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BENIN

10ème CONGRÈS DE L’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES HAUTES JURIDICTIONS

ADMINISTRATIVES (AIHJA)

_____♣♣♣_____

Sydney – mars 2010

Communication de la Chambre Administrative de la Cour Suprême du Bénin.

"LE CONTRÔLE DES ACTES ADMINISTRATIFS PAR LES COURS ET TRIBUNAUX

ADMINISTRATIFS"

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INTRODUCTION

Historique

Ancienne colonie de la France, le Bénin, connu hier sous le nom de République du DAHOMEY, a accédé à la souveraineté internationale le 1er août 1960. En se dotant d’une organisation judiciaire, le pays s’est largement inspiré des réalités de l’ancienne métropole, même si contrairement à la France qui dispose de plusieurs ordres de juridictions, il n’existe au Bénin qu’un seul ordre de juridiction.

C’est ainsi qu’a été créé dès 1960, une Cour suprême placée au sommet de l’organisation judiciaire et comprenant trois chambres spécialisées : la Chambre administrative statuant en premier et dernier ressort en matière administrative, la Chambre judiciaire statuant comme juge de cassation des arrêts rendus en dernier ressort par les Cours d’appel en matière judiciaire, et la Chambre des comptes statuant en premier et dernier ressort en matière des comptes des comptables publics.

Mais il importe avant d’aller plus loin, de situer les honorables participants à cet important congrès sur l’environnement institutionnel et juridique dans lequel la juridiction administrative béninoise s’acquitte de sa mission.

Rôle et place de la justice au Bénin

En procédant à la redéfinition des grandes options politiques et de développement de notre pays, le Bénin, la Conférence des Forces Vives de la Nation tenue en Février 1990, a fait de la justice par son indépendance clairement affirmée, l’épine dorsale du système béninois de gouvernance et le pilier essentiel de l’Etat de droit.

A la suite de cette mémorable conférence qui a permis le passage en douceur, d’un régime de dictature à un régime de démocratie pluraliste, la Loi fondamentale du Bénin, la Constitution du 11 Décembre 1990, a consacré la détermination du peuple béninois de créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel, les droits fondamentaux de l’homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus

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comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle.

C’est ainsi que l’article 125 de ladite Constitution disposera sans ambages que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir Exécutif.

Il est exercé par la Cour Suprême, les Cours et Tribunaux créés conformément à la présente Constitution ».

Cette Constitution place naturellement la Cour Suprême au sommet de la hiérarchie judiciaire en disposant à travers son article 131 qu’elle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière administrative, judiciaire et des comptes de l’Etat.

Elle est également compétente en ce qui concerne le contentieux des élections locales.

Les décisions de la Cour Suprême ne sont susceptibles d’aucun recours.

Elles s’imposent au pouvoir Exécutif, au pouvoir législatif ainsi qu’à toutes les juridictions.

C’est donc dans cet environnement institutionnel porteur d’Etat de droit, que fonctionne la Haute juridiction administrative du Bénin.

Présentation sommaire de la juridiction administrative béninoise

La Chambre administrative de la Cour suprême, juge administratif en premier et dernier ressort, assurait le contrôle juridictionnel de la légalité des actes administratifs. Cette situation, voulue par le législateur, a duré jusqu’à l’intervention d’une réforme opérée par la loi n° 2001-37 du 27 août 2001 portant organisation judiciaire en République du Bénin. Cette loi fait désormais des tribunaux de première instance, les juges de droit commun de premier ressort en matière administrative (articles 49 et 53). La même loi dispose qu’en matière administrative, les Cours d'appel sont compétentes pour connaître en dernier ressort du contentieux de tous les actes émanant des autorités administratives de leur ressort

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(articles 65 et 66). Ces dispositions confinent la chambre administrative essentiellement dans le rôle de juge de cassation.

Mais cette loi, quoique votée et promulguée, n’est pas encore pleinement appliquée : les chambres administratives des tribunaux de première instance et des cours d’appel ne sont pas encore installées. En attendant, il est fait application de la disposition transitoire de l’article 84 de ladite loi : « En matière administrative et des comptes, les chambres administrative et des comptes de la Cour Suprême demeurent compétentes jusqu'à l'installation des chambres administrative et des comptes des cours d'appel et tribunaux de première instance ».

Ainsi se justifie le rôle de juge de droit commun en premier et dernier ressort en matière administrative, joué par la Chambre administrative de la Cour suprême, en attendant de se voir bientôt confinée dans celui de juge de cassation conformément à la nouvelle loi.

Pour coller aux termes de référence établis pour les rapports nationaux de ce 10ème Congrès de l’Association Internationale des Hautes Juridictions Administratives (AIHJA), il sera tour à tour abordé ici les règles et critères de compétences du juge administratif béninois, la procédure suivie devant la juridiction, enfin les pouvoirs dont il dispose.

I. Le domaine de compétence du juge administratif béninois

En matière de contrôle des actes administratifs, la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007, en son article 35, alinéa 2, 1er tiret, dispose que le juge administratif est compétent pour connaître des recours en annulation pour excès de pouvoir des décisions des autorités administratives. Il ressort de cette disposition que le juge administratif est compétent pour connaître de tous les actes administratifs, qu’ils soient réglementaires ou individuels, émanant des autorités administratives.

Le recours en annulation pour excès de pouvoir est la voie de saisine directe permettant au justiciable d’obtenir du juge, l’annulation de tout acte administratif entaché d’illégalité.

Mais le contrôle de légalité devant le juge administratif peut également s’opérer par voie d’exception, sur renvoi des juridictions judiciaires. Il s’agit de voies de recours par lesquels les requérants, sur l’initiative d’un juge judiciaire, saisissent le juge administratif d’une

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question juridique (l’appréciation de la légalité d’un acte administratif), qui s’est posée devant la juridiction judiciaire, au cours d’un procès dont celle-ci est saisie. La réponse donnée par le juge administratif permet au juge judiciaire de statuer sur le litige à propos duquel la question a été soulevée. Le juge administratif n’est donc saisi, en cette matière, que d’une question incidente soulevée par le litige principal porté devant le juge judiciaire. Son intervention constitue un aspect de la collaboration qui s’établit entre les deux juges.

En dépit de la compétence générale du juge administratif pour le contrôle des actes administratifs, certains de ces actes, en raison de leur nature, échappent à tout contrôle juridictionnel. Il s’agit d’une construction jurisprudentielle inspirée des théories françaises d’actes de gouvernement et des circonstances exceptionnelles.

II. La procédure

Les règles de procédure applicables devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême sont pour la plupart fixées par la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour Suprême. Toutefois, lorsque des lois particulières fixent, dans un domaine donné, une procédure différente de celle portée par la loi n° 2004-20 du 17 août 2007, c’est la procédure particulière qui est suivie pour le règlement des instances se rapportant au domaine considéré.

Un exemple est fourni par le contentieux fiscal, qui relève également du juge administratif.

Le recours administratif, précédemment obligatoire sous le régime de l’ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 régissant alors la procédure devant la Cour suprême, a été rendu facultatif par la nouvelle loi de procédure, n° 2004-20 du 17 août 2007. Dorénavant, le requérant peut, s’il le souhaite, saisir directement le juge administratif de son recours pour excès de pouvoir, tout comme il peut, à son gré, tenter un règlement administratif du litige avant de saisir, en cas d’échec, le juge administratif.

En dépit de cette évolution de la procédure, le Code général des Impôts, quant à lui, continue de rendre obligatoire en matière fiscale, le recours administratif préalable avant la saisine du juge administratif. En son article 1048, ce code dispose, entre autres, que « quelle que soit la

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nature des impôts et taxes en cause, les contestations élevées par les contribuables sont d’abord obligatoirement soumises, par voie de réclamation, au Ministre chargé des finances (Direction Générale des Impôts et des Domaines) ».

En outre, dans la procédure générale de la loi n° 2004-20 du 17 août 2007, lorsque le requérant a opté pour un recours administratif préalablement à la saisine du juge, l’autorité administrative dispose d’un délai de deux mois pour donner suite au recours. Le code général des impôts, par contre, accorde au Ministre des Finances, un délai de six mois pour notifier sa décision au réclamant.

Pour l’appréciation de la recevabilité des requêtes contentieuses en matière fiscale, la Chambre administrative de la Cour suprême fait application des règles particulières de procédure fixées par le code général des Impôts et non les règles générales de la loi fixant la procédure devant la Cour suprême.

D’une manière générale, la procédure devant la juridiction administrative revêt certains caractères essentiels.

Il s’agit d’abord d’une procédure écrite (article 2 de la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour Suprême). Toutes les conclusions et tous les moyens présentés par les parties, doivent faire l’objet de mémoires écrits. Les parties ont le droit de présenter ou de faire présenter des observations orales à l’audience, mais ces observations ne peuvent que préciser et consolider des conclusions et moyens énoncés dans les mémoires. Les conclusions nouvelles ne sont pas recevables à l’audience.

Le caractère écrit ainsi donné à la procédure administrative, permet un examen plus attentif par le juge, des éléments du litige et rend plus ordonné, le débat contradictoire.

La procédure présente en outre, un caractère inquisitorial, par opposition aux procédures de type accusatoire dirigées par les parties et dans lesquelles, le juge se borne à arbitrer les prétentions opposées. La procédure administrative est, au contraire, dirigée par le juge, à travers le Conseiller-Rapporteur (article 12 de la loi n° 2004-20). Celui-ci joue un rôle essentiel dans le cours de l’instance. Il assure la mise en cause des parties intéressées, ordonne les communications en fixant leurs modalités, leur étendue, les délais de réponse. C’est lui qui décide des mesures d’instruction, sans être obligé d’ordonner les mesures

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sollicitées par les parties. Il peut même exceptionnellement, supprimer ou écourter l’instruction lorsqu’il apparaît que la solution de l’affaire est d’ores et déjà certaine (art. 15).

Les divers incidents de l’instance donnent lieu à une décision de sa part. C’est à lui enfin qu’il incombe de déclarer l’affaire en état d’être jugée.

Mais si c’est le juge qui dirige la procédure, les parties ont le devoir de déférer aux mesures d’instruction décidées et notamment dans les délais prescrits par le Conseiller-rapporteur. Lorsque les délais impartis se trouvent expirés, le greffier en chef adresse à la partie qui n’a pas observé le délai, une mise en demeure comportant un nouveau et dernier délai. Si la mise en demeure reste sans effet, la chambre administrative statue. Si c’est le demandeur qui n’a pas observé le délai, il est réputé s’être désisté et l’affaire est classée ; si c’est l’administration, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête.

Il arrive néanmoins que la résistance de l’administration à produire des éléments dont l’autre partie n’a pas connaissance, crée de réelles difficultés aussi bien au requérant qu’au juge lui-même. Cela s’observe notamment en matière domaniale où il arrive que l’administration annule un permis d’habiter à l’insu de son bénéficiaire et en délivre à une autre personne, sur la même parcelle de terrain. Le bénéficiaire originel constate seulement que quelqu’un s’est mis à ériger un bâtiment sur sa parcelle.

Mais pour saisir le juge administratif, il lui faut satisfaire à l’exigence de la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 régissant la procédure devant la Cour suprême, qui en son article 30, impose au requérant, de faire accompagner sa requête d’une expédition de la décision attaquée, en l’occurrence, le nouveau permis d’habiter que l’autorité administrative s’abstient résolument de lui communiquer. Le juge administratif se trouve, dans ces cas, bien embarrassé, ne disposant pas de pouvoir d’injonction à l’égard de l’administration.

La question pourrait bien trouver solution grâce à un appel en intervention forcée du nouveau bénéficiaire de la parcelle, l’obligeant à exhiber le permis d’habiter en vertu duquel il s’est mis à construire sur une parcelle de terrain dont le requérant s’estime le légitime bénéficiaire. Seulement, pour appeler un citoyen en intervention forcée, il faut bien connaître ce citoyen, ce qui n’est pas toujours le cas. Le juge ne pouvant s’abstenir de trancher le litige sans commettre un déni de justice, il lui est arrivé, quelques rares fois, devant de tels cas, lorsque l’illégalité est

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flagrante, d’annuler le nouveau permis d’habiter sans en mentionner les références.

La procédure administrative présente enfin un caractère contradictoire (article 18 de la loi n° 2004-20). En raison du caractère essentiellement écrit de la procédure, les arrêts rendus sont contradictoires en dépit de l’absence éventuelle des parties ou de leurs défenseurs.

Il existe un Parquet général près la Cour suprême du Bénin. Il participe à toutes les audiences de la Chambre administrative et des autres chambres de la Cour. Le procureur général (ou l’Avocat général qui le représente) présente ses conclusions écrites et les développe oralement à l’audience s’il le souhaite.

A la différence du rapport du Conseiller-Rapporteur, les conclusions du Parquet Général sont publiques. Elles se situent invariablement après la clôture de l’instruction, de sorte que leur prononcé n’est pas une atteinte au caractère écrit de la procédure d’instruction.

Pour présenter ses conclusions, le représentant du Parquet Général prend toujours la parole le dernier. Il est tenu de conclure, c’est-à-dire de se prononcer dans un sens donné. Le Parquet Général a en effet pour mission d’exposer les questions que présente à juger, chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance, ses conclusions, son appréciation sur les circonstances de fait de l’espèce et les règles de droit applicables, ainsi que son opinion sur les solutions qu’appelle, selon lui, le litige soumis à la juridiction administrative.

La Cour Suprême statue, le rapporteur et le ministère public entendus. Les séances du jugement sont publiques sauf prononcé de huis-clos.

Le délibéré est secret. Les décisions sont prises à la majorité.

Il n’existe pas de formation à juge unique à la Cour suprême du Bénin. Les chambres siègent à cinq (05) magistrats au moins. Toutefois, elles peuvent, en cas de besoin, siéger à trois (03) magistrats. Ce nombre est nécessairement porté à cinq (05) lorsque la formation est présidée par le président de la Cour Suprême.

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Toutefois, le juge statuant seul, s’observe dans les procédures d’urgence. C’est ainsi qu’en matière de référé administratif, la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême, en son article 39, 1er tiret, donne compétence non pas à une formation collégiale, mais plutôt au Président de la Chambre administrative :

« Dans tous les cas d’urgence ou lorsqu’il s’agira de statuer provisoirement sur les difficultés relatives à l’exécution d’un acte administratif, le président de la chambre administrative peut, sur simple requête recevable même en l’absence d’une décision administrative préalable, prescrire par ordonnance, toute mesure utile d’expertise ou d’instruction ».

Il en est de même pour le constat d’urgence, au sujet duquel la même loi, en son article 39, 2ème tiret dispose :

« Dans tous les cas d’urgence, le président de la chambre administrative ou le magistrat qu’il délègue, peut sur simple requête, avec ou sans ministère d’avocat même en l’absence d’une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai, les faits susceptibles de donner lieu à un litige devant la chambre administrative ».

Il faut signaler que les procédures d’urgence sont destinées uniquement à prendre des mesures provisoires ou conservatoires. Elles ne peuvent régler le litige au fond.

Les règles de recevabilité obéissent à un principe fondamental : elles sont d’ordre public. De ce caractère d’ordre public, résultent certaines conséquences.

- Les parties peuvent invoquer, en tout état de la procédure, l’incompétence de la juridiction administrative.

- Le juge est tenu de relever, le cas échéant, la méconnaissance des règles de compétence. Même si aucune des parties ne prend l’initiative d’invoquer l’incompétence du juge, ce dernier a l’obligation de la relever d’office.

Toutefois, si le principe s’applique dans une très grande mesure, sa rigueur est atténuée par les larges possibilités de régularisation bénéficiant aux parties, au point qu’aujourd’hui, l’impossibilité de

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régularisation ne s’observe avec rigueur que dans peu de cas, notamment en matière de délai, d’intérêt à agir et autres.

S’agissant de l’intérêt à agir, il est apprécié bien largement par le juge administratif.

Cette largesse dans l’appréciation de l’intérêt à agir n’empêche toutefois pas le juge administratif d’exiger toujours du requérant que celui-ci justifie d’un intérêt suffisant.

Au Bénin, les justiciables ont un accès direct par eux-mêmes au juge administratif en matière de recours en annulation pour excès de pouvoir, ce qui est déjà une importante facilité dans l’accès au juge, quand on sait que les recours pour excès de pouvoir, numériquement, tiennent nettement la première place comparativement aux autres types de recours.

Mis à part le recours pour excès de pouvoir, le ministère d’avocat est obligatoire pour introduire tout autre recours ou suivre tout pourvoi devant les chambres de la Cour suprême (art. 3 de la loi 2004-20).

Une exception concerne toutefois le contentieux électoral. Quoique s’inscrivant dans la catégorie du plein contentieux, les recours liés au contentieux des élections locales, sont dispensés de l’obligation du ministère d’avocat.

L’accès à la justice au Bénin est en outre facilité, au plan pratique, par la gratuité à tous les niveaux de l’appareil judiciaire. En dehors des frais très dérisoires de la consignation légale du dossier, le citoyen qui saisit le juge n’a éventuellement à supporter que les honoraires d’avocats dans les matières où le ministère d’avocat est rendu obligatoire par la loi. Même dans ces matières, le législateur a institué une assistance judiciaire au profit des justiciables reconnus sans moyens suffisants. Devant les juridictions de fond et la Cour suprême, l’assistance judiciaire est accordée à la demande du justiciable, tandis que devant la Cour d’assises, le prévenu en bénéficie d’office, à moins qu’il n’y renonce expressément.

En l’état actuel de la procédure, le juge administratif béninois ne peut être saisi au moyen de requêtes formées en faisant usage des nouvelles technologies, l’Internet par exemple. Toutefois, l’usage de tels moyens de communication n’est pas totalement absent dans la procédure. C’est ainsi qu’en matière de contentieux électoral, la loi n° 2007-25 du 23 novembre 2007 portant règles générales pour les

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élections en République du Bénin dispose en son article 117 que la Cour Suprême est saisie par une requête écrite adressée au greffe de la Cour, au greffe du tribunal de première instance territorialement compétent, au Chef d'arrondissement, au Maire, au Préfet ou au Ministre en charge de l’administration territoriale. Le greffe du tribunal de première instance territorialement compétent, le Chef d’arrondissement, le Maire, le Préfet ou le Ministre en charge de l’administration territoriale saisi, avise par télégramme ou tous autres moyens de communication appropriés, le greffe de la Cour et assure sans délai, la transmission de la requête dont il a été saisi.

Plusieurs justiciables très éloignés du siège de la Cour suprême ont pu bénéficier de cette disposition à l’occasion des élections locales de 2008, se trouvant ainsi épargnés d’avoir à se déplacer jusqu’à Cotonou pour déposer leurs recours souvent enfermés dans des délais très courts.

L’introduction d’un recours contentieux administratif ne suspend pas l’exécution de la décision attaquée (article 1er de la loi n° 2004-20). Celle-ci s’applique normalement, en attendant son annulation éventuelle par le juge. Cependant, il existe au profit du justiciable, une procédure de sursis à exécution. Sur demande expresse de la partie requérante, la chambre administrative peut, à titre exceptionnel, ordonner le sursis à l’exécution des décisions des autorités administratives contre lesquelles a été introduit le recours en annulation (art. 36).

III. Les pouvoirs du juge administratif béninois

Les normes dont le juge administratif béninois assure le contrôle de légalité, sont diverses et variées, mais toujours dans le strict respect des règles légales de procédure.

La Chambre administrative de la Cour suprême du Bénin est juge administratif. Elle n’est pas juge constitutionnel. Elle se déclare donc constamment incompétent à examiner les moyens de droit des requérants tirés de la violation de la Constitution1.

Le juge constitutionnel s’autorise toutefois à contrôler, à titre de contrôle de légalité, la conformité à la Constitution lorsque aucune loi ne 1 La réciproque est observée au niveau de la Cour constitutionnelle du Bénin, qui se déclare incompétente lorsqu’une décision administrative est soumise à son contrôle de légalité et non de constitutionnalité.

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s’interpose entre l’acte administratif concerné et la Constitution. Ce faisant, la Chambre administrative ne fait que s’inspirer de la jurisprudence française. (C.E. 08 janvier 1972, Conseil transitoire des lettres de Paris, p. 90).

En outre, le juge administratif béninois assure le contrôle du respect des traités et accords internationaux. Aux termes de l’article 147 de la Constitution du 11 décembre 1990 toujours en vigueur, « les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ».

La compétence du juge administratif à l’égard des traités se justifie d’autant plus que, tout en ayant une autorité supérieure à celle des lois, les traités et accords internationaux n’ont pas valeur constitutionnelle. Ils sont négociés et signés par le pouvoir exécutif, et leur ratification qui les intègre au droit interne béninois est l’œuvre du même exécutif, plus précisément du Président de la République qui, aux termes de l’article 41 de la Constitution, est garant, entre autres, des traités et accords internationaux.

Le juge administratif est également compétent en ce qui concerne le contrôle de la légalité stricto sensu, c’est-à-dire le contrôle de la conformité à la loi des décisions administratives. Il s’agit là, peut-on dire, du rôle classique du juge administratif, juge de la légalité des actes administratifs.

Mais ce sont les véritables actes administratifs qui sont déférés au contrôle du juge administratif. Les circulaires, en tant qu’elles ne font qu’expliciter ou fixer les modalités d’application des lois et règlements, ne sont pas des décisions administratives. En conséquence, elles ne peuvent être attaquées devant le juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir. Elles ne peuvent l’être exceptionnellement que s’il est avéré que, au-delà de la simple interprétation de la loi, elles contiennent de véritables décisions administratives faisant d’elles des actes administratifs authentiques.

Le juge, dans son contrôle de la qualification juridique des faits, pratique un contrôle de proportionnalité entre les motifs d’une décision administrative et le contenu de cette décision.

Le juge administratif se contente-t-il d’annuler la décision administrative contestée, ou peut-il en outre modifier ou réformer la

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décision ? La réponse à cette question varie selon qu’il s’agit du recours pour excès de pouvoir ou du recours de plein contentieux.

Dans le cas du recours pour excès de pouvoir, qui s’inscrit dans le pur contentieux de l’annulation, le juge se contente d’annuler la décision administrative contestée et épuise par là même, son rôle. Il ne va pas jusqu’à modifier ou réformer la décision illégale. Ce rôle incombera à l’administration qui, ne pouvant plus faire application de sa décision annulée par le juge, n’a d’autre ressource que de tirer les conséquences de l’annulation contentieuse en modifiant la décision dans le sens d’une correction de l’illégalité sanctionnée.

Par contre, il en va autrement dans le cas du plein contentieux, ainsi appelé justement parce que caractérisé par l’étendue des pouvoirs du juge administratif. Celui-ci non seulement annule la décision contestée, mais en outre la modifie ou la réforme. En d’autres termes, le juge administratif annule la décision illégale et la remplace par sa propre décision dont il impose l’application à l’administration.

Le contentieux électoral offre un beau spécimen de plein contentieux de ce type. Saisi par un justiciable en contestation d’une élection, le juge administratif, ici juge électoral, en faisant droit à la protestation, peut non seulement annuler l’élection contestée, mais également procéder à la réformation des procès-verbaux de résultats et proclamer lui-même le candidat régulièrement élu (article 120 de la loi n° 2007-25 du 23 novembre 2007 portant règles générales pour les élections en République du Bénin).

Dans le contentieux de l’annulation, le juge administratif béninois fait produire effet de cette annulation à la date à laquelle la décision a été prise. Ce n’est d’ailleurs que l’effet normal attaché à l’annulation contentieuse : la décision annulée est censée n’avoir jamais existé et les choses doivent être remises dans l’état où elles devraient être si ladite décision n’avait pas été prise. Toutefois, il est bien imaginable que, devant des cas où l’annulation rétroactive apparaîtrait vraiment aberrante, le juge décide de moduler dans le temps, les effets de l’annulation. Le juge administratif béninois ne possède pas encore de jurisprudence à cet effet, mais la France, pays avec lequel le Bénin partage la même tradition juridique et judiciaire, a déjà ouvert cette possibilité.

Dans un arrêt de principe en date du 11 mai 2004, Société AC et consorts, le Conseil d’Etat motive :

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« Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ».

Cet arrêt a été qualifié par les commentateurs, de véritable revirement introduisant la possibilité de modulation dans le temps de ses décisions par le juge administratif (v. article de M. Nicolas CHARBIT paru au n° 81 de juin 2004 de la revue Lamy Droit public des affaires).

Une autre question importante a trait aux moyens dont dispose le juge administratif béninois pour imposer à l’administration, l’exécution de ses décisions auxquelles celle-ci ne se conformerait pas spontanément.

Il se fait que, pour les décisions du juge administratif, l’administration chargée de les exécuter se trouve être aussi la défenderesse au pourvoi, et dans les cas où elle c’est elle qui succombe, il arrive de noter de sa part des réticences à mettre en œuvre, contre elle-même en quelque sorte, les décisions de justice d’où la nécessaire existence de garanties quant à l’exécution desdites décisions.

Sous le régime de l’ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 régissant naguère la procédure devant la Cour suprême, le juge administratif manquait manifestement de moyens de pression sur l’administration en vue de la contraindre à exécuter ses décisions.

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Il n’existe pas un Juge de l’exécution des décisions de la juridiction administrative. Cette dernière ne dispose pas non plus du pouvoir de condamner l’administration à des obligations de faire ou de ne pas faire, c’est-à-dire de lui adresser des injonctions. En cas d’inexécution des décisions du juge administratif, le justiciable béninois ne disposait que de deux possibilités : soit le retour devant le juge administratif pour solliciter une condamnation pécuniaire de l’administration récalcitrante, soit un arrangement avec l’Agent judiciaire du Trésor lorsque, face à une condamnation pécuniaire prononcée contre elle, l’administration évoque des difficultés financières pour ne pas exécuter ou retarder l’exécution.

Prenant conscience de ces réelles difficultés privant pratiquement d’intérêt les décisions de justice, le législateur a doté le pays de la nouvelle loi n° 2004-20 du 17 août 2007 fixant les règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême. Il y est prévu des moyens de contrainte de l’administration, notamment sous forme d’astreintes et d’amendes.

Cette loi dispose en son article 23 qu’en cas d’inexécution d’une décision rendue par la Cour Suprême, la chambre dont la décision est en cause, peut même d’office, prononcer une astreinte contre les personnes physiques ou morales de droit privé, les organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public, les personnes physiques qui représentent l’administration et qui, de façon manifeste, bloquent ou retardent l’exécution d’une décision, aux fins d’en assurer l’exécution.

L’astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire, à moins que la cour n’ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts.

En cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive, la cour procède à la liquidation de l’astreinte qu’elle avait prononcée.

Sauf s’il est établi que l’inexécution de la décision provient d’un cas fortuit ou de force majeure, le taux de l’astreinte définitive ne peut être modifié par la Cour lors de sa liquidation.

L’astreinte est versée au trésor public.

La même loi, en son article 126, punit d’une amende pouvant aller jusqu’à cinq cent mille (500 000) francs, le fait d’avoir entraîné la condamnation d’une personne morale de droit public ou d’une personne de droit privé chargée de la gestion d’un service public, en raison de l’inexécution totale ou partielle ou de l’exécution tardive d’une décision

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de justice. Le prononcé de cette peine d’amende est de la compétence de la Chambre des comptes de la Cour Suprême.

On pourrait dire que le versement de l’astreinte au trésor public c’est-à-dire entre les mains de l’Etat "rebelle à l’exécution de la décision" relance le débat de la portée réelle de la condamnation de l’administration au paiement de l’astreinte et de l’effet dissuasif que cette condamnation pourrait avoir sur le comportement de l’administration.

L’expérience française de reversement d’une partie de l’astreinte au requérant même si elle est infime, reste une solution intéressante pour le Bénin dans la recherche des voies et moyens susceptibles de garantir l’exécution des décisions de justice.

CONCLUSION

Le Bénin s’est résolument engagé dans la voie de l’édification d’un Etat porteur du développement socio-économique durable auquel aspirent ses populations.

La justice reste au Bénin, le garant de cet enjeu et s’emploie à jouer son rôle de facteur de développement.

La justice administrative béninoise n’est pas en marge de cette dynamique. Elle est en Afrique, l’une des plus actives, en témoignent les nombreux recours dont elle est régulièrement saisie et les décisions qu’elle rend annulent tel acte du pouvoir Exécutif.

La Chambre administrative de la Cour Suprême est au Bénin, le juge administratif suprême. Il est par conséquent le juge ultime des activités du pouvoir exécutif, des collectivités territoriales, des autorités indépendantes et établissements publics administratifs ou organismes disposant de prérogatives de puissance publique.

Par sa fonction juridictionnelle, la Chambre administrative de la Cour Suprême du Bénin, assure la soumission de l’administration béninoise au droit. Le juge administratif béninois est ainsi, un des rouages essentiels de l’Etat de droit dans notre pays.

Cette fonction (juridictionnelle) place le juge au cœur de la relation entre les pouvoirs publics et les citoyens et donc d’un élément fondamental du pacte social. Cette mission est cruciale à une époque où

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les droits de la personne sont si fortement reconnus et protégés et où la puissance publique est en charge d’intérêts généraux multiples qui lui sont confiés par la loi et qui selon le cas, sont invoqués par les justiciables ou leur sont opposés.

Le juge administratif béninois prend la mesure, dans son office quotidien, de ses enjeux et joue sa partition dans le règne du droit au Bénin.

Le présent congrès qui réunit dans cette belle ville de Sydney, les juges administratifs des quatre coins du monde, reste pour la délégation béninoise, une occasion privilégiée d’échanges, un rendez-vous du donner et du recevoir dont elle tirera à coup sûr, le meilleur profit pour une justice administrative plus performante, au service du règne du droit au Bénin.

Merci de votre aimable attention.

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