43
MALONE v. THE UNITED KINGDOM JUGDMENT COUR (CHAMBRE) AFFAIRE BOZANO c. FRANCE (Requête n o 9990/82) ARRÊT STRASBOURG 18 décembre 1986 0

Affaire Bozano c. France

Embed Size (px)

DESCRIPTION

bozano france

Citation preview

ECHR

5ARRT BOZANO c. FRANCE

5ARRT BOZANO c. FRANCE

COUR (CHAMBRE)

AFFAIRE BOZANO c. FRANCE

(Requte no 9990/82)

ARRT

STRASBOURG

5MALONE v. THE UNITED KINGDOM JUGDMENT

18 dcembre 1986

En laffaire Bozano[footnoteRef:1], [1: Note du greffier: L'affaire porte le n 5/1985/91/138. Les deux premiers chiffres dsignent son rang dans l'anne d'introduction, les deux derniers sa place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requtes initiales ( la Commission) correspondantes.]

La Cour europenne des Droits de lHomme, constitue, conformment larticle 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de lHomme et des Liberts fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son rglement, en une chambre compose des juges dont le nom suit:MM. R. Ryssdal, prsident,J. Cremona,J. Pinheiro Farinha,L.-E. Pettiti,Sir Vincent Evans,MM. C. Russo,J. Gersing,ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil les 28 juin et 2 dcembre 1986,Rend larrt que voici, adopt cette dernire date:PROCEDURE1. Laffaire a t dfre la Cour par la Commission europenne des Droits de lHomme ("la Commission") le 14 mars 1985, dans le dlai de trois mois ouvert par les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requte (no 9990/82) dirige contre la Rpublique franaise et dont un ressortissant italien, M. Lorenzo Bozano, avait saisi la Commission le 30 mars 1982.2. La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu la dclaration franaise de reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet dobtenir une dcision sur le point de savoir si les faits de la cause rvlent, de la part de ltat dfendeur, un manquement aux obligations qui dcoulent de larticle 5 par. 1 (art. 5-1).3. En rponse linvitation prescrite larticle 33 par. 3 d) du rglement, M. Bozano a exprim le dsir de participer linstance pendante devant la Cour et a dsign son conseil (article 30). Quant lui, le gouvernement italien, avis par le greffier de la possibilit dintervenir dans la procdure (articles 48, alina b) (art. 48-b), de la Convention et 33 par. 3 b) du rglement), na pas manifest lintention de sen prvaloir.4. La chambre de sept juges constituer comprenait de plein droit M. L.-E. Pettiti, juge lu de nationalit franaise (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. G. Wiarda, prsident de la Cour (article 21 par. 3 b) du rglement). Le 27 mars 1985, celui-ci en a dsign par tirage au sort les cinq autres membres, savoir M. W. Ganshof van der Meersch, M. J. Pinheiro-Farinha, Sir Vincent Evans, M. C. Russo et M. J. Gersing, en prsence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du rglement) (art. 43).5. Par une lettre du 31 mai 1985 dont il a communiqu au greffier une copie, lagent du gouvernement franais ("le Gouvernement") a propos au conseil du requrant la recherche dun rglement amiable. Au dbut de novembre 1985, ledit conseil puis le ministre des Relations extrieures de la Rpublique franaise ont inform le greffier de lchec des ngociations quils avaient menes cette fin.6. M. Wiarda avait assum la prsidence de la chambre en vertu de larticle 21 par. 5 du rglement, mais il la cde ensuite M. R. Ryssdal, lu entre temps prsident de la Cour, car son mandat de juge allait expirer le 20 janvier 1986. De son ct, M. Ganshof van der Meersch a t remplac pour la mme raison, compter de lentre en fonctions de son successeur (21 fvrier 1986), par M. J. Cremona, juge supplant (articles 2 par. 3 et 22 par. 1).7. M. Ryssdal a consult par lintermdiaire du greffier lagent du Gouvernement, lavocat du requrant et le dlgu de la Commission au sujet de la ncessit dune procdure crite (article 37 par. 1). Le 10 janvier 1986, il a dcid que les deux premiers auraient chacun jusquau 10 fvrier pour prsenter des mmoires auxquels le troisime pourrait rpondre par crit dans les deux mois.Le mmoire du Gouvernement est arriv le 13 fvrier. Le conseil de M. Bozano a renonc en dposer un, mais il a fait parvenir le 24 mars, avec lautorisation du prsident, les demandes de son client au titre de larticle 50 (art. 50) de la Convention. Quant aux observations crites du dlgu de la Commission, le greffe les a reues le 4 avril.8. Le mme jour, le prsident a fix au 21 avril la date douverture de la procdure orale aprs avoir consult agent du Gouvernement, dlgu de la Commission et avocat du requrant par lintermdiaire du greffier (article 38 du rglement).9. Les dbats se sont drouls en public le jour dit, au Palais des Droits de lHomme Strasbourg. La Cour avait tenu immdiatement auparavant une runion prparatoire.Ont comparu:- pour le GouvernementM. G. Guillaume, directeur des affaires juridiquesau ministre des Affaires trangres, agent et conseil,Mlle C. Chanet etM. R. Abraham, de la direction des affaires juridiquesdu mme ministre, conseillers,M. B. Genevois, directeur des liberts publiques et des affaires juridiques au ministre de lIntrieur, conseil,M. F. Loloum, de la direction des liberts publiques et des affaires juridiques du mme ministre, conseiller;- pour la CommissionM. G. Tenekides, dlgu;- pour le requrantMe D. Cohen,Me J. Vanschoombeek,Me T. Lvy, avocats.La Cour a entendu en leurs dclarations, ainsi quen leurs rponses ses questions, M. Guillaume pour le Gouvernement, M. Tenekides pour la Commission, Mes Cohen et Lvy pour le requrant.10. Les 10 et 21 avril 1986, le Gouvernement, la Commission et le requrant, selon le cas, ont produit plusieurs pices tantt la demande du prsident, tantt spontanment.EN FAIT11. Le requrant, ressortissant italien n en 1945, se trouve actuellement incarcr la maison darrt de Porto Azzurro, dans lle dElbe (Italie).I. LES POURSUITES PNALES EN ITALIE12. Arrt par la police italienne le 9 mai 1971, relch le 12 mais apprhend derechef le 20, il fut accus davoir enlev Gnes, le 6, une adolescente ge de treize ans et de nationalit suisse, Milena Sutter, de lavoir assassine, den avoir dissimul le cadavre et davoir essay dextorquer au pre de la victime, un industriel, une ranon de 50.000.000 lires. On lui reprochait en outre de stre livr des actes obscnes et attentats la pudeur avec violence sur la personne de quatre femmes.13. Le 15 juin 1973, aprs plusieurs mois daudiences marques notamment par laudition de 180 tmoins, la cour dassises de Gnes lui infligea, pour les faits concernant lune des quatre femmes, une peine - couverte par la dtention provisoire - de deux ans et quinze jours de rclusion. Elle lacquitta en revanche des autres crimes, en particulier du rapt de Milena Sutter et de ses suites, au bnfice du doute; il recouvra donc sa libert.14. Le parquet attaqua le jugement - long de 166 pages - devant la cour dassises dappel de Gnes. Les dbats devaient commencer le 20 novembre 1974; il fallut pourtant les ajourner car la dfense rcusa le prsident qui, daprs elle, avait manifest en public sa conviction de la culpabilit de M. Bozano. Ils souvrirent le 18 avril 1975, aprs le rejet de cette demande par la Cour de cassation, mais laccus en sollicita le renvoi: certificat mdical lappui, il allguait quune hospitalisation motive par des coliques nphrtiques lempchait de comparatre. La cour passa outre et le dclara contumax. L-dessus, la dfense introduisit contre le prsident une nouvelle demande en rcusation et, contre la cour dassises dappel, une requte en suspicion lgitime; la Cour de cassation les repoussa le 28 avril. Le procs reprit alors devant la cour dassises dappel qui refusa dentendre certains tmoins dcharge. Estimant ne plus pouvoir remplir leur tche dans de telles conditions, les principaux conseils de lintress y renoncrent et la dfense ne fut plus assure que par un seul avocat, constitu peu de temps auparavant.Le 22 mai 1975, la cour dassises dappel, statuant par contumace, condamna M. Bozano la rclusion vie (ergastolo) pour les crimes concernant Milena Sutter et quatre ans de rclusion pour les autres; elle ne lui reconnut aucune circonstance attnuante.15. Le 25 mars 1976, la Cour de cassation dbouta le requrant du pourvoi form par lui contre cet arrt, sur quoi le parquet gnral de Gnes tablit, le 30, un ordre dincarcration et la police italienne diffusa, le surlendemain, un mandat darrt international.II. LA PROCDURE DEXTRADITION SUIVIE EN FRANCE16. En effet, M. Bozano stait rfugi en France; il sjourna dabord sur la Cte dAzur puis dans le Centre. Au moins aprs quelque temps, il vcut sous lidentit - fausse - de Bruno Bellegati Visconti.17. Le 26 janvier 1979, la gendarmerie franaise lapprhenda au cours dun contrle de routine dans la Creuse. Le mme jour, il fut plac sous crou extraditionnel la prison de Limoges (Haute-Vienne); on lui notifia le titre en vertu duquel avait eu lieu son arrestation, ainsi que les pices produites lappui de la demande dextradition, et le procureur gnral prs la cour dappel linterrogea en application de larticle 13, second alina, de la loi du 10 mars 1927 relative lextradition des trangers ("la loi de 1927"). Le 31 janvier, lItalie rclama officiellement la France son extradition en se prvalant dun trait bilatral du 12 mai 1870.18. Le 15 mai 1979, la chambre daccusation de la cour dappel de Limoges, saisie conformment larticle 14 de la loi de 1927, exprima un avis dfavorable aprs avoir entendu le parquet, les avocats du requrant et ce dernier lui-mme. Elle commena par constater la rgularit de ladite demande au regard de la convention de 1870 et de la loi de 1927, mais estima incompatible avec "les rgles de lordre public franais" la procdure italienne de contumace suivie en lespce par la cour dassises dappel de Gnes car mme en matire criminelle - et non correctionnelle - elle permettait de prononcer "des condamnations excutoires contre un accus nayant pas comparu en personne devant ses juges", "en dehors du dbat accusatoire qui constitue la base de la procdure pnale franaise" et sans mnager aucune possibilit de purge de la contumace.Aux termes de larticle 17 de la loi de 1927, pareil avis ngatif revtait un caractre dfinitif et liait le gouvernement franais qui refusa donc dextrader lintress.III. LES POURSUITES PNALES EN FRANCE19. Celui-ci demeura nanmoins dtenu Limoges car il avait fait lobjet, en France, dune inculpation "descroqueries, contrefaon, falsification, altration de document administratif et usage".Le 24 aot 1979, le juge dinstruction releva que M. Bozano semblait avoir jou un rle dexcution, et non de conception et de direction, dans les escroqueries quon lui reprochait; que les "dtails" quil avait "prfr ne pas rvler" avaient trait "aux conditions du dbut de son sjour" et non aux faits litigieux; quil justifiait "de larges circonstances attnuantes" quant ltablissement de fausses pices didentit; que la manifestation de la vrit nexigeait plus de le dtenir, mais quen raison de sa "situation administrative particulire" il fallait le placer sous contrle judiciaire. En consquence, il ordonna de llargir aprs versement dun cautionnement de 15.000 francs et charge pour lui de respecter diverses obligations.Le parquet appela de cette ordonnance, mais la chambre daccusation la confirma le 19 septembre 1979. Six jours auparavant le magistrat instructeur avait dcid, nonobstant les rquisitions contraires du ministre public, quil ny avait pas lieu de prolonger la dtention provisoire.20. Le requrant recouvra aussitt sa libert. Le 20 septembre, il aurait sollicit une carte de sjour auprs de la prfecture de la Haute-Vienne, o lon naurait pas consenti lui remettre un rcpiss de sa demande. Le Gouvernement souligne que les archives officielles ne renferment aucune trace de celle-ci, mais il nen dment pas lexistence. Au demeurant, lavocat de M. Bozano Limoges crivit au prfet le 27 septembre pour appuyer la dmarche de son client.De son ct, le consulat gnral dItalie Paris stait dclar le 13 juillet 1979, sans donner de raisons, dans limpossibilit "pour le moment de dlivrer" au requrant "un document didentit"; il rpondait ainsi la lettre quun autre conseil de lintress, membre du barreau de Paris, lui avait adresse la veille.21. Le 26 octobre 1979, le juge dinstruction rendit une ordonnance de non-lieu sur linculpation descroquerie, une ordonnance de mainleve du contrle judiciaire et une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Limoges sous la prvention de contrefaon, falsification et altration de document administratif ainsi que dusage de fausses pices didentit (articles 153 et 261 du code pnal).IV. LEXPULSION LITIGIEUSE ET SES SUITES22. Le rcit qui figure aux paragraphes 23, 25 et 26 ci-dessous repose, pour lessentiel, sur les indications et les pices que les dfenseurs de M. Bozano ont fournies la Commission puis la Cour. Le Gouvernement nen conteste pas proprement parler lexactitude, mais il exprime des rserves sur quelques points; il reconnat pourtant navoir "pas de certitude" ou preuve contraires.23. Dans la soire du 26 octobre 1979, vers 20 h 30, trois policiers en civil, dont un au moins arm, interpellrent M. Bozano alors quil rentrait chez lui aprs un entretien avec son avocat de Limoges. Ils lui intimrent lordre de les suivre. Comme il protestait, ils semparrent de lui par la force, lobligrent monter dans une voiture banalise, lui passrent les menottes et le conduisirent dans les locaux de la police judiciaire de Limoges. L, quatre autres hommes arrivs un peu plus tard, et qui disaient venir spcialement de Paris, lui notifirent - sans lui en remettre une copie - un arrt dexpulsion.24. Celui-ci, pris plus dun mois auparavant - le 17 septembre 1979 - par le ministre de lIntrieur sur proposition du prfet de la Haute-Vienne et sign par le directeur de la rglementation, se lisait ainsi:"LE MINISTRE DE LINTERIEUR,Vu larticle 23 de lordonnance du 2 novembre 1945 relative lentre et au sjour des trangers en France,Vu le dcret du 18 mars 1946,Vu les renseignements recueillis sur le nomm Lorenzo BOZANO, n le 3 octobre 1945 GENES (Italie);Considrant que la prsence de ltranger(re) susdsign(e) sur le territoire franais est de nature compromettre lordre public,ARRETE:ARTICLE PREMIER. - Il est enjoint au susnomm de sortir du territoire franais.ART. 2. - Les prfets sont chargs de lexcution du prsent arrt.A Paris, le 17 SEP. 1979"25. Le requrant ne voulut pas signer un procs-verbal aux termes duquel il dclarait se conformer de son plein gr cette dcision. Bien au contraire, il refusa hautement son expulsion et exigea quon le dfrt la commission de recours prvue larticle 25 de lordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions dentre et de sjour en France des trangers.On lui rpondit quil nen tait pas question et quon allait le transporter aussitt en Suisse - et non la frontire la plus proche, celle de lEspagne. De fait, et sans lui enjoindre au pralable de quitter la France pour un pays de son choix ni le laisser avertir son pouse et son conseil, on le contraignit sasseoir entre deux agents, les mains toujours entraves, bord dune BMW banalise. Celle-ci prit vers 22 h la direction de Clermont-Ferrand, prcde dune voiture de police qui ouvrait la route. Elle atteignit la frontire prs dAnnemasse le samedi 27 octobre 1979 au petit matin. Dans un premier temps elle ne put la franchir; elle se rendit alors, aprs un long entretien tlphonique du chef des policiers franais avec les autorits helvtiques, au poste des douanes franaises de Moillesulaz.26. Aprs un nouveau conciliabule au tlphone apparut une Opel banalise immatricule en Suisse. En descendit un policier de cet tat; il passa dautres menottes M. Bozano qui dut sinstaller sur la banquette arrire entre ledit policier et un agent franais. LOpel pntra en Suisse 8 h environ, accompagne par la BMW avec les trois autres agents franais. Les deux vhicules gagnrent le commissariat du boulevard Carl-Vogt, Genve.Le requrant, qui se trouvait dmuni de tout papier didentit, fut inform vers 11 h 45 que lItalie sollicitait son extradition. On lincarcra ensuite titre provisoire la prison de Champ-Dollon; lOffice fdral de la police en avait pri, le jour mme, la police genevoise en lui annonant larrive imminente de la demande par la voie diplomatique.Ds les 14 septembre et 24 octobre 1979, des messages tltyps dInterpol Rome avaient prvenu plusieurs tats, dont la Suisse, que lintress ne tarderait pas tre expuls de France. Les documents fournis ultrieurement par lItalie lappui de sa dmarche portaient la date du 28 octobre 1979, un dimanche.27. En 1976, lItalie avait demand la Suisse, lie elle par la Convention europenne dextradition du 13 dcembre 1957, lextradition du requrant. En consquence, le nom de ce dernier avait t inscrit au "Moniteur suisse de police" du 5 avril 1976 avec la mention "sous mandat darrt extraditionnel".Lintress fut livr aux autorits italiennes le 18 juin 1980 aprs que le Tribunal fdral eut rejet, le 13, son opposition. Il subit actuellement sa peine la maison darrt de Porto Azzurro, dans lle dElbe, la lgislation italienne ignorant le systme franais de "purge" automatique de la contumace (article 639 du code franais de procdure pnale). Il semble navoir cess de protester de son innocence du crime atroce qui lui a valu sa condamnation, mais sauf rvision ou mesure de grce ne pourra pas recouvrer sa libert - sous conditions - avant mai 2008.V. LES PROCDURES SUIVIES EN FRANCE APRS LEXPULSIONA. Les recours exercs par le requrant28. Les 11 et 26 dcembre 1979, les conseils de M. Bozano avaient exerc en France deux recours.1. Le recours en rfr29. En premier lieu, ils avaient assign le ministre de lIntrieur comparatre en rfr, le 17 dcembre, devant le prsident du tribunal de grande instance de Paris.Daprs eux, l"opration matrielle" de la nuit du 26 au 27 octobre 1979 souffrait "de trois vices majeurs" dont chacun suffisait lentacher d"arbitraire", donc lui imprimer le caractre dune "voie de fait": l"apprhension brutale" de M. Bozano avait manifestement "constitu une tape essentielle de lexcution de larrt dexpulsion", mais navait pu se fonder sur lui puisquelle en avait prcd la notification; ladministration ne pouvait prouver que "lexcution de lacte administratif se ft heurte une rsistance certaine ou tout le moins une mauvaise volont vidente", car elle navait "tout simplement pas laiss" au requrant "le temps de faire quoi que ce ft" et du reste il aurait eu intrt " sexcuter volontairement, afin de pouvoir choisir le pays o il se rfugierait"; enfin et surtout, elle ne jouissait "en la matire daucun privilge dexcution doffice".A quoi sajoutait lillgalit flagrante de larrt lui-mme: il allait lencontre des dcisions dlargissement puis de mainleve du contrle judiciaire rendues par les juridictions dinstruction les 19 septembre et 26 octobre 1979, ainsi que de lavis dfavorable formul le 15 mai 1979 par la chambre daccusation de la cour dappel de Limoges (paragraphe 18 ci-dessus); en retenant, "contre le gr du requrant", "la Suisse parmi cinq pays limitrophes", ladministration avait "conscience de le remettre celui des tats europens le plus susceptible de lextrader vers lItalie", en raison de lexistence dune convention italo-suisse dextradition et de la nationalit "de la fillette assassine".Les avocats de M. Bozano soulignaient en outre quil y avait urgence, car le Tribunal fdral suisse sapprtait statuer sur la demande italienne dextradition (paragraphe 27 ci-dessus), et que leur client avait "t abusivement soustrait la justice" franaise puisque le juge dinstruction lavait renvoy devant le tribunal correctionnel de Limoges pour usage de fausses pices didentit (paragraphe 21 ci-dessus).En consquence, ils invitaient le prsident du tribunal de grande instance de Paris enjoindre au ministre de lIntrieur "de rclamer (...) lautorit helvtique comptente", "dans les huit jours du prononc de lordonnance de rfr", "la restitution" de leur mandant.30. Dans ses conclusions du 17 dcembre 1979, le ministre rappela que larticle 13 de la loi des 16/24 aot 1790 prohibait toute immixtion des magistrats de lordre judiciaire dans les actes dadministration. Et den dduire quil fallait "dbouter" le requrant et "le renvoyer, sil lentendait, se pourvoir devant les tribunaux comptents".De son ct, le prfet de police de Paris prsenta un dclinatoire de comptence que le procureur de la Rpublique dfendit laudience en requrant "le renvoi des parties devant la juridiction administrative".Il se fondait sur la loi prcite de 1790, lui aussi, et sur celle du 16 fructidor an III qui interdit "aux tribunaux de connatre des actes dadministration de quelque espce quils soient". Daprs lui, rien ntablissait que larrt dexpulsion litigieux et son excution eussent constitu une voie de fait, cest--dire fussent "manifestement insusceptibles de se rattacher lapplication dun texte lgislatif ou rglementaire". Spcialement, les dcisions dlargissement et de leve de contrle judiciaire prises par les juridictions dinstruction ne signifiaient pas que la prsence de M. Bozano sur le territoire national net engendr "aucune menace pour lordre public"; en outre, il entrait dans "la nature dune expulsion dtre excute, au besoin par la contrainte (Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 fvrier 1979, Batchono - Juris-Classeur priodique 1979-19207)"; quant lavis dfavorable exprim le 15 mai 1979 par la chambre daccusation de la cour dappel de Limoges, il "ninterdisait pas" de reconduire M. Bozano " la frontire suisse, la Confdration helvtique ayant accept de le recevoir".31. Le 14 janvier 1980, le prsident du tribunal de grande instance de Paris rendit une ordonnance dclarant "ny avoir lieu rfr" car la demande, "mettant en cause des relations dtat tat, chappait la comptence du juge des rfrs judiciaires". Cette dcision tait prcde de motifs ainsi libells:"Attendu que les diverses oprations matrielles, depuis linterpellation de BOZANO jusqu sa remise des policiers suisses, font apparatre de trs graves irrgularits manifestes tant au point de vue de lordre public franais quau regard des rgles rsultant de lapplication de larticle 48 du Trait de Rome; quil est tonnant de constater, au surplus, qua t prcisment choisie la frontire suisse comme lieu dexpulsion alors que la frontire espagnole est plus proche de Limoges; quenfin, on peut relever que lautorit judiciaire na pas eu la possibilit de constater les ventuelles infractions larrt dexpulsion pris son encontre puisque ds la notification de cet arrt, BOZANO a t remis sans dsemparer aux policiers helvtiques en dpit de ses protestations; quainsi ladministration a procd elle-mme lexcution de sa dcision;Quainsi il apparat que cette opration a consist non en une mesure dloignement pure et simple justifie par larrt dexpulsion, mais en une remise concerte aux autorits de police suisse (...)."32. Les conseils du requrant nestimrent pas utile dinterjeter appel. A ce propos, il convient de noter que daprs la jurisprudence du Tribunal des conflits, une dcision mme illgale dexpulsion ne constitue pas une voie de fait, de sorte que seules les juridictions de lordre administratif ont comptence en la matire (3 dcembre 1979, prfet du Rhne c. Tribunal de grande instance de Lyon et Fentrouci c. Ministre de lIntrieur, Recueil Lebon, 1979, p. 579).2. Le recours en annulation de larrt dexpulsion33. Le 26 dcembre 1979, ils avaient en second lieu saisi le tribunal administratif de Limoges dun recours en annulation de larrt dexpulsion du 17 septembre.Ils soutenaient en substance que celui-ci manait dune "autorit incomptente", faute de porter la signature du ministre de lIntrieur lui-mme; quil se trouvait "entach derreur de droit" dans la mesure o il se fondait "sur le pass judiciaire de M. Bozano" puisque la chambre daccusation de la cour dappel de Limoges avait "rejet", "comme contraire lordre public franais", la condamnation par contumace inflige par la cour dassises dappel de Gnes (paragraphe 18 ci-dessus); quil y avait aussi "dtournement de pouvoir", car il stait "agi non dinviter M. Bozano quitter le territoire franais mais de le remettre au pays qui plus que tout autre tait susceptible de lextrader vers lItalie", et "erreur manifeste dapprciation" pour autant que larrt litigieux sexpliquait par le comportement du demandeur en France: "lusage dun faux document" tait apparu ce dernier "comme le seul moyen dchapper aux poursuites pour un crime dont il sestimait innocent" et "le magistrat instructeur lui avait reconnu les plus larges circonstances attnuantes pour ce dlit" (paragraphe 19 ci-dessus); que ladministration aurait d "examiner lensemble de laffaire pour savoir si la prsence de lintress constituait une menace pour lordre public"; que "larrt attaqu avait mconnu les dispositions du droit communautaire" (article 48 du trait de Rome et directive 64-221 de la C.E.E.); quen outre "ladministration avait viol toutes les exigences de forme institues par la directive 64-221 et le dcret du 5 janvier 1970": M. Bozano "ne stait pas vu notifier un refus de dlivrance de carte de sjour", "navait pas pu prsenter des observations devant la commission dexpulsion", "navait pas t inform des raisons dordre public fondant la dcision administrative" et "navait pas bnfici dun dlai pour quitter le territoire franais"; que "seule lurgence aurait pu dispenser ladministration du respect de ces rgles impratives", mais quelle "nexistait pas en lespce" et navait du reste t "invoque aucun moment".34. Le ministre de lIntrieur combattit cette argumentation dans un premier temps (27 mai 1980), soulignant notamment que "les conditions dexcution dune dcision administrative sont sans influence sur la lgalit de cette dcision", mais dans un "nouveau mmoire" adress par tlgramme le 8 dcembre 1981 le ministre dtat, ministre de lIntrieur et de la Dcentralisation, dclara "sen remettre la sagesse du tribunal".35. Celui-ci statua le 22 dcembre 1981; sans se prononcer sur les autres moyens prsents, il estima que le ministre de lIntrieur avait commis "une erreur manifeste dapprciation" et ladministration un "dtournement de pouvoir".Sur le premier point, le jugement sexprimait en ces termes:"Considrant que (...) le ministre (...) fait tat de lusage par lintress de faux documents administratifs, ainsi que de son comportement en Italie;Considrant, dune part, que le fait davoir utilis de fausses pices didentit pour entrer et sjourner en France, en labsence de toute circonstance aggravante, ne saurait, lui seul, tre considr comme constituant une menace pour lordre public;Considrant, dautre part, quil rsulte des pices verses au dossier (...) que le seul lment pris en considration concernant le comportement de lintress en Italie a t une condamnation par contumace une peine criminelle prononce contre lui (...); quen labsence dune procdure vraiment contradictoire, les faits trs graves reprochs M. Bozano, que celui-ci a toujours nis, ne pouvaient tre considrs comme suffisamment tablis (...)."Quant au dtournement de pouvoir, il ressortait des circonstances suivantes:"Considrant que la hte avec laquelle a t excute la dcision attaque, alors que lintress navait mme pas manifest son refus dobir, ainsi que le choix de la frontire suisse qui a t impos lintress, rvlent bien quel a t le motif dterminant de cette dcision; quen ralit, ladministration na pas cherch obtenir lloignement de lintress du territoire franais, mais sa remise aux autorits italiennes par le canal des autorits helvtiques lies lItalie par une convention dextradition; que ladministration a donc cherch faire chec lavis dfavorable qui avait t mis par lautorit judiciaire comptente et qui liait le Gouvernement franais; (...) que la dcision attaque est donc entache de dtournement de pouvoir (...)."En consquence, le tribunal annula larrt dexpulsion.Le ministre de lIntrieur et de la Dcentralisation ninterjeta pas appel.36. Les avocats du requrant avaient jug superflu de doubler leur recours en annulation dune demande de sursis lexcution dudit arrt. Sils avaient introduit pareille demande, son examen et relev, lpoque, de la comptence du Conseil dtat et non du tribunal administratif de Limoges.B. Lvolution des poursuites pnales37. Selon les indications fournies par le Gouvernement, le parquet na pas cit M. Bozano comparatre devant le tribunal correctionnel de Limoges pour contrefaon, falsification et altration de document administratif ainsi que pour usage de fausses pices didentit (paragraphe 21 ci-dessus): il "a estim que la nature des infractions reproches ne justifiait pas un dveloppement ultrieur de la procdure, compte tenu de lexpulsion prononce".PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION38. Dans sa requte du 30 mars 1982 contre la France (no 9990/82), M. Bozano faisait valoir que son "enlvement" et son "transport forc" en Suisse lavaient priv de sa libert physique et de sa libert de circulation, au mpris des articles 5 1 (art. 5-1) de la Convention et 2 1 du Protocole no 4 (P4-2). Il affirmait aussi navoir dispos ni dun recours conforme aux exigences de larticle 5 4 (art. 5-4) de la Convention, ni de certaines des garanties de larticle 6 (art. 6) ni dun recours effectif au sens de larticle 13 (art. 13) et avoir t victime dun dtournement de pouvoir contraire larticle 18 (art. 18); il invoquait de surcrot larticle 5 5 (art. 5-5).Le 15 mai 1984, la Commission a dclar irrecevable une partie de la requte: pour cause de tardivet (article 26 in fine) (art. 26) quant larticle 5 4 (art. 5-4) et, par voie de consquence, quant larticle 13 (art. 13); pour non-puisement des voies de recours internes quant larticle 5 5 (art. 5-5); ratione materiae quant larticle 6 (art. 6); enfin, pour dfaut manifeste de fondement quant larticle 18 (art. 18), dans la mesure o lintress accusait les autorits franaises de stre concertes avec les autorits suisses et italiennes.En revanche, elle a retenu les allgations relatives larticle 5 1 (art. 5-1) de la Convention - considr isolment, ou combin avec larticle 18 (art. 18+5-1) sur le point de savoir si lexcution de larrt dexpulsion avait eu pour but de djouer lavis dfavorable lextradition exprim le 15 mai 1979 - et larticle 2 du Protocole no 4 (P4-2).Dans son rapport du 7 dcembre 1984 (article 31) (art. 31), elle conclut par onze voix contre deux la violation de larticle 5 1 (art. 5-1) de la Convention, ne se prononce pas explicitement sur lobservation de larticle 18 (art. 18) et sestime dispense de se placer sur le terrain de larticle 2 du Protocole no 4 (P4-2). Le texte intgral de son avis et des opinions spares dont il saccompagne figure en annexe au prsent arrt.39. Auparavant, M. Bozano avait introduit, le 13 juin 1980, une requte contre la Suisse (no 9009/80). Il sy plaignait la fois de son arrestation par la police helvtique en territoire franais et de la procdure dexamen de ses demandes dlargissement par le Tribunal fdral. Le 12 juillet 1984, la Commission a cart le premier grief (articles 5 1 et 18) (art. 5-1, art. 18) pour dfaut manifeste de fondement; elle a retenu le second (article 5 4) (art. 5-4) le 13 dcembre 1984, aprs ladoption de son rapport dans laffaire Sanchez-Reisse (requte no 9862/82).Lintress avait dpos en outre, le 9 dcembre 1980, une requte contre lItalie (no 9991/82). Il sy levait contre la procdure de contumace ayant abouti sa condamnation une peine perptuelle (article 6 de la Convention) (art. 6), mais la Commission a constat le 12 juillet 1984 qu cet gard il navait pas respect le dlai de six mois ouvert par larticle 26 (art. 26) in fine. Il reprochait galement aux autorits de son pays de stre entendues avec celles de la France et de la Suisse pour obtenir son expulsion puis son extradition (article 18) (art. 18); par la mme dcision du 12 juillet 1984, la Commission a rejet cette allgation pour dfaut manifeste de fondement.CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR40. laudience du 21 avril 1986, le Gouvernement a demand le rejet de la requte pour non-puisement des voies de recours internes et, titre subsidiaire, pour dfaut de fondement.De son ct, la Commission a invit en substance la Cour dclarer la requte recevable et faire droit aux conclusions de son rapport sur le fond du litige.EN DROITI. SUR LES EXCEPTIONS PRELIMINAIRES DU GOUVERNEMENT41. Le Gouvernement estime la requte "irrecevable" un double titre: "incompatibilit ratione materiae avec la Convention" et non-puisement des voies de recours internes.A. Sur lincompatibilit avec les dispositions de la Convention42. Quant au premier point, le mmoire du 13 fvrier 1986 semble se fonder, en ses paragraphes 33 et 10, sur lide que la Convention et ses Protocoles ne garantissent pas comme tel le droit, pour un tranger, de rsider sur le territoire dun tat contractant.En ralit, M. Bozano se plaint pour lessentiel, sur le terrain de larticle 5 (art. 5) de la Convention, de son "enlvement" et de son "transport forc" de France en Suisse. Ses griefs ne sont pas "videmment trangers aux dispositions de la Convention"; ils ont trait leur interprtation et leur application (article 45) (art. 45), question de fond trancher par la Cour (voir, en dernier lieu, les arrts Glasenapp et Kosiek du 28 aot 1986, srie A no 104, p. 23, 41, et no 105, p. 19, 32). Ds lors, celle-ci ne saurait accueillir le moyen, du reste peine esquiss pendant la procdure crite et non repris en plaidoirie.B. Sur lpuisement des voies de recours internes43. En second lieu, le Gouvernement soutient que le requrant na pas puis les voies de recours internes (mmoire prcit, paragraphes 12-18, et compte rendu des audiences du 21 avril 1986), faute davoiri. interjet appel contre lordonnance de rfr du 14 janvier 1980 (paragraphes 31 et 32 ci-dessus);ii. saisi le tribunal de grande instance de Paris "au principal", pour voie de fait;iii. demand au Conseil dtat dordonner le sursis lexcution de larrt dexpulsion du 17 septembre 1979 (paragraphes 24, 33 et 36 ci-dessus);iv. invit le tribunal administratif de Limoges statuer sur la lgalit des oprations matrielles dexcution dudit arrt;v. intent devant la juridiction administrative une action en responsabilit de la puissance publique;vi. assign en dommages-intrts devant le juge judiciaire, en vertu de larticle 136 du code de procdure pnale, les agents ou autorits auxquels il reproche davoir attent sa libert individuelle.1. Sur la forclusion44. La Cour connat de pareilles exceptions prliminaires pour autant que ltat en cause les ait dj prsentes la Commission, en principe au stade de lexamen initial de la recevabilit, dans la mesure o leur nature et les circonstances sy prtaient (voir, en dernier lieu, larrt Campbell et Fell du 28 juin 1984, srie A no 80, p. 31, 57).45. Cette condition ne se trouve pas remplie pour la deuxime branche du moyen. Sans doute le Gouvernement affirme-t-il le contraire en renvoyant ses observations crites de mars 1983 (paragraphes 13 et 23) et orales de mai 1984 (pages 6-7), mais il sy bornait souligner que M. Bozano navait pas attaqu lordonnance de rfr du 14 janvier 1980 (premire branche du moyen).46. Il en va de mme de la sixime et dernire branche, relative au non-exercice dune action en indemnit devant le juge judiciaire. Au paragraphe 15 de son mmoire de mars 1983, il est vrai, le Gouvernement tirait argument de ce que le requrant navait pas invoqu "son droit rparation", expressment ou en substance, auprs du "juge franais" ou des "juridictions internes". Toutefois, il ne paraissait entendre par l que "le juge administratif", savoir "le tribunal administratif comptent, puis le Conseil dtat" (cinquime branche du moyen); du moins ne mentionnait-il en aucune manire le juge judiciaire ni larticle 136 du code de procdure pnale. Or il lui incombait dindiquer avec une clart suffisante les recours auxquels il faisait allusion et den tablir lexistence; en la matire, les organes de la Convention nont pas suppler doffice limprcision ou aux lacunes des thses des tats dfendeurs (arrt Deweer du 27 fvrier 1980, srie A no 35, p. 15, 26 in fine; arrt Guzzardi du 6 novembre 1980, srie A no 39, p. 28, 73 in fine; arrt Foti et autres du 10 dcembre 1982, srie A no 56, p. 17, 48, deuxime alina; arrt de Jong, Baljet et van den Brink du 22 mai 1984, srie A no 77, pp. 18-19, 36).47. La Cour estime donc, avec le dlgu de la Commission, quil y a forclusion sur les deux points considrs.En revanche, le Gouvernement a soulev en temps utile les quatre autres branches de lexception, de sorte quil chet den apprcier le bien-fond.2. Sur le bien-fond du reliquat de lexception48. Interjeter appel de lordonnance du 14 janvier 1980 net servi de rien au requrant. Non seulement le ministre de lIntrieur, le prfet de police et le parquet avaient contest la comptence du juge des rfrs, sur la base des lois des 16/24 aot 1790 et 16 fructidor an III, mais le prsident du tribunal de grande instance de Paris dut la dcliner par le motif que la demande mettait "en cause des relations dtat tat" (paragraphe 31 ci-dessus). La cour dappel naurait pas manqu daboutir la mme solution qui dcoulait dune jurisprudence constante de la Cour de cassation, du Conseil dtat et du Tribunal des conflits (comp. larrt Van Oosterwijck du 6 novembre 1980, srie A no 40, p. 19, 40). Au demeurant, dans sa plaidoirie du 21 avril 1986 lagent du Gouvernement a pass sous silence la premire branche du moyen, tandis quelle figurait - brivement - au paragraphe 12 de son mmoire du 13 fvrier 1986 la Cour; devant la Commission, il avait reconnu que la voie du rfr "ntait probablement pas la bonne".Un recours tendant voir prescrire un sursis lexcution de larrt dexpulsion du 17 septembre 1979 (troisime branche du moyen) net pas davantage prsent, en lespce, lefficacit voulue. Il naurait pas revtu un caractre suspensif et, de toute manire, naurait pas empch lapplication dune mesure dj excute: le transport forc de M. Bozano jusqu la frontire franco-suisse. Le Gouvernement cite le cas dun Malien expuls de France et qui put y retourner peu aprs avoir obtenu un tel sursis en sadressant au Conseil dtat (arrt du 18 juin 1976, Moussa Konat, Recueil Lebon, 1976, pp. 321-322), mais lintress vivait en libert; il ne se trouvait pas, comme le requrant, dtenu ltranger sous crou extraditionnel (en Suisse) puis en train de purger une peine perptuelle de rclusion (en Italie). Une dcision favorable du Conseil dtat net cr aucune obligation la charge de la Suisse ni de lItalie.Quant un recours au tribunal administratif de Limoges en annulation des oprations de police litigieuses (quatrime branche du moyen), on a quelque peine en imaginer lutilisation car il aurait vis des actes matriels reposant sur une dcision implicite voire fictive; le Gouvernement ne mentionne ici aucune jurisprudence lappui. En outre, pareil recours aurait dbouch, au mieux, sur un simple constat dillgalit qui naurait rien chang une situation irrversible.A ces divers gards, la Cour rejoint le dlgu de la Commission et les conseils du requrant.49. Aussi bien le Gouvernement a-t-il exprim lopinion, laudience du 21 avril 1986, quil chet de distinguer selon que la violation allgue "se poursuit" ou, comme en lespce, "a cess". Dans la premire hypothse, seul entrerait en ligne de compte un recours interne apte "mettre un terme" au manquement, tandis que dans la seconde lunique moyen de redressement consisterait en "une action indemnitaire". Or, daprs le Gouvernement, le requrant aurait pu demander au juge administratif la "rparation du prjudice imputable la dcision dexpulsion elle-mme", annule le 22 dcembre 1981 (paragraphe 35 ci-dessus), sauf "bien entendu" dmontrer "lexistence dun prjudice et le lien de causalit" entre celui-ci et larrt dclar illgal par le tribunal administratif de Limoges, "lments qui en lespce" ne susciteraient "gure de doutes". Toujours selon le Gouvernement, M. Bozano aurait pu aussi rclamer devant le juge judiciaire un ddommagement du chef de "la privation de libert rsultant de lexcution force dont il avait fait lobjet".La saisine du juge administratif au titre de la responsabilit de la puissance publique (cinquime branche de lexception) constitue sans conteste, dans certains cas, une voie de recours vraisemblablement efficace et suffisante aux fins de larticle 26 (art. 26) de la Convention. Cependant, le requrant se plaint la Cour des conditions - ou "oprations matrielles" - dexcution de larrt du 17 septembre 1979, et notamment de la "privation de libert" quil a subie dans la nuit du 26 au 27 octobre 1979. Or les prcisions fournies par le Gouvernement sur les limites des attributions du juge administratif donnent penser que lexamen dune demande dindemnit relative auxdites conditions et ressorti la comptence des juridictions judiciaires. Dans les circonstances de la cause, le recours en question se rvle donc illusoire au regard de la Convention.Quant largument tir de la possibilit de sadresser au juge judiciaire (sixime branche de lexception), il se heurte la forclusion et la Cour la dj cart (paragraphe 46 ci-dessus).50. Le requrant aurait mme pu soutenir quil navait pas besoin dexercer un recours interne quelconque avant de sadresser la Commission. Ceux quil a utiliss ne lui offraient pas un moyen efficace dempcher la violation allgue ou den effacer les consquences. Sil les a introduits nanmoins, cest que ses avocats espraient lpoque trouver dans lordonnance du prsident du tribunal de grande instance de Paris et le jugement du tribunal administratif de Limoges des lments invoquer en Suisse pour contrecarrer la demande italienne dextradition; ils lont indiqu la Commission et la Cour.En poursuivant le raisonnement, on en arriverait constater que la "dcision interne dfinitive", au sens de larticle 26 (art. 26) in fine de la Convention, remonte aux 26 et 27 octobre 1979, date du transport forc de M. Bozano jusqu la frontire franco-suisse. Toutefois, le Gouvernement ne conteste pas le respect du dlai de six mois et la Cour ne saurait aborder pareille question doffice; elle se borne relever que le dpt de la requte a eu lieu le 30 mars 1982, soit moins de six mois aprs le jour - le 2 octobre 1981 - o la dclaration souscrite par la France en vertu de larticle 25 (art. 25) a ouvert lintress les portes de la Commission (voir notamment la dcision du 9 juin 1958 sur la recevabilit de la requte no 214/56, De Becker contre Belgique, Annuaire de la Convention, volume 2, p. 243, et la dcision du 18 septembre 1961 sur la recevabilit de la requte no 846/60, X contre Pays-Bas, Recueil de dcisions, no 6, pp. 64-65).3. Rcapitulation51. En rsum, lexception de non-puisement est, pour une part, tardive et, pour le surplus, sans fondement.II. SUR LE FONDA. Sur la violation allgue de larticle 5 1 (art. 5-1) de la Convention, considr isolment52. Aux termes de larticle 5 1 (art. 5-1) de la Convention,"Toute personne a droit la libert et la sret. Nul ne peut tre priv de sa libert, sauf dans les cas suivants et selon les voies lgales:a) sil est dtenu rgulirement aprs condamnation par un tribunal comptent;b) (...);c) (...);d) (...);e) (...);f) sil sagit de larrestation ou de la dtention rgulires dune personne (...) contre laquelle une procdure dexpulsion ou dextradition est en cours."53. Pour le requrant, le Gouvernement et la majorit de la Commission, seul lalina f) sapplique dans la prsente affaire en sus de la premire phrase du paragraphe 1 et du dbut de la seconde.La Cour partage cette opinion. Elle ne se trouve pas saisie de la peine perptuelle de rclusion que M. Bozano purge en Italie aprs sa "condamnation par le tribunal comptent", au sens de lalina a), mais de la privation de libert quil a subie en France dans la nuit du 26 au 27 octobre 1979. Le transport forc incrimin ne sest droul "aprs" ladite condamnation que chronologiquement parlant. Or, dans le contexte de larticle 5 1 a) (art. 5-1-a), la prposition "aprs" vise un lien de causalit en plus dun ordre de succession dans le temps; elle sert dsigner une "dtention" qui se produit "par suite", et non pas simplement " la suite", de la dcision du juge pnal (voir, en dernier lieu, larrt Van Droogenbroeck du 24 juin 1982, srie A no 50, p. 19, 35). Tel nest pas le cas en loccurrence, car il nincombait pas aux autorits franaises dexcuter elles-mmes larrt rendu par la cour dassises dappel de Gnes le 22 mai 1975 (paragraphe 14 ci-dessus).Elles navaient pas davantage en assurer lexcution puisque la chambre daccusation de la cour dappel de Limoges avait provoqu le rejet de la demande italienne dextradition par son avis dfavorable du 15 mai 1979 (paragraphe 18 ci-dessus). Partant, la privation de libert litigieuse ne se situait pas dans le cadre dune "procdure dextradition"; elle constituait le moyen choisi pour donner effet larrt ministriel du 17 septembre, lpilogue dune "procdure dexpulsion". Lalina f) nentre donc ici en ligne de compte quau titre de ces derniers mots.54. Le principal problme trancher a trait la "rgularit" de la "dtention" litigieuse, y compris lobservation des "voies lgales". En la matire, la Convention renvoie pour lessentiel la lgislation nationale et consacre la ncessit den appliquer les rgles, mais elle exige de surcrot la conformit de toute mesure privative de libert au but de larticle 5 (art. 5): protger lindividu contre larbitraire (voir, en dernier lieu, larrt Ashingdane du 28 mai 1985, srie A no 93, p. 21, 44). Il y va du respect d non seulement au "droit la libert", mais aussi au "droit la sret".55. Daprs le requrant, lopration de police des 26 et 27 octobre 1979 a automatiquement perdu toute base lgale avec lannulation rtroactive de larrt dexpulsion par le tribunal administratif de Limoges.Le dlgu de la Commission marque son dsaccord avec cette thse. Le Gouvernement, lui, la croit incompatible avec la jurisprudence de la Commission (rapport du 17 juillet 1980 sur la requte no 6871/75, Caprino contre Royaume-Uni, p. 23, 65), mais il ne se prononce pas de manire catgorique: il sagirait dune question complexe dont lintress naurait pas fourni au juge franais loccasion de connatre.Le raisonnement des conseils de M. Bozano ne convainc pas non plus entirement la Cour en dpit de son indniable logique. Il arrive aux organes dun tat contractant de commettre de bonne foi des irrgularits. Dans un tel cas, la constatation ultrieure du manquement par le juge peut ne pas rejaillir, en droit interne, sur la validit des mesures de mise en oeuvre prises dans lintervalle.On conoit en revanche quil en aille autrement si les autorits avaient, ds le dpart, conscience de transgresser la lgislation en vigueur et en particulier si leur dcision initiale se trouvait entache de dtournement de pouvoir. La Cour note que le jugement du 22 dcembre 1981 en a relev un en son dernier considrant. Le tribunal administratif de Limoges sy fondait sur des circonstances postrieures larrt attaqu, mais qui lui ont paru rvler les mobiles rels ayant anim lautorit ministrielle lpoque; le ministre de lIntrieur et de la Dcentralisation, qui dans un mmoire du 8 dcembre 1981 avait dclar "sen remettre la sagesse du tribunal", na pas interjet appel (paragraphes 34 et 35 in fine ci-dessus).56. Le requrant dnonce une deuxime inobservation du droit franais. Il nentrerait pas dans les attributions de ladministration dexcuter ses propres dcisions par la contrainte, sauf dans le cas o la loi ly habilite en termes exprs ou ne prvoit pas de sanction pnale, ou encore sil y a urgence. Aucune de ces trois exceptions au principe gnral ne jouerait en lespce: jusqu une loi du 29 octobre 1981, lordonnance du 2 novembre 1945 (article 27) ne permettait de reconduire la frontire que les trangers condamns pour infraction un arrt dexpulsion; il existait une possibilit de sanction pnale; en loccurrence, le dfaut durgence ressortait notamment du dlai, suprieur un mois (17 septembre - 26 octobre 1979), coul entre la signature de lordre dexpulsion - o ne figurait du reste "mme pas de rfrence une urgence quelconque" - et sa notification lintress.Le Gouvernement conteste cette analyse. La leve du contrle judiciaire impos M. Bozano le 24 aot 1979 aurait cr, le 26 octobre, un danger de voir ce dernier prendre la fuite et retourner la clandestinit (paragraphe 21 ci-dessus); elle aurait ainsi rendu indispensable et urgente lapplication de larrt du 17 septembre. Le Gouvernement invoque aussi deux arrts des 5 dcembre 1978 et 20 fvrier 1979. Dans le premier (Berrebouh), la chambre daccusation de la cour dappel de Lyon a estim "que pour assurer la mesure dexpulsion une excution immdiate commande par les mmes ncessits de protection de lordre public qui ont dict la dcision elle-mme, la mise en dtention de ltranger expuls ne saurait" dpendre de "la constatation pralable dun refus dexcution volontaire de sa part, constitutif dune infraction pnale prvue et rprime par larticle 27, alina 1er, de lordonnance du 2 novembre 1945" (Juris-Classeur priodique, 1979, jurisprudence, no 19207). Dans le second (Batchono), la Cour de cassation a jug "quil est de la nature dune expulsion dtre excute au besoin par la contrainte", sans se limiter lhypothse de l "urgence absolue" dont traite larticle 25 de lordonnance susmentionne (Bulletin des arrts de la Chambre criminelle, 1979, no 76, pp. 208-211). Il sagit cependant, affirme le requrant, de sentences trs isoles que la doctrine a critiques avec vigueur.57. Toujours sur le terrain du droit interne, la Commission veut pour preuve de lillgalit des "oprations matrielles" des 26 et 27 octobre 1979, examines cette fois en elles-mmes, lordonnance de rfr du 14 janvier 1980 et le jugement du 22 dcembre 1981. En effet, le prsident du tribunal de grande instance de Paris a not quelles laissaient "apparatre de trs graves irrgularits manifestes" et quelles avaient consist "non en une mesure dloignement pure et simple justifie par larrt dexpulsion", mais "en une remise concerte aux autorits de police suisse" (paragraphe 31 ci-dessus). De son ct, le tribunal administratif de Limoges a soulign "la hte" avec laquelle ladministration avait procd, sans mme que lintress et exprim son refus dobir, et "le choix de la frontire suisse" plutt que dune autre; il en a dduit lui aussi que lon navait pas "cherch obtenir lloignement" de M. Bozano, "mais sa remise aux autorits italiennes par le canal des autorits helvtiques, lies lItalie par une convention dextradition", donc " faire chec lavis dfavorable" exprim par la chambre daccusation de la cour dappel de Limoges et "qui liait le gouvernement franais" (paragraphe 35 ci-dessus).Le Gouvernement rpond que dans lordonnance dincomptence prononce le 14 janvier 1980 par le prsident du tribunal de grande instance de Paris, les attendus relatifs aux faits de la cause ne constituaient pas le soutien ncessaire du dispositif et que, partant, ils ne revtaient pas lautorit de la chose juge en droit interne. Quant au tribunal administratif de Limoges, il naurait pas statu sur la validit des oprations de police des 26 et 27 octobre 1979, le requrant ne layant pas saisi de conclusions en ce sens; il ne les aurait prises en considration, dans son jugement du 22 dcembre 1981, que comme rvlateur des mobiles de lautorit ministrielle lpoque de larrt du 17 septembre 1979. Par consquent, la Commission mconnatrait la porte des dcisions juridictionnelles quelle invoque.58. L o la Convention, comme en son article 5 (art. 5), renvoie directement au droit interne, le respect de celui-ci forme partie intgrante des "engagements" des tats contractants, de sorte que la Cour a comptence pour sen assurer au besoin (article 19) (art. 19); toutefois, lampleur de la tche dont elle sacquitte en la matire trouve des limites dans lconomie du systme europen de sauvegarde car il incombe au premier chef aux autorits nationales, notamment aux tribunaux, dinterprter et appliquer ce droit (voir entre autres, mutatis mutandis, larrt Winterwerp du 24 octobre 1979, srie A no 33, p. 20, 46).Plusieurs points de droit franais ont prt controverse en lespce. Mme sils napportent pas la Cour une certitude absolue, les arguments changs par les comparants et les autres lments du dossier lui fournissent assez de donnes pour lui inspirer des doutes trs srieux sur la compatibilit de la privation de libert litigieuse avec les normes juridiques de ltat dfendeur.59. En tout cas, la "rgularit" implique aussi labsence darbitraire (paragraphe 54 ci-dessus). A cet gard, la Cour attache beaucoup de poids aux circonstances du transport forc du requrant jusqu la frontire franco-suisse.En premier lieu, les autorits comptentes ont attendu plus dun mois pour notifier larrt dexpulsion du 17 septembre 1979 lintress, quelles pouvaient pourtant atteindre sans peine Limoges o il se trouvait en dtention provisoire (jusquau 19 septembre) puis sous contrle judiciaire (paragraphes 19 et 23-24 ci-dessus). Elles lont ainsi empch dexercer utilement les recours dont il disposait en thorie.Chose plus grave, tout se prsente comme si elles avaient voulu le laisser dans lignorance de ce qui se prparait contre lui, pour mieux le placer ensuite devant le fait accompli. Ds le 14 septembre, et nouveau le 24 octobre, des messages tltyps dInterpol Rome avaient annonc la Suisse lexpulsion imminente de M. Bozano hors de France (paragraphe 26 in fine ci-dessus). En outre, il dclare avoir demand le 20 septembre une carte de sjour la prfecture de la Haute-Vienne, laquelle naurait pas consenti lui dlivrer un rcpiss (paragraphe 20 ci-dessus). Lexistence de pareille demande semble confirme par la lettre que Me Yves Henry, avocat du requrant, adressa au prfet le 27 (ibidem). Le Gouvernement ne la conteste pas, mais il souligne que les archives officielles nen renferment aucune trace et que du reste larrt dexpulsion du 17 septembre constituait un obstacle loctroi du permis sollicit. Il nexplique pas pour autant le silence gard quant la dcision du ministre de lIntrieur.A quoi sajoutent la soudainet de linterpellation opre dans la soire du 26 octobre et plus encore les modalits dexcution de ladite dcision. Daprs les propres indications de son agent, le Gouvernement navait pris contact quavec la Suisse, tat li lItalie par un trait dextradition et o le requrant faisait, depuis avril 1976, lobjet dun mandat darrt extraditionnel consign au "Moniteur suisse de police" (paragraphe 27 ci-dessus). Lintress, qui ne put pas mme avertir son pouse et son conseil, ne sentendit aucun moment offrir dtre reconduit - au besoin sous surveillance - jusqu la frontire de son choix ou ventuellement jusqu la plus proche, celle de lEspagne. Bien au contraire, il dut accomplir le trajet de Limoges au poste douanier de Moillesulaz, soit une douzaine dheures et des centaines de kilomtres, les mains entraves et entour de policiers qui le livrrent des collgues suisses (paragraphes 25-26 ci-dessus). Sa description prcise et dtaille des vnements tend ltablir; elle parat plausible en labsence de preuve ou explication contraires (paragraphe 22 ci-dessus).60. La Cour arrive ds lors, en adoptant une dmarche globale et en se fondant sur un faisceau dlments concordants, la conclusion que la privation de libert subie par le requrant dans la nuit du 26 au 27 octobre 1979 ntait pas "rgulire", au sens de larticle 5 1 f) (art. 5-1-f), ni compatible avec le "droit la sret". Il sagissait en ralit dune mesure dextradition dguise, destine tourner lavis dfavorable que la chambre daccusation de la cour dappel de Limoges avait exprim le 15 mai 1979, et non dune "dtention" ncessaire dans le cadre normal dune "procdure dexpulsion". A cet gard, les constatations du prsident du tribunal de grande instance de Paris, mme dpourvues de lautorit de la chose juge, et du tribunal administratif de Limoges, mme sil navait statuer que sur la lgalit de larrt du 17 septembre 1979, revtent aux yeux de la Cour une importance capitale; elles illustrent la vigilance dont les juges franais ont tmoign.Il y a donc eu violation de larticle 5 1 (art 5-1) de la Convention.B. Sur la violation allgue de larticle 18 de la Convention, combin avec larticle 5 1 (art. 18+ 5-1)61. M. Bozano invoque aussi, conjointement avec larticle 5 1, larticle 18 (art. 18+5-1) selon lequel"Les restrictions qui, aux termes de la (...) Convention, sont apportes aux droits et liberts garantis par elle ne peuvent tre appliques que dans le but pour lequel elles ont t prvues."La Cour a dj not, sur le terrain de larticle 5 1 (art. 5-1) considr isolment, que la procdure dexpulsion a t dvie en lespce de son objet et de sa finalit naturels. Elle nestime pas ncessaire dexaminer la mme question sous langle de larticle 18 (art 18).C. Sur la violation allgue de larticle 5 4 (art 5-4) de la Convention62. A laudience du 21 avril 1986, les conseils du requrant ont repris devant la Cour une allgation que la Commission avait dclare irrecevable le 15 mai 1984: leur client naurait jamais dispos dun recours conforme aux exigences de larticle 5 4 (art 5-4).Pareille thse a trait des faits distincts de ceux dont M. Bozano se plaint au titre de larticle 5 1 (art 5-1). Par consquent, elle ne soulve pas un simple problme de qualification juridique, un moyen ou argument supplmentaire; elle sanalyse en un grief spar, cart par la dcision qui fixe les limites du litige dfr la Cour. Ds lors, celle-ci na pas comptence pour en connatre (voir notamment larrt Barthold du 25 mars 1985, srie A no 90, p. 27, 61).D. Sur la violation allgue de larticle 2 du Protocole no 4 (P4-2)63. Devant la Commission, lintress se prvalait en outre de larticle 2 1 du Protocole no 4 (P4-2), lequel consacre le droit, pour "quiconque se trouve rgulirement sur le territoire dun tat", "dy circuler librement et dy choisir librement sa rsidence". Ses conseils ne sont revenus sur ce point ni dans leur mmoire la Cour ni en plaidoirie.Les conclusions auxquelles la Cour aboutit dans le domaine de larticle 5 1 (art. 5-1) de la Convention la dispensent de rechercher si larticle 2 1 du Protocole no 4 (P4-2) sappliquait en lespce et, dans laffirmative, sil a t respect.E. Sur lapplication de larticle 50 (art 50) de la Convention64. Aux termes de larticle 50 (art 50) de la Convention,"Si la dcision de la Cour dclare quune dcision prise ou une mesure ordonne par une autorit judiciaire ou toute autre autorit dune Partie Contractante se trouve entirement ou partiellement en opposition avec des obligations dcoulant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet quimparfaitement deffacer les consquences de cette dcision ou de cette mesure, la dcision de la Cour accorde, sil y a lieu, la partie lse une satisfaction quitable."65. Le requrant considre que seul son largissement constituerait une vritable "restitutio in integrum". Aussi invite-t-il la Cour, en ordre principal, "recommander au Gouvernement deffectuer auprs des autorits italiennes une dmarche diplomatique tendant soit une mesure de grce prsidentielle" en vertu de laquelle il recouvrerait sa libert " trs brve chance", "soit la rvision du procs" pnal men contre lui en Italie de 1971 1976 (paragraphes 12-15 ci-dessus). Les mots "satisfaction quitable" lui paraissent assez "vagues" pour nexclure "aucune forme de rparation".Pour le Gouvernement, pareille initiative sortirait des attributions de la Cour. Elle serait du reste, selon lui, "trangre lobjet du litige" car il sagirait dinciter la France simmiscer dans lexcution de dcisions judiciaires dfinitives rendues en Italie.La Cour se borne rappeler quelle ne se trouve pas saisie des griefs de M. Bozano contre lItalie, la Commission les ayant carts le 12 juillet 1984 (paragraphe 39 ci-dessus); elle retient donc la seconde objection du Gouvernement et repousse la demande principale du requrant.66. Celui-ci rclame en outre, pour son pouse et lui-mme:- une indemnit du chef du prjudice matriel et moral, chiffr plus de 3.300.000 francs franais (FF), que leur aurait caus la dtention dj subie par lui;- si la Cour naccueille pas leur demande principale (paragraphe 65 ci-dessus), une compensation pcuniaire - suprieure 17.000.000 FF - des dommages matriel et moral rsultant des annes quil doit encore passer en prison;- 140.000 FF pour frais de procdure, moyennant dduction des sommes verses au titre de laide judiciaire devant la Commission puis la Cour.Le dlgu de la Commission ne juge pas ces prtentions excessives, une restriction prs: il relve que Mme Bozano na jamais eu la qualit de requrante.Quant au Gouvernement, il les estime irrecevables pour non-puisement des voies de recours internes; subsidiairement, il plaide que seules "la dtention et larrestation de M. Bozano en territoire franais" pourraient entrer en ligne de compte aux fins de lapplication de larticle 50 (art. 50) en lespce.La Cour reconnat lexactitude de la remarque formule par le dlgu de la Commission au sujet de lpouse du requrant; en consquence, elle constate que cette dernire ne saurait solliciter une satisfaction quitable en son propre nom. Elle rappelle dautre part, indpendamment des paragraphes 46 et 49 du prsent arrt, que la rgle de lpuisement des voies de recours internes ne vaut pas dans le domaine de larticle 50 (art. 50) (voir notamment larrt De Wilde, Ooms et Versyp du 10 mars 1972, srie A no 14, pp. 7-9, 14-16). Pour le surplus, il y a lieu de rserver la question et de fixer la procdure ultrieure, en tenant compte de lventualit dun accord entre ltat dfendeur et le requrant (article 53 1 et 4 du rglement).PAR CES MOTIFS, LA COUR, A LUNANIMITE,1. Rejette lexception tire de lincompatibilit de la requte avec les dispositions de la Convention;

2. Dclare le Gouvernement forclos se prvaloir de la rgle de lpuisement des voies de recours internes en ce qui concerne la possibilit- de saisir le tribunal de grande instance de Paris au principal, pour voie de fait;- dintroduire une action en dommages-intrts devant le juge judiciaire, en vertu de larticle 136 du code de procdure pnale;

3. Rejette pour dfaut de fondement le restant de lexception de non-puisement des voies de recours internes;

4. Dit quil y a eu violation de larticle 5 1 (art. 5-1) de la Convention;

5. Dit quil ne simpose pas dexaminer aussi laffaire sous langle de larticle 18 combin avec larticle 5 1 (art. 18+5-1), ni sous celui de larticle 2 du Protocole no 4 (P-2);

6. Dit quelle na pas comptence pour connatre du grief relatif larticle 5 4 (art. 5-4) de la Convention;

7. Rejette les demandes de satisfaction quitable dans la mesure o elles tendent - voir le gouvernement franais effectuer une dmarche diplomatique auprs des autorits italiennes; - la rparation pcuniaire du prjudice subi par lpouse du requrant;

8. Dit, quant au restant de ces demandes, que la question de lapplication de larticle 50 (art. 50) ne se trouve pas en tat;en consquence,a) la rserve cet gard;b) invite le Gouvernement lui adresser par crit, dans le dlai de deux mois compter de ce jour, ses observations sur la question et notamment lui donner connaissance de tout accord quil pourrait conclure avec le requrant;c) rserve la procdure ultrieure et dlgue son prsident le soin de la fixer au besoin.

Fait en franais et en anglais, puis prononc en audience publique au Palais des Droits de lHomme Strasbourg, le 18 dcembre 1986.

Rolv RYSSDALPrsident

Marc-Andr EISSENGreffier