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LA REVUE SUISSE DE LA RECHERCHE ET DE SES APPLICATIONS HES-SO HAUTE ÉCOLE SPÉCIALISÉE DE SUISSE OCCIDENTALE UNIVERSITY OF APPLIED SCIENCES AND ARTS WESTERN SWITZERLAND NOUVELLES TRANSPARENCES

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LA REVUE SUISSE DE LA RECHERCHE ET DE SES APPLICATIONS

HES-SO HAUTE ÉCOLE SPÉCIALISÉE DE SUISSE OCCIDENTALE UNIVERSITY OF APPLIED SCIENCES AND ARTS WESTERN SWITZERLAND

Design et Arts visuelsEconomie et ServicesIngénierie et ArchitectureMusique et Arts de la scèneSantéTravail social

VOLUME VII

NOUVELLES TRANSPARENCES

CHF 9.– E7.–N°ISSN 2235-0330

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Tower InfinityCes images virtuelles dévoilent un projet architecturalambitieux du gouvernement sud-coréen: la Tower Infinity,dont la construction a débuté en automne 2013 à proximitéde Séoul. Si avec ses 450 m de haut, cette tour necherche pas à battre le record du monde de hauteur, elle sera le premier bâtiment invisible. L’une de ses façadessera équipée de LED et de caméras filmant en temps réel le paysage des environs, reflété en direct à sa surface.Cette illusion d’optique donnera l’impression que la Tower Infinity est transparente. Aucune date de livraison n’a pour l’instant été confirmée pour ce gratte-ciel, quidevrait accueillir des activités de loisir.

Barreleye Ce poisson de la famille des Opisthoproctidae n’a étéphotographié vivant qu’en 2004. Il n’a pu être filméqu’encore plus tard, en 2006, à une profondeur de 800 m au large de la Californie. Cette espèce rarepossède un système oculaire unique, avec deux gros yeux qui observent l’environnement à travers un crânetotalement transparent. La cavité crânienne – dans laquelleles yeux sont mobiles et peuvent se tourner vers l’avant ou vers le haut – est remplie d’un gel translucide. Deschercheurs de l’Aquarium de la baie de Monterey ontobservé que le Barreleye était presque toujours immobileet que lorsqu’il avait détecté de petites proies, ses yeux semettaient à tourner. Cette image est une capture d’un filmtourné par un robot submersible, le Rov Tiburon, capablede produire des données scientifiques et des images enhaute définition, développé par l’institut de recherche del’Aquarium de la baie de Monterey.

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HÉMISPHÈRESLA REVUE SUISSE DE LA RECHERCHE ET DE SES APPLICATIONS

ÉDITÉE PAR LA HES-SO HAUTE ÉCOLE SPÉCIALISÉE DE SUISSE OCCIDENTALE

VOLUME VII

Nouvelles transparences

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sur le site www.revuehemispheres.com

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HÉMISPHÈRES

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Associée à la vérité, à la démocratie et à la justice, la transpa-rence représente désormais la mère de toutes les vertus. On netrouve plus de traité d’éthique ou de charte d’entreprise qui nela mentionne pas. Le phénomène est largement mondialisé, aveccertes encore quelques variantes locales. François Hollande n’apas dû subir l’impecheament pour avoir caché l’existence de samaîtresse aux Français.

Mais le problème de la transparence ne réside pas tant dans lesvaleurs qu’elle véhicule que dans sa dimension idéologique, par-fois totalitaire. Elle devient dangereuse lorsqu’en son nom, il estpossible de violer la sphère privée des citoyens ou, pire, lesdroits de l’Homme. En politique, le désir de contrôle ne se situejamais loin de la transparence. Vouloir tout connaître d’un êtrehumain ou d’une institution représente aussi une illusion.

Comme le dit l’auteur allemand Manfred Schneider dans sonentretien en page 14, «la transparence est impossible à implé-menter dans le monde réel. Au fur et à mesure que nous étu-dions notre environnement, la matière, l’espace, les choses nedeviennent pas plus simples, au contraire elles se complexifient.»

Il nous a paru essentiel de consacrer un dossier d’Hémisphèresà la transparence. Parce qu’elle est associée à des thématiquesd’actualité et parce qu’elle est souvent mal comprise, car utiliséeà tous les escients. Pour décortiquer ce terme et comprendre sesdifférentes faces, nous l’avons abordé sous l’angle du politique,de la communication ou de la recherche académique. Sans ou-blier ses applications plus concrètes en design, en architectureou dans l’imagerie médicale. Des articles rédigés par nos jour-nalistes dans un esprit de totale transparence.

Geneviève Ruiz, responsable éditoriale d’Hémisphères

PRÉFACE

Transparence à double face

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ARCHITECTURE

51 | Le verre omniprésent

ADMINISTRATION

56 | La Loi suisse sur la transparence peu efficace

RECHERCHE

60 | L’open access, un enjeu démocratique

ART

62 | La difficile évaluation des étudiants

DIAGNOSTIC

66 | Que dire au patient?

BIG DATA

70 | L’engouement de la médecine

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HÉMISPHÈRES

Nouvelles transparencesSOMMAIRE

RÉFLEXION

8 | L’utopie diaphane du XXIe siècle

GRAND ENTRETIEN

14 | Manfred Schneider

PORTFOLIO

19 | La publicité de l’intime

SANTÉ

20 | Le corps transparent

ÉCONOMIE

26 | Cachez ce salaire

WEB 2.0

32 | La communication périlleuse des entreprises

DESIGN

36 | Des objets qui ne peuvent rien dissimuler

PORTRAITS

44 | Rapport individualisé à la transparence

MUSIQUE

48 | La pureté du son

73 | Bibliographie74 | Contributions78 | Iconographie79 | Impressum

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RÉFLEXION

En 2013, le mot «transparence» a été élu «motde l’année» par le Festival du Mot. Il n’est pasétonnant que ce jury composé de lexicologues,de sociologues et de journalistes ait voté pource terme qui est désormais davantage utilisédans son sens figuré, soit la qualité d’une per-sonne ou d’une institution qui informe com-plètement sur son fonctionnement ou sespratiques. Il s’agit du mot le plus cité dans lestraités d’éthique contemporains. Depuis unevingtaine d’années, il a aussi colonisé le débatpolitique. En 2013, le président français «Fran-çois Hollande» en a même fait un objectif prio-ritaire avec ses mesures pour la moralisation dela vie publique. L’économie n’est pas en reste:«Plusieurs études ont montré que la transpa-rence obtient systématiquement l’une des troispremières places dans les chartes des grandesentreprises, affirme Thierry Libaert, professeurde communication à l’Université de Louvain etauteur de La Transparence en trompe-l’œil.C’est devenu une idéologie mondialisée, dansle sens où on ne peut plus la critiquer sans semontrer suspect.»

Il fut pourtant un temps où la transparence se référait davantage au cristal qu’à la vie privéedes politiciens. L’historien Frédéric Monier,professeur à l’Université d’Avignon, fait remon-ter les racines de cette norme postmoderne au

XVIIIe siècle: «Elle est en lien avec le processusde constitution de la sphère publique, propre àune société civile qui a le droit de tenir, face àl’Etat, des discours critiques sur le pouvoir et sesdétenteurs, analyse-t-il dans un article de «L’Ex-press» du 17 avril 2013. Entre 1750 et 1850, lafrontière mouvante entre privé et public, entredit et non-dit, est redéfinie.» Mais, selon l’histo-rien, la transparence ne renvoie pas uniquementà cette histoire-là: «elle est surtout le fruit d’unprocessus beaucoup plus récent, qu’Habermasqualifiait, il y a cinquante ans, de «déclin de lasphère publique bourgeoise», entraînant lebrouillage de la distinction entre privé et public.»

Ce sont ensuite les changements culturels sur-venus durant les années 1970 qui ont permis àla transparence de s’imposer. Thierry Libaertsitue son avènement en 1986, suite à la catas-trophe de Tchernobyl: «On a alors reprochéaux autorités de cacher des choses. Il s’en estsuivi une série de scandales liés à la santé pu-blique et à l’environnement, comme l’amianteou le sang contaminé. Ces événements ont mar-qué une rupture dans la confiance que les ci-toyens occidentaux accordent à leurs autorités.La croyance en l’opacité des gouvernants et enleur corruption s’est imposée, parfois liée à lathéorie du complot.» Dès les années 1980, unmouvement social de fond exige donc transpa-

Depuis une vingtaine d’années, la transparence s’estimposée comme une norme. Retour sur le parcours d’un

terme qui, il n’y a pas si longtemps, n’était utilisé que dans son sens propre.

TEXTE | Geneviève Ruiz

L’utopie diaphane du XXIe siècle

Pour tirer les leçons de l’«AffaireCahuzac»,FrançoisHollande a proposé une loi sur lamoralisation de la vie publique,acceptée parl’Assembléenationale enseptembre 2013.Ses trois grandsaxes sont latransparence sur le patrimoinedes élus, la luttecontre la fraudefiscale et lacorruption, ainsique l’éradicationdes paradisfiscaux.

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L’utopie diaphane du XXIe siècleRÉFLEXION

rence et traçabilité de la part des entreprises,des politiciens et de toute institution. La plu-part des pays européens se dotent de lois visantla transparence. L’ONG Transparency Inter-national est créée à Berlin en 1993, et différentesconventions internationales de lutte contre lacorruption sont adoptées, comme celle del’OCDE en 1997 ou celle de l’ONU en 2003.

Pour Thierry Libaert, le triomphe de la trans-parence est le résultat d’un ensemble complexede paramètres. Parmi ceux-ci, il cite l’arrivéedes nouvelles technologies, qui ont augmentéles flux d’information, de communication, ainsique la mise en scène de soi. «Les personnagespublics font également de plus en plus étalagede leur vie privée. Cela s’explique car, avec lamondialisation, les politiciens ont perdu dupouvoir sur le réel. Pour légitimer leur posi-tion, ils doivent montrer qu’ils ont une vie ir-réprochable et faire du storytelling.» Dans cedomaine, l’influence de la culture anglo-saxonne s’est également fait ressentir ces der-nières années. «La transparence de la vie privéedes personnages publics n’est pas conçue de la même manière dans les traditions anglo-saxonnes et scandinaves que dans les cultureslatines, explique Nicolas Hervieu, juriste auCentre de recherches et d’études sur les droitsfondamentaux à Paris. Dans les premières, onconsidère la transparence comme une garantieindispensable d’honnêteté et de compétence.Pour exercer le pouvoir, il faut montrer uncomportement irréprochable. Dans les paysscandinaves, on se montre toutefois plus tolé-rant: un politicien peut commettre un adultère,tant qu’il ne ment pas à ce sujet.» Dans les payslatins, les personnages publics ont toujours pubénéficier de zones d’ombre. La situation se-rait-elle en train de changer, comme l’indiquele récent scandale lié à la publication des pho-tos prouvant la liaison entre François Hollandeet Julie Gayet par le magazine «Closer», le 10janvier dernier? Si l’infidélité commise par leprésident ne lui a pas coûté son poste, elle s’estretrouvée au centre du débat politique durantplusieurs semaines, ce qui n’aurait pas forcé-ment été le cas auparavant. Les sondages révè-lent aussi que les Français sont de moins enmoins nombreux à considérer que la vie privéedu président ne concerne que lui.

La juridiction de la Cour européenne desdroits de l’homme (CEDH) a également évo-lué ces dernières années vers davantage de li-berté d’expression: «Traditionnellement, laCEDH doit trouver un équilibre entre deuxprincipes contradictoires: le droit à la protec-tion de la vie privée (art. 8) et le droit à la libreexpression (art. 10), explique Nicolas Hervieu.En ce qui concerne les personnages publics,l’équilibre a basculé vers la libre expression.Cela ne signifie pas que les politiciens n’ontplus droit à leur intimité! Mais lorsqu’un élé-ment de leur vie privée se trouve en lien avec ledébat politique ou entre en contradiction aveclui, il devient digne de l’intérêt général.» Le ju-riste cite l’exemple récent d’un haut responsable

A la chasse aux secrets

Mis à mal par l’idéologie de la transparence,le secret est pourtant indispensable au bonfonctionnement psychique et sociétal.

L’idée même de secret est désormais mal vue. A titreindividuel, il évoque la dissimulation coupable, et à titrecollectif, il est devenu synonyme de tricherie. Aussi, au nomde l’intérêt général, la dictature de la transparence impose-t-elle un «tout dire» et un «tout montrer» qui font les beauxjours de la téléréalité, le confessionnal public. Le but est que tout le monde sache tout sur tout le monde. «Le secretest aujourd’hui pourchassé: il doit être révélé, divulgué oudéterré pour satisfaire la société», dénonce le psychiatrePierre Lévy-Soussan, auteur de «Eloge du secret».

La levée du secret est assimilée à un droit garantissant le bien-être personnel («J’en ai parlé donc je suis guéri.») et le bon fonctionnement de la démocratie («Fini lesmagouilles!»). Les pertes qui résultent d’un tel dévoilementsont négligées. S’arroger le droit de choisir les pensées que l’on communique et celles que l’on garde secrètes est la condition vitale pour le fonctionnement de la viepsychique. Le rôle protecteur des secrets est sous-estimé.Protégés jusqu’ici par l’Etat, des secrets sont remis enquestion: anonymat des donneurs d’organes et de sperme,accouchement sous X, secret médical. Si la fin de l’intimemenace les individus, elle fragilise aussi la démocratie. «Si le droit au secret n’est pas maintenu, nous sommesdans un espace totalitaire», mettait en garde JacquesDerrida, auteur de «A Taste for the Secret».

Alors que la transparence est habillée de toutes les vertuset devient une sorte de nouveau «droit imprescriptible» ducitoyen, les secrets sont parfois perçus comme les dernierslieux de résistance au tout dire et tout montrer. Ainsi, aprèsavoir joué les exhibitionnistes sur la Toile, les internautes seruent sur la nouvelle application anti-Facebook et Twitter,«Secret», qui permet de se créer des jardins secrets dansl’espace virtuel.

JürgenHabermas (né en 1929) est un théoricienallemand enphilosophie et en sciencessociales. Il est l’un desreprésentants de la deuxièmegénération de l’Ecole deFrancfort. Publiéen 1962, sonlivre «L’Espacepublic» reste une référence. Il y décritnotamment ledéclin de l’espacepublic gouvernépar la raison (où la critiques’exerce contre lepouvoir de l’Etat),qui laisse la placeà une publicité(dans le sens de la diffusiondes informationset des sujets de débats par les médias) dedémonstration etde manipulation,au serviced’intérêts privés.

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Lexique transparent

Sara Bandelier

DiaphanologieDéveloppé par l’essayiste et écrivain français PhilippeMuray, ce terme explique lascience de la transparence.Issu du grec «diafanhs»(transparent), il fait écho à la politique de la glasnost de Mikhaïl Gorbatchev.

DiaphanoscopieCe procédé utilisé enmédecine permet

notamment de rendre visiblesà l’œil nu des lésions

corporelles microscopiquesen les éclairant.

E-democracyD’après ce concept, inventéau XXIe siècle, la circulationde l’information sur internetamène de la démocratie.

GlasnostPolitique de transparence et de divulgation introduite en URSS dans les années

1980 par MikhaïlGorbatchev.

IntimitéRelève du caractère privé etstrictement personnel d’unepersonne. Parfois partagéeau sein d’un groupe restreint,elle reste le plus souventdissimulée au regard public.

Lois de Snell-DescartesCes deux lois exprimées parSnell et Descartes décriventle comportement de la

lumière à l’interface de deuxmilieux. La première s’illustrepar la réflexion d’un rayonlumineux sur un miroir. Pourla seconde, le rayon lumineux

traverse le verre.

OpacitéContraire de transparence.

Désigne ce qui estdifficilement intelligible

et pénétrable.

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Le peintresurréalistebelge RenéMagritte (1898-1967) posepour LotharWolleh dans les années1960, à côté de son tableau«Le pèlerin». Ce dernierreprésente un homme qui n’a pas devisage. L’idée de distanceentre l’image et l’objet setrouve au centrede l’œuvre deMagritte.

L’art du filigrane est caractéristiquedu Moyen Age. Les papetiersl’utilisaient alors pour donner un signe distinctif à leur travail. Le filigrane ne se manifeste que si l’on observe le papier par transparence. Ses formesdiverses sont déterminées par une technique de fils métalliquescousus. L’exemple ci-contre a été réalisé à Traburg, en Autriche, en 1590. En référence à cet anciensavoir-faire, certains articles de ce dossier Hémisphèreslaissent entrevoir un autre texte en filigrane.

L’utopie diaphane du XXIe siècleRÉFLEXION

Le maître dudéguisement: image d’un Petit-ducmaculé, rapacenocturne d’une taillede 25 cm vivant enAmérique du Nord.Elle a été prise àOkefenokee Swamp,en Géorgie, auxEtats-Unis, parGraham McGeorge,un photographemembre del’Association nord-américaine dephotographie de lanature, qui publie ses photos dans denombreux magazinesspécialisés.

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Open dataCe concept est issu de lamême veine que l’opensource, l’open hardware,l’open content et l’open

access. Ils ont tous un but encommun: rendre les donnéespubliques et réutilisables. Unetransparence polémique,puisqu’elle met en dangercopyright et brevets.

TransmittanceFraction d’un flux lumineuxpouvant traverser un objet,comme par exemple un filtrephotographique. Inverse

de l’opacité.

TransparenceDu latin «transparens» (à travers) et «parere»

(paraître), ce terme, souventemployé au sein de l’opinionpublique, renvoie à l’idéequ’une information doit être

accessible à tous.

L’ancienprésident del’URSS MikhaïlGorbatchev, ici lors d’uneconférence àl’Université deMoscou en 2012,a mis en placedès 1985 des mesures de libertéd’expression etde publicationdes informations.Connue sous le nom deglasnost(publicité desdébats enrusse), cettepolitique anotammentdénoncé lescrimes commissous le règne de Staline.

«Transparency»est un projet de KhristianMendoza réaliséen 2009. Cetartiste basé aux îlesMalouinesraconte que son travail est le résultatd’«uneexploration de l’honnêtetéet del’authenticité».

Un peu avantl’an 1’000, lemathématicienpersan Ibn Sahl a fait la premièrementionconnue de la loi de laréfraction, que l’on peutvoir dans le schéma ci-contre. Cette loi futredécouverteplus tard enEurope sous le nom de Snell-Descartes.

L’utopie diaphane du XXIe siècleRÉFLEXION

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du Front national, dont l’homosexualité étaitrévélée dans un ouvrage publié en 2013. Dansce cas, même si le politicien en question étaitresté jusque-là très discret sur sa vie privée, laCour a estimé que le droit à l’information pri-mait sur le respect de sa vie privée. Le FN étantresté en retrait lors du vote sur le mariage pourtous, son orientation sexuelle a été jugée «denature à apporter une contribution à un débatd’intérêt général».

Du masque au casque, en passant par le capuchon

Depuis l’arrivée des selfies, jamais autant de visages ne s’étaient dévoilés sur le Net. Il en va différemment dans la rue, où tous les moyens sont bons pour dissimulerson identité. Florilège.

Vous voulez nous voir? Qu’à cela ne tienne, nous allons nous cacher.C’est la réplique opaque donnée à l’injonction de transparence parceux qui la craignent ou refusent de s’y conformer. Les masques, par exemple, permettent à des rebelles en tout genre de se rendreméconnaissables: des Anonymous en passant par les manifestants du Printemps arabe, les Indignés ou les homosexuels nigériens. Ils sont tous en quête d’anonymat. Car ne pas pouvoir être identifiéreprésente une provocation à l’heure des caméras de surveillance etdes drones. La dissimulation du visage dans l’espace public n’est-ellepas interdite? Avec leurs cagoules, Indépendantistes corses, guérilleros du Farc, militants d’Eta, membres de Pussy Riot, ultranationalistes dePraviy Sektor à Kiev, hooligans dans les stades de foot, ont un pointcommun: ils narguent le pouvoir.

Les «hoodies», les encapuchonnés, détournent l’interdiction de port de cagoule tout en cachant leurs visages et cheveux. Le capuchon estdevenu l’attribut par excellence du délinquant qui cherche à échapper à la vidéosurveillance. Même si la volonté d’anonymat et un refus del’identification ne s’apparentent pas toujours à de la délinquance. Avec les frasques casquées de François Hollande, le port du casque a quitté l’appétence pour la sécurité routière et acquis une dimensionorgasmique. Qualifié de «Sex-Toys 2014» par le Magazine «Elle», lecasque est devenu une arme de séduction et un lieu jouissif. Dans labulle de polycarbonate, les sens sont décuplés. Alors que la sphèreprivée est en voie de disparition, rien n’égale le plaisir d’être dansl’intimité d’un cockpit. Pas vraiment transparent, le groupe casquéélectro-funk français Daft Punk titille la curiosité. Il a tout raflé lors de la dernière cérémonie des Grammy Awards. L’opacité triomphe à l’ère de la transparence!Par Geneviève Grimm-Gobat

L’utopie diaphane du XXIe siècleRÉFLEXION

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GénérationtransparenceLes Suisses de moins de 20 ans dévoilentde plus en plusleur vie privée surinternet, selon un sondage menéen 2013 auprès de 510 écolierspar la fondationSwitch. Lapublication deleurs données personnelles etde leurs photosont notammentconnu unecroissance exponentielle ces deux dernières années.

Contrairement aux personnages publics, le ci-toyen lambda bénéficie encore d’une importanteprotection de sa vie privée en Europe, selon Nicolas Hervieu. «Mais attention: ce qu’il di-vulgue sur les réseaux sociaux relève de sa pro-pre responsabilité, avertit le juriste. Les lois neprotègent pas les citoyens contre leurs propresimprudences.» Dans ce domaine, la jurispru-dence évoluera-t-elle également vers davantagede liberté d’expression? Probablement, si l’onen croit le philosophe allemand Hartmut Rosa,pour qui la postmodernité voit le triompheinexorable de trois mouvements: l’accélération,la mondialisation et la transparence.

Battlefield #32, 2007,Translucent balaklava.La confrontation soustoutes ses formes setrouve au cœur du travail de l’artistecontemporain JérômeLeuba, professeur àl’Ecole cantonale d’artdu Valais - ECAV.La cagoule est trèsprésente dans lesmédias: transparent, cet objet qui vise d’abord à dissimuler,devient paradoxal.

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Génération FacebookINFOGRAPHIE

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L’envie de voir à travers les cœurs et les esprits préoccupe les philosophes depuis longtemps.

Tant pour mieux comprendre le monde que pour le contrôler. Revue en détail avec Manfred Schneider,

auteur d’un récent essai sur le sujet.TEXTE | Erik Freudenreich

«La transparence est impossible à implémenter

dans le monde réel»

GRAND ENTRETIEN

Des dieux grecs aux dystopies cauchemar-desques imaginées par George Orwell ou Aldous Huxley, la transparence traverse l’his-toire de la philosophie. Une question qui ré-clame mille et une explications, pour distinguerplus nettement ce qui se cache derrière rideaux,vitres et fenêtres. Manfred Schneider, professeurde germanistique à l’Université de Bochum etauteur de «Transparenztraum» (Matthes &Seitz, Berlin, 2013), nous a donné des élémentsde réponse lors d’une longue interview.

Pourquoi avez-vous choisi le terme de rêve, plutôt que de cauchemar, pour le titre de votre ouvrage?

Fondamentalement, on remarque que la trans-parence est souvent exigée ou promise, maisrarement réalisée. Ainsi, la Commission euro-péenne, les gouvernements ou les multinatio-nales nous promettent sans cesse plus detransparence, mais la phrase «telle chose estdevenue transparente» n’apparaît pour ainsidire jamais. Ce paradoxe intéressant a été lepoint de départ de mon travail. Mon livre dé-crit l’évolution du rêve philosophique detransparence, en soi plutôt respectable. Mais ilest vrai que les expériences qu’on a pu faire au

XVIIIe siècle et à l’époque contemporaine,font qu’on peut parler de cauchemar à chaquefois que ce rêve a été mis en œuvre par desmoyens politiques ou techniques.

Vous postulez donc que la transparence est une utopie. Pourquoi?

Ce que je dis, c’est que la transparence est im-possible à implémenter dans le monde réel. Pourprendre un exemple, au fur et à mesure que nousétudions notre environnement, la matière, l’es-pace, les choses ne deviennent pas plus simples,au contraire elles se complexifient. Les différentséléments qui composent la matière sont invisi-bles à l’œil nu, nous pouvons uniquementconstater leurs effets à travers diverses expé-riences scientifiques. La réalité du monde et de lavie nous reste à jamais inaccessible. Noussommes obligés d’utiliser des outils complexescomme des télescopes, des scanners ou des ac-célérateurs de particules, qui nous donnent l’il-lusion de voir à l’intérieur des choses. Alorsqu’au contraire, la substance du monde nous estuniquement visible par ces médias, il nous fautsans cesse plus de chiffres et de statistiques pourexpliquer la complexité du monde. C’est un pro-cessus qui n’arrive jamais à son terme.

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Pour l’auteurManfredSchneider, latransparencerestera un sujetpolitique depremier plances prochainesannées.Illustrationréalisée par PierreDubois pourHémisphères.

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Manfred SchneiderGRAND ENTRETIEN

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Manfred SchneiderGRAND ENTRETIEN

Votre livre commence avec une fable grecque rédigée en 700 av. J.-C

Pouvez-vous nous en préciser l’origine?Il s’agit d’une fable écrite par Esope, qui nous aété transmise par le poète romain Babrius. Il enexiste différentes variantes, mais l’histoire ori-ginelle raconte une compétition scientifiqueentre Zeus, Poséidon et Athéna, arbitrée par ladivinité mineure Momos. Zeus présente commeinvention un homme, Poséidon un taureau etAthéna une maison. Momos s’intéresse toutparticulièrement à la création de Zeus, mais seplaint de l’absence d’une fenêtre dans la poitrinehumaine, qui permettrait d’observer son cœuret ses sentiments. Il souligne que cela permet àl’homme de mentir, et rend impossible toutcontrôle de sa parole. On a peine à le croire,mais le sujet qui nous intéresse aujourd’hui re-présente une affaire très ancienne...

Et qui va encore durer quelques années...

En effet, ce concept est loin d’être épuisé dans lasituation actuelle. Cela tient au fait que nousavons affaire à deux choses distinctes. D’unepart, nous souhaitons plus que jamais protégernotre sphère privée. D’autre part, nous exigeonstoujours plus de transparence de la part des au-torités ou des grandes compagnies internatio-nales. Celles-ci doivent dévoiler une partie deleurs secrets, de manière à ce que leurs actionsdeviennent plus contrôlables. Il y a donc à lafois un aspect positif et un aspect négatif danscette idée de transparence, qui va rester un sujetpolitique de premier plan dans le futur.

De quand date l’apparition du mot «transparence» dans le langage humain?

C’est un terme qui nous provient du langageérudit du Moyen Age. Il trouve son originedans le mouvement scolastique, qui s’attachaitnotamment à traduire les textes des philo-sophes antiques tels que Aristote, Platon ouPlotin. Ce dernier, un auteur vivant à Rome auIIe siècle de notre ère, s’intéressait déjà auconcept de transparence, en expliquant l’exis-tence des dieux, anges et autres être spirituelscomme substances intégrales de notre monde,mais paradoxalement invisibles à l’œil humain.Le mot «transparence» passe ensuite dans lelangage courant. Il apparaît, par exemple, dans

«Et si quelqu’un me voyait?» Et si laconscience morale était cette petitevoix intérieure capable d’empêcher le passage à un acte répréhensible?C’est inspiré par cette idée qu’en1786 le juriste et philosopheutilitariste anglais Jeremy Benthamimagina un «truc» capable d’assurerune surveillance sans faille decertaines populations assujetties(pénitentiaire, hospitalière, scolaire,manufacturière, etc.). Ce truc seconcrétisa sous la forme d’une simpleidée d’architecture, fondée sur lavisibilité permanente des «être-à-dresser».

De forme circulaire, cet édifice permetà une seule personne placée en son centre dans une tour opaque desurveiller l’ensemble des personneslogées dans des cellulestransparentes. Les surveillés nepeuvent pas voir leur gardien etignorent donc s’ils sont ou nonobservés: la surveillance n’a pasbesoin d’être effective pour êtreefficace. Le sentiment d’omnisciencedu gardien suffit. Bentham décrit ainsison utopie sécuritaire: «L’ensemble de l’édifice est comme une ruche dont chaque cellule est visible d’unpoint central. L’inspecteur lui-mêmeinvisible règne comme un esprit (…)Etre incessamment sous les yeux d’un inspecteur, c’est perdre en effet la puissance de faire le mal, et presque la pensée de le vouloir.

Cet édifice porte le nom de«Panoptique» (Panopticon en anglais),qui renvoie à sa faculté de voir d’uncoup d’œil (optique) tout ce qui sepasse alentour (pan). Avec lui, la base d’une société intégralementsécuritaire est jetée. De son vivant,Bentham n’est pas parvenu àconvaincre les autorités de construirela bâtisse de ses rêves. En revanche,depuis sa mort, de nombreuxbâtiments s’en sont inspirés.

Au début du XIXe siècle, Genève bâtitla première prison panoptique de

Au XIXe siècle, le philosophebritannique a imaginé un bâtiment capable de surveillerles détenus ou les ouvriers enpermanence. Il est devenu lesymbole de l’espionnage total.

L’utopie panoptiquede Jeremy Bentham

La prisoncubaine dePresidio Modeloa été construiteen 1926 selonle modèlepanoptique. Elle a hébergéjusqu’à 2’500détenus, dontFidel Castro etson frère entre1953 et 1955.Elle a étéfermée par legouvernementen 1967 et faitactuellementoffice demusée.

Plan debâtimentpanoptique,dessiné par le philosopheanglais JeremyBentham en1791.

Suisse. Vibrant défenseur du modèlepanoptique, le Docteur Herpin tenta,dans la foulée, de l’imposer lors desdébats sur la forme à donner au futurasile genevois. «Si l’expérience nous a appris que le système panoptiqueétait le meilleur pour les maisonspénitentiaires, il doit l’être pour lesmaisons d’aliénés (…) Tous les fléauxdes hospices de fous disparaîtront sil’on se croit constamment surveillés»,plaidait-il. Sans succès, le modèle aété rejeté.

Dans «Surveiller et punir», en 1975,Michel Foucault redécouvre etcommente le projet de Bentham à lafigure architecturale emblématiquedes mécanismes de pouvoirdisciplinaire. «Celui qui est soumis

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à un champ de visibilité, et qui le sait, reprend à son compte lescontraintes du pouvoir; il les fait jouerspontanément sur lui-même; il inscriten soi le rapport de pouvoir danslequel il joue simultanément les deuxrôles; il devient le principe de sonpropre assujettissement.» Pour lesociologue français, le modèlepanoptique et son impératif devisibilité apparaissent commel’instrument d’un projet totalitaire de surveillance absolue, manifestedans la société qui l’entoure.

En ce début de XXIe siècle, le contrôleest devenu plus tangible encore avecl’arrivée des caméras de surveillance,des passeports biométriques, dutraçage sur la Toile ou encore de la

géolocalisation. La prévention de ladélinquance a fait de la visibilité unélément central. Michelle Perrot dansune postface au «Panoptique» (1977)voyait dans l’architecture panoptique«un formidable plan, aux tonalités descience-fiction, de transformationsociale par le contrôle». Science-fiction? Suite aux révélations dusystème de surveillance américain dela NSA en juin 2013, comment ne passe demander si la société mondiale nes’est pas transformée insidieusementen une cité panoptique qui se passed’une assise architecturale. Hier, l’œildivin observait Caïn jusque dans latombe, aujourd’hui, «Big Brother iswatching you».Par Geneviève Grimm-Gobat

Manfred SchneiderGRAND ENTRETIEN

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le troisième livre de la «Divine Comédie» deDante, rédigé aux environs de 1320. L’auteuritalien y aborde également la question des êtresspirituels, les comparant à des images transpa-rentes comme un reflet dans l’eau.

Au cours du XVIIIe siècle, des philosophescomme Descartes ou Rousseau abordent

la question de la transparence. Quelle est leur vision?

Descartes s’intéresse à ce concept après avoir étédéçu par l’école de pensée scolastique, ayantl’impression de tourner en rond dans sa re-cherche philosophique. Il a l’idée de reprendreson analyse depuis le début. Pour résumer, ilcommence par se demander si nos facultés in-tellectuelles suffisent pour comprendre notremonde, si notre cerveau peut vraiment distin-guer rêve et réalité. Après avoir étudié cettequestion, Descartes établit une différenciationentre le monde réel et le monde des idées. C’estle fond de son entreprise scientifique. Un siècleplus tard, Rousseau pose cette question de latransparence non plus sous des termes philoso-phiques, mais politiques. Il souhaite lui aussi unrenouveau radical, mais sur le plan social, enquestionnant aussi bien les habitudes linguis-tiques, éducatives ou politiques. A l’instar deMomos, il rêve d’un homme sans masque, prêtà révéler à tous ses désirs les plus intimes. PourRousseau, ce nouvel ordre des choses, sansmensonges ni préjugés, doit être réalisé grâce àl’influence des institutions politiques.

A plusieurs reprises dans l’histoire, notamment lors des Révolutions française

et russe, l’obsession de construire un «homme nouveau» a transformé le rêve

de transparence en cauchemar. Il est vrai que ces deux grandes Révolutions his-toriques ont souhaité l’une et l’autre remettre encause l’ordre établi pour réaliser une utopie so-ciale. L’accomplissement de ces projets de trans-parence absolue, le plus souvent sous forme detribunaux inquisiteurs, a terminé à chaque foisdans la terreur et le meurtre collectif.

Se trouve-t-on dans une situation totalitairesimilaire avec les nouvelles technologies?

Le problème au XXIe siècle est différent: latechnologie, qui permet désormais de réaliser

cette utopie séculaire, ne provoque plus dedouleur, contrairement à la guillotine ou auxgoulags staliniens. Mais nous devons plus quejamais nous défendre contre l’utilisation sour-noise de nos données privées.

Actuellement, on observe chez beaucoupde gens une passivité vis-à-vis des tracesqu’ils laissent dans l’espace digital et

l’utilisation qui en est faite. Est-ce inquiétant?Bien sûr que le citoyen lambda devrait être pru-dent et se protéger sur le plan privé. Mais ils’agit avant tout d’une question politique. Au-jourd’hui, les Etats occidentaux pratiquent unepolitique cynique. D’un côté, ils légifèrent surla protection des données et, de l’autre, ils au-torisent la police ou les services secrets à violerla sphère privée de leurs citoyens. Ce jeu desresponsables politiques ne doit pas être accepté.Il nous faut mettre ce sujet au premier plan del’agenda politique.

Je lisais récemment une remarque du présidentaméricain – supposément l’homme le plus puis-sant du monde – qui expliquait que nous nesommes plus maîtres de notre destin face àl’évolution des technologies de l’information.Je m’oppose résolument à cette forme detechno-fatalisme. Je plaide pour que nous pe-sions attentivement le pour et le contre des diverses réalisations techniques, et leur compa-tibilité avec la démocratie. Il faut en finir aveccette forme de fatalisme, afin que les citoyenset leurs représentants puissent à nouveau déci-der des orientations politiques.

Manfred SchneiderGRAND ENTRETIEN

Manfred Schneider en dates1944 Naissance à Gleiwitz1971 Doctorat en philosophie

à l’Université de Fribourg-en-Brisgau

1979 Habilitation universitaire1981 Professeur de littérature

contemporaine allemande à l’Université de Essen

1999 Nomination à la chaire de«Nouvelle germanistique, esthétique et médias» àl’Université de Bochum

2012 Professeur émérite

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PORTFOLIO

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La publicité de l’intimePaparazzi, selfie, téléréalité, caméra cachée ou réseauxsociaux: l’homme du XXIe siècle, qu’il soit célèbre ounon, est confronté à tout moment à l’exposition publiqued’images de sa vie intime. De façon incontrôlable pourles stars ou les clients d’un restaurant qui se font filmerpar une caméra de sécurité, de façon délibérée pourl’internaute qui poste son selfie ou les photos de sesvacances familiales sur Facebook. Ou encore de façonextrême, pour les participants à des émissions detéléréalité. Cette production visuelle tient-elle de l’art?Elle inspire en tout cas les artistes contemporains. Le Centre Pompidou Metz a consacré en ce débutd’année une exposition au phénomène et à l’esthétiquede la photographie paparrazi. L’art performance utiliserégulièrement le selfie ou la caméra cachée. Ce portfolio d’Hémisphères présente une sélectiond’images en lien avec ce thème, qui racontent chacune à leur façon la transparence, le narcissisme ou lavulnérabilité qui caractérisent notre époque.Par Geneviève Ruiz

Paparazzi 1Le célèbre paparazziSébastien Valiela, l’auteurdes photos volées deFrançois Hollande, a

surpris Brad Pitt etAngelina Jolie à Paris, alors qu’ils sortaient de leur voiture masquéssous des parapluies.

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«Voir à l’intérieur du corps sans lui nuire»: telétait le vœu d’Hippocrate. Pourtant, durantdes siècles, les médecins ont dû se contenterd’observer les symptômes de leurs patientspour établir un diagnostic. Seuls les chirur-giens et les légistes acquéraient une solideconnaissance de l’organisation interne ducorps humain. Il a fallu attendre 1895 pour quele rêve du père de la médecine se concrétise.Cette année-là, Wilhelm Röntgen découvre lesrayons X et réalise la première radiographie,celle de la main de son épouse. L’imagerie mé-dicale vient de naître, et le corps humain de-vient pour la première fois transparent.

En un peu plus de cent ans, les techniquesd’imagerie se sont multipliées et ont connu desdéveloppements considérables. Tout d’abordpurement anatomiques, les images réalisées ontpeu à peu apporté des informations sur le fonc-tionnement des organes. Rayons X, ultrasons,émission de positons et résonance magnétiquesont aujourd’hui utilisés en routine. Parmitoutes ces modalités, l’imagerie par résonancemagnétique (IRM) a connu un succès particu-lier, sans doute en partie lié aux progrès phé-noménaux qu’elle a permis de réaliser dans lacompréhension de la structure et de la fonction

du cerveau. Si la radiographie permet de trèsbien observer les structures osseuses du corps,la force de l’IRM est de fournir de très bellesimages des tissus dits mous, donc des organesen général et du cerveau en particulier.

Longtemps l’imagerie cérébrale est restée limi-tée. Dans les années 1980, le développement desscanners à rayons X a marqué le début de laneuro-imagerie, rendant enfin possible la re-cherche d’une lésion cérébrale chez un patientprésentant des troubles neurologiques. Le dé-veloppement des scanners IRM a ensuite rapi-dement permis un essor fulgurant de laneuro-imagerie. «Le principe de fonctionne-ment de l’IRM repose sur l’aimantation desnoyaux d’hydrogène, explique Denis Le Bihan,directeur de Neurospin au CEA (France) et au-teur du Cerveau de Cristal. Les tissus riches eneau, donc en hydrogène, produisent un signaltrès fort. L’os, lui, contient peu de moléculesd’eau, et ne donne que peu ou pas de signal:avec l’IRM, c’est donc le crâne qui devienttransparent!» La technique dite de «diffusion»,mise au point en 1985 par le chercheur, permetégalement de visualiser avec une précision éton-nante le mouvement brownien des moléculesd’eau à l’intérieur des tissus. Une de ses appli-

Depuis un siècle, les techniques d’imagerie médicale ne cessent de progresser. Aujourd’hui, l’enjeu n’est plus seulement de voir les organes, mais d’évaluer

leur activité à l’échelle de la cellule.Bienvenue dans l’ère de l’imagerie moléculaire.

TEXTE | Stéphany Gardier

Le corps transparent jusquedans ses cellules

SANTÉ

WilhelmRöntgen (1845-1923)Ce physicienallemand a étudiéà Zurich, avant de devenirprofesseur àStrasbourg et à Genèvenotamment. Il a découvert lesrayons électro-magnétiques en 1895, qu’il aappelés «rayonsX» en raison de leur naturealors inconnue.Wilhelm Röntgena reçu le premierprix Nobel dephysique en1901.

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Cette image aété obtenue parangiographie,ce qui permetde visualiser les vaisseauxsanguins. Lors d’une mort violente, cette techniqued’imagerie médicale complète parfois l’autopsie.

Une nouvelle technique pour ausculter les victimes de crimesLoin des méthodes d’imagerie complexes et coûteuses, la transillumination, ou diaphanoscopie, permet, grâce à de simples rayons lumineux, de rendre visibles lesvaisseaux sanguins situés de quelques millimètres àquelques centimètres sous la peau. Cette technique,utilisée en phlébologie pour observer les veines réticulaireset localiser de possibles varices superficielles, estégalement employée au Centre universitaire romand demédecine légale (CURML). Elle permet de déceler chez lesvictimes de violences des ecchymoses qui ne seraient pasvisibles à l’œil nu. Les traces de coups sont notammentdifficiles à objectiver chez les personnes dont la peau est très foncée ou chez celles qui présentent un surpoidsimportant. A l’origine, Beat Horisberger, médecin auCURML, utilisait une simple lampe de poche pour scruter la circulation sanguine superficielle. Si le systèmepermettait de voir assez bien le réseau vasculairesuperficiel, il était insuffisant pour observer les vaisseauxplus profonds. Une collaboration avec Didier Maillefer,professeur à la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion duCanton de Vaud - HEIG-VD, a permis de mettre au pointun système plus performant, qui utilise des rayons laser.«En plus d’une meilleure précision, cette techniqueprésente l’avantage d’être sans contact, explique leprofesseur. Il est souvent très désagréable pour lespersonnes victimes de violences de subir des examensmédicaux. La diaphanoscopie laser permet donc de leuréviter des contraintes supplémentaires.» Initié par unétudiant de la HEIG-VD, le projet a été perfectionné, et un brevet a été déposé. Le système a déjà démontré sa capacité à détecter des ecchymoses invisibles à l’œil nu sur des volontaires présentant des lésions dues à lapratique d’un sport. Sans danger pour l’organisme – lelaser utilisé est de faible puissance – la diaphanoscopiepourrait s’avérer utile également en néonatalogie. Visualiserle réseau sanguin sous-cutané des nourrissons serait uneaide précieuse pour poser des perfusions ou pratiquer desponctions veineuses chez les bébés avec une meilleureprécision. Pour Didier Maillefer, il ne fait aucun doute queles applications de ce système, dont le coût est faible etl’utilisation très simple, sont nombreuses. Mais avant devoir la diaphanoscopie laser utilisée en routine dans lesservices hospitaliers, il reste encore à franchir une étapeimportante, celle de la validation clinique.

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cations majeures est de pouvoir diagnostiquerdès les premières minutes un accident vasculairecérébral, permettant ainsi de traiter les patientsau plus vite. Elle a aussi permis d’établir unecartographie des fibres nerveuses qui relient lesdifférentes régions du cerveau humain.

Si observer la structure du cerveau, comme àtravers «un crâne de cristal», est déjà une avan-cée considérable, la quasi-fascination qu’a gé-nérée l’IRM à partir des années 1990 est due à lapossibilité qu’elle offre de voir le cerveau entrain de fonctionner. En exploitant les variationsd’oxygénation induites par l’activation de cer-taines zones du cerveau, la technique dite Bolda marqué l’avènement de l’IRM fonctionnelle,ou IRMf. «Il suffisait dès lors de mettre un pa-tient dans un scanner IRM et de lui faire exécu-ter des tâches mentales pour obtenir des imagesde cette fonction», explique Denis Le Bihan. Ilmontrera lui-même quelques années plus tard,qu’il est aussi possible d’observer le cerveau entrain de penser: «Les sportifs ou les musicienspeuvent utiliser la visualisation mentale pours’entraîner. Ces techniques étaient utilisées demanière empirique depuis longtemps lorsquenous avons montré, grâce à l’IRMf, que quandun sujet visualise mentalement une image ou si-

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mule par la pensée un mouvement, les aires deson cerveau activées sont communes avec cellesutilisées lorsqu’il réalise réellement cette tâche.»

Vingt ans après ses débuts, l’IRM fonctionnellea été utilisée dans des dizaines de milliers deprotocoles de recherche. Des émotions au lan-gage, en passant par le désir sexuel, toutes les ac-tivités cérébrales humaines ont fait, font ouferont l’objet d’une étude d’IRMf. La techniquea même servi à mettre au point le concept deneuromarketing, sensé utiliser les réponses cé-rébrales des consommateurs pour optimiser les

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techniques de vente. Moins anodin, le recours àl’IRMf comme «détecteur de mensonges» parcertains pays montre les dérives qu’une techno-logie de pointe peut provoquer. «L’IRMf estune méthode très puissante mais il faut se méfierde tout ce que l’on peut faire dire aux images,avertit Denis Le Bihan. Il existe de nombreuseslimites à cette technique et pour en tirer desconclusions pertinentes, il est primordial que lesprotocoles soient conçus avec beaucoup desoin. Il faut rester vigilant quant aux extrapola-tions dans la vie de tous les jours de résultatsobtenus en laboratoires, dans des conditionsspécifiques et sur des sujets volontaires.»

Les développements techniques de l’IRM ne sesont cependant pas limités à la seule neuro-ima-gerie. Aujourd’hui, la résonance magnétique estutilisée tant pour le diagnostic que pour le suivithérapeutique. Si l’augmentation de la puissancedu champ magnétique des appareils a permisd’améliorer la qualité des images obtenues,d’autres voies sont explorées pour préparerl’avenir de cette modalité d’imagerie. Parmielles, l’hyperpolarisation qui permet, par desprocédés physiques, d’augmenter plus de 10’000fois le signal IRM. «Aujourd’hui, l’enjeu n’est

plus seulement d’obtenir des images anato-miques ou fonctionnelles des organes, maisd’évaluer l’activité d’un organe à l’échelle de lacellule, explique Jean-Noël Hyacinthe, profes-seur à la Haute Ecole de Santé Genève - HEdS.Nous entrons dans l’ère de l’imagerie molécu-laire.» Cette dernière, en apportant des infor-mations sur le métabolisme des cellules ou surl’activité de certains récepteurs, permet de ca-ractériser une pathologie de façon plus fine etparfois beaucoup plus précoce. Un tel diagnos-tic permet d’envisager une médecine davantagepersonnalisée. «Des études ont déjà montré l’in-térêt de la méthode pour le diagnostic du cancerde la prostate, du sein, ainsi que pour l’évalua-tion de l’efficacité de certaines chimiothérapies,précise Jean-Noël Hyacinthe. La techniquesemble prometteuse également pour diagnosti-quer de manière précoce l’insuffisance car-diaque.» En collaboration avec l’équipe duprofesseur Arnaud Comment de l’EPFL, Jean-Noël Hyacinthe développe notamment des mé-thodes d’hyperpolarisation du xénon. «Ce gazconnaît un regain d’intérêt depuis quelques an-nées, notamment pour ses propriétés thérapeu-tiques, neuro-protectrices en particulier. Unefois hyperpolarisé, il permet d’obtenir en IRM

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Hyperpolarisa-tion du xénonPour augmenterla sensibilité del’IRM, on peutinjecter dans lecorps des atomesde xénon dontles propriétésmagnétiques ontété modifiées.Ces atomes sont ditshyperpolarisés,car tous leursspins ont étéalignés.

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Cette image de CT Scanretouchéepermetd’apercevoir,derrière lespoumons et les intestins, la trachée etl’œsophage.

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Le XXe siècle a été celui de la transparence du corps,rendue possible par les progrès colossaux de l’imageriemédicale. Le XXIe sera-t-il celuide la transparence des gènes?Aller au plus profond descellules, décrypter les secretsportés par les molécules d’ADNafin de lutter contre le poids del’hérédité: de la science-fictiondevenue – en partie – réalitédepuis le séquençage dugénome humain en 2003 et les considérables avancéestechnologiques qui ont suivi.Aujourd’hui, il est ainsi possiblede décoder un ADN humain enquelques heures pour moins de1’000 dollars.

Connaître le code génétique de l’être humain a permis derêver d’une nouvelle forme demédecine personnalisée. Uneexpression qui laisse entrevoir la possibilité de proposer àchacun un remède uniquetenant compte de sesspécificités, mais qui, selonBertrand Kiefer, membre de laCommission nationale d’éthiquedans le domaine de la médecinehumaine, est bien mal choisie,voire trompeuse. «C’est le rôledes soignants de personnaliserle savoir, c’est-à-dire del’adapter au patient dans sonoriginalité. La personne, c’estl’individu en tant que noninterchangeable. Parler demédecine personnalisée estdonc trompeur. Dans la mesureoù cette approche repose surdes analyses statistiques et desmodélisations mathématiques, le but est de classer les patients dans des groupesthérapeutiques selon lescaractéristiques génétiques etbiologiques qu’ils partagent avecd’autres individus.» Un paradoxerelevé également par Jean-Claude Ameisen, président duComité consultatif nationald’éthique français qui met engarde contre «le risque que,dans cette médecine, la

personne s’efface finalementpar rapport à des groupes deréférence.»

Mais au-delà de lapersonnalisation des soins, lagénétique a ouvert une brèchedans la conception même de lamédecine, puisqu’elle a soudainpermis de prédire avant desoigner. Evaluer le risque detransmission d’une maladie à unenfant, ou celui de développerune forme héréditaire de cancer,représente une avancéeindéniable de la médecine«prédictive». Mais des sociétésprivées ont également vu làl’occasion de faire de grosbénéfices en misant sur l’intérêtdu public pour des tests quipermettraient à chacun deconnaître ses prédispositionsgénétiques pour telle ou tellemaladie. Lire dans l’ADN commedans une boule de cristal, pour connaître avant l’heure la maladie qui guette et luibarrer le passage en prenantdes mesures de prévention: un vieux rêve de l’humanité.«Cette démarche est tout à fait compréhensible mais ellepose de nombreux problèmes,individuels et sociétaux, souligneBertrand Kiefer. Avant tout,établir des prédispositionsrevient à admettre que la pleinesanté n’existe pas et que noussommes tous plus ou moinsporteurs de maladies endéveloppement. Ce savoirchange donc la vision que nousavons de nous-mêmes et notrerapport au futur. Certainspeuvent se sentir enfermésdans un système où tout estjoué d’avance. Or ce n’est pas si simple, car la prédispositionn’est qu’une estimation, encoreune fois statistique. Sanscompter que les notions derisque et de probabilité d’unévénement ne sont pas faciles à comprendre et que laconnaissance scientifique durôle des variations génétiquesreste très limitée. A cela

s’ajoutent les effets – que l’onsait aujourd’hui importants – del’environnement et des facteurspsycho-sociaux sur l’expressiondes gènes. Enfin, ce dont lescitoyens devraient êtredavantage conscients, c’estqu’en envoyant un échantillonde salive par la poste à cessociétés privées, ils leur fontdon généralement de l’entier de leur patrimoine génétique et pour toujours.»

La protection des donnéesgénétiques est devenue unenjeu majeur, qui pour l’instantsoulève plus de problèmes quede réponses. Des banquespubliques ont été lancées afind’éviter que des sociétés privées– en particulier celles du BigData – ne se les accaparent et les croisent avec toutes lesdonnées qu’elles possèdent déjà sur chaque individu.SG

Une médecine personnalisée grâce au décodage ADN

TA Swiss, lecentre suissed’évaluation des choixtechnologiques, apublié en débutd’année lesrésultats d’unevaste étude surles opportunitéset les risques liésà la médecinepersonnalisée.Parmi sesconclusions,figure lanécessité deréglementerl’accès auxdonnéespersonnelles, afin que des tiersnon autorisés nepuissent pas tirerdes conclusionssur une personneen particulier.Egalementindispensable, la gestion des

En Suisse, des sociétésprivées, commeIgenea à Zurich,proposent destests ADN quipermettentd’obtenir unrésultat détaillésur son peuple ou sa régiond’origine. Unprélèvement desalive suffit, et la personnereçoit ensuite un certificat avecses résultats. Des étudesanthropologiquesmontrent que cettebiologisation des originescomporte desrisques: sousprétexte derassurer despersonnes surleurs originesgénétiques, ces analysesessentialisenttoujours plus lesdifférences etressemblancesentre lespopulations.

Le corps transparentSANTÉ

découvertesfortuites, soit la questiond’informer ou nonle patient dont ondécouvrirait unrisque accru depathologie. Enfin,le législateurdevrait définirdans quels casles coûts desprestationsmédicales entrela thérapie et la préventionpourraient êtrepris en charge.

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des images fonctionnelles du système respira-toire et du foie. Le xénon apparaît aussi commetrès prometteur pour explorer de nouvellesvoies en imagerie moléculaire, parmi lesquellesles approches «théranostiques», qui combinentdiagnostic et thérapeutique.»

Le recours aux techniques d’imagerie s’est im-posé dans les pratiques des médecins, quelleque soit leur spécialité. «Mais souvent, les pra-ticiens s’en remettent aux conclusions de leurscollègues radiologues, faute d’être eux-mêmestrès à l’aise avec les images», relève Eric Fleury,professeur et responsable de la filière Tech-nique en Radiologie Médicale (TRM) à laHEdS, responsable du projet Nouvelles di-mensions dans l’apprentissage interactif del’anatomie radiologique, qui vise à démocrati-ser l’imagerie médicale. Constatant que l’ensei-gnement de l’anatomie est souvent perçu par lesétudiants comme trop éloigné des réalités cli-niques, Eric Fleury a proposé d’expérimenterun concept nouveau: «Mémoriser les noms decentaines de structures anatomiques permetbien sûr de réussir l’examen, mais les étudiantsne voient pas l’intérêt pour leur pratique future,explique le professeur. Nous leur proposons unapprentissage en 2D et en 3D, qui fait le lienentre anatomie classique et anatomie clinique.Nous utilisons pour cela une collectiond’images radiologiques (IRM et scanner CT)couplées aux coupes anatomiques correspon-dantes, obtenues par cryosection sur un cada-vre humain.» Cet enseignement, égalementproposé aux étudiants de la filière TRM, per-met une meilleure intégration des connais-sances anatomiques. Exploitant le logiciel opensource, OsiriX, développé aux Hôpitaux uni-versitaires de Genève par l’équipe du profes-seur Osman Ratib et largement utilisé enradiologie, la méthode présente égalementl’avantage de donner des bases concrètes auxfuturs médecins pour gagner en autonomie faceà des images d’IRM ou de CT. «Notre but n’estbien entendu pas de remplacer les radiologues,sourit Eric Fleury. Mais nous aimerions dans lefutur que les médecins soient à l’aise pour don-ner quelques explications à leur patient surl’examen radiologique qu’il vient de passer.»Un pas en direction d’une plus grande transpa-rence dans la relation patient-médecin.

«Expirez, s’il vous plaît!» Les automobilistes craignent les alcootests. Notre haleine trahit non seulement les excès d’alcool, mais bien desdysfonctionnements de notre organisme. Hippocrate en avait déjà la prémonition, lui qui demandait à ses patients de souffler avant de poser son diagnostic. 2’500 ans plus tard, on sait que certainesmaladies ont leur odeur. Ainsi, les patients souffrant d’une affectiondu foie sentent la terre. L’insuffisant rénal, l’ammoniac, le diabétiquedéréglé, la pomme reinette.

Aujourd’hui, la communauté médicale fonde beaucoup d’espoirsdans l’exploitation de cette signature chimique qui permet d’éviterprises de sang, voire biopsies. Des tests permettant de dépister le cancer du poumon, du sein et du colon, ainsi que la sclérose enplaques sont en cours de développement. L’analyse de l’air expirépermet de diagnostiquer l’intolérance au lactose en routine depuisplusieurs années. Les méthodes appliquées dans ces analysessont les techniques de capteurs, la spectrométrie, la spectrométriede masse et un nouveau type de laser à fibre optique.Par Geneviève Grimm-Gobat

Le corps transparentSANTÉ

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technologie s’automatise etimpose des usages trèsmécaniques. Or, les résultats denotre recherche soulignent lacomplexité du travail des TRM,qu’on ne peut pas réduire à desintermédiaires entre une machineet un patient ou un bout decorps à radiographier.

La recherche a aussi montréque la profession detechnicien en radiologiemédicale comprenait unaspect relationnelimportant...Dans les faits, nous avons évitéde distinguer la part techniquede la part relationnelle: cetteséparation renvoie à unereprésentation de la professionTRM, souvent énoncée par cesderniers. De notre point de vue, il n’est pas possible de séparerles deux, car cela laisseraitentendre qu’il peut y avoir untemps pour la technique, et un autre pour le relationnel, ouqu’on peut faire l’un sans l’autre.Par exemple quand un patientest installé sur la table detraitement en radiothérapie, les TRM vont vérifier que saposition est correcte par rapportà des repères: il s’agit de lesaligner aux lasers. Ils vont donctoucher le patient: le geste est à la fois technique (alignement)et relationnel (une main surl’épaule ou le thorax qui peutprocurer un réconfort). Plusglobalement, ce que nous avonsobservé est que, dans certainescirconstances, l’appareil prend ledessus, si l’on peut dire ainsi, surle patient: la contrainte techniqueest plus forte, le patient doit, parexemple, supporter une positionpénible pour lui. Dans d’autrescas, la douleur du patient est laplus forte, elle prime sur lestandard technique qui seraadapté (le patient sera dans uneposition supportable mais pasidéale pour l’examen). Les TRMvont donc prendre des décisionset négocier tantôt avec lepatient, tantôt avec la technique.Propos recueillis par Geneviève Ruiz

Ces imagespubliées à New York en1911 illustrentla découvertedes rayons Xpar le physicienallemandWilhelmRöntgen. Ellesmontrent unemain, un porte-monnaie, unskiascope(instrumentd’optique), unpoisson et untube deCrookes (lepremier tube à déchargesélectriquesexpérimental,inventé par le physicienbritanniqueWilliamCrookes).

La cryosectionest uneprocédure delaboratoire quiconsiste à créerde fines tranchesd’un tissu humain,allant de 2 à 25 micromètres,après congélationdans un cryostat.Ce dernier estune enceintedestinée àrefroidirrapidement un élément detissu humain.

TROISQUESTIONS À Séverine ReyProfesseure à HESAV -Haute Ecole de Santé Vaud

Vous avez mené une enquêteethnographique sur le métierde technicien en radiologiemédicale. Quel était votreobjectif?Dans le cadre de cetterecherche financée par le FNS,nous avons développé uneperspective d’anthropologie des techniques. Nous avonsconsidéré les technologiescomme un acteur parmi d’autreset avons donc pris en compte les interactions entre tous lesacteurs, techniciens enradiologie médicale (TRM),patients et technologie. Ladémarche empirique a consisté,d’une part, à mener desobservations de typeethnographique dans troisservices de radiologie en Suisseromande (les observations ontduré entre sept et seize joursdans chaque site) et, d’autrepart, à réaliser des entretiensavec les TRM de chaque service(32 entretiens au total).

Vous avez observé que lestechniques sont souventdéshumanisantes. Pourquoi?Le constat que les techniquessont déshumanisantes existaitavant notre recherche. Il soulignela part croissante que prend,dans la médecine scientifiquemoderne – et dans la radiologiemédicale en particulier – latechnique. Cela a pourconséquence de technicisertoujours plus le soin et impliqueun temps moindre pour lesaspects plus relationnels de la prise en charge médicale.Mais on peut aussi voir cettedéshumanisation dans le travaildes TRM (certains parlent d’eux-mêmes comme des«presse-boutons») quand la

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ÉCONOMIE

«Bonjour, j’ai passé un entretien pour un job àGenève (je suis Française). Il semble corres-pondre à ce que je souhaite mais j’ai l’impres-sion que le salaire est bien en dessous de lanormale (entre 4’000 et 4’500 francs). J’ai doncessayé de savoir les niveaux de salaire mais onen parle très peu!» Ce message, posté sur leforum aufeminin.com, traduit une réalité toutehelvétique: au pays du secret bancaire, on nediscute pas d’argent sur la place publique, et en-core moins de salaires.

«En Suisse, la définition de la sphère privée esttrès large et ce qu’on gagne en fait partie, relèveRoman Graf, spécialiste des politiques sala-riales auprès de l’Observatoire universitaire del’emploi de Genève. Un patron m’a même ditun jour que cela relevait, pour lui, de l’intime.»On n’est pas loin du tabou. «Il y a certaineschoses dont on ne parle pas, comme son poids,son âge ou son salaire», estime Ruth DerrerBalladore, membre de la direction de l’Unionpatronale suisse.

Tout l’inverse de la culture anglo-saxonne.«Aux Etats-Unis, il n’est pas rare que votre sa-laire soit la première chose qu’on vous demandelorsque vous commencez un nouveau travail»,souligne Roman Graf. De même, les petites an-nonces américaines indiquent souvent une four-

chette de salaires, ce qui n’est quasiment jamaisle cas en Suisse. Nation de PME, la Suisse se ca-ractérise en effet par un système de rémunéra-tion très individualisé. «Chaque firme fixe sessalaires dans son coin, note Andreas Rieger, se-crétaire national du syndicat Unia. En général,il n’existe même pas de grille uniformisée àl’échelle de l’entreprise.» Les salaires sont per-çus comme le résultat d’une négociation indivi-duelle entre l’employé et son patron. «Souvent,ce dernier dit à ses travailleurs de ne pas révélerle montant de leur rémunération à leurs col-lègues», ajoute le syndicaliste. Certaines entre-prises vont jusqu’à inscrire cela dans le contratd’embauche, «arguant que les salaires qu’ellesversent font partie du secret d’entreprise»,complète Roman Graf.

La situation est particulièrement opaque «dansles zones rurales ou dominées par un seulgrand employeur», selon José Ramirez, pro-fesseur d’économie d’entreprise à la Hauteécole de gestion de Genève - HEG-GE. Parcontre, «le service public se montre transpa-rent sur les salaires, formalisés sous forme declasses», indique Roman Graf. Tout comme lessecteurs qui emploient beaucoup d’étrangers,moins réticents à aborder les questions de ré-munération. «Sur les chantiers ou dans l’hôtel-lerie, on parle de salaire, on compare ce qu’on

La Suisse cultive une opacité presque complète sur sessalaires. Cette culture du secret a de graves répercussionssur l’égalité des rémunérations entre femmes et hommes

ou entre ressortissants helvétiques et étrangers.TEXTE | Julie Zaugg

Cachez ce salaire que je ne saurais voir

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Cettemanifestationde laConfédérationgénérale dutravail a eu lieule 29 mai 1968à Paris. Elledemandait lasemaine de 40 heures etl’augmentationdes salaires.

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gagne, fait remarquer Andreas Rieger. Sanssurprise, ce sont aussi les branches qui présen-tent les moins grandes disparités salariales.»

Car la transparence peut avoir pour consé-quence de diminuer les inégalités. «Lorsqu’onsait ce que gagnent ses collègues, surtout ceuxqui font le même travail que nous, on peut don-ner une valeur chiffrée à son travail, expliqueJosé Ramirez. Les personnes qui se sententmaltraitées vont réclamer un salaire plus élevéauprès de leur patron ou aller voir ailleurs. Surun marché fortement libéralisé, tel que le nôtre,cela favorise la concurrence et la mobilité dupersonnel et donc, in fine, une fixation pluséquitable des rémunérations.»

A l’inverse, un manque de transparence pro-voque des disparités salariales. «Il y a uneénorme asymétrie au niveau des informationsdétenues par l’employeur et le futur employélors des négociations salariales, relève RomanGraf. Le premier a déjà vu des dizaines de can-didats et connaît parfaitement les salaires pra-tiqués pour le poste à pourvoir, alors que lesecond ne connaît pas aussi bien sa marge demanœuvre.» Cela vaut particulièrement pourles femmes, qui quittent parfois le marché dutravail durant plusieurs années pour cause dematernité, et qui sont de toute façon moins en-clines à exploiter leur pouvoir de négociation.

Les inégalités salariales les plus flagrantes op-posent d’ailleurs les hommes et les femmes.«En 2010, pour un travail égal ou de valeurégale, la discrimination salariale entre les sexesétait, en moyenne, de 8,7%, soit 677 francs parmois, relève Patric Aeberhard, collaborateurscientifique du secteur Travail au Bureau fédé-ral de l’égalité entre femmes et hommes. C’estla part due à la discrimination.» Elle n’a quepeu bougé ces dernières années.

La provenance des travailleurs est la secondegrande cause d’inégalité salariale. «Plus ilsviennent de loin et moins ils vont gagner, ré-sume José Ramirez. Les Suisses sont les mieuxpayés, suivis des étrangers de seconde généra-tion et des détenteurs de permis de séjour delongue durée (B ou C), des frontaliers et fina-lement des détenteurs de permis courte durée(B, L).»

Comment faire alors pour améliorer la trans-parence, et donc l’égalité des salaires? «EnSuisse, cela relève de la responsabilité indivi-duelle des entreprises, qui disposent d’unéventail de mesures non contraignantes», re-lève Patric Aeberhard. Les employeurs peu-vent, par exemple, consulter le logiciel Logip,qui permet de voir s’ils respectent l’égalité dessalaires femmes-hommes, obtenir la certifica-tion Equal-Salary délivrée par une fondationveveysanne ou réclamer des aides financièresde la Confédération pour mettre en place desmesures contre la discrimination. «L’Etat pro-cède à des contrôles dans un seul cas: lorsquedes contrats publics sont en jeu», poursuit-il.

Cachez ce salaireÉCONOMIE

Une entreprise zurichoiseprône la transparence absoluedes salairesLa firme zurichoise Ergon a franchi le pas de la transparence absolue en1992 déjà. «L’un des cofondateurs de la firme venait de nous quitter etles employés restants ont décidé deracheter ses actions, se souvientPatrick Burkhalter, le patron de cettesociété informatique. A partir de cemoment-là, toutes les décisions ontété prises en commun, y compris les salaires.» Chaque employé saitcombien gagnent les autres. «Cela nous a obligés à rendre nosrémunérations plus équitables etcompréhensibles, note-t-il. Lesfemmes gagnent la même chose que les hommes et la partie variabledu salaire dépend de la réalisationd’objectifs communs et nonindividuels.» Globalement, les salairesd’Egon se trouvent dans la moyennede la branche. «Cette transparence neles a poussés ni à la hausse ni à labaisse», relève Patrick Burkhalter. Elle n’a pas non plus provoqué dejalousies à l’interne. «Au contraire, lesgens sont plus motivés, se sententplus investis dans l’entreprise et secomportent davantage comme desentrepreneurs, gardant toujours leclient en tête», précise-t-il. Outre-Atlantique, certaines firmes sont allées plus loin encore. La start-upcalifornienne Buffer publie les salairesde tous ses employés sur internet,ainsi que la formule qui a permis deles établir. Le CEO gagne 158’800dollars. L’employé le moins bien payé76’975 dollars.

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TROIS QUESTIONS ÀVéronique Goy VeenhuysFondatrice de la Fondation equal-salary

Pourquoi les femmes gagnent-elles moins que leshommes en Suisse?Les stéréotypes et les préjugés persis-tent, impactant négativement la pro-gression des carrières féminines. Aumoment où elle a des enfants, unefemme se verra peut-être contrainte deréduire son temps de travail, avec pourconséquence de freiner sa progressionsalariale. Les statistiques montrent qu’ily a actuellement autant de femmes qued’hommes diplômés. Mais il faudra at-tendre dix à quinze ans avant de saisirl’effet de cette génération sur le niveaudes salaires.

Quel est l’objectif de votre fondation?Notre mission est de promouvoir l’égalitésalariale entre hommes et femmes enproposant une certification. Cet outilsimple, concret et scientifique permet àune entreprise de vérifier qu’elle pratiqueune politique salariale équitable et de larendre visible grâce au label obtenu.Concrètement, il s’agit dans un premiertemps de faire une analyse des donnéessalariales de la société. Si l’écart des sa-laires entre hommes et femmes est infé-rieur à 5%, un audit est alors mené parSGS, le leader mondial de la certifica-tion. Il vérifie l’engagement de la direc-tion en matière d’égalité salariale et samise en œuvre par les Ressources hu-maines. Des entretiens avec les collabo-rateurs complètent la démarche.

Les entreprises se montrent-ellesréfractaires à votre démarche?Nous en sommes à neuf entreprisescertifiées en Suisse. Elles sont toujoursplus nombreuses à s’informer. Maisbeaucoup ne saisissent pas l’impor-tance des enjeux et n’en font pas leurpriorité. D’autres craignent d’éventuelscoûts d’ajustement. Néanmoins, ne pasêtre équitable peut représenter un coûtencore plus important en termesd’image, si un cas de discrimination est porté devant les tribunaux.Propos recueillis par Marie-Adèle Copin

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LaNeuchâteloiseCatherine Reid,(1956-2012),anciennevendeuse à laMigros, avaitporté plaintecontre sonemployeur en 2010 pourdiscriminationsalariale, aumotif que sonsalaire étaitd’environ 400 francsinférieur à celui de sescollèguesmasculins pour un travailéquivalent. La procédurejudiciaire a étésuspenduesuite à sondécès.

Les employés peuvent, pour leur part, consul-ter les calculateurs de salaires en ligne, commeFairpay ou Salarium. «Ils sont fondés sur lesdonnées récoltées par l’Office fédéral de la sta-tistique auprès des entreprises, détaille José Ramirez. Quelque 2 millions de salaires y figu-rent, ce qui correspond à un travailleur surdeux. Cela permet de se situer par rapport auxautres dans sa branche.»

Les conventions collectives de travail concluesentre le patronat et les syndicats permettentaussi d’introduire une dose de transparence.«Elles comportent des indications quant aux sa-laires minimaux dans la branche, indiqueRoman Graf. Mais seuls 40% des travailleurssont couverts par un tel accord et comme ils’agit de minima, ils protègent avant tout ceuxqui se trouvent en bas de l’échelle salariale.» Lesmesures d’accompagnement introduites dans lecadre de la libre circulation des personnes avecl’UE, et les contrôles qu’elles impliquent, sontun autre outil au service de la transparence.

Enfin, la Loi sur l’égalité entre femmes ethommes, introduite en 1996, permet aux per-sonnes qui se sentent lésées de s’adresser auxtribunaux. Mais la mesure, qui fait peser le far-deau de la preuve sur la personne lésée, est im-parfaite: «Si vous ne savez pas combien les

autres sont payés dans votre entreprise, com-ment voulez-vous déposer une plainte? inter-roge Andreas Rieger. Cela revient à donner uncoup d’épée dans l’eau.» Il cite le cas d’une employée de la Migros à Neuchâtel dont leprocès a duré plusieurs années. Entre-temps, laplaignante est décédée.

Une avancée de taille a en revanche été réaliséesur le front du salaire des patrons d’entreprisescotées en Bourse, avec l’adoption de l’initiativeMinder en mars 2013. «Ce texte donne le droitaux actionnaires de fixer le montant des salairesde la direction et du conseil d’administration aumoyen d’un vote contraignant, explique FlorentLedentu, professeur en économie d’entreprise àla Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion duCanton de Vaud. Il interdit également les in-demnités de départ. La Suisse est désormais l’undes pays qui va le plus loin en la matière.»

Cette initiative n’est que la dernière étape d’unprocessus amorcé au début des années 2000, enréaction à une série de scandales (parachutesdorés chez ABB, faillite de Swissair). «Cela acommencé en 2002, lorsque la Bourse a obligéles entreprises cotées à dévoiler leur politiquede rémunération dans leur rapport annuel, ra-conte l’économiste. En 2007, le Code de bonnepratique d’economiesuisse a intégré un vote

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consultatif lors des assemblées générales sur lapolitique de rémunération de la direction géné-rale et du conseil d’administration.» La plupartdes grands groupes s’y sont pliés, si l’on exceptecertaines entreprises familiales comme Swatch.L’initiative Minder a fermé la boucle, en ren-dant ce vote contraignant.

Une évolution dont les partisans de la transpa-rence des salaires des employés aimeraient s’ins-pirer. «L’autorégulation, telle qu’elle existeaujourd’hui, ne fonctionne pas, déplore le dé-puté socialiste vaudois et économiste SamuelBendahan. Il faut forcer les entreprises à publierleurs grilles de salaires à l’interne, voire à l’ex-terne.» La Confédération s’est penchée sur lesmoyens d’améliorer la transparence et l’équitédes salaires entre hommes et femmes dans unrapport publié en octobre 2013. Elle en a tiréplusieurs recommandations comme l’obligationpour les entreprises d’effectuer une analyse in-terne de la structure de ses salaires tous les troisans et la possibilité pour les autorités d’intenterun procès contre une firme en lieu et place de lapersonne discriminée.

Mais ce genre de propositions n’est pas du goûtde tous. «Si on se mettait à publier les salaires,cela déclencherait une vague de jalousies à l’in-terne des entreprises, estime Ruth Derrer Balla-dore. Et cela mettrait en danger la protection desdonnées et de la personnalité.» La représentantedu patronat pense qu’il faut laisser une marge demanœuvre aux sociétés pour fixer leurs rému-nérations en fonction de leurs besoins, à l’abridu regard inquisiteur du public. «Les employésn’ont pas toujours une vue d’ensemble, dit-elle.Ils ne comprennent pas que telle personne gagnedavantage parce qu’elle a plus d’expérience oudes compétences plus utiles à son employeur.»

«Il ne s’agit pas de publier le salaire de chacunmais de mettre en place une grille de salairestransparente, rétorque Roman Graf. Cela neposera problème que lorsqu’une entreprise aune structure salariale injuste.» Et l’opacité n’estpas une solution, selon José Ramirez: «Le chaosprovoqué par un employé qui apprend par labande ce que gagnent ses collègues est bien pireque celui généré par la publication d’une grilledes salaires transparente.»

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Norvège, l’hallucinante transparence fiscaleChaque contribuable norvégien peut consulter les données fiscalesde ses concitoyens en ligne depuis 2002. La Norvège est le seulpays au monde où ces chiffres se trouvent intégralement à ladisposition du public. Ce site, appelé Skattelister, est mis à jourchaque année en automne. Pour y accéder, il suffit d’introduire sonnuméro d’identification personnel. On peut ensuite effectuer toutesles requêtes que l’on souhaite en tapant un nom, un lieu et un âge.

Cette transparence semble hallucinante pour un pays comme la Suisse, où la divulgation de telles informations provoquerait un scandale. Mais en Norvège, la tradition est ancienne, car leregistre fiscal des municipalités a toujours été public depuis lamoitié du XIXe siècle. Si la mise en ligne des données fiscales n’a pas créé de tollé, elle leur a donné une nouvelle visibilité. Et le voyeurisme fiscal s’est mué en véritable sport national, avec 13 millions de requêtes de la part de 709’000 contribuablesen 2011, selon le Bureau des statistiques. De plus, les sommesdéclarées au fisc seraient 3% plus élevées depuis que lescontribuables peuvent consulter facilement les données fiscales de leurs voisins. Et les services fiscaux ont tout de même mis en place une ligne téléphonique pour les lanceurs d’alerte quisouhaiteraient dénoncer leurs connaissances...

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Caméra cachéeLe travail de Michael Wolf«Paris Street View» estbasé sur des images deson écran d’ordinateur,prises alors qu’il surfaitsur Google Earth lors d’un séjour parisien en2009. L’œuvre de cephotographe allemandbasé à Hongkong sefocalise principalementsur l’architecture et laculture des mégapoles.Avec «Paris Street View»,

il s’est intéressé à laquestion du voyeurisme et de la vie privée dans les villes modernes. Il souhaite attirerl’attention sur la logiquecontradictoire qui marquenotre société: d’un côté, les gouvernementstentent de légiférer la photographie dansl’espace public et, del’autre, Google crée unecarte photographique dumonde sans autorisation.

La publicité de l’intimePORTFOLIO

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WEB 2.0

Le web 2.0 a transformé la manière de communiquer des grandes sociétés. Elles doivent devenir plustransparentes, afin d’éviter un lynchage public.

TEXTE | Clément Bürge

La communication périlleusedes entreprises sur la Toile

Le 17 mars 2010, Greenpeace publie une vidéosur YouTube. A l’écran, on voit un jeune em-ployé, fatigué, qui fait une pause dans son bu-reau. Il prend une barre de chocolat Kit Kat eten sort un doigt d’orang-outan en lieu et placed’une gaufrette au cacao. Il le dévore, du sangcoule de sa bouche. Le clip se termine. Un slo-gan s’affiche: «Donnez une pause aux orangs-outans.» Le court-métrage dénonce l’utilisationpar Nestlé d’huile de palme, dont la culture tueles primates.

La vidéo suscite le scandale, mais la multina-tionale veveysanne réagit avec arrogance. Elledemande officiellement le retrait de la vidéo àYouTube. Grave erreur. Le clip fait alors le tourde la planète web. Les internautes se lâchent etpublient des commentaires haineux sur la pageFacebook de la compagnie. Nestlé efface ceuxqui lui déplaisent, empirant la situation. Unmois plus tard, la société craque: elle s’engage àproduire une huile de palme durable. La déci-sion est raisonnable, mais elle ne rattrapera ja-mais les dégâts d’image infligés à la firme.

Ce comportement illustre parfaitement la diffi-cile adaptation des entreprises face à l’émer-gence des nouveaux médias. «Au moment del’apparition du web 2.0, beaucoup de sociétésne savaient pas comment s’adresser au publicet ont continué à réagir comme si le web n’exis-

tait pas, observe Fabrice Vincent, un spécialistedes marques en ligne au CREA de Genève. Cen’était pas la bonne attitude.» Car le monde dela communication a subi une série de transfor-mations durant les vingt dernières années. «Au-paravant, la société contrôlait totalement lesinformations qu’elle souhaitait diffuser, se rap-pelle Daniel Herrera, le directeur de Yjoo, unesociété de communication basée à Lausanne.Lorsqu’elle voulait diffuser un message, elle en-voyait un communiqué de presse par fax ou ap-pelait les journalistes par téléphone.» De leurcôté, les consommateurs pouvaient envoyerune plainte par courrier ou contacter un serviceclient. Les entreprises ignoraient la plupart dutemps ces messages, envoyant de temps à autreun bon de réduction à un client mécontent.

Aujourd’hui, la voix des consommateurs ne peutplus être ignorée. «Grâce au web, l’informationcircule dans tous les sens, explique Daniel Her-rera. Les internautes peuvent se lâcher sur desforums, vérifier des informations sur Wikipédia,dénoncer une compagnie via Facebook, et tousces messages peuvent faire le tour de la planète.»Cela a transformé à jamais la manière de se com-porter des entreprises. La majorité des grandsgroupes ont alors mis sur pied toute une infra-structure destinée à capter les signaux en prove-nance du public. Nestlé a, par exemple, montéun Digital Acceleration Team, qui surveille en

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Les grandesentreprisescomme Nestlésurveillent entemps réel toutce qui se dit sur elles dans le monde entier.Illustrationréalisée par JoëlleFlumet pourHémisphères.

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La communication des entreprisesWEB 2.0

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TROIS QUESTIONS À Matthias RossiDirecteur de l’Institut de l’entreprenariat et PME à la HEGde Fribourg et spécialiste de la santé des dirigeants.

Pourquoi les patrons ne communiquent-ils pratiquement jamais sur leur état de santé?Cela est lié à l’image de l’entrepreneur: on valorise lespersonnes fortes et dynamiques.Les patrons ont également peurque leurs employés ne les res-pectent plus s’ils les savent fai-bles. Les entrepreneurs craignentaussi de perdre leurs clients.

Etre malade, n’est-ce pas un secret lourd à porter pourun patron?Oui et il faut que les patronstrouvent une personne avec quiparler de leurs ennuis de santé.Ce qui n’est pas toujours facile à faire avec un psychologue ouun psychiatre, et encore moinsavec ses proches.

Quelles sont les consé-quences pour une entreprised’avoir un patron malade?Pour une grande entreprise, cela n’est pas un problème. Steve Jobs s’est fait remplacerpar Tim Cook sans de consé-quences véritables. Cela est diffé-rent pour une PME, où l’absenced’un patron peut tout simplementmener à sa disparition.

temps réel tout ce qui se dit de la société sur in-ternet dans le monde entier. Une douzained’écrans, surveillés en permanence par des em-ployés de la multinationale dans ses locaux deVevey, relaient ces informations. «Cela nous per-met de mieux comprendre nos consommateurset d’adapter notre manière d’agir», expliqueLydia Méziani, porte-parole de Nestlé. Ce genrede dispositif coûte cher, et les plus petites com-pagnies possèdent rarement les budgets néces-saires pour observer en continu ce qui se ditd’elles sur les réseaux sociaux. Pour régler ceproblème, des start-ups ont développé des sys-tèmes pour analyser l’opinion publique sur lesréseaux sociaux. La munichoise TrustYou s’estspécialisée dans les critiques d’hôtels et de res-taurants. Et la londonienne Amplicate agrègetous les avis qui circulent sur la toile sur diversesthématiques touchant les entreprises.

Les sociétés cherchent aussi à occuper au maxi-mum le champ médiatique, en restant encontact constant avec les consommateurs.Finie l’époque du communiqué de presse an-nuel. «Auparavant, une entreprise lançait unecampagne de publicité à la rentrée des classes età Noël, explique Fabrice Vincent. Maintenant,leurs opérations marketing ne s’arrêtent ja-mais.» Pour garder une forme de contrôle surcette obligation d’omniprésence, les compa-gnies développent des concepts publicitairessur la longue durée. Par exemple, la marque deboissons sucrées Oasis exploite une série depersonnages à base de fruits via différents ca-naux, comme les réseaux sociaux ou la télévi-sion, les faisant même réagir à des thèmesd’actualité ou parodier des affiches de films. Lamarque de café Nespresso recherche elle aussila continuité, ainsi qu’en témoigne la longuesaga des publicités avec George Clooney.

Autre nouveauté, les compagnies ont comprisque mentir n’était pas rentable. Certains hôte-liers et restaurateurs se permettent, par exem-ple, de publier de faux commentaires sur leurspropres profils en ligne figurant sur des plate-formes comme Yelp ou Tripadvisor. Mais ils sefont souvent repérer. «L’information est auto-matiquement et instantanément vérifiée par lesinternautes, explique Stéphane Koch, spécia-liste de la communication en ligne et chargé de

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cours à la Haute école de gestion de Genève -HEG-GE. On ne peut pas les prendre pour desimbéciles.» Dire la vérité permet même d’amé-liorer ses performances. Roland Schegg, pro-fesseur à la HES-SO Valais-Wallis - Hauteécole de Gestion & Tourisme, a remarqué dansune étude que si les services d’un hôtel corres-pondaient à ce qui figurait sur le web, son scoresur les services d’évaluation en ligne serait meil-leur: «Mentir ou embellir la vérité ne sert à rien,les consommateurs préfèrent savoir dans quoi ils

La communication des entreprisesWEB 2.0

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Le spécialisteen innovationtouristiqueRoland Scheggobserve que de plus en plusd’entreprisescompensentleurs erreursavant mêmeque leursclients n’aient le temps des’épancher sur internet.

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La communication des entreprisesWEB 2.0

s’engagent. Ils vont alors récompenser la firmeen lui octroyant une bonne note, ce qui se tra-duit en ventes plus élevées pour cette dernière.»

Les entreprises ont également compris la valeurqu’il y avait à reconnaître leurs manquements,comme servir un plat trop salé ou présenter unechambre d’hôtel non rangée. «Les consomma-teurs apprécient lorsqu’une société s’excuse etqu’elle essaie de rattraper une erreur», indiqueRoland Schegg. L’expert remarque ainsi uneaugmentation du phénomène du service reco-very: «De plus en plus d’entreprises cherchent àcompenser une erreur avant que le client lésén’ait eu le temps de s’épancher sur la Toile. Ellesoffrent alors une chambre d’hôtel plus chère ouun autre cadeau pour rattraper leur faute.»

Ces nouvelles méthodes de communication exigent aussi des entreprises de maintenir unstrict contrôle à l’interne. En mars 2013, AdriaRichards, une employée de SendGrid, un four-nisseur d’e-mails, se trouvait à une conférenceen Californie. Elle a entendu deux hommesfaire des blagues sexistes derrière elle. La jeunefemme a alors envoyé un tweet pour les dé-noncer et a demandé aux responsables de laconférence de les remettre à l’ordre. Résultat:l’un des deux hommes a perdu son emploi, cequi a provoqué un tollé au sein de la SiliconValley. Puis, Adria Richards elle-même s’est faitrenvoyer, son employeur lui imputant le dégâtd’image infligé à l’entreprise.

«Chaque employé est devenu un porte-parolede l’entreprise, estime Stéphane Koch. Toutepersonne qui s’exprime sur Twitter est égale-ment perçue comme un ambassadeur de sacompagnie. Il n’y a plus de division entre lemonde professionnel et personnel sur les ré-seaux sociaux, malgré les avertissements clas-siques qui stipulent que les statuts d’unutilisateur n’engagent pas son employeur.» Lesemployés peuvent aussi endommager l’imagede l’entreprise en se plaignant en ligne ou endévoilant des informations confidentielles. Enmai 2012, Gene Morphis, ancien CFO de lachaîne d’habits Francesa, avait envoyé un tweetaprès une réunion: «Board meeting. Goodnumbers=Happy board». Cela constituait uneviolation des règles financières américaines etl’homme a été renvoyé.

Pour contrôler leurs employés, les entreprisesétablissent des règles qui définissent ce qu’unemployé peut publier en ligne et mettent enplace des formations pour leur apprendre àutiliser correctement ces outils. Certaines so-ciétés ont aussi créé des réseaux sociaux pro-pres à l’entreprise. «Les employés parlent detoute manière entre eux, et créent des groupesFacebook ou Whatsapp, explique Daniel Her-rera. Ces réseaux sociaux d’entreprise permet-tent de garantir que les discussions restent àl’intérieur de l’entreprise.» Et permet surtoutà ces dernières de garder un œil dessus.«Toutes les communications sont enregistréespar la société et peuvent être consultée en casde problèmes», note Robert Shaw, le CEO de BlueKiwi, une société qui développe de tels réseaux.

Mais les flux d’influence qui caractérisent l’èrede la communication d’entreprise 2.0 ne sontpas à sens unique. Les clients tirent aussi par-fois leur épingle du jeu. Aux Etats-Unis, despétitions en ligne ont, par exemple, obligéPepsiCO à remplacer l’huile végétale broméequi rentrait dans la composition du Gatoradepar un additif naturel. Mars a aussi décidé deremplacer ses colorants alimentaires chi-miques par des composants plus naturels suiteà des pétitions en ligne. Et la Bank of Americaa dû renoncer à des taxes sur ses prestationsbancaires suite à la pression des internautes.

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DESIGN

Depuis plus d’un siècle, l’histoire du design s’accompagned’une recherche obsessionnelle de transparence.

Dans quel but? Révéler l’intérieur ou tromper le regard?Rétrospective alphabétique de créations qui se

laissent transpercer.TEXTE | Pierre Grosjean

Des objets qui ne peuvent rien dissimuler

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Hans Gugelot(1920-1965)Pionnier dudesignfonctionnaliste, le designer Hans Gugelot a développé le radio-électrophoneSK4 en 1956,avec son élèveDieter Rams.L’appareil estéquipé d’uncouvercletransparent qui valorise ses élémentstechniques.

APPLEParlez de transparence et le premier iMac ap-paraît. Cette machine a durablement marquél’imaginaire au début de ce siècle. Elle n’a étécommercialisée que pendant 5 ans mais l’effetconjoint des couleurs acidulées (turquoise,orange) et de son plastique translucide ren-voyait la lumière avec une telle fraîcheur qu’elleest vite devenue une référence esthétique. Dansson sillage, on a vu apparaître quantité d’objets(porte-savons, lampes Ikea, agrafeuses, stylos,consoles Nintendo 64, ustensiles de cuisineAlessi) qui imitaient son look de bonbon. Ledesigner Jonathan Ive, 30 ans, disait s’être ins-piré de la buée déposée sur sa cabine de douche.

Revenu aux commandes de l’entreprise après unlong exil, Steve Jobs est emballé par cette ap-proche et confie aussitôt à Ive la direction dudesign. Ensemble, les deux hommes redynami-sent Apple avec une esthétique de la transpa-rence à tous les niveaux: software (l’interfaceAqua et ses effets de goutte d’eau censés donneraux utilisateurs «l’envie de lécher l’écran», dixitJobs), boutiques (avec des escaliers de verre bre-vetés par Jobs en personne) et jusqu’au logo: lapomme perd ses couleurs arc-en-ciel pour unsimple reflet de mercure liquide transparent.

Aujourd’hui, la transparence fait plutôt partiedes dossiers qui empoisonnent Apple, tant surle plan des fournisseurs, qu’elle aurait préférégarder secrets, que sur celui des données per-sonnelles: l’affaire Snowden a révélé que laNSA avait un accès direct au contenu desiPhone.

BRAUNPour Jonathan Ive, la référence ultime en matièrede design s’appelle Braun. La firme allemande a développé depuis le milieu des années 1950 – etjusqu’à son rachat par Gillette en 1983 – un des-ign fonctionnel qui influence aujourd’hui encoreles créations d’Apple, matérielles et logicielles.

L’aventure de Braun commence justement parune histoire de transparence, celle du radio-électrophone SK4 développé en 1956 par ledesigner Hans Gugelot et son élève DieterRams. Pour faciliter la manipulation de l’ap-pareil, ils décident de placer ses commandes àl’horizontale. Mais le couvercle en métal quidoit protéger l’ensemble se met à vibrer. C’estlà que les deux hommes ont leur idée de génie:utiliser un couvercle transparent de polymé-thacrylate de méthyle (style Plexiglas), quimettra en valeur l’aspect technique du pick-up.

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Les consommateurs sont séduits et l’appareil,aussitôt surnommé «cercueil de Blanche-Neige», devient un classique. La plupart destourne-disques lancés par la suite, toutesmarques confondues, seront équipés d’un telcouvercle transparent, parfois fumé, qui pro-tège le vinyle de la poussière tout en permet-tant de suivre l’avancée du sillon.

Pionnier du design fonctionnaliste, formé àLausanne et à Zurich, Hans Gugelot disparaîtà Ulm d’un infarctus en 1965, à l’âge de 45 ans.Son élève Dieter Rams est aujourd’hui reconnucomme un maître. Sa devise: «weniger, aberbesser». Moins, mais mieux.

CRYSTAL PALACEEn 1850, les autorités anglaises lancent unconcours pour la construction du bâtimentqui doit accueillir la Grande Exposition pré-vue l’année suivante au centre de Hyde Park.Les meilleurs architectes européens y parti-cipent mais aucun des 245 projets proposésne résout les problèmes techniques. C’est fi-nalement l’horticulteur en chef du Devons-hire, Joseph Paxton, qui trouve la solution: ils’inspire de ses serres botaniques pour conce-voir un immense palais. Ses 400 t de vitres (letiers de la production annuelle de l’Angle-terre) seront assemblées grâce à une standar-disation ingénieuse des boulons et écrous.

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Des objets qui ne dissimulent rienDESIGN

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Des objets qui ne dissimulent rienDESIGN

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Une prouesse esthétique et technique qui fascine autant qu’elle scandalise. Le designmoderne est né avec ce temple dédié à latransparence.

DYSONLe designer James Dyson, né en 1947, a une tren-taine d’années quand il imagine un aspirateur quifonctionnerait sans sac. Il développe plusieursprototypes mais se heurte aux résistances del’industrie, pour qui les ventes de sacs de re-change représentent un marché annuel de plusde 100 millions de livres. Il se tourne alors versle Japon, où il parvient à lancer avec succès sonaspirateur à séparation cyclonique en 1985. Lemonde entier va suivre. James Dyson a conçuun boîtier transparent pour bien montrer auxconsommateurs que son appareil fonctionnesans le moindre sac, ce qui leur épargnera desfrais de recharge. Sa fortune est aujourd’hui es-timée à plus de 4,2 milliards de dollars.

ÉTUDIANTS«Mes étudiants essaient souvent d’intégrer deséléments transparents dans leurs projets, parcequ’ils s’imaginent que cela les rendra forcémentplus aériens, plus sobres, plus légers, explique ledesigner Nicolas Le Moigne, chargé du MASDesign for Luxury and Craftsmanship del’ECAL. Ils croient supprimer ainsi les élé-ments superflus. Mais les choses ne sont pas sisimples. Souvent, cette volonté de transparencecrée l’effet inverse et rend les objets plus lourds.La transparence doit être utilisée avec beau-coup de soin. Elle représente un vrai défi pourles designers.»

FONCTIONNALISMED’où vient le goût des designers pour la trans-parence? Sans doute de l’approche fonctionna-liste, qui structure leur discipline depuis plusd’un siècle. «Form follows function», procla-mait l’architecte Louis Sullivan dès 1896. Sonconfrère Adolf Loos parlait d’«Ornement etcrime» en 1910, Ludwig Mies van der Rohe ré-sumait son approche par le slogan «less ismore» et Le Corbusier définissait en 1923 unemaison comme une «machine à habiter». Envoulant réduire l’objet à sa pure fonction, lescréateurs modernes en viennent à rêver deformes qui ne retiennent pas le regard.

GRCICAu printemps 2014, le designer vedette alle-mand Konstantin Grcic présente à la galerieKreo à Paris une collection de meubles en verrebaptisée «Man Machine» en hommage augroupe électronique Kraftwerk. Des tables, desétagères et surtout un étonnant fauteuil vitréajustable à l’aide de pistons. «Quand je me suisassis dans ce fauteuil, je n’imaginais vraimentpas qu’il serait confortable mais en fait, ill’est!», s’étonne le curateur Jan Boehlen, qui acoorganisé la rétrospective Grcic au muséeVitra près de Bâle. «Mais là n’est pas sa qualitéprincipale. Parce qu’il est verre, ce fauteuil in-trigue, il provoque, il dérange. C’est en celaqu’il devient intéressant.» L’usage du verre per-met de mettre en valeur le mécanisme, les pis-tons. Le reste de la structure disparaît et la piècede design, elle-même, devient une machine.

HORLOGERIEPour permettre à la lumière d’entrer dansleurs créations, les horlogers peuvent fairebien davantage qu’installer un fond de verreau dos de la montre, ou une lucarne dans lecadran. Depuis le début des années 2000, lamode du squelettage s’est généralisée. Lesclients d’aujourd’hui veulent contempler la fi-nesse de la mécanique quand la montre estportée. Des modèles mythiques comme laSantos Dumont de Cartier, l’Altipiano de Pia-get, la De Ville Hour Vision d’Omega ou en-core la Royal Oak d’Audemars Piguet ontainsi connu une seconde jeunesse dans leurversion squelette. Mais il ne faut pas confon-dre ajourage et squelettage. «Une montrepeut porter le qualificatif de squelette si etseulement si la platine et les ponts sont tra-vaillés de sorte qu’il ne reste de métal suscep-tible de lier les différents composants quecelui nécessaire au bon fonctionnement dumouvement», insiste le journaliste horlogerVincent Deveau.

IMACLe premier iMac a lancé la mode du plastiquetransparent coloré dès 1998 (lire Apple ci-des-sus). Mais cette matière avait déjà été exploréel’année précédente par Apple avec le laptopeMate turquoise qui laissait voir ses entrailles;l’idée était alors de signaler par cet effet de

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Réseaux sociaux 1En 2008, le ValaisanXavier Rosset est partiseul à Tofua, dansl’archipel des Tonga situédans le Pacifique Sud.Cette île déserte à six jours de voyage de la Suisse mesure 64 km2

et est recouverte à 60%de forêt semi-tropicale.Xavier Rosset, anciensnowboarderprofessionnel, a emportépour seuls outils unemachette, un couteausuisse, ainsi qu’unecaméra et un petit

chargeur solaire. Ce RobinCrusoé du XXIe siècles’est filmé durant touteson aventure et alimentaitrégulièrement un blog.Cette photo est d’ailleursun autoportrait. De retouren Suisse après 300 jours,Xavier Rosset, qui confieavoir souvent «crevé ladalle» et parfois pleuré desolitude, a bien gardé lespieds sur terre: il gagneaujourd’hui sa vie enfaisant des conférencesdans les entreprises et en organisant desvoyages sur son île.

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Des objets qui ne dissimulent rienDESIGN

transparence l’accessibilité de la machine, a ex-pliqué Thomas Meyerhoffer, de l’équipe dedesign d’Apple. Une accessibilité toute relativequand on connaît la propension de la marque àverrouiller ses produits… Dès 1999, le poly-carbonate rêche et translucide laisse la place àun plastique lisse, qui procure aux machines età leurs périphériques une brillance plus quali-tative (Cinema Display, iSub Harman Kardon,Cube Speakers). La ligne iMac abandonne lescouleurs et la transparence en 2002 pour passerau revêtement blanc opaque. Depuis lors,Apple n’a plus utilisé d’effet de transparencepour son hardware.

JEUX DE LUMIÈREOn pourrait croire que les marques utilisent lesplastiques transparents pour laisser voir l’inté-rieur des objets; il y a en effet un intérêt ludiqueà distinguer les composants d’une console Nin-tendo 64 (commercialisée dès l’année 2000 enversion transparente aux couleurs «funtastic»).Mais c’est tout autant pour leurs jeux de lumièreque ces matériaux sont choisis: comme le verre,ils brillent en laissant deviner leur volume de-puis tous les angles de vue. La transparence estutile même quand il n’y a rien à voir derrière.

KARTELLEn 1966, la marque milanaise Kartell fait sen-sation avec un porte-parapluie dessiné parGino Colombini. Son plastique ABS coloré ettransparent a été moulé par injection: un modede fabrication innovant, particulièrement bonmarché, qui donnera naissance à d’innombra-bles objets pop à la clarté colorée. Kartell sespécialise dans ce style de produits et collaboreavec des designers tels que Enzo Mari, VicoMagistretti, Ron Arad et Philippe Starck. Suc-cès commerciaux à la clé.

LOUIS GHOSTDans le sillage du mouvement postmoderne,Philippe Starck dessine pour Kartell, au débutdes années 2000, une chaise inspirée d’un fau-teuil Louis XVI et destinée au grand public. Ildécide de la faire fabriquer en polycarbonatetransparent moulé par injection, ce qui lui don-nera un air fantomatique. Son nom est touttrouvé: Louis Ghost. A la fois royaliste et dé-mocratique, solennelle et légère, antique et fu-

turiste, la chaise connaît un succès extraordi-naire. «Elle est devenue une icône de notreépoque, dit le designer Nicolas Le Moigne. Ona l’impression que certaines personnes la dé-couvrent aujourd’hui, alors qu’elle existe de-puis plus de dix ans. Starck a vraiment étéprécurseur avec cet objet.»

MAISON DE VERREElle est «the best house in Paris» selon le «NewYork Times». La Maison de verre est construiteau début des années 1930 par l’architecte PierreChareau pour le compte d’un gynécologuecommuniste et amateur d’art. Avec sa façade deverre, elle laisse voir ses structures et canalisa-tions, qui deviennent autant d’éléments déco-ratifs (la même idée sera reprise quarante ansplus tard dans la création du Centre Pompidouà Beaubourg). Ernst, Miró, Cocteau et Picassoy sont régulièrement invités, de même que lephilosophe Walter Benjamin, selon qui le faitde «vivre dans une maison de verre est, par es-sence, une vertu révolutionnaire».

NIKEUne petite bulle transparente dans la semelle:c’est avec cette idée que l’athlète et architecteTinker Hatfield révolutionne le design de bas-kets en 1987. Engagé d’abord pour l’aménage-ment des bureaux de Nike, il commence às’intéresser à la création de chaussures de sporten 1985. Avec, toujours, la même rigueur d’ar-chitecte. C’est paraît-il à l’occasion d’une visiteau Centre Pompidou, dont les structures sontapparentes, qu’il a l’idée de la bulle qui fera lesuccès de la Nike Air Max: la transparencecomme un révélateur de la technique.

OPACITÉRien à dire à ce sujet.

PARAVENTIl ne faut pas se fier à son nom: le paravent sertmoins à se protéger des courants d’air que desregards indiscrets. Et si l’on revenait à sa fonc-tion première? C’est l’idée qu’a eue la designerallemande Camilla Richter, née en 1981, en des-sinant son Paravento sorti l’an dernier chezCappellini: un hommage en 3D à Mondrian quipermet d’habiller l’espace et de se protéger duvent mais qui ne cache rien. Un paravent trans-

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parent qui fait penser «aux prismes avec les-quels les enfants s’amusent à faire vibrer lesrayons», écrit le magazine «Architecture DigestCollector», pour qui la transparence coloréefait partie des sept tendances de l’année.

QUALITÉLa transparence est une qualité, et c’est dans lecristal qu’elle apparaît de la manière la plusspectaculaire. «Il y a quelque chose d’extraor-dinaire dans le travail du cristal», dit le designerNicolas Le Moigne. «Les couleurs changent aufur et à mesure que la pièce est soufflée. Latransparence apparaît beaucoup plus tard. Onpart d’une matière très brute et on assiste à lamétamorphose d’un objet qui devient de plusen plus beau. C’est fascinant.»

REICHSTAGDepuis sa reconstruction en 1999, le Reichstagest surmonté d’un dôme transparent accessibleaux visiteurs par l’extérieur. En plongeant le re-gard depuis le toit, on peut apercevoir les débats

dans la grande salle du parlement; les députéssont ainsi, en quelque sorte, surveillés par leursadministrés. La transparence du verre commeun symbole de démocratie pour une Allemagnepacifique et réunifiée. Avant d’être reconstruitselon les plans de Norman Foster, qui n’a pasbénéficié dans ce projet de toute la liberté qu’ilaurait souhaitée, le Reichstag avait été plongédans l’opacité complète par les artistes embal-leurs Christo et Jeanne-Claude (1995), trans-formé en centre de conférence (Guerre froide),bombardé par les alliés (1945) et incendié àl’époque nazie (1933). Le bâtiment date de 1894.

SWATCHLa Swatch Jellyfish fait sensation à sa sortie en1985: avec son boîtier transparent et son cadranréduit à un mince anneau gradué, elle exhibeclairement ses rouages sous ses trois aiguillesaux couleurs fondamentales: l’esthétique de lamachine au goût des eighties. Les puristes di-ront qu’un tel squelettage n’a pas de sens pourune montre à quartz mais le grand public en fera

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Des objets qui ne dissimulent rienDESIGN

Paravento estune création de la designerallemandeCamilla Richter.Il permetd’habillerl’espace et dese protéger du vent, mais ne cache rien.

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Des objets qui ne dissimulent rienDESIGN

rapidement un objet culte. Les modèles les plusrares atteindront 17’000 dollars aux enchères,alors que son prix d’origine est de 50 francs.

TABLERares sont les meubles dont le style traverse lesépoques. La table en verre Fontana, dessinéepar Pietro Chiesa, est toujours en vente et n’ajamais nécessité d’amélioration depuis son lan-cement il y a plus de 80 ans. Vantée pour sesproportions parfaites, elle ne présente qu’undéfaut: sa transparence entraîne accidents etchutes (lire Verre ci-dessous).

UTOPIELe design transparent a alimenté quantitésd’utopies. Exemple, le formidable manifeste«L’architecture de verre», publié par PaulScheerbart en 1914. «La surface de la Terreprendrait un tout autre aspect si, dans l’archi-tecture, le verre supplantait partout la brique,écrit-il. Ce serait comme si la Terre revêtait uneparure de brillants et d’émaux. Et d’une somp-tuosité proprement inimaginable. Nous au-rions partout de plus grandes merveilles queles jardins des Mille et une nuits. Nous aurionsun paradis sur Terre, et nul besoin dès lors delever des yeux nostalgiques à la recherche duparadis céleste.» Cent ans plus tard, ce texte,qui a fortement influencé le philosophe WalterBenjamin, est toujours édité et disponible enlibrairie (éditions Circé Poche). Lire aussiMaison de verre.

VERREAttention, les meubles transparents peuvent semontrer sournois et cruels. Le politicien vaudoisJean-Pascal Delamuraz s’en aperçoit en janvier1998 quand il s’ouvre le thorax en trébuchant surune table en verre. Résultat: une intervention chi-rurgicale de quarante-cinq minutes sous anes-thésie. En 2002, à Bâle, c’est le chanteur MarilynManson qui se déchire l’oreille sur une autretable en verre. Vingt-quatre points de suture.

WEILLe designer argentin Daniel Weil n’a pas 30 ansquand il commercialise son premier objet en1982: une radio démontée vendue dans un sactransparent. Les éléments éparpillés sont ce-pendant connectés et l’appareil fonctionne. Une

approche déconstructiviste qui remet en ques-tion le rôle du boîtier. Radio In A Bag, c’est sonnom, est intégré l’année suivante dans la collec-tion permanente du MoMa.

RAYONS XMieux encore que les objets transparents: lesobjets qui vous rendent transparent. En 2013, leprestigieux Red Dot Design Award est remisdans la catégorie médicale à l’appareil MobilettMira de Siemens, un appareil à rayons X de trèspetite taille et totalement articulé: la qualité deses images n’a d’égale que la flexibilité de sonbras, qui peut vous examiner sous tous les an-gles et dans toutes les positions. Vous ne pou-vez rien lui cacher.

YOSHIOKAS’il n’y avait qu’un designer de la transpa-rence, ce serait lui: la plupart de ses créationspeuvent être transpercées par le regard. Ré-cemment, Tokujin Yoshioka a créé une tableréflective à la manière d’un miroir sans tain(Glas Italia, 2014), une montre au bracelet deverre pour Issey Miyake (2012), un téléphonemobile inspiré de la transparence des musicas-settes (X-Ray pour KDDi, 2010)… Il a aussicréé le design des magasins Swarovski et tra-vaille le cristal dans le cadre de son activité ar-tistique. Il est en quelque sorte l’héritier deShiro Kuramata (1934-1991), qui avait inventécoup sur coup trois sièges transparents révo-lutionnaires: une «glass chair» ultramoderneen verre flotté (1976), une chaise «MissBlanche» en résine postmoderne incrustée depétales de rose (1988) et un fauteuil en grillagefantomatique (How High The Moon, 1986).Trois classiques.

ZANUSO ET ZANOTTAEn 1968, le designer Marco Zanuso invente pourla marque Zanotta une table si simple et mini-male que son principe est proprement invisible àl’œil nu: le plateau de verre arrondi semblecomme posé sur ses quatre pieds d’acier cylin-driques. Ni élément transversals, ni fixation ap-parente ne viennent heurter le regard. Son secretde fabrication? Une colle spéciale qui soude leverre aux disques inoxydables sur lesquels lespieds sont vissés. Une colle invisible. Le miraclede la transparence.

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Réseaux sociaux 2Quatre mois après leurmariage, le New-YorkaisAngelo Merendinoapprend que sa jeuneépouse Jennifer souffred’un cancer du sein. Soncalvaire durera plusieursannées entre rémissionset rechutes, et seterminera par son décèsen 2011, à tout juste 40 ans. Pour faire face à leur détresse et aux difficultés decompréhension avec leur entourage, AngeloMerendino commence àphotographier sa femme

et décide de postercertaines images surinternet et sur Facebook.Le succès est immédiat et le couple recevra un immense élan de solidarité et decompassion de la part de ses proches, maiségalement d’internauteset de malades du mondeentier. Sur cette photoprise en 2010, Jennifervient de subir untraitement de radiationaprès une rechute et la découverte demétastases. Son mari rase ses derniers cheveux.

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Synonyme de pureté, d’invisibilité ou encore d’insipidité, la transparence est perçue de façons bien différentes pour

qui travaille dans la restauration d’art, la mode, la physique,le bâtiment ou la gastronomie. Florilège.

TEXTE | Camille GuignetPHOTOS | Niels Ackermann

Un rapport individualisé à la transparence

PORTRAITS

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Ying Gao,40 ans,designer de mode

«La lumière est ma sourced’inspiration»«J’ai toujours travaillé avec latransparence», raconte Ying Gao,designer de mode et responsable de la filière Design Mode Accessoires et Bijou à la HEAD. Sa collection «Lesnébuleuses» se compose en effetd’une série de vêtements réalisés avecdu Super Organza, le tissu le plus léger du monde. «Il fait de la place à la

lumière, ma principale sourced’inspiration. Elle diffère dans chaquecoin du monde et donne à une ville un caractère bien plus unique que nele feraient ses monuments. Mais c’estune vision très personnelle, presqueintime.» Pour Ying Gao, latransparence constitue aussi unmoyen de sortir du monde troppalpable de la mode, et de valoriserles éléments intangibles qui nousentourent. «Nous avons tendance ànégliger l’importance d’un bruit, d’unemusique, d’une pensée ou d’un regard. Ce sont pourtant des sources

d’inspiration très subtiles.» Dans sontravail, elle se plaît à mélanger mode,art et technologies. Ses collectionscomportent d’ailleurs plusieursvêtements interactifs, qui se déploientsous l’impulsion du bruit, du son, dumouvement ou de la lumière. Critiquede son époque, Ying Gao estime que l’homme ultramoderne n’a letemps de rien faire, mais n’endemeure pas moins constammentangoissé par son présent et son futur.«Cette anxiété m’est aussi familière,admet-elle. Elle m’aide à me sentirvivante et à avancer.»

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Rapport individualisé à la transparencePORTRAITS

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David Roberto Bongarzone,42 ans, nettoyeur de vitres

«Lorsque l’on nettoie une surface vitrée, on ne peut pas tricher» Nettoyeur de vitres et inspecteur dansune entreprise de nettoyage, DavidRoberto Bongarzone s’occupe aussibien des travaux d’entretien que devérifier la qualité du travail effectué par les employés. Actif entre Lausanneet Yverdon, il est l’un de ces hommesque l’on aperçoit parfois, perché sur les parois des immeubles de nos villes,à plusieurs dizaines de mètres dehauteur. Un métier qui a son charme?Trop occupé à faire briller les vitrespour regarder en bas ou contempler la vue, il avoue ne pas faire attention à la ville qui se déploie sous ses pieds.«Quand je me trouve dans la nacellepour nettoyer les vitres d’un immeuble,je place toute mon attention dans mon travail. Je ne fais pas attention au paysage!» Pour lui, la transparencereprésente avant tout un gage deprofessionnalisme. «Lorsque l’onnettoie une vitre, on ne peut pas sepermettre de tricher: il faut le faire à laperfection, car la moindre trace se voit.Et qui dit trace, dit client mécontent.C’est pourquoi je fais très attention:j’essore bien l’eau avant de nettoyer,puis de sécher la surface.» Une foisredescendu sur Terre, le nettoyeuradmet ressentir de la satisfaction. «Unimmeuble aux vitres transparentes,c’est agréable à regarder.»

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Annick Jeanmairet, 45 ans,journaliste gastronomique

«Un vin à la robe limpide est plusattrayant»«J’ai récemment participé à une dégustation d’eaux minérales, pour les besoins d’uneémission télévisée, raconte Annick Jeanmairet.Devenir sommelière de l’eau l’espace d’un instantétait un exercice amusant. Mais le vin comporteplus de dimensions gustatives et sa dégustationest quand même plus intéressante.» Pour cettejournaliste spécialisée dans la gastronomie, la transparence ne représente pas un critèredéterminant du goût. «Un vin dont la robe estlimpide est forcément plus attrayant, mais il n’y

a pas d’implication au niveau gustatif. Certainsvignerons choisissent d’ailleurs de ne pas filtrerleur vin, c’est un parti pris œnologique.»Lorsqu’on lui parle de transparence, plusieursexemples gourmands viennent à l’esprit d’AnnickJeanmairet. Comme l’intrigante eau de tomate,par exemple. «J’ai été très surprise la premièrefois que j’ai goûté à cette boisson. Je m’attendaisà quelque chose d’insipide, j’ai découvert unepréparation très parfumée, une quintessence dugoût de la tomate…» Elle évoque aussi les bullesde sucre translucides réalisées par certainsgrands chefs pâtissiers. «Le sucre passe par unedizaine d’états différents. Lorsqu’il entre dans sa phase malléable, on peut le sculpter à lamanière d’un souffleur de verre. C’est unexercice très technique.»

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Rapport individualisé à la transparencePORTRAITS

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Yves Salvadé, 43 ans,professeur en métrologieet optique

«Il y a un côté troublantdans la transparence»«En physique, la transparencereprésente la capacité d’un milieusolide, liquide ou gazeux à laisserpasser la lumière, sans que celle-ci soit absorbée ou diffusée», expliqueYves Salvadé, professeur en métrologieet optique au sein de la Haute EcoleARC Ingénierie. Ce docteur èssciences passionné ne tarit pasd’exemples d’applications utiles de latransparence. Comme, par exemple,ces capteurs de gaz, de qualité d’eauou encore ces rayons x utilisés chaquejour dans son unité et qui fonctionnentgrâce à ce principe. «Une réduction detransparence d’un milieu trahit engénéral la présence d’éléments

étrangers, qui absorbent ou diffusent la lumière. L’exemple le plus parlant est certainement celui des rayons x.«Un solide opaque dans le visible peutdevenir transparent grâce à cesrayons. Les longueurs d’onde desrayons x sont extrêmement courtes,puisqu’elles oscillent entre 0,01 et 10 nm. Cela les rend plus pénétrantsque la lumière visible, dont leslongueurs d’onde vont de 400 à 700 nm. Le degré de transparencedépend toutefois aussi de la densitéde la matière. En imagerie biomédicale,on utilise le fait que les tissus moussoient transparents aux rayons x, alorsque les os les absorbent…» Pour leprofesseur, la transparence au senslarge est porteuse d’ambivalence. «Elle évoque à la fois une forme depureté de la matière, mais aussil’invisibilité, et donc l’absence decouleur ou de chaleur. Elle comporteun côté troublant».

Hortense De Corneillan, 34 ans,restauratrice-conservatrice

«Aujourd’hui, la tendance n’est plusau camouflage»Hortense de Corneillan s’applique depuis sept ans àentretenir les innombrables pièces de verre et de céramiquedu musée de l’Ariana à Genève. «La transparence du verrerend la restauration de ce matériau complexe, explique cetterestauratrice-conservatrice diplômée en Conservation deHE-Arc Conservation. Elle nous oblige à trouver une résineà la fois translucide, chimiquement stable, et pouvant êtreretirée facilement si besoin.» Cette propriété l’oblige aussi à lutter constamment contre la maladie du verre, ce malirréversible causé par l’humidité et se manifestant par laformation d’une couche opaque superficielle. Pour Hortensede Corneillan, la transparence est aussi un principedéontologique. «C’est lui qui guide la démarche de toutrestaurateur-conservateur. En effet, nous sommes obligésde documenter chacun de nos gestes par des photos oudes textes explicatifs, de préciser quels produits nousutilisons et pourquoi. Cela permet d’anticiper lesconséquences du traitement administré. Car nous devons à tout prix éviter d’utiliser des composants susceptiblesd’affecter l’équilibre chimique des pièces.» Un autre granddéfi consiste à trouver le juste milieu entre restauration etrespect du passé. «Aujourd’hui, la tendance n’est plus aucamouflage. Toute modification apportée à un objet doit êtrerepérable, afin d’éviter la falsification. L’observateur doitpouvoir différencier au premier coup d’œil ce qui appartientà l’objet, et ce qui a été ajouté après coup.»

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Rapport individualisé à la transparencePORTRAITS

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La limpidité d’une sonate de Mozart. La clartéd’une fugue de Bach. La pureté sonore d’unauditoire. En musique, transparence et clartésont des valeurs primordiales. Mais qu’entend-on par là? Qu’exprime cette symbolique de lalibre lumière dans un royaume qui est d’abordcelui de l’oreille? «On parle de salle transpa-rente quand celle-ci est entièrement dénuée deturbulence.» L’acousticien André Lappert amis au point l’environnement phonique del’Auditorium Stravinski de Montreux et planchesur la nouvelle salle de la Haute Ecole de Mu-sique de Lausanne - HEMU, au Flon. «A Stra-vinski, tout est audible de 30 Hz à 16 kHz,jusqu’au dernier rang.» Il s’agit, par le jeu desformes et des matières, de réactiver le son demanière directionnelle. «Plus il s’éloigne, plusil reçoit des effets de réverbération secondaire.Cette transparence permet à la musique de sedéplacer selon la loi du moindre effort.» Autrefacteur: la possibilité de silence. «Une bonnesalle de concert se situe à mi-chemin entre lasalle sourde et la salle réverbérante. Il fautqu’un son se propage tout en laissant la placeau suivant.» C’est ce potentiel de respiration,cette sensation d’espace entre les notes quipermet la spatialisation, l’articulation du dis-cours musical.

Le lexique musical regorge d’évocations de limpidité et de pureté. Longtemps, les compositeurs en ont fait

leur Graal, jusqu’à ce que la modernité fasse voler en éclatscet idéal. Qu’en reste-t-il? Acousticien, compositeurs

et chercheur livrent leurs réflexions.TEXTE | Jonas Pulver

De clarté et d’ombre, une aventure musicale

Ci-contre, leplan du Palaisdes festivals deBayreuth. Cettesalle d’opéra aété conçue parle compositeurRichard Wagneren 1876.Révolutionnairepour l’époque,elle possèdeune acoustiqueparticulière, oùchaquespectateur al’impressionque la musiquevient de tous les côtés.

Cette gravuremontre une vue intérieure du théâtre duPalais desfestivals de Bayreuth,publiée en 1885dans la «RevueWagnérienne».

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MUSIQUE

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La pureté du sonMUSIQUE

Haut-parleurshémisphériquesutilisés dans la chambre anéchoïque(salle d’expéri-mentation dontles parois absorbent lesondes sonoreset ne provo-quent ainsi pasd’écho) du départementd’acoustiqueappliquée de l’Université de Chalmers en Suède, entre1973 et 1978.

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Le silence: cette page blanche sur laquelle pour-ront se déployer les lignes, points et plans quitraduisent l’abstraction du matériau sonore.Autant de termes issus du lexique visuel, commesi, en musique, le phénomène de la transparencerésistait à l’assignation des mots. William Blank,compositeur et professeur d’analyse à l’HEMU,observe que «des cinq sens, l’ouïe est le plus liéà l’affect. Comme l’affect, irrationnel et indivi-duel, échappe aux mots, nous sommes obligésd’utiliser le vocabulaire de l’œil pendant l’ana-lyse, au moment de faire des arrêts sur image,de regarder chaque mesure au microscope.»

La transparence est un sujet hautement com-positionnel. «Elle représente un idéal vers le-quel tendent les compositeurs, de la Renaissanceau XIXe siècle, relève William Blank. Clarté dela structure, de la texture, de l’instrumentation:tant que la musique a été narrative, elle a cher-ché une grande clarté d’élocution. Chez Bach,chaque voix est perceptible dans la profusion

des choses. Chez Mozart, on trouve peut-être laquête de clarté la plus absolue. Paradoxalement,plus sa musique est claire, plus elle est pro-fonde…» Au-delà de Brahms, avec Wagner, puisStrauss et Berg, point culminant de l’expres-sionnisme, l’énoncé du Moi issu du romantismeprend le dessus sur l’énoncé d’une transparenceuniverselle. «Les zones sombres de l’hommeprennent de plus en plus de place jusqu’à obs-curcir entièrement le champ», suggère WilliamBlank. Après la Première Guerre mondiale, lenéo-classicisme de Stravinski et le dodécapho-nisme de Schönberg et Webern marquent le re-tour d’un désir de lisibilité. «L’homme n’a sansdoute pas supporté d’être emporté par sespropres pulsions…», résume William Blank.

Tandis que le détachement total de la tonalité etde la narration, à partir des années 1950, pousseplus loin encore l’organisation de l’écriture chezBoulez et Stockhausen, de nouveaux domainesde recherche émergent. «On peut aussi approcher

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Lire le corps du musicien grâce à la biométrie63... 72… 79… 84… Sur l’écrans’affichent les battements cardiaquesd’une jeune violoniste dont la chevilleest équipée d’un capteur. A mesureque la musique s’intensifie (unquatuor de Beethoven), lespulsations s’accélèrent. Lemouvement lent aussi occasionnequelques pics; tout n’est pasquestion que de rythme. Mais dequoi alors? D’émotion? De tensionintérieure? C’était en 2012 àLausanne, lors des prémices duprojet BUTTERFLOW, unecollaboration entre la Haute Ecole de Musique de Lausanne - HEMU, la Haute Ecole d’Ingénierie et deGestion du Canton de Vaud - HEIG-VD et la start-up Tabrasco. L’idée?Appliquer à la performance musicaleles techniques de monitoringbiométrique issues du sport.

Le concert est un exercice de hautniveau, dont la réussite ne dépendpas seulement du niveau de

préparation de l’interprète. Desfacteurs psychologiques jouent un rôle important, tels que laconfiance, la concentration et la capacité à entrer et à rester dans la musique. BUTTERFLOWtravaille autour de la «zone optimalede fonctionnement», décriteprincipalement dans le monde desathlètes. «C’est la zone où l’individuvit une expérience émotionnelleoptimale qui favorise au mieux la probabilité d’une performance de qualité», explique AngelikaGüsewell, responsable de larecherche à l’HEMU et chargée du projet. «Chacun possède sa propre zone optimale defonctionnement. Il s’agit donc d’un travail individuel pour découvrir cette zone et trouver ensuite lesmoyens pour la reproduire.»

Le lien avec la biométrie?L’expérience émotionnelle estconstituée de différentescomposantes: sentiments et vécusubjectifs, composantes cognitives,

motivationnelles, motrices etneurophysiologiques. Des sensationscorporelles et des symptômesphysiologiques spécifiques sontassociés aux différentes émotions:«suivant le type et l’intensité del’émotion vécue, le rythme cardiaque,tout comme la respiration, laconductivité de la peau et d’autresparamètres physiologiques peuventse trouver modifiés», poursuit lachercheuse. Ainsi, l’analyse dequelques indicateurs physiologiquesen lien avec le vécu subjectif peutaider le musicien à mieuxcomprendre et surtout à retrouver sazone optimale de fonctionnement.

Fournir des outils aux artistes pourleur permettre une meilleure pratiquede la scène: c’est l’objectif du projetBUTTERFLOW, dont la premièrephase (conception et réalisation del’outil) est bientôt terminée. Durant la seconde phase, la phase devalidation de l’outil qui est prévue dès2015, le dispositif sera utilisé dans le cadre du travail avec les musiciens.

la transparence sous l’angle de la psychoacous-tique, qui s’intéresse aux seuils de perceptionauditive», note Alessandro Ratoci, compositeuret expert en électronique à l’HEMU. Des seuilsétablis aujourd’hui de manière scientifique,mais dont les compositeurs du passé avaientdéjà une conscience empirique. «Avant la pos-sibilité d’amplifier, il était nécessaire que l’or-chestration et les registres prennent en compteces paramètres: pour des questions de fréquence,on ne pouvait pas confier aux contrebasses unaccompagnement écrit pour les altos.» L’arrivéede l’électronique a bouleversé la donne. «Au-jourd’hui, dans le champ de la musique contem-poraine, nous pouvons sonoriser, habiter desespaces sans devoir tenir compte de cette exi-gence de transparence.» De condition sine quanon, la transparence est donc devenue un outilparmi d’autres dans la palette des compositeurs.

D’où vient cette dialectique du clair-obscur mu-sical qui traverse les siècles et les styles? «Lesréactions émotionnelles générées par la musique

sont la plupart d’ordre culturel, mais certainessont probablement innées, répond Klaus Scherer,professeur de psychologie au Pôle de recherchenational en sciences affectives, à Genève. Ce quitouche la hauteur des sons semble indépendantde la culture.» Pour William Blank, qui a cher-ché par le passé à traduire en termes musicaux lanotion d’outre-noir du peintre Pierre Soulages,«nous venons du noir et nous y retournons.Entre-temps, on aspire à une certaine clarté.»Est-ce là la source de cette dialectique obscu-rité-transparence? «Le langage musical s’adresseau sens le plus ancien de notre vécu d’humain;c’est une réminiscence de notre existence intra-utérine, bien avant que l’on ouvre les yeux. Toutson nous renvoie, au fond, à cette origine et faitrésonner ce que nous sommes profondément.Mais comme nous ne savons pas ce que noussommes, nous cherchons à clarifier la confusionqui nous envahit. Pourquoi écoutons-nous dela musique? Probablement pour aller à la ren-contre de nous- mêmes afin d’élucider davantage,à chaque écoute, notre mystère fondamental.»

La pureté du sonMUSIQUE

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De plus en plus répandu dans l’espace urbain, le verreincarne différentes caractéristiques propres à notre société.

Récit d’une évolution historique.TEXTE | William Türler

Le verre omniprésent en architecture

ARCHITECTURE

Cette maison a été réaliséeentièrement en verre par les architectesmilanais CarloSantambrogio et Ennio Arosio.Pour eux, latransparencereprésente un idéal desimplicité etpermet d’effacerles frontièresentre lesespaces.

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Le verre omniprésentARCHITECTURE

Le Litracon estun matériau de constructioninventé enHongrie en2001, composéd’unecombinaison de fibres et debéton. Produitsous forme de brique, saparticularité est de laisserpasser lalumière.

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Matériau ancestral, le verre effectue depuis plu-sieurs années un retour marqué en architecture,en design et en urbanisme. On le retrouve par-tout: sur les écrans tactiles de nos téléphonesportables, sur les abribus transparents de nosvilles et sur les parois des buildings qui fleuris-sent dans toutes les métropoles.

Alors que les façades vitrées sont aujourd’huidevenues un standard architectural, il faut serappeler que le verre était autrefois beaucoupplus rare dans les constructions. Il suffit de ren-trer dans n’importe quelle cathédrale pour s’enconvaincre. Tout comme le cadre en peinture, lafenêtre en architecture s’est progressivementdématérialisée au cours du XXe siècle pour dis-paraître aujourd’hui presque totalement. Dansl’espace construit, des parois vitrées toujoursplus grandes se substituent aux fenêtres, ren-forçant un sentiment généralisé de transparence.

Pour Anne Faure, architecte et chercheuse, char-gée de cours en Expression plastique à l’Ecoled’ingénieurs et d’architectes de Fribourg - EIA-FR, cette tendance est liée à l’évolution histo-rique des percements dans les logements: lesréglementations sur l’aération et sur l’hygièneau XIXe siècle orientent le travail des archi-tectes, qui commencent à repenser la taille, laforme et l’usage des ouvertures en fonction dedonnées extérieures telles que la lumière et l’air.Elles deviennent des composantes à part entièrede la distribution sociale des espaces.

Le verre omniprésentARCHITECTURE

Durant le XXe siècle,l’utilisationcroissante de béton armépermet demodifier laforme et la tailledes ouverturesvitrées, commel’illustre cetexemple de Le Corbusier, la villa Savoye.

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Les percements, qui ne représentaient jusqu’alorsqu’une série de trous dans les façades – de tailleet de forme différentes selon les fonctions in-ternes du bâtiment –, sont entièrement repen-sés. Les fenêtres deviennent plus hautes et pluslarges pour le salon ou la salle à manger. Lesespaces s’exposent davantage sur la rue etsont plus en prise avec la lumière. La multipli-cation des ouvertures et des vitrages entraînepeu à peu une dématérialisation et une trans-formation de la façade. «La grande surface deverre, représentée par la multiplicité des fenê-tres, fait du mur donnant sur la rue un écranqui se modifie en fonction de la lumière et del’ensemble des événements qui se reflètent dansle verre», détaille Anne Faure. Par les effetsque ce dernier produit (opacité, réflexion,transparence), la façade devient de plus en plusattractive et changeante.

Ces caractéristiques seront revisitées duranttout le XXe siècle. L’utilisation croissante dubéton armé permet à son tour de modifier laforme et la taille des ouvertures. «Dans la villaSavoye que Le Corbusier réalise entre 1929 et1930 à Poissy, le système constructif qui reposeessentiellement sur un assemblage de poteauxet de poutres est pensé indépendamment deséléments de façade, note Anne Faure. Ce dis-positif permet de fermer le rez-de-chaussée etl’étage, par des parois de verre.» Le Corbusierdéveloppe ce même procédé dans l’immeubleMolitor construit à Paris entre 1931 et 1934.La façade, développée ici sur huit niveaux, est habillée d’un unique pan de verre rythmépar des menuiseries métalliques noires, quimaintiennent des vitrages en verre armé, enbrique de verre et en glace claire. De nos jours,d’ailleurs, des mots comme baie, paroi ou pansont devenus des quasi-synonymes de fenêtre.Associés au mot verre (pan de verre, baie ouparoi vitrée), ils renvoient généralement à degrandes surfaces.

La notion de transparence ne se cantonne pasuniquement à l’architecture et à l’espace urbain.Elle se généralise aussi dans le monde du tra-vail (open space) et à l’intérieur de nos maisons,où les murs tendent de plus en plus à disparaî-tre (cuisines ouvertes, jardins d’hiver, vérandas,etc.). Pour Anne Faure, on assiste au besoin de

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maintenir un dialogue entre les usagers et leurmilieu. «Il y a très certainement une fascinationpour la ville en mouvement, dit-elle. La trans-parence permet aux individus de devenir desacteurs du monde dans lequel ils évoluent.»L’homme se trouve ainsi toujours plus près duspectacle qu’offre le paysage.

Cependant la transparence a ses limites. Bienqu’elle se soit largement développée dans les immeubles de bureau depuis le milieu duXXe siècle, la paroi de verre reste de taille rai-sonnable dans les logements en ville pour d’évi-dentes raisons liées à l’intimité des usagers. «Lefait d’annuler toute limite physique entre lededans et le dehors et de supprimer la structurevisuelle, c’est-à-dire le cadrage auquel nousnous référons, peut créer de l’inconfort», sou-ligne Anne Faure.

Le bilan énergétique des bâtiments rentre éga-lement en ligne de compte: la part et la qualitédu vitrage sont deux éléments centraux qui dé-terminent la quantité de lumière, et donc dechaleur qui pénètre dans l’immeuble. Si celle-ciest trop faible, il faudra compenser avec duchauffage. Si elle est trop élevée, on devra pré-voir ou renforcer la climatisation et adopter descomportements stricts en termes d’utilisationdes stores. Pour Francine Wegmueller, respon-sable de projets chez Weinmann-Energies, unbureau d’ingénieur, spécialisé dans les installa-tions techniques du bâtiment basé à Echallens,plusieurs critères doivent être pris en compteafin de trouver l’équilibre adéquat, comme parexemple: la saison, l’orientation du bâtiment ouson affectation.

Le type de vitrage utilisé joue également unrôle considérable. Alors que l’on utilisait audébut du XXe siècle essentiellement du verresimple, on est progressivement passé au dou-ble, puis au triple vitrage aujourd’hui. Ce der-nier peut être jusqu’à 50% plus isolant que ledouble vitrage, en laissant entrer tout autant dechaleur. Par conséquent, lorsqu’il s’agit d’éva-luer la surface vitrée d’un immeuble, il fauttrouver le juste dosage entre trois paramètresfondamentaux: l’économie (le bâtiment doitêtre rentable), le social (mixité, confort, image)et l’environnemental.

Verre et design: comment donner corps à la lumièreEn matière de design, le verre est plus que jamaisd’actualité. Dans la lignée du Gorilla glass, que l’on retrouve aujourd’hui sur la plupart de nos téléphones portables, de nombreux objets de la vie courante tirent profit des avantages dumatériau transparent.

Pour Augustin Scott de Martinville, responsable duMaster Product Design à l’ECAL, l’une des raisonsde ce succès tient au fait que le verre permet de «donner corps» à la lumière en la diffusant ou en la répartissant de manière optimale, surtout à une époque où l’intensité des éclairages tend à diminuer pour des raisons écologiques. L’école a mis sur pied un projet de recherche baptisé«Heart of glass» rendant compte des nouvellesapplications de cette matière première devenueincontournable dans le design.

Entre expérimentation pratique et évaluationscientifique, la réflexion porte, par exemple, surl’aspect coloré ou transparent que peut prendre le verre selon le rayonnement ou l’angle de vision,les capacités de la gravure 3D au laser ou larésistance aux rayons UV, aux intempéries et aux changements de température.WT

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Le verre omniprésentARCHITECTURE

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TéléréalitéLoana Petrucciani, plusconnue sous son prénom,quitte la soirée finale del’émission de téléréalitéfrançaise «Loft Story»,diffusée sur M6 en 2001.Elle en sort gagnanteaprès 70 jours passésdans un loft de 225 m2,sous les yeux de plusieurs millions detéléspectateurs.

La renommée de Loanalui permettra ensuite de s’essayer au stylisme, à la chanson et àl’animation, ainsi que de participer à d’autresémissions de téléréalité.Traquée par les médias et les paparazzis, lastarlette née en 1977 àCannes aurait commisneuf tentatives de suicidedepuis sa sortie du Loft.

La publicité de l’intimePORTFOLIO

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ADMINISTRATION

sieurs médicaments, ainsi que le montant desindemnités de départ versées par le Départe-ment fédéral de justice et police à deux colla-borateurs licenciés.

Des motifs de refus obscursBien que fort différentes, ces quatre affaires pos-sèdent en commun le fait d’avoir toutes débutépar un refus net des autorités concernées de li-vrer les documents officiels demandés. Danschaque cas, il a fallu recourir à l’organe de mé-diation, voire à la justice, pour obtenir gain decause. Autant de procédures longues et parfoiscoûteuses, qui ont laissé un goût amer aux per-sonnes concernées. Journaliste au quotidien «LeTemps», Denis Masmejan vient de sortir (victo-rieux) d’un bras de fer de trois ans avec le Dé-partement fédéral des finances (DFF). La causedu litige? «Je souhaitais consulter un rapportconcernant les erreurs commises par les servicesde Hans-Rudolf Merz lors de l’adaptation de laSuisse aux standards de l’OCDE au niveau del’échange de renseignements fiscaux. Le DFFn’a pas voulu en entendre parler.»

Denis Masmejan a alors fait appel au Préposéfédéral à la protection des données et à la trans-parence (PFPDT), chargé des procédures demédiation en lien avec la LTrans. Près de deuxans plus tard (alors que la loi prévoit un délai de

Plus de 40 mandats ont été attribués sans appeld’offres public par le Secrétariat d’Etat à l’éco-nomie (Seco) entre 2009 et 2011: le scandale, ré-vélé par le «Tages-Anzeiger» et le «Bund» enjanvier dernier, a représenté l’un des pointsforts de l’actualité suisse durant quelques se-maines. Si les deux quotidiens alémaniques ontpu mettre cette affaire au jour, c’est grâce à laLoi sur la transparence (LTrans). Entrée en vi-gueur en 2006, cette réglementation donne lapossibilité aux Helvètes de consulter – à quelquesexceptions près – tous les documents émanantde l’administration fédérale. Son introductionconstitue un changement de paradigme totalpuisque, auparavant, tout rapport officiel nondestiné à la publication était placé sous le sceaudu secret.

Censé garantir que l’Etat travaille «sous le re-gard des citoyens», le texte représente, dans lesfaits, surtout une mine d’or pour les chercheurs,étudiants et journalistes. Outre les manque-ments du Seco, l’utilisation de la LTrans (oude ses équivalences cantonales) a permis delever le voile sur plusieurs autres informationsd’intérêt ces dernières années. Parmi elles, lesmodalités de l’accord de sponsoring juteuxpassé par l’Université de Zurich avec l’UBSFoundation, les documents spécifiant la procé-dure d’enregistrement par Swissmedic de plu-

Depuis huit ans, les Suisses peuvent exiger l’accès auxdocuments de l’administration fédérale en vertu de

la LTrans. Mais jusqu’à présent, cette réglementation n’apas vraiment fait évoluer les mœurs.

TEXTE | Patricia Michaud

La Loi suisse sur la transparence peu efficace

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Des exigencesdifférentesentre publicet privéA noter que letexte de la LTranscomporte desexigences trèsdifférentes en cequi concerne lessecteurs public et privé. Alors que le premierest tenu de toutpublier – seschiffres, sesstratégies, sesmissions –, lesentreprisesprivées peuventse contenter dene divulguer quedes informationsrelatives aumarketingboursier, parexemple. Desvoix s’élèventrégulièrementpour critiquer cetétat de fait.

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Polémique autour de l’accès aux archives

La Loi suisse sur la transparence peu efficaceADMINISTRATION

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La spécialiste en archivistiqueBasmaMakhloufShabou estimeque lesadministrationspubliques nepossèdentsouvent pas lesoutils adéquatspour gérerefficacementleur information.

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Si l’accès à une grande partie des documents publics via des portails weben est encore au stade de l’expérimen-tation, une autre source d’informationsest ancrée depuis des siècles dansnotre société: les archives de l’Etat. Leur fonction? Rassembler, conserveret rendre accessibles les documentsproduits ou reçus par les autorités et organismes étatiques. Mais pas tous les documents. «Les administrations publiques - productrices des documentset données - ne possèdent souvent pas les outils adéquats pour gérer effi-cacement leur information, commenteBasma Makhlouf Shabou. Selon cetteprofesseure d’archivistique au départe-ment de l’Information documentaire dela Haute école de gestion de Genève -HEG-GE, on a tendance à garder tropd’information et par conséquence, le repérage et l’accès à cette dernière deviennent plus difficiles. On devraitconserver uniquement les éléments

qui documentent ou représentent unepreuve de l’activité de l’administrationpublique.» La Loi fédérale sur l’archi-vage (LAr) de 1998, qui s’applique auxArchives fédérales, prévoit que ces dernières puissent être consultées gratuitement par le public, après l’expi-ration d’un délai de protection de trenteans. Les documents qui étaient libre-ment accessibles avant leur versementaux archives le demeurent néanmoins.En outre, les chercheurs peuvent êtreautorisés – après avoir soumis une demande motivée – à consulter dessupports dont le délai de protection est toujours en vigueur.

Dans certains cas, ce délai estprolongé. Les archives contenant des noms de personnes ainsi quedes données personnelles sensibles sont protégées durant cinquante ans,sauf si le principal intéressé donne sonaccord à une ouverture. En cas de

décès de cette personne, le délaiexpire trois ans plus tard. Autreexception à la règle des trente ans:lorsque l’intérêt privé ou public estprépondérant, le Conseil fédéral peutrestreindre, voire interdire laconsultation des documents au-delàde cette période. L’illustration récentela plus médiatisée concerne lesarchives documentant les activitésd’entreprises suisses en Afrique duSud durant l’apartheid. En avril 2003,le gouvernement a décidé de bloquerleur accès, en vertu d’une procédurejudiciaire encore en cours aux Etats-Unis contre ces sociétés. Interpelléefin novembre dernier par un conseilleraux Etats, la ministre des FinancesEveline Widmer-Schlumpf a indiquéque la fin du blocage n’était toujourspas d’actualité. «C’est regrettable,soupire Basma Makhlouf Shabou. On perd ainsi un potentiel derecherche énorme.»

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autorités fédérales en 2012. En légère hausse(+8% par rapport à 2011), ce chiffre n’en restepas moins dérisoire en comparaison interna-tionale: selon le portail Loitransparence.ch,qui prend en compte la différence de popula-tion dans son calcul, les Suisses utilisent 20fois moins la législation sur la transparenceque les Britanniques.

«La nature du système politique suisse a pourconséquence que les citoyens disposent denombreuses informations», commente MartialPasquier. Dans un système de concordance, oùles partis politiques se partagent le pouvoir, l’in-formation circule forcément, précise-t-il. De làà remettre en question l’utilité de la LTrans, il ya un pas que le professeur ne franchit pas.«Cette loi sert de garde-fous. L’administrationsait qu’elle est potentiellement observée.» Afind’en améliorer la portée, il estime qu’il seraitjudicieux d’introduire en faveur du PFPDT undroit de recours contre les décisions de l’admi-

30 jours), le journaliste a reçu une recomman-dation favorable du PFPDT, qu’il s’est empresséde faire valoir auprès du Ministère des finances.«Je me suis heurté à un nouveau refus, pourdes motifs qui différaient du premier.» Soutenufinancièrement par son employeur, le juristede formation s’est tourné vers le Tribunal ad-ministratif fédéral (TAF), qui lui a donné rai-son. A la mi-mars 2014, il a enfin reçu copiedu fameux rapport. «Journalistiquement, ce do-cument n’a plus beaucoup de valeur trois ansplus tard. Mais j’ai décidé d’aller jusqu’au boutde ma démarche pour faire avancer la cause dela transparence.»

Soucieux d’encourager leurs confrères à davan-tage exploiter cette réglementation, tout en dé-nonçant les refus qu’ils ont eux-mêmes essuyésauprès des autorités fédérales et cantonales, unepoignée de journalistes – dont Denis Masmejan– ont lancé en 2011 Loitransparence.ch. Ceportail, qui distille informations et conseils surla LTrans, contient un outil permettant d’expé-dier en ligne une requête à l’instance fédéraleou cantonale de son choix. «La loi sur la trans-parence est entrée en vigueur il y a huit ans déjàmais la culture du secret demeure forte dansnotre société. L’idée qu’il y a désormais uneprésomption de droit d’accès à l’informationn’est de loin pas encore ancrée partout dansl’administration», commente le collaborateurdu «Temps».

Vingt fois moins de demandes qu’en Grande-Bretagne

Martial Pasquier estime lui aussi que les fins denon-recevoir opposées par les organismes éta-tiques ne sont pas toujours justifiées. Selon ledirecteur de l’Institut de hautes études en ad-ministration publique, l’application de la LTranspèche surtout par manque d’expérience. «Biensûr que, dans certains cas, on peut soupçonnerles autorités d’avoir essayé d’éviter qu’une in-formation gênante les concernant ne soit pu-bliée. Mais la plupart du temps, les refusinjustifiés émanent d’organes qui reçoivent tel-lement peu de demandes qu’ils ont tendance àêtre sur la réserve.» Dans son dernier rapportannuel, le Préposé fédéral à la transparenceindique que 506 demandes d’accès à des docu-ments officiels ont été déposées auprès des

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La Loi suisse sur la transparence peu efficaceADMINISTRATION

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Exemple d’unefiche parmi les 900’000collectées parles policescantonales pour protéger la Suisse desactivitéscommunistes.Le «scandaledes fiches» aéclaté en 1989et a créé unchoc en révélantl’existence d’unepolice intérieurepolitique.

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La Loi suisse sur la transparence peu efficaceADMINISTRATION

nistration, «ce qui permettrait entre autresd’étoffer la jurisprudence». De son côté, DenisMasmejan appelle à un renforcement des ef-fectifs du Préposé à la transparence, qui ne re-présentent actuellement que 3,3 équivalentsplein-temps: «Les procédures de médiationsont beaucoup trop longues! Il s’agit d’un réelobstacle à la LTrans.»

Centraliser les données publiquesQue ces doléances soient entendues ou non, laculture de la transparence pourrait bien pro-gresser en Suisse ces prochaines années, grâce àun nouveau projet prioritaire de la Confédéra-tion: l’Open Government Data (OGD). Sonobjectif est de donner accès aux citoyens, demanière centralisée, aux données ouvertes del’administration. Depuis septembre 2013, unportail pilote propose déjà 1’800 jeux de don-nées émanant notamment des Archives fédé-rales, de l’Office fédéral de la statistique, de laBibliothèque nationale et de l’Office fédéral de

la topographie. «A l’ère d’internet et des ré-seaux sociaux, les attentes de la population ontchangé. De nombreux Suisses considèrent qu’ilest normal qu’on leur mette activement de l’in-formation à disposition plutôt que de devoir lademander», analyse Florian Evéquoz, profes-seur à l’Institut d’informatique de gestion de laHES-SO Valais-Wallis.

Selon l’association Opendata.ch, l’OGD seraitporteuse de bénéfices dans trois domaines: l’in-novation, l’économie des coûts de fonctionne-ment et la transparence. «La Grande-Bretagneest bien plus avancée que la Suisse en matièred’ouverture de données publiques, et les effetspositifs se font déjà sentir», note AlexandreCotting, également professeur à l’Institut d’in-formatique de gestion de la HES-SO Valais.Mis en compétition grâce à l’OGD, les hôpi-taux britanniques ont dû améliorer la qualitédes soins. Le nombre de morts a chuté drasti-quement dans la foulée.»

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RECHERCHE

«Publish or perish»: la formule en dit long surla place de l’édition dans le monde scientifique.Essentielles à leurs carrières, les publications deschercheurs sont le mètre étalon de leur produc-tivité et de la qualité de leurs travaux. Les hautesécoles y sont tout aussi attentives: leur visibilité,leur réputation et leur attractivité dépendentlargement de ce critère, essentiel dans les clas-sements internationaux.

Incontournable, l’édition scientifique reste unmarché captif que les éditeurs de revues spécia-lisées se sont fait un plaisir d’exploiter. Les30’000 titres du secteur représentaient en 2012un chiffre d’affaires global de 21 milliards dedollars. De quoi conduire à certaines dérives:conditions de publication obscures, comités delecture opaques, soupçons de favoritisme…Conséquence: alors que la recherche tend à seconcentrer sur les sujets les plus en vogue, prèsde la moitié des articles produits ne sont jamaisédités. Or, «un article qui n’est pas publié re-présente un travail invisible, donc perdu»,constate Christine Pirinoli, responsable de la coordination des recherches, HESAV -Haute Ecole de Santé Vaud.

La frustration des scientifiquesA la frustration des scientifiques s’ajoute celle del’ensemble du milieu universitaire, agacé de voir

la circulation du savoir ainsi compromise. PourRené Schneider, spécialiste d’information docu-mentaire à la Haute école de gestion de Genève- HEG-GE, «cette forme de privatisation d’uneactivité publique n’est pas acceptable. Les ci-toyens doivent pouvoir accéder librement à larecherche qu’ils financent!». Un vœu pieux àl’heure où les bibliothèques universitaires elles-mêmes ne parviennent plus à assumer l’aug-mentation du coût des abonnements, multipliépar quatre ces vingt-cinq dernières années.

Opacité, coûts prohibitifs… L’enjeu n’est pasmince pour le grand public, financeur de pu-blications qui lui restent largement invisibles.Dans ce contexte tendu, l’open access a pris unpoids considérable, amplifié par les nouvellestechnologies, le web et la croissance exponen-tielle des capacités de stockage numérique. Nédans les années 1990 puis formalisé dans le

Longtemps fermé, le monde de l’édition scientifique estbouleversé par l’essor de nouvelles technologies qui

facilitent l’accès de tous aux travaux des chercheurs. Resteune question essentielle: à qui appartient la connaissance?

TEXTE | Jean-Christophe Piot

L’open access, un enjeu démocratique pour la recherche

La recherche en chiffres—� 1’800’000 articles de recherche

sont publiés chaque année.—� En 2012, moins de 20% des

publications étaient librementaccessibles.

—� Le nombre de publicationsaugmente de 2,3% par an depuis1995 (17% en Chine).

—� 30% de la recherche helvétique estfinancée par des fonds publics.

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cadre de l’Initiative de Budapest de 2001, leterme désigne «l’accès immédiat, permanent,libre, électronique et gratuit aux publicationsscientifiques», résume Martine Stoffel, collabo-ratrice scientifique à l’Académie suisse desSciences humaines et sociales. En 2012, l’Unioneuropéenne et l’administration Obama ontadopté cette position. En Suisse, la position desacteurs publics est claire: «Les recherches doi-vent être accessibles aux citoyens qui les finan-cent», explique Dimitri Sudan, chef de divisionau Fonds national suisse, chargé de soutenirdifférents projets de recherche dans toutes lesdisciplines. Le Fonds prévoit d’attribuer enpriorité ses subventions aux équipes qui s’en-gageront à publier leurs travaux en open access.

Il n’est pas question pour autant de contesterle rôle des revues scientifiques dont le travail desélection et de validation doit être rémunéré àsa juste valeur. En revanche, «les règles qu’elles

imposent parfois privent les scientifiques de lamaîtrise de la diffusion de leurs propres travaux.L’open access répond à l’une des grandes mis-sions de la recherche publique: la démocratisa-tion du savoir», explique Christine Pirinoli.

Route verte, route doréeConcrètement, les chercheurs disposent dedeux possibilités qui viennent compléter le cir-cuit traditionnel. La première, appelée GreenRoad, consiste à mettre en ligne librement, gé-néralement sur les sites de leurs institutions, destravaux parallèlement publiés dans les revuespapier. La seconde, la Golden Road, repose surla publication d’articles dans des revues scien-tifiques Open Access. Comme pour les publi-cations classiques, les scientifiques ou leursétablissements paient les éditeurs qui mettentensuite les articles à la disposition des inter-nautes. Les contributions des chercheurs ser-vent à financer les frais d’hébergement et leprocessus de validation assuré par les comitésscientifiques. Quelle que soit sa couleur, l’openaccess a de l’avenir: la quasi-totalité des éditeurstraditionnels se sont positionnés sur ce nou-veau modèle, proposant au passage des servicesdestinés à enrichir les contenus proposés:images, vidéos, moteurs de recherche…

En permettant aux scientifiques de reprendre lecontrôle de leur production, l’open access rebatles cartes du partage d’un savoir rendu plustransparent et plus accessible. Outre qu’il ouvrepotentiellement l’ensemble de la recherche pu-blique à tous les esprits curieux, il pourrait fa-voriser l’émergence de nouveaux indicateurs dereconnaissance académique: commentaires,évaluations des internautes, nombre de télé-chargements, de visites… Autant de critèressusceptibles de rompre avec le défaut du sys-tème actuel, principalement basé sur le nombrede citations obtenues.

D’autant que, déjà, d’autres débats se font jour:«au-delà de la publication des résultats desétudes, la grande tendance de l’open accessconcernera de plus en plus l’accès aux donnéesbrutes», explique René Schneider. Une révolu-tion culturelle, qui ne met évidemment pas tousles chercheurs d’accord, car elle comported’immenses enjeux scientifiques.

L’open access, un enjeu démocratiqueRECHERCHE

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Spécialiste eninformationdocumentaire,René Schneiderconsidère que la grandetendance à venirde l’open accessconcerneral’accès auxdonnées brutesdes recherches.

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«le but, en théorie, consiste à limiter l’influencedu sentiment personnel de l’évaluateur. Enl’incluant, comme un critère parmi d’autres,dans une grille d’évaluation, afin d’éviter detout mélanger.»

Dans les faits, les pratiques varient beaucoup. Ala Haute Ecole de Musique de Genève - HEM-GE, on n’utilise pas une telle grille d’évaluation:les jurys des auditions délibèrent oralement, ets’accordent sur une note, en considérant lescompétences comme un tout. «Un bon jurydoit être capable de verbaliser son appréciation,en tenant compte des compétences techniques,comme de la manière dont l’étudiant sert lecompositeur ou de son rayonnement sur lascène. Et ce, sans tomber dans un jugement dela personnalité de l’étudiant, explique XavierBouvier, coordinateur de l’enseignement. Maisil reste parfois difficile de séparer ces différentsaspects, c’est pourquoi nous préférons une éva-luation globale.»

Notes, jurys, exigences: en musique classique,les procédures existent depuis longtemps.Pourtant, souligne Xavier Bouvier, un change-ment est apparu ces dix dernières années: «Ondemande désormais aux étudiants d’écrire untexte de réflexion, sur le répertoire et sur leurschoix artistiques, qu’ils doivent expliciter.»Avoir conscience de ce que l’on fait: voilà une

«Je doute de toute évaluation», disait Man Rayà propos de la peinture. Le célèbre avant-gar-diste américain n’a pas trop eu à s’y frotter: laseule école d’art qu’il ait jamais fréquentéeétait la Ferrer Modern School, une institutionanarchiste. Des évaluations, pourtant, les étu-diants en art d’aujourd’hui en vivent à tout mo-ment: jurys d’admission, examens théoriques,démonstrations pratiques... Or, de toutes lesdisciplines de la formation supérieure, l’ensei-gnement des arts est sans doute celui qui sus-cite le plus de méfiance à ce sujet. Commentjuger de la qualité d’un travail créatif?

«On dit souvent que la créativité d’une per-sonne ne s’évalue pas. Mais oui, elle peut s’éva-luer!» sourit Denis Berthiaume. Ce spécialisteen psychologie appliquée à l’apprentissage est,depuis début 2014, vice-recteur de la HES-SOchargé de la Qualité. «Il faut faire la part deschoses. En musique, par exemple, comprendreune partition, c’est un critère cognitif. On peutjuger si c’est juste ou faux, comme du doigtéou de la façon de pincer les cordes d’un violon,critère psychomoteur. Mais dès qu’on entredans les critères affectifs, c’est-à-dire les va-leurs, les attitudes, les préférences, très présentsdans le domaine artistique, on ne peut plus dire«c’est juste ou c’est faux», sous peine de se fairetaxer de prosélytisme. C’est là qu’on entre dansune grande subjectivité.» Pour le vice-recteur,

Avec l’uniformisation des cursus, les écoles d’art sont poussées à clarifier leurs critères d’admission

et d’évaluation.TEXTE | Matthieu Ruf

La difficile évaluation des étudiants en art

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ART

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façon d’être plus transparent, à soi et aux au-tres. Outre ce type de mémoire de fin d’études,les écoles d’art adoptent pour cela différentesstratégies. Dans les arts plastiques, comme à la HEAD - Genève, on insiste pour que l’étu-diant inscrive son travail dans le contexte ar-tistique, qu’il cite des références, et puisse lesjustifier. En théâtre, la Haute école de théâtrede Suisse romande - La Manufacture, à Lau-sanne, tente de constituer le groupe d’élèves leplus soudé possible, de les inviter au dialoguepermanent, par un débriefing à la fin de chaquesemestre et, pour chaque atelier, par un entre-tien individualisé avec l’enseignant.

Outre la créativité, l’engagement, la curiosité,la cohérence, critères les plus fréquents, c’estaussi la conscience de soi, la capacité d’autocri-tique et de recul sur soi-même qui sont désor-mais exigées, et encouragées. Delphine Rosay,coordinatrice des bachelor et master à la Ma-nufacture et ancienne comédienne, pose cepen-dant un regard lucide sur cette politique. «J’aifait l’école privée Serge Martin, à la fin des an-nées 1980: on avait des retours des intervenantsde manière très occasionnelle. J’aurais bienaimé vivre ces échanges de manière perma-nente. Mais, d’un autre côté, ma formation m’adonné une grande confiance.» Alain Guerry,diplômé du Bachelor en théâtre en 2013,confirme ce dernier point: «En dernière année,j’ai cessé de lire mes relevés de notes. Ils créentune tension qui dérange le travail, empêched’être soi-même. On ne les comparait pas entrenous, ça aurait été minant.»

En outre, il existe des limites à la volonté dediscuter, et de justifier, toute critique ou choixartistique: même en définissant chaque critèretrès précisément, une part de mystère, doncd’ambivalence, demeure. Or c’est là, pour Valérie Mavridorakis, enseignante à la HEAD,la spécificité des écoles d’art, à préserver à toutprix: «Si on se met à appliquer les mêmes cri-tères d’évaluation que dans une école de ges-tion ou de santé, ça ne peut pas coller. Lescritères sont trop formels.» Et, à côté de l’exi-gence intellectuelle de distance critique sur sapropre pratique, le recours au critère de lacréativité est non seulement inévitable, maisnécessaire: «Ce qui est très important, dans le

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Pour ValérieMavridorakis, on ne peut pasappliquer lesmêmes critèresd’évaluationdans le domainede l’art que dans celui de la gestion ou de la santé.

La difficile évaluation des étudiantsART

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jugement, c’est ce qui vient de l’étudiant. Dansquelle mesure on se laisse surprendre etconvaincre par la façon dont il change notreregard sur le monde.»

Au plus haut niveau, une fois les compétencesinscrites dans les plans d’études acquises, c’estmême la seule chose qui compte. Xavier Bouviercite le cas du Master de soliste de la HEM-GE,très sélectif: «Le jury du concours est généraliste.Ce qui détermine le jugement, ce ne sont doncpas les compétences spécifiques de l’instru-ment, mais le rayonnement sur la scène, la pré-sence scénique. Parfois, on vit ce momentd’examen comme un véritable concert, c’est-à-dire qu’on oublie qu’on est ici pour juger: onse laisse emporter par la prestation. Si c’est par-tagé par plusieurs personnes, c’est considérécomme très positif.»

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En Suisse romande, depuis quinze ans, la bannière HES, mais aussi la réforme deBologne ont induit une certaine uniformi-sation dans les écoles d’art publiques. Une accréditation est nécessaire pourpouvoir délivrer un bachelor ou un master.Mais, derrière cette façade, chaque discipline artistique sélectionne et jugeses adeptes à sa façon, en s’accommodantde ces nouvelles exigences formelles.

1) Bachelor en musique, Haute Ecole de Musique de Genève.Les auditions d’admission durent quinze minutes. Les cours étant individuels, une grande importance est accordée au couple prof-étudiant. «Le candidat indique le plus souvent chez quel professeur il aimerait travailler, et celui-ci l’accepte ou non à l’admission, explique XavierBouvier, coordinateur de l’enseignement. C’est un modèletraditionnel. Le lien qui les attache peut durer bien des années après les études.» Lors des auditions de fin de première et troisième années, c’est un jury de personnalitésextérieures qui donne une note globale.

2) Bachelor en théâtre, Haute école de théâtre La Manufacture, Lausanne.L’admission a lieu en deux tours; les candidats présententdes scènes. Lors du second, un stage probatoire d’une semaine, le jury examine certes les critères de jeu, comme la diction, mais surtout la disponibilité au travail et la curio-sité, et cherche à constituer un groupe cohérent. En coursd’études, chaque atelier (voix, mouvement...) donne lieu à un entretien d’évaluation et à une note. Sont jugées les compétences sociales (respect, ponctualité), ciblées (liées àchaque atelier) et «l’engagement», le critère le plus subjectif.

3) Bachelor en arts visuels, HEAD, Genève.Admission sur dossier et entretien. Chaque semestre, l’étudiant présente son travail à un jury (ses professeurs plus des artistes ou théoriciens extérieurs), qui apprécie son implication et sa curiosité, mais aussi la pertinence de la forme par rapport au fond, de l’intérêt du sujet traité en regard du contexte culturel. Sur cette base, l’étudiant réussit,passe en «remédiation» (examen de rattrapage) ou échoue. Il peut tout à fait obtenir les crédits à la suite d’un jury trèssévère, si celui-ci considère que l’engagement était suffisant.

Trois cas d’école(s)

La difficile évaluation des étudiantsART

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Paparazzi 2L’actrice américained’origine suédoise GretaGarbo (1905-1990) aété photographiéeclandestinement par George Dudognon, en 1952 au Club Saint-Germain à Paris.Durant toute sa carrière,

Greta Garbo a essayé degarder sa vie privée endehors des projecteurs.Ce n’est qu’en 2005 quela publication de seslettres privées a étéautorisée en Suède, pourmarquer le centenaire de sa naissance.

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Pilier de la médecine moderne, le droit à l’au-todétermination du patient suppose l’obliga-tion pour le soignant d’obtenir sonconsentement libre et éclairé avant toute inter-vention. Et donc de l’informer sur son état desanté, les options thérapeutiques et leursrisques. L’époque où les médecins estimaientque leurs patients n’avaient pas besoin de sa-voir ce qui leur arrivait est révolue. Le paterna-lisme médical a cédé le pas à une relation qui,dans l’idéal, se veut transparente, d’adulte àadulte.

Dans la réalité, les choses sont plus compli-quées, car le rapport médecin-patient reste asy-métrique: le patient est dans une position plusfragile, et l’annonce de mauvaises nouvellessusceptibles d’avoir un impact sur son état etses ressources. La question du «Que dire? Etcomment?» se pose d’autant plus lorsque lesoptions thérapeutiques sont épuisées et que lamort approche. Pourtant, les Directives mé-dico-éthiques pour la prise en charge des pa-tients en fin de vie de l’Association suisse dessciences médicales soulignent que «chaque pa-tient a le droit de disposer librement de sa per-sonne. L’information du patient ou de sonreprésentant sur la situation médicale doit être

précoce, complète et compréhensible, afin depermettre un choix éclairé. Cela supposequ’une communication sensible et ouvertes’installe, et que le médecin soit prêt à informertant des possibilités et limites de l’action cura-tive que des soins palliatifs.»

Sur le terrain, comment font les soignants?Rose-Anna Foley, anthropologue et professeureà HESAV - Haute Ecole de Santé Vaud, a menéune enquête sur la prise en charge de patients enfin de vie dans un Centre hospitalier universi-taire romand, où elle a suivi pendant cinq ansune unité mobile de soins palliatifs. «Leur phi-losophie s’articule autour d’un idéal d’autono-mie pour le patient, auquel on veut donner lapossibilité de prendre conscience de sa mort quiapproche, explique-t-elle. Comme le passage ducuratif au palliatif n’est pas formalisé en milieuhospitalier, ces soignants militent pour pouvoiraborder ouvertement la mort avec les patients.Dans les autres services, les discours sont beau-coup plus empreints d’incertitudes, de non-ditset de contradictions. Souvent, les médecins nesavent pas à quel moment il faut parler de fin devie, et n’envisagent la prise en charge palliativeque lorsque les symptômes du patient devien-nent ingérables.»

L’époque où les médecins estimaient que les mourantsn’avaient pas besoin de connaître la vérité est révolue.

La communication soignant-patient autour de la mort n’enreste pas moins délicate. Notamment parce qu’elle est

le théâtre de projections.TEXTE | Catherine Riva

Fin de vie: que dire au patient?

DIAGNOSTIC

Pourl’anthropologueRose-AnnaFoley, laphilosophiepalliativevéhicule unidéald’acceptation de la mort qui n’est paspartagé par tousles patients.

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Que dire au patient?DIAGNOSTIC

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La jeunephotographefrançaise AnneThomès aréalisé en 2008un travail sur lespersonnes en finde vie. «Letempssuspendu» estle résultat deplusieurs moispassés dans leservice de soinspalliatifs de laMaisonmédicale JeanneGarnier à Paris.«J’ai voulu parces imagesrendrehommage aupersonnel quientoure lesmalades,explique laphotographe.Parce que, grâceà eux, j’ai vu despersonnes auseuil de la mortrire à gorgedéployée,fredonner unechanson,s’amusercomme vous etmoi, oubliantl’espace d’uninstant ladouleur.»

«La vérité assénée coûte que coûte et la ten-dance à enjoliver la situation sont les deux ex-trêmes de la communication de mauvaisesnouvelles, constate Friedrich Stiefel, psychia-tre, professeur à la Faculté de médecine del’UNIL et chef du Service de psychiatrie deliaison au CHUV. La plupart des médecins sesituent quelque part au milieu, et leur choixd’aller dans une direction ou dans l’autre dé-pend beaucoup de leurs angoisses et de leursprojections par rapport à la situation particu-

lière. Il est donc indispensable qu’ils dévelop-pent de meilleures capacités d’autoréflexion.»

Faut-il en conclure que les soignants en soinspalliatifs font tout juste? «La philosophie pal-liative véhicule un idéal d’acceptation de lamort, explique Rose-Anna Foley. Pour cer-tains patients, cet accompagnement fonctionnebien. Mais d’autres tendances, comme la vo-lonté de se battre jusqu’au bout, ou le fait dechercher à abréger ses souffrances, témoignent

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de la difficulté à incarner ce patient qui acceptesa mort et chemine vers elle en conscience.»

Dans ce contexte, Rose-Anna Foley a observéque les médicaments utilisés en médecine pal-liative pour soulager la douleur (opiacés et sé-datifs) pouvaient devenir un enjeu. «Certainspatients refusent de les prendre en raison deseffets secondaires, comme l’accoutumance, l’al-tération de la conscience ou la possible accélé-ration de la survenue du décès», explique-t-elle.Pour d’autres, la morphine permet de ne passombrer dans la tristesse, et de «vivre de ma-nière altérée la douleur de l’approche de la finde vie». D’autres encore, ou leurs proches «de-mandent d’augmenter les doses avec l’intentiond’abréger les souffrances par la mort».

Or, ces comportements vont à l’encontre de ceque la philosophie des soins palliatifs considèrecomme une «bonne mort». «Tout en admettantune part d’ambivalence, quand le patient ne semontre pas coopératif, les équipes soignantesont beaucoup plus de mal à se montrer empa-thiques et à respecter son autonomie, observeRose-Anna Foley. Lors de leurs délibérations,elles analysent ces refus comme le résultat depeurs infondées, et non comme la tentatived’une personne d’exprimer sa volonté.»

«Comme tous les soignants, ils sont contrariéslorsqu’une attitude du patient les empêche defaire leur travail, explique Friedrich Stiefel. Parexemple quand un patient refuse de régler sonunfinished business, alors qu’il s’agit d’une étapecentrale de la philosophie palliative. Là aussi, ily a un risque d’acharnement.»

Face à ces problèmes, Friedrich Stiefel et sonéquipe sont en train de mettre en place, dans lecadre du Programme national de recherchePNR 67 Fin de vie, une formation pour mé-decins et soignants, qui vise la mise à disposi-tion de certaines techniques facilitant lacommunication, mais surtout qui permette demobiliser les soignants pour qu’ils puissent«évoluer et entendre les patients». «La sociétéa mis la pression et ne veut plus de certainscomportements de la part des médecins, sou-ligne le psychiatre. Nous avons aujourd’hui auCHUV un bureau pour recueillir les plaintes

des patients. C’était inconcevable il y a 40 ans,mais sinon, ce sont les juristes qui prennent lerelais. S’il est rare qu’un problème de commu-nication pousse quelqu’un à intenter un pro-cès. Alors qu’avec une complication médicaleassortie d’une mauvaise communication,même sans qu’il y ait eu erreur, ce risque de-vient important.»

Pour Rose-Anna Foley, le médecin assume ac-tuellement seul une responsabilité trop impor-tante face aux personnes en fin de vie. «Nousdevons mener un débat de société sur ces ques-tions, y compris sur les choix thérapeutiques etla médication utilisée, estime la chercheuse. Al’image du débat conduit dans les années 1970sur l’acharnement thérapeutique.»

L’unfinishedbusiness est unconcept déve-loppé par la pionnière de la philosophiepalliative, la Suissesse Elisabeth Kübler-Ross. Il s’agit de tout ce que lepatient n’a pasréglé: les frustra-tions, les conflitsnon résolus, les malaises familiaux etc. Le concept com-prend aussi desquestions pluspratiques, commele testament.Selon la philoso-phie palliative, régler tout celapermet au mou-rant de partir plussereinement.D’où la tendancedes soignantsà insister pourque leurs patientsfranchissent cette étape.

Que dire au patient?DIAGNOSTIC

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SelfieUn homme prend sonselfie devant une statuemonumentale de Mao Zedong, lors d’uneexposition célébrant le 120e anniversaire du

grand timonier à Pékin,en décembre 2013. A cette occasion, de nombreusescommémorations ont eu lieu dans tout le pays.

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A 57 ans, Michael Snyder était en pleine forme.Sportif et svelte, le chef du département de gé-nétique à l’Université de Stanford faisait at-tention à son alimentation, si l’on excepte unefaiblesse pour les cheeseburgers. En 2011, il adécidé de livrer son corps à une expérience mé-dicale inédite. Tous les deux mois, il a donnéun échantillon de sang qui a été analysé defaçon extrêmement précise. Cela a permis degénérer son profil moléculaire personnalisé(iPOP), un instantané de l’ensemble des pro-cessus biologiques se déroulant dans soncorps. Il mesurait 30 térabytes, soit l’équiva-lent d’un CD qui jouerait sans interruptiondurant sept ans. Cette masse de données a en-suite été soumise à un algorithme informa-tique, appelé RiskOGram, qui permet decalculer la probabilité qu’un individu déve-loppe telle ou telle maladie.

Quelle ne fut pas alors sa surprise de décou-vrir qu’il avait 47% de risques de développerun diabète de type 2, soit plus du double durisque normalement associé à un homme deson âge. Une prédiction confirmée par uneanalyse du niveau de sucre dans son sang. LeRiskOGram a aussi démontré qu’il avait uneprédisposition pour le carcinome basocellu-laire (une sorte de cancer de la peau) et pourles problèmes cardiaques. Il a aussitôt réduit

sa consommation de sucre et a entamé untraitement anticholésterol. Son taux de sucreest aujourd’hui revenu à la normale.

L’histoire du professeur Snyder illustre l’émer-gence du big data en médecine, une accumula-tion de données jamais vue auparavant, dont larécolte et l’analyse ont été rendues possibles parles avancées informatiques. «Le big data permetde faire émerger des signaux normalement invi-sibles, indique Patrick Ruch, professeur à laHaute école de gestion de Genève - HEG-GEet spécialiste de l’analyse de ce genre de don-nées. Ce qui n’apparaît pas lorsqu’on analyseune population de 500’000 personnes, va deve-nir visible si on élargit l’échantillon pour inclureplusieurs millions de personnes.» On pourra,par exemple, diagnostiquer plus facilement lesmaladies rares, qui ne représentent que 8% enmoyenne des affections traitées par un hôpital.

La méthode est également utilisée pour com-parer les gènes d’un patient avec une série demutations qui peuvent causer des maladies.«Cela fonctionne assez bien pour certains can-cers du sein, détaille Patrick Ruch. La détectiond’une prédisposition permet d’effectuer uneablation préventive du sein.» L’actrice Ange-lina Jolie a choisi cette voie en 2013. A l’avenir,ces tests génétiques permettront d’anticiper

La gigantesque accumulation de données médicales renduepossible par les avancées informatiques permet d’identifier

des maladies et des épidémies normalement invisibles. Mais elle comporte aussi des risques.

TEXTE | Julie Zaugg

L’engouement de la médecinepour le big data

BIG DATA

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Patrick Ruch,spécialiste del’analyse desdonnées,explique que lebig data permetde faire émergerdes signauxnormalementinvisibles dansle domaine de la santé.

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L’engouement de la médecineBIG DATA

également des affections comme Parkinson’sou Alzheimer. Cela a été rendu possible par la baisse spectaculaire du coût du séquençagedu génome, passé de 100’000 francs au débutdes années 2000 à moins de 1’000 francs aujourd’hui.

La gigantesque accumulation de données depatients individuels comme Michael Snyderpeut faire avancer la recherche. Outre-Atlan-tique, le Personal Genome Project a récoltédepuis 2004 plus de 3’000 profils génétiques. Il va s’en servir pour mieux comprendrel’émergence et la progression de certaines ma-ladies. Le Centre hospitalier universitaire vau-dois (CHUV) a, pour sa part, lancé début 2013un projet unique en Europe: «La Banque ins-titutionnelle lausannoise a pour but de récol-ter des données génétiques et cliniques surtous les patients qui sont hospitalisés auCHUV, indique son directeur, Vincent Moo-ser. Quelque 8’500 personnes ont déjà acceptéde participer à ce projet.» Ces données servi-ront à étudier les mutations génétiques der-rière Alzheimer, certaines maladies du foie oudu cœur et Parkinson.

Mesurer le flux des travailleurs et des idéesLe big data peut aussi être exploité dans les sciencessociales. Professeur de sociologie à l’ETHZ, Dirk Helbing aanalysé les profils LinkedIn d’un grand nombre de salariéspour étudier leur provenance et leur lieu de travail. «Depuis le 11 septembre 2001, le flux des travailleurs vers les Etats-Unis s’est tari, alors qu’ils sont toujours plus nombreux àémigrer en Asie», constate-t-il. L’attractivité de ce continent aégalement crû sur le front des idées. «En examinant qui citaitqui dans la littérature scientifique, j’ai pu faire émerger despôles d’innovation», note-t-il. Ces derniers produisent lesidées ‘consommées’ par d’autres régions du monde. «Or siquelques universités américaines, britanniques, allemandes et suisses ont longtemps dominé ce champ, ce n’est plus le cas aujourd’hui, poursuit-il. De plus en plus d’idées sontgénérées par l’Asie.» Un membre de l’équipe de Dirk Helbing,Thomas Chadefaux, a en outre procédé à une analyse duvocabulaire utilisé dans les journaux durant les centdernières années. «Plus on y trouve de mots qui expriment latension ou la colère, et plus le risque de guerre augmente»,explique le chercheur. Il pense qu’une telle méthode pourraitservir à anticiper les conflits avant qu’ils n’éclatent.

La version complète de la revue est en vente

sur le site www.revuehemispheres.com

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Lestraitementsdu cholestérolcontestésUne polémiqueexisteactuellementconcernant lestraitementspréventifs ducholestérol, lesstatines. Cesderniers freinentla production decholestérol eninhibant uneenzyme clé de sasynthèse, l’HMGCoA réductase.En 2013, lepneumologuefrançais PhilippeEven a sorti unlivre «La véritésur lecholestérol», danslequel il accuseles cardiologueset l’industriepharmaceutiquede faireinjustement ducholestérol unennemi public et de gagner des milliards avecles médicamentspréventifs.D’autresmédecins se sontunis à son appel,mais ils sontencore loin dereprésenter lamajorité. LeSwiss MedicalBoard a publié fin 2013 unrapport sur letraitement parstatine, danslequel il conclutque «laprescription de statines enpréventionprimaire estcontre-indiquéeen cas de risqued’accidentcardiovasculairemortel de moinsde 10%».

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Ces informations peuvent aussi servir à repérerles effets secondaires d’un traitement. Des cher-cheurs des universités de Stanford et de Co-lumbia ont passé au peigne fin les dossiersélectroniques des patients des hôpitaux deStanford, de Harvard et de Vanderbilt pourétudier l’interaction de deux médicaments(Paxil et Pravastatin). Les 130 patients quiavaient pris ces deux préparations simultané-ment présentaient presque tous un niveau gly-cémique trop élevé. Ces mêmes chercheursétaient déjà arrivés à une conclusion similaireen analysant les recherches sur Google, Micro-soft et Yahoo comprenant les noms de ces deuxmédicaments, ainsi que des mots comme «ni-veau de glycémie trop élevé» ou «vision floue».

L’internet, Facebook ou Twitter représententen effet une vaste source d’informations pourles adeptes du big data. «L’Organisation mon-diale de la santé analyse certains mots clés pos-tés sur les réseaux sociaux pour repérer lesépidémies et étudier leur progression, indiqueHenning Müller, responsable de l’unité eHealthauprès de la Haute Ecole de Gestion et de Tou-risme du Valais. Cela permet de mettre en placeun système de veille et d’alerte rapide.» Googlea développé un système analogue pour traquer lagrippe saisonnière. Marcel Salathé, un professeurde biologie d’origine suisse à l’Université Penn,a pour sa part analysé les tweets postés durantl’épidémie de H1N1 pour dresser une carte desEtats-Unis en fonction des sentiments pro- ouanti-vaccins exprimés sur le réseau social. «Celanous a permis d’identifier des concentrations depersonnes hostiles à la vaccination et donc sus-ceptibles de propager la maladie», explique-t-il.

Mais malgré ses promesses, le big data a ouvertune brèche dans la protection de la sphère pri-vée et du secret médical. «Même si les informa-tions ont été anonymisées, on peut retrouver lapersonne qui se trouve derrière, en effectuantune série de recoupements», note David Bil-lard, professeur d’informatique à la HEG-GE.Il cite une étude de l’Université de Harvard, quiest parvenue à identifier 84% des personnes quiavaient livré leur génome au Personal GenomeProject en recoupant les dates de naissance,âges et codes postaux qui y figuraient avec uneliste d’électeurs américains.

La situation est d’autant plus critique dans unpetit pays comme la Suisse. «A Genève, nousavons un registre qui recense, sous une formeanonyme, tous les cas de cancer depuis 40 ans,poursuit-il. Mais il existe quantité d’organismesqui collectent des données médicales et peu decritères suffisent parfois à déterminer un indi-vidu.» Sans oublier que ces données peuventêtre hackées ou volées par un employé malfai-sant. Voire mises en ligne volontairement par unenthousiaste des réseaux sociaux. «Il existe unvrai risque: un employeur ne va sans doute pasembaucher quelqu’un qui est malade et un as-sureur ne va pas lui accorder de police d’assu-rance, met en garde David Billard. Quelqu’unpourrait aussi se servir de données médicalessensibles pour faire chanter un politicien, un en-trepreneur ou un haut-fonctionnaire.»

Aux Etats-Unis, il s’agit déjà d’une réalité. Lapsychiatre américaine Deborah Peel a fondéune ONG, Patients Privacy Rights, pour in-vestiguer ce qu’il advient de la masse de don-nées générée par le dossier électronique dupatient. «Toute cette information circule libre-ment entre le cabinet du médecin, l’hôpital, lespharmacies et les laboratoires, indique-t-elle.Or, nous avons constaté qu’une bonne partiede ces données sensibles sont ensuite reven-dues. J’ai vu des cas où des patients atteintsd’un cancer se sont vu refuser un emprunt à labanque, car cette dernière avait eu accès à leurdossier médical.»

L’engouement de la médecineBIG DATA

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BIBLIOGRAPHIE

ArchitectureArchitecture/arts visuels: uneexpérimentation de la perceptionvisuelle par la vidéo numérique,considérée comme instrument de la pensée architecturale, FaureA., sous la direction de Baqué P.,Université Paris I, Panthéon -Sorbonne, 2010

L’architecture de verre, Scheerbart P., Circé, 2013

La surface instable comme projetd’espace: Dan Graham et RemKoolhaas, Faure A., in PerrottoA.-L. & Maigron M. (sous ladir.), La surface instable,Université de Savoie, 2012

Big data et santéGoogle Flu Trends Data forDetection of Seasonal andPandemic Influenza: A Comparative EpidemiologicalStudy at Three GeographicScales, Scales, Olson D., KontyK., Paladini M., Viboud C.,Simonsen L., Plos, 2013

Improving data and knowledgemanagement to better integratehealth care and research,Cases M., Furlong L., Albanell J.,Altman R., Bellazzi R., Boyer S.,Brand A., Brookes A., Brunak S.,Clark T., Gea J., Ghazal P., Graf N., Guigó R., Klein T.López-Bigas N., Maojo V., Mons B., Musen M., Oliveira J.,Rowe A., Ruch P., Shabo A.,Shortliffe E., Valencia A., van der Lei J., Mayer M., Sanz F.,in J Intern Med, 274(4):321-8,2013

Evaluation artistiqueTransmettre l’art. Quellehistoire? Kihm C. &Mavridorakis V., Les Presses duréel, 2013

Réduire la subjectivité lors del’évaluation des apprentissages àl’aide de grilles critériées: repèresthéoriques et applications à unenseignement interdisciplinaire., Berthiaume D., David Th. &David J., in Revue internationalede pédagogie de l’enseignementsupérieur, 2011

Repères théoriques etapplications pratiques. Vol. 1 –Enseigner au supérieur,Berthiaume D. & Rege-Colet N.,Peter Lang, 2013

Imagerie médicaleHyperpolarization withoutpersistent radicals for in vivoreal-time metabolic imaging,Eichhorn T., Takado Y., SalamehN., Capozzi A., Cheng T.,Hyacinthe J.-N., MishkovskyM., Roussel C. & Comment A.,Proceedings of the NationalAcademy of Sciences, 110,18064–18069, 2013

Le cerveau de cristal, Le BihanD., Odile Jacob, 2012

Voir, penser et faire par desimages: étude anthropologiquede la médiation technique àl’œuvre dans la pratiqueprofessionnelle des technicien-ne-s en radiologie médicale(TRM), Rey S., Jorge J., SchneggC., Haute école de santé Vaud(HESAV), financement FNS,2012-2014

Open AcessDimensionen undZusammenhänge grosser,verknüpfter, offener undwissenschaftlicher Daten,Schneider R., arbido print. Nr. 4,2013

Soins palliatifsDu curatif au palliatif.Confrontation et renouvellementdes pratiques hospitalières face àla fin de vie, Foley R., in Revueinternationale de soins palliatifs,25 (1), 30-36, 2010

Nouvelles temporalitésd’incurabilité: le rôle desmédicaments quand la fins’annonce, Foley R., in Pott M. &Dubois J. (sous la dir.), Parcoursde fin de vie, A la carte, 2013

TransparenceAccélération, Rosa H., La Découverte, 2010

A Taste for the Secret, Derrida J. & Ferraris M., Polity,2001

Eloge du secret, Levy-Soussan P.,Fayard, 2010

La transparence en trompe-l’œil,Libaert T., Descartes, 2003

L’espace public, Habermas J.,Payot & Rivages, 1988

Transparenzgesellschaft, Han B.,Matthes & Seitz, 2012

Tansparenztraum, Schneider M.,Matthes & Seitz, 2013

Bibliographie limpideLes lecteurs d’Hémisphères trouveront ci-dessous quelques références

pour étancher leur soif de connaissance sur la transparence.

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Séverine ReyProfesseure à HESAV -Haute Ecole de Santé Vaud,Séverine Rey a mené uneenquête ethnographique surle métier de technicien enradiologie médicale. Révélerla transparence du corpss’avère un métier moinstechnique et beaucoup plusrelationnel que ce que l’onpourrait croire.Page 25

Joëlle Flumet Joëlle Flumet, artiste et illustratricebasée à Zurich, développe un travailde dessin numérique, d’objet et desculpture. Elle tente de disséquer lesenjeux sociaux actuels, tels que lerapport à la norme, le pouvoircoercitif, ou la marge de manœuvreindividuelle. Dans son illustration surla communication des entreprises àl’ère 2.0, elle analyse la transparencecomme la surveillance permanentemise en place par les multinationalesafin de réagir aux critiques.Page 33

Valérie MavridorakisMême en définissantchaque critère précisément,une part d’ambivalencedemeure dans l’évaluationdes étudiants en art, estimeValérie Mavridorakis,enseignante à la HEAD.Page 63

Jonas Pulver Jonas Pulver est basé à Tokyo, où il partage son temps entre écriture et activités académiques. Cejournaliste et chroniqueur pour «LeTemps», s’intéresse à la manière dontla globalisation et les technologiesmodifient les signes, les valeurs et les modes d’être qui constituent nos cultures et nos identités, plusparticulièrement dans le champ desarts et de la musique.Page 48

Catherine RivaSpécialisée dans lesquestions de santé, cettejournaliste et traductrice a rédigé pour ce dossierl’article sur l’annonce dudiagnostic au patient. Elle considère que, dans le domaine de la santé, la transparence n’en estqu’à ses balbutiements etmérite d’être activementsoutenue. Car les règlescensées garantir latransparence dans larecherche et la pratiquemédicales sontrégulièrement violées, entoute impunité. Page 66

Diana BogschGraphiste chezLargeNetwork, DianaBogsch a participé à la miseen lumière de ce numéro, de l’obscurité des fondsmarins à l’ultra visibilité de la vie privée, en passant par la quasi imperceptibilitéd’une aile de mouche. Une diversité d’applicationsqui rendent, selon elle, ladéfinition de la transparencebien opaque.

Patricia MichaudBasée à Berne, PatriciaMichaud possède un piedde chaque côté de lafrontière linguistique. Sesarmes professionnelles,cette journaliste libre les afaites à l’Agencetélégraphique suisse, puisau quotidien «La Liberté».Pour ce numéro, elle aenquêté sur l’application dela Loi sur la transparence.Elle considère quedémocratie directe ettransparence sontindissociables.Page 56

Rose-Anna FoleyRose-Anna Foley a suivi uneunité mobile de soinspalliatifs durant cinq ansdans le cadre d’une enquêtesur les patients en fin de vie. Cette anthropologue et professeure à HESAV -Haute Ecole de Santé Vaud a constaté que,souvent, les médecins nesavent pas à quel moment il faut parler de fin de vieavec leurs patients.Page 66

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CONTRIBUTIONS

Sabrine Elias DucretMimétisme, invisibilité oucamouflage représententautant de façonsd’interpréter la transparencepour Sabrine Elias Ducret,rédactrice photo chezLargeNetwork. Elle s’estpenchée pour ce numérosur les mille et une facettesde cette notion subjectiveet a pu constater qu’ellesuscitait de nombreuxdébats.

René Schneider Dans un article consacré à laquestion de l’accès du public aux résultats des recherches, le spécialiste d’informationdocumentaire de la Haute école de gestion de Genève - HEG-GERené Schneider, affirme que laprivatisation totale du marché del’édition scientifique n’est pasacceptable.Page 60

Erik FreudenreichErik Freudenreich est unjournaliste basé à Genève,qui écrit depuis près de dixans pour divers magazinesculturels et économiques.Sa vision de latransparence: une exigenceessentielle en politique, à une époque plus quejamais marquée par lemensonge. Pour ce numérode Hémisphères, il s’estentretenu avec l’auteurallemand ManfredSchneider.Page 14

Matthieu Ruf Ce journaliste indépendant, revenud’un long périple en Amérique du Sudaprès plusieurs années passées ausein de la rédaction de «L’Hebdo», est actuellement étudiant à la HauteEcole des Arts de Berne. Il y vit latransparence comme une quêtequotidienne d’honnêteté et decohérence par rapport à soi-même,qui fragilise, mais libère.Page 62

Thomas PfefferléCe jeune journaliste,diplômé en philosophie, a écrit l’article du Bulletinsur les technologies del’humanitaire. A ses yeux, la transparence estsynonyme d’ouverture. Notre évolution sociale ettechnologique ouvre desfrontières, notamment celles de l’être, dont leparcours de vie devientvisible sur internet.Bulletin, Page 26

Basma Makhlouf Shabou Cette professeure d’archivistique au département de l’informationdocumentaire de la Haute école de gestion de Genève - HEG-GEregrette que le Conseil fédéral ait décidé de bloquer l’accès auxarchives documentant les activitésd’entreprises suisses en Afrique du Sud durant l’apartheid, malgrél’expiration du délai de trente ans.Page 57

Patrick Ruch«Le big data permet de faire émerger des signauxnormalement invisibles»,analyse Patrick Ruch dans l’article consacré àl’engouement de lamédecine pour les big data.Ce professeur à la Hauteécole de gestion de Genève- HEG-GE observe quecertaines tendances desanté ne deviennent visiblesque lorsqu’on analyse unéchantillon de plusieursmillions de personnes.Page 70

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BERNE/JURA/NEUCHÂTEL

FRIBOURG

VAUD

VALAIS

GENÈVE

Rectorat et services centrauxHES-SO Haute école spécialisée de Suisse occidentaleRue de la Jeunesse 1Case postale 452CH-2800 Delémont+41 58 900 00 00www.hes-so.ch

HES-SO

Haute Ecole ArcDirection généraleEspace de l’Europe 11CH-2000 Neuchâtel+41 32 930 11 [email protected] www.he-arc.ch

www.hemge.ch

HES-SO GenèveDirection généraleCh. du Château-Bloch 10CH-1219 Le Lignon+41 22 388 65 [email protected]

www.hesge.ch/heg

www.hesge.ch/head

www.hemge.ch

www.hesge.ch/hepia

www.hesge.ch/heds

www.hesge.ch/hets

Hautes écoles conventionnées

www.changins.ch

www.ehl.edu

www.hetsr.ch

www.heg-fr.ch

www.eia-fr.ch

www.heds-fr.ch

www.hef-ts.ch

www.hemu.ch

www.hevs.ch

www.hevs.ch

www.hevs.ch

www.hevs.ch

www.ecav.ch

www.hemu.ch

HES-SO Valais-WallisDirection générale Route du Rawyl 47Case postale 2134 CH-1950 Sion 2 +41 27 606 85 [email protected]

Direction générale de l’Enseignement supérieurAvenue de l’Elysée 4CH-1014 Lausanne+41 21 316 94 [email protected]

www.heig-vd.ch

www.ecal.ch

www.hemu.ch

www.hesav.ch

www.ecolelasource.ch

www.eesp.ch

HES-SO FribourgDirection généraleBoulevard de Pérolles 80 Case postale 32CH-1705 Fribourg +41 26 429 65 [email protected]

Directions cantonales

www.hes-so.ch/masters

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HES-SODELÉMONT

H

Haute Ecole Arc Ingénierie – HE-Arc Ingénierie

Haute école de gestion Arc – HEG Arc

Haute Ecole Arc Conservation-restauration

Haute Ecole Arc Santé – HE-Arc Santé

Haute Ecole de Musique de Genève HEM – Site de Neuchâtel

Haute école de gestion de Genève – HEG-GE

Haute école d’art et de design Genève – HEAD

Haute Ecole de Musique de Genève – HEM-GE

Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève – hepia

Haute Ecole de Santé Genève – HEdS-GE

Haute école de travail social Genève – HETS-GE

Haute école d’oenologie et viticulture – EIC

Ecole hôtelière de Lausanne – EHL

Haute école de théâtre de Suisse romande –

HETSR – La Manufacture

Haute école de gestion de Fribourg – HEG-FR

Ecole d’ingénieurs et d’architectes de Fribourg – EIA-FR

Haute école de santé Fribourg – HEdS-FR Hochschule für Gesundheit Freiburg

Haute Ecole fribourgeoise de travail social – HEF-TS

Haute Ecole de Musique de Lausanne HEMU – Site de Fribourg

HES-SO Valais-Wallis - Haute Ecole d'Ingénierie - HEI

HES-SO Valais-Wallis - Haute Ecole de Santé - HEDS

HES-SO Valais-Wallis - Haute Ecole de Travail Social -HETS

HES-SO Valais-Wallis - Haute Ecole de Gestion & Tourisme -HEG

Ecole cantonale d’art du Valais – ECAV

Haute Ecole de Musique de Lausanne HEMU – Site de Sion

Haute Ecole d’Ingénierie et

de Gestion du Canton de Vaud – HEIG-VD

ECAL/Haute école d’art et de design Lausanne

Haute Ecole de Musique de Lausanne – HEMU

HESAV - Haute Ecole de Santé Vaud

Haute Ecole de la Santé La Source – HEdS-La Source

Haute école de travail social et de la santé –

EESP – Lausanne

Design et Arts visuels

Economie et Services

Ingénierie et Architecture

Musique et Arts de la scène

Santé

Travail social

JURA

BERNE

NEUCHÂTEL

FRIBOURG

VAUD

HES-SO Master

VALAIS

GENÈVE

HES-SO Master

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Couverture: Blowfly wing et Lacewing wing, photos de Wim Van Egmond, visualsunlimited/Science Photo LibraryCouverture: dos Diana BogschRabat gauche: © 2004 MBARI Rabat droit: © GDSARCHITECTS INC.

p. 4 FotoliaiStockiStock

P. 5 Thierry ParelP. 6 Reporters Associati/Courtesy

Michel GinièsDeutsches Röntgen-MuseumNiels Ackermann/Rezo

P. 9 Wolfram HukeP. 10 Flickr/Père Ubu

DRGraham McGeorge/grahammcgeorge.com

P. 11 DRKhristian MendozaDenis Sinyakov/REUTERS

P. 12 Jérôme LeubaP 13 La TigreP. 15 Pierre DuboisP. 17 Firman

Jeremy BenthamP. 19 Sébastien Valiela/EyewitnessP. 20 Deutsches Röntgen-MuseumP. 21 CURML/Unité d’imagerie

forensiqueP. 22 OSIRIXP. 24 Deutsches Röntgen-MuseumP. 25 Bertrand Rey

P. 27 Rue des Archives P. 29 Neil Labrador/L’Evénement

syndicalP. 30 Harald Pettersen/StatoilP. 31 Michael WolfP. 33 Joëlle FlumetP. 35 Thierry ParelP. 36 AppleP. 37 Braun

Courtesy of Guus GugelotP. 38 Grcic

DysonCartier

P. 39 Xavier RossetP. 40 Kartell

NintendoNikeLouis Ghost

P. 41 Camilla RichterSwatch

P. 42 Pietro-ChiesaIssey MiyakeYoshiokaMarco Zanuso/ZanottaDaniel Weil

P. 43 Angelo MerendinoP. 44 Niels Ackermann/RezoP. 45 Niels Ackermann/RezoP. 46 Niels Ackermann/RezoP. 47 Niels Ackermann/RezoP. 48 DRP. 49 Jakub KirszensteinP. 51 SantambrogioP. 52 LitraconP. 53 Paul Koslowski ©

FLC/PROLITTERIS, 2014P. 54 Jeremy Ayer/ECALP. 55 Olivier Morin/AFPP. 57 Anthony LeubaP. 61 Thierry ParelP. 63 Anthony LeubaP. 65 Georges DudognonP. 66 Bertrand ReyP. 67 Anne ThomèsP. 69 Kim Kyung-Hoon/ REUTERSP. 71 Thierry ParelP.74 DR

Bertrand ReyAnthony LeubaJoëlle FLumetDR

P.75 Thierry ParelAnthony Leuba

ICONOGRAPHIE

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IMPRESSUM

Responsables de la publicationPierre Grosjean, Gabriel Sigrist

Direction de projetGeneviève Ruiz

Responsable visuel de projetDiana Bogsch

RédactionSara Bandelier, Clément Bürge, Marie-Adèle Copin,

Erik Freudenreich, Stéphany Gardier, Geneviève Grimm-Gobat, Pierre Grosjean, Camille Guignet, Melinda Marchese,

Patricia Michaud, Jean-Christophe Piot, Jonas Pulver,Catherine Riva, Matthieu Ruf, Geneviève Ruiz, William Türler,

Julie Zaugg

ImagesNiels Ackermann, Diana Bogsch, Pierre Dubois,

Joëlle Flumet, La Tigre, Anthony Leuba, Thierry Parel, Bertrand Rey

Maquette & mise en pageSandro Bacco, Diana Bogsch et Yan Rubin

RelectureAlexia Payot, Samira Payotwww.lepetitcorrecteur.com

N° ISSN 2235-0330

HÉMISPHÈRESLa revue suisse de la recherche

et de ses applicationswww.revuehemispheres.com

EditionHES-SO Services centraux

Rue de la Jeunesse 12800 Delémont

SuisseT. +41 32 424 49 00F. +41 32 424 49 01

[email protected]

Comité éditorialLuc Bergeron, Philippe Bonhôte, Rémy Campos,

Yvane Chapuis, Annamaria Colombo Wiget, Yolande Estermann, Angelika Güsewell, Clara James,

Florent Ledentu, Philippe Longchamp, Max Monti, Vincent Moser, Laurence Ossipow Wüest,

Anne-Catherine Sutermeister, Marianne Tellenbach

Réalisation éditoriale et graphiqueLargeNetworkPress agency

Rue Abraham-Gevray 61201 Genève

SuisseT. +41 22 919 19 19

[email protected]

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La présente revue a été imprimée en juin 2014 sur les presses de Staempfli SA à Berne.Le caractère Stempel Garamond (serif) est basé sur le travail que le graveur Claude Garamond (1480-1561) effectua lors de la création de la célèbre Garamond.Le caractère Akzidenz-Grotesk (linéale) a été créé par la fonderie H. Berthold AG en 1896. Le papier est un FSC Edixion offset blanc 100 g/m2 et 250 g/m2.La revue a été tirée à 14’000 exemplaires.

Imprimé en Suisse.

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Tower InfinityCes images virtuelles dévoilent un projet architecturalambitieux du gouvernement sud-coréen: la Tower Infinity,dont la construction a débuté en automne 2013 à proximitéde Séoul. Si avec ses 450 m de haut, cette tour necherche pas à battre le record du monde de hauteur, elle sera le premier bâtiment invisible. L’une de ses façadessera équipée de LED et de caméras filmant en temps réel le paysage des environs, reflété en direct à sa surface.Cette illusion d’optique donnera l’impression que la Tower Infinity est transparente. Aucune date de livraison n’a pour l’instant été confirmée pour ce gratte-ciel, quidevrait accueillir des activités de loisir.

Barreleye Ce poisson de la famille des Opisthoproctidae n’a étéphotographié vivant qu’en 2004. Il n’a pu être filméqu’encore plus tard, en 2006, à une profondeur de 800 m au large de la Californie. Cette espèce rarepossède un système oculaire unique, avec deux gros yeux qui observent l’environnement à travers un crânetotalement transparent. La cavité crânienne – dans laquelleles yeux sont mobiles et peuvent se tourner vers l’avant ou vers le haut – est remplie d’un gel translucide. Deschercheurs de l’Aquarium de la baie de Monterey ontobservé que le Barreleye était presque toujours immobileet que lorsqu’il avait détecté de petites proies, ses yeux semettaient à tourner. Cette image est une capture d’un filmtourné par un robot submersible, le Rov Tiburon, capablede produire des données scientifiques et des images enhaute définition, développé par l’institut de recherche del’Aquarium de la baie de Monterey.

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LA REVUE SUISSE DE LA RECHERCHE ET DE SES APPLICATIONS

HES-SO HAUTE ÉCOLE SPÉCIALISÉE DE SUISSE OCCIDENTALE UNIVERSITY OF APPLIED SCIENCES AND ARTS WESTERN SWITZERLAND

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VOLUME VII

NOUVELLES TRANSPARENCES

CHF 9.– E7.–N°ISSN 2235-0330