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LA PROTECTION DU COUPLE Nouveautés européennes et/ou internationales

Introduction Depuis plusieurs années, les Gouvernements français et allemand travaillent à l’élaboration d’un droit uniforme en matière de régimes matrimoniaux en raison du nombre sans cesse grandissant de mariages binationaux célébrés et corrélativement dissous.

L’instauration d’un régime matrimonial commun fonctionnant selon des règles identiques dans les pays contractants constitue une avancée importante pour les ressortissants européens. A l’heure actuelle, les couples franco-allemands se heurtent à un certain nombre de difficultés puisque les régimes légaux des deux pays ne sont pas les mêmes alors que la majorité des couples sont soumis à ce régime légal.

Si l’Allemagne comme la France connaissent du régime de communauté et du régime de participation aux acquêts, l’architecture de ces régimes et les règles applicables sont très différentes dans les deux Etats. Ainsi le droit français connaît des règles élaborées, voire complexes, quant à la communauté légale combinée aux dispositions du régime primaire impératif alors que le droit allemand ne contient que peu de dispositions consacrées à la communauté, ce régime étant peu pratiqué. A l’inverse, le régime de la participation aux acquêts, régime légal allemand, demeure relativement confidentiel en France. Face à l’impossibilité de créer un régime légal unifié entre l’Allemagne et la France, le choix a été fait de proposer un régime optionnel commun réalisant un compromis entre les régimes allemand et français de la participation aux acquêts1.

1 Sur le contexte et la présentation de ce régime optionnel de la participation aux acquêts, voir P. Simler, « Le nouveau régime matrimonial optionnel franco-allemand de participation aux acquêts, Rev. Droit de la famille mai 2010, n° 5, étude n° 8 ; aj. A. Meier-Bourdeau, Accord du 4 février 2010 entre la France et l'Allemagne portant création d'un régime matrimonial commun : JCP N 2010, n° 10, act. 257. Le dossier de presse et le texte de l’accord est disponible sur le site : http://bruxelles.blogs.liberation.fr/Dossier%20presse%20regime%20matrimonial%20commun.pdf

05 - L’accord franco-allemand instituant un régime matrimonial commun

de la participation aux acquêts : présentation et comparaison avec le régime français et allemand

Intervention de Alice MEIER-BOURDEAU, docteur en droit, consultante au CSN et Véronique MIKALEF-TOUDIC, maître de conférences à l'Université de Caen

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La signature de l’accord franco-allemand le 4 février dernier est la première pierre apportée à l’édifice d’un droit des régimes matrimoniaux uniforme.

L’accord signé le 4 février 2010 doit être soumis au Parlement en vue de sa ratification en application de l’article 53 de la Constitution. Cette procédure est en cours à l’heure actuelle. Le nouveau régime optionnel de la participation aux acquêts ne pourra entrer en vigueur qu’après cette ratification.

Afin de présenter les termes de l’accord du 4 février, il faut envisager les destinataires de ce nouveau régime (I) et son fonctionnement (II).

I Les destinataires Le régime matrimonial franco-allemand pourra être choisi, en application de l’article 1er de l’accord, par les époux dont le régime matrimonial relève de la loi allemande ou de la loi française. Il s’agira donc, au préalable, de déterminer, en application des règles de conflit du droit français et du droit allemand, si le régime matrimonial de ces époux relève bien d’une de ces lois. En application des règles de conflit allemandes (articles 14 et 15 du EGBGB), à défaut de choix des époux, la loi allemande est applicable aux époux :

- dont les deux possèdent la nationalité allemande (ou ont possédé la nationalité allemande, à condition que l’un des époux la possède encore), à défaut ; - qui possèdent leur résidence habituelle commune en Allemagne (ou ont possédé leur dernière résidence habituelle commune en Allemagne, à condition que l’un des époux y réside encore), à défaut ; - qui possèdent les liens les plus étroits avec l’Allemagne.

De même, l’article 15 du EGBGB permet aux époux de soumettre leur régime matrimonial à la loi allemande si l’un des époux a la nationalité allemande, si l’un des époux réside habituellement en Allemagne, et, pour ces biens, s’ils possèdent des biens immobiliers situés en Allemagne. En application des règles de conflit françaises (issues de la Convention de la Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux du 14 mars 1978), à défaut de choix des époux, la loi française est en principe applicable aux époux qui ont fixé leur première résidence habituelle commune après le mariage en France. Et les époux peuvent choisir de soumettre leur régime matrimonial à la loi française si l’un des époux a la nationalité française, si l’un des époux réside habituellement en France, si l’un des époux établira une nouvelle résidence habituelle après le mariage en France, et pour ces biens, s’ils possèdent des biens immobiliers situés en France. Le champ d’application de l’accord est donc large, puisqu’il suffit, pour que les époux puissent opter pour le régime franco-allemand optionnel, que l’un des époux possède des liens certains (nationalité, résidence habituelle, lieu de situation des biens immobiliers) avec la France ou

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l’Allemagne. Et s’il s’adresse en priorité aux couples franco-allemands, aux français habitant en Allemagne et aux allemands vivant en France, il permettra également à d’autres couples binationaux d’opter pour ce régime, pour peu que leur régime matrimonial soit régi par la loi française ou allemande. Les époux qui veulent opter pour le régime franco-allemand commun, comme le précise le rapport explicatif, ne sont pas tenus de choisir expressément comme loi applicable à leur régime matrimonial, la loi française ou la loi allemande ; il suffit que les règles de conflit désignent l’une de ces lois comme étant celle applicable à leur régime matrimonial. Néanmoins, pour éviter toute ambiguïté, il sera préférable de conseiller aux époux qui souhaitent opter pour un tel régime, de désigner également dans leur contrat de mariage, la loi applicable à leur régime matrimonial. Enfin, à terme, peut-être que ce régime constituera le 28e régime matrimonial de l’Union Européenne. En effet, dans une perspective plus vaste, le régime commun a l'ambition de tracer un nouveau chemin vers une harmonisation européenne dans le domaine du droit de la famille. L'accord prévoit ainsi expressément que d'autres États de l'Union européenne pourront adopter ultérieurement ce régime matrimonial, par adhésion à cet accord. Cet accord vise donc à approfondir l'intégration européenne.

Voyons maintenant comment ce régime optionnel fonctionne.

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II Le fonctionnement du régime optionnel de participation aux acquêts

Le régime optionnel de la participation aux acquêts résulte d’un compromis entre les régimes de participation aux acquêts existant en France et en Allemagne.

Quelques remarques préliminaires peuvent être faites avant de détailler les points forts de ce régime.

En premier lieu, le régime optionnel de la participation aux acquêts peut être qualifié de régime séparatiste puisqu’aux termes de l’article 2 de l’accord, « le patrimoine des époux reste séparé ». Chaque époux conserve la libre administration et disposition de ses biens pendant toute la durée mariage. Chacun demeure également seul tenu de ses dettes. Ce n’est qu’au moment de la dissolution du régime que l’on compare les acquêts réalisés par chacun des époux afin de déterminer la créance de participation.

En second lieu, il faut souligner que ce nouveau régime optionnel de la participation aux acquêts vient enrichir les possibilités de choix offerts aux futurs époux. Alors que le régime légal en vigueur en Allemagne est celui de la participation aux acquêts, le régime optionnel ne peut résulter que de la convention matrimoniale des futurs époux, ou des époux dans le cadre d’un changement de régime matrimonial. En effet, l’alinéa premier de l’article 3 de l’accord franco-allemand dispose que « les époux peuvent convenir par contrat de mariage que le régime optionnel de la participation aux acquêts constitue leur régie matrimonial ». Le deuxième alinéa de ce texte précise que « le contrat peut être conclu avant ou pendant le mariage ». De manière classique, la convention prend effet au jour de la conclusion du contrat sous réserve de respecter les règles relatives au changement de régime matrimonial et au plus tôt au jour de la célébration du mariage. Les termes de l’article 3 demeurent volontairement généraux puisque, contrairement au droit français, le droit allemand n’impose aucune condition particulière quant au changement de régime matrimonial.

Mais, l’intérêt et l’apport de ce régime optionnel franco-allemand réside dans la protection renforcée qu’il apporte aux époux en reprenant certaines des dispositions du régime primaire français (A) et dans des règles de liquidation unifiées et simplifiées quant à l’évaluation de la créance de participation (B).

A- Une protection renforcée des époux

Le droit allemand comme le droit français connaissent un certain nombre de restrictions apportées à l’indépendance patrimoniale des époux. Cependant, ces restrictions n’étant pas les mêmes dans les deux pays, l’accord du 4 février 2010 prévoit un certain nombre de dispositions impératives aux articles 5 et 6 afin que le régime optionnel soit appliqué de manière identique dans les deux pays. Pour chacune de ces restrictions, l’accord franco-allemand retient la solution qui s’avère être la plus protectrice des intérêts des époux entre les règles issues du droit allemand et celles du droit français. Si les parties demeurent libres de déterminer le contenu de leur convention matrimoniale, l’accord franco-allemand ne les autorise qu’à déroger au chapitre 5 dudit accord. A contrario, elles ne peuvent déroger aux autres chapitres, en particulier le chapitre 3 instaurant les restrictions à la libre administration de son patrimoine par chacun des époux.

Le droit allemand ne connaît pas réellement d’équivalent au régime primaire du droit français.

Le BGB allemand ne contient, en effet, que quelques dispositions spécifiques relatives à la disposition de l’universalité du patrimoine ou d’un bien particulièrement important tel que le logement de la famille et à la disposition des objets du ménage.

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La notion d’objets du ménage peut être rapprochée de celle de meubles meublants du droit français. Il semble, toutefois, que les objets du ménage constituent une catégorie plus large que les meubles meublants.

Le nouveau régime optionnel de la participation aux acquêts s’inspire directement des principales dispositions du régime primaire du droit français relatives à la protection du logement familial (1), à l’autorisation judiciaire de passer seul un acte (2) ou encore à la solidarité légale quant aux dettes ménagères (3). Les autres dispositions du régime primaire, non reprises par l’accord, n’ont vocation à s’appliquer qu’aux seuls époux domiciliés en France (4).

1- La protection du logement familial

Ainsi, l’article 5 alinéa 1er de l’accord vise l’interdiction de disposer seul du logement de la famille et des objets du ménage. Cette règle réalise un juste compromis entre le droit allemand et le droit français. L’accord vise directement les droits « par lesquels est assuré le logement de la famille » en reprenant les termes mêmes de l’article 215 alinéa 3 du Code civil français. Il n’est, en effet, pas nécessaire de se référer à la disposition de l’universalité du patrimoine ou d’une part importante de celui-ci à l’instar de l’article 1365 du BGB. Il est plus protecteur de viser directement le logement sans avoir à déterminer s’il correspond, ou non, à la partie la plus importante du patrimoine des époux.

Mais, l’accord a fait le choix d’étendre la protection aux objets du ménage connus du droit allemand plutôt que des meubles meublants du droit français. Ce choix se justifie puisqu’il apparaît plus protecteur des époux, la notion d’objets du ménage étant plus large que celle de meubles meublants. La voiture familiale peut, par exemple, être qualifiée d’objet du ménage mais pas de meuble meublant.

Le logement de la famille comprend l’ensemble des pièces que les époux utilisent comme logement et dans lesquelles ils ont vécu ensemble ou qui devaient devenir le logement familial même si le projet n’a pas abouti. L’objectif de cet article 5 est d’instaurer une protection générale du logement de la famille.

La sanction du non respect de ce texte est la nullité de l’acte. Cependant, l’époux qui n’a pas consenti à l’acte peut le ratifier a posteriori. Le régime de la nullité est régi par chacun des ordres juridiques des deux pays. Ainsi, en France, une action en nullité est nécessaire, à l’initiative de l’époux dont le consentement n’a pas été requis. En Allemagne, la nullité est automatique et joue de plein droit. En cas de litige, une action en restitution peut être directement engagée.

Une autre règle inspirée du régime primaire français et reprise par l’accord réside dans l’autorisation judiciaire qu’un époux peut obtenir afin de passer seul un acte.

2- L’autorisation judiciaire

Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 5 de l’accord, « un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille ».

L’autorisation judiciaire fondée sur l’incapacité de l’un des époux existe tant en droit allemand qu’en droit français. En effet, l’article 1454 du BGB instaure des règles d’administration d’urgence en cas d’incapacité de l’un des époux pour raison médicale. Cette règle figure également à l’article 217 du Code civil.

En visant le refus injustifié par l’intérêt de la famille, l’accord s’inspire directement du régime primaire français. L’autorisation judiciaire, dans cette hypothèse, permet de remédier aux situations de blocage. Le juge apprécie souverainement l’intérêt de la famille et autorise, ou non, l’époux demandeur à passer seul l’acte.

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La dernière règle inspirée du régime primaire est celle relative à la solidarité légale quant aux dettes ménagères.

3- La solidarité légale

L’article 6 de l’accord signé le 4 février précise que chaque époux peut passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage et l’éducation des enfants. Cette règle est conforme au principe général de séparation des patrimoines. L’article précise ensuite que les époux sont tenus solidairement de ces dépenses. Celui qui n’a pas consenti au contrat est quand même engagé dès lors que la dépense est ménagère. Ce texte reprend quasiment au mot près le premier alinéa de l’article 220 du Code civil. L’on sait que les époux sont tenus solidairement de toute dette ménagère quelle que soit sa nature, contractuelle ou non, malgré les termes de l’article 220 visant « les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ». L’article 6 de l’accord reprenant ce terme de contrat, la question de savoir s’il s’applique aux seules dettes contractuelles ou à toute dette ménagère même non conventionnelle risque de se poser dans les mêmes termes qu’en droit français.

L’alinéa 2 de l’article 6 instaure une exception à la solidarité légale à condition que la dépense soit manifestement excessive et que le tiers contractant ait eu connaissance ou aurait dû connaître ce caractère excessif. Cette règle s’avère plus exigeante que celle figurant à l’alinéa 2 de l’article 220 du Code civil. En effet, le droit français écarte la solidarité dans le cas de dépenses manifestement excessives au regard du train vie du ménage, à l’utilité ou non de la dépense et à la mauvaise foi du tiers contractant. Mais il ne s’agit que de critères d’appréciation du caractère excessif de la dépense et non pas de conditions cumulatives.

Il faut noter que l’accord ne reprend aucunement l’alinéa 3 de l’article 220 et reste muet quant aux dettes contractées au moyen d’un emprunt ou d’un achat à tempérament, quel que soit le montant et l’objet de ces dépenses.

Au regard de l’important contentieux auquel donne lieu l’application de l’article 220 du Code civil en France, on peut craindre que cet article 6 génère un certain nombre de difficulté d’application.

D’une manière générale, les termes de l’accord du 4 février renforcent la protection des époux en instaurant un certain nombre de règles inspirées du régime primaire français, et ce même si la transposition n’est pas complète.

4- Les autres dispositions du régime primaire

Toutes les règles du régime primaire français ne sont pas reprises par l’accord franco-allemand du 4 février 2010. Tel est le cas, notamment, de l’habilitation judiciaire d’un époux à représenter son conjoint empêché figurant à l’article 219 du Code civil, des présomptions bancaires, mobilières des articles 221 et 222 du Code civil ou encore des mesures urgentes prévues par l’article 220-1 dans le cas de manquement grave de l’un des époux à ses obligations mettant en péril les intérêts de la famille.

Si les époux ont choisi de se soumettre au régime optionnel de la participation aux acquêts, les dispositions des articles 5 et 6 de l’accord priment les règles issues du Code civil. Mais les époux domiciliés en France sont de plus soumis aux autres règles du régime primaire qui a vocation à s’appliquer territorialement en raison de son caractère impératif.

A l’inverse, les époux non domiciliés en France ne sont soumis qu’aux seuls articles 5 et 6 de l’accord s’ils ont opté pour ce nouveau régime optionnel.

Enfin, les époux n’ayant pas convenu d’adopter ce régime ne sont soumis au régime primaire des articles 215 à 226 du Code civil que si, et seulement si, ils sont domiciliés en France ou sont soumis à la loi française quant à leur régime matrimonial.

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L’accord du 4 février 2010 présente également l’intérêt des règles simplifiées quant la liquidation du régime lors de sa dissolution.

B- Une liquidation simplifiée

Si le régime de la participation aux acquêts fonctionne comme une séparation de biens, c’est au moment de sa liquidation que sa particularité apparaît. Il faut déterminer l’éventuelle créance de participation en comparant le patrimoine originaire et le patrimoine final de chaque époux. On peut alors qualifier ce régime de communauté différée en valeur. Afin de fixer le montant de la créance de participation (3), il faut évaluer le patrimoine originaire (1) et le patrimoine final (2) de chacun des époux.

1- Le patrimoine originaire de chacun des époux

Il existe peu de divergences entre les systèmes allemand et français quant à la composition du patrimoine originaire des époux. L’article 8 de l’accord précise les éléments à prendre en compte dans ce patrimoine originaire.

Il comprend l’ensemble des biens dont les époux sont propriétaires au jour de la prise d’effet du régime

Il faut y ajouter les biens acquis à titre gratuit pendant le mariage ainsi que les indemnités perçues en réparation d’un dommage corporel ou moral.

Cette précision s’avérait nécessaire car le droit allemand ne connaît pas la notion de bien propre par nature, contrairement au droit français.

Le passif afférent au patrimoine originaire doit être déduit, y compris au delà de l’actif. Autrement dit, le patrimoine originaire peut être négatif. Une telle solution est conforme au droit français et correspond aux dispositions de l’article 1571 du Code civil.

Jusqu’à une réforme récente du droit de la participation aux acquêts en septembre 2009, le droit allemand n’autorisait la déduction du passif qu’à concurrence de l’actif. Dorénavant, le patrimoine originaire peut être négatif, le législateur allemand ayant modifié cette règle.

L’alinéa 3 de l’article 8 de l’accord précise les biens exclus du patrimoine originaire : il s’agit des fruits des biens qui le composent et les biens donnés par un époux à des parents en ligne directe pendant le mariage.

Les fruits produits par les biens du patrimoine originaire constituent alors des acquêts ce qui est conforme aux règles en vigueur tant en Allemagne qu’en France.

L’exclusion des biens donnés par un époux à un parent en ligne directe est inspirée du droit français. Cependant l’article 10 de l’accord relatif à la composition du patrimoine final y intègre les améliorations apportées à ces biens lorsqu’elles n’ont pas été financées par des deniers du patrimoine originaire.

Il s’agit ici d’un compromis entre le droit français qui exclut totalement les biens donnés du patrimoine originaire et du patrimoine final et le droit allemand qui comptabilise ces biens dans le patrimoine originaire.

Les époux sont tenus d’établir un inventaire de leur patrimoine originaire au moment de la conclusion du contrat de mariage. Celui-ci est réputé exact dès lors que les deux époux l’ont signé. La présomption étant simple, elle peut faire l’objet d’une preuve contraire. Cette obligation d’inventaire est conforme au droit français et au droit allemand.

A défaut d’inventaire, le patrimoine originaire est présumé nul, la preuve contraire étant également admise.

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Les droits français et allemand retiennent des solutions opposées quant à l’évaluation du patrimoine originaire. L’accord du 4 février a dû faire œuvre de compromis.

Le droit français retient la valeur réelle des biens au jour de la liquidation du régime, en tenant compte des biens subrogés le cas échéant. Par exemple, une maison appartenant à l’un des époux à une valeur de 100 000 euros au jour de la prise d’effet du régime. En raison de travaux de rénovation, cette maison est évaluée à 150 000 euros au jour de la liquidation du régime. Le droit français retient comme valeur dans le patrimoine originaire le montant de 150 000 euros. Il n’y a donc pas d’acquêt de réalisé.

Le droit allemand se réfère, quant à lui, à la valeur initiale des biens compris dans le patrimoine originaire. La valeur est alors définitive sous réserve d’une indexation laissée à l’appréciation du juge. Les plus-values son assimilées à des acquêts et augmentent la valeur du patrimoine final. Ainsi, en reprenant l’exemple précédent, le droit allemand intègre la maison à hauteur de 100 000 dans le patrimoine originaire et considère la plus-value de 50 000 euros comme un acquêt.

A l’inverse, les moins-values ne sont pas prises en compte.

La règle d’évaluation retenue par l’article 9 de l’accord est un compromis entre ces deux solutions.

Aux termes de ce texte, les biens existants sont évalués au jour de l’entrée en vigueur du régime.

Les biens acquis postérieurement compris dans le patrimoine originaire, c’est-à-dire les biens reçus à titre gratuit, sont évalués au jour de leur acquisition.

La valeur ainsi déterminée est indexée sur la valeur moyenne de l’indice général des prix à la consommation dans les deux pays.

Les immeubles et les droits immobiliers sont évalués au jour de la dissolution du régime mais sans tenir compte de la subrogation réelle. Si les biens ont été cédés, on retient la valeur au jour de l’aliénation. Cette dernière étant indexée à compter de l’aliénation des biens.

Cependant, les plus-values dues à la contribution des époux ne sont pas prises en compte dans le patrimoine originaire et constituent des acquêts. Seules les plus-values réalisées sans la contribution des époux sont intégrées dans le patrimoine originaire car elles ne sont pas constitutives d’acquêts.

Par exemple, un époux est propriétaire d’un immeuble d’une valeur de 100 000 euros. Cet immeuble a une valeur de 150 000 euros au jour de la dissolution du régime car le quartier où il se trouve a été aménagé en zone résidentielle. La valeur intégrée au patrimoine originaire est 150 000 car la plus-value ne constitue pas un acquêt. A l’inverse, si la plus-value est due à des travaux de rénovation réalisés par l’époux, il s’agit d’un acquêt et la valeur à retenir pour le patrimoine originaire est 100 000.

Des règles identiques d’évaluation sont appliquées aux dettes même si un tel système d’indexation des dettes est inconnu du droit français. L’article 13 de l’accord précise qu’en cas de divorce ou si le régime matrimonial est dissous par une autre décision judiciaire, par exemple en cas de liquidation anticipée de la créance de participation, la date d’évaluation est celle du jour d’introduction de la demande en justice.

La détermination du patrimoine originaire ne constitue que la première étape des opérations de liquidation du régime optionnel de participation aux acquêts. Il faut ensuite déterminer le patrimoine final de chacun des époux.

2- Le patrimoine final de chacun des époux

L’article 10 de l’accord fixe la composition du patrimoine final de chacun des époux. Il comprend tous les biens des époux déduction faite du passif y afférent même au-delà de l’actif.

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Il faut y ajouter les biens donnés par un époux sauf si la donation s’avère non excessive au regard du train de vie du ménage ou si le bénéficiaire de la libéralité est un parent en ligne directe de l’époux donateur. Dans ce dernier cas, cependant, il est tenu compte des plus-values apportées aux biens lorsqu’elles ont été réalisées avec des deniers ne provenant pas du patrimoine originaire de l’époux donateur.

Il faut également intégrer au patrimoine final, les biens cédés dans le but de « léser l’autre époux » et ceux qui ont été dissipés.

L’intégration des biens donnés sans le consentement du conjoint et ceux cédés dans le but de léser les droits du conjoint existe aussi bien en droit allemand qu’en droit français. Mais, la prise en compte des biens dissipés est connue du seul droit allemand.

L’alinéa 3 de l’article 10 instaure une prescription extinctive de dix ans. Les donations, la disposition frauduleuse ou la dissipation réalisée plus de dix ans avant la dissolution du régime matrimonial ne sont intégrées au patrimoine final. Cette règle, issue de l’article 1375 § 3 du BGB apporte une certaine sécurité juridique. On considère que passé un certain délai l’acte n’a pas été réalisé en fraude des droits du conjoint ou que ce dernier a finalement accepté l’acte.

L’évaluation du patrimoine final se fait au jour de la dissolution du régime en application de l’article 11 de l’accord du 4 février ou à la date d’introduction de la demande en justice en cas de divorce ou d’une autre décision judiciaire mettant fin au régime matrimonial. Cette règle d’évaluation reprend les dispositions du droit allemand. En effet, en France, la date retenue est, en principe, celle du jour de la liquidation du régime matrimonial, cette dernière pouvant intervenir plusieurs années après la dissolution.

Lorsque des biens donnés, cédés frauduleusement ou dissipés sont réintégrés dans le patrimoine final, ils sont évalués au jour de la donation, de l’acte frauduleux ou de la dissipation.

La plus-value des biens donnés à des parents en ligne directe lorsqu’elle n’a pas été financée par le patrimoine originaire de l’époux donateur est également évaluée au jour de la donation.

La comparaison du patrimoine final et du patrimoine originaire permet de déterminer l’éventuelle créance de participation due par un époux à son conjoint.

3- La créance de participation

Le montant des acquêts de chaque époux réside dans la différence entre le patrimoine final et le patrimoine originaire selon les termes de l’article 12 de l’accord franco-allemand.

L’époux qui a réalisé le moins d’acquêts a droit à une créance égale à la moitié de la différence entre les acquêts de chacun.

Par exemple un époux dispose d’un patrimoine final d’une valeur de 200 000 alors que son patrimoine originaire est évalué à 150 000. Les acquêts qu’il a réalisés sont alors de 50 000.

Son conjoint a un patrimoine final de 250 000 et son patrimoine originaire est fixé à 100 000. Ses acquêts sont de 150 000.

L’époux qui a réalisé le moins d’acquêt peut prétendre à une créance de participation de la moitié de la différence entre ses acquêts et ceux de son conjoint. Soit une différence d’acquêt de 100 000 (150 000 – 50 000 = 100 000) et une créance de participation de 50 000 (100 000 / 2 = 50 000).

Même si le droit allemand ne le précise pas expressément, à l’inverse du droit français, dans les deux pays, le paiement de la créance de participation s’entend d’un paiement en argent. L’alinéa 2 de l’article 12 de l’accord reprend de manière expresse ce principe de paiement. Le règlement en nature est réservé à des cas particuliers en France comme en Allemagne. Ainsi l’accord prévoit-il que le tribunal peut ordonner le paiement par le transfert de biens appartenant au débiteur au profit du créancier eu égard à l’équité.

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Conformément aux dispositions des deux droits nationaux, la créance n’est cessible entre vifs et transmissible à cause de mort qu’après la dissolution du régime matrimonial.

L’article 14 de l’accord plafonne le montant de la créance de participation à la moitié de la valeur du patrimoine de l’époux débiteur au jour d’évaluation retenu pour déterminer cette créance de participation.

La prescription de la créance de participation est de trois ans en Allemagne comme en France. La date de départ du délai diffère cependant. Le droit allemand retient le jour où l’époux a connaissance de la dissolution du régime matrimonial alors que le droit français fiat courir le délai à compter de la dissolution du régime elle-même. La règle allemande étant plus protectrice des intérêts des époux, c’est elle qui est reprise à l’article 15 de l’accord.

En guise de conclusion, une dernière remarque peut être faite sur les perspectives d’ouverture générées par cet accord.

Ensuite, en droit interne, force est de constater que le régime de la participation aux acquêts demeure mal connu et peu pratiqué alors qu’il s’agit d’un régime permettant de concilier indépendance des époux et participation équitable aux acquêts de chacun. Il est possible d’espérer que l’adoption de ce régime optionnel commun un moyen de développer davantage le choix du régime de la participation aux acquêts pour les couples français. En effet, ils sont libres de s’inspirer de ce modèle européen pour la rédaction de leur contrat de mariage au nom de la liberté conventions matrimoniales.