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Vingt ans de Balanced Scorecard : des
interrogations toujours en suspens.
Youssef ERRAMI, Enseignant chercheur1 2
Jalal AZEGAGH, Enseignant chercheur1 2
Khalifa AHSINA, Enseignant chercheur1 [email protected]
1 Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc
CREG – Université de Pau et des Pays de l’Adour FRANCE
Avenue du Doyen Poplawski - 64012 Pau
Tél. : 00 33 5 59 40 81 15
2 CREG, Université de Pau et des Pays de l’Adour, France
Université Ibn Tofail, Kénitra MAROC
Campus Universitaire, BP 242 - 14000 Kénitra
Chercheur associé
Résumé :
Dans cet article, nous cherchons à faire un état des lieux de recherches marquantes
sur le Balanced Scorecard. Nous relevons que, vingt ans après sa conception par
Kaplan et Norton, ce modèle de mesure de la performance opérationnalisé sous la
forme d’un outil de contrôle est toujours un sujet de controverses et suscite toujours
de nombreuses interrogations dans les recherches académiques que nous essayerons
de synthétiser et d’analyser.
Mots clés :
Balanced Scorecard, déploiement stratégique, orientation des comportements,
performance.
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Introduction
Le Balanced Scorecard (BSC) est un instrument apparu au début des années 1990 dans les écrits de
Kaplan et Norton. L’originalité du BSC tient en deux principes majeurs : le caractère
multidimensionnel de la performance, mesurée par un ensemble d’indicateurs regroupés selon quatre
perspectives, et l’existence d’un modèle sous-jacent reliant ces différents indicateurs entre eux
(Ponsard et Saulpic, 2000). L’objectif était de pallier le manque de pertinence des outils de contrôle
de gestion constaté par Johnson et Kaplan (1987).
Le BSC présente l’avantage d’être un outil de pilotage utilisé par un nombre de plus en plus
important d’entreprises et étudié par une littérature scientifique et professionnelle riche et variée. Des
questions relatives à la philosophie de sa conception et de sa mise en œuvre restent néanmoins en
suspens (Hoque, 2011, Salterio, 2012). L’objectif de ce travail est de présenter les interrogations
quant aux finalités assignées aux systèmes de contrôle de gestion contenant le BSC à la lumière de la
littérature des vingt années écoulées. En s’appuyant sur le modèle AMI de Bouquin (1996), cela
consiste à savoir si cet outil est destiné d’abord à interconnecter la stratégie et du quotidien, à
modéliser les relations entre les ressources et les finalités, ou encore à orienter les actions et
comportements des acteurs. Nous présentons dans le premier point l’articulation du BSC avec la
stratégie. Le second point est consacré au rôle du BSC dans la responsabilisation des acteurs de
l’organisation.
1. l’articulation du Balanced Scorecard avec la stratégie
Le BSC se présente comme un outil de gestion stratégique. Il doit permettre, tout d’abord, d’articuler
l’action locale et les buts de l’entreprise. Il doit ensuite constituer le point de rencontre des processus
de contrôle : la déclinaison des objectifs, leur communication, la planification opérationnelle et le
retour d’information (Méric, 2003).
A cet effet, le BSC doit contenir des mesures d’impacts sur la performance et les éléments à l’origine
de ces impacts, liés ensemble par des relations de causes à effets (Kaplan et Norton, 2001a). Ce qui
amène à la définition d’un ensemble d’indicateurs financiers et non financiers, directement liés à la
stratégie de l’entreprise. Ces indicateurs sont choisis selon une vision de l’organisation comme un
processus et sont liés de ce fait par une chaîne de causalité.
Le BSC, au cœur du « strategic management system »
Kaplan et Norton (1996) placent le BSC au cœur du « strategic management system » comme une
matérialisation de l’évolution de « an improved measurement system to a core management system »
dans la finalité d’être le coordinateur de l'alignement stratégique des unités opérationnelles. Plus tard,
les auteurs précisent que le « strategic linkage model », qui représente les liens de causalité entre les
objectifs stratégiques, est l’un des fondements du mécanisme conceptuel du BSC.
Le BSC repose sur une conception classique de la chaîne de valeur dont l’élément central est un bien
de production matériel qui doit satisfaire le client et au final l’actionnaire, grâce aux revenus
engendrés. Il s’agit plus précisément d’un instrument conçu en référence à l’objectif de maximisation
de la valeur de l’entreprise pour les actionnaires. Pour Kaplan et Norton, la performance financière
est ce qui détermine sa survie. Ce qui est susceptible de limiter le regard porté aux trois autres
dimensions, qui sont appréhendées uniquement comme des moyens à la valorisation financière.
Le BSC s’appuie par ailleurs sur une acception traditionnelle et statique de la stratégie fondée sur la
primauté d’une analyse externe (opportunités/menaces), couplée ensuite à une analyse interne
(forces/faiblesses) (Wegmann, 2000). Ceci justifie le couplage des indicateurs stratégiques (c’est-à-
dire, les indicateurs a priori, qui reflètent la stratégie déployée par les dirigeants) et des indicateurs de
résultat (ou indicateur a posteriori, qui mesurent les performances de l’entreprise). Mais cela ne veut
pas dire que le BSC constitue un modèle statique ou universel. Ces dimensions forment plutôt une
toile de fond ou un cadre général d’analyse qui permet d’appréhender le système d’indicateurs de
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performance de l’entreprise dans un contexte de plus en plus concurrentiel où la performance ne se
traduit plus seulement en terme de rendement financier (Bergeron, 2002). Ainsi, le modèle ne spécifie
pas les indicateurs que l’on doit retrouver dans chacun des quatre axes puisque ceux-ci seront très
variables d’une entreprise à l’autre. Chaque entreprise, chaque organisation développera des
indicateurs qui lui seront propres en fonction des objectifs et stratégies qui lui sont spécifiques, et
compte tenu des diverses caractéristiques de son environnement. Kaplan et Norton proposent,
néanmoins, des éléments de contenu des différents axes afin d’aider à la conception du modèle.
S’agissant de sa formulation, le BSC devrait se présenter sur un seul document synthétisant la série
d’indicateurs destinés à façonner la vision globale de la performance de l’entreprise, et étroitement
connecté au système d’information de l’entreprise (Epstein et Manzoni, 1998). Il peut néanmoins être
construit en cascade dans toute l’organisation à l’image des tableaux de bord classiques. Deux
logiques sont alors suivies : tenir compte dans le BSC des possibles objectifs spécifiques aux unités
opérationnelles de l’organisation et aligner ces objectifs à la stratégie globale de l’entreprise.
Dans cette phase de synthèse, le BSC fournit un cadre pour visualiser la stratégie à l’instar d’une
carte. Le BSC se présente comme un produit intégré dont l’objectif est de faciliter la communication,
la compréhension et donc l’utilisation des mesures à quelque échelon que ce soit dans l’organisation
(Méric, 2003).
1.2 L’adaptabilité du BSC aux variables contingentes
Au-delà de la question du nombre d’indicateurs, se pose la question de leur évolution dans le temps.
Une fois le BSC construit, sera-il toujours composé des mêmes indicateurs, quelle que soit la
situation de l’entreprise ? Ou faudra-il l’adapter aux évolutions de la situation de l’organisation ?
Un premier élément de réponse est donné par Oyon et Mooraj (1998) selon lesquels le BSC est un
système qui va vivre et qui doit se modifier en fonction des changements de l’entreprise et de son
environnement. Ceci rejoint le propos de Kaplan et Norton (2001b) qui soulignent la nécessité de
renouveler continuellement les indicateurs du BSC.
Pour Lorino (2003), « la contingence stratégique du système de pilotage exige qu’il soit évolutif et
qu’il s’adapte aux fluctuations de la stratégie ». Bessire et al. (2000) notent que le principal apport de
cet outil repose sur sa capacité de stimulation de l’apprentissage organisationnel, notamment à travers
son rôle dans les démarches d’appropriation de la stratégie par les acteurs de l’entreprise. C’est ainsi
que Choffel et Meysonnier (2005) proposent l’idée selon laquelle les entreprises ayant développé une
stratégie complexe pour s’adapter à leur environnement turbulent et qui disposent d’un système de
pilotage qui modélise les processus d’apprentissage, sont amenées à adopter une grande flexibilité
des indicateurs.
Kaplan et Norton (2001a) se sont interrogés sur l’articulation du BSC avec la stratégie, dans le temps,
à travers l’étude du rôle de l’outil dans l’élaboration de la stratégie, et dans l’espace, en étudiant le
rôle de l’outil dans l’animation stratégique.
Mouritsen et al. (2002) notent que l’objectif premier du BSC serait de réussir l’alignement
stratégique. Kaplan et Norton (1996) insistaient déjà, en effet, sur la nécessité de la présence d’une
stratégie bien formulée pour le lancement du BSC en postulant que les conditions de réussite d’une
entreprise résident dans « sa capacité à exécuter la stratégie ». Ils confirment leur position dans leur
second ouvrage de 2001, en précisant que « le BSC est, à strictement parler, un outil d’application de
la stratégie ». Sa conception et sa mise en œuvre doivent partir d’une stratégie donnée à l’avance qu’il
devra traduire au mieux. Cette démarche d’implémentation du BSC intervient donc dans un processus
déterministe et formalisé (Choffel et Meysonnier, 2005), qui positionne l’outil en aval de la
conception de la stratégie.
D’autres auteurs se sont intéressés au rôle du BSC dans l’élaboration de la stratégie, en favorisant
dans son fonctionnement interactif l’émergence d’une nouvelle stratégie (Mooraj et al., 1999 ; Chabin
et al., 2003 , Naro et Travaillé, 2010).
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S’agissant de déploiement du BSC dans l’espace, c’est-à-dire, la dimension organisationnelle de
l’outil, Kaplan et Norton (1996) soulignent son rôle dans l’alignement des comportements
opérationnels sur les objectifs stratégiques selon une logique mécanique et descendante. Pour ces
auteurs, la définition de la stratégie est une prérogative des dirigeants de l’entreprise autant que la
définition de l’objet des indicateurs. Le processus du déploiement de la stratégie ainsi définie devra
suivre une logique top-down vers les différents niveaux de l’organisation, avec le soutien de supports
communicationnels conséquents. C’est ensuite que chaque unité opérationnelle doit définir à
l’intérieur de ce cadre sa propre stratégie.
Bourguignon et al. (2002) critiquent cette logique en relevant que le déploiement est un processus à la
fois heuristique et participatif. Ces auteurs notent qu’il ne peut y avoir un seul modèle de tableau de
bord dans l’entreprise puisque l’explication de la stratégie résulte de l’interaction entre les différents
acteurs.
La vision de Kaplan et Norton semble, en effet, trop normative pour Wegmann (2000, 2001) au vu de
la conception mécanique et descendante de la stratégie. Mendoza et Zrihen (1999) soulignent
également que l’hypothèse selon laquelle la stratégie de l’organisation serait parfaitement connue et
explicitée par les dirigeants, suppose une vision normative de la stratégie, qui s’élaborerait à partir
d’un diagnostic et d’une approche rationnelle, qui souffre de son caractère théorique et simplificateur.
Ainsi, pour ces auteurs, loin d’être une représentation linéaire et simple, la stratégie dans l’entreprise
est le résultat d’une construction incrémentale et collective.
L’ensemble de ces difficultés peut avoir des effets négatifs sur la compréhension et l’appropriation du
BSC par les différents acteurs de l’organisation (Errami, 2004), même si une bonne stratégie de
communication est mise en œuvre pour accompagner son implémentation comme le suggèrent
Kaplan et Norton (1996).
1.3 La place et les finalités du BSC dans le dispositif de contrôle
Pour Kaplan et Norton (2001) autant que pour d’autres auteurs (Epstein et Manzoni, 1997 ;
Fernandez, 2003) le BSC doit être un outil central du dispositif de contrôle. D’autres auteurs
soutiennent l’idée contraire selon laquelle le BSC doit être un outil parmi d’autres parce qu’il n’est
pas suffisamment complet. Meric (2003), par exemple, soutient que c’est une aberration de laisser le
BSC phagocyter les « innovations » managériales qui lui sont antérieures. Mendoza et Zrihen (1999)
assurent que le reporting ne peut être remplacé par le BSC. Pour Méric (2003), le BSC doit être
considéré comme un outil complémentaire à d’autres méthodes ou démarches de calculs comme
l’Activity Based Costing (ABC) ou l’Economic Value Added (EVA), afin de profiter pleinement des
complémentarités des différentes méthodes. Berland et al. (2005) perçoivent également le BSC
comme complémentaire à des méthodes comme l’EVA dans un dispositif de contrôle alliant des
démarches diagnostic et interactives au sens de Simons (1995).
Cette question de la place de l’outil dans les dispositifs de contrôle est cruciale au regard des finalités
assignées à l’outil. En effet, en partant de l’affirmation de Kaplan et Norton (1996) selon laquelle
« chaque mesure sélectionnée pour le BSC doit être un élément d’une chaîne de valeur de relation de
cause à effet exprimant l’orientation stratégique de l’entreprise », Saulpic (2003) explique qu’il existe
une contradiction sous-jacente des finalités du BSC. Cet outil est destiné à modéliser les facteurs clés
de succès (c’est-à-dire, les relations de cause à effet, la coordination des représentations et
l’apprentissage) mais aussi à déployer la stratégie (c’est-à-dire, l’alignement stratégique et la
responsabilisation des acteurs), ce qui n’est pas chose aisée. Ceci nous conduit à nous interroger, à
l’instar de Choffel et Meysonnier (2005), sur la dimension temporelle et spatiale de l’articulation du
BSC avec la stratégie : est-il un outil d’alignement stratégique dans une démarche de
responsabilisation et d’incitations ? Est-il un outil de modélisation des processus de création de
valeur dans l’entreprise dans une logique d’apprentissage et de coordination ? Ou bien, est-il les deux
à la fois, c’est-à-dire, associant les deux logiques ascendante et descendante ?
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Ces interrogations ne sont pas les seules qui s’imposent à ce niveau. En effet, la place du BSC dans
les dispositifs de gestion des entreprises et le lien qu’il devrait avoir avec la rémunération des
managers sont des questions qui font également débat dans la littérature.
2. Le Balanced Scorecard et l’orientation des actions et comportements des
acteurs.
S’agissant de la logique de responsabilisation contenue dans le BSC à travers le couplage des
systèmes de rémunération avec des indicateurs de performance, il y a là aussi deux visions qui
s’opposent.
2.1 Le BSC et la politique de rémunération
Selon Bescos (2001), pour inciter les managers et le personnel à travailler dans le sens de la stratégie,
il est courant que les systèmes de sanction - récompense introduisent une partie variable dans la
rémunération qui reposerait sur des critères objectifs et contrôlables et qui récompense des décisions
qui ont des effets manifestement positifs sur les variables financières et stratégiques.
Se posent ici des questions relatives au lien de la politique de rémunération avec les outils de contrôle
et notamment avec le BSC (Bourguignon et al., 2002 ; Choffel et Meysonnier, 2005), et de la
pertinence de l’évaluation collective ou individuelle, sur des critères objectifs (relatifs à des standards
externes) ou plutôt subjectifs (relatifs à des critères qualitatifs dont l’appréciation dépend peu ou prou
du jugement d’un responsable hiérarchique) (Berland et al. 2005).
Pour répondre à la première interrogation, Kaplan et Norton (2001) citent les conclusions d’une étude
du cabinet Mercer sur les pratiques de rémunération qui annoncent que 88% des 214 entreprises
considérées jugent efficace la liaison des indicateurs du BSC aux systèmes de récompenses. Grapin et
Josserand (2003) soutiennent que les BSC sont souvent utilisés comme des outils de contrôle, avec
pour corollaire fréquent un impact direct sur la rémunération. Cet impact peut être collectif, dans le
cas de BSC globaux, et servir par exemple à la détermination de l’intéressement sur la base
d’indicateurs collectifs de la performance. Mais Bescos (2001), explique qu’il y a une panoplie
d’outils pouvant jouer ce rôle d’incitation des managers à réaliser les objectifs. Ce qui rend complexe
le choix d’un outil. Oyon et Mooraj (1998) notent que la seule fixation d’objectifs mesurés à
atteindre, en présence ou non d’un système d’incitation, est susceptible de faire augmenter la
motivation des managers. Un des autres avantages que présenterait la liaison de la rémunération au
BSC serait, en effet, de s’assurer de la cohérence des objectifs à court terme avec ceux à long terme,
c’est-à-dire, de s’assurer de la cohérence des performances financières avec la stratégie de
l’organisation.
A l’opposé, Ittner et al. (2003) démontrent le BSC souffre d’un haut niveau de subjectivité qui a
amené des entreprises à rechercher de l’objectivité en retournant vers des systèmes d’incitation liés
quasi-exclusivement à des indicateurs financiers. En effet, ces indicateurs apparaissent plus objectifs
aux yeux de tous puisqu’ils reposent sur des systèmes normalisés largement acceptés. Morisawa et
Kurosaki (2003) parlent quant à eux d’un cercle vicieux par lequel les indicateurs non financiers sont
laissés de côté par un sentiment de manque de fiabilité et de difficulté d’obtention. La facilité est
alors de continuer à mesurer la performance par des indicateurs financiers. Les auteurs estiment que
le poids des données financières dans la mesure de la performance organisationnelle via le BSC est
extrêmement important. 60 à 70 % des indicateurs utilisés dans les entreprises relèveraient ainsi de
cette catégorie. Si les données financières sont satisfaisantes, alors la stratégie et les processus
internes ne sont pas remis en cause, ce qui dénote de la suprématie de la dimension financière. Mais
l’entrée dans le cercle vicieux survient dès lors que les données financières ne sont pas satisfaisantes.
D’autres auteurs comme Gauzente (2000) soutiennent que c’est uniquement en cas d’indisponibilité
de facteurs reconnus comme objectifs, en raison notamment d’impossibilité ou de coût élevé de leur
identification, que le recours à des indicateurs physiques, moins objectifs, sera opportun.
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Dans le cas précis du middle management, la recherche de Decoene et Bruggeman (2003) souligne
les effets minimes sur la motivation du lien entre la rémunération et les indicateurs du BSC.
2.2 La nature des indicateurs du BSC reliant la rémunération à la performance
Deux recherches de Lipe et Salterio (2000) et de Banker et al. (2004), démontrent que les évaluations
des collaborateurs reposent principalement sur des mesures collectives plutôt que sur des mesures
individuelles. Cela correspond aux recommandations pour le BSC de Kaplan et Norton (2001) selon
lesquels une rémunération individuelle pourrait nuire à l’esprit coopératif des équipes, même s’ils
assuraient auparavant (Kaplan et Norton, 1996) que celle-ci permettrait de révéler des talents
personnels, et de renforcer l’alignement et la responsabilisation.
Les récompenses par équipe présentent l’avantage de stimuler les comportements de coopération et la
recherche de la résolution des problèmes collectifs (Drake et al., 1999). Elles encouragent les salariés
à réfléchir à des solutions aux problèmes identifiés sans qu’ils relèvent nécessairement de leurs
responsabilités quotidiennes. Mais cette logique de responsabilisation collective peut diluer la
responsabilité individuelle en faisant apparaître des comportements opportunistes d’individus jouant
le rôle de passager clandestin.
Par ailleurs, le principe de contrôlabilité, selon lequel les dirigeants doivent être évalués
exclusivement en référence aux résultats qui relèvent de leur contrôle (Atkinson et al., 1997 ; Giraud
et al., 2004), aura également un impact sur le choix des caractéristiques d’un système de pilotage. En
effet, ce dernier doit évaluer fidèlement les décisions et actions des managers et réduire le risque de
démotivation.
Ce principe est néanmoins contesté par plusieurs travaux qui reposent sur les postulats de la théorie
de l’agence. Ainsi, les recherches de Smith (2002), par exemple, démontrent que les indicateurs
globaux sont les plus pertinents pour évaluer les dirigeants, même si toutes leurs dimensions ne sont
pas contrôlables. Ces indicateurs permettront notamment de limiter l’asymétrie de l’information,
d’apporter des solutions aux problèmes de coordination et de consommation excessive de ressources
et de faire face aux comportements opportunistes. Pour Oyon et Morraj (1998), les liens de cause à
effet que le BSC va mettre en lumière sont de nature à dénouer les problèmes de coordination, qui
permettront de supprimer les comportements opportunistes.
A l’opposé, les tenants de la contrôlabilité seraient plus enclins à utiliser un outil classique des
systèmes de contrôle organisationnel tel que le budget.
Notons qu’une étude de Giraud et al. (2004) sur la position des managers face au principe de
contrôlabilité, en terme d’impact sur la profitabilité, conclut qu’aucune des deux positions n’est
perçue comme supérieure.
Conclusion
De ce tour d’horizon de la littérature qui traite de BSC et des problématiques de pilotage des
organisations, nous avons retenu deux interrogations qui méritent d’être explorées.
Tout d’abord se pose la question de l’articulation du BSC avec la stratégie. Cela consiste à savoir si
cet outil est destiné à modéliser les facteurs clés de succès ou bien à déployer la stratégie, ou encore
les deux à la fois ?
Ensuite, s’agissant des systèmes d’incitation des collaborateurs, sont-ils liés à des systèmes de
pilotage comme le BSC ? S’intéressent-ils à des évaluations individuelles ou collectives ? Sur des
critères internes ou externes ?
Des études récentes donnent quelques éléments de réponse à ces interrogations. En effet, une étude
qui s’est intéressée à l’idée selon laquelle les dispositifs de contrôle qui contiennent le BSC cherchent
plus à favoriser l’échange interactif sur la stratégie a révélé une relation non significative (Errami,
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2013). Cela pourrait signifier qu’en absence du BSC d’autres outils sont dévolus à cet usage
interactif. Cela confirme, à la fois, les propos de Simons (1995) selon lesquels, un même outil peut
être utilisé d’une manière interactive ou diagnostic et l’illustration de ces propos faite par Sponem
(2004) concernant les budgets. Ce résultat pourrait avoir un sens plus lourd si on se réfère aux
travaux de Speckbacher et al. (2003) et de Tumola (2005). Les expériences menées par ces auteurs
font apparaître que l’utilisation du BSC relève d’un processus continu composé de phases différentes.
L’outil est ainsi utilisé d’une manière différente dans le temps.
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