ethique du monde virtuel aupres des gen-erations futures »8. Un autre groupe de lobby, l’Internet Alliance (AOL,IBM, Microsoft, etc.) a publie un livre blanc dans lequel il denonce lerisque de devoir contribuer aux enquetes judiciaires du fait, affirme-t-il, du manque d’experience et d’expertise des forces de police : « cetteconfusion des roles entre gouvernements et secteur prive est inaccept-able et pourrait avoir des consequences extremement prejudiciables »,peut-on lire dans le document9. Dans sa declaration cloturant cetteconference, Jacques Chirac, alors President de la Republique francaise,avait tenu a rappeler le role premier de l’Etat dans la lutte contre lescyberpirates : « pour prevenir et reprimer le crime, nos societes demo-cratiques ne connaissent qu’un seul acteur legitime, l’Etat, et une seulemethode, l’application de la loi », avant d’en appeler a une co-regula-tion par laquelle « entreprises et organismes publics s’epauleront auservice de la loi »10.

Dans ce cas de figure tres precis, il y a tres certainement une dissocia-tion de l’autorisation de la securite et de sa production. En ce sens,l’hypothese que l’Etat, et ici des delegations etatiques agissant auniveau international, delegue de plus en plus « les fonctions de miseen œuvre (le rowing) a des operateurs prives plus efficients, et qu’ilaurait recentre ses activites sur les fonctions de coordination (le steer-ing) » (Dupont 2003) semble pertinente. Le cas du G8 suggere nean-moins que l’on reste encore largement dans des schemas interna-tionaux « traditionnels », constitues de bureaucrates des services dejustice, de police et de renseignement, et a ce titre, la pluralisation desacteurs defendue par l’approche en terme de gouvernance nodale ne severifie pas dans la majorite des sous-groupes du Groupe de Lyon/Rome, et notamment les sous-groupes Cooperation judiciaire, Coopera-tion operationnelle, sous-groupes des Praticiens du renseignement etMigration. Dans cette enceinte que constitue le Groupe de Lyon/Rome, le systeme G8 ne privilegie pas necessairement les partenariatset/ou le dialogue avec les acteurs prives, a l’exception des rares cas

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ou des secteurs economiques faiblement reglementes et mondialisessont confrontes a des menaces criminelles mal maıtrisees par lesEtats. L’objet referent est donc ici l’expert, et avant tout l’expert-fonctionnaire. En ce sens, une sociologie de l’expertise mise en placeau sein du G8, empruntant a la methodologie de Dezalay et Garth(2002) montre qu’une analyse restituant les parcours de ces acteurs,leur trajectoire individuelle, leur ressource et leur capital social permetd’approfondir la connaissance de ces fonctionnaires d’Etat tournesvers l’international. L’utilisation de la theorie du champ est ici particu-lierement pertinente, car elle invite ainsi a une cartographie des prisesde position et des logiques d’opposition en tenant compte de lajuxtaposition d’individus. Cette cartographie permet de preciser lestransformations du systeme de position et de relation dans un espacede pratiques professionnelles, en melant la description concrete deschamps nationaux du pouvoir d’Etat et les scenarios de trajectoiresindividuelles (Dezalay et Garth 2002). En l’etat des connaissances surle monde discret de l’expertise au sein du G8, nous avons pu degagerdes points de convergence et de similitude pour les acteurs rencontres,et notamment leur positionnement en tant que fonctionnaires d’Etat ausein de leurs administrations respectives. Au sein de ces administra-tions (en majorite au sein des ministeres de la Justice et de l’Interieur),leur positionnement est en ce sens resolument tourne vers l’inter-national. En effet, la connaissance de ces fonctionnaires des us et cou-tumes de la negociation a un niveau international est un indice fortde cette internationalisation de ces experts-fonctionnaires. Parmi nosinterlocuteurs les plus aguerris, cette connaissance de l’art de la nego-ciation est le resultat d’une longue carriere dans les institutions natio-nales ouvertes vers l’exterieur, par exemple la « Sous-direction de lasecurite » du Quai d’Orsay, le « Bureau crime organise, corruption etblanchiment » du ministere de la Justice en France, la « Direction dela criminalite internationale et du terrorisme » du ministere canadiendes Affaires etrangeres, ou encore la « Direction internationale » duHome Office britannique. Pour les moins endurcis a cet habitus de ladiplomatie et les moins familiers des processus de negociations inter-nationales, reste que ces acteurs plus jeunes du Groupe de Lyon pos-sedent une reelle maıtrise de l’anglais (ce qui constitue un point deselection particulierement fort pour le choix des acteurs envoyes auxreunions du Groupe de Lyon/Rome) ainsi que, pour bon nombred’entre eux, une solide formation tournee vers l’international (etudesen Droit international, geopolitique ou science politique tournee versl’international). Cette habitude des processus de negociations interna-tionales traduit egalement un multipositionnement de certains de ces

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experts. La plupart de nos interlocuteurs ont ainsi participe ou partici-pent regulierement a des reunions sur des thematiques liees a la crimi-nalite transnationale organisee et/ou le terrorisme dans d’autres en-ceintes que le Groupe de Lyon/Rome, et notamment au sein del’Organisation de cooperation et de developpement economiques(OCDE), de l’Union europeenne (UE) (pour les delegations au G8 quisont egalement membres de l’UE), de l’Organisation des Nations Unies(ONU), ce qui leur confere une double casquette : celle d’experts del’international et celle d’experts de la lutte operationnelle contre lecrime organise. C’est ainsi qu’une partie importante de ces acteurs duGroupe de Lyon (85 % des experts interroges, toutes delegations con-fondues) que nous avons rencontres passe d’une instance internatio-nale a l’autre. Meme s’il est difficile d’etablir des generalites applica-bles a l’ensemble des acteurs du Groupe de Lyon/Rome, il se degageneanmoins une certaine homogeneite de ces acteurs a partir des entre-tiens realises. Leurs experiences a l’international, acquises au cours deleur formation, amplifiees et renforcees par la frequentation des re-unions internationales, en font un corps a part au regard de leursstructures nationales d’appartenance. Les experts du Groupe de Lyonpeuvent etre assimiles a ce qu’Yves Dezalay (1993) a appele « ces nou-veaux clercs de l’international ». Cette « elite » est a part, car elle peutjouer sur les deux tableaux : elle peut investir dans l’international pourrenforcer ses positions dans le champ du pouvoir national et, simulta-nement, faire valoir sa notoriete nationale pour se faire entendre sur lascene internationale (Dezalay 2004). L’investissement du capital sociala l’international et/ou le reinvestissement du capital social acquis al’international dans les structures nationales se verifient largementpour certains experts rencontres, et viennent, pour certains d’entreeux, conforter ce qui a ete precedemment souligne quant a leur multi-positionnement. Les acteurs du Groupe de Lyon semblent donc par-tager un fort capital social, qui constitue une ressource symboliqueprecieuse, favorisant a la fois le travail collectif de ces acteurs venusd’horizons divers et la mobilisation de ces travaux dans les arenes na-tionales et internationales.

La perspective analytique ainsi developpee par la theorie des champsau moyen d’une sociologie de l’expertise permet ainsi de tenir comptenon seulement des perceptions identitaires collectives des acteurs al’origine des discours et des pratiques, mais egalement de mettre enlumiere leurs ressources en interne et en externe. A ce titre, la questionde leur multipositionnement dans l’espace international invite a inter-roger les processus de socialisation des normes que ces experts elabo-rent en commun au sein de diverses instances internationales.

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Cartographie de l’expertise internationale : l’etude des processusde socialisation

Parmi les points communs importants entre les tenants d’une appro-che en terme de gouvernance nodale et les tenants d’une theorie deschamps, figure la necessite de recensement empirique des acteurs,afin de determiner la nature et mesurer la frequence des interactionsentre ces derniers et les positions et les roles que chaque nœud jouedans l’economie generale du reseau (Dupont 2003) ou du champ11

(Bigo, Bonditti et al. 2008). Ces deux aspects (la dimension relation-nelle et les positionnements) sont essentiels a la comprehension desmodes de fonctionnement, mais aussi de diffusion du Groupe deLyon/Rome12 (Scherrer 2007, 2009a, 2009c).

Dans l’economie interne du Groupe de Lyon/Rome, les reunions de cedernier se deroulent sur une base trimestrielle depuis 1996. Selon laplupart des acteurs interroges, ces reunions (s’etalant en moyenne surdeux ou trois jours) se prolongent tout au long de l’annee par desechanges reguliers de courriels et de conversations telephoniques en-tre, le plus souvent, homologues des memes services administratifs.En outre, les sous-groupes ne travaillent pas en vase clos et les re-unions du Groupe de Lyon/Rome reunissant les differents sous-groupes sont l’occasion de multiplier les echanges lors de frequentessessions plenieres. La grande majorite des acteurs interroges a egale-ment souligne la tres bonne ambiance qui regne lors de ces reunionset la qualite des liens personnels et/ou professionnels qui s’y nouaient.A cette qualite des liens relationnels s’ajoutent les processus de social-isation de ces memes experts a l’exterieur de la structure du G8.Comme releve precedemment, la plupart des experts du G8 rencontresinteragissent egalement dans d’autres enceintes. Le multipositionne-ment ainsi souligne permet de determiner un effet de va-et-vient deces fonctionnaires d’Etat entre differents lieux de discussions, au seindesquels s’elaborent des principes, des normes, des regles contre lacriminalite transnationale organisee et le terrorisme. Comme en te-moigne cet expert interroge, « les experts, on peut pas les interchanger,c’est comme dans les defiles de mode, on retrouve les memes chezLacroix ou chez Saint Laurent, meme si c’est pas le meme habillage »13.

Comme le notent certains promoteurs de l’approche en termes de gou-vernance nodale, il est difficile et complexe d’elaborer une typologiedes reseaux de securite. Si des ideaux-types de reseaux peuvent etreidentifies (locaux, institutionnels, internationaux, virtuels), les variationssont nombreuses et infinies (Dupont 2004). Dans le cas du Groupe de

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Lyon/Rome, qui fait intervenir en majorite des bureaucrates des ser-vices de justice, de police et de renseignement, l’etude des logiques etdes pratiques de ces reseaux permet d’avancer des arguments centrauxdans l’analyse des espaces de production, de diffusion et de promotionde la securite. Toutefois, parler du Groupe de Lyon/Rome comme le« nœud » d’un « reseau international » de securite ne releve pas del’evidence. Certes, les enceintes de discussions internationales donnentlieu a des logiques et des pratiques similaires, et les fonctionnaires quiy interviennent partagent un certain nombre de qualites sociales etprofessionnelles identiques. Neanmoins, le fait que ces fonctionnairessont le plus souvent multipositionnes rend delicate l’analyse des posi-tions et des roles que chaque nœud joue dans l’economie generale dureseau. Si nos recherches portant sur le Groupe de Lyon/Rome ontpermis d’eclairer a la fois son role de complementarite et/ou d’impul-sion dans certaines negociations internationales ou dans l’instigationde certains travaux au sein de groupes de travail similaires (referenced’identification), la question des possibilites d’une cartographie du re-seau dont il est question demeure entiere, a moins de pouvoir deployerune methodologie de recueil des donnees qui beneficie de la pleine etentiere collaboration des institutions impliquees, ce qui semble illu-soire a la lumiere de la confidentialite qui entoure le fonctionnementde ce groupe.

A titre d’exemple, le sous-groupe specialise dans le cybercrime duGroupe de Lyon/Rome donne a voir une position privilegiee du G8de pourvoyeur de normes dans la lutte contre la cybercriminalite14.Nous avons evoque precedemment le role de ce sous-groupe dansl’organisation de conferences internationales reunissant des agentspublics et prives. Il est interessant de noter que le conseil Justice-Affaires Interieures (JAI) de l’Union Europeenne en date du 19 mars1998 s’est par ailleurs tres directement refere aux dix principes du G8relatifs a la criminalite liee a la haute technologie, rendus publics lorsde la reunion des ministres du G8 de l’Interieur et de la Justice de de-cembre 1997, dont la preparation avait ete coordonnee en amont par lesous-groupe d’experts sur le cybercrime. En outre, des recherches com-plementaires portant sur les trajectoires professionnelles de certainsmembres du Groupe de Lyon/Rome, ont revele tout l’interet d’unedemarche de type prosopographique15. Parmi les resultats de cesrecherches, il convient de souligner que le premier fonctionnaire a pre-sider ce sous-groupe en 1996, issu du Departement d’Etat americain,etait dans le meme temps et depuis quelques annees auparavant levice-president et le chef de la delegation americaine du groupe ad hocd’experts de l’OCDE sur la cryptographie, et egalement membre de la

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delegation americaine du groupe d’experts de l’OCDE sur la securite,la vie privee et la propriete intellectuelle. Ce positionnement est d’au-tant moins anodin que l’OCDE a ete une des premieres institutionsinternationales a se saisir de la problematique des crimes de hautetechnologie des les annees 1980. De meme, on oublie egalement quedes acteurs de la Commission europeenne, invites a titre d’observa-teurs, participent a chacun des sous-groupes specialises du Groupe deLyon/Rome. A cet egard, certains membres de ces delegations euro-peennes que nous avons rencontres ont avance le role central du G8,notamment sa capacite a impulser ce qui se fait au sein de l’UE. Enparticulier, l’un des fonctionnaires de la commission de la sectionCybercriminalite et trafic d’etres humains de la Direction GeneraleJustice, Liberte et Securite (JLS) de l’UE, observateur au sein du sous-groupe cybercrime du G8, nous a assure du role moteur de ce sous-groupe dans la mobilisation europeenne. Il nous a egalement indiqueque les bons rapports qu’il entretenait avec le president du sous-groupe, issu du Departement de la Justice des Etats-Unis, l’avaientamene a inviter ce dernier regulierement a des conferences et a des re-unions de travail de la Commission et du Conseil de l’Europe16. Enfin,le Conseil de l’UE Justice-Affaires Interieures (JAI) a invite les Etatsmembres de l’Union europeenne qui ne sont pas membres du G8 aprendre des dispositions pour adherer au reseau d’information du G8(accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre) pour la lutte contre lacriminalite liee a la haute technologie, et ce des 1998.

De maniere generale, les recommandations du Groupe de Lyon/Rome, dans les domaines de la cooperation judiciaire et policiere, cir-culent dans l’ensemble de la communaute internationale (Scherrer2007, 2009a, 2009c). Cette circulation est amplement facilitee par le faitque cette enceinte constitue une plate-forme communicationnelle dechoix. Comme souligne precedemment, s’il est delicat de considerer leGroupe de Lyon/Rome comme un nœud de la gouvernance du fait dumultipositionnement de ses acteurs, celui-ci n’en demeure pas moinsun lieu important d’elaboration et de production de normes en matierede securite, au meme titre que les groupes de travail de l’UE, del’ONU, ou encore de l’OCDE. Faisant intervenir des participants dequatre pays de l’UE (qui interviennent egalement lors des reunionsdes ministres du Conseil de l’Europe), d’un pays asiatique influent, leJapon, de l’Amerique du Nord (Canada et Etats-Unis) et de la Russie,les rencontres en G8 constituent un lieu privilegie pour la diffusion demessages sur la scene internationale. Les points de rencontres, maisaussi de connexions sont ainsi nombreux entre ces acteurs, qui fontcirculer ainsi leur faire-savoir, leur savoir-faire, et leur savoir-dire

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(Scherrer 2009c). Si cette mobilite favorise les connections entre differ-ents lieux d’elaboration de normes internationales, cet effet de circula-tion rend difficile une tentative de recensement des parts respectivesd’influences dans l’economie generale de ce reseau international delutte contre la criminalite transnationale organisee, ou du champ desprofessionnels de la securite. Si l’on peut ainsi identifier des logiqueset des pratiques de reseaux, ou de champs, il est neanmoins difficilede les cartographier de maniere precise, et de rendre compte de leurmobilite et de leur fluidite, tant ces lieux d’elaboration et de diffusionsont rarement clos sur eux-memes. Les processus de circulation et demaniere plus generale les dynamiques relationnelles viennent ainsinuancer la pertinence des outils d’analyse proposes par l’approche entermes de gouvernance nodale, mais aussi celle de la theorie deschamps. Si l’approche en termes de gouvernance nodale et la theoriedes champs permettent toutes deux de penser la fluidite de ces lieuxd’elaboration ou de production de discours et de pratiques, leurs ap-plications echappent rarement a une image figee d’un ensemble tropcomplexe pour qu’on puisse parfaitement le saisir. En effet, si ce multi-positionnement des acteurs permet de comprendre en partie la conver-gence des orientations internationales dans la lutte contre la criminalitetransnationale organisee et le terrorisme, ces effets de circulation ren-dent difficile une tentative de cartographie toujours en mouvementainsi qu’une restitution de la genese des initiatives prises dans cesenceintes internationales, a moins de mettre en place des programmesambitieux de recherche et des methodologies sophistiquees qui bene-ficient de surcroıt d’un acces aux sources primaires, ce qui paraıtvirtuellement impossible dans un contexte multilateral comme celuidu G8.

Conclusion

L’approche en termes de gouvernance nodale et l’utilisation de latheorie du champ montrent donc toutes deux des limites, quand bienmeme la theorie du champ de la securite apparaıtrait comme plus per-tinente dans la comprehension des processus de circulation des acteurset de diffusion des normes du Groupe de Lyon/Rome. Au regard deces limites, force est neanmoins de constater que placer ces deuxapproches des sciences sociales en position de dialogue a permis derelever toutes les difficultes de « penser » l’international et les espacesd’enonciation qu’il autorise. Ce dialogue permet aussi de poser uncertain nombre de questions de recherche qui pourraient etre pro-metteuses dans l’etude de ces espaces transnationaux d’expertise. Si

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les effets de multipositionnement montrent que les acteurs circulentd’une instance a l’autre, favorisant la transmission de savoirs et de pra-tiques, comment alors mesurer la force des liens qui les relient a telleou telle institution d’affiliation ? Ce multipositionnement donne-t-illieu a « l’evangelisation » par ceux qui le pratiquent, des instancesqu’ils frequentent, ou au contraire, favorise-t-il a leur insu la circula-tion des idees et des normes d’une instance a l’autre et a leur reintro-duction dans des espaces nationaux de securite ? Loin d’une volontede degager une rationalite quelconque de ces « experts » internatio-naux, il s’agirait davantage de montrer les points de convergence etde similitude qui les caracterisent dans l’apprehension des modalitesde lutte jugees necessaires contre la criminalite transnationale organi-see, et plus recemment contre le terrorisme. Comment ensuite analyserles affinites et les appartenances institutionnelles si certains acteurs lesmultiplient ? Est-ce la logique nationale, ou l’esprit de corps ou encoredes affinites electives plus personnelles nees de rencontres diverses,riches et variees qui construisent la confiance, la reciprocite et la soliditedes relations ? De cette premiere serie de questions decoule la suivante :si les acteurs sont les moteurs de la circulation et de la diffusion desnormes, quelle place accorder aux memoires institutionnelles et a leurseffets d’homogeneisation ? Autant de questions qui interesseraientsans aucun doute les criminologues, politistes, et internationalistessoucieux de comprendre les dynamiques de construction de la riposteaux menaces transnationales.

Notes

1. Le Programme de recherche Challenge – The Changing Landscape ofEuropean Liberty and Security : www.libertysecurity.org. Le travail deBigo, Bonditti, Bonelli, Chi, Megie et Olsson (2008) reference dans notrearticle fait d’ailleurs partie du cadre de recherche Challenge.

2. Sur ces PTS, on pourra notamment consulter Thierry Delpeuch : L’analysedes transferts internationaux de politiques publiques : un etat de l’art.CERI – Questions de Recherche n�27, decembre 2008. http://www.ceri-sciencespo.com/publica/question/qdr27.pdf (consulte le 17 novembre2009).

3. Cette repartition est presentee de maniere exhaustive dans le chapitre 9 del’ouvrage suivant : Amandine Scherrer, 2009, G8 Against TransnationalOrganized Crime. Aldershot : Ashgate.

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4. L’echantillon des membres du Groupe de Lyon/Rome interroges etaitd’ailleurs reparti de maniere equilibree entre officiels des services de police,de justice, et de la diplomatie.

5. Entretien, mars 2006, NCIS, Birmingham.

6. Entretien, fevrier 2006, ministere de l’Interieur, Paris.

7. Entretien, fevrier 2006, ministere de la Justice, Paris.

8. Voir l’article de Fabrice Alessi (22 mai 2000) en ligne : http://www.01net.com/article/108001.html (consulte le 17 novembre 2009).

9. Voir l’article Hubert d’Erceville (15 mai 2000) en ligne : http://www.01net.com/article/106776.html (consulte le 17 novembre 2009).

10. Voir l’article de Philippe Crouzillacq et Alain Ruello (16 mai 2000) en ligne :http://www.01net.com/article/106677.html (consulte le 17 novembre2009).

11. Voir le Programme de recherche Challenge : www.libertysecurity.org.

12. Le Groupe de Lyon/Rome a ainsi pour mission centrale d’elaborer desbonnes pratiques et des recommandations a vocation internationale. Surla nature et la portee de ces bonnes pratiques, voir Amandine Scherrer,2009c (a paraıtre), Norms and expertise in the global fight against transna-tional organized crime and terrorism. Dans Mark Salter (ed.), Canada-EUSecurity Relations: The Other Transatlantic. Londres : Routledge.

13. Entretien, fevrier 2006, ministere de l’Interieur, Paris.

14. Le role actif du Groupe de Lyon/Rome dans la production normative duG8 face a la criminalite transnationale organisee, ainsi que la place et l’im-portance de ce groupe d’experts dans la structure generale du G8 fontl’objet de plus amples developpements dans Amandine Scherrer, 2009a,G8 Against Transnational Organized Crime. Aldershot : Ashgate.

15. D’un point de vue methodologique, une telle demarche permet de com-pleter la note biographique, et est aujourd’hui amplement facilitee parl’usage de l’Internet, qui ainsi permet de retracer la trajectoire profession-nelle des individus et d’obtenir des informations precieuses sur leur pre-sence a certaines reunions internationales, leur referencement dans descomptes rendus de reunion disponibles en lignes, etc.

16. Entretien, fevrier 2006, Direction Generale JLS, Bruxelles.

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