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« Allô maman, donnes moi la recette de ton gâteau au sorgo » : quand les pratiques culinaires se transmettent de mère en fille !
Azza Temessek Behi*
IHEC Carthage, Université de Carthage
LRM, Sfax
Myriam Belaid*
IHEC Carthage, Université de Carthage
« Allô maman, donnes moi la recette de ton gâteau au sorgo » : quand les pratiques culinaires se transmettent de mère en fille !
Résumé :
Cette recherche a pour objectif de comprendre le processus de transmission des pratiques culinaires dans les dyades mères/filles. Des entretiens individuels et des techniques projectives ont permis d’identifier les éléments culinaires transmis, les modes, les représentations et les avantages perçus de la transmission.
Mots clés : transmission ; héritage familial ; générativité ; influence intergénérationnelle
« hello mum, give me the recipe of your cake » : when the culinary practices are transmitted from mother to daughter
Abstract :
The aim of this research is to understand the transmission process in culinary practicies between mother and daughter. Individual interviwes and projective techniques allow to identify the transmited culinary elements, the modes, the represantations and the perceived advantages of transmission.
Key words : transmission ; family heritage ; generativity, intergenerational influence
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« Allô maman, donnes moi la recette de ton gâteau au sorgo » : quand les pratiques culinaires se transmettent de mère en fille !
Introduction
Nombreux sont les experts qui dénoncent la perte du goût de la cuisine chez les nouvelles
générations, accusés d’être des adeptes du fast-food et une génération « micro-ondes » (Loisel
et Couvreur, Crédoc, 2004). Paradoxalement, la cuisine est plus que jamais un sujet qui
passionne les consommateurs de tout horizon. La profusion des programmes télévisés, des
pages sur les réseaux sociaux, des blogs, des chaînes Youtube, des livres et des points de
vente qui se spécialisent dans l’art culinaire témoigne de cet engouement.
Par ailleurs, si en un clic, les jeunes femmes peuvent retrouver les recettes de plats, aussi
insolites soient-ils, c’est auprès de leurs mères qu’elles préfèrent obtenir l’information. C’est
ainsi qu’une étude réalisée sur 1000 personnes a pu conclure que 48% d’entre elles
apprennent à cuisiner avec leurs mères.1 L’apprentissage de la cuisine serait donc le résultat
d’une transmission mère-fille. L’évolution du cycle de vie familial, du statut de la femme, et
des innovations alimentaires appelle à s’interroger sur les modes de la transmission culinaire
(Loisel et Couvreur, Crédoc, 2004).
La notion de transmission est fortement présente dans certaines disciplines à savoir la
psychologie, les sciences de l’éducation ou encore la génétique comportementale. La
transmission représente le don spontané et symbolique d’un bien d’un individu à un autre
(Bergadàa, 2006). Les travaux en comportement du consommateur qui ont traité la notion
d’influence intergénérationnelle soulignent l’importance accrue de la transmission entre les
différentes générations et spécifiquement en comportements d’achat (Lutz, 1988 ; Moore et
al., 2002, Ladwein et al., 2007). Les études qui se sont penchées sur les transmissions entres
les différentes générations ont évoqué le concept d’« influence intergénérationnelle » qui
désigne les transferts au sein des familles. Les recherches ont alors abordé la nature des biens
transmis (Cotte et Wood, 2004 ; Ladwein et al., 2007 ; Derbaix et al., 2014, Guennoun, 2015)
en évoquant les points de similarité et de différence entre les deux parties (le donneur et le
receveur). La famille représenterait le lieu privilégié pour les transmissions
intergénérationnelles. Cette transmission a été étudiée dans le cas de biens tangibles comme
les photographies (Muxel, 1996 cité par Derbaix et al, 2014), les bijoux, les meubles (Curasi
1 Une enquête de l'IFOP pour l'Observatoire des cuisines populaires, France, 2014.
3
et al., 2004) et les produits de luxe (Limerat et Roux, 2014 ; 2010) et dans le cas de biens
intangibles comme le goût pour la musique (Derbaix et al, 2014), le goût pour la lecture
(Guennoun, 2015) et les remèdes de grands-mères (Kessous et Chalamon, 2014).
Les transmissions intergénérationnelles restent peu explorées dans la recherche marketing
(Kessous et Chalamon, 2014). Et la problématique de la transmission culinaire n’a pas à notre
connaissance été abordée dans les recherches académiques. C’est dans cette perspective que
cette recherche ambitionne d’étudier la transmission culinaire de mère en fille. Comment
s’effectue le processus de transmission entre mère et fille ? Quelles sont les pratiques
culinaires transmises? Quels sont les avantages de la transmission culinaire pour les deux
parties. C’est à ces questions que nous tenterons de répondre tout au long de ce papier.
Comprendre les mécanismes de la transmission des pratiques culinaires pourrait orienter le
contenu des émissions télévisées, des ouvrages culinaires, et des contenus web et mobiles
(sites web, blogs, applications sur les recettes, etc.). Mais, permet aussi de mieux appréhender
l’évolution de l’alimentation dans une perspective de préservation du patrimoine culinaire.
Pour répondre à notre problématique, nous exposons dans une première partie une revue de la
littérature sur la transmission intergénérationnelle. Dans une deuxième partie nous présentons
l’étude qualitative sur la dyade mère/fille portant sur la transmission culinaire. Enfin, nous
discutons nos résultats en mettant en avant les contributions théoriques et managériales de la
recherche.
Revue de la littérature
Transmission et influence intergénérationnelle
La transmission intergénérationnelle se traduit par le transfert de biens tangibles ou
intangibles d’une génération à une autre. Les transmissions familiales s’observent
massivement à l’âge adulte et traduisent des transferts de préférences, de compétences et de
pratiques de consommation (Ladwein et al, 2007). La transmission d’objets ou de valeurs
renforce la sensation de force et de protection, de loyauté mais aussi d’amour, de
reconnaissance et de symbolisation. Le transfert intergénérationnel au sein d’une famille est
alors défini comme le « […] transfert d’un capital, aussi bien tangible qu’intangible, de la
génération des parents vers la génération des enfants, et réciproquement. Les processus de
transfert peuvent être volontaires ou involontaires de la part de l’émetteur. Un transfert est
4
effectif s’il est acquis de manière durable par l’enfant ou les parents. » (Derbaix et al., 2014).
Cette définition met l’accent sur l’existence d’une transmission transgénérationelle dans le
cas où les parents transfèrent des objets (matériels ou immatériels) à leurs enfants. Cette
transmission irait donc dans un sens vertical et traduirait une relation descendante (Attias-
Donfut, 1991). Et d’une transmission intergénérationnelle lorsque le flux est dans les deux
sens et quand les enfants aussi transmettent des éléments à leurs parents (Derbaix et al, 2014).
Cette transmission implique la passation d’objets ou de valeurs d’une génération à une autre
et est identifiée par trois caractéristiques (Guillemot, 2006). La transmission est un (1)
processus dynamique où un émetteur et un receveur (personnes physiques ou morales)
s’échangent des objets ou des croyances ; (2) à différents niveaux de conscientisation de
l’émetteur. Dans ce cas, la transmission peut se faire de manière consciente ou inconsciente et
(3) un processus sélectif où le receveur réinterprète ce qu’il a reçu.
Introduire la notion de transmission intergénérationnelle en marketing a permis d’appréhender
les diverses consommations des générations et de comprendre l’influence intergénérationnelle
sur la consommation. Les recherches marketing se sont intéressées aux transmissions
familiales qui s’observent massivement à l’âge adulte et traduit des transferts de préférences,
de compétences et de pratiques de consommation (Ladwein et al, 2007). La transmission
familiale aurait pour principal rôle d’instaurer et de renforcer les liens au sein d’une même
famille. Cette transmission raconte alors une histoire avec une identité propre à cette famille
mais aussi en contribuant à constituer une identité individuelle à chaque membre de la famille.
Plusieurs marques conscientes de l’influence intergénérationnelle ont adopté un
positionnement suggérant l’intemporalité, la nostalgie et les liens affectifs. Il s’agit par
exemple de marques de produits alimentaires comme Kinder, Nutella, Evian, werther original
caramel, qui n’hésitent pas dans leurs stratégies publicitaires à mettre en avant les connexions
au passé et le partage avec les enfants et les petits enfants. Dans le contexte tunisien la marque
de biscuit Chocotom ou encore Saida et l’huile Nejma s’inscrivent dans les codes de la
transmission familiale.
L’influence intergénérationnelle dans la dyade mère/fille a fait l’objet de certaines recherches
marketing dans le contexte des vêtements (Decoopman et al., 2010 ; Dano et al., 2005), celui
des produits de luxe (Limerat et Roux, 2014), des produits de soin et d’entretien (Ladwein et
al., 2009) et des recettes de grands-mères (Kessous et Chalamon, 2014). Dans une étude plus
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générale, Moore et al., (2002) se sont penchés sur la transmission des croyances et attitudes
entre mère et fille.
Si dans le cas des produits de luxe, la transmission est véhiculée à travers les représentations
de l’objet comme la typicalité que représente la marque (Limerat et Roux, 2014), dans la
passation des remèdes de grand-mères, l’intérêt de la transmission se retrouve dans le besoin
de générativité pour les mères (en tant que donneur) et dans la consommation responsable
pour les filles (en tant que receveur) (Kessous et Chalamon, 2014).
Générativité et transmission
Transmettre un bijou, un foulard Hermès, le goût de la musique classique, un remède de
grand-mère ou encore des astuces de cuisine constitue une forme de maintien de l’histoire de
la famille et la constitution d’un héritage que Ladwein et al., (2009) qualifient de capital
transgénérationnel. Il est définit comme : « sur la base d’un actif intangible et durable qui
intègre les règles d’un « savoir consommer » familial capitalisé au fil du temps et transmis
entre les générations ».
La transmission représente dans cette perspective le don spontané et symbolique d’un bien
(tangible ou intangible) d’un individu à un autre (Bergadàa, 2006). Ce don peut être assimilé
à un cadeau dans le sens de Belk (1979) qui traduit « « un bien ou un service, incluant le
temps, les activités et les idées du donneur. Ils sont volontairement fournis à un individu ou à
un groupe sous une forme quelconque de rituel » (Belk, 1979 cité par LaCroix, 2012). Les
receveurs sont ainsi considérés comme les « gardiens » de ces biens et rituels acquis et qu’ils
veulent perdurer dans le temps car « […] prendre soin de biens précieux est une façon de
s’engager auprès des membres plus jeunes de la famille, d’exprimer son amour et de passer
des legs personnels et familiaux. » (Price, Arnould et Curasi 2000).
Transmettre aux générations futures est perçus par les aînés comme un devoir et une forme
d’extension de soi. La théorie de la générativité (Kotre, 1984) permet d’expliquer le désir de
chacun de laisser sa propre empreinte dans le futur. La générativité traduit « le désir d’une
personne de s’investir dans des activités – de vie ou de travail – qui lui survivront » (Kotre,
1984).
La générativité c’est aussi prendre soin des générations futures en leur transmettant toutes
sortes de savoirs et de biens. Elle manifeste donc un « désir de transcendance de soi »
(Kaufman, 1986 cité par Guiot, 2006) ou une « immortalité symbolique » (Kotre, 1984).
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Ainsi, tout comportement génératif serait donc une forme de réconfort par rapport à l’anxiété
face à la mort (Urien, 2003). La générativité agirait alors comme mécanisme adaptatif en
permettant à ce soi-même de vivre éternellement.
Dans leur recherche Kessous et Chalamon (2014) confirment la place de la générativité dans
la transmission en soulignant que la transmission des remèdes de grand-mères est considérée
par les mères comme un moyen « d’être toujours présentes » et une manière de veiller au
« bien être de leur progéniture ». Dans une étude menée par le Centre de Recherche pour
l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie en France (Crédoc, 2004) sur les transmissions
culinaires, les résultats montrent que plus que les recettes de cuisines ou les gestes ce sont les
valeurs alimentaires qui constituent le noyau de la transmission, « ce qui est transmis ce sont
beaucoup plus des valeurs et des représentations que des savoir-faire techniques » (Loisel et
Couvreur, Crédoc, 2004).
A notre connaissance, aucune recherche académique n’a été réalisée sur la transmission
culinaire. Par ailleurs, le caractère évolutif et culturel des transmissions intergénérationnelles
appelle à étudier les modes de transmissions dans différents contextes culturels et sur
plusieurs catégories de biens tangibles et intangibles. C’est dans ce cadre, que nous exposons
dans ce qui suit l’étude qualitative retraçant les modalités de la transmission culinaire dans la
dyade mère-fille.
Méthodologie de la recherche qualitative
Afin de mieux appréhender le système de transmission des pratiques culinaires entre les
membres de la dyade mère/fille, nous avons décidé d’adopter une approche exploratoire.
Deux approches de collecte de données ont été adoptées. La première consiste à mener des
entretiens individuels semi-structurés auprès des mères et ensuite auprès des filles. Les
techniques projectives avec des compléments de phrase et des exercices de création à savoir le
collage ont été également utilisées.
Sélection des dyades mères/filles
Les dyades mères/filles ont été sélectionnées par un processus de boule de neige formant un
échantillon total de 16 personnes regroupant 8 mères et 8 filles (annexe 1). Nous avons veillé
à choisir des familles ayant diverses situations socioprofessionnelles. L’échantillon des mères
regroupe des dames âgées de 47 à 97 ans. Celui des filles englobe des femmes de 20 à 47 ans.
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Il est essentiel de noter que certaines mères jouent également le rôle des filles dans cette
recherche.
Design de la recherche
Dans le cadre de cette recherche, les entretiens ont été réalisés et enregistrés avec l’accord des
participants dans leur domicile. Les mères et leurs filles ont été interrogées séparément mais
durant la même journée afin d’éviter les biais de rationalisation. Les entretiens ont duré en
moyenne 45 minutes.
Un guide d’entretien a été préalablement établi et avait servi comme support lors des
entretiens effectués. Le guide d’entretien s’articule autour de 4 thèmes :
- Les pratiques et les objets culinaires transmis d’une génération à une autre
- La signification de chaque transmission (histoire, symboles, rites…)
- Modes de transmission
- Avantages recherchés lors du processus de transmission.
Pour l’échantillon des mères nous avons privilégié la méthode des compléments de phrases
qui permet de projeter leurs pensées en toute spontanéité. Pour les filles une activité de
collage a été proposée pour s’exprimer par rapport aux objets et aux pratiques culinaires
transmises. Pour ce faire, nous avons munis nos jeunes répondantes de papiers, magazines,
ciseaux, crayons en indiquant qu’elles pouvaient rajouter leurs propres objets. Les sujets
étaient amenés à dessiner également les objets transmis ou encore les pratiques et les astuces
culinaires apprises. Elles étaient, par la suite, amenées à commenter leurs créations.
Analyse des données
Les données sont retranscrites fidèlement et sans interprétation sur Word. Elles sont ensuite
analysées manuellement à travers une analyse thématique permettant de retrouver les
pratiques transmises par les mères et leur utilisation par leurs filles. Une analyse lexicale a été
effectuée pour identifier la nature des transmissions culinaires tangibles et intangibles et leurs
occurrences.
Analyse du discours mère/fille sur la transmission culinaire
Les deux « générations » s’accordent très majoritairement pour dire qu’il y a bien eu une
transmission des pratiques culinaires. La transmission culinaire se fait, pour l’ensemble de
l’échantillon interrogé, principalement à travers la mère. Certaines mères et filles ont
8
également mis l’accent sur le rôle joué par la belle-mère et la grand-mère dans l’apprentissage
de la cuisine et la découverte de nouveaux plats ou modes de cuisson. Le récit des dyades
mères/filles met en exergue (1) les éléments tangibles et intangibles transmis, (2) les
représentations de la transmission culinaire, (3) les modes de transmission et (4) les avantages
de la transmission.
Qu’est ce qui se transmet de mère en fille en matière de cuisine ?
Nous avons constaté que les mères font don à leurs filles de livres de cuisine, livres qu’elles-
mêmes, généralement avaient obtenus de leurs mères. Le livre culte Tunisien « ommik
sannefa » a été souvent évoqué dans les discours des mères en soulignant la nécessité d’avoir
ce livre de recettes dans leurs cuisines (31,2% des réponses). Ce verbatim illustre ces propos :
« ommik sannefa est un livre sacré dans notre famille…toutes les cousines à ma mère ont en
une copie à la cuisine et les donnent après à leurs filles… je les feuilletais une fois il n’est pas
assez mal il apprend à préparer beaucoup de plats traditionnels comme « markit loubia »
… » (n°8, fille). Mais ce qui se transmet le plus ce sont les recettes familiales manuscrites sur
des bouts de papiers ou des cahiers jaunis par le temps (56,2%). Les filles parlent alors de
recettes qu’elles auraient prises de leurs mères mais surtout de leurs grand-mères, voire arrière
grand-mères : « « il faut dire que ce qu’on mange à la maison est surtout initié par mon
arrière-grand-mère, qui à ce jour, souffle encore des astuces et des recettes à ma mère qui les
notent dans son carnet » (n°7, fille) ; «les recettes de cuisine sont précieuses dans notre
famille et on les partage de génération en génération » (n°2, mère).
Les produits utilisés dans les préparations culinaires ou les épices sont également transmises
aux filles par leurs mères (37,5%). Les produits et marques utilisés par les mères sont alors
adoptés par leurs filles, en particulier lorsque ces dernières forment récemment leur propre
foyer et commencent à cuisiner seules : « je fais les courses aujourd’hui au supermarché en
me souvenant très bien de ce que maman utilise… parfois je lui téléphone si j’oublie » (n°5,
fille). Les mères semblent également soucieuses de ce que leurs filles cuisinent et veillent à
leur fournir les ingrédients et les épices qui garantissent une bonne cuisine : « « quand
j’achète mes épices chez mon épicier, j’en achète aussi pour ma fille, un peu de coriandre, de
curcuma « d’hrouss »… c’est fait maison » (n° 5, mère).
Certains ustensiles de cuisines sont transmis de génération en génération. Nous notons
toutefois, une rupture avec les modèles traditionnels. Si les mères évoquaient les marmites en
cuivre héritées ou offertes par leurs mères, les filles semblent préférer les ustensiles plus
9
modernes et moins contraignants (en termes d’entretien, de place, etc.). Toutefois, même les
mères ont tendance à parler des ustensiles transmis avec plus de nostalgie en avouant le choix
de la « commodité » : « J’utilise souvent les casseroles en inox, c’est plus commode, c’est
vrai ! Mais rien ne remplace un bon « Mosli » cuit dans la marmite en cuivre de ma mère »
(n°3, mère). Les mères veulent aussi à travers la transmission d’ustensiles de cuisine perpétrer
une rituel familial où les ménagères, service de table et nappes de valeurs passent de mère en
fille.
Les mères transmettent surtout des contenus intangibles à leurs filles. Ces contenus peuvent
être sous forme de valeurs acquises dans leurs petites enfances et qu’elles tiennent à
transmettre à leurs filles « je tiens à ce que ma fille apprenne la cuisine familiale en
respectant les règles de cuisson, l’art de mettre la table.. » (n°5, mère). La passion pour la
cuisine est souvent citée comme « héritage familial » que les mères transfèrent à leurs filles
d’une génération à une autre, un héritage du « bien manger » qui traduit le « fait maison » de
nombreux foyers Tunisiens (25%). Le rôle de la femme serait alors de préparer des plats aussi
variés que possible pour satisfaire à bien les besoins de sa famille « depuis mon jeune âge, ma
mère nous a habitué à manger à la maison… je ne vois pas l’utilité d’aller manger à
l’extérieur si on a envie d’une pizza on se la fait toute seule c’est plus sain » (n°7, mère). Cet
héritage exclut très souvent, dans le discours des mères, le rôle du père dans la cuisine : « un
homme de la cuisine ? Non excusez-moi, j’ai toujours grandi avec un modèle maternel
occupant la cuisine… je n’ai jamais vu mon père préparer quoique ce soit et de toute façon,
les hommes ne sont pas de bons cuisiniers je les vois à la télévision mais je ne les suis pas »
(n°2, mère). Uniquement deux couples mères/filles ont évoqué la présence du père dans la
cuisine et sa participation active dans la préparation culinaire.
Ainsi, la transmission porte sur des valeurs et des représentations et des savoir-faire
techniques. Les tours de main, l’organisation de toute la cuisson, l’usage de certains
ustensiles, comment rattraper un plat qu’on aurait pu rater… les gestes techniques viendraient
alors faciliter la tâche culinaire pour les filles.
On remarque alors une forte attention prêtée à la transmission des modes d’organisation
attachés aux tâches culinaires (56,2% des réponses). En effet, « faire la cuisine » est perçu
comme une activité qui nécessite une programmation des actes, une gestion du temps, que ce
soit :
10
- « avant la préparation » traduit par le choix du menu à concocter, les courses à
effectuer et les ustensiles à utiliser
- « pendant » qui nécessite la préparation concrète du repas et qui englobe la cuisson,
l’utilisation minutieuse de certains ingrédients et épices…
- « après » comme le rangement de la cuisine, la vaisselle….
Les mères transmettent également certains rituels et habitudes de consommation à leurs filles
(62.5%). Ainsi, on s’aperçoit souvent du phénomène du « couscous du dimanche », une
habitude culinaire vivement répandue dans le discours des dyades mères/filles. Le couscous,
un plat qui réunit les familles autour d’une grande table où elles discutent des événements de
la semaine passée. « ma mère prépare le couscous tous les dimanches depuis mon enfance, je
pense qu’elle a pris ça de sa mère du coup moi aussi je le cuisine tous les dimanches chez
moi » (n°8, fille). Plusieurs sont les foyers qui préparent le couscous pour diverses occasions :
fêtes, mariages, décès… Certaines habitudes de préparation sont transmises semblable à ce
rituel et qui sont également reliées à la culture tunisienne telles que le Zrir pour les naissances,
l’Assida pour le Mouled…
Vers une transmission culinaire horizontale
La transmission semble plus s’opérer via un mécanisme vertical où la mère est l’initiatrice.
Toutefois, avec la multiplication des sites web, des blogs, des pages de réseaux sociaux et des
vidéos Youtube culinaires, les filles acquièrent un apprentissage de nouvelles recettes,
d’astuces, d’étapes de préparations et de règles de cuisson qu’elles transmettent à leur tour à
leurs mères (50%). « Ma fille K. m’a appris à utiliser Facebook et je consulte
quotidiennement des pages pour la déco, la cuisine… […] le groupe « on a mangé pour vous
des plats qu’on a amoureusement préparés à la maison » m’aide beaucoup à avoir de
nouvelles recettes » (n°7, mère). Les filles initient leurs mères à utiliser le réseau social
Facebook ou Youtube pour consulter les pages et vidéos de cuisine « j’ai offert à ma mère une
tablette pour son anniversaire, elle a créé son compte Facebook et on s’échange des liens de
recettes » (n°2 fille). Ces outils permettent aux mères de mettre à jour leurs connaissances en
matière de pratique culinaire et de découvrir de nouvelles recettes.
Que signifie faire la cuisine pour les mères et leurs filles ?
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Le récit des dyades mères/filles met en exergue les représentations liées à la transmission
culinaire qui renvoient à des significations plutôt positives de ce que représente « faire la
cuisine ». Il s’agit avant tout de conserver les valeurs traditionnelles qui se transmettent de
mère en fille. Les termes « traditionnel » (75% des réponses) ou encore « fait maison »
(43,75%) avaient souvent été recueillis dans les discours des mères et des filles. Ce que nous
apprennent nos mères sont des pratiques culinaires purement issues de la tradition relié à notre
culture. En effet, il est rare d’observer le cas d’une mère apprenant à sa famille une cuisine
différente de son héritage : « la cuisine française à base de sauces blanches je l’ai apprise
toute seule ma mère n’aime pas ce genre de cuisine mais elle est plutôt curieuse elle veut
connaitre les ingrédients la manière de préparer… » (n°5, fille). Même si une restauration
très diversifiée et diffuse représente aujourd’hui une alternative à la cuisine « faite maison »,
en particulier avec les possibilités de livraison à domicile, les jeunes filles sont encore
sensibles à la cuisine populaire préparée à la maison : « quand c’est fait maison c’est milles
fois mieux » (n°10, mère), « moi j’aime bien déjeuner chez moi car c’est du fait maison,
l’odeur des pâtes de ma mère m’envoute à chaque fois » (n°5, fille).
Faire la cuisine à la maison renvoie aussi à une alimentation plus saine (18,7%) : « « depuis
mon jeune âge, ma mère nous a habitué à manger à la maison… je ne vois pas l’utilité d’aller
manger à l’extérieur si on a envie d’une pizza on se la fait toute seule c’est plus sain » n°7
(mère)
Néanmoins, les deux générations ont du mal à s’accorder sur l’obligation d’apprendre à
cuisiner. En effet, tandis que les mères voient la cuisine comme une nécessité, une obligation
pour toute jeune fille, la génération des filles, méprisent ce devoir et le voient plutôt comme
une sorte de loisir, une façon de développer leur créativité et de faire plaisir à leur entourage.
On remarque alors un passage de la « cuisine fardeau et corvée quotidienne » à la « cuisine
loisir et passe-temps » : « j’aime bien cuisiner, mais pas tous les jours ! (rires) parfois je
n’ai vraiment pas envie de le faire » (n°4, fille) ; « quand j’étais jeune fille je n’étais pas
vraiment intéressée par la cuisine, j’ai appris après mon mariage, juste pour faire plaisir à
mon mari et mes enfants » (n°1, fille)
L’alimentation est alors modernisée et s’ajoute une dimension sociale sous forme de
convivialité. Ainsi, les pratiques culinaires sont alors en rapport avec d’une part
« l’alimentation » et d’autre part « un rapport aux autres ».
12
Cette envie de convivialité est également citée par certaines mère : « Cuisiner est important
pour une jeune fille qui se prépare à se marier elle doit apprendre à cuisiner pour ‘répondre
aux besoins de son mari j’ai toujours adoré la cuisine parce qu’elle regroupe les membres
d’une famille autour d’une table et partager des moments agréables si ma mère ne m’avait
pas appris comment j’aurai alors fait ? » (n°5, mère)
Comment se transmettent les pratiques culinaires de mère en fille
La transmission s’opère à travers deux principaux mécanismes : l’observation et l’initiation.
L’observation, consiste pour la fille à regarder, interpréter, mémoriser la manière de faire et
les gestes de sa mère dans les pratiques culinaires afin de les reproduire. Le second,
l’initiation consiste à inviter la fille à participer activement à la réalisation d’un plat
déterminé. Cela peut consister à faire les courses et choisir les ingrédients, à repérer les bons
ustensiles et apprendre le vocabulaire de la cuisine, à associer les saveurs et les épices, etc.
« c’est surtout pendant le mois de Ramadan que j’aide maman à la cuisine, alors elle me
demande d’ajouter deux petites cuillères de harissa à la soupe de bien ficeler le persil avec
un fil noir avant de le mettre dans l’eau, … » (n° 2, fille). « Avec ma mère on prépare chaque
dimanche le déjeuner ensemble, elle me contrôle… elle m’apprend et me regarde faire et
après elle me dit de ne pas faire ça, de ne pas faire ci, c’est comme ça que tu dois faire
(sourire) » (n°6, fille)
Les entretiens individuels ont mis clairement en évidence l’observation comme moyen
d’implication dans les pratiques culinaires. Ainsi, les filles, et dès leurs jeunes âges, observent
leurs mères faire la cuisine et c’est ensuite qu’elles participent de manière plus active. De ce
fait, les filles acquièrent progressivement une certaine autonomie : « j’observais beaucoup ma
mère quand elle nous préparait le diner » (n°1, mère) ; « je fais énormément attention à ce
que maman prépare » (n°5, fille).
La cuisine constitue un lieu de discussion, de confidences et un espace de convivialité dans
lequel les filles s’installent pour observer leurs mères ou pour discuter en toute intimité. Nous
apercevons au fil des entretiens de l’existence d’une certaine complicité entre les dyades. La
cuisine devient alors un lieu purement féminin où les deux parties échangent leurs petits
secrets, se confient l’une à l’autre.
Si pour certaines dyades, la transmission peut être voulue et réalisée consciemment soit à la
demande de la mère ou de certaines jeunes filles passionnées par la cuisine. Pour une
13
minorité, ce mécanisme est moins palpable, certaines filles ne se rappellent pas avoir eu un
apprentissage des pratiques culinaires : « La cuisine c’était ma mère, comme elle est à la
maison, c’est son domaine, moi la cuisine, c’est pour manger, c’est tout, (rires) » (n°10, fille).
La transmission : une histoire de famille, une identité.
Cuisiner représente pour les dyades interrogées une expérience gustative, une sorte d’aventure
pendant laquelle elles peuvent partager des moments de bonheur. Les mères transmettent alors
à leurs filles certaines habitudes de cuisson, des plats préparés fréquemment tels quel le
couscous qui est citée par la majorité des dyades ou d’autres plats issus de la tradition
tunisienne (sauces diverses, riz Djerbien, salade tunisienne, kafteji…).
La cuisine Tunisienne prône alors tous les discours des dyades ; le patrimoine culinaire est
traditionnellement transmis d’une mère à sa fille pour renforcer les liens et permettre à cet
héritage de survivre au fil du temps.
Les pratiques culinaires traduisent une « histoire de famille » (87,5%) permettant de resserrer
les liens familiaux, de rapprocher une mère de sa fille et de partager des secrets de famille.
Une identité se construit alors permettant de distinguer une famille d’une autre, une
génération d’une autre : « ma famille est beaucoup connue pour les générations de
sannaffét !! On est réputé pour nos kaak au géranium, nos biscuits à la fleur d’oranger et la
baklawa » (n°3, fille). La transmission devient alors une forme de devoir sacré pour assurer la
continuité: « la cuisine dans notre famille on la transmet d’une génération à une autre » (n°3,
mère)
Les moments passés en cuisine ne reflètent plus désormais la tâche culinaire en elle-même
mais plutôt des moments de plaisir et de partage entre une mère et sa fille. Entre le travail, les
études et autres engagements, les dyades trouvent quand même le temps d’effectuer des
activités qui les rapprochent les unes des autres. On assiste alors à des scènes de co-créations
culinaires et la cuisine devient alors une partie de plaisir où les filles chuchotent leurs secrets
à leurs mères et où ces dernières prennent le temps de transmettre un nombre important de
valeurs et d’habitudes culinaires : « « et puis surtout quand on est dans la cuisine on partage
beaucoup d’expériences, de essaye de nouvelles recettes, on improvise parfois et c’est drôle »
(n°7, fille)
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La transmission pour défier le temps
Le processus de transmission des pratiques culinaires répond aux tendances génératives des
mamans (56,25% des réponses). Elles tiennent à expliquer que la transmission des tâches
culinaires resterait graver dans l’esprit de leurs filles et des générations futures même après
leur mort, cela permettra d’être toujours présentes d’une certaine manière et de ne pas être
oubliées « le zest de citron dans la crème pâtissière, je tiens ça de ma mère, que dieu préserve
son âme, ma fille m’a vu faire et maintenant elle le fait elle aussi » (n°5, mère)
Dans la même veine, les éléments, qu’ils soient tangibles ou intangibles, transmis d’une mère
à sa fille reflètent les compétences et les réussites des mères dans l’éducation de leurs filles
(18,75%) « ma fille c’est comme moi, elle réussit très bien ses plats, tout le monde nous dit
ça » (n°2, mère).
La transmission permet aussi de retrouver des souvenirs d’enfance (31,25%), des odeurs et
des goûts gravés dans la mémoire. Dans ces discours la grand-mère est un personnage qui
marque l’histoire culinaire de la famille : « je me souviens encore de nos après-midi chez ma
grand-mère, elle nous apprenait à faire le couscous » (n°3, fille) ; « à chaque fois que je
prépare le gâteau marbré et que l’odeur sort du four je me rappelle ma mère qui nous
préparait ça quand on vient la voir » (n°6, mère)
Tableau 1 : récapitulatif de la transmission des pratiques culinaires
Nature des pratiques transmises Eléments tangibles :
Livres de cuisine, recettes de cuisine,
ustensiles de cuisine, produits à utiliser lors
des préparations culinaires, les épices.
Eléments intangibles :
Astuces de cuisson, importance de la cuisine
et de l’organisation, la cuisine « un héritage
familial », les règles d’hygiène, le temps
consacré à la cuisine, les blogs, sites web,
pages Facebook, émissions de TV, les
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habitudes, occasions et rituels.
Mode de transmission Observation : participation passive dans les
pratiques culinaires
Initiation : participation active dans les
pratiques culinaires
Avantages perçus de la transmission
Avantages socio-affectifs :
-plaisir d’apprendre
-passer du temps avec sa mère/ sa fille
Extension de soi et générativité :
Souvenir d’enfance, extension de soi dans le
futur
Conclusion
Cette recherche s’est penchée sur le phénomène de transmission intergénérationnelle dans la
pratique culinaire dans la dyade mère/fille. Les résultats viennent compléter les recherches
précédentes sur la transmission en mettant en exergue les types, les modes, les représentations
et les avantages de la transmission dans les pratiques culinaires. La pratique culinaire se
distingue comme une des tâches domestiques les plus transmises entre mère et fille au sein du
foyer familial (Garabuau-Moussaoui, 2002). Nombreux sont les foyers Tunisiens où
s’organisent et prônent les activités domestiques généralement effectuées par la mère de la
famille. On peut alors citer certaines pratiques telles que le ménage, les courses etc… Ainsi, et
comme l’avaient souligné Ladwein et al (2007), les activités domestiques « mobilisent
l’ensemble des générations présentes et construisent des habitudes de consommation qui sont
propres au foyer. La fonction domestique étant associée au rôle maternel, il ressort que dans
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le rapport mère-fille, les pratiques de consommation transmises sont, pour une grande part,
ces activités domestiques ».
Comme l’ont suggéré les travaux de Ladwein et al., (2009), le processus de transmission des
pratiques de consommation commence durant l’enfance, selon deux mécanismes
d’apprentissage : l’observation et l’initiation. Cette transmission peut être également
consciente ou inconsciente (Guillemot, 2006). Elle apparaît plus consciente dans le cas où
savoir cuisiner est perçu par la mère comme une partie de l’éducation de sa fille. Dans
d’autres cas, notamment pour les mères peu impliquées dans la pratique culinaire, la
transmission s’opère inconsciemment à travers l’observation des gestes et des rituels. Nous
retrouvons comme dans la recherche de Kessous et Chalamon, (2014) qu’à travers la
transmission les mères assurent une extension de soi dans le futur, une forme de générativité.
Elle traduit la nécessité de préserver les coutumes et les traditions familiales avec un désir
profond pour l’affiliation et l’unicité de l’identité familiale (LaCroix, 2012). Cette recherche
nous apprend que la transmission est principalement verticale, de la mère vers la fille. Mais on
assiste à une transmission de plus en plus horizontale où les filles interviennent dans
l’apprentissage culinaire de leurs mères à travers l’initiation à une cuisine 2.0.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser sur le rapport des nouvelles générations à la cuisine,
la transmission culinaire n’est pas en rupture. L’intérêt porté à la cuisine d’antan et l’art
culinaire est devenu même un loisir. Plusieurs entreprises pourraient proposer une offre qui
répond aux besoins de générativité des mères et leur désirs d’être en connexion avec un passé
nostalgique tout en répondant au besoin de modernité recherché par les filles. Il s’agit alors
d’offrir dans des points de vente spécialisés des ustensiles de cuisine en terre cuite, en cuivre
ou en bois avec un design moderne et un usage pratique afin de séduire les mères et leurs
filles. Afin d’assurer la transmission de recettes traditionnelles liés aux rites et festivités, les
entreprises pourraient proposer des produits semis préparés. Certaines marques qui proposent
des graines de sésame moulu ou une préparation de la crème des graines de pin d’Alep
(Zgougou) entrent de plus en plus dans les habitudes d’achat des ménagères. Pour les
nouvelles générations, l’ouverture vers les cuisines d’ailleurs et le recours à la mixtion
culinaire ouvre les portes aux épiceries fines offrant des ingrédients venus des quatre coins du
monde. Par ailleurs, certaines marques qui souhaitent se positionner comme
transgénérationnelles, devraient utiliser les représentations positives liées à la nostalgie, à
l’héritage familial, au plaisir du partage et à la convivialité.
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Cette recherche comporte certaines limites. Notre étude s’est focalisée uniquement sur les
dyades mères/filles ce qui limite la compréhension des transmissions non linéaires comme
entre tantes/filles ou belles-mères/filles et omet la présence du père ou du conjoint dans ce
processus de transmission. L’échantillon interrogé appartient au grand Tunis et à une
catégorie sociale moyenne et élevé qui risque d’entacher la validité externe des résultats.
Plusieurs pistes de recherche pourraient être proposées. Il s’agit d’abord d’étudier le rôle des
émissions culinaires, des sites web et contenus générés par les utilisateurs dans la
transmission culinaire. Contribuent-ils à valoriser les pratiques culinaires chez les jeunes
générations ? Quel est leur effet sur les pratiques culinaires des femmes plus âgées ? D’autres
études qualitatives pourraient s’intéresser à l’initiation des hommes aux pratiques culinaires,
comment prennent –ils goût à la cuisine et quelle symbolique attache-t-il à cette tâche
domestique généralement réservée aux femmes ? Des recherches quantitatives sur le sujet de
la transmission culinaire pourraient distinguer les modes de transmission et leurs
représentations à travers plusieurs régions et générations.
Références
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18
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Annexe1 : liste des participants
Individu Age Profession
Mme M. (mère n°1) 54 ans Femme au foyer
Yosra (flle n°1) 24 ans Etudiante
Mme R. (mère n°2) 70 ans Retraitée (cadre dans une
banque)
Yosra (fille n°2) 47 ans Femme au foyer
Mme B.G. (mère n°3) 50 ans enseignante
Yasmine (fille n°3) 24 ans Cadre dans une entreprise
Mme M. (mère n°4) 77 ans Retraitée (administration)
Safa (fille n°4) 29 ans pharmacienne
Mme C. (mère n°5) 52 ans Employée
Nour (fille n°5) 24 ans Etudiante
Mme B. (mère n°6) 47 ans Chef d’entreprise
Khaoula (fille n°6) 20 ans Etudiante
Mme B. M. (mère n°7) 97 ans Femme au foyer
Raoudha (fille n°7) 70 ans Retraitée (couturière)
Mme N. (mère n°8) 60 ans Retraitée (employée télécom)
Radhia (fille n°8) 23 ans Etudiante
Annexe 2 : exemple de collage
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Annexe 3 : exemple de phrase à compléter
Si je devais choisir un objet de ma cuisine à donner à ma fille, ca serait….
Donner à ma fille cet objet, signifie….
Apprendre à cuisiner à ma fille signifie…..
Annexe 4 :Contenu des thèmes du guide d’entretien :
Thèmes Exemples de questions
Thème 1 : Les pratiques culinaires dans la famille
Pouvez vous me parler de vos habitudes
alimentaires dans la famille ?
Que mangez vous d’habitude, et est ce le
plus souvent à la maison ou dehors ?
Qui fais la cuisine (à part vous) et qui
décide quoi manger ?
Pouvez vous dire que la cuisine est
importante pour vous, comment ?
Thème 2 : Les représentations des pratiques culinaires
Est ce que vous êtes intéressée par la cuisine ?
parlez moi de cet intérêt pour la cuisine,
pourquoi, depuis quand ?
Faites vous attention à ce que vous
mangez, quoi en particulier ?
Achetez vous des livres de recettes,
consultez vous des sites ou blogs de
cuisine, discutez vous de cuisine avec
votre entourage ?
Qu’évoque pour vous la cuisine traditionnelle
tunisienne ?
Est ce important de connaître le patrimoine culinaire tunisien ? pourquoi ?
Pour la décrire en quelques mots vous diriez quoi ?
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Pouvez vous compléter ces phrases : Manger un plat traditionnel tunisien
c’est… Cuisinez un plat traditionnel tunisien
c’est…
Thème 3 : La transmission des pratiques culinaires
Pouvez vous me racontez comment avez vous
appris à cuisiner ? (dans les différentes
tranches et cycles de vie : enfance/
adolescence/ jeune fille/ mariée sans enfants/
mariée avec enfants)
Quelle est votre source d’inspiration
pour faire la cuisine ?
A qui devez vous ce que vous savez
actuellement en matière de cuisine ?
Pouvez vous nous parler du role joué par
votre mère dans cet apprentissage de la
cuisine ?
Quelles connaissances votre mère vous
a t elle transmis ?
Comment cette transmission s’est
faite ?
Thème 4 : La reproduction du schéma de la transmission
Transmettez vous ce que vous avez appris dans
votre famille en matière de cuisine à d’autres
personnes de votre entourage ?
Que voudriez vous transmettre à vos
enfants en matière de cuisine ?
Essayez vous d’apprendre de nouvelles
recettes ? comment ?
Pour les filles seulement ayant des enfants
Faites vous la cuisine avec vos enfants ? A quelles occasions ? à quelle
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fréquence ? Comment ca se passe dans la cuisine ?
Pour les mères seulement
Comment ca se passe avec votre fille en cuisine ?
Avez vous le sentiment qu’elle a beaucoup appris de vous ?
Qu’auriez vous aimer lui transmettre de plus ?
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