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Revue d'économie industrielle Organisations, technologies et marchés en création : la genèse des PME high tech Philippe Mustar Résumé Cet article a pour objectif de mieux comprendre la dynamique de développement des PME issues de la recherche. Il s'intéresse aux PME créées ces dernières années par des chercheurs et souligne — à partir de résultats quantitatifs et qualitatifs — les conditions (l'intégration d'un lead-user, le soutien des pouvoirs publics, la conservation des liens avec la recherche, la coopération avec d'autres entreprises) qui sont nécessaires à la réussite et à la croissance de ces entreprises. Abstract This article is a piece of work on the process by which scientific discoveries may be translated into commercially viable innovations. The author examines the case of the phenomenon of firms which have been founded in recent years by researchers in order to exploit their discoveries. The relationships between academic laboratories, firms, local national and international government bodies, clients and final users — demonstrated by the statistical survey and elaborated by the cases studies — are necessary to the success and growth of the enterprise. Citer ce document / Cite this document : Mustar Philippe. Organisations, technologies et marchés en création : la genèse des PME high tech . In: Revue d'économie industrielle, vol. 67, 1er trimestre 1994. PME-PMI et économie industrielle. pp. 156-174. doi : 10.3406/rei.1994.1514 http://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_1994_num_67_1_1514 Document généré le 29/09/2015

Organisations, technologies et marchés en création : la genèse des PME high tech

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Revue d'économie industrielle

Organisations, technologies et marchés en création : la genèse desPME high techPhilippe Mustar

RésuméCet article a pour objectif de mieux comprendre la dynamique de développement des PME issues de la recherche. Il s'intéresseaux PME créées ces dernières années par des chercheurs et souligne — à partir de résultats quantitatifs et qualitatifs — lesconditions (l'intégration d'un lead-user, le soutien des pouvoirs publics, la conservation des liens avec la recherche, lacoopération avec d'autres entreprises) qui sont nécessaires à la réussite et à la croissance de ces entreprises.

AbstractThis article is a piece of work on the process by which scientific discoveries may be translated into commercially viableinnovations. The author examines the case of the phenomenon of firms which have been founded in recent years byresearchers in order to exploit their discoveries. The relationships between academic laboratories, firms, local national andinternational government bodies, clients and final users — demonstrated by the statistical survey and elaborated by the casesstudies — are necessary to the success and growth of the enterprise.

Citer ce document / Cite this document :

Mustar Philippe. Organisations, technologies et marchés en création : la genèse des PME high tech . In: Revue d'économie

industrielle, vol. 67, 1er trimestre 1994. PME-PMI et économie industrielle. pp. 156-174.

doi : 10.3406/rei.1994.1514

http://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_1994_num_67_1_1514

Document généré le 29/09/2015

Philippe MUSTAR Centre de sociologie de l'innovation

École des mines de Paris

ORGANISATIONS, TECHNOLOGIES

ET MARCHÉS EN CRÉATION :

LA GENÈSE DES PME HIGH TECH

Ces dernières années, les recherches et les enquêtes portant sur les petites entreprises innovantes se sont multipliées. De nombreux auteurs ont montré

l'importance de la contribution de ce type d'entreprises aux processus de création technologique et de façon plus générale à la création d'emplois ou au développement économique. L'apparition d'entrepreneurs-innovateurs a été associée à la possibilité de sortie de la crise ou à l'apparition d'une croissance renouvelée, créatrice d'emplois et de marchés. Si les études sont abondantes, c'est parce que cet objet se rattache à de multiples enjeux théoriques. La littérature relative aux petites entreprises technologiques (Mustar, 1994) s'intéresse à plusieurs thèmes récurrents : qui, des grands groupes ou des petites entreprises, sont les champions de l'innovation, quel est le rôle des nouvelles entreprises dans le développement régional et dans la dynamique des systèmes locaux d'innovation, quelles sont les performances de ces entreprises en matière d'exportation, quels sont les déterminants de leur localisation...

I. — LE PROBLÈME

La plupart des analyses citées ci-dessus — qu'elles portent sur la place de l'entrepreneur dans la hiérarchie sociale ou sur l'impact de l'entreprise sur son environnement — ont en commun de rester extérieures à l'entreprise. Dans la plupart des cas, la firme est une donnée, un point de départ dont on étudie les caractéristiques et le contexte. Quelle est la genèse de ces organisations nouvelles ? Depuis Schum- peter, si on reconnaît le rôle joué par la petite entreprise innovante dans l'économie, de nombreux économistes (Rosenberg, 1976 ; Blaug, 1985 ; Coriat et Boyer, 1984) admettent que l'on a rarement expliqué pourquoi et comment elle naît et se développe. La littérature est peu loquace sur les conditions de création de ces entreprises, sur les acteurs en présence, sur l'origine et les conditions de mobilisation de leurs compétences ou sur l'articulation des technologies et des marchés.

L 'objet de cet article est de montrer les conditions de création de ces PMI technologiques et plus précisément des entreprises issues de la recherche. Il se base

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sur l'étude de cent entreprises créées par des chercheurs entre 1984 et 1987 et suivies par l'auteur de 1988 à 1993.

Que représente cette population par rapport au nombre total de création de PMI technologiques ? La France compte près de 440 000 entreprises industrielles ou de services de moins de 500 salariés. Elles se répartissent en 210 530 entreprises « industrielles » et en 228 452 entreprises de services (étude, conseil, assistance). Les PME-PMI (1) de 10 à 499 salariés jouent un rôle majeur dans l'économie française. Leur poids par rapport à celui des grandes entreprises a fortement progressé : elles représentaient 43,5% des effectifs salariés en 1978, contre 53,2% en 1989. Toutes les études le confirment à l'envi : ce sont elles et non plus les grands groupes industriels qui créent aujourd'hui des emplois.

À quel rythme, ce parc de PMI se renouvelle-t-il ? En 1990, 49 000 entreprises nouvelles ont été créées : un tiers (15 881) dans l'industrie et deux tiers (33 250) dans les services aux entreprises (2). Par rapport aux autres pays européens, la France se caractérise par un fort développement du secteur des services aux entreprises. Les responsables de l'ANCE (Agence nationale pour la création d'entreprise) et de l'ANVAR (initialement « Agence nationale pour la valorisation de la recherche » qui a étendu son action au financement de l'innovation technologique) s'accordent pour estimer qu'un peu plus de deux pour mille de ces immatriculations d'entreprises nouvelles concernent la mise en œuvre d'une technique ou d'un produit nouveau à caractère industriel. Ce serait ainsi seulement une centaine d'entreprises de haute-technologie qui serait créée tous les ans. La population étudiée dans cet article (cent entreprises créées sur quatre années) représente à peu près le quart de ces créations d'entreprises high tech en France.

Matériaux et méthode

La création d'entreprise technologique est devenue, tant pour les analystes que pour les politiques, un facteur essentiel du renouvellement du tissu industriel des pays développés. Cependant, en l'absence de données et d'études empiriques, les opinions préconçues et les a priori autour de ces phénomènes sont légions.

Pour saisir les conditions d'émergence des PMI créées par les chercheurs, il était nécessaire de réaliser une enquête portant sur une population nombreuse sans pour autant abandonner les éléments de compréhension qu'apportent les études de cas approfondies. Nous avons donc mené une enquête nationale avec l'ambition de cer-

(1) Selon les organismes (INSEE, ANCE, CEPME...) la définition des PME-PMI varie : certains prennent en compte toutes les entreprises de moins de 500 salariés, d'autres ne considèrent que celles dont le nombre de salariés est compris entre 10 et 500, d'autres encore celles dont le nombre de salariés est compris entre 20 et 500.

(2) En fait près de 180 000 entreprises sont créées tous les ans en France, mais seulement plus de 45 000 dans l'industrie ou les services aux entreprises (les autres sont des professions libérales, des commerces...). L'année 1989 aura été un très grand cru : le nombre annuel de créations d'entreprise atteint un chiffre record, 214 321 entreprises nouvelles on été créées cette seule année (Mesleard, 1992) (Letowski, 1992).

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ner l'importance du phénomène de la création d'entreprise par les chercheurs (3) en France et d'en construire un bilan chiffré. Notre enquête se base à la fois sur un important travail de terrain qui a donné lieu à de longues monographies (nous avons rencontré plusieurs dizaines de chercheurs-entrepreneurs, visité leurs entreprises, observé leur diversité) et sur deux enquêtes quantitatives. Une première enquête postale a été menée en 1988 et une seconde entre 1992 et 1993 qui nous a permis de suivre la dynamique de cent entreprises créées par des chercheurs (4).

Dans la suite de cet article nous présenterons successivement quelques caractéristiques de la population étudiée (section II) et quatre dimensions principales qui caractérisent ces entreprises et qui nous paraissent être autant de conditions à leur création et à leur développement (sections III à IV).

II. — PRESENTATION DE LA POPULATION ÉTUDIÉE

Les cent sociétés analysées — qui ne représentent pas simplement un échantillon puisque nous avons essayé d'être le plus exhaustif possible dans notre enquête — sont réparties sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elles sont cependant particulièrement implantées dans les régions d'Ile-de-France et de Provence- Alpes- Côte d'Azur. Plus loin derrière arrivent les régions Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais et Alsace.

NOMBRE D'ENTREPRISES PAR PÔLE RÉGIONAL

(3) Notre corpus retient les entreprises créées par un ou plusieurs chercheurs qui participent ensuite à son développement. Est qualifié de chercheur toute personne ayant pratiqué des activités de recherche au sein d'un laboratoire. Le corpus exclut les entreprises nouvelles qui font de la recherche, mais à l'origine desquelles on ne trouve pas de chercheur, comme il exclut celles créées par des chercheurs dans des domaines qui n'ont rien à voir avec leur pratique professionnelle (telle l'ouverture d'une pizzeria ou d'une boutique de vêtements, des cas que nous avons rencontrés).

(4) Différentes trajectoires ont ainsi été mises en évidence. Elles sont exposées dans notre contribution à l'ouvrage collectif « De la coordination. L'économie des réseaux » (M. Callón, P. Cohendet, N. Curien, F. Eymard-Duvernay, D. Foray et Ph. Mustar), à paraître, 1994.

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Cette population recouvre l'ensemble des secteurs de la haute technologie : biotechnologies, informatique, logiciel, intelligence artificielle, robotique, télécommunications, nouveaux matériaux... Mais les activités d'un grand nombre de ces entreprises sont transverses à plusieurs secteurs (nouveaux matériaux pour l'électronique, imagerie biologique ou logiciels pour les biotechnologies...). Elles mettent en cause nombre de classifications traditionnelles qui semblent ne plus parvenir à expliquer les mouvements actuels des sciences et des techniques. Le classement ci-dessous est donc provisoire, les « entreprises scientifiques » ne s'y laissent pas facilement enfermer.

Chimie fine ■H Biotechnologies H|

Robotique ■■ Télécommunications HI

Opto-élcctroniquc H^ Electronique H| Informatique hH|

Répartition des entreprises par secteur d'activité

■■■ 7 ■■■■■■■■■■ 1 8 HH5 ■15 I^^^HHHHH 1 4 ■HHHBBHBHH 1 7

Un rapport international (OCDE, 1987) notait que, aux États-Unis, les industries de haute technologie ne sont pas à l'origine de créations massives d'emplois. Les entreprises que nous avons repérées n'infirment pas cette proposition, mais, compte tenu de leur taille de départ et de leur jeune âge, elles contribuent néanmoins à créer des emplois : plus de mille cents au total en 1988. Les entreprises créées par des chercheurs comptent à l'origine un petit nombre de salariés (deux ou trois) : après quelques années d'existence, ce chiffre est multiplié dans la plupart des cas par quatre ou cinq.

Les entreprises de notre population ont un effectif moyen de 11,3 salariés (la médiane est de 8 salariés). Notre population montre pour le caractère « nombre de salariés » une étendue relativement forte : les deux cas extrêmes vont de 0 à 70 salariés.

Pour évaluer l'importance de cette taille, il faut la rapporter à la taille moyenne des entreprises nouvellement créées en France : cinq années après leur création, les entreprises de l'industrie et des services comptent en moyenne 3,8 salariés (Letowski, 1992). Nos entreprises, qui ont, elles, entre un et quatre ans, sont donc en moyenne déjà trois fois plus créatrices d'emplois. Le chiffre d'affaires moyen de ces entreprises est de 4,6 millions de francs (avec une étendue statistique très forte : de 0, 10 MF à 3 1 MF). Ce chiffre d'affaires est dû à la fois à la commercialisation d'études et à celle de produits. Ces deux activités semblent difficilement separables : les deux tiers des entreprises réalisent des produits mais cette activité s'accompagne de la vente d'études. Nous n'avons pas des entreprises de service face à des entreprises de production mais un assemblage des deux, une forme hybride qui traverse l'ensemble des secteurs et des tailles d'entreprises.

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Liste de produits réalisés par les cent entreprises

Poignet pour robot, système de commande en temps réel, robot d'assemblage, outils matériels, calculateurs et logiciels, calculateurs de gestion technique centralisée, images de synthèse, cartes de traitement d'images, système d'archivage optique, systèmes d'utilisation de cartes à mémoires, logiciels et services de conception assistée par ordinateur pour la modélisation moléculaire, matériels péri-informatique d'acquisition de données, logiciels pour systèmes en temps réparti, logiciels CFAO, tests pour la médecine humaine et pour le secteur agro-alimentaire, logiciels d'intelligence artificielle, systèmes experts, capteurs opto-électroniques, masters et matrices pour disques laser, appareils d'essai de matériaux, circuits intégrés et micro logiciels, circuits électroniques, disques interactifs, logiciels scientifiques, systèmes de création d'images de synthèse, logiciels graphiques 2D et 3D, logiciel CPAO, revêtement anti-usure et anti-corrosion pour l'électronique, capteurs de localisation, appareils de mesure de caractéristiques optiques, générateurs d'interfaces graphiques et de systèmes experts, logiciels de visualisation, logiciels graphiques industriels, créations végétales et semences, vitro-plants ligneux ou horticoles, catheters, capteurs micro-électriques, appareils d'analyse des mouvements occulaires, machines industrielles micro-ondes, matériel de télémesure et télécontrôle, composants opto et micro-électroniques, laser à usage médical, semi-conducteurs, systèmes experts de diagnostic technique, robots mobiles et contrôleurs, instruments, systèmes optoélectroniques, générateurs d'ultra-sons, matériels et réactifs de laboratoire, coffrets immunologi- ques, prothèses médicales, liant bactéricide pour peinture, outils de génie logiciels, éléments optiques holographiques, capteurs à fibres optiques, réactifs, enzymes de restriction et de modification, sondes d'ADN, peptides de synthèse, nouvelles variétés de légumes, semences hybrides, microstations et logiciels d'imagerie biologique, dérivés de sucres, formulation d'ingrédients alimentaires, isotopes et radio-actifs, produits de chimie fine...

Les créateurs de ces PME sont d'origines institutionnelles variées (laboratoires de recherche d'universités, d'organismes de recherche, d'écoles d'ingénieurs, de grands groupes industriels...)- La création d'entreprise est un acte collectif : 209 chercheurs ont participé à la création des cent sociétés analysées. Dans plus d'un cas sur deux le ou les chercheurs ont créé l'entreprise avec une ou plusieurs personnes extérieures au monde de la recherche (industriels, chefs d'entreprises, financiers, commerciaux...). Notons que ce sont dans la majorité des cas les scientifiques plus que les gestionnaires ou financiers qui dirigent ces entreprises ; cela est également vrai pour huit des dix entreprises les plus importantes de notre population où c'est le chercheur qui occupe le poste de PDG.

Les résultats de notre questionnaire de treize pages ont fait l'objet d'un travail statistique, qui a été combiné à un travail monographique important (Mustar, 1993). Ces allers et retours entre le quantitatif et le qualificatif convergent autour de quatre résultats principaux qui nous paraissent être autant de conditions nécessaires à la création et au développement de ce type d'entreprise. Ces conditions font l'objet d'un développement dans les sections suivantes.

III. — NE PAS COUPER LE CORDON OMBILICAL AVEC LA RECHERCHE

La première de ces conditions concerne les connexions de ces entreprises avec le laboratoire d'origine des chercheurs et plus largement avec la recherche. Les entreprises créées par les chercheurs ont pour base les connaissances mises au point et les compétences développées dans le laboratoire. Leur création repose sur le laboratoire et sur les relations que celui-ci a capitalisées depuis son origine : ce sont souvent les clients de ses recherches qui deviennent les premiers clients de l'entreprise. Les entreprises que nous étudions peuvent-elles se connecter à un marché tout en restant liées à la science ? Y a-t-il une opposition fondamentale entre ces deux termes ? Opposition que souligne l'expression maintes fois entendue à

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propos de « La » condition de succès de ces entreprises : « il faut couper le cordon ombilical avec la recherche ! ».

Nos études de cas détaillées ont mis en évidence l'importance des relations entre les entreprises et le monde de la recherche publique. Notre démarche a alors consisté à mesurer l'intensité des liens que chaque entreprise conservait ou tissait avec un ou plusieurs laboratoires académiques, à définir différents groupes d'entreprises et à mesurer leurs performances économiques respectives. L'encadré suivant présente la batterie de dix critères qui ont permis de mesurer les relations que ces entreprises entretiennent avec la recherche.

Liste des dix types de liens avec la recherche

— Le ou un des chercheurs créateurs conserve des liens institutionnels avec son laboratoire, — le budget consacré à la R&D par la société dépasse 10% du chiffre d'affaires, — il existe une activité de recherche organisée dans l'entreprise (au moins un scientifique en

équivalent plein temps), — l'entreprise est localisée sur un campus universitaire ou dans un parc scientifique, — les créateurs de l'entreprise participent à des colloques scientifiques, — les créateurs de l'entreprise présentent des communications lors de colloques scientifiques, — les créateurs de l'entreprise publient des articles scientifiques, — l'entreprise accueille des thésards qui partagent leur temps entre l'entreprise et un laboratoire

public, — l'entreprise a recours à des chercheurs comme conseillers extérieurs, — l'entreprise est engagée dans au moins un accord de coopération dans le domaine de la R&D

avec d'autres sociétés.

En calculant à combien de critères répond chaque société, on mesure de façon synthétique l'intensité de ses liens avec la recherche. Cela a permis d'obtenir une partition des entreprises en trois classes : deux groupes extrêmes ayant peu de liens pour l'un (25 cas) et beaucoup pour l'autre (30 cas), et un groupe intermédiaire (45 cas). C'est aux deux groupes les plus différenciés (liens faibles et liens forts) que nous nous intéressons ici.

Ces deux classes présentent — résultat inattendu — plusieurs caractéristiques opposées : le chiffre d'affaires est, dans le groupe peu lié à la recherche, inférieur de moitié au chiffre d'affaires moyen des entreprises du groupe très connecté à la recherche (3,1 MF contre 6,7 MF) ; les entreprises liées à la recherche exportent plus que celles du groupe ayant construit peu de liens, elles réalisent proportionnellement moins d'études donc plus de produits et ont un nombre de salariés et de cadres deux fois supérieur.

Les entreprises qui ont connu les développements les plus importants (mesurés en nombre de salariés) sont celles qui ont tissé les liens les plus étroits avec des laboratoires publics de recherche : elles confient dans le cadre de contrats de recherche des travaux à des laboratoires du secteur public, elles disposent en interne d'une équipe de recherche qui comprend des chercheurs en formation notamment dans le cadre de conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), elles ont tissé des relations avec des scientifiques français et étrangers qui interviennent dans leur conseil scientifique ou en tant que consultant. Les collaborations entre l'entreprise et la recherche publique prennent des formes multiples et ne peuvent être appréhendées avec un schéma simple et à sens unique de captation des ressources des laboratoires par le secteur privé. Les chercheurs des entreprises les plus

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performantes de notre population présentent des communications dans des colloques scientifiques internationaux, signent des articles dans les revues scientifiques et assurent des enseignements de troisième cycle à l'université. Dans ces coopérations se mêlent les échanges marchands (les contrats de recherche ou d'analyse) et les relations de confiance (Cassier, 1992). Elles se caractérisent également par la circulation des personnes : universitaires, conseillers ou consultants, étudiants stagiaires qui viennent dans l'entreprise, jeunes chercheurs préparant une thèse à temps partagé entre l'entreprise et un laboratoire public, membres de l'entreprise qui suivent une formation à l'université, y assurent des cours, et se rendent dans des colloques scientifiques. Cette circulation des compétences s'accompagne d'échanges de substances, de produits, de tests, d'appareils, de revues, d'articles, de rapports... Aux trois modalités classiques de coordination que sont les échanges marchands, les relations hiérarchiques et la confiance, il est nécessaire d'ajouter, pour comprendre les relations qui s'établissent entre la recherche académique et ces entreprises trois autres modalités : la circulation des textes, celle des artefacts et enfin celle des compétences incorporées dans les êtres humains (Callón, 1991).

Ces résultats vont largement à rencontre de l'idée que pour réussir les entreprises doivent « couper le cordon ombilical avec la recherche ». Au contraire, plus les liens ont été tissés, plus le développement de l'entreprise est fort. Il est d'autant plus remarquable de noter que plus les entreprises sont anciennes et comptent de salariés, plus elles ont des relations fortes avec la recherche. Mais aussi que plus les entreprises ont développé en interne une forte capacité de recherche (mesurée en nombre de chercheurs) et plus forts sont leurs liens avec des laboratoires publics. Il n'y a donc pas opposition entre internalisation et externalisation de la recherche mais bien complémentarité. Cette complémentarité avait déjà été signalée pour les grands groupes industriels (Foray et Mowery, 1990) ; elle existe également pour les petites entreprises technologiques.

En définitive, même après quelques années d'existence, les entreprises créées par les chercheurs restent très connectées à la science. Les connaissances, les savoir- faire, les objets techniques produits par les laboratoires de recherche sont rarement utilisables tels quels hors de l'enceinte de l'université ou de l'organisme de recherche. Mais les laboratoires ne sont pas situés sur une marge « amont », ils sont présents durant tout le processus. Pour la grande majorité des entreprises étudiées, les laboratoires de recherche sont des points de passage obligé que l'on croise et re-croise régulièrement.

IV. — LE MOUVEMENT D'INTÉGRATION-DÉTACHEMENT D'UN LEAD-USER

La seconde dimension concerne les liens de l'entreprise avec ses clients. La sociologie des sciences et des techniques a montré comment l'interface produit-usager était un lieu stratégique pour comprendre l'échec ou le succès d'une innovation (Akrich, 1989). L'économie du changement technique a souligné l'importance des processus d'interaction entre utilisateurs et producteurs dans la réussite des innovations (Freeman, 1990). Von Hippel [1976 /£459] a analysé plus d'une centaine d'innovations dans le secteur de l'instrumentation scientifique pour noter comment leurs futurs utilisateurs avaient joué un rôle moteur dans la conception et

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la mise en forme de ces innovations. La création technologique déborde les limites de l'entreprise puisque, dans de nombreux domaines, elle fait intervenir les utilisateurs finals dans la conception même des produits. Les processus d'interaction entre utilisateurs et producteurs ont également été étudiés (Rosenberg, 1982) (Lundvall, 1988). Lundwall a montré que pour comprendre la dynamique des systèmes nationaux d'innovation il était nécessaire de prendre en compte non seulement la science et l'industrie mais aussi les utilisateurs finals. D'autres auteurs (David, 1986) (Arthur, 1989) soulignent encore l'importance des premiers usagers qui vont placer l'innovation sur une trajectoire et dans le même mouvement la solidifier et l'irréversibiliser.

Les réponses au questionnaire ont mis en évidence la participation quasi-générale des entreprises étudiées à un marché inter-firmes : dans 96 cas sur 100 les entreprises comptent parmi leurs clients d'autres entreprises. Cependant dans plus d'un cas sur deux des administrations sont également dans les clients de ces entreprises, mais elles n'apparaissent jamais seules ; elles sont toujours liées à d'autres clients. Ces deux derniers résultats infirment l'hypothèse d'entreprises ne vivant que de contrats publics (Stankiewicz, 1986). Comme l'a montré la section III de cet article, une majorité d'entre elles met au point, fabrique ou vend des produits et cela, nous le savons maintenant, pour des administrations (un cas sur deux), mais surtout pour d'autres entreprises (dans presque tous les cas).

Le questionnaire demandait quelle part de son chiffre d'affaires l'entreprise réalise-t-elle avec son client principal et avec ses cinq plus importants clients ? En moyenne, les entreprises réalisent plus du tiers de leur chiffre d'affaires avec leur principal client. Et 73 sociétés réalisent plus des deux-tiers de leur chiffre d'affaires avec moins de cinq principaux clients. L'intégration d'un lead-user est la condition du démarrage de l'entreprise : nous sommes face à un processus de production, qui mêle la réalisation de produits et d'études, et dans lequel quelques clients principaux jouent un rôle dominant. Une autre image s'effrite : celle du chercheur-génial inventant un nouveau produit puis changeant d'univers en quittant son laboratoire, sa découverte sous le bras, pour la commercialiser. Nos études de cas ont montré qu'il s'écoulait souvent au moins une année entre la création de l'entreprise et ses premières ventes. Comme la création de technologie, la construction d'un marché est un processus lent dans lequel ces quelques clients initiaux jouent un rôle capital. L'adaptation du produit au client en aval et la nécessité de mener des études spécifiques en amont caractérisent les marchés sur lesquels opère l'entreprise technologique. Nous retrouvons là des processus d'inter- raction entre utilisateurs et producteurs déjà signalés qui soulignent que le succès des innovations dépend de la prise en compte et de l'intégration de ces quelques clients privilégiés.

Nombreux sont également ceux que nous avons rencontrés, non seulement dans la littérature sur le management de l'innovation, mais aussi dans l'administration de recherche ou dans le capital-risque qui conseillent à ces entreprises de se détourner de la recherche pour « s'intéresser au client, au marché ».

Nous voudrions tempérer cet engouement pour le marché et montrer que l'intégration des « besoins » des lead-users et de leurs « demandes » dès les phases initiales de conception des premiers produits, si elle garantit leur mise au point et leur vente, devient bien vite pénalisante, voire dangereuse pour l'entreprise.

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Nos enquêtes de terrain nous ont révélé que le fait de travailler avec quelques clients pour lesquels sont développés des produits sur mesure conduit l'entreprise sur une trajectoire qu'elle aura ensuite du mal à quitter : une fois que telle entreprise productrice par exemple de machines micro-ondes industrielles a développé des compétences, des techniques, des relations pour des clients appartenant au secteur de P agro-alimentaire, il lui est difficile de passer à un autre type de clientèle comme celle des fabricants de composants électroniques ou de nouveaux matériaux. Passer à un autre type de marché, à l'utilisation des micro-ondes dans d'autres secteurs industriels, répondre à d'autres demandes oblige à une reconception générale de tout ce qu'incorpore l'appareil micro-ondes qu'elle fabrique : les savoir-faire collectifs de l'entreprise, les liens avec des équipes universitaires, les salons et les foires où l'on rencontre des clients... Il faudra embaucher des ingénieurs avec des compétences différentes, modifier profondément la forme des applicateurs d'ondes, leur intensité ; changer de clients oblige à des investissements considérables qu'une petite entreprise peut difficilement engager. Les premiers clients ont cet inconvénient de diriger l'entreprise sur une trajectoire qui, au fil des années, devient irréversible. C'est cette irréversibilité qui permet de comprendre pourquoi un grand nombre de ces entreprises ne connaît pas un développement important.

Les clients sont si fortement intégrés à la firme que cette dernière n'a plus aucune autonomie face à eux. Beaucoup de ces entreprises sont totalement inscrites dans leur marché, dans les deux ou trois clients qui les font vivre ; leur capacité de réflexion personnelle sur l'avenir est faible. Trop « intégrer le marché », trop « écouter le client » est une stratégie qui ligote l'entreprise, qui la rend prisonnière de ce marché, qui la prive de toute autonomie c'est-à-dire de toute capacité à jouer avec le marché. Les thèses prônant l'intégration du client — qu'elles viennent des économistes ou des sociologues — deviennent alors auto-destructrices. Ces entreprises ont tellement intégré le client, elles sont tellement ouvertes à celui- ci qu'elles sont prises dans un incessant recommencement qui les oblige à faire un produit sur-adapté chaque fois, à chaque demande particulière. Le produit n'a aucune mobilité pour passer d'un client à l'autre, il doit chaque fois être repris à zéro.

La capacité de se détacher de ses premiers clients est un facteur essentiel de croissance pour ces firmes. Nous sommes là face à un problème théorique central : il ne s'agit pas seulement de s'attacher le marché, mais aussi de savoir comment le maîtriser. Pour cela une dialectique attachement-détachement est nécessaire.

Le passage du produit unique à la gamme, la distribution des produits d'autres entreprises, la mise au point d'un standard... sont quelques unes des stratégies que mettent en place les entreprises pour détacher le produit de ses lead-users. Mais ce passage a un coût qui ne peut généralement être supporté par l'entreprise : c'est là que l'intervention des pouvoirs publics devient cruciale.

V. — LE ROLE MOTEUR DES POUVOIRS PUBLICS

L'apparition d'entreprises créées par des chercheurs, que l'on peut, à première vue, ne rapporter qu'à des initiatives individuelles, provient en partie des possibi-

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lités croissantes offertes par le système de la recherche, la décentralisation, le changement de statut des institutions, les politiques et les aides publiques visant à l'innovation technologique, la création et le développement de parcs scientifiques et technopoles, la multiplication des sociétés de capital-risque... Les domaines dans lesquels les chercheurs entreprennent, investissent et innovent, les exposent en permanence au risque de faillite. Pour un grand nombre de leurs entreprises, les résultats ne viendront en outre que plusieurs années après les premiers investissements. Aussi les entrepreneurs que nous avons rencontrés insistent-ils beaucoup sur le rôle des aides de l'État et plus généralement des pouvoirs publics (qu'ils soient régionaux, nationaux ou communautaires) : sans eux, de nombreuses sociétés n'existeraient plus ou n'auraient jamais été créées.

Par quelles voies l'État intervient-il ? Tout d'abord par la réglementation qui facilite la mobilité des chercheurs (qui trouvent la possibilité d'être détachés, mis à disposition ou en congé spécial...). Les pouvoirs publics interviennent également par tout un ensemble d'aides à la création d'entreprise et à la mise au point de projets. Dans ce qui suit seront précisés les montants et les formes de ces soutiens.

1. Des soutiens importants et diversifiés

Nous avons calculé le montant des aides publiques que ces entreprises ont obtenues à leur création (ne sont prises en compte dans ce calcul que les aides financières à la création d'entreprise, de PAnvar, de la Datar, du conseil régional, d'un ministère...). D'autres types de soutiens publics ont été accordés mais, ils n'apparaissent pas comme étant liés à la création d'entreprise (contrats CIFRE, crédits d'impôts, financements communautaires...) ; ils sont exclus de ce calcul (nous ne disposions pas d'évaluation de leur montant) qui doit donc être considéré comme une estimation basse et indicative.

Notre calcul fait apparaître trois classes : celle des entreprises qui déclarent ne pas avoir obtenu d'aides de la part des pouvoirs publics (31 cas), celles qui ont obtenu moins de 500 000 francs d'aides (36 cas) et celles qui ont obtenu 500 000 et plus (33 cas dont 25 pour plus d'un million de francs). Il existe une corrélation entre la taille de l'entreprise et le financement public : dans la classe « plus de 20 salariés », une entreprise sur deux a reçu plus d'un million de francs contre une sur trois dans celle de 11 à 20 salariés, et une sur six dans les classes de dix salariés et moins. Parmi les entreprises qui ont connu les développements les plus importants, celles qui ont reçu des aides publiques lourdes à leur démarrage sont sur-représentées. Nos monographies montrent que les soutiens financiers publics continuent, sous des formes variées, bien après la création de l'entreprise. Avoir des liens durables avec les pouvoirs publics (ministères, conseils régionaux, agences diverses...) nous semble être une des caractéristiques fortes de ces entreprises.

Elles ont également reçu des aides non financières : cinquante-quatre d'entre elles ont bénéficié de prêts de locaux ou de locations à tarif préférentiel et/ou de prêts ou de locations à tarif réduit de matériel. Les institutions d'origine des chercheurs, les municipalités, les centres de transferts, les pépinières d'entreprises... ont facilité leur installation. Le poids des systèmes locaux d'innovation est important : les acteurs régionaux marquent la volonté affirmée de jouer un rôle dans le transfert de connaissances de la recherche vers l'industrie, signe de l'émergence d'un nouveau type de partenariat où se mêlent autour d'un même projet l'univer-

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sité, l'industrie et la collectivité locale. Notons que sur les trente et une entreprises qui ont répondu de façon négative à la question sur l'obtention de soutiens financiers, quinze ont bénéficié de soutiens matériels non monétaires. Ces aides financières et matérielles des administrations publiques s'accompagnent de conseils et d'une activité de mise en relation avec d'autres acteurs : le court exemple ci-dessous illustre le rôle stratégique de cette autre forme de soutien.

2. « Mon Dieu que l'État français peut aider ses créateurs ! »

Nel, chimiste, est directeur de recherche au CNRS quand il fait déposer par son institution un brevet sur un biocapteur pour l'industrie agro-alimentaire. La poursuite de ses recherches sur ce sujet l'oblige à trouver des financements extérieurs au CNRS. Un collègue le met en contact avec l'ANVAR qu'il ne connaissait pas. L'expert délégué par cette agence juge positivement son projet ce qui lui permet de bénéficier d'une aide au laboratoire de 540 000 francs pour étudier la possibilité de production de capteurs enzymatiques pour le secteur agro-alimentaire. Après une année de travail au laboratoire les financements sont épuisés mais, malgré de bons résultats, Nel n'a pu aller jusqu'à la production d'un prototype. L'ANVAR apporte à nouveau son soutien soit 480 000 francs supplémentaires et finance également une première étude de marché d'un montant de 80 000 francs. Cette étude conclut qu'une demande existe et que le marché se révèle important. Nel propose son produit à un grand groupe industriel : « Nous n'avons pas envie d'avoir une nouvelle danseuse à entretenir » lui répond-on. « Pourtant, un prototype avait été mis au point, un brevet avait été déposé par le laboratoire, et des clients potentiels s'étaient déjà manifestés » commente Nel. Le refus du groupe industriel est pour lui un déclic : la création d'une entreprise est la seule façon de porter sur le marché le résultat des années de travail du laboratoire. Nel entre en contact avec le responsable de la technopole proche de son laboratoire qui le met au courant de,s soutiens que cette organisation apporte aux créateurs d'entreprises technologiques. Se pose alors la question de la participation de Nel au capital de l'entreprise. Nel se rend Quai Anatole France au siège du CNRS et y rencontre la responsable des relations industrielles : « je veux bien accompagner cette entreprise explique-t-il mais en aucun cas je ne veux quitter mon laboratoire ». La direction du CNRS l'assure de son soutien et d'un arrangement institutionnel s'il change d'avis ; elle le met également en contact avec différentes sociétés de capital-risque prêtes à investir dans ce type de projet. « Peu à peu je me suis décidé à envisager la création d'une entreprise par moi-même ». L'ANVAR lui accorde une nouvelle aide personnelle de 350 000 francs pour mener une étude de marché plus poussée et une étude de faisabilité pour la création de l'entreprise. De plus le délégué régional de cette agence lui apprend à établir un « prévisionnel » et un plan comptable. Nel mobilise l'épargne de ses proches et accompagné de sociétés de capital-risque crée une entreprise avec un million de francs de capital. Il est de plus mis à disposition par le CNRS qui continue à lui accorder son soutien. Entre la création juridique de l'entreprise et la première vente, quatorze mois se sont écoulés. Le marché de l'entreprise est composé à quatre- vingt pour cent de PMI. Vingt pour cent du chiffre d'affaires sont réalisés avec des contrats publics de recherche. « On a eu de gros problèmes, dans les nouvelles technologies on a toujours des pépins : vous faites un prévisionnel et vous êtes toujours en décalage. La première vente a eu lieu huit ou neuf mois après la date prévue. Sans les aides publiques, il y aurait eu dépôt de bilan ». « Mon Dieu ce que l'État français peut aider ses créateurs ! » insiste Nel. En plus des différents soutiens financiers de l'ANVAR qui

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ont été évoqués, il a obtenu une aide du Conseil régional de 400 000 francs (« c'est une aide remboursable, mais ça ne fait rien, ce qui compte c'est l'avance liquide qui arrive »). Puis c'est le ministère de la Recherche qui lui a attribué un contrat de recherche, et accordé des CIFRE (ces Conventions Industrielles de Formation pour la Recherche permettent à deux jeunes chercheurs d'effectuer ajourd'hui leur thèse dans l'entreprise). L'entreprise bénéficie également de la procédure d'embauché d'un chercheur gérée par l'ANVAR et du crédit d'impôt recherche.

Les ancrages avec l'État apparaissent bien comme la troisième condition du démarrage de ces entreprises. Sans les efforts des institutions publiques pour créer des liens entre le monde de la recherche et celui de l'industrie, sans les financements incitatifs accordés aux chercheurs pour travailler sur les utilisations industrielles de leurs recherches, sans les aides à l'innovation de l'ANVAR et le soutien du CNRS... la société n'existerait pas. Les pouvoirs publics ont largement financé le démarrage des entreprises étudiées : sept sur dix déclarent avoir bénéficié d'aides financières significatives (plus de 500 000 francs). À côté des aides et des subventions, les conseils apportés par les responsables du transfert, par les délégués régionaux de l'ANVAR, par les animateurs de technopoles ont été décisifs. Ces soutiens, encouragements et arrangements non financiers jouent un rôle déterminant dans le processus de création de l'entreprise. Nos enquêtes ont montré que le capital- risque et le capital industriel existent (le premier est présent au démarrage dans 33 entreprises et le second dans 38) mais sont moins importants que les financements publics et arrivent une fois que les connexions avec le secteur public sont établies. Les pouvoirs publics ont à la fois un rôle d'initiateur, de déclencheur mais aussi d'accompagnateur dans la création de l'entreprise. Par leurs systèmes d'aides régionales, nationales, ou thématiques, ils sont un partenaire économique qui construit des réseaux et qui créé des relations qui ne se développent pas spontanément. À côté des administrations nationales ou régionales, les programmes technologiques de la Commission des Communautés européennes et l'initiative Eurêka jouent un rôle déterminant dans le développement des entreprises créées par les chercheurs en favorisant notamment leurs collaborations avec d'autres entreprises.

VI.— LES BENEFICES DE LA COOPERATION INTER-FIRMES

Les alliances technologiques entre firmes sont une des caractéristiques majeures de la dynamique industrielle contemporaine. Les accords inter-firmes, tout comme les relations entre les entreprises et les universités, ont toujours existé ; mais depuis les années 80, toutes les banques de données qui les recensent, signalent leur forte expansion. Les observateurs soulignent l'étendue et la variété des formes que prennent ces alliances mais aussi la diversité des raisons et des facteurs qui expliquent leur développement (Walsh, 1992 ; Mytelka, 1991 ; Link et Bauer, 1989 ; Walsh, 1988). D'autres ont montré l'éventail des formes que peuvent prendre les accords entre les entreprises : ils peuvent se limiter à la R&D (Larédo et Callón, 1990) mais aussi impliquer des arrangements concernant l'accès au marché et la commercialisation conjointe (Chesnais, 1988).

Les multiples travaux menés ces dernières années l'ont été principalement sur les grandes firmes. Ils ont montré comment l'établissement de ces coopérations s'accompagnait de profondes transformations dans la structure et dans l'organi-

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sation même des entreprises (Hagedoorn et Schakenraad, 1990). Qu'en est-il des PME technologiques, et plus particulièrement de celles que nous étudions ? Ces accords existent-ils ? Avec qui sont-ils conclus ? Dans quel cadre ? Et surtout qu'apportent-ils à nos entreprises ? Les entreprises que nous avons interrogées participent massivement à des coopérations inter-firmes : 54 entreprises déclarent participer à une collaboration dans le domaine de la recherche avec des entreprises françaises, et 31 déclarent participer à ce type de collaboration avec des entreprises étrangères.

Plusieurs entreprises créées par des chercheurs et engagées dans des coopérations européennes ont plus particulièrement été étudiées. Certaines dans le cadre du programme communautaire Esprit, et d'autres dans le cadre du programme Eurêka. Les questions de la coopération inter-firmes et du rôle des financements publics en faveur de la coopération internationale ont été traitées dans le même mouvement puisque elles sont apparues pour ces jeunes PME comme inextricablement liées. Nous n'avons rencontré que très peu d'alliances technologiques interfirmes construites hors de ces programmes ; là encore les financements publics sont indispensables : la coopération a un coût que de petites entreprises peuvent difficilement prendre en charge.

L'exemple qui suit souligne quelques uns des apports qu'ont retiré les sociétés de leur participation à un programme technologique. L'entreprise A est la plus performante de notre population, elle a été créée par plusieurs chercheurs de l'université et de 1' INRI A avec le soutien des pouvoirs publics. Elle produit des outils de génie logiciel utilisés par des professionnels de l'informatique comme systèmes d'aide ou de contrôle du développement de leurs propres logiciels. Ces outils accompagnent le logiciel dans tout son cycle de vie : la spécification, la conception, la définition, la génération des codes, les tests, la simulation... Parmi les multiples facteurs qui permettent de comprendre la réussite que connaît l'entreprise aujourd'hui, ses dirigeants attribuent une toute première place à la participation de la firme au programme communautaire Esprit.

Un premier projet Esprit a été initié dans le laboratoire, un autre alors que l'entreprise venait d'être créée. Ce second projet comptait trois partenaires (A et deux autres PME, l'une française, l'autre belge) et cinq sous-contractants (des grands groupes, Bull et Entel, des organismes de recherche, le CNET et PETSIT — École polytechnique espagnole — et le laboratoire d'origine des créateurs de l'entreprise). Ce projet a duré un peu plus de 40 mois et a été doté de plusieurs millions de francs. L'objectif du projet était « de réaliser un atelier-logiciel capable d'aider à la conception de protocoles de systèmes distributeurs, générateurs et simulateurs de codes avec un langage spécifique ». Mais, nous confie son responsable, « il n'y a pas de retour direct à proprement parler, on a diffusé le produit car il était de bonne qualité à une dizaine d'universitaires qui l'ont acquis pour le prix de la disquette ». Si l'on s'arrêtait à ce stade, une évaluation économique du projet serait négative : plusieurs millions de francs ont été dépensés sans qu'en définitive un chiffre d'affaires significatif ait été généré par les résultats de cette collaboration dans le cadre d'Esprit.

Les travaux du BETA (BETA, 1988 ; Cohendet et Lebeau, 1988 : Bach et al., 1991) sur l'évaluation économique des programmes, ont permis de repérer à côté de ces efforts directs un ensemble de bénéfices qui ont été qualifiés d'indirects

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et qui portent leurs fruits sur le moyen ou le long terme. Nous inspirant de cette démarche, ce sont quelques uns de ces bénéfices que nous allons tenter de caractériser. En effet, trois ans après le terme de son contrat, et alors qu'elle participe encore à d'autres projets communautaires et au programme Eurêka, l'entreprise compte près de trois cents salariés et dispose de quatre agences commerciales en France, d'une filiale et de deux antennes aux États-Unis, de trois en Europe et d'un réseau de distributeurs qui couvre le reste de l'Europe, le Japon, Israël et la plupart des pays de l'Asie du Sud-Est. Son chiffre d'affaires avoisine les 135 millions de francs (soixante pour cent sont réalisés en France et le reste à l'étranger). Il est obtenu à hauteur de trois quarts par la vente de produits (un des logiciels de l'entreprise a plus de 6800 licences dans le monde). Le quart restant est constitué par des travaux spécifiques pour des clients qui demandent aux logiciels des fonctions particulières ou des écritures en langage spécifique.

Comment comprendre cette réussite, ce passage en quelques années de dix à plus de trois cents salariés ? Les responsables de la société attribuent sans détour ce succès à la participation de l'entreprise au programme Esprit. Les bénéfices de la collaboration portent sur les trois points principaux suivants :

1. Le développement d'une nouvelle activité

Grâce aux aides financières qui lui sont associées, le projet a permis à A de développer une nouvelle activité — le protocole de validation — pour laquelle l'entreprise a acquis une reconnaissance mondiale.

« Le projet Esprit a été un déclencheur, il a permis de créer toute une activité. Il a permis à l'entreprise d'acquérir tout un savoir faire que l'on n'avait pas. Ce que l'on a appris à travers ce projet on ne l'aurait pas appris autrement ». Pour les protagonistes interrogés, l'intérêt majeur du programme est d'avoir permis à la société d'acquérir une technologie et de l'appliquer sur un tout autre formalisme, c'est-à-dire à un langage différent de celui qui avait été financé. « En refaisant tout, c'est complètement réécrit avec des gens qui avaient acquis une réelle compétence, ça a débouché sur un outil sur lequel on a maintenant plus de 2000 licences ».

2. La création de liens avec les lead-users

La coopération a mis en relation des personnes et des institutions qui ne se seraient pas rencontrées en dehors du programme Esprit. Plusieurs d'entre elles sont devenues des clients de l'entreprise. La collaboration initiée avec notamment le CNET dans le cadre du programme sur un langage particulier a débouché sur une demande de l'organisme de recherche concernant le développement de son simulateur sur ce même langage. De cette collaboration est né l'outil-logiciel qui est aujourd'hui considéré comme le plus performant de sa catégorie et avec lequel l'entreprise réalise une part importante de son chiffre d'affaires. Les projets européens ont permis à la PME de travailler avec de grandes entreprises, ce qui lui a donné une « image » de sérieux. L'entreprise a aujourd'hui plus de cinq cents clients, surtout des grands groupes industriels (tel Philips) mais aussi des entreprises publiques (EDF, Hermès Espace, SNCF, RATP...).

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3. L'acquisition d'une technologie et de compétences par la formation des hommes

Le projet Esprit a permis à l'entreprise de développer des applications dans différents domaines et dans différents secteurs industriels. La connexion entre le projet Esprit et le logiciel phare de A est très forte puisque c'est le même ingénieur qui, après avoir travaillé plusieurs années sur le projet communautaire, a pris en main le projet de développement de ce logiciel : « Un jeune ingénieur a travaillé sur le projet pour faire un compilateur, dans le cadre d'Esprit il a fait des choses pendant un an. La fois d'après il maîtrisait la technologie et il a fait les choses à une vitesse extraordinaire ». Cet ingénieur est aujourd'hui responsable d'un département de l'entreprise. Les jeunes chercheurs ou ingénieurs interrogés sont motivés par les projets Esprit qui leur « apprennent beaucoup de choses : les projets de la CCE laissent le temps de se mettre dans le bain, ils sont très formateurs pour les débutants ». Ils ont eu un rôle important dans la carrière de ceux qui s'y sont investis puisqu'ils sont maintenant chefs d'équipe ou ingénieurs d'affaires.

Pour nos interlocuteurs, le rôle majeur de la coopération avec d'autres entreprises dans le cadre du programme communautaire est d'avoir permis à de jeunes ingénieurs et à de jeunes chercheurs de se former et de développer des savoir-faire. La participation à de telles opérations permet de financer un apprentissage, qui n'aurait pas pu être réalisé autrement. La constructic et le développement d'une base de compétences et de connaissances pour l'entreprise est le résultat majeur de ces programmes : « Nous n'avons pas développé un produit commercial pendant le projet, nous l'avons créé plus tard en mobilisant les résultats et la compétence qu'il nous a permis de créer. De plus si au même moment nous avions fait une étude de marché, nous n'aurions jamais démarré sur cette direction ».

Les études menées auprès d'autres entreprises ont permis de mettre à jour d'autres types de bénéfices apportés par la participation à des programmes technologiques. Les soutiens publics à la coopération inter-firmes et le travail mené, plus ou moins collectivement selon les cas, par ces entreprises ont eu des résultats multiples : la création ou la mise au point de nouvelles compétences, d'une image de marque, d'apprentissages industriels et commerciaux, de « démonstrateurs », de relations avec de nouveaux clients, d'une distribution internationale des produits, d'aménagements de l'organisation même des entreprises... La participation à de tels programmes apporte aux PMI : formation des hommes, mise au point de produits en relation avec des clients privilégiés, compétences non seulement scientifiques ou techniques mais aussi dans le domaine de l'organisation de l'entreprise et du marketing, accès à des nouveaux marchés ou à un réseau de distribution... L'acquisition de ces compétences demande du temps, c'est ce que permettent les programmes technologiques qui en s'inscrivant dans la durée autorisent le développement de liens durables entre entreprises, clients et laboratoires.

CONCLUSION

De nombreux travaux ont montré que l'innovation est le résultat d'un processus d'apprentissage par l'usage (Hippel, 1988 ; Rosenberg, 1982) ou par la pratique (Arrow, 1962), qu'elle possède une forte spécificité qui impose à la firme une trajectoire (Nelson et Winter, 1982 ; Dosi, 1982 ; Dosi et al., 1988) elle-même créatrice d'irréversibilités et de rendements croissants (Arthur, 1989). Ces travaux sur

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les trajectoires mettent l'accent sur les stratégies développées par les entreprises pour exploiter leur potentiel technologique.

Un autre ensemble de recherches (Williamson, 1985 ; Aoki, 1990 ; Aoki, 1991 ; Kline et Rosenberg, 1986) porte sur la création de technologie et s'intéresse plutôt aux stratégies d'organisation des entreprises (Ménard, 1989) ou aux stratégies de coopération (Teece, 1989) et aux modèles de compétition technologiques (Foray, 1989 ; David, 1986 ; Arthur, 1989).

L'étude d'entreprises technologiques en création nous a permis de saisir un moment où la trajectoire technologique et la création de technologie sont indéfinies. C'est-à-dire un moment où les stratégies de marché et d'organisation sont simultanément à créer. La force des entreprises que nous venons de décrire réside dans le fait qu'elles sont à la fois proches de la recherche et proches de leurs lead- users. Elles sont profilées pour faire le travail d'adaptation permanent que réclame l'innovation et que décrit la littérature.

Dans cet article nous nous sommes intéressés aux conditions de réussite des PMI technologiques plus qu'aux facteurs qui peuvent en expliquer les échecs. La raison principale de ce choix est que les échecs, s'ils existent, restent marginaux et que nous pensons que les quatre éléments présentés peuvent être lus en négatif pour, en partie, expliquer ces échecs. Les données utilisées dans cet article sont tirées d'une enquête statistique réalisée en 1988 et du travail monographique qui s'est déroulé entre 1988 et 1992. Une nouvelle enquête statistique sur les cent entreprises a été menée en 1993. Elle a permis de déterminer avec précision le nombre d'échecs : sur ces entreprises créées entre 1984 et 1987, seize seulement ont disparu en 1993 (dépôt de bilan, radiation du registre du commerce, faillite). Dans 72 cas l'entreprise existe toujours dans la forme qu'elle avait au moment de notre enquête de 1988 (généralement avec les mêmes actionnaires, parfois avec l'arrivée de nouveaux actionnaires). Dans 12 cas l'entreprise a été intégrée ou a fusionné avec une autre : cette destinée ne peut être considérée comme un échec d'une part parce que pour certains créateurs l'intégration était l'objectif visé au départ, d'autre part parce que l'activité, l'équipe, les compétences, les produits existent toujours et se développent dans une autre configuration. Comparé au taux d'échec de la création d'entreprise en général dans le secteur de l'industrie et des services où une entreprise sur deux disparaît dans les cinq ans, ce taux de permanence de l'activité dans cinq cas sur six est remarquable. Il apporte un cruel démenti à tous ceux qui qualifient ce type de projet — mariant création d'entreprise et développement d'une innovation technologique — de « cocktail de la mort ».

S'il est vrai que nous n'avons relevé que 16 cas d'échecs, il faut pourtant noter qu'il n'y a pas de réelle success story. Dans dix cas sur 72 (les fusions et intégrations sont écartées de ce calcul), le nombre de salariés dépasse aujourd'hui la barre des cinquante. L'entreprise la plus performante compte 300 salariés, la seconde 150 et les huit suivantes tombent en dessous des cent salariés. Nous sommes au total en présence de configurations durables mais avec peu de réussites spectaculaires.

Les conditions de création et de pérennité des entreprises technologiques vont à rencontre de nombreux discours établis émanant tant des acteurs de l'innovation que de ceux qui l'analysent :

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— « II faut couper le cordon ombilical avec la recherche » nous a-t-on souvent répété. Notre travail montre que les entreprises qui ont coupé les liens avec la recherche sont celles qui, au moment de la première enquête, avaient connu les plus faibles développements et que la moitié d'entre elles n'existent plus aujourd'hui.

— « II faut arrêter la course aux aides » nous a-t-on ajouté. Nos statistiques soulignent que ce sont les financements publics qui permettent l'émergence et les premiers développements de l'entreprise.

— « II faut être à l'écoute des clients... il faut répondre à la demande du client, du lead-user... ». À trop écouter son client, l'entreprise réalise un produit incapable de circuler.

Les projets que nous avons étudiés confirment l'important décalage existant entre les espoirs que suscitaient l'intelligence artificielle ou les biotechnologies et l'étroi- tesse des marchés que l'on observe aujourd'hui. Nos études de cas ont montré le long travail d'adaptation nécessaire pour construire de nouvelles technologies et leur marché. Dans la constitution de ces apprentissages collectifs, ces jeunes PMI technologiques sont d'une importance cruciale : elles donnent naissance à de nouvelles compétences, ouvrent des voies inédites et créent des alliances originales. Mais nous sommes loin du schéma schumpétérien de l'innovation radicale, menée par des entrepreneurs héroïques. La dynamique entre science et marché est plutôt faite de minuscules percées qui, si elles sont encore imperceptibles à l'échelon global, semblent néanmoins poser les premiers jalons autour desquels se développeront les technologies et les marchés de demain.

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