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Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois

Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir 12 fevrier/RapportFr... · Les publications suivantes constituent le rapport de la Commission et ses annexes : † Rapport

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Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Rapportde la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois

Les publications suivantes constituent le rapport de la Commission et ses annexes :• Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois;

• Études complémentaires (synthèses préparées à la demande de la Commission sur lesthèmes abordés dans le Rapport);

• Ce qu’on nous a dit (synthèse des propos entendus aux audiences publiques régionales etnationales).

Ces trois documents et tous les documents reçus par la Commission dans le cadre de son man-dat ainsi que plusieurs autres renseignements peuvent être consultés sur le site Web de la Com-mission, à l’adresse www.caaaq.gouv.qc.ca, ou à partir du site Web du ministère de l’Agriculture,des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, à l’adresse www.mapaq.gouv.qc.ca.

Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenirPropositions pour une agriculture durable et en santé

Rapportde la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois

Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois

Québec, le 31 janvier 2008

Monsieur Laurent LessardMinistre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation

Monsieur le Ministre,

C’est avec grand plaisir que nous vous remettons le rapport de la Commission sur l’avenir de l’agricultureet de l’agroalimentaire québécois.

Constituée le 20 juin 2006 en vertu du décret numéro 570-2006, cette commission, rappelons-le,avait le mandat de dresser un état de situation sur les enjeux et les défis de l’agriculture et de l’agro -alimentaire québécois, d’examiner l’efficacité des politiques publiques dans différents domaines quitouchent ce secteur d’activité, d’établir un diagnostic et de formuler des recommandations sur lesadaptations à faire.

Le présent rapport repose notamment sur des consultations publiques tenues dans 15 régions et 27 municipalités du Québec et qui nous ont permis de recevoir quelque 770 présentations, dont 720 étaient soutenues par un mémoire. Il s’appuie aussi sur plusieurs mandats d’études externes etsur toute une série de rencontres avec divers interlocuteurs.

Espérant que notre rapport contribuera à assurer et à bâtir l’avenir de l’agriculture et de l’agroali-mentaire québécois, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à nos sentiments les meilleurs.

Jean PronovostPrésident

Pascale Tremblay, agr. Mario DumaisCommissaire Commissaire

c.c. Monsieur Gérard Bibeau, secrétaire général du Conseil exécutif

Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois

Jean Pronovost, présidentMario Dumais, commissairePascale Tremblay, agr., commissaire

Suzanne Dion, secrétaire générale

Yvon Boudreau, collaboration spéciale et rédaction

ÉDITIONChantale Tremblay

TRAITEMENT DE TEXTEOdette Côté

RÉVISION LINGUISTIQUECharlotte Gagné

TRADUCTIONAnglocom

GRAPHISMEFolio et Garetti

PHOTOGRAPHIE Clément Allard : chapitre 2Pierre Beauchemin, ITHQ : chapitre 7Éric Labonté, MAPAQ : chapitre 10Marc Lajoie, MAPAQ : introduction, chapitres 1, 4, 5, 6 et 11Guy Tessier : couverture, chapitres 3, 8, 9 et 12

IMPRESSIONSOLISCO/Caractéra

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationalesdu Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois

Agriculture et agroalimentaire québécois [ressource électronique] : assurer etbâtir l’avenir : rapport

Texte en français et en anglais.

ISBN 978-2-550-51787-0

1. Agriculture – Québec (Province). 2. Industries agricoles – Québec (Province).3. Politique agricole – Québec (Province). I. Titre.

S451.5.Q8C65 2008b 630.9714 C2008-940070-4F

DÉPÔT LÉGAL : Bibliothèque nationale du Québec, janvier 2008

This document is also available in English.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois 5

La Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimen-taire québécois a reçu de nombreux appuis et contributionsqui ont enrichi considérablement sa réflexion et facilité laréalisation de son mandat.

Elle tient d’abord à souligner la collaboration exceptionnellede plusieurs ministères du gouvernement du Québec et, aupremier chef, celle du ministère de l’Agriculture, des Pêcherieset de l’Alimentation. Ce dernier a fourni avec empressementtoutes les informations, analyses, études et données que laCommission a sollicitées, tout en lui offrant un soutien logistiqueattentif et constant. La Financière agricole du Québec, laRégie des marchés agricoles et ali mentaires du Québec et laCommission de protection du territoire agricole du Québecont également fait preuve d’un excellent esprit de collabora-tion. Le ministère du Développement durable, de l’Environ-nement et des Parcs, celui des Finances, celui de l’Éducation,du Loisir et du Sport, celui de la Santé et des Services sociaux, celui des Affaires municipales et des Régions ainsique celui du Développement économique, de l’Innovation etde l’Exportation de même que le ministère de l’Emploi et dela Solidarité sociale ont mis au service de la Commission leurexpertise et leurs données. La Commission tient égalementà souligner la contribution continue d’Agriculture et Agroali-mentaire Canada : ses représentants ont suivi assidûment sestravaux et ont répondu à toutes les demandes de renseigne-ments qui leur ont été adressées.

La Commission a pu bénéficier des services d’une équipe derecherche et de soutien constituée de personnes provenantde divers ministères et organismes du gouvernement duQuébec ou recrutées à l’extérieur. Cette petite équipe, dirigéepar Mme Suzanne Dion, secrétaire générale, a accompli untravail remarquable.

La Commission a aussi fait appel à de nombreux experts etconsultants externes qui lui ont permis d’approfondir certainsdiagnostics et de formuler des propositions s’appuyant surdes données fiables et une expertise de haut niveau.

Par-dessus tout, la Commission a puisé, dans les quelque770 mémoires et témoignages reçus lors des audiences régio-nales et nationales, l’essentiel des messages qui ont inspiréle présent rapport. Elle exprime sa plus vive reconnaissanceaux personnes et organisations qui se sont investies dans lapréparation et la présentation de ces témoignages.

Remerciements

6 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois 7

Introduction 11

1 Les facteurs qui exerceront une influence sur l’avenir 17

2 Les principaux messages adressésà la Commission 25

3 Une vision d’avenir à partager 31

4 La production agricole et l’aide de l’État 45

5 La mise en marché des produits agricoles 75

6 La transformation et la distribution alimentaires 95

7 La formation et le perfectionnement des ressources humaines 121

8 La recherche et l’innovation 151

9 L’environnement 161

10 L’alimentation, la santé et les attentes des consommateurs 185

11 La protection du territoire agricole et le développement régional 199

12 L’utilisation de l’agriculture à d’autres fins que l’alimentation 213

13 La gouvernance 225

Conclusion 243

1 Propositions de mise en œuvre 245

2 Liste des recommandations 251

3 Personnel de la Commission 272

Annexes

8 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois 9

Nous croyons fermement à l’avenir de ce secteur. Par contre,plusieurs indices portent à croire que nous avons atteint,en quelque sorte, les limites du modèle agricole actuel. Eneffet, l’environnement dans lequel l’agriculture et l’agroa-li mentaire évoluent présentement diffère grandement decelui qui a donné le jour à la plupart des politiques en cours.

Ainsi, sans renier les gains importants faits par l’organisationactuelle des politiques agricoles, nous croyons qu’il fautfaire preuve d’autant d’audace qu’à l’époque qui nous aprécédés afin de redéfinir la place de l’agriculture dans lasociété. Puisque les besoins changent, il nous semble normalque l’agriculture et l’agroalimentaire évoluent avec eux.

– Les étudiants et les étudiantes de la Faculté des sciences

de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, dans leur mémoire

présenté à la Commission, le vendredi 7 septembre 2007 à Montréal.

10 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Introduction

5

L’agriculture québécoise s’est profondémenttransformée au cours des cinquante dernièresannées. À l’instar des autres secteurs produc-tifs, elle s’est modernisée et a accru substan-tiellement ses rendements en prenant appui surles avancées de la science et de la technologie.L’agriculture québécoise, comme celle de tousles pays industrialisés, s’est spécialisée et lataille des unités de production s’est nettementagrandie. Elle a pu compter et compte encore surdes institutions de formation et de recherche, surdes services-conseils en matière de gestion,d’agronomie, de génétique et de santé animale,sur des fournisseurs d’intrants et d’équipementsà l’affût des technologies de pointe et sur la com-plicité active des gouvernements. Au Québeccomme dans la plupart des pays industrialisés,l’intensification de l’agriculture, bien qu’elle nefût pas sans conséquence, a été la réponse dumilieu agricole aux besoins et aux attentes de lasociété.

L’agriculture du Québec a aussi permis l’expan-sion considérable de la transformation alimentairequi, par la valeur de ses expéditions, est devenuele premier secteur manufacturier québécois.Quant à la distribution, elle a enregistré deschan gements majeurs, s’est complètement réor ga -nisée et a graduellement atteint un haut niveau deconcentration.

Au cours des dernières années, l’agriculture etl’agroalimentaire ont été profondément secoués.L’environnement national et international a changé,marqué notamment par l’augmentation specta-culaire du commerce mondial et l’émergence denouvelles puissances agricoles exportatrices.Ces changements ont exacerbé les problèmes deconcurrence de prix entre nos produits agricoleset ceux qui nous arrivent de partout dans lemonde et envahissent nos marchés. De nouvellesincertitudes ont surgi, soulevant des questionstroublantes sur les conséquences d’une agriculturequi n’est pas toujours respectueuse de l’environ-nement. Les citoyens et les consommateurs, quis’étaient tenus à l’écart des débats sur les enjeuxde l’agriculture, sont entrés en scène et désormaisils expriment davantage leurs préoccupations etleurs exigences à l’égard de l’environnement etde la santé, interpellant directement l’agriculture etl’agroalimentaire. On ne voit plus l’agriculture de lamême façon. Les interrelations entre le secteuragroalimentaire et la santé se sont raffermies et laproduction agricole est maintenant subordonnéeau respect de l’environnement et à l’acceptabilitésociale. Bref, l’agriculture est devenue un enjeude société.

L’agriculture a marqué l’histoire du Québec. Nous avons trouvé dans l’agriculture notre principal moyen de survivance économique, culturelle etsociale. Notre passé agraire a façonné plusieurs traits de notre personnalitécollective. Notre filiation avec le monde rural demeure palpable à bien des égards, étant majoritairement des urbains de fraîche date. Si elle ne constitue plus le pôle central de la vie communautaire des Québécois et des Québécoises, l’agriculture n’en conserve pas moins une mission essentielle. Outre sa fonction nourricière, l’agriculture représente un modede vie et un moyen dynamique d’occuper le vaste territoire qui est le nôtre.

12 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

L’AGRICULTURE, ENJEU DE SOCIÉTÉDans cet univers qui change et se complexifie,les agriculteurs et les acteurs du secteur agroa-limentaire réalisent que les solutions qui avaientprévalu jusqu’alors et les mécanismes mis enplace au cours des quarante dernières annéespour seconder le développement de l’agricultureet de l’agroalimentaire ne suffisent plus, que cer-tains de ces dispositifs semblent avoir atteintleurs limites. Insidieusement, l’agriculture est entréedans une phase de doute, de remise en questionet même de crise.

Cet état de tension peut être illustré par cer-taines observations :• la baisse des revenus agricoles, exacerbée

par des crises conjoncturelles comme cellesde l’encéphalopathie spongiforme bovine(vache folle) et de la filière porcine tout entière;

• l’endettement sans précédent des agricul-teurs, en partie lié à la recherche de gains deproductivité, au prix des quotas ainsi qu’àl’augmentation de la taille des fermes et à lamodernisation de celles-ci;

• la hausse des coûts de certains programmesd’aide financière à la production agricole,dans un contexte où la société doit répondre àd’autres priorités, notamment en matière desanté, d’éducation et d’infrastructure;

• la difficulté de transférer les fermes à la re-lève, assombrissant les perspectives d’avenirde la profession;

• le resserrement des normes environnemen-tales et phytosanitaires, la prise en comptedes impératifs du développement durableet l’expression de nouvelles exigences so-ciétales, qui ont pour effet de faire grimper lescoûts de production au-delà de ce que lesmarchés sont prêts à reconnaître;

• la perte de confiance d’une certaine pro-portion de citoyens et de consommateursà l’égard de la production agricole et detout le secteur agroalimentaire, accusés depoursuivre des activités polluantes et d’accor-der une importance trop grande aux gainséconomiques à court terme, au détriment de laqualité des aliments produits et de l’environ-nement;

• les pressions exercées, notamment à l’Or-ganisation mondiale du commerce (OMC),en faveur d’une plus grande ouverture desmarchés agricoles, ce qui déstabiliserait lesproductions québécoises assujetties à la gestionde l’offre. Les autres productions sont de plus enplus exposées à la concurrence internationalerésultant de la mondialisation;

• la montée inquiétante de la détresse psy-cho logique en milieu agricole, phénomèneméconnu jusqu’à tout récemment chez lesagriculteurs;

• les faibles perspectives de croissance et dedéveloppement au Québec du secteur de latransformation alimentaire, qui fait face à desproblèmes de plus en plus aigus de capitalisa-tion, d’approvisionnement, de productivité etde disponibilité de main-d’œuvre, dans uncontexte d’accroissement de la concurrenceétrangère;

• les modes d’organisation et le très haut niveau de concentration qui caractérisent ladistribution alimentaire, ce qui soulève desinquiétudes quant à l’accessibilité des produitsquébécois aux réseaux de distribution.

Certes, l’état de crise n’est pas généralisé.L’agriculture et l’agroalimentaire du Québec ontd’importants acquis et leurs acteurs, qui ont ma-nifesté dans le passé de remarquables capacitésd’adaptation, démontrent une volonté farouchede défier les épreuves du temps présent. Maisla phase d’instabilité qu’ils traversent et lescauses qui l’alimentent demeurent hautementpréoccupantes. Plusieurs représentants du sec-teur agricole et agroalimentaire ont soutenu, lorsdes audiences de la Commission, qu’ils sontrendus pour ainsi dire à la croisée des cheminset qu’ils ont besoin d’un nouvel élan.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Introduction 13

14 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

LE MANDAT ET LA DÉMARCHEDE LA COMMISSIONC’est sur cette toile de fond que le gouvernementdu Québec a créé la Commission sur l’avenir del’agriculture et de l’agroalimentaire québécois,chargée du mandat suivant :• « faire un état de situation sur les enjeux et

défis de l’agriculture et de l’agroalimentairequébécois;

• « examiner l’efficacité des interventions pu-bliques actuellement en place, tant celles sousla responsabilité du ministre de l’Agriculture,des Pêcheries et de l’Alimentation que cellessous la responsabilité d’autres ministres tou-chant le secteur agricole et agroalimentairedans des domaines tels l’environnement, lasanté, l’occupation du territoire et le dévelop-pement régional;

• « établir un diagnostic et formuler des recom-mandations sur les adaptations à faire, comptetenu des défis de la compétitivité et des revenusagricoles, des attentes sociétales et de la miseen valeur des potentiels régionaux. »

La Commission est allée à la rencontre des agri-culteurs, des transformateurs, des distributeurs,des organismes de développement, des écolo-gistes, des élus municipaux, des professionnelstravaillant en amont et en aval de la productionagricole, des fournisseurs d’intrants et d’équi-pements, des exportateurs, des chercheurs, desformateurs, des citoyens et des consommateurs;bref, de tous ceux qui vivent du secteur agricoleet agroalimentaire ou qui y portent un intérêt.Elle a tenu, dans toutes les régions, sauf celle duNord-du-Québec, des audiences publiques aucours desquelles furent présentés quelque660 mémoires et témoignages, illustrant toute ladiversité des situations et exprimant les inquié-tudes, les espoirs, les attentes et les projets deplusieurs centaines de personnes de toute prove -nance sociale et professionnelle. La Commissiona également tenu deux semaines d’audiencespubliques nationales où elle a reçu 110 mémoiresprésentés essentiellement par des organisationsétablies dans plusieurs régions ou dans l’en-semble du Québec.

Ces personnes, entreprises et organismes ontexprimé leur confiance envers la démarche de laCommission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois. Ils s’y sont investisen menant des réflexions poussées au sein deleur organisation, en documentant les problèmesvécus, en cherchant des solutions concrètes eten venant témoigner de leurs expériences et deleur vision d’avenir. La Commission fut vivementimpressionnée par l’importance et la remarquablequalité de cette participation et par l’espoir placédans les travaux qu’elle mène. Elle a rencontrédes gens passionnés, fiers de leurs réalisations,mais inquiets de leur avenir.

Ce que la Commission a entendu confirme lar-ge ment les interrogations et les inquiétudes quiassaillent le secteur de l’agriculture et de l’agroa-limentaire. Dans toutes les régions du Québec,des citoyens et des citoyennes de divers horizonsse sont ouvertement demandé où allait notreagriculture. Ils craignent que, dans ce monde enmutation profonde, la simple poursuite des poli-tiques qui ont fait le succès de ce secteurjusqu’ici ne conduise à une amplification de lacrise, à une sorte d’impasse. Du coup, ils ont éténombreux à souhaiter et même à réclamer unenouvelle vision de l’agriculture et de l’agroali-mentaire qui prendrait appui sur les acquis et quis’adapterait aux grands courants d’une sociétéqui, toute urbaine qu’elle soit, veut redéfinir sesrapports avec l’agriculture.

Bien entendu, le spectre des préoccupations ex-po sées devant la Commission est très large etplusieurs des recommandations formulées sontdivergentes, voire contradictoires. Sur des enjeuxd’une telle ampleur et d’une telle complexité, onne se surprend pas de l’absence d’unanimité.Mais à travers cette pluralité de points de vue,la Commission a décelé des constats largementpartagés, des questionnements incessants, desgrandes tendances et des attentes incontourna-bles. Elle a pu relever les questions de fond quidoivent être examinées avec plus d’attention etidentifier les principaux changements qu’il fautimpérativement engager.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Introduction 15

La Commission a également jugé bon de faireappel à divers experts afin d’évaluer plus finementles mérites et les lacunes des grands instrumentsde la politique agricole du Québec. Elle a aussiexaminé les politiques de certains autres pays.Cette information complète l’éclairage considé-rable et indispensable fourni par les audiencespubliques.

La Commission a remarqué que les organisationset les institutions du secteur agricole et agroali-mentaire québécois ont, pour la plupart, faitpreuve de prudence, d’une évidente retenue,dans l’examen critique des piliers de la politiqueagricole québécoise. Les instruments clefs decette politique forment, à leurs yeux, un ensemblede dispositifs étroitement imbriqués, un systèmequi se tient.

Au moment de faire la synthèse de cette massed’informations, la Commission a voulu aller àl’essentiel. Elle s’est avant tout employée à dé-gager une vision d’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire pour les quinze à vingt pro-chaines années. Elle s’est appliquée à formulerles recommandations qui lui apparaissent lesplus structurantes pour baliser les voies de laréussite et elle s’attend à ce que le gouverne-ment y porte une attention toute particulière.

DES CHANGEMENTS NÉCESSAIRESNous avons voulu proposer les assises d’une future politique agricole. Nous souhaitons vive-ment que cette vision soit rassembleuse. Celaest d’autant plus important que cette vision estexigeante; elle s’appuie sur des diagnosticsclairs posés sans complaisance et fait appel ànotre désir d’excellence, à notre goût du dépas-sement, à nos capacités d’innovation et à nosambitions. Elle commande aussi la contribution detout le secteur agricole et agroalimentaire et deceux et celles qui y sont associés, sans exception,et la collaboration active de la société civile. Àcette fin, il nous est apparu essentiel de détermi-ner des points d’arrivée, de proposer des ciblesmobilisatrices.

Le diagnostic que pose la Commission se veutlimpide : le secteur agricole et agroalimentaire esten train de se refermer sur lui-même. Les systèmesqu’il a mis en place créent des obstacles à l’émer-gence de nouveaux types d’agriculture, au déve-loppement de produits originaux et à l’explorationde nouvelles possibilités commerciales. Cessystèmes sont axés sur un modèle dominant del’agriculture où tout est imbriqué dans une visionprotectrice du secteur. On a voulu, dans une cer-taine mesure, mettre l’agriculture à l’abri de laconcurrence et des risques que présente l’innova-tion dont on ne maîtrise pas tous les tenants etaboutissants. On a en quelque sorte créé une placeforte pour l’agriculture, ce qui limite sa capacitéd’explorer tout son potentiel et qui constitue uneprotection de plus en plus désuète dans unmonde d’ouverture.

Le secteur agricole et agroalimentaire ne pourrapas faire face aux défis de l’avenir en reconduisantsimplement le statu quo intégral de ses façons defaire. Certes, les changements préconisés com-portent leur part de risque. Après avoir soupesé lesavantages et les inconvénients des réformes pro-posées, la Commission est fermement convaincuede la nécessité de procéder à ces changementsde manière ordonnée et progressive. Il n’y a pasde véritable alternative. Ou bien les acteurs del’agriculture et de l’agroalimentaire s’engagentdans ces changements avec le soutien proactif del’ensemble de la société et ouvrent leurs systèmesà l’innovation et aux initiatives des entrepreneurs,ou certains changements vont s’imposer d’eux-mêmes, sous les effets de la conjoncture, desnouvelles tendances de consommation et de laconcurrence d’autres produits d’ici et d’ailleurs.

16 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Dans ce dernier cas, les changements risquentfort de s’opérer dans le désordre, dans un état detension marqué par des fermetures et des faillitesd’entreprises, des controverses sociales et desdrames humains. L’actuelle crise de l’industrieporcine illustre bien le sort qui attend les sys-tèmes qui ne s’adaptent pas à temps à de nou-velles réalités.

La Commission espère rallier une grande majo-rité de ses concitoyens à la vision qui se dégagedu présent rapport grâce à une compréhensionpartagée d’une agriculture qui puisse nous res-sembler, qui soit le reflet de notre histoire et denotre modernité, qui traduise notre différence etqui contribue à notre alimentation et à notre dé-veloppement. Il s’agit véritablement d’un projetcollectif. Les enjeux de l’agriculture et de l’agro -alimentaire méritent cet effort de mobilisation.

La Commission invite le gouvernement et toutesles personnes actives du secteur et de l’ensemblede la société à s’engager résolument dans lavoie du changement. Ce parcours sera exigeantpour tout le monde. La Commission a été sou-cieuse d’équilibrer les efforts attendus des unset des autres, de favoriser la concertation et ledialogue et de tracer des voies où les acteurs etpartenaires cheminent ensemble vers l’atteinted’objectifs communs et partagent les mêmesambitions.

Les sociétés modernes soucieuses de prendre en main leur destin décident et gèrent les changements. Autant il importe d’apporter les réalignements de fond que les nouveaux défis imposent au secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire, autant il est essentiel de gérer ces changements, d’assurer une transition entre la situation actuelle et le nouvel ordre que l’on souhaite voir s’établir. Par-dessus tout, nous devonsrespecter ceux qui, au premierchef, vont vivre cette évolutiondans leur travail quotidien. C’est ce qui a incité la Commission à proposer au gouvernement un plan favorisant la mise en œuvre de ses recommandations etqui prend acte de la nécessitéd’engager les changements de manière progressive.

Nous espérons avoir répondu, par les constatsque nous avons retenus et les propositions formulées, à l’espoir qu’un grand nombre depersonnes de diverses provenances ont placédans la démarche de la Commission.

Les facteurs qui exerceront une influence sur l’avenir

1

L’agriculture et l’agroalimentaire, à l’instar des autres secteurs d’activité,évoluent dans un monde en mutation. Certains facteurs ou phénomènes,même s’ils sont étrangers au secteur agroalimentaire proprement dit et au Québec, peuvent exercer une influence majeure, voire déterminante,sur la production agricole de même que sur la transformation, la commercialisation et la distribution des aliments.

On pourrait sans doute dresser une liste trèslongue des phénomènes ou tendances suscepti-bles d’influer sur l’agriculture et l’agroalimentairedans un avenir prévisible. Nous nous limiteronsà ceux qui paraissent les plus significatifs, lesplus lourds de conséquences pour le dévelop-pement du secteur, bref, les facteurs dont il fautimpérativement tenir compte pour dégager unevision réaliste de l’agriculture de demain. Nousen avons retenu dix.

LA DÉMOGRAPHIELa démographie conditionnera fortement l’évo-lution de la société québécoise.

Des projections démographiques effectuées parl’Institut de la statistique du Québec, on peut re-tenir cinq faits saillants.

1 La population québécoise augmentera trèspeu. Elle devrait passer de 7,5 millions de per-sonnes en 2007, à 8,1 millions en 2031, avantd’amorcer un déclin qui sera de plus en plusmarqué.

2 Des variations beaucoup plus significativesde la population seront enregistrées dansles régions. Sommairement, d’ici 2026, lessept régions administratives du sud du Québecconnaîtront une croissance démographique,principalement en raison de l’attraction qu’ellesexerceront sur les populations des autres régions. Par voie de conséquence, plus de lamoitié des régions du Québec verront leurpoids démographique global diminuer ou àpeine se stabiliser.

3 La population québécoise poursuivra sonurbanisation. La région métropolitaine deMontréal devrait connaître une croissance del’ordre de 9 % d’ici 2021. Mais ce phénomènecache aussi une tendance au déplacement decertaines catégories de citadins vers le milieurural. C’est ainsi que, dans l’horizon de 2021,plusieurs MRC de la région métropolitaineconnaîtront des taux de croissance variant de25 % à 45 %.

4 La population vieillira. Le poids démographi -que des moins de 20 ans, qui était de 40 % en1971, ne sera plus que de 19 % en 2026. Parcontre, la part des 65 ans et plus sera passéede 7 % à 27 % pendant la même période.

5 Dès 2011, le nombre de personnes qui quit-teront le marché de l’emploi, principalementpour prendre leur retraite, sera supérieur àcelui des personnes intégrant le marché dutravail. Ce contexte amplifiera les difficultésassociées aux pénuries de main-d’œuvre quisont déjà perceptibles de manière particuliè-rement aiguë dans le secteur agricole etagroalimentaire.

Bref, la démographie est une réalité que nous nepouvons pas changer facilement et qui devraitnous inciter à regarder d’un œil nouveau certainesorientations guidant le développement de l’agri-culture et de l’agroalimentaire, notamment laprotection du territoire agricole, l’aménagementet l’occupation du territoire, la vitalité économiquedes communautés rurales, le développement desressources humaines et l’évolution des besoinsalimentaires.

18 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

1. Elle s’établissait à 10 159 milliards de dollars américains en 2005. (OMC, International Trade Statistics, 2006).

2. OMC, International Trade Statistics, 2006.

3. Ils sont maintenant 27, incluant la Bolivie, l’Argentine, le Venezuela, le Guatemala, Cuba, l’Égypte, les Philippines, le Pakistan, la Tanzanie et le Zimbabwe.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 1 19

Notons qu’à l’échelle mondiale, la populationdevrait passer de 6,67 milliards en 2005 à prèsde 7,5 milliards en 2015. Par ailleurs, l’élévationdu niveau de vie enregistré dans plusieurs paysest généralement associée à l’augmentation dela consommation de protéines d’origine animale.La conjugaison de ces deux phénomènes aurad’importantes conséquences sur les besoins ali-men taires de l’humanité. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture(FAO) prévoit que, pendant les vingt prochainesannées, la demande mondiale de céréales vaaugmenter de 50 %, sous l’effet, entre autres,de la croissance rapide de la consommation deviande. La demande de viande connaîtra unecroissance de l’ordre de 30 %. Tout cela influerasur le commerce mondial des produits agricoleset se répercutera directement ou indirectementsur l’agriculture québécoise.

LE COMMERCE MONDIALLa valeur globale des biens exportés a été multi-pliée par 81 entre 1960 et 20051. En raison del’explosion du commerce des produits manufac-turés, la part des produits agricoles dans l’ensem-ble des marchandises échangées est passée de30 % dans les années 60 à 8 % aujourd’hui. Il s’agittout de même d’un commerce qui représentait852 milliards de dollars américains en 2005 etqui connaît un important taux de croissance (lavaleur des exportations des produits agricoless’établissait à 224 milliards de dollars en 1979-1980). La FAO prévoit une hausse additionnellede 23 % de ce commerce entre 2005 et 2015.

Le commerce des produits agricoles, qui étaitdéjà l’objet de préoccupations dans le cadre del’Accord général sur les tarifs douaniers et lecommerce (GATT), occupe une place de plus enplus importante dans les négociations sur lecommerce mondial qui se tiennent sous l’autoritéde l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Un facteur nouveau marque le commerce desproduits agricoles, soit l’arrivée sur les marchésd’exportation de pays qui, jusqu’à tout récemment,avaient été des importateurs nets. C’est le cas dela Chine et de l’Inde. Quant au Brésil, il est devenu,en quinze ans, la troisième puissance agricole,après les États-Unis et l’Union européenne. Malgré tout, ces trois pays ne sont pas en mesurede nourrir la planète. En 2005, la valeur totaledes exportations de produits agricoles fut de28,7 milliards de dollars pour la Chine, de10,1 milliards pour l’Inde et de 35 milliards pourle Brésil (sur des échanges internationaux del’ordre de 852 milliards de dollars2).

Ce sont ces nouveaux exportateurs, regroupésstratégiquement avec des pays en voie de déve -loppement au sein d’une alliance familièrementappelée le Groupe des Vingt (ou G-20)3, quiexercent le plus de pression à l’OMC en faveurd’un plus grand accès aux marchés des paysdéveloppés. Ils visent deux cibles principales.En premier lieu, ils réclament la réduction dusoutien financier qu’accordent les pays déve-loppés à leurs producteurs agricoles, l’estimantdéloyal. En deuxième lieu, ils s’en prennent auxdroits de douane comme ceux que le Canadaimpose – dans le cadre de la gestion de l’offre –à l’égard des produits laitiers (299 % pour lebeurre et 246 % pour le fromage), de la volaille(238 % pour le poulet) et des œufs (164 % pourles œufs en coquille). Ces pays estiment que cestarifs empêchent ou nuisent considérablement àl’entrée de leurs produits sur le marché canadien.

Ailleurs dans le monde, certains produits sontégalement soumis à des tarifs douaniers trèsélevés. C’est le cas des importations de riztransformé qui sont frappées en moyenne d’undroit de douane de 314 % dans les pays déve-loppés d’Asie. Toutefois, les tarifs douaniers ap-pli cables dans une nette majorité de paysatteignent rarement les niveaux fixés comme sou-tien au régime de la gestion de l’offre au Canada.

4. Au Québec, les tarifs d’électricité évoluent selon une autre logique, mais la comparaison avec le prix du mazout s’établit néanmoins.

5. Entre 2004-2005 et 2007-2008, le prix du maïs sera passé de 101 $/tonne à un prix s’établissant entre 140 $/tonne et 165 $/tonne. Le prix du soya pendant la même période aura fluctué de 220 $/tonne à un prix se situant entre 260 $/tonne et 280 $/tonne.

LES BESOINS ET LE COÛT DE L’ÉNERGIEAu début des années 2000, le baril de pétrole setransigeait à 20 $. Il dépasse maintenant les 90 $et la moindre catastrophe naturelle ou tensionsociopolitique dans les pays producteurs le pro-pulse à de nouveaux sommets.

À quelques nuances près, le prix du pétrole sertun peu de référence pour l’évolution du prix desautres formes d’énergie4. Certaines techniquesde production d’énergie propre ou d’énergienouvelle ne sont économiquement envisageablesque dans un contexte de prix élevé du pétrole.Nous sommes définitivement entrés dans l’èrede l’énergie coûteuse. Les mesures qui serontadoptées pour réduire les gaz à effet de serreaccroîtront vraisemblablement la pression sur leprix de l’énergie.

Pour le secteur agricole et agroalimentaire qué-bécois, ce contexte milite évidemment en faveurdu recours à des procédés et à des techniquesles moins énergivores possible. Il fait aussi surgirune préoccupation somme toute récente, mêmesi elle ne fait pas l’unanimité, celle du coût envi-ronnemental associé au transport d’alimentspouvant parcourir des milliers de kilomètresavant de parvenir à notre table alors que bonnombre d’entre eux peuvent être produits etvendus à proximité.

L’agriculture est également devenue productriced’énergie. S’inspirant des succès enregistrés parle Brésil, le gouvernement américain a décidé,en 2005, d’encourager le recours à l’éthanold’origine végétale pour satisfaire une partie desbesoins nationaux en carburant, politique qui adéjà eu des répercussions considérables. Deuxans plus tard, on assiste, tant aux États-Unis quedans certains autres pays, à un déplacement descultures vers le maïs afin d’alimenter les nouvellesusines de production d’éthanol, ce qui déclenchedes réactions en chaîne : hausse appréciable duprix du maïs, diminution de la production desoya et de quelques autres cultures entraînantune augmentation des cours5, coûts accrus decertaines productions animales, bonification desrevenus agricoles, changements dans les expor -tations internationales, etc. Le choix de la filière

de l’éthanol soulève des critiques sur le gainénergétique réel et les impacts environnementauxde ce « carburant vert ». On ne peut cependantignorer ses effets considérables sur l’agriculture.

Soulignons que l’éthanol n’est que l’un des1 055 bioproduits fabriqués au Canada. De grandsespoirs sont placés dans la production de bio-carburants à partir de la cellulose des végétauxagricoles ou forestiers et de la biomasse.

L’ENVIRONNEMENTDe nombreux facteurs ont concouru à la dété-rioration des milieux de vie et des ressources re-nouvelables depuis la révolution industrielle :explosion de la population mondiale, rejets industriels largués sans traitement dans le milieuphysique, développement accéléré de l’agricul-ture amplifiant la pollution diffuse, exploitationmassive des carburants fossiles, déforestationaccélérant l’érosion, etc. Il en est résulté de gravesproblèmes de dégradation de l’environnementqui ont incité les gouvernements à prendre desmesures afin de réparer les dégâts, tant que fairese peut, d’éliminer graduellement les sources depollution puis d’agir de façon proactive afin deprotéger les écosystèmes et la biodiversité.

Cette évolution a certes varié selon les pays,mais partout, le désir de freiner ou même d’éli-miner les préjudices causés à l’environnementpar l’activité humaine et industrielle a donné lieuà des législations ayant une portée de plus enplus étendue.

Les préoccupations relatives à l’environnementont débordé les frontières des pays et elles ontmené à plusieurs conventions internationales,dont les plus récentes sont celles traitant spéci-fiquement de la biodiversité et des changementsclimatiques. De même, le concept de développe-ment durable, d’abord présenté à une session detravail de l’Organisation des Nations unies (ONU),a été largement adopté par de nombreux pays.

20 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

6. Programme des Nations unies pour l’environnement, Global Environment Outlook (GEO-4), 2007.

7. Selon l’Institut national de santé publique du Québec, le taux d’obésité chez les adultes québécois est passé de 14 % à 22 % entre1990 et 2004.

Appliqués aujourd’hui au contexte québécois del’agriculture et de l’agroalimentaire, les enjeux del’environnement, qui sont incontournables, ontau moins trois significations concrètes :• ils commandent des actions et des pratiques

qui éliminent toute détérioration de l’environ-nement;

• ils requièrent une vigilance particulière àl’égard de la qualité de l’eau qui demeure leréceptacle ultime des polluants et font appel àdes comportements axés sur l’utilisation ra-tionnelle de cette ressource;

• ils ouvrent la voie à des contributions de l’agri-culture à l’atteinte d’objectifs environnementauxqui vont au-delà de la simple conformité à laréglementation en vigueur.

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUESUn fort consensus s’est établi au sein de la com-munauté scientifique internationale sur l’ampleurdu phénomène des changements climatiques,selon le dernier rapport de l’ONU6. La lutte contreles gaz à effet de serre et les mesures préventivesà l’égard des changements climatiques figurentparmi les mesures et les plans d’action à longueportée, adoptés par une très forte proportion degouvernements dans le monde.

Les changements climatiques sont susceptiblesde bouleverser plusieurs aspects de notre modede vie et d’affecter particulièrement l’agriculture.On voit déjà s’étendre la désertification de cer-taines régions du monde, provoquant des dé-placements de populations. Les sécheressessont plus fréquentes et plus graves, y comprisau Canada. La lutte pour l’accès à l’eau potableattise déjà les conflits entre les pays, dans uncontexte où, selon l’ONU, plus d’un milliard depersonnes n’avaient pas accès à l’eau propre en2006 sur les divers continents. Les inondationset autres catastrophes naturelles se multiplientet leur ampleur croissante les rend plus dévas-tatrices d’une année à l’autre. Des insectes etdes plantes qui n’avaient jamais affecté notreproduction agricole migrent vers le nord. Enmême temps, certaines cultures qui semblaientimpossibles à cause de la rigueur de notre climatpeuvent désormais être envisagées.

Face aux enjeux considérables des changementsclimatiques, les gouvernements adoptent, parconvention internationale, des mesures visant àfreiner l’émission des gaz à effet de serre et àagir sur les autres causes du phénomène, demanière à en atténuer les conséquences pourles populations et pour l’environnement. Cesmesures affecteront les méthodes de productionconsom matrices d’énergie, les modes de trans-port, les politiques des pays en matière de pro-tection et d’utilisation de l’eau et des ressourcesrenouvelables, la production de biocarburants etd’autres produits énergétiques, etc.

Le développement de l’agriculture et de l’agroali-mentaire québécois s’opérera dans ce contexte quiexercera une influence significative sur leurs choixstratégiques et sur la conduite de leurs activités.

LES PRÉOCCUPATIONS POUR LA SANTÉÀ mesure que croissaient les préoccupations envi -ronnementales, les citoyens ont porté une at-tention de plus en plus grande à l’innocuité desaliments. Puis, l’idée que des produits alimen-taires puissent causer des préjudices à la santés’est accréditée à mesure que certaines maladiescausant des taux élevés de mortalité, comme lecancer ou les maladies cardio-vasculaires, ontatteint des niveaux presque endémiques et quecette évolution fut associée à certains comporte-ments, dont l’alimentation. La lutte aux alimentspotentiellement cancérigènes, au cholestérol puisaux gras trans s’est généralisée. Aujourd’hui, laprogression alarmante des cas d’obésité renforcele lien qu’établit la population entre l’alimentationet la santé7. On réclame dès lors une collaborationplus étroite entre les organismes de santé et lesecteur agricole et agroalimentaire.

L’importance qu’accordent les consommateursà leur santé ne peut que s’amplifier dans l’avenir.Leurs exigences à l’égard de l’innocuité, de laqualité nutritionnelle des aliments et de leurcontenu spécifique vont inévitablement s’accroî-tre. La capacité de répondre à une demande à lafois généralisée et nettement éclatée de produitsalimentaires différenciés et spécifiques, en rela-tion avec les préoccupations sur la santé expri-mées de multiples façons, fait partie des grandsdéfis du secteur agroalimentaire des prochainesannées.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 1 21

8. FAO, « L’alimentation et l’agriculture dans le monde : enseignements des 50 dernières années », La situation mondiale de l’alimentationet de l’agriculture 2000, 2000.

LES AVANCÉES DE LA SCIENCESelon la FAO, au cours des 50 dernières années,l’augmentation de la production agricole mondialea été 1,6 fois plus importante que la productiontotale atteinte en 1950 après 10 000 ans d’histoireagraire8. C’est dire l’importance de la contributionde la science et des technologies au dévelop-pement de l’agriculture.

Cet exploit, qui ne fut pas sans conséquence,résulte de la triple révolution agricole qu’ontconnue les pays industrialisés, à savoir :• une révolution industrielle qui a permis de méca -

niser la production à grande échelle, d’effectuerune fertilisation minérale intensive, d’appliquerdes traitements contre les ennemis des élevageset des cultures et de déployer des moyens deconservation des produits alimentaires;

• une révolution biotechnique qui a fourni, parla sélection, des variétés de plantes cultivéeset de races d’animaux à haut potentiel de ren-dement;

• une révolution des transports qui a facilité lesapprovisionnements et l’écoulement des pro-duits sur de très grandes distances.

Le savoir scientifique va continuer de s’étendreet les innovations techniques vont se multiplier,notamment en mécanique, en agronomie, en gé-nétique, en transformation et en conservationdes aliments. Mais les changements les plus significatifs pourraient venir du développementintensif des sciences de la vie appliquées àl’agriculture et à l’agroalimentaire, développe-ment caractérisé par la découverte et la mise enmarché de nouvelles molécules, de matièresénergétiques, de médicaments, de protéines, denutraceutiques et de nouveaux aliments. Lechamp d’application des nouvelles technologiesassociées aux sciences de la vie dépasse nette -ment celui des organismes génétiquement modi-fiés (OGM), même si ces derniers suscitent plusd’inquiétude et soulèvent plus de controverse.

On peut anticiper une grande utilisation des bio-technologies et du génie génétique dans plusieurssphères du domaine agricole. En même temps, leQuébec devra savoir exercer un jugement critiqueà l’égard de ces technologies d’avant-garde, notamment sur le plan éthique. La portée consi-dérable de cette tendance est telle que le Québecdevra s’y intéresser et chercher à saisir, dans lerespect de ses valeurs et de ses priorités, lesperspectives de développement que présententces nouvelles avenues. Il devra aussi se doterdes capacités de gérer les changements quivont découler de ces nouveaux procédés ouproductions et faire ses choix dans le respectdes principes du développement durable.

L’ACCEPTABILITÉ SOCIALEDans les pays développés, la population parti-cipe de plus en plus activement au processus dedécision au sujet des projets de développementéconomique. Cette participation a cours aux ni-veaux municipal, régional ou provincial selon lesenjeux des projets en cause et la portée de leursimpacts potentiels. Elle est parfois encadrée pardes mécanismes formels, comme c’est le cas auQuébec avec les procédures du Bureau d’au-diences publiques sur l’environnement.

Le Québec est une société moderne, développéeet démocratique. Le concept même du déve-loppement durable qu’elle véhicule fait appel à laconciliation des enjeux économiques, sociaux etenvironnementaux du développement et tientpour acquis qu’un projet majeur de développementpeut difficilement se réaliser s’il est rejeté parune forte majorité de la population.

L’acceptabilité sociale est devenue une conditionincontournable de réalisation des projets indus-triels, commerciaux ou agroalimentaires les plussensibles. Au Québec, la question de l’accepta-bilité sociale a surtout été soulevée, en matièreagricole, à l’égard du développement de la pro-duction porcine. On peut aisément prévoir que lapopulation portera une attention tout aussigrande aux autres projets susceptibles d’inter-férer avec la vie de la communauté rurale ou quisoulèvent des questionnements au regard desvaleurs associées à la conception que se font lescitoyens de l’agriculture et de l’agroalimentaire.Les actions prises à l’égard de la protection de laqualité de l’eau, les préoccupations relatives aux

22 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

OGM, les valeurs attribuées à la ferme familiale,l’importance accordée à la protection du paysage,le souci de permettre des usages multiples duterritoire rural et les problèmes de cohabitation,pour ne nommer que ceux-là, sont autant d’élé-ments qui incitent déjà les citoyens et les ci-toyennes à s’intéresser au développement dusecteur agricole et agroalimentaire et à prendrepart aux débats qui président aux décisionsd’autoriser la réalisation des projets. Cet intérêt atendance à croître et posera un défi grandissantpour la gestion et la réglementation des usagesdans les zones agricoles.

En Europe, les citoyens portent de plus en plusd’attention depuis quelques années au finance-ment de l’agriculture. Au nom de l’acceptabilitésociale, il faut aussi pouvoir expliquer et justifierclairement la nature et le niveau de l’aide finan-cière accordée à la production agricole.

En somme, l’agriculture et l’agroalimentaire doiventcomposer avec les valeurs et les points de vuede l’ensemble des citoyens, tenir compte de l’in-térêt que ces derniers portent au développementdu secteur et de leur volonté d’être associés auxdécisions qui engagent son avenir, globalement etlocalement. La participation aux audiences de laCommission de nombreux citoyens et citoyen nesdont l’activité professionnelle n’est pas associéeà l’agriculture ni à l’agroalimentaire témoigne decet intérêt.

LA PLACE DU CONSOMMATEUR En matière d’alimentation, le consommateur ex-prime maintenant ses attentes en faveur de pro-duits différenciés et il va là où l’on répond à sesexigences.

C’est ainsi que, dans la plupart des pays indus-trialisés, la demande de produits différenciés esten augmentation constante. Selon le Conseil ca-nadien de la distribution alimentaire, plus de4 000 produits perdent leur place sur les tablettesd’un magasin d’alimentation chaque année, etsont remplacés par quelque 4 000 nouveauxproduits répondant aux besoins des consomma-teurs. Une étude de l’Institut de recherche sur lesPME de l’Université du Québec à Trois-Rivièresa révélé que, dans le secteur agroalimentaire, 49 % du chiffre d’affaires des entreprises lesplus performantes proviennent de produits quin’existaient pas il y a trois ans. Soulignons qu’unsupermarché d’alimentation propose plus de25 000 produits différents.

Une autre manifestation de l’importance des pro-duits différenciés est la popularité grandissantedes produits du terroir et la crédibilité générale-ment accordée aux appellations réservées, tant auQuébec que dans plusieurs pays industrialisés.Enfin, bien que les aliments biologiques ne repré-sentent au Canada que 1 % à 2 % du commercealimentaire de détail, ils connaissent une crois-sance annuelle supérieure à 15 % depuis 2001.Au Québec et au Canada, selon Agriculture etAgroalimentaire Canada, les importations comp-tent pour 85 % des ventes de produits biologiques.Le marché des produits biologiques répond auxattentes d’un nombre grandissant de consom-mateurs.

Dans un contexte où une concurrence de plusen plus vive s’exerce sur les produits agricolesstandards, la stratégie de plusieurs pays qui ontrevu ces dernières années leur politique agricole estde miser sur les marchés de niche et les segmentsdits de gamme moyenne offrant le meilleur rapportqualité-prix.

Une vision d’avenir du secteur agricole et agroali-mentaire doit accorder une place aux consom-mateurs et leur donner des occasions departiciper aux débats sur les enjeux de ce secteur.

L’ÉTAT DES FINANCES PUBLIQUESDepuis de nombreuses années, le gouvernementdu Québec éprouve des difficultés considérablesà équilibrer son budget. La précarité des financespubliques est une réalité structurelle qui ne s’at-ténuera pas dans l’avenir.

L’augmentation des dépenses de santé est enpartie responsable de cette situation. Depuis1999-2000, ces dépenses ont augmenté de 6,8 %en moyenne par année alors que la croissanceannuelle moyenne de l’ensemble des dépensesdu gouver nement se situait à 3,9 %. Une partconsidérable de la marge de manœuvre du gouvernement est donc affectée à la santé. Onassiste, par voie de conséquence, à une dimi-nution (au mieux à une augmentation jusqu’auniveau de l’inflation) des crédits accordés à laplupart des autres ministères, comme le montrele tableau 1.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 1 23

24 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Compte tenu du vieillissement de la populationet du fardeau fiscal des Québécois, parmi les plusélevés en Amérique du Nord, on ne voit guèred’embellie à l’horizon sur le plan des financespubliques. Le secteur agricole et agroalimentaire,comme les autres, devra composer avec une situation où chaque dollar de fonds public devraêtre affecté là où l’effet multiplicateur et structu-rant apparaît le plus clair.

Tous les gouvernements des pays développéssoutiennent leur agriculture. Ceux du Canada etdu Québec doivent aussi contribuer à la viabilitéd’une agriculture diversifiée et à l’améliorationdes conditions économiques et de la qualité devie de celles et ceux qui ont décidé de vivre decette profession et des activités qui y sont as-sociées. Dans le contexte budgétaire du Québec,cet appui tangible de l’État au secteur de l’agri-culture et de l’agroalimentaire oblige, pour êtreefficace, à faire les choix les plus judicieux.

Telles sont, sommairement présentées, quelquestendances lourdes susceptibles de marquer deleur influence le parcours d’avenir de l’agricul-ture et de l’agroalimentaire québécois.

Tableau 1

VARIATION ANNUELLE DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE CERTAINS MINISTÈRES9 (%) (1999-2000 à 2006-2007)

Santé et Services sociaux +6,8 %

Éducation +3,6 %

Transport +5,3 %

Agriculture, Pêcheries et Alimentation +3,6 %

Ressources naturelles -3,1 %

Environnement -2,1 %

Développement économique -1,5 % 10

Total – Gouvernement du Québec +3,9 %

Source : CONSEIL DU TRÉSOR, Budgets de dépenses 1999-2000 à 2006-2007,adaptation d'Yvon BOUDREAU, 2007.

9. Notez que ce sont les champs de compétence qui sont nommés ici, car le nom des ministères a changé au cours des années visées.

10. À la faveur de l’adoption de la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation, le budget du ministère du Développement éco-nomique, de l’Innovation et de l’Exportation a été rétabli pour 2007-2008.

Les principauxmessages adressésà la Commission

2

26 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Il nous paraît toutefois important de souligner ici,bien que de manière très succincte, les obser-vations qui ont été soumises à de nombreusesreprises et par un grand nombre d’organisations.Parmi ces propos insistants, nous avons retenules éléments suivants.

À L’ÉGARD DE LA PRODUCTION AGRICOLE

• L’attachement des acteurs de la classe agri-cole et de la population à la ferme familiale« à dimension humaine ». Les participantsaux audiences ont, dans une forte proportion,vivement souhaité que les fermes québécoisescontinuent d’appartenir à des familles et d’êtregérées par elles.

• La protection du territoire agricole. Deux attentes complémentaires ont été exprimées àce sujet. D’une part, de nombreux intervenantssouhaitent une consolidation, voire un renfor-cement, des dispositions de la Loi sur la pro-tection du territoire et des activités agricolesafin de préserver le patrimoine agricole québé-cois, notamment en milieu périurbain. D’autrepart, on souhaite davantage de souplesse dansl’application de cette loi dans la « zone verte »afin de faciliter l’implantation dans cette zonede fermes de taille variable et l’exercice d’acti -vités complémentaires à l’agriculture, dans unedynamique de revitalisation des communautésrurales. Soulignons que les élus municipauxréclament une meilleure harmonisation de la loiprotégeant le territoire agricole avec celle qui leurconfie des responsabilités en matière d’aména-gement et de développement du territoire.

• La nette priorité à accorder à la productionagricole destinée avant tout au marché duQuébec. Pour un grand nombre de partici-pants et de participantes, la finalité premièrede l’agri culture est de nourrir la population duQuébec. Une forte proportion d’entre euxconsidère toutefois que l’exercice de cettemission est compatible avec l’exportation deproduits agricoles.

• Le besoin de diversifier la production, demiser sur la valeur ajoutée, de développerles produits de niche et du terroir de mêmeque la production biologique. Sans négligerpour autant les productions qui constituentl’assise principale du secteur, beaucoup d’in-ter venants ont fortement suggéré de miser surdes produits diversifiés et de développer, demanière complémentaire, une agriculture ditede proximité.

• La nécessité d’assurer la relève agricole.Tout en soulignant qu’ils doivent composer avecun environnement économique et social oùl’agriculture est moins valorisée, les membresde la relève agricole et leurs proches ont fait partde leurs difficultés à s’installer en agriculture.Parmi les facteurs qui contribuent à ces difficul-tés, ils ont notamment évoqué : la valeur élevéedes fermes potentiellement disponibles pour larelève; le prix des quotas dans les productionssous gestion de l’offre qui accroît substantiel-lement la valeur marchande des fermes et, parvoie de conséquence, le montant du capital àinvestir, ce qui est prohibitif pour la plupart desaspirants agriculteurs; le difficile accès au fi-nan cement pour la relève; la complexité desdémarches administratives et les obstaclesposés aux jeunes qui veulent démarrer uneferme de petite taille ou conjuguer l’exploitationd’une ferme et une autre activité professionnelle.

La Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois a reçu quelque 770 mémoires et témoignages lors de ses audiences régionales et nationales. Nous publions, dans des documents distincts, la synthèse des constats et diagnostics posés par les participants à ces audiences de même que les principales propositions qu’ils ont formulées.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 2 27

• L’importance stratégique des programmesd’assurance et de stabilisation des reve-nus. De nombreux participants aux audiencesont rappelé l’importance de protéger les agri-culteurs contre les fluctuations importantesdes prix et contre les désastres naturels. Ilsont insisté, au nom de la viabilité même del’agriculture et du respect qu’une sociétécomme la nôtre devrait porter aux producteurs,sur la nécessité de préserver les régimes d’as-su rance récolte et d’assurance stabilisation.Plusieurs syndicats de producteurs ont fait valoirque ces régimes étaient d’une importancevitale pour notre agriculture. Sans ces piliersdu système d’aide financière, l’agriculture duQuébec serait vouée à l’extinction dans laplupart des régions.

• L’iniquité résultant de l’exclusion des pro-ductions en émergence et de certains typesd’établissements agricoles des principauxprogrammes d’aide financière. Cet élémentest perçu comme une lacune majeure des pro-grammes financiers de soutien à la productionagricole et comme un manque de reconnais-sance de ce type d’agriculture.

• La multifonctionnalité de l’agriculture. Laréalité voulant que l’agriculture ne joue passtrictement une fonction alimentaire est recon-nue par une nette majorité des participants. Ons’entend largement sur l’importance de valorisersa contribution au développement économiqueet à la revitalisation du milieu rural ainsi que sesfonctions environnementales, patrimoniales etsociales. Il fut beaucoup question de l’occupa-tion dynamique du territoire et de la contributionessentielle de l’agriculture et de l’agroalimen-taire à l’atteinte de cet objectif.

• Le manque de reconnaissance des agricul-teurs. La Commission a reçu des témoignagesémouvants de plusieurs producteurs et pro-ductrices agricoles qui ont souligné les critiquesqui leur ont été adressées ces dernières années,la difficulté qu’ils rencontrent à faire comprendreles particularités de leur profession à certainescatégories de citoyens et la désaffection qu’ilsressentent de la part de la population quisemble, à leurs yeux, avoir perdu le sens de lamission alimentaire de l’agriculture et de sonrôle dans la société. Ils ont dit espérer que lestravaux de la Commission et les suites qui yseront données permettront de bâtir des pontsentre les agriculteurs et les autres citoyens etque, par le dialogue qui s’ensuivra, le travaildes producteurs agricoles soit mieux compriset plus estimé.

• La gestion de l’offre. La très grande majoritédes participants aux audiences de la Com-mission ont plaidé énergiquement en faveurde la défense de la gestion de l’offre tout enrefusant d’envisager ou d’évoquer même desscénarios ou des mécanismes de transition quitiendraient compte d’une éventuelle ouvertureaccrue des marchés pour les produits sousgestion de l’offre. La Commission a aussi reçudes témoignages exposant les inconvénients etles limites des systèmes de gestion de l’offreet les besoins pressants d’assouplissement.Certaines voix discordantes, nettement mino-ritaires, se sont fait entendre en faveur dudémantèlement progressif de ce système.

• La mise en marché collective. Pour la grandemajorité des représentants des agriculteurs etde nombreux autres participants aux audiences,la mise en marché collective représente l’abou-tissement des efforts pour regrouper les pro-ducteurs afin qu’ils puissent établir un véritablerapport de force dans la négociation du prixdes produits agricoles. Il s’agit d’un autre pilierdu système québécois d’organisation agricoledont les fondements doivent être protégés.Les représentants des entreprises de trans-formation, sans contester la pertinence d’unmécanisme de mise en marché qui offre auxproducteurs la possibilité de négocier dans detrès bonnes conditions la détermination duprix de leurs produits, ont déploré la lourdeurdu système actuel et la diffi culté qu’il démontreà s’adapter à une demande de produits diffé-renciés. Les transformateurs ont réclamé l’as-souplissement du système de mise en marchécollective.

28 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

À L’ÉGARD DE LA TRANSFORMATION ET DE LA COMMERCIALISATION

• Les rapports entre les acteurs. Soulignant sonapport économique incontestable, le monde dela transformation des aliments s’estime malpositionné dans l’environnement sociopolitiqueagricole et agroalimentaire. Il se dit coincé entre,d’une part, les agences de mise en marché quisont des monopoles de vente et, d’autre part,les grands distributeurs qui, au Québec enparticulier, connaissent un haut niveau deconcentration, ce qui leur confère un excep-tionnel pouvoir de négociation. Les entreprisesde transformation doivent en outre affronter laconcurrence des produits et des entreprisesétrangères, tant sur le marché québécois qu’àl’exportation. Les représentants de ces entre-prises ont dit à la Commission déplorer queleurs perspectives de croissance soient faiblesau Québec. Ils ont fait appel à la concertationdes acteurs du secteur.

• La transformation en région. La faible pré-sence d’entreprises de transformation desaliments dans plusieurs régions a été soulignéeà de nombreuses occasions lors des audiencesrégionales de la Commission. Les activités detransformation des aliments sont largementperçues comme l’un des moyens de revitaliserles communautés rurales.

• Les circuits courts de distribution. Plusieursparticipants ont plaidé en faveur d’une agricul-ture de proximité qui emprunterait des circuitscourts de distribution pour rejoindre lesconsom mateurs. Les circuits courts le plussouvent notés sont : les marchés publics, lesmarchands locaux, les comptoirs à la fermeou au village, les boutiques spécialisées enproduits régionaux ainsi que des initiativescomme celle de l’agriculture soutenue par lacommunauté. De nombreux avantages sontattribués à ce type de circuit de distribution :établissement de liens directs entre le consom-mateur et l’agriculteur, fraîcheur des produits,faible circulation des produits, économied’énergie, alternative aux grands réseaux dedistribution, meilleures marges de profit auxproducteurs, valorisation des produits biolo-giques et du terroir, moyen efficace de ventepour les petites entreprises agricoles, etc.

• La diversification. En plus de s’appliquer à laproduction, le virage vers la diversification s’a dres se au secteur de la transformation qui,pour répondre aux attentes changeantes ex-pri mées par les consommateurs, doit mettre enmarché une gamme plus étendue de produits.La diversification concerne aussi la distribu-tion : plusieurs participants aux audiencessouhaitent de nouveaux modes d’accès auxproduits alimen taires comme des circuitscourts de distribution.

• L’accès aux tablettes des épiceries. Denombreux commentaires ont été formulés ausujet de l’accès aux produits québécois dans lesgrandes chaînes d’alimentation, en particulierdans un contexte où trois grandes entreprisescontrôlent plus de 90 % de la distribution desproduits dans les magasins d’alimentation.Plusieurs participants aux audiences ont critiquéle manque de sensibilité et d’ouverture desgrands distributeurs à l’égard des produits duQuébec. Certains ont réclamé une interventionréglementaire du gouvernement afin d’assurerun pourcentage déterminé de produits qué-bé cois dans les commerces de détail. LaCom mission a également reçu plusieurs re-commandations en faveur d’une politique pré-férentielle d’achat de produits québécois parles institutions (écoles, hôpitaux, centres de lapetite enfance, centres d’hébergement ou cen-tres de détention). Les repré sentants des dis-tributeurs et des commer çants ont expliqué ladynamique de l’approvisionnement des maga-sins d’alimentation et ont fait part des effortsqu’ils déploient pour faire une place adéquateaux produits québécois.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 2 29

• L’approche collective. De nombreux partici-pants aux audiences ont dit l’importance qu’ilsaccordent à l’approche collective qui sous-tendplusieurs organismes et institutions agricoles,notamment en matière de commercialisation.Il s’agit d’une valeur largement partagée. Leregrou pement des producteurs agricoles a en-gendré des bénéfices qu’à peu près tous lesparti cipants reconnaissent. Pour certains, no-tam ment les représentants du secteur de latransformation, le mode d’organisation collectivedoit cependant s’adapter à un environnementcommercial où les dynamiques de concertationet de développement des chaînes de valeur semettent en place chez nos compétiteurs. D’au-tres ont rappelé le rôle majeur que continuentde jouer les coopératives dans l’agroalimen-taire : il s’agit d’un autre mode d’organisationcollective qui a fait ses preuves au Québec.

À L’ÉGARD DES ATTENTES DES CITOYENS

• L’incontournable responsabilité de tous lesacteurs à l’égard du respect strict de l’envi -ron nement. Sur ce plan, un très large consen-sus est établi en faveur d’une conformitérigoureuse du secteur agricole et agroalimen-taire à des standards environnementaux élevés.

• La nécessité criante d’identifier clairementles produits du Québec et de vérifier le res-pect de nos normes d’innocuité par les pro-duits importés. Les participants ont réclamé,en premier lieu, de mettre fin au fouillis qui ca-ractérise aujourd’hui l’étiquetage sur la prove-nance des produits alimentaires offerts auxconsommateurs. En deuxième lieu, il ont una-nimement exprimé leur indignation à l’égardde la présence, sur les marchés québécois etcanadiens, d’aliments contenant des résidusde produits interdits d’usage au Canada ou desviandes provenant d’animaux se nourrissant desubstances bannies ici, à cause des risquesqu’ils présentent pour la santé.

• L’accès à l’information. Plusieurs participantsont signalé l’importance qu’ils accordent auprincipe même de l’information transmise auxcitoyens et aux consommateurs. Ils ont formulédes attentes claires en appui à ce principe.Ces demandes touchent notamment la valeurnutritive des aliments, leur provenance, laprésence d’organismes génétiquement modifiés(OGM), les modes de culture ou d’élevage oucertaines caractéristiques plus spécifiques(présence d’allergènes, d’antioxydants, etc.).

• Les préoccupations pour la santé. Il est lar-gement acquis que les citoyens établissentune relation étroite entre leur état de santé etleur alimentation. Un grand nombre d’interlo-cuteurs ont pressé le secteur agricole et agro -alimentaire québécois d’apporter une réponsedynamique aux attentes de la population enfaveur non seulement d’une offre de produitsalimentaires de qualité, mais aussi d’une parti -cipation proactive à des stratégies plus largesvisant l’information et la sensibilisation à unesaine alimentation.

• Les attentes paradoxales des consomma-teurs. Certains porte-parole des producteursagricoles et des transformateurs, entre autres,ont souligné le comportement paradoxal denombreux consommateurs qui réclament,d’une part, l’imposition de normes environne-mentales et sociales élevées à la productionagricole tout en recherchant souvent, d’autrepart, le plus bas prix pour les aliments lorsqu’ilseffectuent leurs achats à l’épicerie. On souhaiteque les attentes des consommateurs à l’égardd’aliments frais, d’une innocuité sans faille etproduits dans des conditions envi ronnementalesimpeccables, se traduisent par des gestesconséquents au moment de l’achat. Il faudraaccepter de payer un peu plus cher un produitd’une qualité supérieure.

30 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

À L’ÉGARD DE LA GOUVERNANCE

• La souveraineté alimentaire. On a exprimé, àde très nombreuses occasions, le souhait quele gouvernement du Canada, dans le cadredes accords sur le commerce international, sedonne les moyens de développer et de mettreen œuvre, au Canada et au Québec, sa proprepolitique agricole, en prenant appui sur leconcept de « souveraineté alimentaire ». Descraintes presque généralisées ont été expriméesà l’égard des négociations en cours sous l’égidede l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

• Le leadership du ministère de l’Agriculture,des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec(MAPAQ). Les acteurs ont déploré l’effrite-ment du leadership du MAPAQ au cours desdernières années, sa perte d‘expertise, la mai-greur de ses budgets et de ses moyens d’actionet l’attention disproportionnée qu’il porte auvolet économique de sa mission. Plusieurs ontsouhaité le raffermissement de la capacité devision du MAPAQ, un engagement plus net desa part en matière de recherche et d’innovationet une plus grande indépendance à l’égard decertains groupes d’intérêt.

• La transparence. Cette préoccupation pourla transparence des organisations agricoles etdu gouvernement est souvent exprimée depair avec la volonté de bon nombre de parti-cipants aux audiences de la Commissiond’avoir accès à une information plus large etplus objective et de bénéficier d’un dialogueplus ouvert sur plusieurs questions, notam-ment sur la protection du territoire agricole,l’aménagement du territoire, le développementdes communautés rurales, l’état réel de lasanté des cours d’eau, la reddition de comptessur les mesures gouvernementales d’aide àl’agriculture, le syndicalisme agricole et la pré-sence d’OGM ou de pesticides.

Cette brève énumération n’épuise pas, loin de là,l’ensemble des préoccupations ni les multiplesnuances et suggestions exprimées lors des au-diences de la Commission sur l’avenir de l’agri-culture et de l’agroalimentaire québécois. Ellepermet simplement de rappeler que plusieursconstats repris dans les chapitres qui suivent fontdirectement écho aux inquiétudes et aux attentesexprimées lors des audiences.

Une vision d’avenirà partager

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32 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Il y a sans doute dans ces sentiments un peu dela nostalgie à l’égard de certaines valeurs qui sesont quelque peu effritées en ville. Par exemple,l’agriculture institue un rapport particulier avec lanature, les éléments naturels et l’environnement,rapport qui donne à la profession d’agriculteurun caractère singulier, une culture pour ainsi dire.Le producteur agricole ressent une incontestablefierté de la fonction nourricière de sa profession.Il se sent issu d’une tradition et porteur d’un héri-tage patrimonial; il estime avoir la responsabilitéde préserver cet héritage et de le transmettre à lagénération suivante, idéalement dans sa proprefamille. L’agriculteur porte avec fierté son statutde « patron »; il accorde une grande importanceau sentiment d’être maître chez lui.

Plus récemment, les rapports entre les agriculteurset les autres citoyens ont presque brusquementchangé. La première onde de choc est venuedes défenseurs de l’environnement. Au momentoù les contribuables consentaient des effortsconsidérables pour traiter les eaux usées de leurmunicipalité et que l’on interdisait au secteur in-dustriel de rejeter ses contaminants dans le milieunaturel, il devenait intolérable que la productionagricole continue de polluer. Les odeurs, quicau saient des désagréments somme toute ac-cep tables lorsqu’il s’agissait de porcheries depetite taille, furent perçues comme une véritableagression dès lors que furent implantées desinstallations de taille nettement plus grande.Les citoyens et le public ont menacé le « droitde produire » et ont provoqué le moratoire sur laproduction porcine en 2003.

Puis, les crises hautement médiatisées commecelles de l’encéphalopathie spongiforme bovine(la vache folle), de la fièvre aphteuse, de lagrippe aviaire et des intoxications résultant de laconsommation de fruits et de légumes contenantdes bactéries ou des résidus de pesticides ontsuscité – même si le Québec n’en fut pas lethéâtre principal – un réveil parfois brutal de lapart des citoyens. Soudainement, on s’est mis àdouter de la qualité et de l’innocuité de la nour-riture que l’agriculture et l’agroalimentaire nousoffraient et même à s’interroger sur les effets decertains produits sur la santé. Enfin, le débat en-tourant les organismes génétiquement modifiés(OGM) a fait naître chez certains la suspicionqu’il y avait, derrière l’agriculture, des apprentissorciers jouant avec la nature et la vie.

De la méconnaissance de l’agriculture a surgi ledoute. Du doute, on est passé à la suspicion,puis, de la suspicion, certains ont sauté à lacondamnation. Il y a eu, à travers ce questionne-ment fort légitime, des excès, des surenchères,des gestes déplorables de la part des diversprotagonistes, mais ces phénomènes ont fait ensorte que les rapports entre l’agriculture et ceque l’on appelle la société civile ne sont plus toutà fait les mêmes.

Une forte proportion de la population, au Québec comme ailleurs dans lemonde, partage depuis longtemps un sentiment d’empathie envers la classeagricole. Bien sûr, ces rapports sont parfois teintés d’incompréhensions ou de rivalités entre la ville et la campagne, mais dans l’ensemble, les agriculteurs et les agricultrices bénéficient de l’affection populaire.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 3 33

Les producteurs agricoles ont été au cœur deces débats, encore qu’ils furent davantage desobservateurs décontenancés et dépassés parles événements que des acteurs véritables d’unecrise de confiance qu’ils n’avaient pas vue venir.Ils ont durement ressenti cette crise et cette pertede confiance. Ils en ont néanmoins pris acte.C’est ainsi qu’ils ont investi considérablementdans des équipements ou dans la révision despratiques afin d’éliminer ou d’atténuer les effetsde leurs activités sur l’environnement. Ils ont prispart à des forums locaux, régionaux et nationauxavec les acteurs de la société civile. Ils ont réduitde 35 % en quinze ans les engrais minéraux etils se sont engagés dans des programmes decontrôle de qualité et de traçabilité. Ils poursuiventleurs efforts afin d’améliorer leur performanceagroenvironnementale et de favoriser la cohabi-tation harmonieuse avec leurs voisins.

Mais tout cela n’a pas suffi. Les tensions demeu-rent vives, l’incompréhension des uns et des autresne s’atténue pas et les liens de confiance sontbrisés. Le climat de méfiance n’est pas propiceà une appréciation objective des efforts des pro-ducteurs en agroenvironnement tout comme ilne se prête pas à une évaluation sereine descorrectifs qui restent à apporter. Cette situationest malsaine; il faut rétablir les ponts. Aucunesociété n’avance dans l’hostilité.

Plusieurs agriculteurs et agricultrices sont venustémoigner devant la Commission de la désap-probation dont ils ont été l’objet et des accusa-tions excessives qu’on continue de leur lancer. Ilsont déploré le manque de reconnaissance socialede leur travail et de ses exigences et ils se sontinquiétés des conséquences néfastes que cettedésaffection présage pour l’avenir de l’agricul-ture québécoise.

La Commission est elle aussi d’avis que la popu -lation québécoise connaît peu le secteur agricoleet qu’en conséquence, elle n’apprécie pas tou-jours à sa juste valeur les diverses fonctions del’agriculture dans notre société.

SE RALLIER À UN PROJET COMMUNLa Commission juge de la plus haute importancele ralliement des Québécois et des Québécoisesautour d’une même vision de l’agriculture et del’agroalimentaire. Il est essentiel que la sociétéappuie et respecte ceux qui ont la mission de lanourrir. Il importe également de faire connaître lerôle socioéconomique de l’agriculture et sacontribution à la dynamique de l’occupation duterritoire. En contrepartie, l’agriculture que l’onpratique au Québec et les entreprises qui y sontassociées, en amont et en aval, doivent traduiredans leurs actions les valeurs propres de la sociétéquébécoise. Si les Québécois acceptent les fon-de ments du développement durable et s’yconforment, il faut que tout le secteur agricoleet agroalimentaire fasse la démonstration de sonconcours à l’atteinte de cet objectif et qu’ilagisse en conséquence. La Commission croitfermement qu’il est possible de mobiliser lesQuébécois autour d’une même compréhension del’agriculture au sens large et d’une même visionde son développement.

L’urbanisation de la population québécoise abrisé les liens de proximité qui existaient naguèreentre les consommateurs et les producteurs,d’autant que la distribution des produits alimen-taires est une opération fort complexe qui estmaintenant prise en charge par de grandes orga -nisations à partir d’entrepôts centralisés et enapplication de stratégies de mise en marché oùse mêlent les produits qui arrivent de partout.L’image qu’une majorité de citadins ont de l’agri-culture est floue et correspond davantage à unevision bucolique qu’à la réalité agricole d’au-jourd’hui.

Les Québécois et les Québécoises tiennent visi -blement à leur agriculture. Ils doivent aussi larespecter. Il est vrai que, dans nos sociétésd’abondance, on n’appréhende guère de pénuriealimentaire. Comme le disait le président deSoli darité rurale, « il ne se ferait plus aucuneagriculture au Québec et les épiceries continue-raient d’être pleines à craquer ». Le soutien d’unecollectivité ou d’un gouvernement à son agricul-ture repose de moins en moins sur ce genre decrainte. Mais d’aussi loin qu’on puisse se sou-venir, aucun pays au monde n’a délibérémentfait le choix de dépendre totalement des impor-tations pour nourrir sa population.

34 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

À quelques variantes près, tous les pays cher-chent à fournir eux-mêmes à leurs habitants lesproduits alimentaires qu’ils peuvent raisonna-blement produire. Les agriculteurs québécoisont pour mission de nourrir la population. Cen’est pas un slogan, mais bien une réalité.

Le ralliement des Québécois et des Québécoisesà « leur » agriculture commande implicitementdes efforts concertés et des actions concrètesde la part des quatre grands protagonistes decette nécessaire mobilisation :

1 Le gouvernement du Québec, qui doit rétablirle leadership qu’il a perdu dans le domaine del’agriculture et de l’agroalimentaire et recouvrersa capacité d’innovation et de vision de mêmeque sa faculté de rassembler et de procéder,au besoin, aux grands arbitrages;

2 Les producteurs et productrices agricoles,qui doivent définitivement prendre le virage dudéveloppement durable, s’engager plus avantdans la participation à des démarches deconcertation et de dialogue et s’organiser trèsdélibérément pour répondre aux attentes desconsommateurs et des citoyens;

3 Les transformateurs et distributeurs, quidoivent investir dans l’innovation, rendre ac-ces sibles aux consommateurs d’ici, puis d’ail-leurs, une diversité de produits alimentaires degrande qualité qui contribuent à leur santé etoffrir une place plus importante aux produitsdu Québec.

4 Les consommateurs/citoyens, qui doivent,par leurs impôts et par leurs décisions d’achat,apporter leur soutien à l’agriculture d’ici etrespecter ceux et celles qui s’emploient àproduire des aliments bénéfiques pour leursanté et qui leur procurent un certain plaisir.

LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIREDe nombreux participants aux audiences publi -ques de la Commission ont plaidé en faveur del’adoption du concept de souveraineté alimentairecomme élément central devant guider l’élaborationde la future politique agricole du Québec.

Cependant, la portée de ce concept, les attentesque l’on exprime à l’égard de l’adoption de cetteorientation et l’étendue de ce que le Québecpourrait faire ou ne pourrait pas faire en matièred’agriculture dans la foulée de la mise en œuvredu principe de souveraineté alimentaire diffèrentconsidérablement selon les interlocuteurs.

Par delà le dénominateur commun qui s’exprimecomme « le droit des peuples à définir leur proprepolitique agricole », la compréhension du conceptde souveraineté alimentaire par les participantsaux audiences est différente à l’égard de troispoints majeurs : le niveau des protections à lafrontière qui seraient permises, les capacitésd’exportation qui s’ensuivraient et la prise encompte des intérêts complémentaires en matièrede commerce des produits alimentaires.

1. La protection des marchés nationauxÀ l’égard des protections du marché intérieur quiseraient permises dans un monde où le conceptde souveraineté alimentaire serait universelle-ment admis et appliqué, l’Union des producteursagricoles (UPA) et plusieurs fédérations de l’UPAcroient qu’il faudrait protéger les secteurs né-vralgiques, c’est-à-dire permettre de « régle-menter la production et les échanges agricolesnationaux de manière à atteindre des objectifsde développement durable, à déterminer [le]degré d’autonomie alimentaire et à éliminer ledumping sur [les] marchés [de ces pays] ».

En ce sens, la souveraineté alimentaire est perçuecomme un contrepoids, un rempart contre latendance à une libéralisation trop grande desmarchés des produits agricoles et contre l’Orga -nisation mondiale du commerce, en particulier.Les systèmes de gestion de l’offre représententl’application concrète de ce concept au Canadaet une illustration de ce que devrait être le trai-tement particulier des produits agricoles dansles ententes sur le commerce mondial.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 3 35

L’Union paysanne ajoute aux protections déjà ci-tées des mesures qui assureraient « la productionlocale d’aliments, l’accès à la terre, à l’eau, aufinancement » et qui permettraient « d’être àl’abri de la pollution génétique par les OGM etdu dumping ».

Par ailleurs, la Centrale des syndicats nationaux(CSN) précise que la notion de souveraineté ali-mentaire « ne doit pas devenir le nouveau paraventdu protectionnisme ».

2. L’exportationC’est sur la compatibilité de l’application duconcept de souveraineté alimentaire avec l’expor -tation que les opinions sont le plus divergentes.Pour la CSN, « la souveraineté alimentaire n’estpas incompatible avec le commerce; elle favo-rise plutôt sa croissance. La souveraineté ali-mentaire encourage, dans un premier temps, laproduction agricole et alimentaire locale et, dansun deuxième temps, l’exportation des surplus,voire la production orientée vers les marchésd’exportation ». Ce point de vue est partagé parde nombreux participants, notamment les coo-pératives et les syndicats agricoles.

Pour l’organisme Équiterre, « un système alimen-taire basé sur les importations et exportations vaà l’encontre du principe de souveraineté alimen-taire… Il importe que l’État reconnaisse que lapremière finalité de l’agriculture, surtout lorsqu’elleest soutenue par des deniers publics, est denourrir la population nationale, et non pas d’appro-visionner les marchés internationaux pour aug-menter notre balance commerciale ».

3. Les autres attentes De nombreuses autres attentes sont expriméescomme autant d’avantages potentiels de l’appli -cation du concept de souveraineté alimentaire.C’est ainsi que Greenpeace y voit une façon « deminimiser les impacts négatifs environnementauxde l’agriculture ». D’autres soutiennent que lespays se doteraient de moyens de contrôler laqualité des produits alimentaires offerts à leurpopulation; c’est notamment l’opinion expriméepar la Centrale des syndicats démocratiques(CSD) et par les étudiants de la Faculté dessciences de l’agriculture et de l’alimentation del’Université Laval. On a aussi évoqué (notammentl’Union des consom mateurs) la possibilité d’agirsur des enjeux cruciaux comme la faim, lecontrôle de l’agriculture par les multinationaleset les menaces à la santé publique.

Enfin, la souveraineté alimentaire est générale-ment endossée par ceux et celles qui contestent« l’agriculture industrielle ou productiviste », lavision néolibérale de l’économie et de l’agroali-mentaire, la disparition des fermes et la mal-bouffe, ou qui plaident pour des politiques plusétendues de lutte contre la pauvreté, notammentpour le « droit à l’alimentation », la coopérationavec les pays moins développés, l’extension ducommerce équitable, etc.

Comme on le voit, le concept de souverainetéalimentaire est compris de différentes façonsselon les interlocuteurs, leurs valeurs ou leursidéologies propres. Les objectifs poursuivis et lesattentes implicites associées à cette orientationdivergent parfois considérablement. Les espoirset les ambitions qu’elle suscite sont égalementtrès variés. Il y a bien sûr d’importants points deconvergence, par exemple, sur l’importance dereconnaître aux États le droit d’élaborer leur pro-pre politique agricole. Mais la manière d’affirmercette souveraineté est quelquefois présentéedans l’absolu, dans un univers sans contrainte,qui s’écarte manifestement des réalités de l’actuelétat du monde. À l’ère de l’interdépendance, com-ment la souveraineté s’exprime-t-elle concrè te-ment?

36 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Devant tant d’attentes, tant d’idéaux, et même tantd’ambiguïté, comment le concept de souverai-neté alimentaire peut-il rallier la population autourd’une même conception de l’agriculture et del’agroalimentaire? Pour mobiliser les Québécoiset les Québécoises, il faut les inviter à se solida-riser autour d’une conception de l’agriculture quirepose sur des valeurs bien cernées et large-ment partagées.

La Commission juge donc important d’appuyerdes idées fortes associées au concept de souve-raineté alimentaire :• le besoin d’une agriculture québécoise robuste

et durable;

• l’importance que les gouvernements du Québecet du Canada conservent la plus grande margede manœuvre possible afin d’élaborer despolitiques agricoles qui répondent à notre spé -ci ficité et à nos valeurs et de défendre l’intérêtdes citoyens;

• la nécessité, pour les producteurs et les pro-ductrices agricoles, de vivre correctement del’exercice de leur profession;

• la haute pertinence d’exploiter tout le potentielde notre patrimoine agricole aux fins de l’ali-mentation, de l’occupation du territoire et dudéveloppement économique;

• la prémisse voulant que la finalité première del’agriculture soit de produire, en appliquant lesprincipes du développement durable, des ali-ments de qualité pour la population québé-coise;

• la complémentarité et l’appui du commerceinternational des produits alimentaires à l’ac-complissement de cette mission première;

• la nécessaire solidarité dont le Québec doitfaire preuve à l’égard des pays moins déve-loppés.

LES ATTRIBUTS DE L’AGRICULTURE DE DEMAIN

Quelles devraient être les caractéristiques de l’agriculture de demain?

Dans le contexte québécois,compte tenu de notre histoire,de notre culture, du climat, del’état actuel de développementdu secteur agricole et agroalimentaire et de nos avantages concurrentiels,la Commission estime que l’agriculture de l’avenir doit :• être multifonctionnelle,

c’est-à-dire aller au-delà de son rôle nourricier;

• avoir pour mission premièrede contribuer à nourrir lesQuébécois;

• être plurielle par la diversité de ses entreprises et deses productions;

• reposer sur une culture entrepreneuriale;

• être hautement professionnelledans ses pratiques;

• épouser le développement durable;

• tirer profit de son plein potentiel.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 3 37

1. Une agriculture multifonctionnelleAu Québec, l’agriculture joue quatre rôles déter-minants : en plus de contribuer à l’alimentationde la population, elle représente une activité éco-nomique et un mode de vie pour les gens qui dé-cident de s’y consacrer, elle constitue un secteurcréateur de richesse et d’emplois et elle contri-bue à l’occupation dynamique du territoire. C’estpourquoi la Commission reconnaît d’emblée lecaractère multifonctionnel de l’agriculture11.

L’agriculture, c’est une profession, un mode devie, tout en demeurant une activité viable. C’est,dans le vrai sens du terme, un secteur écono-mique. Cela veut dire des activités très diversi-fiées qui conduisent, à travers des circuits detransformation et de distribution, à des échangescommerciaux sur les marchés québécois, cana-diens et étrangers. L’agriculture dynamise l’éco-nomie de nombreuses communautés. C’estaussi un secteur d’avenir, qui prend appui sur lesavoir, la technologie et la volonté de répondreaux besoins de plus en plus diversifiés de la majeure partie de la population qui dispose demoyens de s’alimenter et de bien le faire.

L’agriculture fait partie des ressources et du po-tentiel de développement du Québec. Aucunpays prospère ne néglige ses ressources. Aucontraire, chacun s’emploie à les gérer judicieu-sement, dans le respect de ses valeurs propreset en tirant profit de ses avantages comparatifsafin de créer de la richesse et d’accroître le niveaude vie de la population.

L’agriculture, plus que toute autre activité écono -mique, est étroitement associée à l’occupationdu territoire. Dans certaines régions, l’agricultureet ses activités connexes sont à peu près lesseules à pouvoir présenter des atouts réels pourle développement durable de plusieurs localités.De plus, elle se situe à la base de nombreusesactivités économiques extérieures à son do-maine, notamment le tourisme, et constitue lesassises d’une vie sociale et culturelle qui nepourrait s’épanouir en son absence.

L’agriculture a façonné les paysages ruraux qué-bécois. Ces derniers présentent de nombreuxtraits distinctifs, et il y a lieu de les préserver et deles mettre en valeur. L’agriculture peut contribuerde façon significative à l’atteinte d’objectifs socié-taux qui débordent ses activités propres commela préservation de certains milieux naturels,l’aménagement d’espaces propices au tourismeet la préservation de certains patrimoines.

2. La mission première : contribuer à nourrir les QuébécoisIl paraît important d’affirmer que la finalité premièrede l’agriculture québécoise est de contribuer demanière significative à nourrir les Québécois etles Québécoises. L’agriculture demeure et devraitêtre perçue avant tout comme un fournisseur dedenrées alimentaires de première qualité pour lapopulation du Québec. C’est sa mission de base.C’est en s’acquittant de manière convaincante decette responsabilité qu’elle peut d’autant mieuxdévelopper de nouveaux marchés. L’exportationdes produits alimentaires, qui est souvent éco-nomiquement nécessaire, devient dès lors utileet socialement acceptable.

3. Une agriculture plurielleLa Commission souscrit à une agriculture plu-rielle, c’est-à-dire une agriculture diversifiée parla taille de ses installations, par ses méthodesde production et par la gamme de ses produits.Il faut faire cohabiter dans la ruralité québécoiseune pluralité de fermes. Il y a d’abord les fermesde taille moyenne qui représentent pour ainsidire l’établissement agricole type. On devraitaussi y trouver un plus grand nombre d’installa-tions de taille nettement plus petite qui, pour laplupart, se spécialiseraient dans des produc-tions plus artisanales ou des produits de niche.Enfin, il y a de la place pour un nombre plus res-treint de fermes de plus grande envergure quioffrent des produits dits de « commodité » et,dans certains cas, des produits de spécialité.L’agriculture ainsi diversifiée pourra mieux répon-dre aux attentes des citoyens et des citoyennes.

11. La multifonctionnalité de l’agriculture, terme utilisé pour la première fois par l’Organisation des Nations unies en 1990, a été préconiséepar un grand nombre de participants aux audiences de la Commission, même si la portée de ce concept pouvait varier significativementselon les interlocuteurs. La Commission lui donne le sens exprimé dans la présente page.

38 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

On estime par ailleurs qu’environ 90 % de la pro-duction agricole québécoise est constituée deproduits alimentaires non différenciés, destinés àune consommation de masse. Cette production,qui passe dans une large mesure par les entre-prises de transformation, constitue l’assise del’agriculture québécoise et répond aux besoinsd’une nette majorité de consommateurs quicherchent un produit alimentaire de qualité,vendu au meilleur prix. Il faut donc continuerd’appuyer ce type de production.

Il importe également de soutenir, de manièreplus tangible que nous ne l’avons fait jusqu’ici,les fermes différentes, qui ont décidé de répondreà l’appel des consommateurs québécois en fa-veur de produits différenciés à haute qualiténutritive, de mettre en valeur les terroirs, depousser les spécialités de niche, d’accroître laproduction biologique, d’étendre les appella-tions contrôlées, etc. L’accompagnement decette agriculture dite émergente est requis aunom de l’innovation dont elle fait preuve, de sacontribution à la diversification de la productionagricole et du potentiel qu’elle présente pour larevitalisation de plusieurs communautés rurales.Enfin, la mosaïque agricole du Québec seraitincomplète sans l’agriculture dite de loisir, no-tamment en raison des bénéfices que peuventen tirer bon nombre de communautés rurales.

Bref, l’État et la société québécoise devraient appuyer,dans toute sa diversité, une agriculture plurielle constituéede fermes de taille variable etsoucieuses de produire, en respectant de hauts standardsenvironnementaux, des alimentsde qualité qui sont d’abord destinés aux consommateurs et aux consommatrices d’ici.Cela nous paraît constituer les prémisses d’une agriculturemoderne, novatrice et entrepreneuriale.

4. Une agriculture entrepreneurialeQuelle qu’en soit la taille, une ferme est une en-treprise, dans le vrai sens du mot. Le producteuragricole est à la tête d’une exploitation dont lemode d’organisation présente toutes les carac-téristiques d’une PME. Il investit du capital dansdes biens immobiliers et des équipements, pla-nifie le financement de son entreprise en fonc-tion des revenus anticipés, gère des ressourceshumaines et sollicite les conseils d’experts, maisil demeure le seul maître de ses décisions et sesoucie de la pérennité de son entreprise. Souli-gnons que la valeur des actifs d’une entrepriseagricole moyenne au Québec (1,4 million de dol-lars en 200612) se compare avantageusement àcelle d’un grand nombre de PME. L’agriculteurdoit se voir comme un entrepreneur, ce qu’il a toujours été.

L’une des grandes qualités des entrepreneurs,quel que soit leur domaine d’activité, est leur ca-pacité de gestion. Cette notion regroupe à la foisdes compétences professionnelles et des habi-letés particulières. Il s’agit, pour l’essentiel, de lacapacité de lire l’environnement dans lequelévolue l’entreprise, d’anticiper les changementssusceptibles d’affecter la PME et d’agir de manièreproactive afin de saisir les occasions qui sem-blent se dessiner ou de minimiser l’impact desévénements moins favorables. L’entrepreneurest aussi celui qui fait les bons choix dans ununivers où il est sollicité de toutes parts. L’entre -preneuriat, c’est en somme le savoir-faire quipermet de prévoir avec justesse et d’améliorersans cesse la rentabilité globale d’un établisse-ment, par delà les fluctuations conjoncturellesinévitables.

12. STATISTIQUE CANADA, Enquête financière sur les fermes, 2007, no 21F0008XIF.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 3 39

Ces exigences se posent au secteur agricole etagroalimentaire. Le profil entrepreneurial et lescompétences en gestion sont des conditions es-sen tielles de réussite des entreprises. Les agri-culteurs et les autres acteurs de l’agroalimentairevont inévitablement travailler dans un monde deplus en plus ouvert, plus éclaté, plus complexeet plus compétitif. Les attentes des consomma-teurs vont continuer de s’exprimer en faveur deproduits sans cesse plus diversifiés qui doiventêtre plus souvent renouvelés, même si le prixd’achat représente un facteur important de leurchoix. Les consommateurs réclament aussi desaliments dont les méthodes de production res-pectent l’environnement et contribuent à la sainealimentation. Ces attentes représenteront desoccasions de croissance pour les entrepreneursqui sauront capter rapidement ces signaux dumarché, tout comme elles provoqueront deschocs chez ceux qui n’ont pas vu venir les nou-velles tendances.

C’est pourquoi les compétences en gestion doi-vent occuper une place de plus en plus grandedans les programmes de formation préparant àl’exercice de la profession d’agriculteur et laculture de l’entrepreneuriat doit être ravivée etvalorisée. L’agriculture de demain sera plus quejamais entrepreneuriale.

5. Une agriculture hautement professionnelleLe rôle majeur de la science et de la technologiedans le secteur agricole et agroalimentaire estmal connu. Des percées importantes ont étéréalisées au cours des dernières décennies, no-tamment dans l’agronomie, les équipements, lagénétique, la santé animale, la préservation desaliments, la transformation alimentaire, le trans-port et la gestion des stocks, et ce, tout le long dela chaîne agroalimentaire. Ces avancées scienti-fiques et techniques ont permis d’accroître consi-dérablement les rendements et d’améliorer laqualité de vie des personnes du secteur, tout enexigeant d’elles des compétences profession-nelles sans cesse plus étendues.

La technicité n’est pas une fin en soi. Elle n’est pasnon plus l’apanage des grands établissements. Denombreux entrepreneurs engagés dans diversprojets d’agriculture émergente réclament àjuste titre un apport concret de la science et del’innovation. Dans le secteur agroalimentairecomme ailleurs, la technicité est devenue unecondition incontournable de production et derentabilité. C’est par l’innovation et l’améliorationde l’efficacité des moyens de production que lesagriculteurs peuvent élever leur niveau de revenuet améliorer leur qualité de vie. C’est par uneproductivité accrue que les entreprises de trans-formation peuvent bonifier les salaires et lesconditions de travail des personnes à leur emploi.

Qui dit professionnalisation dit savoirs, compé-tences. Mais la professionnalisation de l’agroa-limentaire ne consiste pas uniquement àmaîtriser les techniques les plus récentes. Ellepermet aussi, et surtout, de raffermir la capacitéde faire les meilleurs choix dans un univers quise complexifie et par rapport à une sollicitation incessante et à une offre considérable d’optionsde production, d’équipements et de techniques.Cela est particulièrement important dans uncontexte où le recours aux technologies s’accroîtet pose de nouveaux enjeux. De même, la réus-site d’une entreprise agricole résulte largementdes compétences en gestion de l’agriculteur. Enmatière de transformation et de commercialisa-tion, la professionnalisation est aussi une pré-misse essentielle à la perception correcte desattentes des consommateurs et au développe-ment des capacités d’innovation qui permettentd’y répondre.

40 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

6. Une agriculture durableOn prête au vocable développement durable lesinterprétations les plus diverses. La définition offi-cielle est issue du rapport de la Commissionmondiale sur l’environnement et le développementde l’Organisation des Nations unies, « Notre avenirà tous ». Il s’agit « d’un développement qui répondaux besoins du présent sans compromettre lacapacité des générations futures de répondre auxleurs ». En appliquant cette définition, reprisedans la Loi sur le développement durable, legouvernement du Québec vise trois objectifs :• maintenir l’intégrité de l’environnement pour

assurer la santé et la sécurité des communautéshumaines et des écosystèmes qui entretien-nent la vie;

• assurer l’équité sociale pour permettre le pleinépanouissement de toutes les femmes et detous les hommes, l’essor des communautéset le respect de la diversité;

• viser l’efficience économique pour créer uneéconomie innovante et prospère, écologique-ment et socialement responsable.

Appliqués à l’agriculture québécoise, les impé-ratifs du développement durable imposent uneutilisation appropriée des fertilisants et des pes-ticides et d’autres pratiques qui préservent laqualité de l’environnement afin que la générationsuivante reçoive en héritage un environnementen santé, capable de pérenniser l’agriculture. Demême, l’agriculture doit assurer la préservation desterres de qualité, ce qui requiert un encadrementlégislatif garantissant la protection des terresagricoles.

Les producteurs et les productrices agricoles duQuébec ont déployé des efforts considérables etils ont beaucoup investi au cours des dernièresannées afin de se conformer à une réglementationenvironnementale de plus en plus étendue. Lechantier est bien engagé : il s’agit de le para-chever, c’est-à-dire de compléter le virage dudéveloppement durable.

Par ailleurs, les agriculteurs vivent en société etleur travail doit contribuer au développement d’uneruralité dynamique qui entretient des rapportsharmonieux avec les divers acteurs écono-miques et sociaux. C’est ainsi que l’agriculturepeut servir de levier au développement d’activitésde divers ordres, contribuant à la vitalité des

communautés rurales. Ces attentes font notam-ment appel à des processus davantage partici-patifs pour la planification de l’aménagement etdu développement des territoires. Elles imposentaux résidents ne vivant pas d’agriculture de res-pecter les spécificités du travail agricole et com-mandent aux agriculteurs et aux autres acteurséconomiques de se soucier des effets de certainesde leurs activités sur la qualité de vie de leursvoisins.

Enfin, le développement durable, c’est aussi laviabilité et l’efficience économiques de l’ensembledu secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire.L’agriculture se doit en effet d’être rentable. Lespréoccupations relatives à la viabilité des éta-blissements et à leur pérennité doivent donc guiderles politiques publiques et la conception desprogrammes d’aide technique et financière.Comme de nombreux autres domaines d’activité,le secteur agricole et agroalimentaire doit comptersur l’appui des gouvernements en matière departage de risques, d’aide au développement etd’encadrement réglementaire.

Les mesures de soutien de l’État à l’agricultureet à la transformation alimentaire doivent, tout ens’adaptant à la spécificité de ceux-ci, poursuivresans ambiguïté des objectifs de stimulationd’une agriculture économiquement viable.

La viabilité signifie, au-delà des fluctuations con -joncturelles ou des avaries naturelles, la capacitéde procurer, de manière durable, un revenuconvenable aux exploitants, en rapport avec lesinvestissements et le travail consentis. Dans lesecteur de la transformation, c’est la capacité dese développer dans un univers concurrentiel, dedurer et d’offrir aux employés et actionnaires desréponses satisfaisantes à des attentes raison-nables. C’est en somme l’application d’une dyna-mique économique normale selon laquellel’entreprise agroalimentaire génère des revenusautonomes qui lui permettent de rembourser sesemprunts, de couvrir ses frais d’exploitation,d’investir à plus long terme et de dégager desprofits. Nous parlons donc d’une agricultureentre preneuriale constituée d’établissements deproduction et de transformation de tailles fort di-verses, qui choisissent de se spécialiser ou dediversifier leurs activités, qui assument leur partde risque, qui tirent profit des innovations et desoccasions d’affaires et qui ont la possibilité decroître et de prendre de l’expansion.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 3 41

7. Une agriculture qui tire profitde tout son potentielLe commerce des produits agricoles est uneréalité de longue date. Dès qu’ils ont été capablesde dépasser le stade de l’agriculture de survi-vance, de nombreux pays ont cherché à améliorerleur sort et à relever le niveau de vie de leur population en exportant des produits agricolesvers d’autres régions ou d’autres pays.

Avec ses sept millions de consommateurs, leQuébec constitue un marché restreint. De touteévidence, nous avons le territoire, la qualité desterres, les technologies, le savoir-faire, les fermes,les capacités de transformation et les moyensde produire, dans des conditions impeccablessur le plan environnemental, certaines catégoriesd’aliments pour une population nettement plusgrande que la nôtre. Nous offrons aussi desproduits typiques ou particuliers au Québec.Personne ne contestera la pertinence de fairerayonner les produits de l’érable sur les marchésextérieurs. Nous en éprouvons même une cer -tai ne fierté. De même, nous produisons un volumede lait et de produits laitiers qui dépasse nettementla consommation québécoise; nous comptonsalors sur le marché canadien, dans le cadre durégime de la gestion de l’offre.

Bien sûr, la finalité première de l’agriculture n’estpas d’exporter des produits agricoles. D’ailleurs,on connaît du succès sur les marchés extérieursdans la mesure où on excelle chez soi. En cettematière, il faut être prophète en son pays. C’estd’abord en satisfaisant les clients québécois, quisont particulièrement exigeants sur le plan de laqualité des aliments et de la rigueur des méthodesde production, que nos entreprises réussissent àaccéder aux plus hauts standards, à croître et àatteindre une taille importante et un haut niveaud’expertise qui leur permettent de vendre avecprofit leurs produits à l’extérieur du Québec etde pénétrer d’autres marchés. Soulignons aussique, pour pouvoir répondre aux exigences desconsommateurs québécois, il faut souvent réa-liser des investissements qui ne pourraient pasêtre envisagés sur la base des seuls volumes deproduction destinés au marché domestique. Ilnous faut contribuer à exprimer ce que noussommes, ce qui fait notre originalité, et prendreappui sur nos valeurs et nos ambitions collec-tives.

REPÈRES POUR UNE VISION MOBILISATRICE DE L’AGRICULTURE ET DE L’AGROALIMENTAIRE

L’agriculture exprime la personnalité d’un peuple. Par delà les contraintes qu’imposent le climat et l’environnement biophysique, la façon dont on pratique l’agriculture traduit des choix de société et révèle un peu ce que nous sommes et ce qui nous distingue. Par le moded’occupation et de protection du territoire agricole, le choixdes cultures, des élevages etdes modes de production, la diversité de la transformation et de la distribution alimentaires,nous affichons l’importance quenous accordons à l’agriculture et à l’alimentation. Il sera d’autant plus facile de mobiliserles Québécois sur les grands enjeux de l’agriculture et del’agroalimentaire qu’ils percevrontcette personnalité, cette singularité de leur agriculture.

42 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Quels devraient être les repères susceptibles deguider l’évolution de l’agriculture et de l’agroali-mentaire tout au long d’un cheminement propreà favoriser le ralliement des Québécois et desQuébécoises? Quelles sont, parmi nos forces,celles sur lesquelles nous devrions miser? Nousformulons les propositions suivantes :

• Affirmer notre différence. Les Québécoisprésentent de nombreux traits distinctifs qui lessingularisent, en particulier dans le contextenord-américain. Cette différence se traduit demultiples façons à l’égard de l’agriculture et del’alimentation. Nos fermes sont de plus petitetaille, nous pratiquons une agriculture nordiqueet nous avons un rapport avec la nourriture quivalorise la gastronomie et le côté festif de l’ali-mentation. À l’ère du nivellement et de l’uni-formisation, nous avons tout intérêt à cultivernotre différence. Misons sur une agriculturenordique à l’image de nos grands espaces etdes autres attraits naturels du Québec.

• Stimuler la créativité. Il s’agit d’une caracté-ristique de longue date de nos artisans et en-trepreneurs et, sans doute, de l’une des forcesmajeures sur lesquelles nous devons compterdans l’avenir. Sur les fermes, on voit des mani -festations très nettes de la créativité dans leséquipements et le matériel agricoles, bienadaptés à certaines particularités de l’agricultured’ici, de même que dans des pratiques et desprocédés originaux, inventifs, qui témoignentd’un exceptionnel esprit de débrouillardise.L’expansion considérable qu’ont connue lesfromageries artisanales, l’inventivité dont nousfaisons preuve dans les méthodes de produc-tion et l’essor des produits du terroir au coursdes dernières années témoignent de cettecréativité. À plus grande échelle, des entreprisesquébécoises ont conquis d’importants marchés,au Canada et ailleurs dans le monde, avec desproduits ou des procédés de fabrication origi-naux et hautement compétitifs. Les défis dedemain feront plus que jamais appel à toutesles ressources de la créativité de nos entre-preneurs, et ce, tout le long de la chaîneagroalimentaire. Misons sur le talent de noscréateurs qui, en agriculture comme ailleurs,s’illustrent aux quatre coins du monde. Misonssur notre créativité.

• Prendre appui sur la modernité. Dans plu-sieurs domaines d’activité, nous avons à notreactif des succès scientifiques, technologiques,industriels et artistiques étonnants, comptetenu de notre faible population. Nous tirons uneincontestable fierté d’être parmi les meilleursau monde dans certains secteurs. L’agricultureet l’agroalimentaire valorisent la modernité etparticipent à cette émulation. Tout en exerçantun jugement critique à l’égard de certainesavancées de la science, les artisans de cesecteur doivent s’engager résolument dansl’innovation et la modernisation de leurs éta-blissements et de leur gestion. C’est la voiequ’empruntent les pays développés qui, enmatière agricole, font face aux mêmes défisque nous. Misons sur notre modernité.

• Cultiver l’excellence. Les Québécoises et lesQuébécois sont exigeants. Ils sont capables des’imposer de hauts standards de qualité ou deperformance et, dans certains domaines, ils ontdémontré qu’ils étaient disposés à déployerl’effort requis pour atteindre leurs objectifsambitieux. Le secteur agricole et agroalimen-taire doit tabler sur l’excellence, faire appel audépassement et se fixer des objectifs exigeants.S’il veut se démarquer, dans un univers où ilne peut remporter la course aux plus bas prix,le secteur agroalimentaire doit relever la barredes exigences de qualité, miser sur l’excellence.Même si l’exercice est exigeant, il nous fautêtre les meilleurs. Misons sur l’excellence.

• Valoriser l’approche collective. Pour des rai-sons qui touchent à leur histoire, les Québé-cois et les Québécoises ont senti le besoin dese regrouper. Les coopératives ont su canalisercet impératif. Les syndicats l’ont fait à leur ma-nière. Les producteurs agricoles ont beaucoupcompté sur cette approche collective et en onttiré d’indiscutables bénéfices. Cette vision col-lective, qui doit demeurer compatible avec ledéveloppement d’un secteur privé dynamique,explique aussi la présence plus marquée del’État québécois dans l’économie, dans l’agro -alimentaire en particulier. Sans contester lebesoin de revoir certaines modalités de fonc-tionnement des dispositifs mis en place au nomde cette approche collective, on doit convenirqu’il s’agit d’un important trait distinctif denotre développement économique et que cetteapproche peut constituer un levier pour l’avenir.Misons sur notre volonté de bâtir ensemble.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 3 43

En prenant appui sur ces repères, l’agriculture etl’agroalimentaire devraient progressivement évo-luer au cours des dix à quinze prochaines annéeset tendre vers les points d’arrivée indiqués ci-après. Ce secteur serait donc animé par :

• des agriculteurs maîtres de leur art, à la finepointe des connaissances et du savoir-faire :– qui tirent l’essentiel de leurs revenus du

marché, tout en pouvant compter sur desprogrammes de soutien de l’État en cas dedésastre naturel ou pour compenser lesdésavantages associés à une agriculturenordique;

– qui sont attentifs aux attentes changeantesdes consommateurs;

– qui, avec le concours des transformateurset des distributeurs, accroissent significati-vement la proportion de leurs revenus pro-ve nant de la vente de produits différenciéset à haute valeur ajoutée, dont certains au-ront séduit, par leur originalité et leur qualité,les consommateurs canadiens et étrangers;

– qui respectent intégralement les principesdu développement durable;

• des fermes familiales modernes et rentablesqui comprennent notamment :

– une très forte proportion de fermes de taillemoyenne « à dimension humaine »;

– un nombre plus élevé qu’aujourd’hui defermes de petite taille pratiquant, avec desperspectives de croissance, l’agriculturebiologique, les productions en émergenceet l’agriculture à temps partiel, d’appoint oude loisir;

– un nombre nécessairement restreint d’ins-tallations de plus grande taille, hautementspécialisées, y compris dans l’agriculturebiologique, qui exploitent des créneaux demarché domestiques et internationaux etsont capables de rivaliser avec les concur-rents des autres pays;

• des transformateurs :– qui dirigent un grand nombre d’entreprises

de petite et de moyenne taille présentesdans toutes les régions du Québec, fontpreuve de créativité, convoitent principale-ment des marchés de niche et se spécialisentdans des produits différenciés dont certainsatteignent des volumes importants destinésà la fois au marché québécois et à l’expor-tation;

– qui revitalisent les milieux ruraux par leursinvestissements et leurs alliances avec lesproducteurs agricoles et les autres acteursdu développement rural;

– qui sont aussi à la tête d’un petit nombre degrandes entreprises, leaders de leur domaine,ayant des capacités de recherche et de dé-veloppement, mettant à profit, avec un hautniveau de technicité et une main-d’œuvrespécialisée, tout le potentiel de nos avan-tages concurrentiels et réalisant sur lesmarchés extérieurs les bénéfices qui leurpermettent d’alimenter les Québécois enproduits de grande qualité et de contribuerau développement économique du Québec;

– qui gèrent quelques entreprises très nova-trices, associées à des organismes de re-cherche et à des producteurs agricoles,développant, de façon transparente etéthique, des produits à très forte valeurajoutée, issus des biotechnologies et dessciences connexes;

• des distributeurs :– qui sont plus diversifiés, notamment par le

développement de marchés publics, de cir-cuits courts de distribution et de réseauxspécialisés offrant des produits québécoisrégionaux;

– qui recherchent des produits québécois etles rendent disponibles dans les grandeschaînes d’alimentation;

– qui s’assurent de l’innocuité des produitsofferts, qui appliquent aux aliments quiviennent de l’étranger les mêmes standardsélevés, et qui satisfont les consommateursqui ont des exigences particulières;

– qui identifient clairement les produits québé -cois et canadiens et qui contribuent à offriraux consommateurs une information com-préhensible et adéquate, notamment sur leplan du contenu nutritionnel et des effetssur la santé;

44 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

• des citoyens :– qui s’intéressent aux enjeux de l’agriculture

et de l’agroalimentaire et qui s’approprientune information adéquate sur la provenanceet la qualité nutritive des aliments offerts;

– qui participent aux débats, au sein des ins-tances locales, régionales et nationales demême que dans les coopératives, les entre-prises, les syndicats et les autres orga-nismes de la société civile, notamment ceuxportant sur l’alimentation et sur les façonsde produire et d’acheminer les aliments;

– qui font acte de solidarité envers les agri-culteurs et les transformateurs du Québec,tant par leurs décisions d’achat que dansleurs prises de position;

• un gouvernement :– qui exerce un leadership nouveau et ras-

sembleur;– qui facilite l’expression des initiatives di-

verses et laisse s’épanouir l’inventivité desentrepreneurs;

– qui consolide et clarifie la législation enmatière de protection du territoire agricoleet facilite une application proactive despouvoirs locaux et régionaux relatifs àl’aménagement et au développement duterritoire;

– qui soutient une infrastructure et desmoyens de recherche, de développementet d’innovation et table sur le partenariatavec le secteur agricole et agroalimentaire,particulièrement en ces matières;

– qui rend disponible une offre de formationinitiale et continue de qualité de mêmequ’une information de pointe;

– qui contribue au renforcement des équipesdédiées au transfert des connaissances etdes technologies et aux services-conseilsaux producteurs et aux transformateurs;

– qui pose les gestes décisifs au momentopportun, en dépit des difficultés que celapeut représenter, permettant d’affronter lesmenaces qui nous effraient aujourd’hui, defaciliter le choix de nos créneaux porteurs etde développer l’agriculture que nous auronscollectivement décidé de faire et de soutenirchez nous.

Cette vision est ambitieuse. Il appartient à chacunde nous et à nous seuls de la rendre possible. Ilimporte, en somme, que l’agriculture de demainsoit une source de fierté, tant pour les personnesengagées dans le secteur agricole et agroali-mentaire que pour l’ensemble de la société.

Nous aurons l’occasion d’approfondir dans lesprochains chapitres la signification concrète etla portée réelle de cette vision de l’agriculture etd’indiquer les changements qu’il faut apporterpour que le Québec réussisse cette agriculturedurable, dynamique et diversifiée.

Une nouvelle dynamique devra se mettre en placeet cela ne se fera pas comme par générationspontanée. Il faudra notamment apprendre àmieux travailler ensemble. La concertation estune condition de réussite dans les économiesmodernes. À l’heure des grappes industrielles,des clusters, des chaînes de valeur, des alliancesstratégiques, chaque organisation doit apporterouvertement son concours à l’atteinte des ciblesde résultats qui seront convenues.

La production agricole et l’aide de l’État

4

46 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

LA PRODUCTION AGRICOLE QUÉBÉCOISEEn 2006, le portrait des principales productionsagricoles du Québec se présentait comme suit :

Comme dans les autres pays industrialisés, lesentreprises agricoles québécoises se sontagrandies et spécialisées. Le nombre de fermesest passé de 95 777 en 1961 à 30 675 en 2006.Il était de 155 000 en 1941. Elles se sont moder-nisées, ont bénéficié d’importants investissementset ont accru considérablement leurs rendements.Le tableau 3 donne un aperçu de l’évolution dela structure des fermes québécoises au coursdes 45 dernières années.

Tableau 3

ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DES FERMES QUÉBÉCOISES, 1961 et 2006

1961 2006 VARIATION

Superficie des terres agricoles (milliers ha) 5 746 3 463 -40 %

Superficie en culture (milliers ha) 2 110 1 933 -8 %

Superficiemoyenne/ferme (ha) 60 113 +88 %

Nombre de fermes 95 777 30 675 -68 %

Superficie en culture/ferme (ha) 22 81 +268 %

Capital par entreprise($) 17 000 865 164 +4595 %

Recettes monétaires par entreprise ($ courant) 4359 202 060 +4535 %

Source : STATISTIQUE CANADA, Recensement de l’agriculture 2006,2007.

Le climat québécois et les caractéristiques biophysiques du sol, particulièrement favorables à la production d’herbages, ont favorisé uneagriculture d’élevage. Près de 75 % de la production québécoise provient de l’élevage alors que, dans l’ensemble du Canada, ce type de production génère 55 % des recettes agricoles. Dès la fin du XIXe siècle, l’agriculturequébécoise s’est orientée vers ce qui allait devenir sa principale spécialité,soit la production laitière.

Tableau 2

PRINCIPALES PRODUCTIONS AGRICOLES DU QUÉBEC (RECETTES MONÉTAIRES EN 2006) (k$)

PRODUITS ANIMAUX 2006 % 2005 %

Lait 1 848 647 35 1 847 225 34

Porcs 844 944 16 1 030 220 19

Volailles, œufs et dindons 574 937 11 586 651 11

Autres 576 203 11 555 565 10

Total – Produits animaux 3 844 731 73 4 019 661 74

CULTURES 2006 % 2005 %

Maïs, oléagineux, céréales 450 724 9 423 620 8

Cultures maraîchères(légumes et pommes de terre) 425 192 8 394 342 7

Fleurs et pépinières 240 965 5 249 701 5

Fruits et autres cultures 143 207 3 228 897 4

Produits de l’érable 152 256 3 151 673 3

Total – Cultures 1 412 344 27 1 448 233 26

Total – Recettes provenant du marché 5 257 075 100 5 467 894 100

Les pourcentages ont été arrondis.

Source : STATISTIQUE CANADA, Catalogue no 21-011-X, 2007, et MAPAQ, Activité bioalimentaire au Québec, Bilan 2005, Annexe, page 41.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 47

En 2005, environ le tiers (34 %) des entreprisesagricoles affichaient un chiffre d’affaires supé-rieur à 250 000 $, encaissant à elles seules 80 %des recettes agricoles : ce phénomène peut êtreobservé dans les autres secteurs d’activité. Parailleurs, un peu plus du quart (26 %) enregistraientun chiffre d’affaires situé entre 100 000 $ et 250 000 $; les autres, soit quelque 40 % des entreprises agricoles, se répartissaient commesuit : 10 % touchaient des recettes se situantentre 10 000 $ et 25 000 $ alors qu’elles variaientde 25 000 $ à 50 000 $ pour 15 % d’entre elles,et de 50 000 $ à 100 000 $ pour le dernier 15 %13.

La production laitière, la production de la volailleet celle des œufs sont assujetties à la gestion del’offre, régime de régulation de l’offre sur le mar-ché canadien. Il s’agit, d’une part, de la fixationd’un quota pour chaque production en fonctionde la demande et, d’autre part, de l’imposition detarifs douaniers élevés aux produits importés. En2006, 46 % des recettes monétaires totales desagriculteurs québécois provenaient des produc-tions sous gestion de l’offre.

La production agricole québécoise tend à se di-versifier, même si elle demeure largement axéesur les produits de grande consommation. Laculture de nouveaux fruits (canneberge, bleuet,petits fruits) prend de l’expansion et de nouvellesproductions animales se développent (chèvre,grand gibier, canard, lapin). De même, les pra-tiques culturales et d’élevage changent et l’im-portance de l’agriculture biologique s’accroît.

Le bénéfice agricole net est faible : entre 2002et 2006, il s’établissait à 20 000 $ par ferme, parannée. Cependant, les fermes qui affichaient desrecettes de 250 000 $ et plus avaient un revenunet moyen de 116 888 $ en 2006.

Dans l’ensemble, les familles agricoles ont un re-venu global correspondant à celui des autres fa-milles québécoises, selon les données durecensement de 200114. Statistique Canada aévalué à 69 577 $ pour l’année 2004 le revenutotal moyen des familles agricoles québécoisesdont la ferme n’est pas constituée en société.

Soixante-deux pour cent de ce revenu est pro-duit en dehors de l’agriculture proprement dite(43 200 $)15.

L’importance des revenus tirés d’autres occupa-tions tient au fait que le conjoint de l’agriculteurtravaille de plus en plus en dehors de l’entrepriseagricole et que les producteurs eux-mêmestouchent des revenus d’un travail à temps partielà l’extérieur de la ferme ou qui provient d’autressources (foresterie, pension, placements, etc.).Cette situation n’est pas propre au Québec. EnOntario, les revenus agricoles ne comptent quepour 17 % du revenu des ménages agricoles.Aux États-Unis, selon le United States Depart-ment of Agriculture (USDA), la proportion des revenus provenant de l’extérieur s’élevait à 85 %du revenu d’une famille agricole en 2006.

Enfin, soulignons une caractéristique importantedes entreprises agricoles : l’augmentation de leurvaleur. En 2006, la valeur nette d’une entrepriseagricole moyenne s’établissait à 1 039 650 $16.Cette valeur s’est accrue de 226 329 $ entre2001 et 2006.

L’AGRICULTURE ACTUELLE

1. Une agriculture en zone de turbulence

À plusieurs égards, la production agricole québécoiseest en sérieuse difficulté, voireen crise. Les revenus stagnentou augmentent à un rythme plus lent que celui des dépenses d’exploitation.

La production agricole dépend de plus en plusde l’aide financière des gouvernements et l’en-dettement des entreprises agricoles a doublé aucours des dix dernières années. Certaines pro-ductions sont systématiquement déficitaires,année après année, et l’augmentation de la va-leur des quotas pose un grave problème detransfert des fermes à la relève.

13. STATISTIQUE CANADA, Structure financière de l’ensemble des fermes selon la catégorie de revenu, 2006.

14. En 2001, les familles agricoles avaient un revenu de 59 696 $ et le revenu moyen de l’ensemble des familles québécoises s’établissaità 59 297 $. Les données les plus fiables sur le revenu des familles sont celles du recensement de Statistique Canada. Celles de 2006 neseront pas disponibles avant 2008.

15. STATISTIQUE CANADA, Structure financière de l’ensemble des fermes selon la catégorie de revenu, 2006. Entreprises agricoles nonconstituées en société. Il s’agit du revenu total rajusté pour tenir compte de la déduction pour amortissement (DPA).

16. STATISTIQUE CANADA, Enquête financière sur les fermes, édition 2007. Les fermes québécoises ont, en moyenne, un actif de 1 410 612 $et un passif de 370 962 $, pour une valeur nette de 1 039 650 $.

17. GROUPE AGECO, Élaboration d’une typologie des agricultures au Québec, 2007.

18. STATISTIQUE CANADA, Statistiques économiques agricoles, Tableaux 21-011-XWF, 21-012-XWF, 21-013-XWF, 21-014-XWF et USDA, Eco-nomic Research Service, Balance sheet of the US farming sector et Farm income and costs.

19. Le déficit des fonds ASRA pour les différentes productions atteint 605 millions de dollars et le déficit d’exploitation cumulé de La Financière agricole du Québec est estimé, au 31 mars 2008, à 342 millions de dollars.

Les quelques données suivantes illustrent l’étatglobal de la viabilité de la production agricole auQuébec.

• Trente pour cent des entreprises agricoles neréussissent pas à couvrir leurs dépenses17.

• Le ratio d’endettement est passé de 28,4 %en 2001 à 32,2 % en 2005. En comparaison, ceratio s’élevait à 20,4 % en Ontario et à 11,4 %aux États-Unis en 200518.

• En 2004, les paiements faits par les gouver-nements aux entreprises agricoles non consti-tuées en société furent, en moyenne, deux foisplus élevés que le revenu net tiré de la ventedes produits de ces entreprises.

• Le principal programme de soutien du revenudes agriculteurs, le Programme d’assurancestabilisation des revenus agricoles (ASRA), aversé des compensations de 5,5 milliards dedollars au cours des dix dernières années auxproducteurs agricoles afin de suppléer à la fai-blesse des revenus par rapport aux coûts deproduction.

• La Financière agricole du Québec, qui admi-nistre les programmes de soutien à l’agricul-ture, et les fonds fiduciaires de l’ASRAaccusent un déficit qui devrait atteindre unmilliard de dollars en avril 200819.

Ces difficultés persistent même si plus de 40 %de la production agricole québécoise est assu-jettie à la gestion de l’offre. Dans une large me-sure, ce régime est viable grâce à la protectioncontre la concurrence des produits importés,protection qui se traduit par l’imposition de tarifsdouaniers qui vont de 154 % (dindon) à 298,5 %(beurre).

Bien sûr, les chiffres globaux et les moyennescachent de multiples situations. Il existe à l’évi-dence des entreprises agricoles de diversestailles qui sont rentables. De même, certainescrises exceptionnelles — comme celle de la vachefolle — ont pu déstabiliser momentanément desentreprises viables qui ont la capacité, si ellesreçoivent une aide adéquate dans ces situationsincontrôlables, de recouvrer leur santé financière.Il est donc essentiel d’analyser avec nuance etcirconspection la problématique de la productionagricole et du soutien de l’État afin de proposer, lecas échéant, les meilleures stratégies possibles.

Cependant, on aurait tort de minimiser l’ampleurdes problèmes structuraux qui affligent la pro-duction agricole. Il serait illusoire d’espérer ré-soudre certains d’entre eux par la simplereconduction des programmes d’aide financièreactuels ou par l’accroissement des budgetsqu’on y consacre. La Coop fédérée a exprimé,dans le mémoire déposé à la Commission, sacompréhension du changement à favoriser ense référant à la filière porcine : « [La filière] devratraverser une importante période de turbulenceset de restructuration, et ce, tant au niveau desfermes que de la transformation. Les exigencesrelatives au développement durable de l’agricul-ture du Québec établissent avec précision lesparamètres qui devront être rencontrés pour quecette filière ait un avenir à la hauteur de son po-tentiel. »

2. Les attributs de l’agriculture Analysons donc brièvement les caractéristiquesde la production agricole actuelle par rapport auxattributs souhaités pour l’agriculture québécoisede l’avenir, c’est-à-dire qu’elle soit professionnelle,entrepreneuriale, plurielle, multifonctionnelle, du-rable, qui nourrit d’abord les Québécois et quiexploite tout son potentiel.

Il n’y a aucun doute que les exigences de l’agri-culture d’aujourd’hui imposent un haut niveau deprofessionnalisme. Les producteurs pratiquentune agriculture dont les méthodes et le savoir-faire ne relèvent plus que de la tradition. Ils sedoivent d’être des professionnels qui possèdentet gèrent des entreprises en prenant appui surle savoir, les avancées de la science et les tech-nologies. Cette professionnalisation touche lesentreprises de toute taille. Le raffermissement ducaractère professionnel de l’agriculture passeainsi par un relèvement de la formation de baseet de la formation continue. Les agriculteursquébécois ont cependant fait preuve, au coursdes dernières années, d’une remarquable capa-cité d’adaptation aux changements.

Avons-nous une agriculture entrepreneuriale?Les producteurs agricoles sont à la tête d’uneentreprise : ils sont de facto des entrepreneurs.Le professeur Raymond Levallois, de l’Univer-sité Laval, a beaucoup étudié la gestion desfermes québécoises. Il a pourtant observé deslacunes importantes à ce chapitre, notamment

48 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

20. Raymond LEVALLOIS, Réflexions sur l’agriculture québécoise : l’agriculture québécoise est en crise, [présentation faite à la Commissionsur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois], août 2006.

21. Sur la base des livraisons manufacturières. Tiré de STATISTIQUE CANADA, Commerce international de marchandises du Canada, et INDUSTRIE CANADA, Stratégie et enquête mensuelle sur les industries manufacturières.

que les agriculteurs québécois ont « une nettetendance à surcapitaliser dans des investisse-ments non productifs (machines et bâtiments),qu’ils éprouvent de la difficulté à transformer desintrants en extrants de façon économique (en2004, nous avons démontré que dans au moins50 % des fermes laitières du Québec, il y avaitgaspillage de moulée) ». Le professeur Levalloisen conclut que « l’agriculteur québécois est plustechnicien que gestionnaire d’entreprise20 ».

À certains égards, l’agriculture actuelle est plu-rielle. Elle est plurielle en raison de la diversitéde la taille des entreprises. Ainsi, les recettes de25 % d’entre elles sont inférieures à 50 000 $ parannée alors qu’elles atteignent de 50 000 $ à250 000 $ pour 41 % d’entre elles. Par ailleurs,34 % touchent plus de 250 000 $ par année.

Notre agriculture est également plurielle par ladiversité de sa production, même si les fermesse spécialisent dans un type de production. Ilexiste en effet peu de fermes polyvalentes, maisl’éventail des productions végétales et animalesest somme toute impressionnant.

Sur le plan des politiques agricoles, trois lacunespeuvent être notées au regard du caractère plurielde l’agriculture québécoise :• le soutien aux entreprises agricoles de petite

taille est largement déficient et les entrepreneursqui veulent démarrer une telle entreprise éprou-vent de grandes difficultés à la développer;

• les productions en émergence, celles qui peu-vent contribuer à la diversification de la pro-duction agricole, sont peu soutenues par larecherche, le transfert technologique, les ser-vices-conseils, la formation et l’aide financière.Les producteurs biologiques, par exemple, ontdû expérimenter eux-mêmes, et à leurs frais,l’efficacité de certaines méthodes de productionou de commercialisation. La même situationprévaut en ce qui concerne la production ca-prine, l’élevage des grands gibiers, la culturede petits fruits et la quasi-totalité des nouvellesproductions;

• la priorité accordée à la ferme familiale de taillemoyenne ne se traduit pas vraiment dans lesmesures d’aide financière. Il faudrait favoriser,pour ceux qui le souhaitent, la transition d’uneferme de petite taille à une ferme moyenne, d’unepart, et plafonner le montant de l’aide perçuepar les très grandes entreprises, d’autre part.

Pour donner à l’agriculture québécoise un carac-tère nettement pluriel, il faut corriger ces lacunes.

L’agriculture nourrit d’abord les Québécois.Les nombreuses interventions faites lors des au-diences de la Commission laissent croire qu’unelarge proportion de la production agricole qué-bécoise est destinée à l’exportation et que cettetendance s’est nettement accentuée au coursdes dernières années. Or, cette perception necorrespond pas à la réalité. En 1996, le Québecvendait, sur les marchés internationaux, 12 %de la valeur de ses expéditions; ce taux attei-gnait 18 % en 2006. En ajoutant les ventes faitesaux autres provinces, on constate que 53 % desrecettes agricoles21 résultent de la vente, sur lemarché québécois, des produits transformés.Soulignons que 72 % des recettes agricoles duQuébec proviennent de la transformation desproduits alors que cette proportion n’est que de54 % au Canada. Les retombées économiquesde la production agricole pour le Québec sontd’autant plus importantes.

On peut vraisemblablement faire mieux. Desstratégies qui consistent à développer, tant enproduction qu’en transformation, des produitscorrespondant davantage aux attentes desconsommateurs peuvent contribuer à accroîtrela part de marché des produits québécois. Cesstratégies font partie d’un ensemble de solutionsqui seront étudiées dans les prochains chapitreset qui ont trait notamment aux mécanismes demise en marché, à la transformation alimentaire,à la différenciation des produits, à l’identificationde l’origine des produits et à la distribution ali-mentaire. Il est sans doute possible d’accroîtrel’effet de levier que représente le marché do-mestique sur la production agricole et il faut s’yemployer résolument.

On peut aussi espérer que l’agriculture québé-coise pourra mieux exploiter son plein potentielen s’orientant vers certains créneaux afin d’allerchercher, dans les marchés d’exportation, lesbénéfices qui lui permettront d’accélérer son dé-veloppement. Par exemple, le Québec ne repré-sente que 22 % de la population canadienne etproduit pourtant plus de 40 % du lait et des pro-duits laitiers consommés au Canada. C’est engrande partie grâce aux profits tirés des venteshors Québec que nos entreprises sont capablesde mettre au point de nouveaux produits laitiersparticulièrement recherchés par les consomma-teurs québécois.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 49

22. Au Canada, 58 $ US par 100 kg de lait; aux États-Unis : 28 $ US, selon le Bulletin de la Fédération internationale de laiterie, Bruxelles,2007.

Le Québec n’a pas cherché à tirer profit de lamultifonctionnalité de l’agriculture. L’augmen-tation de la taille des fermes a considérablementdiminué le nombre d’entreprises agricoles. Laspécialisation de l’agriculture a forcément réduitla polyvalence des fermes. Les activités com-plémentaires de l’agriculture n’ont pas été trèsvalorisées ou n’ont pas bénéficié d’un appuitechnique et financier adéquat. Le potentiel del’agroforesterie n’a pas été pleinement exploité.Des contraintes ont été imposées au dévelop-pement de l’agrotourisme, notamment en raisond’une interprétation restrictive de la Loi sur laprotection du territoire et des activités agricoles.On a trop peu encouragé les activités des pro-duc teurs-transformateurs. Le secteur de latrans for mation alimentaire n’a pas bénéficiéd’op por tunités de développement en région. Etsurtout, on n’a pas vraiment géré le milieu ruralsur une base territoriale, c’est-à-dire en faisantde l’occupation dynamique du territoire l’objetde ses préoccupations. Une vision multifonc-tionnelle de l’agriculture commande des poli-tiques et des mesures de soutien qui favorisentles interrelations entre l’agriculture et d’autresactivités économiques, récréatives, culturelles etsociales des communautés rurales.

Dans l’état actuel des choses, l’agriculture qué-bécoise n’a pas complété le virage vers le dé-veloppement durable à moyen et à long terme.Sa viabilité économique pose problème, les pra-tiques agricoles ne sont pas toujours respec-tueuses de l’environnement et certains projetssoulèvent des problèmes d’acceptabilité sociale.

L’agriculture québécoise est évidemment soumiseà des facteurs hors de son contrôle comme lafluctuation des prix internationaux des produitsagricoles, la concurrence des autres pays pro-ducteurs, les ententes sur le commerce mondial,les politiques des autres pays qui avantagentleurs producteurs agricoles et les épidémies quiaffectent les prix.

Certains facteurs sociétaux s’imposent égalementaux agriculteurs. Ils doivent composer avec lesexigences environnementales, les critères d’ac-ceptabilité sociale des projets de développementet les préoccupations relatives à la cohabitation,pour ne nommer que ceux-là. Le gouvernementpeut aider les producteurs agricoles à rendre plusfacilement compatibles les pratiques agricolesavec ces exigences de la société.

Certains facteurs internes freinent la capacitédes entreprises agricoles de devenir pleinementconcurrentielles et rentables. Parmi ces facteurs,sur lesquels nous reviendrons, notons l’aug-mentation du prix des quotas, la difficulté depercevoir les signaux du marché, la faible inci-tation à accroître la productivité, à modifier unepartie de la production ou à développer des pro-duits différenciés, la difficulté de se repositionnerdans un univers marqué par une grande frag-mentation de la demande des consommateurs,la rigidité de certains aspects du système demise en marché et le manque de concertation ausein de la filière agricole. Le système de gestionde l’offre n’incite pas les producteurs à recher-cher, par tous les moyens, à réduire leurs coûts.On devrait pourtant s’inquiéter du fait que le prixdu lait à la ferme soit deux fois plus élevé auQuébec qu’aux États-Unis22.

Pour une bonne part, les programmes d’aide financière du gouvernement renforcent ces lacunes plutôt que de les corriger. Autant le secteuragricole et agroalimentaire a peu de prise sur son environnement externe, autantsa capacité d’intervention sur les facteurs internes est grande.Il faut agir et il y a urgence d’agir.

Par ailleurs, des efforts importants ont étéconsentis par les producteurs agricoles afin queleurs activités soient davantage respectueusesde l’environnement. Les investissements réali-sés et les changements apportés aux pratiquesagricoles ont réduit l’impact de leurs activités surl’environnement. Il subsiste encore, comme onle verra au chapitre portant sur l’environnement,des activités associées à certaines productionsagricoles qui affectent les écosystèmes et laqualité de l’eau. Pour que l’agriculture soit réelle-ment respectueuse de l’environnement, il faudraque ces pratiques deviennent graduellementcompatibles avec les impératifs de préservationde la qualité des sols et de l’eau.

50 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

23. MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DES PÊCHERIES ET DE L’ALIMENTATION DU QUÉBEC, 1999.

Enfin, en agriculture comme dans d’autres secteursd’activité, les projets d’une certaine enverguredoivent désormais être socialement accepta-bles. On a pu observer, notamment à l’égard decertains projets de production porcine, la montéede tensions entre les agriculteurs et les citoyens.La révision des schémas d’aména gement ou lestravaux au sein de certains comités de bassinversant donnent également lieu à des divergencesimportantes entre les représentants du milieuagricole et les autres citoyens. Une agriculturedurable doit s’appuyer sur un dialogue pluscontinu et plus serein. Tant les citoyens que lesagriculteurs doivent s’adapter à cette nouvelleréalité.

3. Quelques filières tenues enmarge et sous-exploitées

L’horticulture ornementale s’est développée en marge de l’agriculture. Peu de programmes de soutien financieront été conçus afin d’appuyer et de stimuler ce segment du secteur.

La Fédération interdisciplinaire de l’horticultureornementale du Québec livrait ce constat lorsdes audiences de la Commission : « En dépit deson fort potentiel de marché, la production orne-mentale québécoise ne représente que 12,1 %de la production ornementale canadienne et sacroissance stagne […] Alors que cette produc-tion génère 4,3 % des revenus agricoles, [elle]ne reçoit qu’environ 1 % des fonds de transfertdu MAPAQ. »

Pourtant, c’est une filière dynamique qui comptequelque 420 entreprises de production, près de2000 entreprises de commercialisation (jardine-ries, fleuristeries) et 1500 entreprises de service(aménagement paysager et entretien) qui procu-rent plus de 33 000 emplois dans la majorité desrégions du Québec23.

L’horticulture ornementale connaît une crois-sance annuelle de 10 % depuis 25 ans. On es-time que plus de deux millions de Québécois etde Québécoises ont choisi le jardinage commepasse-temps.

Sur le plan technique, le Centre d’expertise enhorticulture ornementale du Québec fournit l’en-ca drement technico-économique aux producteursau moyen de services-conseils et d’un centre degestion des connaissances. Il reçoit à ce titreune aide financière du ministère de l’Agriculture,des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec(MAPAQ). Un comité sectoriel de main-d’œuvre,HortiCompétences, mis en place en 2005 avecle concours de la Commission des partenairesdu marché du travail et d’Emploi-Québec, travaillesur les enjeux de la formation et du développe-ment des ressources humaines en horticulture.

Le MAPAQ reconnaît, surtout depuis 1998, laplace qu’occupe l’horticulture ornementale dansla chaîne agroalimentaire. La filière demeure tou-tefois quelque peu marginale et n’est pas admis-sible à certains programmes d’aide financière etde stabilisation des revenus dont bénéficientplusieurs autres productions agricoles.

Il faut considérer l’horticulture ornementalecomme une composante à part entière du secteuragricole et agroalimentaire et lui accorder le sou-tien technique et financier qui découle de cettereconnaissance.

La Fédération interdisciplinaire de l’horticultureornementale du Québec a posé le défi suivant augouvernement et au monde agricole : « Commentpeut-on changer les idées préconçues face àl’horticulture ornementale? Il est vrai que l’indus-trie n’appartient pas à l’agriculture comestible;cependant, elle est importante pour la santémentale et physique des humains, elle contribuesignificativement à l’environnement, elle est unmoteur économique important et figure parmi lesplus importants secteurs générateurs d’emplois,toutes industries confondues. De plus, c’est uneindustrie qui a la cote d’amour du citoyen et quireprésente un grand potentiel de développe-ment. » La Commission est tout à fait de cet avis.

Jusqu’ici, les politiques agricoles québécoisesn’ont porté que peu d’intérêt à la culture enserre. Ce constat étonne a priori. La nordicité denotre agriculture rend en effet impossible la cul-ture pendant toute l’année de certains produitsqui font partie de notre alimentation quotidienneet qui peuvent être cultivés en serre. On peutdonc prolonger de ce fait la saison de production.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 51

52 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

On dénombre 775 entreprises québécoises ac-tives dans la production en serre. En 2005, ellesont réalisé des ventes de légumes pour une valeurde 62 millions de dollars alors que les ventes deproduits horticoles atteignaient 165 millions dedollars. Entre 1993 et 2005, les recettes tiréesde la serriculture ont augmenté de 83,3 % auQuébec et de 230,8 % en Ontario. À partir de ceconstat, le Syndicat des producteurs en serre duQuébec soutenait, lors des audiences de laCommission, que « le Québec a beaucoup derattrapage à faire et [qu’]une attention particulièredevrait être apportée à la production serricoleafin de mieux la valoriser, de mieux l’appuyer fi-nancièrement et de l’intégrer aux grandes poli-tiques agricoles du secteur ».

Comme on le verra dans les chapitres qui sui-vent, plusieurs stratégies et plans d’action dugouvernement du Québec en matière de santé,de saine alimentation et d’approvisionnement dumarché québécois devraient inciter le secteuragroalimentaire à accroître la production de lé-gumes en serre, complément de la productionmaraîchère. Le Syndicat des producteurs enserre du Québec a plaidé devant la Commissionen faveur d’une audace raisonnée selon laquelleles pouvoirs publics pourraient aider les entre-prises à occuper une place nettement plusgrande dans la production de légumes en serre,apportant ainsi une contribution tangible au pland’action concerté en matière d’alimentation etde santé. Des interventions sont souhaitées surle plan de l’énergie, de l’accès aux services-conseils et au financement ainsi que de l’aide àla commercialisation et à la distribution des lé-gumes en serre dans les magasins d’alimenta-tion et le réseau des hôtels, restaurants etinstitutions (HRI).

Le MAPAQ devrait effectivement élaborer unestratégie de développement de la production enserre, en concertation avec les acteurs de la filièreet les ministères engagés dans le plan d’action enmatière de santé et d’alimentation.

Très peu de producteurs biologiques bénéficient d’unsoutien financier de l’État québécois. Pourtant, ils pratiquent une agriculture différente qui est de plus en plusvalorisée par la société et dontles produits sont recherchés parles consommateurs.

On estime que 85 % des produits biologiquesvendus au Québec proviennent de l’étranger. Legouvernement du Québec doit donc appuyer demanière plus tangible la production biologiqueafin qu’elle puisse occuper la place que la de-mande des consommateurs justifie amplement.Puisque les produits biologiques connaissentune forte croissance dans les pays développés,le renforcement d’une filière biologique québé-coise pourrait même représenter, dans certainscas, un créneau porteur pour l’exportation.

Afin d’épauler la filière biologique, il faut menerune action sur plusieurs plans, notamment surcelui : • de l’aide à l’installation en production biolo-

gique;

• de l’aide à la transition d’une productionconventionnelle à la production biologique;

• du soutien à la recherche et des services-conseils;

• du développement de la transformation desproduits biologiques;

• de la mise en marché;

• des mesures plus énergiques applicables àl’étiquetage des produits biologiques et de laprotection de l’appellation qui garantit auconsommateur l’authenticité du processus deproduction biologique.

LE SOUTIEN DE L’ÉTAT À L’AGRICULTURE QUÉBÉCOISE

1. Un soutien global significatifTous les pays développés soutiennent leur agri-culture, par divers moyens. Que ce soit par la ré-glementation, les tarifs, le soutien des prix ou lesaides directes offertes aux producteurs, les gou-vernements cherchent à préserver une agricul-ture viable sur le territoire national. Le Québec nefait pas exception à la règle. Dans les conditionsde nordicité de notre agriculture québécoise, ilserait pratiquement impossible de maintenir uneproduction agricole compétitive sans la contri-bution des gouvernements. À peu près per-sonne ne remet en question la pertinence dusoutien de l’État à l’agriculture. Des divergencespeuvent se faire jour à propos de l’importancede la contribution gouvernementale, du choixdes mesures d’aide et de leur mode de gestion,mais un large consensus prévaut à l’égard de lanécessité d’un appui tangible à l’agriculture d’ici.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 53

Les gouvernements viennent en aide de multiplesfaçons au secteur agricole et agroalimentaire etaux producteurs agricoles eux-mêmes. Notonsd’abord les programmes généraux de soutien àla recherche, à l’innovation et à la formation.D’autres programmes, associés plus spécifique-ment à l’agriculture, concernent toute la société etne doivent pas être perçus comme des mesuresde soutien. C’est le cas, par exemple, de l’ins-pection des aliments, de la santé animale, del’homologation des produits et de l’étiquetagedes produits agricoles.

Viennent ensuite les paiements directs faits auxagriculteurs. Ils sont pour ainsi dire de deux ordres.En premier lieu, il s’agit de subventions liées à uneactivité précise (cofinancement d’une structured’entreposage pour le lisier) ou au caractère parti -culier de l’activité agricole (remboursement destaxes foncières). En deuxième lieu, des versementssont effectués en vertu de certains programmesd’assurance et de stabilisation du revenu, pro-grammes dont les frais sont partagés par lesagriculteurs et les gouvernements.

Selon Statistique Canada, les producteurs agri-coles du Québec ont touché des paiements directsde 725, 722 et 838 millions de dollars en 2004,2005 et 2006 respectivement. Le tableau 4 montrela répartition de ces paiements entre les principauxprogrammes d’aide financière.

Tableau 4

PAIEMENTS DIRECTS NETS REÇUS PAR L’ENSEMBLE DES AGRICULTEURS QUÉBÉCOIS24

(PART DES GOUVERNEMENTS) (M$)2004 2006

Programme canadien desoutien du revenu agricole 7,0 181

Programme d’assurance stabilisationdes revenus agricoles 452,0 407

Assurances récoltes 41,0 30

Autres paiements25 122,0 69

Remises pour impôt foncier 83,0 100

Remises pour intérêts 3,4 2

Autres programmes fédéraux26 17,0 49

Total 725,4 838

Source : STATISTIQUE CANADA, Paiements directs versés aux pro-ducteurs, Statistiques économiques agricoles, mai 2007, no 21-015-XIF au catalogue.

À ces montants, il faut ajouter une aide fiscale de67 millions de dollars du gouvernement fédéralet de 136 millions de dollars du gouvernementdu Québec, principalement pour les exemptionssur les gains en capital, les exemptions de lataxe sur le capital et le remboursement d’unepartie de la taxe sur les carburants. Bref, en 2006,les producteurs agricoles québécois ont touchédes aides directes de l’ordre de plus de un milliardde dollars. Les programmes gouvernementauxdestinés aux agriculteurs ont augmenté de 248 %au cours des 25 dernières années, soit unecroissance annuelle moyenne de 5,1 %.

2. Une aide substantielle par rapport à celle offerte ailleurs Où se situe l’aide financière à la production agri-cole québécoise par rapport à celle offerte dansd’autres provinces et d’autres pays?

Le MAPAQ a réalisé en 2007 une analyse de l’intervention gouvernementale dans le secteuragricole et agroalimentaire québécois et onta-rien. Il a alors estimé qu’en excluant la gestionde l’offre, si l’on avait établi les paiements directsaux producteurs agricoles du Québec dans lamême proportion qu’en Ontario, les producteursquébécois auraient reçu, sur la base des re-cettes monétaires de l’agriculture, 179 millionsde dollars de moins en paiements directs parannée durant la période 2001 à 2005.

Et comment se compare-t-on aux autres paysqui, eux aussi, apportent un important soutien àleurs agriculteurs? L’Organisation de coopéra-tion et de développement économiques (OCDE)fournit de nombreuses statistiques sur le soutienoffert à l’agriculture par ses 30 pays membres.Elle a mis au point un indice appelé Estimationdu soutien au producteur (ESP) qui permet decomparer l’aide globale offerte aux agriculteurspar ces pays développés. L’indice tient comptede toutes les aides directes et indirectes27 desgouvernements à leur agriculture. Cet outil demesure a été précisément mis au point pourpouvoir effectuer des comparaisons entre lespays.

24. Les montants affichés sont les versements faits aux entreprises agricoles. Ce sont des paiements nets, si l’on tient compte desprimes payées par les agriculteurs. Enfin, comme il s’agit d’une comptabilité d’exercice, ce sont les montants versés durant l’année enquestion et non les montants dus pour cette année. La somme de 7 millions de dollars du Programme canadien de soutien du revenuagricole pour l’année 2004 est simplement due au fait que les paiements ont été effectués à des dates ultérieures, soit en 2005-2006(elle fut en réalité de 157,5 millions de dollars).

25. Notamment le programme spécial pour l’ESB (vache folle) et Prime-Vert.

26. Compte de stabilisation du revenu agricole net (programme antérieur au Programme canadien de soutien au revenu agricole) et Programme canadien d’assurance.

27. Les mécanismes qui contribuent à une certaine régulation des prix, comme la gestion de l’offre, sont pris en compte dans le modèlede l’OCDE.

54 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Le tableau 5, qui illustre la part du soutien del’État offert aux agriculteurs en proportion deleurs recettes agricoles brutes, permet de situer leCanada par rapport aux pays comparables sur leplan des enjeux commerciaux de l’agriculture.

On observe que le niveau du soutien à l’agricul-ture au Canada est légèrement inférieur à celuide la moyenne des pays de l’OCDE. Ce niveauest plus élevé que celui des États-Unis tout endemeurant inférieur à celui des pays européens.Il serait très difficile d’établir une estimation dusoutien au producteur (ESP) pour le Québec.Notons cependant que l’aide financière sur la-quelle peuvent compter les producteurs agri-coles québécois est supérieure à celle de leurshomologues canadiens. L’agriculture québé-coise reçoit des gouvernements un soutien quise compare à celui offert par un grand nombrede pays développés à leur secteur agroalimen-taire.

3. Les principaux programmesd’aide financièreDécrivons sommairement les principaux pro-grammes d’aide financière applicables au Québec.

Le Programme canadien de stabilisation durevenu agricole (PCSRA) constitue le premierniveau d’intervention gouvernemental d’amélio-ration et de stabilisation du revenu des agricul-teurs. Il s’agit d’un programme de type assuranceà frais partagés. Le PCSRA est universel : toutesles productions y sont admissibles, bien quecertaines restrictions s’appliquent à celles sousgestion de l’offre. L’objectif du programme estd’assurer un revenu relativement stable et adé-quat à l’agriculteur, malgré les fluctuations desprix sur les marchés.

En 2003, les producteurs agricoles du Québecont cotisé un montant de 10 millions de dollarsalors que la contribution des gouvernements28

était de 219 millions de dollars. Le PCSRA,même s’il s’agit d’un programme fédéral, est ad-ministré par La Financière agricole du Québec.Cette dernière, rappelons-le, gère la plupart desprogrammes de prêts, d’assurance et de sub-ventions aux agriculteurs québécois.

Quant au Programme d’assurance récolte, misen place en 1959, il vise à amoindrir les effetsdes risques naturels et incontrôlables : crue deseaux, sécheresse, excès de vent, ravages cau-sés par des insectes, etc. Il s’agit aussi d’un pro-gramme administré par La Financière agricoledu Québec. Le gouvernement du Canada et legouvernement du Québec assument 60 % desprimes. Comme son nom l’indique, il ne toucheque les cultures : céréales diverses, fruits, cultures maraîchères, légumes de transforma-tion, miel, lin, pommes de terre. Selon les pro-ductions, les primes payées par les agriculteursdépendent du type de régime et du niveau decouverture d’assurance choisi.

En 2005-2006, plus de 13 500 entreprises agri-coles québécoises étaient assurées grâce à ceprogramme, soit 44 % des entreprises, pour unevaleur de 892 millions de dollars. Les produc-teurs ont payé 49 millions de dollars de primeset ont reçu des indemnisations pour un montantde 56 millions de dollars. Soulignons que lefonds d’assurance récolte n’a jamais été défici-taire depuis 1988 et que sa réserve dépasse les75 millions de dollars; il est donc considéré enéquilibre.

28. Cette prime gouvernementale est répartie comme suit : 60 % par le gouvernement fédéral et 40 % par le gouvernement du Québec.

Tableau 5

PART DU SOUTIEN DE L’ÉTAT OFFERT AUX AGRICULTEURS PARRAPPORT À LEURS RECETTES AGRICOLES BRUTES (%)

(1) Pour le Mexique, 1986-1988 est remplacé par 1991-1993.(2) L’Autriche, la Finlande et la Suède sont incluses dans les totaux OCDEpour toutes les années et dans l’UE à partir de 1995. La Hongrie, la Pologne,la République slovaque et la République tchèque sont incluses dans les totaux OCDE pour toutes les années et dans l’UE à partir de 2004. Le totalOCDE ne comprend pas les six pays de l’UE non membres de l’OCDE.(3) UE12 pour 1986-1994, y compris l’ex-RDA à partir de 1990; UE15 pour1995-2003; UE25 à partir de 2004.

Source : OCDE, Base de données des ESP et des ESC, 2006; cité dans Les politiques agricoles des pays de l’OCDE : panorama 2006, Paris, Éditions OCDE, 2006, p. 23.

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1986-1988 2003-2005

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 55

Ce programme joue un rôle précieux. Il doit êtremaintenu. Le gouvernement fédéral envisage del’étendre aux productions animales. La Com-mission l’incite à emprunter cette voie.

Les remises pour impôt foncier constituent unpaiement effectué par le gouvernement aux mu-nicipalités pour le compte des producteurs agri-coles et qui couvre une partie importante dumontant des taxes foncières municipales et sco-laires29. Il représente un montant de 100 millionsde dollars par année. En matière de fiscalité mu-nicipale, les machines de production industriellesont exemptées de l’impôt foncier. Une terre etdes bâtiments agricoles peuvent donc être assi-milés à des « outils » de production, ce qui justifieleur exemption de taxes. Comme il en résulteraitun important manque à gagner pour les munici-palités, le gouvernement, de longue date, a offertdes compensations aux agriculteurs.

Le Programme d’assurance stabilisation desrevenus agricoles (ASRA) est de loin le plus im-portant programme d’aide financière du gouver-nement du Québec. Administré lui aussi par LaFinancière agricole du Québec et mis en placeen 1975, ce programme d’assurance est financéaux deux tiers par le gouvernement et au tierspar les producteurs agricoles. En réalité, lacontribution du gouvernement est plus élevéepuisqu’il assume seul la totalité des frais d’ad-ministration de La Financière agricole, qui s’éle-vaient à 57,8 millions de dollars en 2006-2007. En2001, le gouvernement a convenu de verserchaque année un montant de 305 millions dedollars pendant sept ans à La Financière agri-cole du Québec pour l’ensemble des pro-grammes québécois qu’elle administre. Notonsque les productions sous gestion de l’offre, quibénéficient déjà d’une protection particulièrecontre la concurrence étrangère, ne sont pas admissibles à l’ASRA.

L’importance de l’assurance stabilisation des re-venus agricoles comme pilier de l’aide financièreà l’agriculture québécoise commande l’analysedétaillée présentée aux pages 57 à 63.

Le financement agricoleLes dettes de l’ensemble des producteurs qué-bécois s’élevaient à 10,5 milliards de dollars en2006. Les banques et les caisses populaires ontconsenti des prêts aux agriculteurs pour une va-leur de 8,5 milliards de dollars. Près de la moitié dumontant de cette dette (4,1 milliards de dollars) faitl’objet d’une garantie de prêt de La Financièreagricole du Québec. Il s’agit d’investissements àlong terme. Financement agricole Canada octroieaussi des prêts aux producteurs agricoles; sonportefeuille au Québec atteignait 1,1 milliard dedollars en 2006. Enfin, les agriculteurs doivent668 millions de dollars aux fournisseurs d’in-trants30.

La Financière agricole est un acteur de premierplan dans ce domaine. Les garanties de prêtqu’elle offre aux institutions prêteuses, dont la li-mite est de 5 millions de dollars par ferme,constituent une condition souvent déterminantede l’accès au crédit. En 2007, La Financière agri-cole comptait 15 812 clients bénéficiant de sesprogrammes de financement, soit plus de lamoitié des producteurs agricoles. Malgré les dif-ficultés financières que connaît le secteur depuisquelques années, la proportion d’entreprises quienregistraient des arrérages de paiement sur lesprêts se situait à 5,5 % au 31 mars 2007, compa-rativement à 4,7 % en 2000-2001. Notons aussiqu’en 2007, 4,4 % des prêts faits à des pro -ducteurs québécois par Financement agricoleCanada accusent des arrérages. Pour l’ensem-ble des prêts de cet organisme fédéral aux agri-culteurs canadiens, ce taux était de 2,6 % en2007. On constate que le nombre de faillites estrelativement faible en agriculture. Entre 1992 et2006, le nombre annuel moyen de faillites d’en-treprises agricoles était de 45. Soulignons qu’auQuébec, en 2006, on a enregistré 19 672 faillites,tous secteurs confondus.

29. Mode de calcul du paiement en 2007 : 100 % des premiers 300 $ de taxes municipales et scolaires; 70 % de l’excédent des premiers300 $ et 85 % de la portion de taxes municipales applicables aux terres d’une valeur supérieure à 1 533 $ l’hectare. Le paiement s’effectuesous forme de crédit appliqué par la municipalité au compte de taxes de l’agriculteur. Les crédits sont versés aux municipalités par leMAPAQ.

30. Pour compléter ce tableau, il faut ajouter un montant de 130 millions de dollars prêtés par les sociétés privées d’assurance et de fiduciede même qu’un montant de 75 millions de dollars de paiements anticipés effectués par le gouvernement fédéral à certains agriculteursen attendant la vente de leurs produits.

56 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Les mesures d’aide à la relève agricole La Financière agricole du Québec offre à la relèvedes services-conseils d’analyse financière, une sub -vention à l’établissement de 20 000 $ à 40 000 $,selon le niveau de formation du candidat, et desprêts assortis de conditions avantageuses. L’andernier, 355 personnes ont obtenu une aide à l’éta-blissement pour un montant de 9,9 millions dedollars. La Financière agricole leur a en outre accordé des garanties de prêt pour un montant de89,2 millions de dollars. De plus, 63 nouvellesentreprises agricoles ont bénéficié du pro-gramme d’aide au démarrage pour un montanttotal de 870 000 $.

Aux yeux d’observateurs de l’extérieur du secteuragricole et agroalimentaire, l’aide offerte à la re-lève peut sembler très généreuse. Il faut cepen-dant réaliser que l’établissement en agriculturerequiert d’importants investissements et que lerendement sur le capital est faible. Les mesuresactuelles d’aide financière sont absolument in-dispensables à la relève agricole. Il faut mêmechercher à les rendre encore plus accessibles.

La Financière agricole du Québec est, et de loin,la plus importante institution d’aide à la relèveagricole. Malgré tout, elle ne fournit du finance-ment de départ qu’à environ 60 % des agriculteursqui démarrent. En effet, on estime qu’entre 600et 800 jeunes s’établissent en agriculture chaqueannée et La Financière agricole offre des sub-ventions et des prêts à environ 410 d’entre eux.

Les raisons de cette accessibilité restreinte auxagriculteurs débutants sont multiples : niveau deformation trop faible des jeunes par rapport auxexigences de La Financière agricole, transmis-sion de la ferme au sein de la famille sans besoind’emprunt, démarrage à très petite échelle nenécessitant pas d’investissement en capital, fi -nan cement par une entreprise d’intégration, dif-ficulté de pouvoir offrir des garanties minimalesà une institution financière, etc.

En 2006, 33 % des producteurs agricoles du Qué-bec avaient plus de 55 ans. Les moins de 40 ans nereprésentaient que 15 % des agriculteurs. Selonla Fédération de la relève agricole de l’UPA, ilfaudrait qu’environ 1100 jeunes s’établissent enagriculture chaque année pour espérer conserverà moyen et à long terme plus de 30 000 fermesau Québec. Or, le nombre de nouveaux candi-dats à l’établissement se situe plutôt entre 600 et 800 et il n’augmente pas depuis plusieursannées. L’écart est très significatif. Toutefois, la

situation québécoise concernant le remplacementdes agriculteurs est meilleure qu'ailleurs. Alorsque le taux de remplacement était estimé à 89,6 % au Québec en 2001, il était de 49,1 % dansle reste du Canada, de 42,1 % aux États-Unis et de14,1 % en Europe31.

On estime que plus du quart des entreprisesagricoles qui ont un besoin de relève ne trouventpas, dans la famille immédiate ou apparentée,une personne intéressée à prendre la successionà la ferme. L’importance de la relève non familiale,qui ne compte que pour 10 % des nouveauxétablissements en agriculture, sera donc de plusen plus marquée. Heureusement, ces jeunes sontbien formés. En effet, 90 % des personnes ap-partenant à la relève non familiale sont titulairesd’un diplôme d’études collégiales ou universitaires,comparativement à 72 % pour les membres de larelève familiale.

Des expériences de constitution d’une banquede terres ou de fermes destinées à la relève ontété menées dans diverses régions du Québec ettoutes ont été abandonnées, en raison de lacomplexité de la gestion d’une telle banque fon-cière. Le problème de la relève agricole peut ré-sider dans la disponibilité de fermes ou dans lesrègles d’admissibilité de La Financière agricole.Cependant, d’autres facteurs pèsent aussi detout leur poids, parmi lesquels : • le prix des fermes (la valeur des actifs d’une

ferme moyenne est passée de 287 000 $ en1984 à 1 400 000 $ en 2006). Ce prix est gonflépar l’augmentation considérable de la valeur desquotas dans les productions sous gestion del’offre;

• les investissements à consentir. Il faut en effetcinq dollars d’actifs agricoles pour générer undollar de revenu brut, alors que le ratio est del’ordre de 1 :1 dans l’ensemble du secteur ma-nufacturier;

• le faible rendement de l’actif, qui limite la capa-cité d’emprunt;

• les réticences de certains jeunes à poursuivredes études les préparant à exercer la professiond’agriculteur, ce qui les prive des avantagesdu programme;

• l’interprétation restrictive donnée à la Loi sur laprotection du territoire et des activités agricoles,interprétation qui empêche ou compliquesingulièrement le démarrage d’une entrepriseagricole de faible taille ou d’une agriculture dif-férente du modèle dominant;

31. J. TONDREAU, D. PARENT et J.-P. PERRIER, Transmission de la ferme familiale d'une génération à l'autre : situation au Québec et regardsur le monde, 2001.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 57

• la non-admissibilité de la plupart des productionsagricoles qui démarrent à des programmes desoutien du revenu ou d’assurance stabilisation;

• la relative dévalorisation de certains segmentsde l’agriculture au cours des dernières annéeset les conditions de travail difficiles associéesà la production agricole;

• la perception très négative, au sein de la classeagricole et dans la société, de la formule d’in-tégration de certains types de fermes à une en-treprise qui fournit les intrants et achètegénéralement les produits, même si 17 % desrevenus agricoles proviennent d’entreprisessous contrat d’intégration.

Bref, pour aider la relève, il faut agir sur plusieursfronts.

LES OBJECTIFS ET LES DÉRIVESDE L’ASSURANCE STABILISATIONDES REVENUS AGRICOLESL’ASRA vise à garantir aux producteurs un re-venu net positif et stable. Une compensation estversée à l’agriculteur lorsque le prix du marchéest inférieur au coût de production établi. En cesens, l’ASRA complète le programme canadiende stabilisation du revenu agricole. C’est aussi,théoriquement, un régime d’assurance.

Les producteurs agricoles ont tiré de très grandsbénéfices de ce programme. À leurs yeux, c’est leprogramme phare du gouvernement du Québec.Ceux qui y ont accès ont vu leur revenu se sta-biliser et ils ont été en mesure de traverser descrises très graves, celle de la vache folle parexemple, et les crises successives qui ont affectéla production porcine depuis 2003 parce que leprogramme assure un revenu stable et prévisible.L’ASRA a fait l’objet de témoignages nombreuxet répétés d’appréciation de la part des syndi-cats de producteurs qui en bénéficient. L’UPAsalue le financement prévisible et adéquat qu’ilinstaure. Les syndicats de base du Centre-de-Portneuf et de Québec Jacques-Cartier soutien-nent pour leur part : « Pour les territoires quenous représentons, sans programme de sécuritédu revenu, une grande partie de la productiondisparaîtrait. » Soulignons que l’assurance sta-bilisation des revenus agricoles a rassuré consi-dérablement les institutions financières de sorteque les producteurs admissibles ont pu obtenirdu financement qui leur a permis de moderniserleurs établissements.

Le programme québécois n’est pas universel : ilne s’applique pas à toutes les productions.L’ASRA repose sur un coût de production établide manière relativement complexe. Elle tient no-tamment compte, par unité de production, desparamètres suivants : les revenus du marché, lesfrais variables, les frais fixes, l’intérêt sur les em-prunts, la rémunération du travail de l’agriculteuret l’amortissement.

Entre la nature et les objectifs du programme etson application concrète, un fossé s’est gra-duellement creusé. Il faut examiner la situationde plus près.

1. Le caractère d’« assurance » du régimeL’ASRA se présente comme un régime d’assu-rance, mais certaines productions ont donné lieuau versement de compensations par l’ASRA pourchacune des dix dernières années. C’est le cas del’agneau (qui a reçu des compensations pour unmontant de 158 millions de dollars pendant cettepériode), des veaux d’embouche (909 millions dedollars), des veaux de grain (114 millions de dol-lars), des veaux de lait (222,9 millions de dollars),des bouvillons (313,6 millions de dollars), del’avoine (302,7 millions de dollars), de l’orge(418,1 millions de dollars), du blé pour animaux(67,5 millions de dollars), du blé pour consom-mation humaine (70,2 millions de dollars) et dumaïs-grain (compensations de 1,4 milliard dedollars sur dix ans).

On voit bien que, dans ces productions, les agri-culteurs ne s’assurent pas contre un risque defluctuation de prix : ils cotisent à un régime desécurité du revenu et reçoivent chaque annéeune compensation nettement supérieure à leurcontribution propre. Il serait plus juste de parlerde subvention dans ces cas. En 2006, les pro-ducteurs de veau d’embouche ont versé45,3 millions de dollars en cotisations et ils onttouché des compensations d’une valeur de137,5 millions de dollars. Les producteursd’agneaux ont versé 7,1 millions de dollars etont reçu 19,3 millions de dollars la même année.Le Mouvement des caisses Desjardins a rappeléavec à-propos que « [l]es programmes d’assu-rance stabilisation ont été conçus pour exercerune compensation dans les années plus creuses,soit de façon ponctuelle, et ce principe doit êtrepréservé. Si la compensation s’exerce chaqueannée dans une production, il ne s’agit pas àproprement dit de stabilisation, mais d’un pro-gramme de soutien ».

58 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Le programme masque considérablement les si-gnaux du marché. Dans tout autre régime d’as-surance, les situations décrites précédemmentauraient incité les producteurs à réduire leurscoûts ou à réorienter progressivement leur pro-duction. Entre 1986 et 2006, la production demaïs-grain a baissé de 9 % en Ontario (ce quiest normal puisque cette production était défici-taire), mais dans les mêmes conditions de mar-ché, elle a augmenté de 85 % au Québec.Durant la même période, la production d’agneauxa connu une croissance de 42 % en Ontario et de 183 % au Québec. Enfin, l’augmentation de la production de vache-veau fut de 19 % dans la province voisine et de 68 % au Québec. Bref, lecaractère déficitaire de l’activité couverte parl’ASRA au Québec ne semble pas influer sur leniveau de production. Les agriculteurs ontariens,qui ne bénéficient pas d’un tel régime, manifes-tent davantage de sensibilité à l’égard de l’évo-lution des prix.

2. Les coûts de productionEn 1975, un nouveau concept a été introduit,soit l’établissement d’un coût de production quipermet au producteur de percevoir un revenucorrespondant à 90 % de celui d’un ouvrier spé-cialisé québécois. Le revenu stabilisé est établipour chacune des productions à partir d’une en-quête faisant la moyenne des coûts des entre-prises spécialisées dans cette production.

On sait que les enquêtes sur les coûts de pro-duction sont complexes et coûtent cher. C’estpourquoi elles ne sont réalisées qu’à des inter-valles de cinq à quinze ans. Par exemple, l’enquêtesur les coûts de production des veaux de graindatait de 1990 lorsqu’elle a été révisée en 2005,et ses résultats n’ont été appliqués qu’en 2007.

Cette démarche d’estimation des coûts de pro-duction et son application dans le régime del’ASRA comporte toutefois des déficiences ma-jeures. C’est ainsi que les coûts de productionsont indexés entre deux enquêtes, mais que lesrendements demeurent fixes. M. Jean-Pierre La-chapelle, consultant, a étudié cette question à lademande de la Commission. Son étude a révéléqu’entre 2003 et 2005, les rendements réels demaïs-grain en Montérégie, établis selon le pro-gram me d’assurance récolte, s’élevaient respec-tivement à 8685, 9001 et 9000 kg/hectare pourles années 2003, 2004 et 2005 respectivement.

Selon le mode d’application des coûts de pro-duction de l’ASRA, les rendements sont demeurésfixes, à 7200 kg/hectare pendant toute cette pé-riode. M. Lachapelle a calculé que si l’on avaitutilisé les rendements réels des agriculteurs decette région, l’ASRA aurait versé 128 millions dedollars de moins aux producteurs de maïs-grainde la Montérégie. Il est important de noter que,même en réalisant ces économies, les produc-teurs auraient reçu une compensation couvrantl’écart entre les revenus tirés du marché et leurspropres coûts de production.

Le même exemple de déséquilibre s’applique àla production de porcelets. Pendant la périodeallant de 1983 à 2003, les rendements utilisésdans le modèle de l’assurance stabilisation desrevenus agricoles du Québec n’ont été révisésqu’à deux reprises. Si l’on avait ajusté la produc -tivité par truie chaque année entre 1997 et 2003,l’ASRA aurait épargné 161 millions de dollars.

Il faut, dans un premier temps, corriger ces défi-ciences parce que les paiements versés en tropdrainent inutilement des ressources financièresau-delà des objectifs de stabilisation des revenusagricoles, alors que d’autres besoins criants dusecteur ne sont pas satisfaits.

3. Un programme qui contribue à accentuer les problèmes environnementaux Plusieurs auteurs32 ont établi un lien entre l’ASRAet le recours plus soutenu à des pratiques commel’intensification de la production et la réductionde la fréquence de rotation des cultures, qui con-tribuent à la détérioration de l’environnement etde la qualité des sols et de l’eau. D’une certainemanière, l’assurance stabilisation oriente le choixde l’agriculteur qui est fortement incité à se con -centrer sur les productions « stabilisées » où lesrisques sont assumés aux deux tiers par le gou-vernement. Ils sont donc appelés à faire le choixd’une spécialisation accrue qui est souventcontraire à l’adoption de pratiques ayant des ef-fets moins perturbateurs sur l’environnement.

La Chaire de recherche du Canada en éducationrelative à l’environnement soutient qu’un pro-gramme comme l’ASRA « nuit à l’adoption depratiques culturales ou d’élevage plus environ-nementales et limitent les choix de cultures oud’élevage ».

32. BOUTIN, 2004; NOLET, 1998; DEBAILLEUL, 1998; DEBAILLEUL et MÉNARD, 1998; FOURNIER et HENNING, 1990; VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC,1996.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 59

4. Un programme qui crée une iniquité entre les productionsL’une des principales lacunes de l’ASRA tient aufait que le régime ne bénéficie qu’à dix-sept pro-ductions admissibles. Les productions animalessont les suivantes : agneau de lait, agneau lourd,veau d’embouche, veau de grain, veau de lait,bouvillon, porc et porcelet. Pour les productionsvégétales, on parle de l’avoine, de l’orge, du blépour animaux, du blé pour consommation hu-maine, du maïs-grain, du soya, du canola, de lapomme de terre et de la pomme.

Plusieurs porte-parole d’autres productions ré-clament avec insistance leur admissibilité au régime. Ces représentants observent les avan-tages importants que confère l’ASRA aux autresagriculteurs et font valoir que ce programme doitleur être accessible, au nom de la stricte équité.La proposition suivante, formulée par le repré-sentant du Syndicat de base de l’UPA de la Chevrotière, est très représentative de plusieurstémoignages : « Nous souhaitons donc que toutesles productions agricoles soient couvertes par lesrégimes d’assurance actuels et qu’un mécanismed’indexation automatique, basé sur des indicesmultiples (inflation, IPC, etc.) soit introduit dansles calculs du coût de production. »

Le tableau 6, qui présente le montant des com-pensations reçues par les producteurs agricolesau cours des dix dernières années, expose à sa face même l’iniquité de traitement entre lesproductions assurées et celles qui ne le sontpas. Notons aussi que les entreprises couvertespar l’ASRA bénéficient en outre des autres programmes offerts par les deux ordres de gouvernement.

Comme on le voit, quatre productions (maïs-grain, veau d’embouche, porc et porcelet) ontperçu 64 % des aides. Une telle disparité de trai-tement entre les productions ne peut perdurer.On comprendra toutefois que transformerl’ASRA en programme universel, selon les para-mètres actuels du régime et son mode de gestion,représenterait un risque financier considé rablepour le gouvernement.

Le tableau 7 présente les principales produc-tions qui ne sont pas couvertes par l’ASRA. Ellestotalisent des recettes agricoles provenant dumarché de l’ordre de 850 millions de dollars parannée.

Tableau 7

PRODUCTIONS NON COUVERTES PAR L’ASRA ET RECETTES ANNUELLES MOYENNES PROVENANTDU MARCHÉ (2002-2006) (M$)

Recettes annuelles

Légume 293,0

Produits de l’érable 143,0

Culture ornementale 229,0

Arbre de Noël 48,4

Fraise 20,5

Miel 5,8

Autres fruits 53,5

Animaux à fourrure 2,8

Haricot sec 8,5

Bétail divers 27,0

Foin et fourrage 12,6

Cultures diverses 4,2

Source : LACHAPELLE, Jean-Pierre, à partir de MAPAQ, Recettesmonétaires agricoles du Québec 1996-2006, compilation spécialede STATISTIQUE CANADA.

Tableau 6

COMPENSATIONS DE L’ASRA PAR PRODUCTION (1997-2006) (M$)

Productions animales Montant Productions végétales Montant

Agneau 158,1 Avoine 302,8

Veau d’embouche 909,7 Orge 418,1

Bouvillon 313,6 Blé (animaux) 67,5

Porc 663,6 Blé (humains) 70,2

Porcelet 618,0 Maïs-grain 1 435,3

Veau de grain 114,1 Soya 109,9

Veau de lait 222,9 Canola 15,1

Pomme de terre 38,3

Pomme 46,8

Total 3 000,0 2 504,0

Source : LACHAPELLE, Jean-Pierre, Rapport sur les assurances agricoles du Québec, présenté à la Commission surl’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois, 2007, tableau 85.

60 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Les producteurs de légumes, de sirop d’érable,de fruits et ceux en horticulture ornementalesont au cœur d’une production dynamique, im-portante et hautement exposée aux risques surle plan de la stabilisation du revenu. Il est tout àfait inéquitable de ne pas les rendre admissiblesau plus important programme québécois desoutien à l’agriculture. La même remarque vautpour les productions à plus faible volume et lesproductions en émergence, qui sont largementlaissées pour compte.

5. Un régime qui n’encourage pasl’améliorationIl serait tout à fait excessif de soutenir qu’avecun régime comme l’ASRA, les producteurs agri-coles ne se préoccupent pas de la rentabilité de leur entreprise. Par contre, comme le pro-gramme compense les pertes de revenu et quele gros de la facture est assumé par le gouver-nement, on ressent moins d’incitation à redres-ser des situations critiques pour ce qui est de laviabilité financière. La coopérative Purdel a sou-tenu que « l’État pourrait continuer d’intervenirpar ses programmes d’assurance stabilisation,mais les fermes devront démontrer leur adhésionà un programme d’amélioration continue pourbénéficier de l’ASRA. Cette obligation favorise-rait la mise en place de méthodes permettantune plus grande efficacité ». Le Syndicat des pro-ducteurs ovins du Bas-Saint-Laurent suggèreque « le modèle de l’ASRA tienne compte de l’ef-ficacité des entreprises au lieu de leur taille ».

On aurait pu s’assurer que l’ASRA incite davan-tage à l’amélioration de la productivité en établis-sant les coûts de production à partir d’un modèlequi n’aurait pas tenu compte des entreprises lesmoins performantes. On demanderait en sommeà toutes les entreprises de s’améliorer plutôt quede se fier sur les rendements de l’ensemble, quicomprend les plus faibles, pour établir une sortede zone de confort. Le régime deviendrait un peuplus exigeant au lieu de placer délibérément labarre à un niveau trop bas en tenant compte descoûts de production des fermes les moins effi-caces. Soulignons que dans un modèle où lesdonnées proviendraient des fermes les plus per-formantes, les installations seraient de toutestailles. On pourrait aussi concevoir des mesurescomplémentaires d’accompagnement des entre-prises qui affichent les plus faibles rendements.En ce sens, la coopérative agricole Comax, tout

en proposant le maintien des programmes destabilisation des revenus, reconnaît que « l’accentdoit être mis sur l’amélioration de l’efficacité dessecteurs [de production] ».

Le MAPAQ a estimé que si les compensationsavaient été établies en tenant compte de lamoyenne de 75 % des entreprises les plus perfor-mantes, les producteurs de porcs à l’engrais et deporcelets auraient reçu respectivement, en 2002-2003, 36,6 millions de dollars et 51,8 millions dedollars de moins que le montant des compensa-tions perçues.

Une donnée plus importante encore concerne lesentreprises qui bénéficient d’économies d’échelleou d’autres conditions particulièrement favorables.Par exemple, en 2003, les 101 plus grandes entre-prises de production de porcs ont reçu une com-pensation de l’ASRA de 16,58 $ par porc produit,soit un montant moyen de 558 221 $ par entreprise.Si les données utilisées pour calculer les coûts deproduction avaient été celles des entreprises lesplus performantes, le montant de la compensa-tion aurait été réduit de 6,72 $ par porc. Le mon-tant moyen de compensation aurait alors été de331 966 $ par grande entreprise. Chacune adonc reçu un montant qui dépassait d’au moins200 000 $ ses besoins de stabilisation du revenu– en présumant qu’elle se situait parmi les entre-prises les plus performantes, ce qui est généra-lement le cas des grands élevages porcins.Autrement dit, ces grandes entreprises ont simple-ment profité de la faible productivité des entreprisesles moins performantes et ont obtenu une aide plusélevée que nécessaire.

Quant aux autres productions, selon les estima-tions faites pour le compte de la Commission, lecalcul des compensations sur la base de 75 % desentreprises les plus performantes réduirait enmoyenne de 4 % le revenu stabilisé, ce qui repré-senterait une économie annuelle additionnelle del’ordre de 68 millions de dollars. La révision desdonnées entrant dans le calcul des coûts de pro-duction permettrait donc de réaliser des économiestotales de l’ordre de 150 millions de dollars. Ceséconomies demeurent tout à fait compatibles avecle besoin essentiel de stabiliser le revenu des pro-ducteurs agricoles. En adoptant une mesure d’efficacité, on pourrait, avec une marge de manœuvre de plus de 150 millions de dollars, réduire la précarité financière de l’ASRA et aiderles agriculteurs qui en ont vraiment besoin.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 61

6. Des compensations verséesdans une forte proportion auxgrandes entreprisesLe tableau 8 présente, pour certaines productionsassujetties à l’ASRA, quelques données qui illus-trent à quel point les grandes entreprises tirentprofit de ce régime et drainent une part signifi-cative de ses ressources. Par exemple, 8 % dutotal des entreprises de production de bouvillonsont perçu, en 2003, 62,7 % des compensationsversées à cette production, pour un montantmoyen de 441 489 $ par grande ferme.

Les étudiants de la Faculté des sciences del’agriculture et de l’alimentation de l’UniversitéLaval suggèrent « qu’un modèle dégressif auxproducteurs en fonction de l’expérience (nom-bre d’années) et de la taille de l’entreprise pour-rait servir de principe de base à la réductiongraduelle du budget de l’ASRA ».

7. Des bénéfices inégalement répartis entre les régions L’aide de l’ASRA est uniformément versée parunité de production, partout au Québec, sanségard aux caractéristiques biophysiques du mi-lieu. On peut raisonnablement considérer quecertaines de ces caractéristiques varient d’unerégion à l’autre et influent sur le coût de produc-tion. De plus, en rendant certaines productionsadmissibles à l’ASRA et en écartant les autres,on cible indirectement certaines régions parce queles diverses productions ne sont pas répartiesuniformément sur le territoire québécois.

Le Syndicat de base de l’UPA de Charlevoix ex-prime à sa façon un état d’esprit qui fut traduitdans plusieurs régions lors des audiences de laCommission : « Dans Charlevoix, l’ensemble desproducteurs agricoles s’entendent pour dire de-puis fort longtemps que la politique agricole murà mur n’a plus sa raison d’être. Ce qui est bonpour les régions centrales ne l’est pas nécessai-rement pour les régions périphériques. »

Plus importante encore est la concentration descompensations du programme dans certainesrégions agricoles du Québec, ce qui soulève desinterrogations. C’est ainsi qu’en 2006, trois régionsont reçu 64 % des compensations de l’ASRA, soitla Montérégie, la Chaudière-Appalaches et leCentre-du-Québec. Ce n’est pas étonnantpuisque l’ASRA verse des compensations enfonction du type et du volume de production. Ilne saurait être question de fixer un pourcentageprédéterminé de ce programme par région ad-ministrative, mais le constat fait réfléchir.

Tableau 8

RÉPARTITION DES COMPENSATIONS VERSÉES PAR L’ASRA AUX PLUS GRANDES ENTREPRISES (ANNÉE DE RÉFÉRENCE 2005, SAUF POUR LE PORC [2003])

Secteur de production % ou nombre % compensations Compensation moyenne de grandes fermes aux grandes fermes par grande ferme ($)

Veau d’embouche 2 % 13 % 181 135

Bouvillon 8 % 62,7 % 441 489

Porc 7 % 46,1 % 558 221

Porcelet 12 % 45,1 % 107 080

Veau de grain 23 entreprises 54,1 % 297 682

Veau de lait 41 entreprises 31,2 % 309 900

Céréales 0,7 % 7,49 % 362 544

Source : LA FINANCIÈRE AGRICOLE DU QUÉBEC, adaptation de Jean-Pierre LACHAPELLE, 2007.

33. MAPAQ, Proportion des revenus provenant du marché et proportion des compensations servant à stabiliser, faire du soutien concur-rentiel ou structurel, Direction des politiques sur la gestion des risques, juillet 2007.

34. Il s’agit de la contribution du gouvernement à La Financière agricole du Québec représentant les deux tiers des compensations versées.

Tableau 10

PART DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC DANS LES PRIMES D’ASRA34 (M$)

500

450

400

350

300

250

200

150

100

50

0

1976-77 1978-79 1980-81 1982-83 1984-85 1986-87 1988-89 1990-91 1992-93 1994-95 1996-97 1998-99 2000-01 2002-03 2004-05 2006-07

8. L’explosion des coûtsL’ASRA, comme tout régime d’assurance, doitmaintenir des fonds équilibrés. Un événementextraordinaire peut causer un déficit momentané,mais les administrateurs du régime voient à ceque l’équilibre soit rapidement rétabli. Comme lemontre le tableau 9, la situation de La Financièreagricole du Québec est hautement préoccu-pante.

Le montant des compensations est passé de255 à 782 millions de dollars en quatre ans. Ledéficit actuariel des fonds assurés atteint mainte-nant 606 millions de dollars. Le déficit cumulatifdes opérations de la société d’État s’établit à342 millions de dollars.

Il faut reconnaître que les producteurs ont étéfrappés par la crise de la vache folle en 2003 etpar celle du circovirus en 2005 dans la productionporcine. L’appréciation du dollar canadien a égale-ment affecté les revenus des producteurs agricoles.

Cependant, le problème n’est pas uniquementcausé par les aléas de la conjoncture. LeMAPAQ a comparé le soutien accordé aux pro-ducteurs agricoles québécois en vertu de l’ASRAà l’aide offerte aux agriculteurs ontariens dansles mêmes productions33. Le Ministère conclutque 69,5 % de l’aide offerte aux producteursquébécois de bouvillons entre 2000 et 2004 eststructurelle, autrement dit qu’elle n’est pas liée àune crise conjoncturelle passagère. Ce pour-centage de l’aide structurelle est de 47,6 % dansle porc, de 55,8 % dans le porcelet, et de 72,8 %dans le veau de grain et dans le veau d’embouche.Bref, nous ne sommes plus dans un régimed’assurance, mais bien dans un programme desoutien du revenu agricole.

Comme le montre le tableau 10, la part du gou-vernement du Québec dans l’assurance stabili-sation des revenus agricoles a considérablementaugmenté au cours des dernières années.

62 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Tableau 9

LA FINANCIÈRE AGRICOLE DU QUÉBEC (QUELQUES PARAMÈTRES FINANCIERS) (2004-2005 À 2007-2008) (M$)

2004-2005 2005-2006 2006-2007 2007-2008

Excédent ou déficit d’exploitation Annuel 8,0 (54,0) (138,0) (255,0)de La Financière agricole Cumulé 108,8 55,0 (87,0) (342,0)

Fonds fiduciaires ASRA au 31 mars (314,0) (372,0) (597,0) (606,0)

Régime d’emprunts 311,0 383,0 729,0 922,0

Compensations versées aux producteurs 255,0 497,0 688,0 782,0

Les données de 2007-2008 sont des prévisions. Les chiffres entre parenthèses représentent des déficits.

Source : LA FINANCIÈRE AGRICOLE DU QUÉBEC, adaptation de Jean-Pierre LACHAPELLE, 2007.

Source : LA FINANCIÈRE AGRICOLE DU QUÉBEC, adaptation de Jean-Pierre LACHAPELLE, 2007.

Il faudrait faire preuve de grand optimisme pourespérer que ces déficits puissent se résorberdans un proche avenir. L’Union des producteursagricoles, tout en soutenant que les effets deconjoncture ont pu « être temporisés grâce àune gestion efficace du programme ASRA […], ademandé au ministre un montant additionnel de268 M$ pour couvrir ces dépenses tout à faithors de l’ordinaire de l’ASRA ».

LA RÉFORME DU SOUTIEN FINANCIER À L’AGRICULTURE

1. Une recherche d’efficacité et d’équitéLa Commission tient d’emblée à affirmer quel’aide des gouvernements est indispensable aumaintien et au développement de l’agriculture auQuébec. Elle ne propose aucunement de réduirele niveau actuel de l’aide financière à la produc-tion agricole. La Commission souscrit aux ob-jectifs de stabilisation des revenus agricoles etd’assurance contre les risques inhérents à lapratique agricole. Elle note aussi que, dans plu-sieurs domaines, l’agriculture québécoise eststructurellement moins compétitive, comptetenu du climat, des conditions de travail, des ré-gimes sociaux et de la réglementation environ-nementale en vigueur.

La Commission constate cependant que laconception et la gestion des programmes actuelsd’aide aux producteurs agricoles conduisent àune impasse qui risque d’être pré judiciable àl’ensemble du secteur agricole et agroalimen-taire. La Commission juge urgent de corriger lesdérives du régime de l’ASRA de manière à le recentrer sur ses objectifs fondamentaux d’ori-gine. Les propositions formulées ici visent à of-frir à l’ensemble des producteurs une aidecorrespondant à leur désir de travailler à uneagriculture viable, correspondant à notre spéci-ficité, dans des conditions économiques com-parables à celles des autres entrepreneurs. Ils’agit, en somme, d’être plus efficace et pluséquitable à la fois.

La Commission est consciente que les agricul-teurs ont établi le plan d’affaires et le finance-ment de leur entreprise sur la base des régimesactuels et en escomptant à long terme des prixgarantis. Tout changement significatif apporté àces programmes doit donc comporter une im-portante phase de transition afin de permettreaux producteurs agricoles qui en auront besoinde s’adapter à un nouveau contexte sans subirde stress financier excessif.

Les paramètres suivants ontguidé la Commission dans la formulation de ses propositionsrelatives à la révision des programmes de soutien financierà l’agriculture :• une contribution financière fédérale qui soit la plus significative et la plus étenduepossible sur le plan de la stabilisation des revenus et des interventions en cas de catastrophe;• une aide financière complémentaire du gouvernementdu Québec qui tient compte dela nordicité de notre agricultureet de la volonté de porter davantage attention à la protection de l’environnement; • l’admissibilité de toutes lesproductions à l’aide financière;• la modulation des mesures afinde tenir compte des particularitésrégionales et de certains besoinsenvironnementaux;• un soutien aux producteursagricoles en tant qu’entrepreneurs; • des mesures qui s’inscriventdans la perspective du développement durable.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 63

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2. Une réforme en quatre volets

La réforme proposée du soutienfinancier du gouvernement à laproduction agricole comporteraitquatre volets :

1. Un recours systématique à lanouvelle version du Programmecanadien de stabilisation du revenu agricole;

2. Un resserrement de la gestion du Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles et sa transformation en un programmede soutien à l’entreprise agricolesur une période de cinq àdix ans;

3. L’implantation immédiate d’unnouveau programme de soutienà l’entreprise agricole pour lesproductions qui ne sont pascouvertes par l’ASRA;

4. La mise en place d’un programme d’aide à la transitionpour les agriculteurs intéressés à revoir leur mode de productionou à réorienter leur production.

3. L’aide fédérale : premier niveaude protection Le gouvernement fédéral a conclu avec les gou-vernements provinciaux et territoriaux une en-tente visant à revoir le PCSRA. Ce dernier seraremplacé par deux programmes principaux ap-pelés respectivement Agri-investissement etAgri-stabilité.

D’une part, le programme Agri-investissementoffrira une couverture contre de légères baissesde revenu en permettant au producteur de mettreune partie de ses revenus de côté lorsque lesconditions économiques seront favorables afinde pouvoir retirer des compensations lorsque lesconditions du marché ou les rendements serontmauvais. Le producteur versera dans ce fondsun montant correspondant à 1,5 % de ses ventesnettes ajustées; le gouvernement fédéral y ajou-tera une somme équivalente. D’autre part, toutcomme le PCSRA actuel, le programme Agri-stabilité comblera, en général, une partie del’écart entre la marge de production de l’annéeet la marge de référence qui ne sera pas couvertepar Agri-investissement.

Le gouvernement fédéral n’a pas encore convenu,avec les gouvernements provinciaux et territo-riaux, des interventions en cas de catastrophe.Ce volet de l’aide gouvernementale est fonda-mental. En raison de circonstances exception-nelles, qui débordent le cadre normal desrisques assurables, la production agricole et latransformation alimentaire peuvent subir despréjudices très graves. On l’a constaté dans lecas de la maladie de la vache folle. Les agricul-teurs doivent pouvoir compter sur des dédom-magements à la hauteur des pertes occasionnéesen pareilles circonstances. Le gouvernement fé-déral est incontestablement celui qui est le mieuxplacé pour apporter cette aide de secours.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 65

4. Le resserrement des règlesd’admissibilité à l’ASRA En attendant l’évolution de l’ASRA vers un pro-gramme mieux adapté aux objectifs d’une agri-culture durable, il est urgent de réalignerl’assurance stabilisation des revenus agricolessur son objectif de départ, c’est-à-dire offrir auxproducteurs une juste stabilisation de leur revenu.Les correctifs visent à éviter la « surcompensa-tion » observée dans certaines productions, cequi profite particulièrement aux plus grosses en-treprises de ces filières. Soulignons que les éco-nomies entraînées par le resserrement descritères d’accès et de gestion de l’ASRA de-vraient être entièrement réorientées vers l’aideapportée aux producteurs agricoles. Ces ré-aménagements auraient pour effet de rendrenettement plus équitable et plus efficace l’aidefinancière du gouvernement du Québec auxagriculteurs.

En 2008, le gouvernement devra renouveler l’en-tente qui le lie à La Financière agricole du Québec.C’est par le truchement de cette entente que legouvernement a octroyé à La Financière agricoleun montant annuel de 305 millions de dollars aucours des sept dernières années. Il serait diffici-lement concevable de reconduire cette ententesans ajuster certains paramètres de l’ASRA.Trois changements devraient être apportés : • indexer, chaque année, à la fois les coûts de

production et les rendements. Il s’agit d’éliminerla distorsion qui se crée et s’amplifie avec letemps, puisque les enquêtes sur ces coûts nesont réalisées que sur un intervalle de cinq àquinze ans. Les coûts de production sont ajus-tés chaque année, mais pas les rendements;

• fixer les coûts de production sur la moyenne de75 % des entreprises les plus performantes.Cette mesure est essentielle parce qu’elle éli-mine les nombreux cas de surcompensation.Soyons clair : dans le système actuel, les en-treprises les plus performantes reçoivent unmontant nettement plus élevé que leurs besoinsréels de stabilisation du revenu. Le dysfonc-tionnement actuel profite principalement auxgrandes entreprises de production de porcelets,de porcs à l’engrais, de maïs-grain et de veauxd’embouche. Cette mesure devrait être assor-tie d’un accompagnement personnalisé enmatière de gestion et d’agroenvironnement,accompagnement qui serait offert aux entre-prises dont les coûts de production sont lesplus élevés ou les rendements les plus bas;

• plafonner le niveau de contribution et de com-pensations de l’ASRA par ferme à un montantde l’ordre de 150 000 $ par année. Si l’on avaitappliqué cette limite maximale de compensa-tion par ferme au cours des dernières années,on aurait pu redistribuer à d’autres produc-teurs agricoles un montant annuel de l’ordrede 100 millions de dollars.

5. L’évolution de l’ASRA vers unpaiement à l’entreprise agricoleTous les programmes de soutien à la productionou qui offrent une garantie de prix ont illustréleurs limites. Ils incitent les agriculteurs à conti-nuer de produire même lorsque les conditionsdu marché sont nettement défavorables. Ilsconduisent à la surproduction, encourageantdes pratiques qui causent souvent d’importantsproblèmes environnementaux, et ils ne serventpas à améliorer significativement le revenu desagriculteurs.

Les pays développés ont presque tous révisé lesprogrammes de ce genre. Ils privilégient nette-ment des mesures qui visent à stabiliser le re-venu global des entreprises agricoles, sans égardau type de production. L’Union européenne et laSuisse se sont engagées dans cette voie depuisquelques années. Les nouveaux programmes desoutien visent à améliorer la capacité concurren-tielle de l’agriculture. Ils encouragent aussi laproduction de biens et de services envi ron ne -men taux ou l’atteinte d’objectifs sociétaux quivont au-delà de la fonction productive principalede l’agriculture.

Les critiques de la Commission envers le Pro-gramme d’assurance stabilisation des revenusagricoles ne visent aucunement les agriculteurseux-mêmes. Les agriculteurs s’y sont inscrits debonne foi et en ont tiré les avantages que le pro-gramme offrait en toute clarté. Les producteursagricoles se sont adaptés à un environnementd’affaires marqué par l’ASRA. Comme on l’a vu,ce régime doit maintenant emprunter une autreforme de soutien à l’agriculture.

66 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

La Commission suggère donc de faire évoluerl’ASRA vers le soutien à l’entreprise agricole. Ils’agirait d’un programme complémentaire quis’ajouterait au programme fédéral de soutien durevenu agricole. La Commission pose le principeselon lequel le montant consacré à ce nouveauprogramme correspondrait au budget annuelmoyen qu’a consacré le gouvernement du Qué-bec à l’ASRA au cours des cinq dernières années.Il viserait les objectifs suivants : • accorder aux agriculteurs québécois une

compensation pour certains coûts associésau caractère nordique de notre agriculture etpour des contraintes de nature environne-mentale et sociale que les agriculteurs doiventrespecter et que le marché peut difficilementreconnaître;

• inciter les producteurs à adopter les meilleurespratiques de culture ou d’élevage, tant sur leplan du respect de l’environnement que de laviabilité économique de leur entreprise;

• laisser à l’agriculteur la liberté de choisir lesproductions qui lui paraissent les plus appro-priées à sa situation.

La Commission ne saurait définir dans le détail lesparamètres du nouveau programme de soutien àl’entreprise agricole. Elle en propose ici les prin-cipales balises en laissant le soin aux experts etaux gestionnaires, qui disposent de toutes lesdonnées pertinentes, de compléter le design etles modalités administratives de ce programme.

Le programme de soutien à l’entreprise agricoleprendrait la forme d’un paiement annuel stableet prévisible qui permettrait à l’agriculteur deplanifier à long terme ses choix de production etses investissements. Le programme serait en-tièrement financé par le gouvernement puisqu’ilaccorderait chaque année une aide financièrequi contrebalancerait les conditions particulièresde la pratique agricole au Québec. Le pro-gramme aurait les caractéristiques suivantes :• il serait universel : toutes les productions seraient

admissibles;

• il serait écoconditionnel : il inclurait une pré-misse associée au respect des normes envi-ronnementales par le producteur agricole;

• il serait géré par La Financière agricole duQuébec.

L’aide financière du programme de soutien àl’entreprise agricole pourrait d’abord se traduirepar un soutien de base offert à l’ensemble desproducteurs, sauf à ceux qui ont des productionssous gestion de l’offre, jusqu’à un maximum de150 000 $ par ferme, par année. Ce paiement direct annuel serait établi sur deux bases :• un premier montant correspondant à 10 % des

ventes nettes reconnues, qui s’appliqueraitaux premiers 50 000 $ de ventes;

• un montant complémentaire, établi sur la basede la production historique de chaque ferme,qui tiendrait compte de critères comme les su-perficies cultivées ou le nombre d’animauxélevés. Ce montant serait versé chaqueannée, tant que le producteur demeurerait enagriculture, et il serait indépendant du type deproduction et de la quantité produite.

À ce paiement direct de base pourrait s’ajouterun paiement modulé en fonction : • des caractéristiques biophysiques et des

conditions climatiques qui rendent plus difficilel’agriculture dans certaines zones agricolesparticulières. Il s’agirait d’offrir une aide plusélevée aux agriculteurs situés dans des zonesoù les rendements sont moins élevés ou encoreoù les coûts de production sont plus élevés;

• des pratiques qui donnent des résultats pource qui est de leur effet bénéfique sur le milieubiophysique, effet allant au-delà de l’écocondi-tionnalité (semis direct, culture biologique, etc.).Ce volet de la modulation se matérialiserait parun montant forfaitaire par hectare cultivé selonces pratiques, et qui serait limité à un certainnombre d’années;

• de la production de biens environnementauxspécifiques, compensés en proportion despertes de revenus occasionnées ou d’inves-tissements à réaliser pour les produire (banderiveraine au-delà de la norme prescrite, protec-tion d’un boisé, d’une source d’eau potable,d’un milieu humide ou d’une aire présentantun intérêt écologique particulier, etc.).

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 67

Quels seraient les avantages de cette transfor-mation de l’ASRA en un programme de paie-ment direct à l’entreprise agricole? En somme, lenouveau programme :• compenserait les agriculteurs québécois pour

les inconvénients d’une agriculture de typenordique;

• serait beaucoup plus équitable pour l’ensem-ble des agriculteurs québécois parce qu’uni-versel;

• constituerait un appui très important pour larelève parce que les nouveaux producteursagricoles pourraient toucher des revenus desoutien dès les premières années, quelle quesoit la taille de leur entreprise, ce qui est à peuprès impossible présentement;

• tiendrait compte des conditions variables dela production agricole dans diverses régions,offrant un appui aux agriculteurs qui ne sontpas situés sur les meilleures terres du Québec,mais qui ont néanmoins la volonté de gagnerleur vie en pratiquant l’agriculture;

• inciterait les producteurs à améliorer l’effica-cité de leur entreprise parce que les gains ad-ditionnels obtenus par la réduction des coûtsde production ou l’augmentation des rende-ments se traduiraient par un accroissement dubénéfice de l’entreprise sans que les paie-ments obtenus du gouvernement ne soient af-fectés;

• ferait appel à la culture entrepreneuriale del’agriculteur et mettrait à profit ses initiativeset son innovation;

• favoriserait les pratiques agronomiques opti-males adaptées à chaque ferme telles que larotation des cultures parce que toutes les pro-ductions seraient traitées sur le même pied;

• donnerait à l’agriculteur le libre choix des cul-tures et des élevages, favorisant la pluralité del’agriculture québécoise;

• soutiendrait adéquatement les producteurspour l’adoption des meilleures pratiques envi-ronnementales et pour la réalisation de biensenvironnementaux;

• serait complémentaire par rapport à l’assu-rance récolte et au programme fédéral de sta-bilisation des prix de même qu’à sonéventuelle intervention en cas de catastrophe.

LA MISE EN PLACE D’UNE AIDEPARTICULIÈRE À LA TRANSITIONLes pays de l’Union européenne et la Suisse ontentrepris de modifier les programmes de soutienà la production agricole ou de stabilisation desprix en introduisant un paiement direct annuelaux agriculteurs. Ils se sont donné une périodede huit à douze ans pour y parvenir totalement.

L’agriculture étant une activité de moyen et delong terme nécessitant des investissements im-portants, il faut par conséquent accorder despériodes adéquates de transition lorsqu’on ap-porte des modifications de fond à certaines me-sures de soutien à la production. De plus, il estessentiel d’offrir aux agriculteurs qui seraient lesplus affectés des moyens concrets de s’adapterà la nouvelle réalité. La Commission juge doncde la plus haute importance l’instauration d’unprogramme d’aide à la transition.

À partir du moment où le gouvernement déci-dera de procéder à ces changements et que lamise au point du nouveau programme de sou-tien à l’entreprise agricole sera terminée, les pro-ducteurs qui ne sont pas couverts par l’ASRApourront bénéficier du nouveau programme. LaCommission souhaite que cette décision soitprise le plus rapidement possible. En toute lo-gique, il faudrait refuser, pendant les prochainesannées et les années de transition, toute aug-mentation d’unités assurées et exclure de l’ASRAl’admission de nouvelles entreprises, et ce, pourdeux raisons. En premier lieu, puisque l’ASRAévoluerait vers un nouveau mode de paiementdirect à l’entreprise agricole, il faudrait amorcerau plus tôt le processus de transition. Endeuxième lieu, il faudrait éviter que des entitésjuridiques distinctes se constituent afin d’obtenirindirectement les paiements par entreprise agri-cole, paiements qui seraient désormais plafonnésdès la phase de resserrement de l’ASRA.

Pendant la phase de transition, le gouvernementdevrait réduire graduellement le montant des co-tisations des producteurs et celui des compensa-tions. Il pourrait convenir avec les repré sentantsdes producteurs du moment où les producteurscouverts par l’ASRA deviendraient égalementadmissibles au nouveau programme de soutienà l’entreprise agricole.

De plus, le gouvernement devrait implanter uneaide particulière à la transition. Une telle aides’adresserait principalement aux agriculteurs quiauraient à s’adapter à un nouveau contexte. Ona vu que certains producteurs agricoles ont reçu,année après année, des montants significatifsde l’actuel régime d’assurance stabilisation desrevenus. Ces producteurs devront évaluer lenouvel environnement. Il faudra leur offrir, au be-soin, les modes d’accompagnement et de soutienfinancier qui leur permettront de s’adapter à lasituation.

L’aide particulière à la transition serait conçueavant tout pour les agriculteurs intéressés à re-voir leur mode de production ou à réorienter leurproduction. Elle serait également offerte à descoopératives ou à des regroupements de pro-ducteurs agricoles mis sur pied dans le but departager certains coûts associés à la production,à la transformation à la ferme ou à la commercia-lisation. Il faut en effet encourager ces initiativesqui peuvent contribuer à viabiliser les entreprisesagricoles. L’aide à la transition pourrait aussi bé-néficier, dans des situations particulières, à des or-ganismes régionaux qui l’appliqueraient à un projetpermettant de viabiliser l’agriculture régionale.

Les situations de transition qui seraient cou-vertes par l’aide particulière à la transition com-prendraient :• la réorganisation de la production afin d’en ré-

duire les coûts ou d’améliorer les rendements;

• la conversion à la production biologique;

• la mise sur pied d’une activité complémentairede transformation à la ferme;

• la mise au point d’un produit différencié;

• le développement d’une production qui com-pléterait la production principale afin de viabiliserl’entreprise agricole;

• le changement de production;

• le financement d’une infrastructure nécessaireà la viabilité de l’agriculture d’une région dontla rentabilité apparaîtrait réaliste (un abattoir,par exemple).

LE PRIX ET LA GESTION DESQUOTAS

1. La gestion de l’offreLa gestion de l’offre a été mise en place au Ca-nada au début des années 70 dans cinq pro-ductions animales : le lait, le dindon, le poulet,l’œuf en coquille et l’œuf d’incubation. Au momentd’introduire ce mode de régulation de l’offre desproduits alimentaires visés, le marché canadienétait périodiquement affecté par une surabon-dance de produits agricoles, ce qui provoquaitune baisse des prix payés au producteur. Afind’assurer la survie des entreprises agricoles, legouvernement fédéral rachetait les surplus, cequi s’avérait de plus en plus coûteux.

La gestion de l’offre consiste donc à adapter lesniveaux de production aux besoins du marché. Ils’agit d’une autre façon de stabiliser les revenusagricoles en exerçant cette fois un certain contrôlesur le marché et, par voie de conséquence, sur leprix des produits agricoles.

Deux conditions essentielles doivent être réuniespour assurer une véritable gestion de l’offre. Enpremier lieu, on doit instaurer une discipline chezles producteurs afin d’éviter la surproduction.C’est ainsi que des quotas ont été fixés à l’échellecanadienne, puis répartis entre les provinces, etfinalement attribués à chacun des producteurs.Ces derniers doivent respecter leur quota deproduction, à défaut de quoi ils subissent despénalités. L’autre instrument de la gestion del’offre est constitué des tarifs douaniers imposésaux produits importés. Il ne servirait à rien decontrôler la production intérieure si l’offre de pro-duits pouvait être déstabilisée par les importa-tions. Ces tarifs douaniers sont actuellement de299 % pour le beurre, de 246 % pour le fro-mage, de 155 % pour le dindon entier, de 238 %pour le poulet entier, de 164 % pour les œufs encoquille et de 238 % pour les œufs d’incubation.

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Pour la grande majorité des participants aux au-diences de la Commission, le régime de la ges-tion de l’offre comporte de nets avantages.L’idée que l’on puisse ajuster les volumes deproduction en fonction de la demande de pro-duits agricoles à l’intérieur d’un pays est certai-nement logique et défendable. On observecependant qu’un tel régime est remis en questionpar un grand nombre de pays, principalement enraison des tarifs élevés imposés aux produits im-portés et qui représentent pour les pays expor-tateurs d’importantes barrières au commerce.

Il n’appartient pas à la Commission de supputerles chances de maintenir le système de gestionde l’offre. Les gouvernements se sont engagés àdéfendre ce système et ils s’y emploient. LaCommission est néanmoins d’avis que les acteursdu secteur agricole et agroalimentaire, tout endéfendant ce système, ont tout avantage à plani-fier l’avenir en tenant compte de quelques options.Certains ont adopté une attitude qui consiste ànier cet enjeu parce que le simple fait de l’évoqueraffaiblirait leur force de persuasion et pourrait êtreinterprété comme une forme de résignation an-ticipée. Une telle attitude permet-elle de prépa-rer adéquatement l’avenir?

Quel que soit le sort réservé à la gestion de l’offre,l’ensemble du secteur a avantage à réaliser desgains de productivité, à poursuivre l’améliorationde la gestion, à faire preuve d’innovation dans laproduction et la transformation et à différencierles produits afin de pouvoir mieux livrer concur-rence. Les agriculteurs québécois devraientpouvoir être compétitifs avec les producteursdes pays développés dont les coûts environne-mentaux et sociaux se comparent aux nôtres.Lors des audiences de la Commission, le prési-dent de la Fédération des producteurs de lait duQuébec reconnaissait que les enquêtes menéesau sein de la Commission canadienne du laitpermettaient de constater « qu’on n’est pas sien retard que ça du côté des coûts de produc-tion » par rapport aux autres producteurs laitiersdu Canada. Il ajoutait : « Les coûts de productionsont similaires en Europe, ce qui n’est pas sur-prenant parce que l’énergie coûte plus cher là-baset que les coûts de main-d’œuvre sont élevés…Ona fait des enquêtes aux États-Unis et les coûtsde production sont similaires également, saufpour les fermes de 2 000 à 5 000 vaches quipeuvent évidemment réaliser des économiesd’échelle. »

Les efforts d’accroissement de la productivité qui rendraient le secteur agricole et agroalimentaire plus robustelui permettraient de réagir dansle cas où les tarifs seraientabaissés. Si la protection aux frontières assurée par lagestion de l’offre devait être battue en brèche, ne serait-ceque dans une faible mesure, les gains réalisés sur le plan de la productivité faciliteraient l’adaptation à une plus grandeouverture des marchés.Qu’avons-nous à perdre à nous améliorer?

Quoi qu’il advienne, l’accroissement de la pro-ductivité représente une garantie de pouvoiroffrir aux Québécois et aux Québécoises desproduits de qualité au meilleur prix.

Lors des audiences de la Commission, le présidentdu Mouvement des caisses Desjardins a invité lesacteurs du secteur agricole et agro alimentaire etles gouvernements à aller au-delà de leur atti-tude défensive actuelle :

« À l’heure actuelle, il n’y a plus de placepour la confrontation ni pour la dissimula-tion face aux difficiles virages qu’il faudraprendre… Pour y arriver, il est essentielque les experts élaborent différents scé-narios de réduction des barrières tarifaires,d’ouverture de marché intérieur et d’accès àde nouveaux marchés pour permettre de sedonner une vision commune de l’ampleurdu défi et surtout de préparer l’avenir dèsmaintenant. Ces scénarios pourraient être labase de lieux d’échanges. Il faudra accepterd’explorer de nombreuses idées, mêmecelles qui déplaisent et qui bousculent. »

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 69

2. Les quotasEn 1970, les quotas ont été distribués gratuite-ment aux producteurs agricoles. C’était enquelque sorte leur droit de produire. Puis, lesquotas se sont transigés entre producteurs etont pu être vendus. Ils ont donc pris de plus enplus de valeur. Au Québec, en 1981, cette valeurétait estimée à 1,15 milliard de dollars. En 2005,elle s’élevait à 9,15 milliards.

Le prix des quotas représente l’une des pluslourdes hypothèques qui pèsent sur l’agriculturequébécoise. Divers chercheurs ont démontréqu’il était impossible, pour un candidat à la relève,de rentabiliser une ferme sous gestion de l’offreen achetant le quota à sa valeur marchande. Àdéfaut d’un arrangement particulier, entre pro-ducteurs de deux générations au sein d’une fa-mille, le prix des quotas pose un très graveproblème de relève dans les productions contin-gentées. On estime qu’une ferme laitière de taillemoyenne a une valeur marchande d’environ 2,5 millions de dollars, dont près de 1,5 millionpour le quota.

La valeur actuelle des contingents pose égale-ment de grandes difficultés aux entreprises enexploitation. En effet, lorsqu’un producteur réussità accroître sa productivité, la production sup-plémentaire dont il pourrait bénéficier ne peutêtre livrée, à moins qu’il n’acquière de nouveauxquotas.

Le quota est considéré comme la rente de l’agri-culteur. Ce faisant, des sommes considérablessortent de l’agriculture au moment où le pro-ducteur vend son quota, tout en provoquant unendettement excessif de l’agriculteur quil’achète et une diminution des perspectives derentabilité de l’entreprise agricole. Puisque laferme est difficilement transférable à la relève, àplus forte raison lorsqu’aucun membre de la famille ne manifeste de l’intérêt, la dynamiquedes quotas incite fortement au démantèlementde la ferme.

Monsieur Marcel Mazoyer, professeur et directeurde recherche à l’Institut national agronomique deParis-Grignon et défenseur du système canadiende la gestion de l’offre, juge très sévèrementl’orientation prise par les producteurs à l’égarddes quotas.

« Oui, il faut remettre de l’ordre dans la manière dont le quota laitier est géré. C’estla concession d’un droit public qui a étédistribué de manière équitable entre lesproducteurs. C’est abusif d’interpréter çacomme un droit de propriété. C’est un droitde production que l’on redistribue ou non,et ce, gratuitement en fonction des besoinsdu marché. En faire une marchandise han-dicape la production. De plus, vous avezfait du droit de produire un coût de produc-tion. Vous chargez une production d’uncoût supplémentaire qui est une rente attri-buée à quelqu’un qui n’est plus un produc-teur. Vous la chargez ensuite à quelqu’unqui devra produire en la supportant. C’estun mécanisme autodestructeur. Il coûteraun jour tellement cher qu’il ne sera pluspossible de produire de manière rentable etplus personne ne pourra en acheter35. »

On ne peut pas fermer les yeux sur cette trou-blante réalité. Il faut délibérément chercher à ré-duire, à moyen et à long terme, la valeur desquotas. Il en va de la survie même de l’agricul-ture québécoise dans ses productions de base.Dans les autres pays où de tels systèmes ont étémis en place, on a adopté diverses mesures inci-tatives et coercitives afin d’éviter la spéculation.Les transactions sur les quotas sont sévè rementcontrôlées. Au Canada et au Québec, c’est le ré-gime du laisser-faire qui a prévalu. Il est impéra-tif de considérer que les quotas ne sont pas lapropriété exclusive des agriculteurs, mais unbien collectif mis à leur disposition pour favoriserle développement de l’agriculture.

Il est important que des actions structurantes soient menées à l’égard des quotas, au nom de la pérennité de l’agriculture québécoise. On nepeut tout simplement pas refilerun tel fardeau à la relève et àceux qui décident d’accroîtreleur niveau de production.

70 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

35. Propos rapportés dans Le Coopérateur agricole, octobre 2007.

À titre d’exemple, les transactions de quotas lai-tiers au Québec entre 2001 et 2006 ont atteint1,52 milliard de dollars. Cela signifie que lesacheteurs ont dû investir, souvent au moyend’emprunts, sans rien ajouter à la valeur de laproduction agricole du Québec.

Les producteurs et les productrices sont eux-mêmes conscients des problèmes que pose leprix des quotas. La Fédération des producteursde lait du Québec a pris la décision, en novem-bre 2006, d’appliquer une retenue de 30 % lorsde la revente du quota lorsque cette revente sefait dans les cinq années suivant l’acquisition.Les quantités ainsi réservées sont redistribuéesà l’ensemble des producteurs afin de réduire lapression financière due à l’achat de quotas. Lesproducteurs laitiers ont également convenu defixer un plafond de 30 000 $ au prix de l’unité dequota transigée. Cette initiative devrait inspirerles producteurs d’œufs et de poulet qui recon-naissent avoir des problèmes de relève dans cesproductions sous gestion de l’offre.

La Fédération des producteurs d’œufs deconsommation du Québec a expliqué en cestermes, dans son mémoire déposé à la Com-mission, la décision prise à cet égard : « Les pro-ducteurs ont mis en place le Programme d’aideau démarrage de nouveaux producteurs. Trèsattendu, ce programme octroie chaque année àun nouveau producteur, à même une réserve dequotas prévue à cet effet, le droit d’utiliser, à cer-taines conditions, un quota de 5000 pondeuses.Cet exercice a connu un succès retentissant dèssa première année, permettant l’établissementen production de Patrick Côté et de Joanne La-Branche, un jeune couple de Kinnear’s Mills,dans la région de Thetford Mines. Le programmesera reconduit en 2007 et pour plusieurs annéesà venir puisque la banque de quotas continuerad’être alimentée par les producteurs à même lesfutures augmentations de contingents. »

Pour leur part, Les Éleveurs de volaille du Qué-bec ont exprimé ainsi leur préoccupation àl’égard des quotas et de la relève agricole, dansun mémoire présenté à la Commission : « LesÉleveurs de volailles du Québec ont mis sur piedun Comité élargi sur la valeur des quotas et surla relève. Ce comité s’est vu attribuer des res-ponsabilités claires, au sein d’une démarche sé-rieuse, réelle et concrète de réflexion sur cesquestions fondamentales. Un programme de re-lève est déjà en place depuis 1993 et Les Éleveursont travaillé plus récemment sur l’éla boration dedeux programmes particuliers à être présentés àl’automne 2007, pour améliorer encore davantagel’accès à la relève en production de volailles. » Detoute évidence, il faut aller nettement plus loin.

Il faut préciser qu’une fois les quotas alloués, audébut des années 70, les gouvernements n’ontjoué aucun rôle sur les règles et mécanismes detransfert, de vente ou de détermination de leurprix. Les producteurs agricoles ont géré seulsces questions. Les systèmes diffèrent d’ailleursd’une production à l’autre et d’une province àl’autre.

Puisque la problématique desquotas se situe au cœur des enjeux de la relève agricole, ilappartient avant tout aux producteurs agricoles de s’engager sans délai dans unedynamique visant délibérémentà faire baisser graduellement la valeur des quotas. Les producteurs laitiers ont déjà faitdes gestes qui les mènent surcette voie. Personne ne peut entretenir une vision d’avenir sila valeur des quotas continue demonter ou si l’on sous-estime la gravité du problème que leprix des quotas pose par rapport à la pérennité de l’agriculture.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 71

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RecommandationsEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois recommande :

Que le gouvernement du Québec consacre annuellement aux me-sures de soutien aux producteurs agricoles le même montant qu’il ya affecté en moyenne au cours de chacune des cinq dernières années;

Que le gouvernement du Québec prenne entente avec le gouver-nement fédéral afin que les agriculteurs québécois aient accès à unprogramme fédéral bonifié de stabilisation des revenus agricoles età une intervention adéquate en cas de catastrophe naturelle;

Que le Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles(ASRA) du Québec évolue progressivement vers un programmeuniversel de soutien à l’entreprise agricole ayant pour objectif decontrebalancer les coûts de production résultant de la nordicité del’agriculture québécoise et de certaines contraintes de nature en-vironnementale et sociale imposées implicitement aux producteurset que le marché ne peut reconnaître facilement;

Que le gouvernement apporte immédiatement des correctifs auProgramme d’assurance stabilisation des revenus agricoles, dansle cadre de la révision de l’entente avec La Financière agricole duQuébec, afin d’assurer un traitement plus équitable des producteursqui y participent et d’éviter toute forme de « surcompensation ».Cette révision toucherait les éléments suivants :• l’indexation, chaque année, des coûts de production et des ren-

dements dans le calcul du revenu stabilisé;• l’établissement des coûts de production à partir des données

repré sentant la moyenne de 75 % des entreprises les plus perfor-mantes;

• le plafonnement du niveau de contribution et de compensations duProgramme par ferme, de manière à ce que la compensation nedépasse pas 150 000 $ par année, ou un montant régressif à par-tir d’un seuil de l’ordre de 150 000 $;

Que le programme de soutien à l’entreprise agricole qui rempla-cerait graduellement le Programme d’assurance stabilisation desrevenus agricoles soit élaboré et mis en place le plus rapidementpossible pour les productions non admissibles à ce programme etnon assujetties à la gestion de l’offre, et qu’il comporte les caracté-ristiques suivantes :• être universel, c’est-à-dire que toutes les productions soient ad-

missibles;• être soumis à l’écoconditionnalité;• être géré par La Financière agricole du Québec;

72 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

6.

7.

RecommandationsQue l’aide financière du programme de soutien à l’entreprise agricoleconsiste : • en un soutien de base offert à l’ensemble des producteurs, sauf à

ceux qui ont des productions sous gestion de l’offre, jusqu’à unmaximum de l’ordre de 150 000 $ par ferme et par année. Cepaiement direct annuel serait établi sur deux bases :– un premier montant correspondant à 10 % des ventes nettes

reconnues et s’appliquant aux premiers 50 000 $ de ventes;– un montant complémentaire établi sur la base de l’historique de

la production de chaque ferme, qui tiendrait compte de critèrescomme les superficies cultivées ou le nombre d’animaux élevés.Ce montant serait versé chaque année, tant que le producteurdemeurerait en agriculture, et il serait indépendant du type deproduction et de la quantité produite;

• À ce paiement direct de base pourrait s’ajouter un paiement mo-dulé en fonction : – des caractéristiques biophysiques et des conditions climatiques

rendant plus difficile l’agriculture dans certaines zones agricolesparticulières;

– des pratiques qui donnent des résultats, au regard de leur effetpositif sur le milieu biophysique, allant au-delà de l’écocondi-tionnalité (semis direct, culture biologique, etc.). Ce volet de lamodulation prendrait la forme d’un montant forfaitaire par hec-tare cultivé selon ces pratiques, qui serait versé pendant uncertain nombre d’années;

– la production de biens environnementaux spécifiques qui se-rait compensée en proportion des pertes de revenus occa-sionnées ou des investissements à réaliser pour produire cesbiens (bande riveraine au-delà de la norme prescrite, protectiond’un boisé, d’une source d’eau potable, d’un milieu humide oud’une aire présentant un intérêt écologique particulier, etc.);

Que le gouvernement introduise, en parallèle et en complémenta-rité avec le programme de soutien à l’entreprise agricole, une aideparticulière à la transition, conçue avant tout pour les agriculteursou un regroupement d’agriculteurs intéressés à revoir leur modede production ou à réorienter leur production, et qui couvrirait lessituations suivantes : • la réorganisation de la production afin de réduire les coûts de

production ou d’améliorer les rendements;• la conversion vers la production biologique;• la mise en place d’une activité complémentaire de transformation

à la ferme;• le développement d’un produit différencié;• l‘introduction d’une production complémentaire;• le changement de production;• le financement d’une infrastructure nécessaire à la viabilité de

l’agriculture d’une région (un abattoir, par exemple);

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 4 73

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RecommandationsQue l’aide particulière à la transition prenne les formes suivantes : • une subvention couvrant 75 % des coûts de l’élaboration d’un

plan d’affaires axé sur un objectif de transition;• le remboursement de 75 % des dépenses, y compris les frais de

remplacement de l’agriculteur par un employé de la ferme, pourles activités de formation associées au projet de transition;

• le remboursement, pendant une période minimale de deux ans, de75 % des coûts associés au recours aux services-conseils en ges-tion, en production, en transformation ou en agroenvironnement;

• une subvention directe de 5 % du montant requis pour réaliser lesinvestissements nécessaires à l’atteinte des objectifs du nouveauplan d’affaires;

• le financement, par La Financière agricole du Québec, du soldedes investissements requis ainsi qu’un congé d’intérêt pendantles trois premières années suivant l’octroi de ce financement;

• l’investissement dans une infrastructure régionale gérée selon lemode coopératif;

Que le gouvernement du Québec incite fortement les producteursagricoles soumis aux systèmes de gestion de l’offre à prendre rapi-dement action, notamment :• en limitant et en faisant baisser le prix des quotas;• en effectuant des prélèvements sur les transactions de quotas et en

adoptant d’autres mesures permettant de constituer une banquede quotas, destinés principalement à la relève agricole, à desconditions qui facilitent leur établissement dans ces productions;

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec, dans la prochaine politique agricole, propose une stra-tégie visant à renforcer la productivité de chacun des sous-secteursde production sous gestion de l’offre;

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec reconnaisse l’horticulture ornementale comme une com-posante à part entière du secteur agricole et agroalimentaire et qu’illui accorde l’accès aux mesures d’aide technique et financière offertes aux autres filières;

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec, en concertation avec les autres ministères engagésdans le plan d’action en faveur d’une saine alimentation, élaboreune stratégie de développement de la production et de la com-mercialisation des légumes en serre;

Que le gouvernement se dote d’une stratégie de soutien à la pro-duction biologique afin de répondre aux attentes des citoyens etdes consommateurs québécois de remplacer les importations pardes produits biologiques cultivés au Québec et de favoriser l’expor-tation de certains produits biologiques québécois sur les marchésextérieurs.

74 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

La mise en marché des produits agricoles

5

Donnant suite au rapport de la Commission Héon, rendu public en 1955, le gouvernement du Québec a adopté, l’année suivante, la Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Cette loi visait à permettre la mise en marché ordonnée des produits dans le but clairement exprimé d’augmenterle revenu des agriculteurs et des agricultrices. La Loi reposait sur la prémisse selon laquelle en se regroupant, en s’unissant, les agriculteurs seraient en mesure d’établir un meilleur rapport de force avec les acheteurset obtiendraient ainsi un plus grand pouvoir de négociation, ce qui devraitnormalement se traduire par des prix plus élevés pour leurs produits. Au Québec, ce régime est appelé familièrement la « mise en marché collective ».

36. Selon l’article 3 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

37. Selon l’article 65 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

38. Selon l’article 50 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

39. Par exemple, les ventes directes à la ferme.

La loi de 1956 a été modifiée à quelques reprises,notamment en 1963, 1974 et 1990. Elle est de-venue la Loi sur la mise en marché des produitsagricoles, alimentaires et de la pêche. Son ob-jectif et les modes de fonctionnement qu’elleinstaure sont demeurés les mêmes. L’applicationde la Loi a notamment été étendue au secteurdes pêches maritimes et aux producteurs deboisés privés.

La notion de mise en marché, telle que définie dansla Loi, est très large. Elle comprend « la classifi-cation, la transformation, l’entreposage, l’offrede vente, l’expédition pour fins de vente, le trans-port, le parcage, la vente, l’achat, la publicité et lefinancement des opérations ayant trait à l’écoule-ment d’un produit ainsi que les services de polli-nisation de produits agricoles par les abeilles36 ».

La Loi instaure une structure de négociation col-lective des conditions de mise en marché d’unproduit déterminé. Cette structure, qu’on appelleun office de mise en marché, administre un planconjoint qui entre en vigueur une fois qu’une ma-jorité de producteurs agricoles s’est exprimée,par référendum, en faveur de la mise en placed’un tel dispositif de mise en marché collective.Composé exclusivement de producteurs agri-coles, un office de mise en marché est administrépar un syndicat ou une fédération de syndicats.Juridiquement, l’office de mise en marché est

l’agent de négociation et l’agent de vente d’unproduit visé par le plan conjoint37.

La Loi permet de confier à une coopérative laresponsabilité d’administrer un plan conjoint38,mais dans les faits, seuls les syndicats et les fédé-rations de producteurs exercent ce mandat. L’of-fice constitue généralement l’organisme uniquede vente et de mise en marché des produits. Dansces situations, tous les produits agricoles cou-verts par un plan conjoint, à quelques exceptionsprès39, doivent être vendus par l’intermé diaire del’agence de mise en marché. Tous les produc-teurs agricoles touchés par un tel plan conjoint ysont assujettis. Il s’agit, dans les faits, d’un mo-nopole, d’un cartel organisé par une loi.

Alors qu’il y a trois plans conjoints dans le secteurdes pêches maritimes, on dénombre dix-septplans conjoints en agriculture, touchant respec-tivement le lait, le porc, les bovins, la volaille, lesœufs de consommation, les œufs d’incubation,les ovins (agneau et mouton), la chèvre, le lapin,les céréales, la pomme, la pomme de terre, leslégumes destinés à la transformation, le tabac, lebleuet du Saguenay–Lac-Saint-Jean et le boisde la forêt privée. On estime ainsi que 85 % desrecettes agricoles québécoises proviennent desventes réalisées sous ce régime de mise en marchécollective.

76 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Certaines productions agricoles ne sont pascouvertes par ce régime. C’est notamment lecas des productions maraîchères, des cultures enserre, des canneberges, de l’horticulture orne-mentale, du miel et des petits fruits.

On est parfois porté à croire que c’est au Québecque fut développé le concept de plan conjointde commercialisation des produits agricoles. Enfait, sur le plan international, le gouvernement dela Nouvelle-Zélande fut le premier à adopter uneloi mettant en place une telle structure de miseen marché, et ce, en 1921. Dans le contexte ca-nadien, c’est la Colombie-Britannique qui, lapremière, mit en place une loi semblable en1927. Le Nouveau-Brunswick fit de même en1934, le Manitoba en 1939, la Saskatchewan etl’Ontario en 1945, la Nouvelle-Écosse en 1946et l’Alberta en 1955, une année avant le Québec.

Notons que l’Australie (en 1926), l’Angleterre (en 1931), les États-Unis (en 1937) et la Hollande(en 1950) avaient eux aussi adopté des législationsafin de faciliter le regroupement des agriculteursaux fins de mise en marché de leurs produits.Dans certains pays, le cadre législatif régissantla mise en marché des produits agricoles a étéabrogé ou modifié au cours des dernières an-nées (Australie et Nouvelle-Zélande, notamment).Dans les autres provinces canadiennes, les loisencadrant les offices de mise en marché n’ontpas été modifiées, mais certaines agences ontdécidé de n’utiliser que quelques-uns des pouvoirsautorisés par la loi (certains offices n’exerçant quedes fonctions de promotion, de développementde marché ainsi que des activités connexes).

Regroupés au sein des offices de mise en marché,les producteurs agricoles québécois négocientavec les acheteurs les conditions de mise enmarché de leurs produits. Ces négociations don-nent souvent lieu à des conventions de mise enmarché qui sont des accords de type contractueldéfinissant les conditions de production etd’écoulement des produits de même que la fixa-tion des prix.

La Loi permet d’encadrer par règlement toutesles étapes de production, de mise en vente et derépartition du produit de la vente entre les ache-teurs, les frais d’écoulement du produit visé et leremboursement des dépenses d’administration.Ce pouvoir réglementaire qui, normalement, appartient à l’État, est délégué dans une largemesure à l’agence de mise en marché, c’est-à-dire à un syndicat agricole dans les faits.

Comme c’est généralement le cas dans les si-tuations où l’État institue un monopole, un orga-nisme public, la Régie des marchés agricoles etalimentaires du Québec (RMAAQ) en l’occur-rence, agit comme instance de surveillance etd’arbitrage dans l’application de la loi et des rè-glements.

LES GRANDS CHANGEMENTSSURVENUS DEPUIS 1950 EN MATIÈRE DE COMMERCIALISATIONDeux éléments du contexte des années 50étaient particulièrement préoccupants pour lemonde agricole : • les agriculteurs vivaient, dans une forte pro-

portion, dans une situation de pauvreté;

• on reprochait aux acheteurs de produits agri-coles de manipuler et de diviser les agriculteursentre eux et de provoquer des baisses de prix.

De nombreux changements sont survenus aucours des cinquante dernières années, tant dansl’agriculture que dans la société québécoise. Ence qui concerne la mise en marché des produitsagricoles, quatre changements fondamentauxsont venus graduellement modifier la situationqui prévalait lors de l’adoption de la première loisur la mise en marché des produits agricoles en1956.

L’éclatement de l’offre de produits. À la fin desannées 50, on produisait un faible éventail deproduits agricoles et on cherchait à maximiser levolume d’un même produit. L’une des préoccu-pations dominantes de l’époque était, pour nedonner qu’un exemple, de cultiver suffisammentde pommes de terre pour nourrir la population,non pas d’en produire dix-huit variétés diffé-rentes. Les acheteurs, quel qu’ait été leur lieud’approvisionnement, se procuraient les mêmesdenrées. L’épicerie type des années 50, le plussouvent tenue par un marchand indépendant,proposait 2 000 articles différents à des consom-mateurs relativement captifs; aujourd’hui, un supermarché offre plus de 25 000 produits ali-mentaires et autres à des gens nettement plusmobiles et aux habitudes changeantes.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 5 77

78 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Le consommateur, maître du jeu. C’est lagrande révolution en matière de consommation.Le consommateur a des attentes, des valeursqu’il traduit en décisions d’achat. Les produitsqui ne répondent pas à ses souhaits sont sim-plement délaissés et remplacés par d’autres. Lademande de produits alimentaires n’est plus pi-lotée, comme c’était le cas dans les années 50,par l’offre du producteur agricole d’ici. Le consom-mateur a accès à des produits qui viennent dumonde entier. Il est en mesure d’imposer sa loiet il ne s’en prive pas : c’est lui qui définit la demande. Il faut que les maillons de la chaîneagroalimentaire s’y adaptent. Pour survivre et sedévelopper, il faut être attentif aux signaux dumarché. Cela se traduit par un éclatement de lagamme de produits et par le besoin de renouvelerconstamment les produits et les aliments offerts.

L’ouverture des marchés. Malgré les stratégiesde gestion de l’offre et les autres mesures deprotection ou de valorisation du marché intérieurquébécois, un fait inéluctable demeure : les pro-duits agricoles, comme les autres biens et ser-vices, nous viennent de partout. Et sur leurpropre marché, les produits québécois subis-sent, d’une façon ou d’une autre, la concurrencedes produits importés, tant sur le plan du prixque sur celui de la qualité.

La situation des acheteurs. Aujourd’hui commedans les années 50, une forte proportion de laproduction agricole transite par les transforma-teurs avant d’atteindre les marchés. Toutefois,les concurrents des transformateurs québécoissont souvent à l’extérieur du Québec. Certainsbénéficient de divers avantages (climat, conditionsde production, faibles salaires, normes environ-nementales et phytosanitaires moins élevées) etils peuvent s’appuyer sur un haut niveau d’inté-gration ou travailler dans des réseaux étroite-ment imbriqués. Ces concurrents sont souvent enposition de répondre très rapidement à l’évolutionde la demande des consommateurs. Au Québec,les relations entre les producteurs et les trans-formateurs, définies comme un rapport de force,créent, dans de nombreux cas, des tensions quicompliquent le processus de décision, alors quela concertation au sein d’une même filière devraitêtre la ligne de conduite dominante.

LES BÉNÉFICES TIRÉS DE LAMISE EN MARCHÉ COLLECTIVE Les observateurs et les participants aux au-diences de la Commission ont fait généralementle constat que la mise en marché collective a éténettement bénéfique aux producteurs et auxproductrices agricoles et qu’elle continue de leurprocurer des avantages. Les agriculteurs ont tiréprofit de leur regroupement et le pouvoir de né-gociation accru ainsi obtenu s’est effectivementtraduit, à leurs yeux, par une amélioration de leurcondition économique. Il subsiste certes desproblèmes de revenu agricole, mais la situationd’ensemble n’est aucunement comparable àcelle de la fin des années 50. La mise en marchécollective n’est pas seule responsable de cetteamélioration, mais elle y a incontestablementcontribué.

Le regroupement des producteurs a aussi instauréune discipline à l’égard de la qualité, de la salubritéet de l’innocuité des produits agricoles. Pourvendre des produits, il fallait impérativement res-pecter ces standards élevés et les producteursagricoles se sont imposé cette discipline. Par lastandardisation qu’elles ont établie, les agencesde mise en marché ont accentué une tendanceà la spécialisation des agriculteurs dans la pro-duction de masse.

Le système collectif de mise en marché permetégalement de mettre les ressources en communet de partager les coûts entre tous les producteurs.Soulignons, à titre d’exemple, les prélèvementseffectués pour soutenir la recherche liée à cer-taines productions, comme le lait. Il en va demême, toujours en production laitière, pour lesfrais de transport qui sont répartis entre les pro-ducteurs de sorte qu’un même tarif est appliqué,quelle que soit la distance qui sépare le lieu deproduction de l’usine de transformation du produit,ce que les producteurs considèrent avantageuxpour les agriculteurs des régions périphériques.Ils sont très fiers de ce régime de péréquation.

Enfin, le monopole concédé aux offices de miseen marché a permis aux syndicats et aux fédé-rations de producteurs d’exercer une influenceconsidérable sur la production agricole et latransformation des aliments. Il leur a aussidonné un poids politique important.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 5 79

Lors de la présentation de son mémoire à laCommission, l’Union des producteurs agricoles(UPA) a présenté ainsi l’évolution de l’engagementdes agriculteurs dans ce système de mise enmarché collective :

« Si, dans les années cinquante, l’objectifétait de rétablir l’équilibre des forces enprésence et d’améliorer les réseaux decommercialisation de la ferme à l’usine, lesagriculteurs ont su, au fil du temps, parfaireles méthodes d’une expertise qui est etsera toujours nécessaire pour mieux orga-niser la mise en marché collective… Allerchercher un revenu équitable dans le marchéexige parfois de s’engager plus loin dansles réseaux de commercialisation, au-delàde l’usine. Voilà pourquoi certains, commeles producteurs de bovins, se sont lancésdans la transformation pour se rapprocherde la distribution et que d’autres groupescherchent à signer des conventions direc-tement avec les distributeurs. »

L’ÉTENDUE DES POUVOIRS DESOFFICES DE MISE EN MARCHÉAu départ, la mise en marché collective visait essen tiellement à regrouper les producteurs afinde renforcer leur pouvoir de négociation et d’ob-tenir de meilleurs prix. C’est toujours sa fonctionpremière.

Mais, petit à petit, des pouvoirs additionnels ontété consentis par l’Assemblée nationale aux of-fices de mise en marché, pouvoirs qui sontconsidérablement renforcés par la capacité deces offices d’établir des règlements, c’est-à-dired’imposer leurs conditions à l’ensemble des pro-ducteurs et à certains autres acteurs. De plus,les syndicats de producteurs ont graduellementpris conscience de l’étendue des pouvoirs dontils pouvaient disposer et les ont exercés. Le re-présentant de la Fédération des producteurs debovins du Québec, pour illustrer l’étendue duchamp d’application d’un plan conjoint, disaitlors de son témoignage à la Commission que« leurs limites n’ont d’égales que l’imaginationdes individus ».

La Loi sur la mise en marché des produits agricoles,alimentaires et de la pêche contient 21 alinéasqui dressent la liste des pouvoirs réglementairesconfiés aux offices de mise en marché. Certes,ces règlements doivent être approuvés par laRMAAQ, mais le pouvoir d’initiative laissé auxagences de mise en marché de même que laforce que leur confère le statut de vendeur uniqued’un produit crée une situation qui a peu d’équi-valent dans notre régime juridique.

Il faut réaliser l’importance du pouvoir réglemen-taire. Il s’agit d’un outil décisionnel unilatéralayant la même valeur qu’un acte du Parlement.Les personnes assujetties à un règlement doivents’y soumettre sous peine de poursuites pénales.C’est un instrument qu’on utilise avec parcimonieparce qu’il impose des contraintes à ceux qu’ilvise. Le pouvoir réglementaire doit prendre appuisur la notion de bien commun pour être légitime.C’est en effet au nom de l’intérêt public que l’onimpose des normes législatives, c’est-à-dire desobligations ou des contraintes à un groupe depersonnes.

Au gouvernement du Québec, le pouvoir régle-mentaire est encadré et est en quelque sorteéquilibré par la présence de contre-pouvoirs.C’est ainsi que les projets de règlement, selonla procédure prescrite :• sont étudiés par les comités ministériels afin que

soient examinés les effets ou les conséquenceséventuels du règlement sur les activités ou lesclientèles des autres ministères et des autressecteurs;

• font l’objet d’une étude d’impact complètes’ils sont susceptibles d’affecter l’ensembledes entreprises pour un montant supérieur à10 millions de dollars;

• sont examinés par les ministres, qui sont aussides députés, des élus et qui représentent à cetitre la population, c’est-à-dire les citoyens etles citoyennes éventuellement touchés par leprojet de règlement;

• sont « publiés », sauf en cas d’urgence, dansla Gazette officielle du Québec, c’est-à-diresoumis à une consultation ouverte pendant unepériode de trois mois au cours de laquelle lespersonnes et entreprises intéressées peuventtransmettre au gouvernement leurs commen-taires ou objections.

• le ministre responsable doit rendre compte auConseil des ministres, avant l’adoption du rè-gle ment, des commentaires recueillis pendantla consultation.

Cet encadrement n’empêche ni les erreurs ni leschoix discutables, mais il balise l’exercice dupouvoir réglementaire. Il faut reconnaître que cesmécanismes de « chien de garde », ces contre-pouvoirs, sont moins présents dans l’applicationdu pouvoir réglementaire d’une agence de miseen marché, même si les règlements sont ap-prouvés par la RMAAQ. Une fois le plan conjointapprouvé, la Régie n’est pas tenue de consultersystématiquement les producteurs agricolesvisés par un projet de règlement. La Loi stipulesimplement que la Régie peut vérifier de la façonqu’elle juge appropriée l’opinion des producteurssur ce règlement40. Elle n’exige pas d’étudesd’impacts. La Régie publie cependant dans laGazette officielle du Québec tout règlementqu’elle approuve. Soulignons que ce pouvoirréglementaire accordé aux offices de mise enmarché est exercé par un syndicat dont l’objectifpremier et légitime est de défendre et de pro-mouvoir l’intérêt de ses membres.

En plus de négocier le meilleur prix pour un produitagricole, les syndicats d’agriculteurs adminis-trant un plan conjoint ont aussi le pouvoir de« diriger le produit », c’est-à-dire de répartir laproduction entre différents acheteurs. Cette af-fectation des produits fait généralement l’objetde conventions entre les parties, mais les préro-gatives de l’agence de mise en marché ont gé-néralement préséance sur les liens qui unissentdes producteurs agricoles à une entreprise ou àune coopérative. Par exemple, une coopérativene peut, sauf exception, prendre entente avecses propres membres pour s’approvisionner enmatière première même en respectant le prixconvenu avec l’ensemble des agriculteurs. Lesproduits agricoles, pour les plans conjoints qui pré-voient une agence de vente obligatoire, doiventêtre vendus à cette agence de mise en marchéqui les revend par la suite, pour ainsi dire, à lacoopérative et aux autres acheteurs.

L’office de mise en marché a également le pouvoirde déterminer les caractéristiques des produits.L’article 92 de la Loi sur la mise en marché desproduits agricoles, alimentaires et de la pêchelui accorde le pouvoir d’établir un règlement quiprescrit notamment « des conditions de produc-tion, de conservation, de préparation […] duproduit visé […], des normes portant sur sa qua-lité, sa forme et sa composition […] ». La Loiconfie donc à des représentants d’un groupe deproducteurs le soin de définir le type de produitsagricoles qui sera mis en vente.

Dans un tel contexte, l’office de mise en marchéqui reçoit la totalité de la production, et quiconstitue le « vendeur » unique, a naturellementtendance à standardiser, à uniformiser les produitsofferts. La différenciation, tout en demeurantpossible, ajoute des éléments de complexité ausystème. Bien entendu, l’office doit négocieravec les acheteurs les prix et les modalitésd’écoulement des produits; par cette voie, ilsubit indirectement les pressions exercées parles consommateurs en faveur de produits diffé-renciés. Cependant, la position de force que lesproducteurs tirent de la loi en matière de « déter-mination » des produits leur permet d’offrir unecertaine résistance aux entreprises de transfor-mation et aux autres acheteurs qui veulent tra-duire en produits spécifiques leur perception desexigences des consommateurs. On salue au-jourd’hui la commercialisation du lait biologiquepar l’agence de mise en marché du lait, mais lespionniers de cette production soulignent qu’ilsont dû travailler d’arrache-pied, pendant des an-nées, pour en arriver à l’arrangement actuel.

La Loi sur la mise en marché des produits agricoles,alimentaires et de la pêche prévoit égalementque l’agence de vente aura des responsabilitéspar rapport à l’emballage et à la publicité desproduits. Ces prérogatives surprennent a priori.Une fois le produit vendu et payé au prix convenu,quels avantages réels les agriculteurs ont-ils àpousser leur implication dans la mise en marchéjusqu’à déterminer, par règlement, le contenant,l’emballage et les indications qui doivent paraîtresur le produit ou sur son emballage? Ne vau-drait-il pas mieux confier les stratégies relativesau mode d’emballage et à la présentation desproduits agricoles à des personnes et à des organisations dont c’est le métier, la spécialitépremière?

Enfin, compte tenu des pouvoirs confiés à un officede mise en marché, notamment l’exclusivité dela vente d’un produit agricole, la loi ne permetpas à un office de devenir lui-même acheteur,transformateur ou distributeur de produits ali-mentaires. L’article 60 de la Loi stipule qu’un officene peut s’engager dans le commerce ou latransformation du produit visé par le plan qu’ilapplique. La Régie peut cependant lever cetteinterdiction si elle le juge nécessaire pour faciliterla mise en marché ordonnée et efficace du produitvisé, dans l’intérêt général des producteurs ou despêcheurs, selon le cas, sans causer de préjudicesérieux aux autres intervenants41. L’interprétation

80 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

40. Selon l’article 101 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

41. Selon l’article 37 de la Loi sur la régie des marchés agricoles, alimentaires et de la pêche.

42. Selon l’article 5 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

43. Soulignons qu’en vertu de l’article 20 de cette loi, le gouvernement peut modifier ou annuler une décision de la Régie, pouvoir qu’ilexerce très rarement.

de cette disposition législative par la Régie a no-tamment permis à la Fédération des producteursde bovins du Québec d’acquérir un abattoir.

LE RÔLE DE LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBECAfin de veiller au bon fonctionnement du systèmede mise en marché et à la bonne marche desplans conjoints, le gouvernement a institué, envertu de la Loi, la RMAAQ. La Régie a un triplemandat42 : • favoriser la mise en marché efficace et ordon-

née des produits agricoles et alimentaires,c’est-à-dire superviser l’ensemble du régimede mise en marché collective (c’est ainsi quela Régie approuve les plans conjoints);

• favoriser les relations harmonieuses entre lesdivers intervenants;

• résoudre des différends qui peuvent survenirdans le cours des négociations, c’est-à-dire agircomme arbitre. Dans ce cas, les décisions de laRégie sont exécutoires; elles peuvent cependantêtre contestées devant le Tribunal administratifdu Québec. La décision de ce dernier ne peutpas être portée en appel devant une autre ins-tance judiciaire; elle ne peut faire l’objet d’unerévision judiciaire que dans les rares cas où laRégie aurait outrepassé ses compétences43.

Le gouvernement nomme huit régisseurs, dontun président et trois vice-présidents. Le choixdes régisseurs est laissé à son entière discrétion;aucune règle n’encadre la procédure de nomi-nation. Des participants aux audiences de laCommission, notamment les représentants desentreprises de la transformation alimentaire, ontdéploré le manque de transparence du processusde sélection des membres de la RMAAQ demême que sa composition actuelle. L’Alliance de latransformation agroalimentaire (ALTA) soutientdans son mémoire déposé à la Commission que« le nombre de régisseurs devrait refléter l’impor-tance écono mique des acteurs (producteurs,transformateurs, consommateurs, autres). Deplus, le processus de sélection des régisseursdevrait être plus transparent et plus ouvert demanière à mieux répondre à l’objectif d’équité ».

LES CONTRAINTES DU SYSTÈME ACTUEL Parce que le monde a profondément changé aucours des cinquante dernières années, il fautévaluer les bienfaits, les limites et les inconvénientsréels d’un système de mise en marché instauréà une époque où le marché était beaucoupmoins sophistiqué.

Même si le système actuel aproduit des effets positifs et bénéfiques pour les agriculteurset les agricultrices, il comportedes rigidités et instaure une dynamique susceptible de freiner le développement du secteur agroalimentaire et de nepas toujours servir l’intérêt public.À moyen terme, ces rigidités, si elles ne sont pas corrigées ou aplanies, pourraient desservirles agriculteurs eux-mêmes. Il faut déterminer les lacunes du système et les examiner sans complaisance.

1. L’exercice d’un monopoleComme il a déjà été signalé, un office de miseen marché est une organisation monopolistiquequi peut pousser très loin son intervention enmatière de vente et de commercialisation desproduits agricoles.

Le degré d’interventionnisme des agences demise en marché varie d’un plan conjoint à unautre. Mais les représentants des syndicats etdes fédérations de producteurs agricoles qui sesont exprimés devant la Commission ontpresque tous salué le modèle auquel ils aspirent,celui du plan conjoint administré par la Fédérationdes producteurs de lait du Québec. Aux yeux denombreux intervenants des syndicats agricoles,ce plan a atteint la maturité et il exploite toutesles possibilités du système. Le représentant duSyndicat des producteurs de lait de la Gaspésie–

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 5 81

82 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Îles-de-la-Madeleine a exprimé ainsi, lors desaudiences de la Commission, un point de vuelargement répandu au sein des autres syndicatsagricoles : « Je dois reconnaître que la productionlaitière fait l’envie de beaucoup d’autres pro-ductions au Québec du fait que le système demise en marché collective est de loin le plus or-donné. Les systèmes mis en place permettent demieux protéger le revenu des producteurs laitiers. »

La plupart des plans conjoints exercent un mo-nopole sur l’offre de produits agricoles. Seules lesventes directes à la ferme ne sont pas soumisesà leur contrôle. Il est difficile d’approvisionner unmarché local ou un comptoir de spécialités ré-gionales avec un produit soumis au régime deces plans conjoints. Il doit pourtant y avoirmoyen de rendre possible, en toute transparenceet simplicité, l’approvisionnement de certainscircuits courts de distribution, avec de faiblesvolumes de produits locaux, sans que lesagences de vente ne se sentent menacées dansleur existence même. Un peu d’oxygène insufflédans les mécanismes de mise en marché ne nuiraità personne et permettrait à des agriculteurs detisser des liens avec les consommateurs afin detirer un meilleur revenu d’une partie de leur production.

Les stipulations et exigences de certains plansconjoints conduisent à de curieuses situations. Unproducteur de lapins de la région de Charlevoix,M. Jean-Sébastien Sauvageau, qui commercialiselui-même ses lapins sur le marché local, s’estexprimé en ces termes lors des audiences de laCommission : « Je dois vendre mes lapins ausyndicat et racheter mes lapins du syndicat. Jedois assumer des frais de transaction et des fraisde publicité même si, de l’aveu du président duSyndicat des producteurs de lapins, il ne se faitaucune publicité puisqu’il manque de lapins[pour approvisionner le marché québécois…].On devrait avoir le droit de faire notre commer-cialisation sans encourir des pénalités. » Oncomprend que les transactions de vente et derachat des lapins décrites ici sont purement vir-tuelles; les lapins n’ont pas bougé de la ferme.N’y a-t-il pas là une sorte de zèle bureaucra-tique? Ce producteur-transformateur risque-t-ilvraiment de mettre en danger le système demise en marché collective et de provoquer un ef-fondrement du prix du lapin au Québec en prenantlui-même en charge la commercialisation de sesproduits?

La situation bien particulière des producteurs-transformateurs mérite d’être revue afin de leurpermettre de prendre davantage d’initiatives. Cestatut n’est pas encouragé au sein des grandesorganisations agricoles. Ces producteurs n’ontpas le droit de vote au sein de leur propre syndi-cat sur toute question relative au prix des produitsagricoles. En effet, puisqu’ils sont aussi destransformateurs, donc des acheteurs de produits,on considère que ces producteurs-transforma-teurs sont en quelque sorte en situation deconflit d’intérêts.

Il y a lieu de valoriser le rôle des producteurs-transformateurs parce qu’ils ouvrent la voie àune meilleure mise en valeur et à une diversifi-cation de l’agriculture et que certains d’entre euxont un potentiel de développement qui ne doitpas être négligé. Ces entrepreneurs peuventmieux rentabiliser certains types de ferme. Pourpeu qu’ils soient adéquatement secondés, ilspeuvent contribuer à la création d’emplois et à larevitalisation des communautés rurales.

Ce diagnostic est partagé par Solidarité ruraledu Québec dans le mémoire que cet organismea déposé à la Commission. On peut y lire :

« […] les contraintes bureaucratiques quedoivent subir les producteurs-transforma-teurs, par leur position particulière des deuxcôtés du mécanisme de mise en marchécollective, limitent le développement et en-gendrent des tensions. Plus globalement,c’est un modèle d’entreprise diversifiée,misant sur la valeur ajoutée, permettant unaccès aux productions contingentées,mais à petite échelle – pour les jeunes notamment – qui mérite de trouver uneplace dans le système actuel. »

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 5 83

2. Une réponse lente et laborieuse aux impératifs de différenciation des produits La Coop fédérée a bien exprimé la nouvelle réalitéde la mise en marché lors de son témoignagedevant la Commission : « Nous devons concré-tiser la chaîne de valeur et passer d’une filièredéterminée par l’offre de produits agricoles àune autre conditionnée par la demande desconsommateurs. » Les consommateurs réclamentconstamment des produits nouveaux qui satisfontà des exigences très diversifiées et changeantes.On veut des produits contenant moins de grasou de sucre, plus d’oméga-3 ou de protéines,des antioxydants, des fibres, des probiotiqueset d’autres substances associées à la santé. Onexige de multiples formats, des mets faciles àcuisiner ou prêts à mettre au four ou à manger,des charcuteries fines et des produits de luxeprésentés dans des emballages attrayants…

Bref, la demande de produits alimentaires est deplus en plus éclatée. Même les produits demasse, comme le poulet, peuvent maintenantêtre déclinés en produits de spécialité : pouletdont l’alimentation est d’origine végétale ou sansantibiotique, poulet de différentes grosseurs, dedifférentes races, élevés de telle ou telle manière,etc. Il s’agit de commodités haut de gamme,selon l’expression utilisée par le représentantd’Olymel. Certaines entreprises de transformation,parmi les plus dynamiques, changent tous lestrois ans la moitié de leurs produits. Le Conseildes industriels laitiers du Québec a exprimé ainsice besoin de changer de paradigme :

« Le monde agricole et agroalimentairedoit établir ses positions et ses politiquesd’avenir à partir d’une analyse réaliste denotre environnement d’aujourd’hui plutôtque d’une image de 1956. Nous devonsplacer le consommateur en premier lieucomme la base de nos efforts et la mesurede notre succès. Il est souverain. C’estavec diligence que nous devons maintenirsa confiance. »

Le délai de réponse aux attentes déjà expriméesou anticipées des consommateurs, dans uncontexte aussi mouvant et fébrile, demeure unparamètre déterminant de la compétitivité desentreprises. La vitalité de nos entreprises est liéede près à leur capacité de répondre rapidementet adéquatement à ces attentes. Le Québec,comme toutes les sociétés développées, doitfaire face aux produits étrangers qui sont souventdes produits de masse offerts à des prix qu’il estdifficile de concurrencer. Certains de ces pays

ont en effet des coûts de production très bas enraison de facteurs climatiques avantageux et deconditions de travail de même que de normesphytosanitaires et environnementales moins ri-goureuses que celles du Québec.

On peut et on doit resserrer les contrôles aux frontières sur leplan phytosanitaire et compenserles producteurs relativement àcertaines de nos exigences,mais c’est avant tout par la différenciation que l’agriculturequébécoise pourra livrer concurrence. C’est même unequestion de survie.

Comme le soulignait La Coop fédérée, « comptetenu de notre structure de coûts, il serait suici-daire de vouloir nous frotter aux pays à faiblescoûts de production… La production de produitsagricoles et agroalimentaires standards ne doitpas faire partie de notre arsenal ».

Les porte-parole de plusieurs agences de mise enmarché collective ont présenté à la Commissiondes exemples de souplesse et d’accommode-ment offerts par ces agences afin d’accueillir desproduits différenciés. On peut citer la Fédérationdes producteurs de lait du Québec qui a rappeléque le lait biologique était commercialisé parl’office dans des conditions avantageuses pourles producteurs concernés. Les éleveurs depoulets, pour leur part, ont fait état de la conven-tion d’achat conclue avec une grande chaîne derôtisseries pour l’approvisionnement, sur unebase régulière, en poulets nourris entièrement degrains. Même la Fédération des producteurs deporcs du Québec, dont les rapports sont pourtanttendus avec certaines entreprises de transfor-mation, a présenté l’office de mise en marchécomme une organisation très souple et très ac-commodante sur le plan de la différenciation desproduits. Beaucoup d’autres exemples pour-raient être signalés.

Solidarité rurale du Québec a fait remarquer lorsdes audiences de la Commission que « la miseen marché collective se base sur une péréquationentre les agriculteurs et sur la recherche d’unequalité standardisée des produits. Ce faisant, lespossibilités de différenciation ou de valorisationdes produits se trouvent limitées à l’intérieur dece mécanisme ». La Commission partage cediagnostic.

84 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Théoriquement, rien n’empêche un office demise en marché d’exercer une vigilance particu-lière afin de capter des signaux du marché et devaloriser la différenciation des produits. Et ondoit souligner les efforts que certains offices yconsacrent. Mais les contraintes propres au sys-tème actuel de mise en marché rendent cettedifférenciation difficile.

D’abord, les offices ont voulu définir ce qu’estun produit différencié. En quoi le « porc coop »est-il différent du porc standard produit selon lesnormes de la Fédération? Pourquoi faudrait-iloctroyer une prime à ce porc prétendument dis-tinctif? C’est là, en quelque sorte, où le bâtblesse. L’office de mise en marché cherche légi-timement le meilleur prix pour l’ensemble de sesmembres. Un prix uniforme reflète à ses yeuxl’équité de traitement pour l’ensemble des pro-ducteurs. Mais qui dit prix uniforme, dit produituniforme. Dans un tel système, il faut avoir debonnes raisons pour faire place à un produit quise différencie, surtout s’il appelle un meilleur prix.

On ne peut pas circonscrire administrativement,encore moins réglementer, la différenciation,l’originalité. À trop vouloir encadrer la spécificitéd’un produit, son caractère distinctif, on finit partuer la créativité, la démarcation des produits. Ladifférenciation est pour ainsi dire indéfinissable.C’est essentiellement la réponse des acheteursqui confirme, après coup et non à l’avance, ladifférenciation véritable d’un produit. Si lesconsommateurs considèrent que ce produit apris de la valeur en adoptant telle ou telle carac-téristique ou parce qu’il est issu d’un élevage oud’un procédé de transformation auquel ils fontconfiance, alors la différenciation s’impose etprend son sens. Autrement, tous les efforts derationalisation et toutes les tentatives de régle-mentation demeureront vains.

La confiance du consommateur est la clef de ladifférenciation. Or, cette confiance repose large-ment sur le contrôle rigoureux du processus dedifférenciation tout au long de la chaîne d’appro -visionnement. Il faut que le système soit crédibleet qu’on puisse le prouver en tout temps. Il fautque l’on puisse tracer l’histoire du produit, c’est-à-dire indiquer, dans le cas d’une viande parexemple, quelle est la base de l’alimentation del’animal, la présence ou l’absence d’antibiotiques,le mode d’élevage, la région et le type de fermeoù l’animal a été élevé, l’entreprise d’abattage,bientôt la présence ou l’absence d’organismesgénétiquement modifiés dans l’alimentation del’animal… Bref, cette histoire du produit reposesur une action structurée en amont de la miseen marché, autrement dit sur le respect d’un cahier

des charges par les producteurs qui s’engagent àfournir ce produit. Comme le souligne le repré-sentant d’Olymel, « ces attributs ne se perçoiventpas aussi nettement chez le consommateur final,dans la pièce de viande qu’il a dans son assiette.Ces nouveaux critères de qualité, intangibles,doivent donc être garantis autrement que parl’aspect visuel du produit et par des tests de labo-ratoire… Il faut donner la certitude à l’acheteur quel’on a la capacité de passer des commandesaux maillons en amont, prouver que l’on livre leproduit exact pour lequel on s’est engagé ».

En exerçant leur rapport de force, bon nombred’administrateurs de plans conjoints ont résistéaux demandes de produits différenciés. Il a falluplusieurs années de discussions laborieusesavant que l’Office de mise en marché du porcconsente aux modifications des modalités depaiement favorisant la production de porcslourds. Il s’agit sans doute d’un cas extrême,mais il illustre tout de même la force d’inertie potentielle du système.

Le représentant des Rôtisseries St-Hubert apour sa part déploré devant la Commission qu’ilait fallu « plusieurs années et une volonté trèsferme de notre président, M. Jean-Pierre Léger,avant d’être en mesure de satisfaire nos clientset de pouvoir leur offrir un poulet nourri 100 % augrain et 100 % refroidi à l’air. Il n’est pas normalque ça prenne autant de temps et que ce soitaussi ardu. Actuellement, nous entreprenonsune démarche pour obtenir du poulet nourri sansantibiotique. Je vous ferai grâce des embûchesqui nous attendent dans le système actuel ».Monsieur Jean Lefebvre, vice-président duConseil des chaînes de restaurants du Québec,témoignant à la même audience, a tenu ces pro-pos : « On ne peut pas comprendre qu’il ait falluqu’un Jean-Pierre Léger [président des RôtisseriesSt-Hubert] menace de s’approvisionner en pouletchez Maple Leaf de Toronto pour faire réagir[l’Office de mise en marché] et que ça prennecinq ans pour en arriver à une entente. »

Soulignons enfin que la Fédération des produc-teurs de lait du Québec se méfie de la productiond’ingrédients laitiers, malgré des rapports étoffésqui indiquent le potentiel de plus-value que re-présente ce créneau.

Bien sûr, il faut distinguer, d’une part, les pro-blèmes de système et, d’autre part, les compor-tements des personnes qui les administrent.Dans n’importe quel système, dans toute orga-nisation, il peut y avoir des dérapages, des erreurs de jugement, du zèle, des gestes exces-sifs. Il serait irresponsable de jeter le système de

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 5 85

mise en marché collective par terre simplementparce qu’il donne lieu à des excès. Il faut cepen-dant s’inquiéter du fait qu’un dispositif monopo-listique de mise en marché supervisé par l’Étatpuisse permettre ces excès, puisse opposer unerésistance au développement de produits diffé-renciés et nuire, de ce fait, au développement età la consolidation de nos marchés. Dans detelles situations, l’application de la loi que fontles agences de mise en marché sert mal l’intérêtdes Québécois et des Québécoises et ceux del’agriculture et de l’agroalimentaire.

3. La direction du produit L’un des pouvoirs importants exercés par plu-sieurs plans conjoints est ce qu’on appelle la« direction du produit ». Concrètement, en vue denégocier le meilleur prix pour un produit, l’agencede mise en marché conclut, dans plusieurs plansconjoints, des ententes d’approvision nementavec chacun des acheteurs, principalement desentreprises de transformation. L’office tientcompte de l’historique des livraisons effectuéeschez les divers transfor mateurs afin de ne pasdéstabiliser les entreprises. Il peut aussi prendreen considération divers facteurs qui varient selonla conjoncture. Les administrateurs de l’officepeuvent aussi changer de priorités ou être in-fluencés par la qualité de leurs rapports avecl’entreprise de transformation. Pour les représen-tants des offices de mise en marché, leur travailsimplifie beaucoup les opérations d’approvi-sionnement des entreprises de transformation.Il leur évite de devoir négocier avec plusieursgroupes de producteurs et leur assure des livraisons stables des produits.

Le pouvoir relatif à la direction du produit confiéà une agence qui détient un monopole de ventea trois conséquences.

En premier lieu, ce modèle rend plus compliqué,et empêche même dans certains cas, des rapportsdirects entre un acheteur et un groupe de pro-ducteurs. Si un transformateur veut offrir auxconsommateurs un produit différencié établi àpartir d’un cahier des charges et d’un méca-nisme rigoureux de suivi et de traçabilité, il doitpasser par un intermédiaire, l’agence de mise enmarché, plutôt que de transiger directement avecun groupe de producteurs qui accepteraient delivrer ce produit au prix et aux autres conditionsconvenus. Comme nous l’avons souligné plustôt, les offices de mise en marché composentdifficilement avec les situations particulières.

Il s’agit d’un enjeu majeur du système de mise enmarché collective tel qu’il est géré présentement.Les fédérations de producteurs agricoles fontvaloir que si le système autorise des négocia-tions directes entre un groupe de producteurs etun acheteur, c’est tout le système qui risque des’effondrer. Elles appréhendent le retour à la situation où les acheteurs pouvaient diviser lesproducteurs, ce qui provoquerait à moyen termeune chute des prix. Elles expriment une trèsgrande méfiance à l’égard des primes que lesententes ad hoc ou complémentaires mettent enplace ou prévoient au nom de la différenciationdes produits.

Dans un éditorial de La Terre de chez nous d’oc-tobre 2007, le président de l’UPA a bien résumécet état d’esprit :

« Si les acheteurs ont les moyens de payerdes primes, c’est que le prix de base estplus bas que ce qu’ils peuvent réellementpayer. Ces ristournes individuelles de toutessortes sont inéquitables, non transparenteset portent atteinte à l’autonomie des pro-ducteurs. De plus, elles affaiblissent leurpouvoir collectif d’aller chercher une justerémunération dans le marché. »

Cette vision reflète une attitude de négociation desprix où l’on tient pour acquis que l’autre partie n’apas épuisé toute sa marge de manœuvre. Ellepart du principe selon lequel tous les participantsà un marché doivent recevoir le même prix pourdes produits qui, par définition, sont considérésidentiques, même si, en réalité, ils peuvent êtredifférents.

Peut-on concevoir que le prix reflète aussi une valeur accruereconnue par le marché, c’est-à-dire par les consommateurs quiacceptent de payer plus cherpour certains produits et nonpour d’autres? Tout en protégeantl’intérêt des producteurs à obtenir le meilleur prix, on peutsans doute mettre en place unedynamique qui incite ceux qui le souhaitent à s’engager dans le développement d’un produitdifférencié et à en tirer des avantages accrus si l’initiative estsaluée par les consommateurs.

En France, un regroupement de producteurs delait destiné à la production du fromage Beaufortobtient une prime de 100 % par rapport au prixde base du lait négocié nationalement parce quece fromage est reconnu, par le marché, comme unproduit de grande qualité résultant de conditionsparticulières d’élevage dans les Alpes et d’unprocédé de transformation issu de la culture an-cestrale de cette région. Les producteurs de laitdes plaines et des vallons de Normandie ont-ilsl’impression que leurs collègues de Beaufort bé-né ficient d’un traitement de faveur? Se sentent-ilsvictimes d’une iniquité systémique par rapportaux agriculteurs des montagnes?

Plusieurs témoignages entendus aux audiencesde la Commission permettent de constater quel’approvisionnement des transformateurs estsoumis à des règles d’accommodement et à uneforme d’arbitraire qui est contestable. Ce n’estpas le marché, ni la qualité des rapports entreun acheteur et un producteur, ni même leurproximité, qui offre les meilleures garanties d’ap-provisionnement : c’est l’exercice du pouvoir denégociation d’une agence de vente unique. Lesapprovisionnements touchent à la fois la qualitéet la quantité de produits livrés à une entreprise.Cette situation n’a pas d’équivalent dans d’autressecteurs d’activité économique. C’est ainsi qu’ilest souvent difficile, même pour une coopérative,d’obtenir les produits de ses propres membres.De plus, dans un contexte de crise de la pro-duction porcine comme celle qui sévit présente-ment, Olymel ne peut pas obtenir plus de 1,2 million de porcs par année pour produire du« porc coop », même si ce porc est vendu àmeilleur prix.

Il arrive que les rapports entre un groupe de pro-ducteurs intéressés par un plan conjoint et unoffice de mise en marché s’enveniment et s’en-lisent dans des recours juridiques aussi impro-ductifs que coûteux. C’est le cas au sein de laproduction et de la transformation du siropd’érable. Le Conseil de l’industrie acéricole asouligné devant la Commission, en se référant aurapport 2005-2006 de la RMAAQ, que le secteurde l’érable avait mobilisé à lui seul, pendantcette année, « 48 % des audiences publiques dela Régie, 65 % des enquêtes et ordonnances et67 % des causes d’arbitrage de ce tribunal admi -nistratif ». D’autres recours ont été ou sont encoreexercés au Tribunal administratif du Québec et àla Cour du Québec.

La Commission a pu constater, par plusieurs té-moignages reçus, à quel point le climat est litté-ralement empoisonné et malsain au sein decette industrie. Pourtant, voilà une production oùle Québec occupe une place déterminante surles marchés mondiaux, une production qui pré-sente un très fort potentiel de valeur ajoutée. Ilest désolant de constater que plusieurs acteursimportants de cette industrie et les structures demise en marché se livrent à des luttes intestinesdestructrices, ce qui nuit inévitablement au déve -loppement de cette filière. Rappelons que leQuébec est responsable de près de 85 % de laproduction acéricole mondiale.

Un tel système n’offre guère d’incitatifs à l’innova-tion. Une entreprise qui réussirait à commercialiserun produit novateur devrait convaincre l’agence demise en marché de son besoin d’approvisionne-ment accru.

Dans le contexte d’une production soumise à lagestion de l’offre, qui est contingentée, la re-cherche d’un plus grand volume de matièrespremières permettant de profiter d’un créneaupour un nouveau produit donnerait lieu à des né-gociations encore plus compliquées, l’entrepriseinnovante devant faire face à l’opposition desentreprises de fabrication de produits de masse.Elle pourrait difficilement contourner cette résis-tance en cherchant à conclure une entente par-ticulière avec des producteurs intéressés, mêmesi cette entente se traduisait par un meilleur prixdu produit agricole en question.

4. La rupture du lien d’usage descoopératives avec leurs membres Les coopératives ont joué un rôle déterminantdans le développement de l’agriculture et del’agroalimentaire, tant au Québec que dans denombreux pays. Certaines coopératives québé-coises sont des entreprises phares de leur do-maine et elles continuent à assumer avec succèsleur mission première. Le président du Mouvementdes caisses Desjardins a souligné l’importancedu système coopératif lors des audiences de laCommission :

« À l’heure des prises de contrôle, des dé-localisations, des rationalisations et de lamultiplication des événements qui mettentà mal l’équilibre interne des collectivités,les institutions de proximité, comme lescoopératives, représentent certainementune planche de salut car leur présencepermet aux populations de conserver uncertain contrôle de leur devenir. »

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44. ACCORD : Action concertée de coopération régionale de développement. Les projets ACCORD visent à construire un système productifrégional compétitif sur le plan nord-américain et mondial dans chacune des régions du Québec, par l’identification et le développementde créneaux d’excellence, qui pourront devenir leur image de marque.

L’un des fondements du mouvement coopératifest l’établissement d’un lien d’usage avec lesmembres. Des producteurs se regroupent encoopérative, mettent en commun des ressour ces,partagent les frais, assument collectivement lesrisques et se partagent une partie des bénéfices.Or, l’obligation faite à la coopérative et à l’en-semble des autres acheteurs de s’approvisionneren produits agricoles auprès d’une agence devente dilue considérablement les rapports entrela coopérative et ses membres. S’il n’est paspossible de conclure des ententes en matièred’approvisionnement avec ses propres socié-taires, l’utilité même de la coopérative est remiseen cause. Cette dernière devient une entreprisede transformation comme une autre. D’autresentreprises privées en font tout autant. En fait,le seul élément véritablement distinctif de l’or-ganisation coopérative dans un tel système tientau versement des ristournes sur les bénéficesnets de la coopérative. Convenons qu’il s’agitd’une distinction bien ténue entre l’organisationcoopérative et les autres entreprises. Soulignonsque cette situation n’incite pas les coopérativesà accueillir de nouveaux membres puisque lesristournes sont simplement réparties entre unplus grand nombre de sociétaires.

Le Conseil québécois de la coopération et de lamutualité voit dans la perte du lien d’usage descoopératives agricoles avec leurs membres unemenace sérieuse pour l’avenir. Il s’est expriméainsi lors des audiences de la Commission :

« Dans un tel cadre législatif, il est impos-sible pour les coopératives de maintenirleur lien d’usage avec leurs membres pro-ducteurs, qui doivent transiger par le biaisd’un syndicat agricole pour être en mesurede s’approvisionner… Par un événementexterne à la volonté de ses membres, soitune loi, une scission est opérée au sein de lacoopérative, faisant en sorte que les pro duc-teurs agricoles se sont vu désapproprier deleur entreprise. À moyen terme, l’existencede la coopération est compromise. »

5. Une dynamique opposée auxchaînes de valeurDans plusieurs sphères d’activité économique,les syndicats, les entreprises, les sous-traitants,certains clients et les institutions publiques(d’enseignement et de recherche, notamment) ontréussi à élaborer ensemble des stratégies visant ledéveloppement de leur secteur. Ils ont trouvé —par delà les divergences qui, au jour le jour, lesopposent parfois sur de multiples questions —,des points de convergence et ils se rallient au-tour d’enjeux cruciaux qui dépassent les intérêtspropres d’un groupe d’individus ou d’entre-prises. Les clusters, les grappes industrielles, lesregroupements par filières, les comités sectoriels,les chaînes de valeur, les pôles technologiqueset les comités ACCORD44 sont autant de méca-nismes de concertation qui rassemblent despartenaires d’un même secteur. Ce besoin deconjuguer les forces vives d’un secteur est exa-cerbé dans beaucoup de cas par la concurrenceétrangère. Face à des concurrents bien organi-sés, la division est la pire des attitudes. Il fautdonc se regrouper pour mieux livrer bataille etpour tirer profit de ses avantages concurrentiels.

On a mené, dans le secteur agroalimentaire, di-verses expériences de concertation. Il existeaussi des mécanismes par lesquels les acteurs dumilieu échangent leur vision du développementdu secteur. Les tables filières en sont un bonexemple. Mais ces dispositifs ont connu dessuccès mitigés. Il faut dire qu’il s’agissait avanttout de tables d’échanges où personne n’exer-çait un réel leadership. L’intérêt s’est effrité àmesure que les participants ont réalisé le peud’emprise que ces tables filières pouvaient avoirsur les orientations de leur domaine d’activité.On peut aussi considérer que l’attitude généra-lisée de méfiance qui prévaut, notamment entreles producteurs et les transformateurs, puisentre ces derniers et les distributeurs, rend laconcertation moins profitable.

Les producteurs agricoles attachent une grandeimportance au rapport de force qu’ils réussis-sent à établir avec les acheteurs. On ne sauraitnier le rôle de ce positionnement stratégiquedans la négociation du prix des produits agricoles.Mais les liens entre les producteurs et les entre-prises de transformation ne peuvent pas se ré-sumer au simple exercice d’un rapport de force.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 5 87

45. Selon l’article 5 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

Certains grands syndicats québécois de travail-leurs en ont compris les limites : on peut gagnerdans une négociation et perdre plus globalementsi le secteur stagne. C’est pourquoi ces syndicatscherchent, souvent agressivement, à obtenir lesmeilleurs salaires et les meilleures conditions detravail pour leurs membres tout en étant des par-tenaires de certaines entreprises au point d’y in-vestir leurs propres capitaux. La Coop fédéréesoulignait qu’il y a dans le mode de relationcommerciale inspirée par la formule des plansconjoints « un élément intrinsèque au modèlequébécois qu’il nous faudra adapter si nousvoulons être en mesure de bien nous positionnersur un segment de marché qui implique une ap-proche en termes de chaîne de valeur ».

L’ALTA et les grandes coopératives agricoles ontprésenté lors des audiences de la Commissionun vibrant plaidoyer en faveur de la mise en placede chaînes de valeur, c’est-à-dire de mécanismespar lesquels les acteurs s’entendent pour ras-sembler les conditions qui permettent à une fi-lière agroalimentaire de se consolider, deprendre son envol. L’ALTA s’est exprimée ainsidevant la Commission à ce sujet :

« L’ajustement rapide à une demande duconsommateur de plus en plus complexeet diversifiée est un facteur clé de succès.Afin de saisir rapidement les nouvelles op-portunités et d’être compétitifs sur lesmarchés nationaux et internationaux, lestransformateurs agroalimentaires devrontfavoriser davantage l’innovation par lebiais d’alliances stratégiques, dont l’ap-proche des chaînes de valeur… Le gou-vernement devrait favoriser une solutiongagnant-gagnant visant un avantage com-pétitif pour augmenter les recettes totalesdu secteur agroalimentaire. »

Cette concertation est essentielle au dévelop-pement du secteur. Et elle peut s’exercer dans lerespect de la mission respective des acteurs etdans la perspective de prix adéquats offerts auxproducteurs et le souci d’une amélioration de lacompétitivité des autres maillons de la chaîneagroalimentaire.

6. L’intérêt public La Loi sur la mise en marché des produits agri-coles, alimentaires et de la pêche stipule que laRégie exerce ses fonctions en tenant comptedes intérêts des consommateurs et de la pro-tection de l’intérêt public45.

Évidemment, la notion d’intérêt public est large etles facteurs qu’il faudrait considérer pour en tenircompte peuvent être nombreux et variables. Onconvient cependant que l’intérêt public, c’estautre chose que l’intérêt d’un groupe particulier.

Pour que la notion d’intérêt public soit réellement prise en compte, il faudrait que laRMAAQ exerce véritablement un contre-pouvoir à l’égard des plans conjoints et des offices de mise en marché. Cela est d’autant plus importantque le gouvernement a confiédes pouvoirs réglementaires très importants et très étendus à ces offices.

Il est donc essentiel qu’une saine vigilances’exerce sur les pouvoirs administrés par les offices de mise en marché. Il s’agit d’une règlede gouvernance normale qui s’applique dans lessociétés démocratiques. Il faut que la Régiemène l’équivalent d’études d’impacts sur lespropositions que lui adressent les agences demise en marché.

La Commission ne saurait circonscrire dans ledétail le concept d’intérêt public tel qu’il devraits’appliquer à la gestion des offices de mise enmarché. Il est cependant raisonnable de lui donnerau moins quatre champs d’application. Cela signifie que, dans l’examen des projets de rè-glement soumis dans le cadre d’un plan conjointou de toute autre initiative apparentée, la Régiedevrait minimalement tenir compte :

88 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

• des effets des propositions soumises parl’agence de vente sur la production agricole etsur les programmes d’aide financière du gou-vernement;

• de leur impact sur le développement de la filière etde la compétitivité du secteur agroalimentaire;

• des conséquences de ces propositions sur ledéveloppement régional et sur l’occupation duterritoire;

• des effets de ces propositions sur la demandedes produits québécois et les attentes desconsommateurs, sur le plan de la diversité desproduits offerts et des prix.

La loi devrait être amendée afin d’indiquer clai-rement certains critères qui baliseraient la notiond’intérêt public.

POUR UNE RÉVISION DU SYSTÈME DE MISE EN MARCHÉ COLLECTIVELa mise en marché collective procure des béné-fices aux producteurs et aux productrices agricolesdu Québec. Malgré les critiques que l’on peutadresser au système, l’intention première qui aprésidé à l’adoption de la loi instituant la miseen marché collective conserve sa pertinence. Lesystème a cependant besoin d’assouplissement,d’oxygène, afin de se repositionner comme unpilier d’une dynamique qui contribue à l’innova-tion et au développement de l’agriculture et del’agroalimentaire.

Il faut savoir aller au-delà del’approche du « tout ou rien »selon laquelle il n’est pas possibled’apporter des changements àla mise en marché collective, dela faire évoluer sans provoquer uneffondrement de tout le régime.Une telle attitude mène à la défense intégrale et sans conditiondu statu quo avec ses rigidités et ses contraintes évidentes qui sont en train d’hypothéquerlourdement l’avenir de l’agroalimentaire québécois.

1. Ce qu’il faut préserver dans lamise en marché collective La Commission propose en fait de revenir àl’objectif premier qui a présidé à la mise enplace de la Loi et des organismes de mise enmarché collective. Il faut à son avis préserverquatre attributs fondamentaux de ce système demise en marché :

• Le regroupement de tous les producteursagricoles et la négociation collective desprix des produits agricoles. Il ne saurait êtrequestion d’affaiblir ce pouvoir de négociationdes producteurs, moyen d’aller chercher dansle marché le meilleur prix pour leur produit.Cette négociation vise à conclure des ententesavec les représentants des acheteurs afin defixer les prix des produits, certains produitspouvant évidemment faire l’objet de catégoriesreposant sur des critères objectifs commeceux qui sont déjà appliqués, notamment sur leplan de la qualité. Ces prix convenus devraientêtre respectés par tous les acheteurs, quelque soit le lieu de vente ou le circuit de distri-bution. Il s’agit du prix de base qui, en pratique,s’appliquerait à un pourcentage très élevé de laproduction, puisque le degré de différenciationdes produits agricoles demeure somme toutepeu élevé au Québec, pour le moment.

• La transparence. Les assouplissements en-visagés au système de mise en marché nedoivent pas favoriser le retour, sous d’autresformes, des pratiques qui ont pour effet de di-viser les producteurs et de conduire, à moyenterme, à la réduction des prix de base des pro-duits agricoles. La transparence doit caractériserles ententes entre les acheteurs et des groupesde producteurs. Par exemple, si une prime estofferte à un groupe de producteurs en raisond’une valorisation réelle ou anticipée d’un pro-duit, il faut que cette prime soit la même pourtous les producteurs qui font partie du groupes’engageant à fournir ce produit et que cetteentente soit publique. Il serait inadmissibleque l’arbitraire s’installe dans ces rapports.Encore là, le souci de l’équité et de la recherchedu meilleur prix doit prévaloir sur les autresconsidérations.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 5 89

90 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

• L’universalité des prélèvements. En s’enga-geant collectivement, les agriculteurs unissentleurs forces et acceptent de partager certainsfrais. Quelques fédérations de producteurs ef-fectuent, directement auprès des membres ousur leurs produits, un prélèvement qui sert à di-verses fins, notamment à la recherche et à lapublicité. Cet effort des agriculteurs réunis ausein d’une agence de mise en marché profite àtous et il est essentiel que tous les agriculteursengagés dans la production y contribuent. Sides produits agricoles sont vendus en dehorsdu circuit contrôlé directement par l’agence demise en marché, il faut que l’agriculteur s’ac-quitte néanmoins de son obligation relative auxprélèvements convenus, notamment aux finsde recherche et de développement de la filière.Il ne faudrait tout de même pas imputer à cesproducteurs les frais de transport pour un pro-duit qui ne voyage pas.

Il faut certes faire preuve de prudence àl’égard des prélèvements appliqués sur desproduits agricoles de consommation couranteparce qu’ils affectent notamment les coûts deproduction, la compétitivité de la filière et le prixdes produits vendus au consommateur. Il s’agitcependant d’un mécanisme opportun, surtouts’il sert à alimenter des fonds destinés à la recherche, à la formation et à l’innovation.

• Le pouvoir de surveillance de la Régie.Compte tenu des pouvoirs confiés aux offices,la surveillance de la RMAAQ est essentielle au bon fonctionnement du régime de mise enmarché collective. Aux pouvoirs délégués àdes instances qui représentent l’intérêt d’ungroupe, en l’occurrence des producteurs agri-coles, il faut, au nom du respect des principesélémentaires de transparence, qu’une instanceencadre la mise en marché et voie à l’intérêtpublic. Le pouvoir d’arbitrage de la Régie estégalement nécessaire, même s’il serait sou-haitable qu’il s’exerce le moins possible, lalibre négociation des ententes étant de loinpréférable à l’intervention d’un arbitre.

2. Ce qu’il faut changer dans lamise en marché collective Les propositions qui suivent visent à ouvrir et àadapter le système de mise en marché, ce qued’au cuns ont appelé lui « donner de l’oxygène »,sans remettre en cause ses objectifs fondamentaux.

Les changements envisagéstiennent compte d’une réalité incontournable, celle d’un marchédésormais orienté vers les besoinsdes consommateurs, besoins quicommandent de plus en plusdes produits différenciés. Il fautdonc que les systèmes de miseen marché soient en mesure de répondre rapidement et efficacement à ces exigences.

Pour ce faire, les changements suivants s’impo-sent :

• La vente aux circuits courts de distribution.Les mécanismes d’approvisionnement d’unmarché de proximité avec de petits volumesde produits sont complètement différents deceux de la commercialisation des produits ali-mentaires dans les grands réseaux de distri-bution. Il faut donner davantage de latitudeaux producteurs afin qu’ils puissent vendreleurs produits dans des kiosques à la ferme ouau village, dans les marchés publics locaux, àcertains comptoirs de produits régionaux ty-piques et à d’autres établissements associésaux circuits courts de distribution. Ces ventesde proximité suppléent en partie aux difficultésqu’ils éprouvent d’accéder aux tablettes desépiceries.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 5 91

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries etde l’Alimentation du Québec devrait définir, defaçon précise, ce que l’on entend par « circuitscourts de distribution ». Nous ne le ferons pasici, mais disons que de tels circuits de distri-bution devraient satisfaire minimalement auxexigences suivantes :

• les produits agricoles vendus, sous une formebrute ou transformée, proviennent de la ré-gion immédiate et peuvent être associés à unagriculteur ou à un producteur-transformateurqui procède lui-même à la mise en marché de ses produits (il s’agit d’un circuit de proxi-mité);

• les lieux de vente ne sont pas déjà approvi-sionnés, en tout ou en partie, par un distri-buteur;

• les lieux de vente respectent, le caséchéant, les normes de salubrité des lieuxet d’innocuité des aliments.

Dans ces lieux, les ventes de produits agri-coles ne seraient pas assujetties à un office demise en marché. Les agriculteurs intéressés àvendre des produits dans ces circuits courtsdevraient s’y inscrire et faire parvenir à l’officede mise en marché ou, le cas échéant, à uneautre organisation de commercialisation, sousune forme ou sous une autre, la cotisation nor-malement prélevée lors de la vente des produitsagricoles et utilisée à des fins de recherche etde développement du secteur.

• Des ententes complémentaires sur les pro-duits différenciés. Il est essentiel, comme onl’a dit plus haut, que les prix soient négociésen regroupant le plus grand nombre de pro-ducteurs. Il est tout aussi important, dans lecontexte d’aujourd’hui, de faciliter la conclu-sion d’ententes libres et complémentairesentre une entreprise qui veut commercialiserun produit différencié et un groupe d’agricul-teurs intéressés par ce produit et prêts à sesoumettre aux exigences d’un cahier descharges et à certaines autres conditions.

Ce processus d’ententes complémentaires,qui emprunterait un parcours parallèle forcé-ment différent de celui de l’agence de vente,devrait être encadré et surveillé. Ainsi :

– Un règlement adopté en vertu de la Loi surla mise en marché des produits agricoles, ali-mentaires et de la pêche préciserait, par des

critères objectifs, les conditions selon lesquellesune entente entre un acheteur et des produc-teurs serait considérée comme une démarchede différenciation d’un produit agricole. Ils’agirait, à titre d’exemple, de spécifier que ladémarche, généralement appuyée par uncahier des charges, consiste à développer età mettre en marché un produit différent desproduits de base, soit en raison de conditionsspécifiques d’élevage ou de culture, de laprotection d’une particularité régionale oud’un procédé original de transformation ou del’occupation d’une niche commerciale claire-ment définie. Ainsi, des balises réglementairesencadreraient la démarche conduisant à laconclusion d’ententes complémentaires enmatière de mise en marché, ce qui éviteraitsans doute des abus, sans pour autant cher-cher à définir ce qu’est un produit différencié.C’est la rigueur et la pertinence de la démarchequi seraient analysées, pas le produit lui-même;– Les projets d’entente entre une entreprise etun groupe de producteurs seraient étudiés parla RMAAQ au regard des critères énoncésdans le règlement relativement à la démarchede différenciation. La Régie exercerait, à l’égardde ces ententes, les pouvoirs de surveillancedont elle dispose à l’égard des plansconjoints;– Le prix convenu dans le cadre de ces en-tentes complémentaires ne pourrait en aucuncas être inférieur au prix négocié nationalement.L’office de mise en marché concerné devraitêtre informé de la transaction entre les agri-culteurs et l’acheteur;– Des prélèvements destinés au développe-ment de la filière de production seraient perçuset transmis à l’office de mise en marché.

Il est essentiel que le processus soit transparent.

• Le développement de la concertation. Onconçoit aisément que la détermination du prixdes produits agricoles offerts par les acheteursrésulte de l’exercice du rapport de force entreles représentants des producteurs et cesacheteurs. En cette matière, les parties nesont pas engagées dans une dynamique departenariat ou de concertation. Mais au-delàde cet exercice de négociation des prix, denombreux enjeux relatifs au développementdes filières agricoles devraient rassembler lesacteurs bien plus que de les diviser.

Au sein même du système de mise en marchécollective se trouve un dispositif très peu utilisépar les parties, celui de la chambre de coordi-nation. L’un des seuls regroupements de pro-ducteurs à y avoir recours est celui des fraiseset des framboises. Les articles 135 à 147 de laLoi sur la mise en marché des produits agri-coles, alimentaires et de la pêche précisentles modalités de mise en place et de fonc-tionnement d’une chambre de coordination.Sommairement, un tel dispositif voit le jour à lademande d’un office de mise en marché oud’une association intéressée par le dévelop-pement du secteur agricole et agroalimentaire.Sa composition est généralement multipar-tite; elle fait place aux acteurs de diversesprovenances (production, transformation, dis-tribution, etc.). Une chambre de coordinationtravaille dans une dynamique de concertationet s’intéresse aux facteurs qui exercent uneinfluence sur le développement d’une filière :la recherche, la qualité, la publicité, la formationde la main-d’œuvre, l’exploration de marchés,la protection d’une marque ou d’une appella-tion, etc. Le ministre peut aussi, selon la Loi,désigner un représentant des consommateursà la chambre de coordination.

Dans la mesure où le gouvernement accep-terait qu’un prélèvement soit effectué sur uneplus grande diversité de produits agricoles aumoment de leur mise en marché, notamment àdes fins de recherche, d’innovation, de for-mation et de développement, il faudrait que lesmontants prélevés et les priorités d’affectationde ces fonds soient déterminés de manièreconcertée par les acteurs-payeurs.

En l’occurrence, il serait raisonnable de lier lemaintien et l’expansion des prélèvements surles produits agricoles à l’obligation de gérerces fonds de manière concertée, c’est-à-direau sein d’une instance qui regroupe les pro-ducteurs, les transformateurs, les distributeurset les consommateurs. Cela est particulière-ment important pour les fonds consacrés à larecherche, à l’innovation et à la formation. Legouvernement prendrait part à cette concer-tation à titre d’observateur. La chambre decoordination semble être le lieu tout désignépour exercer cette coordination. On peut rai-sonnablement s’attendre à ce que les parte-naires réunis en ce lieu de concertationétendent leur travaux au-delà de la gestiondes fonds et qu’ils les fassent rapidementporter sur l’ensemble des enjeux du secteuragricole et agroalimentaire ou de leur filière.

• Une révision de la gouvernance de la Régie.La RMAAQ est largement perçue, en dehorsdes syndicats de producteurs, comme un orga-nisme dont la culture organisationnelle, l’attitudeet les décisions sont orientées en fonction del’intérêt des producteurs agricoles. Ce jugementmériterait sans doute des nuances. Le gou-vernement doit cependant faire des gestes quisoient de nature à éliminer toute crainte rai-sonnable de partialité de la Régie au sein dusecteur agroalimentaire et à assurer son rôlepremier de gardien des intérêts généraux dusecteur et de la population.

En premier lieu, la Régie devrait, dans sesorientations et décisions, appliquer la notiond’intérêt public telle qu’elle aurait été baliséedans la Loi. Les préoccupations relatives à lacompétitivité d’ensemble du secteur agricole etagroalimentaire et du développement régionalseraient prises systématiquement en compte.

Il faut, en deuxième lieu, rendre plus transpa-rent le processus de désignation des régis-seurs. Certaines lois circonscrivent le processusde désignation des membres de la directiond’un organisme public. C’est le cas notam-ment des lois constitutives de la Commissiondes partenaires du marché du travail, de laCommission de la santé et de la sécurité dutravail et de la Commission des normes dutravail où la provenance de diverses catégoriesde membres est déjà spécifiée. Le gouverne-ment pourrait, en s’inspirant de ces exemples,préciser que la procédure de nomination desrégisseurs devrait prévoir, par exemple, quedeux membres soient désignés à partir d’uneliste de candidats suggérée par une associationde producteurs, que deux autres membressoient choisis à partir d’une liste de candidatssoumise par les représentants des transfor-mateurs et des distributeurs, etc. Ces listesdevraient être constituées de personnescompétentes et considérées comme de bonjugement et de saine gestion.

92 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

14.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois recommande :

Que le système de mise en marché collective continue à constituerla base du régime de négociation des prix des produits agricolesentre un regroupement de producteurs et des acheteurs et que desassouplissements y soient apportés afin de tenir compte des nou-velles réalités de la commercialisation des produits alimentaires auQuébec. À cette fin :• Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation

du Québec définisse formellement les lieux de vente des produitsagricoles associés aux circuits courts de distribution et que, enconséquence :– les ventes des produits dans ces lieux ne soient pas assujetties

aux pouvoirs d’un office de mise en marché;– le prix de vente soit égal ou supérieur au prix de base;– l’adoption d’un règlement imposant des limites aux ventes que

chaque producteur a le droit d’effectuer dans ces lieux devente soit interdite, de même que toute disposition obligeantl’agriculteur à y être présent en personne, étant donné le niveau relativement restreint des ventes réalisées dans les circuits courts de distribution;

– les agriculteurs qui vendent des produits dans ces circuitscourts soient tenus de verser à l’office de mise en marché ou,le cas échéant, à un autre organisme de commercialisation leprélèvement qui pourrait être effectué sur ces produits et utiliséà des fins de recherche et de développement;

• Que la négociation des prix des produits agricoles, lorsqu’un planconjoint est en place, soit déterminé au terme de négociationsentre une agence de mise en marché et les représentants desacheteurs. Que ces prix, pour diverses classes de produits, soientconsidérés comme des prix de base;

• Que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaireset de la pêche soit amendée afin de pouvoir établir par règlementdes critères objectifs facilement vérifiables, justifiant la pertinenced’une entente entre un acheteur et un groupe de producteurs enmatière de différenciation de produits;

• Que des ententes, respectant les critères du règlement, puissentêtre librement conclues entre un groupe de producteurs et unacheteur ou un regroupement d’acheteurs en vue de développeret de commercialiser un produit différencié, pour autant que :– le prix offert à l’ensemble des membres du groupe de produc-

teurs concerné soit le même et qu’il ne puisse être inférieur ouégal au prix négocié nationalement par l’agence de mise enmarché;

– l’office de vente et de mise en marché et la Régie des marchésagricoles et alimentaires du Québec reçoivent copie de l’ententeintervenue entre le groupe de producteurs et l’acheteur ou legroupe d’acheteurs;

– la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québecanalyse le projet d’entente et l’approuve en fonction des cri-tères justifiant la pertinence d’une entente en matière de dif-férenciation de produit;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 5 93

94 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Recommandation– que les producteurs soient tenus de verser à l’agence de vente

le montant des prélèvements applicables aux frais associés àla négociation des prix, et, le cas échéant, à la recherche, à lapublicité et au développement de la filière;

• Que des prélèvements puissent être effectués, au terme d’échangesentre les représentants du secteur agroalimentaire et le gouverne-ment, dans le cadre du processus de mise en marché collectivedes produits agricoles, aux fins de recherche, de formation et dedéveloppement d’une filière agricole donnée, et que les fondsainsi accumulés soient gérés en concertation par les producteurs,les transformateurs et les distributeurs au sein d’une chambre decoordination prévue par la Loi sur la mise en marché des produitsagricoles, alimentaires et de la pêche;

• Que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimen-taires et de la pêche soit amendée afin de préciser que les huit ré-gisseurs de la Régie des marchés agricoles et alimentaires duQuébec sont désignés selon la procédure suivante :– deux personnes choisies à partir d’une liste de cinq noms sou-

mise par des représentants des producteurs agricoles;– deux personnes choisies à partir d’une liste de cinq noms sou-

mise par des représentants des entreprises de transformationet des entreprises de distribution alimentaire;

– deux personnes reconnues pour leurs compétences profes-sionnelles et n’exerçant pas de fonction de direction au sein d’uneorganisation du secteur agroalimentaire;

– deux régisseurs, dont le président-directeur général, à la dis-crétion du gouvernement;

• Que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimen-taires et de la pêche soit amendée pour préciser que la Régie desmarchés agricoles et alimentaires du Québec doit tenir compte,dans l’application de la notion d’intérêt public, des conséquencesdes projets soumis ou de ses décisions sur : – le revenu des producteurs agricoles et les programmes de

soutien du gouvernement à la production agricole;– la compétitivité du secteur agricole et agroalimentaire;– le développement régional;– la demande pour les produits québécois;– la diversité des produits offerts aux consommateurs et le prix

de ces produits.

La transformation etla distribution alimentaires

6

LA TRANSFORMATION ALIMENTAIRE

1. Le portrait du secteurEn 2006, les ventes totales de la transformationalimentaire s’établissaient à 17,9 milliards dedollars, ce qui constitue 12,7 % de l’ensembledes livraisons manufacturières du Québec. Letableau 11 illustre la contribution relative des différents segments du secteur, en matière de livraisons manufacturières.

Toutes les régions du Québec accueillent desentreprises de transformation alimentaire bienque les emplois soient nettement concentrés(65 %) dans la région métropolitaine de Montréalet, dans une moindre mesure, dans les régionsde Québec et de Chaudière-Appalaches (16 %).

À l’instar de l’ensemble de l’économie du Québec,la transformation est dominée par les petites etles moyennes entreprises. Près de 80 % des en-tre prises ont moins de 50 employés, et seulement4,5 % en ont plus de 250. Ces grands transfor-mateurs sont responsables à eux seuls de 43,5 %des emplois. Parmi ces chefs de file, on peut citer :Saputo, La Coop Fédérée, Agropur, AlimentsBreton, Industries Lassonde, Exceldor et BiscuitsLeclerc. Soulignons que le secteur coopératif esttrès présent dans la transformation, étant res-pon sable à lui seul de 25 % des livraisons manu -fac turières. Les coopératives sont parti cu liè rementactives dans les produits laitiers, les viandes,l’alimentation pour animaux et les produits del’érable.

Le secteur46 de la transformation alimentaire regroupe au Québec plus de 1 500 entreprises qui emploient près de 70 000 salariés. La gamme des produits transformés par ces entreprises est très variée : lait de consommation, autres produits laitiers (beurre, yogourt, fromage,etc.), viandes, produits de boulangerie, pâtisseries, confiseries et produits en chocolat, fruits et légumes, jus de fruits, boissons gazeuses, aliments pour animaux et tabac. À cette liste, il faut ajouter la production de bière,d’alcool et de vin.

Source : STATISTIQUE CANADA, Enquête mensuelle sur les industries manufacturières, tableau CANSIM 304-0015, 16 juillet 2007.

46. Nous utilisons ici le terme secteur pour désigner l’ensemble des entreprises de transformation alimentaire. Statistique Canada em-ploierait plutôt le mot « sous-secteur ».

TABLEAU 11

RÉPARTITION DES LIVRAISONS MANUFACTURIÈRES – Québec, 2006

Fruits et légumes : 5 %

96 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Produits laitiers : 26 %

Produits de viande : 21 %

Boissons et tabac : 18 %

Boulangeries et tortillas : 9 %

Aliments pour animaux : 8 %

Autres aliments :

7 %

Sucre et confiseries : 6 %

47. MAPAQ, L’activité bioalimentaire au Québec, bilan 2006.

On assiste depuis quelques années au dévelop-pement de ce que l’on appelle familièrement latransformation de créneau. Il s’agit d’entreprisesde taille modeste qui, dans la plupart des régionsdu Québec, mettent au point divers produits deniche : fromages, charcuteries, produits biolo-giques, confiseries, alcools, produits de terroirslocaux, etc. Certains producteurs-transformateurspeuvent être identifiés à cette catégorie. Ces en-treprises ont, au départ, une production modeste,mais certaines ont à la fois le potentiel et l’am-bition de prendre de l’expansion et de commer-cialiser leurs produits au-delà de leur marché deproximité.

Les entreprises québécoises de transformationalimentaire achètent pour une valeur de 8,2 mil-liards de dollars d’intrants agricoles. En 2006, onpouvait leur attribuer 72 % des recettes agricolesdu Québec en provenance du marché.

Une très forte proportion de laproduction agricole québécoiseest écoulée sur les marchésaprès avoir transité par une entreprise de transformation.C’est dire l’importance des liensqui unissent les producteurs etles transformateurs. Soulignons que près de 30 % de la transformation alimentaire évolue dans le cadre des mécanismes de la gestion de l’offre47.

Les produits de la transformation alimentaireempruntent les voies suivantes :• 45 % des livraisons sont expédiées sur les

marchés des autres provinces et des autrespays;

• 37 % des livraisons sont destinées au marchéquébécois;

• 11 % des produits subissent une transforma-tion plus poussée ou sont incorporés à despréparations prêtes à manger;

• 7 % des produits servent à la fabrication d’in-trants utilisés dans la production agricole(moulées, semences, etc.).

En 2006, les ventes de produits alimentairesquébécois dans les autres provinces se sont éle-vées à 5,182 milliards de dollars et les exportationsdans les autres pays ont représenté une valeur de3,757 milliards de dollars. La gamme de produitsvendus en dehors de nos frontières est trèsétendue :• céréales (blé, oléagineux, légumineuses, aliments

pour animaux, tourteaux et farines);

• animaux vivants et viande (porc, bœuf, agneau,chevaux, volailles);

• produits laitiers (fromage, poudre de lait, yo-gourt);

• fruits (frais, surgelés, en boîte, en conserve,séchés, jus concentrés et non concentrés);

• légumes (frais, surgelés, en conserve, enboîte, marinades, pommes de terre fraîches ettransformées);

• semences (céréales, pommes de terre, plantesfourragères, légumineuses, oléagineux);

• produits sucrés (miel, produits de l’érable,sucre, préparations à base de sucre);

• produits dérivés du café et du cacao;

• produits de boulangerie;

• boissons (non alcooliques, bière, boissonsdistillées, vin).

2. Les grands défisLes entreprises de transformation alimentaireévoluent dans un univers de vive concurrence.Elles doivent affronter, tant sur le marché do-mestique que sur les marchés extérieurs, desentreprises multinationales qui ont développé desmarques universellement connues et souventprestigieuses. Ces grandes entreprises de taillemondiale bénéficient d’économies d’échelle quedes entreprises plus petites, comme celles duQuébec, peuvent difficilement atteindre. Cer-taines profitent, dans leurs pays d’origine, deconditions climatiques et autres qui leur confèrentd’indéniables avantages, ce qui se répercute surleurs coûts de production. La concurrence surles prix est de plus en plus vive. Enfin, les entre-prises québécoises de la transformation, tout enfaisant face à la concurrence d’entreprisesétrangères, tant sur le marché québécois et ca-nadien que sur les marchés d’exportation, sedisputent entre elles leur place respective sur lemarché intérieur.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 97

98 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Les défis de la concurrence ne peuvent que s’accentuerdans l’avenir. Il convient doncd’examiner les principaux facteurs qui permettent aux entreprises de s’outiller pourmieux s’affirmer dans cet univers hautement concurrentiel.

La productivité. Selon Statistique Canada, laproductivité des entreprises québécoises detransformation, bien qu’elle s’améliore quelquepeu, demeure inférieure à celle de l’Ontario et duCanada, comme le montre le tableau 12. Ceconstat n’est pas propre à la transformation alimentaire : il s’applique à l’ensemble du secteur manufacturier48 québécois. Ce dernieraccuse, depuis de nombreuses années, un écartde productivité encore plus important avec lesÉtats-Unis.

La productivité s’exprime habituellement par desindicateurs qui reflètent la valeur ajoutée réellepar heure travaillée. Ces données ne signifientaucunement que les travailleurs québécois tra-vaillent moins fort ou moins bien que leurs col-lègues nord-américains. De nombreux facteursinfluent sur la productivité, les plus importantsétant la taille des entreprises, le niveau de méca-nisation ou de modernisation des installations, laqualification de la main-d’œuvre et la rechercheet développement.

Le combat en faveur des gains de productivité estlong et souvent ardu. Si les entreprises manu -facturières du Québec ont longtemps pu comptersur un dollar canadien faible pour compenser leurdéficit de productivité avec les États-Unis, laconjoncture ne leur est plus favorable sur ce plan.

On ne peut guère envisagerl’avenir avec optimisme si on ne s’emploie pas activement àréduire les écarts de productivitéqui nous séparent de nos principaux concurrents.

Sachant qu’il est difficile de changer à court termela taille moyenne des entreprises du Québec, ilreste trois leviers sur lesquels les transformateurspeuvent agir : la recherche et développement, laformation de la main-d’œuvre et l’investissementen machines et équipements. La Fédération destravailleurs du Québec (FTQ) reconnaît à la foisle diagnostic et la solution qui s’impose. Elles’exprime ainsi : « En dépit de son importance,le secteur de la transformation alimentaire souf-fre d’un manque de productivité. Il convientd’envisager une sérieuse mise à niveau techno-logique. » Or, qui dit renouvellement technolo-gique dit investissement.

L’investissement. Depuis longtemps, le secteurmanufacturier du Québec souffre d’un sous-investissement, en comparaison des effortsconsentis à ce titre par les entreprises des autressecteurs et des autres provinces. La situation dela transformation alimentaire est un peu à l’imagede celle de l’ensemble du secteur manu facturier,ce qui est préoccupant. Le président du Mouve-ment des caisses Desjardins, M. Alban D’Amours,exprimait en ces termes son inquiétude : « Ainsi,les investissements progressent en dents descie et la perspective est même négative en2007, ce qui n’augure pas bien quant à l’état desanté actuel et à venir de l’industrie de la trans-formation. »

Comme le montre le tableau 13, le rythme desinvestissements a même ralenti depuis 1998.

48. Nous utilisons ici l’expression secteur manufacturier, terme plus familier que secteur de la fabrication qui est généralement utilisé dansles publications statistiques.

TABLEAU 12

ÉVOLUTION DE LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL POUR LE SECTEUR DE LA TRANSFORMATION ALIMENTAIRE(Dollars par heure travaillée, dollars de 1997)

55,0

53,0

51,0

49,0

47,0

45,0

43,0

41,0

39,0

37,0

35,01997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Canada Québec Ontario

Source : STATISTIQUE CANADA, Comptes canadiens de productivité et Comptes économiques provinciaux.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 99

Pour réaliser des gains de productivité et améliorer les conditions de travail, les entreprises de transformation alimentaire doivent impérativement accélérer la modernisation de leurs établissements, notamment par des investissements soutenus en machines et équipements.

L’Alliance de la transformation agroalimentaire(ALTA) le reconnaît d’emblée. « Les transforma-teurs ont donc besoin d’investissements majeursen équipements et en machineries permettant àlong terme de compenser le retard de productivitéet d’assurer la rentabilité. »

Le gouvernement du Québec cherche à favoriserl’investissement du secteur manufacturier. Il a,par exemple, réduit la taxe sur le capital, et enattendant de l’abolir totalement, il accorde auxinvestisseurs du secteur manufacturier une me-sure d’amortissement accéléré et un crédit detaxe de 15 % sur le capital. Le gouvernement arendu public en novembre dernier un plan d’actionen faveur du secteur manufacturier dont un desobjectifs est d’accroître les investissements.

L’ALTA déplore trois lacunes relativement à l’accèsau financement. Elle soutient : • que seulement 4,1 % du budget d’Investis-

sement Québec fut affecté, en 2005-2006, àla transformation alimentaire alors que cetteindustrie est responsable de 13 % des expé-ditions manufacturières;

• que la Société générale de financement (SGF)n’est pas suffisamment active en transforma-tion alimentaire;

• que les institutions privées et publiques de ca-pital de risque ont des attentes de rendementsur les investissements que les entreprises detransformation alimentaire ne peuvent satis-faire.

Examinons ces critiques. L’analyse du rapportfinancier d’Investissement Québec pour les troisdernières années révèle que le montant de fi-nancement octroyé à la transformation alimen-taire a représenté entre 2,8 % et 5,4 % dufinancement total offert par l’organisme. Cesrapports soulignent en outre qu’entre 6,6 % et7,8 % des projets qui ont été acceptés par In-vestissement Québec proviennent de l’agroali-mentaire, ce qui traduit le fait que les entreprisesde ce secteur soumettent de plus petits projets.

Il y a donc un certain déséquilibre entre l’impor -tance de la transformation alimentaire et l’ordrede grandeur des ressources qu’y consacre In-vestissement Québec. La société d’État devraitchercher les moyens d’y remédier, même s’il nefaut pas établir a priori une répartition des inter-ventions d’Investissement Québec en fonctiondu PIB relatif de chacun des secteurs d’activitééconomique.

Tableau 13

INVESTISSEMENTS DU SECTEUR DE LA TRANSFORMATION ALIMENTAIRE, DES SECTEURS MANUFACTURIERS ET DE L’ENSEMBLE DE L’ÉCONOMIE DU QUÉBEC ENTRE 1998 ET 2006 (M$)

Sous-secteurs 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006** 2006/et secteurs 1998 (%)

Fabrication d’aliments et boissons 497,5 523,7 429,9 459,7 662,3* 406,7 350,4 365,0 427,4 -14,1

Secteurs manufacturiers 4 983,8 6 078,8 6 735,1 5 290,4 4 489,7 5 081,4 4 713,1 4 124,3 3 904,8 -21,7

Ensemble de l’économie(sauf habitation) 26 079,5 27 889,2 28 673,3 28 117,3 28 499,3 29 176,7 32 530,6 32 392,0 33 844,6 +29,8

Le tabac est exclu de ces données.* Hausse des investissements dans deux catégories d’industries : Produits laitiers et Sucre et confiserie.** Données provisoires.

Source : STATISTIQUE CANADA, Investissements publics et privés, tableau CANSIM 029-0005, mis à jour le 10 octobre 2007.

49. Il s’agit des entreprises Élevages Périgord et Boucherie Jean-Guy Soucy.

Par ailleurs, le jugement que porte l’ALTA àl’égard de la SGF est fondé. Depuis 2004, la So-ciété n’a réalisé que deux placements dans unenouvelle entreprise de transformation alimen-taire49. Mais ce comportement n’est pas propreà la transformation alimentaire : il est pour ainsi diregénéralisé. Au cours des cinq dernières années,cette société d’État a consacré l’essentiel de sesactivités à des investissements dans des entre-prises qui étaient déjà dans son portefeuille.

La situation du capital de risque est plus com-plexe. Les institutions de capital de risque s’inté-ressent avant tout aux entreprises techno logiquesou aux entreprises très innovantes, celles dites« de la nouvelle économie », qui sont susceptiblesde mettre au point et de commercialiser une dé-couverte ou un produit hautement novateur etd’en faire un grand succès. Tous les projetsn’offrent pas ce genre de perspectives. Il existe,par ailleurs, plusieurs fonds publics et privésd’investissement appelés fonds de développement(pour les distinguer des fonds de capital derisque) dont les exigences sont compatibles avecles besoins des secteurs plus « traditionnels » del’économie.

Afin de favoriser l’accès au capital, les gouver-nements ont aussi mis sur pied ou favorisé lacréation de fonds qui, tout en soutenant l’inves-tissement, n’ont pas les mêmes attentes de ren-dement que les institutions de capital de risque.Au Québec, c’est notamment le cas :

• des prêts d’Investissement Québec;

• des fonds locaux d’investissement (FLI);

• des fonds de développement régional (FDR);

• des prêts de La Financière agricole du Québecconsentis aux transformateurs associés auxproducteurs;

• des fonds régionaux soutenus par le gouver-nement :

– les Solides, en partenariat avec le Fonds desolidarité de la FTQ;

– Capital régional et coopératif Desjardins(CRCD);

– les fonds d’initiatives économiques régio-nales (FIER).

Au gouvernement fédéral, les fonds suivantsjouent des rôles comparables : • l’aide financière de Financement agricole Ca-

nada (FAC);

• les fonds gérés par les sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC);

• certains prêts de la Banque de développementdu Canada (BDC);

• le Fonds de développement de la transformationalimentaire (FDTA) d’Agriculture et Agroali-mentaire Canada.

Cette offre de capitaux est-elle suffisante? Plu-sieurs acteurs du domaine économique estimentqu’il y a un trop grand nombre de fonds. Ils sontaussi très nombreux à considérer que ce n’estpas tant le financement qui fait défaut que laqualité des projets de développement et d’in-vestissement.

Par delà les analyses de l’offre de capital, un faitdemeure : les entreprises de transformation ali-mentaire, qui ont pourtant un pressant besoin demoderniser leurs installations et leurs équipe-ments pour faire face à la concurrence accrue età la forte appréciation du dollar canadien, main-tiennent pour ainsi dire un niveau d’investissementminimal qui, de toute évidence, est nettement in-suffisant dans les circonstances. Il faut chercherà stimuler l’investissement dans la transformationalimentaire. Un effort de rattrapage s’imposemême. Le Mouvement des caisses Desjardins yvoit une certaine urgence : « L’État doit appuyerfermement les efforts [des entreprises] et créerles conditions favorables à la croissance et audéveloppement de leur compétitivité. »

L’accompagnement des promoteurs. Lesgrandes entreprises ont accès à des ressourcesqui leur permettent de planifier leurs projets d’in-vestissement et de structurer leurs besoins et demandes de financement. Les PME n’ontgénéralement pas cette expertise. Bien que lesecteur privé soit le principal pourvoyeur d’aide-conseil aux entreprises, certains ministères, notamment le ministère du Développement éco-nomique, de l’Innovation et de l’Exportation, ontjugé bon de mettre sur pied des équipes char-gées d’accompagner les entrepreneurs dans ladémarche de maturation des projets d’investisse-ment. Le récent plan d’action du gouvernementdu Québec en faveur du secteur manufacturieralloue 51 millions de dollars sur cinq ans afind’offrir aux PME un accès aux conseilsd’équipes d’experts en productivité.

100 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

50. INSTITUT DE LA sTATISTIQUE DU QUÉBEC, Indicateurs de l’activité scientifique et technologique au Québec, 2006.

Ces services d’accompagnement manquentmanifestement dans le secteur agroalimentaire.La création de TRANSAQ (Transformation alimen-taire Québec) par le ministère de l’Agriculture, desPêcheries et de l’Alimentation du Québec(MAPAQ) a notamment pour objectif d’offrir cetaccompagnement, tant à partir de l’organisationcentrale du Ministère que de ses bureaux régio-naux. Toutefois, les moyens octroyés afin demettre en place de tels services étaient et de-meurent nettement insuffisants. Compte tenudes efforts qu’il faut déployer pour accroître lesinvestissements en transformation alimentaire, ilest essentiel de renforcer l’équipe d’experts sec-toriels de TRANSAQ et d’accroître en région lenombre d’employés ayant la compétence pouraider les entreprises à mieux planifier et structurerleur projet d’investissement.

L’innovation. En 2003, les dépenses des entre-prises québécoises de transformation alimen-taire en recherche et développement attei gnaient0,27 % des livraisons, alors que le ratio était de0,17 % pour l’ensemble du Canada et de 0,18 %pour l’Ontario. Malgré tout, l’investissement enrecherche et développement de la transformationalimentaire est nettement plus faible que celuiaffiché par l’ensemble du secteur manufacturier(0,3 % comparativement à 2,3 %, en 2002)50. Deplus, même si ces entreprises peuvent collaboreravec des universités, des centres de rechercheet plusieurs centres de transfert technologique,seulement 15 % des transformateurs font appelà ces institutions publiques de R et D.

Il est essentiel de répandre dans les entreprises une culture de l’innovation; il en va de l’avenir même de segments entiers de la transformation alimentaire. Ce besoin est particulièrementcriant en matière de développement de produits.

L’ALTA soutient que les critères d’accès aux créditsd’impôt à la recherche et développement sontmal adaptés au secteur agroalimentaire. La notiond’innovation et de développement de produitsdoit certes être circonscrite. C’est une tâche re-lativement complexe. Un nouveau produit, c’estautre chose qu’un changement de recette, mais

il ne devrait pas non plus être nécessaire d’in-venter une nouvelle molécule pour être admis -sible aux crédits d’impôt pour la recherchescientifique et le développement expérimental. Ilsemble que les critères actuels s’appliquent avecune relative facilité lorsqu’il s’agit d’un produitissu des biotechnologies, mais qu’ils ne rendraientpas justice aux efforts de recherche et dévelop-pement consentis pour mettre au point des pro-duits « moins spectaculaires » ou certains typesde procédés de fabrication ou de conservation. Ilconvient d’encourager l’innovation dans les en-treprises de transformation en assouplissant lesrègles d’accès aux crédits d’impôt pour la R et D.

Par ailleurs, le Groupe conseil R et D agricole etagroalimentaire du Québec a présenté, lors desaudiences de la Commission à Saint-Hyacinthe,un témoignage éloquent sur la sous-utilisationactuelle des outils fiscaux pour la recherche et ledéveloppement. Le porte-parole du groupe s’estexprimé ainsi : « La recherche et développementest applicable à une foule de projets. Seulel’imagination en limite les possibilités… Les cré-dits d’impôt non réclamés du secteur agricole etagroalimentaire se situent entre 40 et 50 millionsde dollars par année… Nous nous privons ainsid’un incitatif majeur qui pourrait autrement permettre à l’industrie agricole et de la trans -formation alimentaire du Québec d’améliorer davantage sa position concurrentielle sur le mar-ché mondial. »

Afin d’inciter les entreprises à faire appel à l’ex-pertise des universités et des centres de transferttechnologique, des crédits d’impôt leur sont ac-cordés à l’égard des dépenses encourues dansle cadre des travaux de recherche appliquée oudes essais qu’elles réalisent avec les institutionspubliques. C’est ainsi que les entreprises quicollaborent avec les centres collégiaux de trans-fert de technologie (CCTT) bénéficient de créditsd’impôt remboursables; cependant, si elles fontaffaire avec le service d’innovation technologiquede l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA) àSaint-Hyacinthe, ces entreprises ne peuvent seprévaloir de crédits d’impôt. De même, le gou-vernement développe des centres de transfertde technologie dans les cégeps, mais pas àl’ITA. Ces distinctions sont purement tech-niques; le gouvernement veut simplement en-courager les partenariats entre les institutions duministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport etles entreprises. Comme l’ITA relève du MAPAQ, ilne bénéficie pas du même traitement. Il faut dé-passer ces barrières administratives.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 101

L’approvisionnement. Lors de son témoignageà la Commission, l’ALTA a beaucoup insisté surles contraintes des entreprises de transformationsur le plan des approvisionnements en matièrespremières et sur celui de l’écoulement de leursproduits.

Les entreprises se sentent coincées, comme entre l’arbre et l’écorce, « entre des monopoles de vente qui détiennent une force politiqueimposante et une force économique impressionnante et des oligopoles d’achat quidictent toutes les conditionspour leurs fournisseurs ».

De plus, les entreprises engagées dans la trans-formation des produits alimentaires sous gestionde l’offre n’ont guère de perspective de crois-sance au Québec, surtout si elles se spécialisentdans ces créneaux spécifiques. En effet, le coûtdes matières premières des principaux produitssous gestion de l’offre rendent les produitstransformés au Canada non compétitifs sur lesmarchés extérieurs. De plus, comme on le sait,le marché québécois est restreint. Certaines en-treprises ont donc cherché à tirer le maximumd’avantages d’un accès plus facile au marchécanadien. Aujourd’hui, cette possibilité étant re-lativement bien exploitée, elles doivent réaliserl’essentiel de leur croissance à l’extérieur duQuébec.

LE DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX PRODUITS

1. La tendance lourde des changements de produitLa production agricole québécoise et la trans-formation sont largement dominées par ce qu’onappelle les « commodités », c’est-à-dire les pro-duits de masse, non différenciés. On estime quemoins de 10 % des produits alimentaires qué-bécois font l’objet d’une véritable différenciation.Malgré tout, chaque année, plus de 4000 nou-veaux produits arrivent chez les distributeurs ali-mentaires qui, compte tenu des limites d’espace,remplacent autant de produits qui « sortent destablettes ».

La tendance aux produits nouveaux est déjà bien établie; elle va inévitablement s’accentuer.

La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ)partage cette perspective : « L’avenir de la trans-formation alimentaire passe par un virage versdes produits différenciés, de créneaux à plusforte valeur ajoutée, misant sur les aspects dequalité, de santé, de proximité, de respect del’environnement. Les autorités publiques doiventappuyer ce virage. »

La concurrence de plus en plus vive qui s’exercesur les produits de masse incite un nombre gran-dissant de producteurs, de transformateurs et dedistributeurs à s’intéresser au développement deproduits différenciés. Agropur dit à ce propos :« Pour répondre à ses besoins alimentaires, leconsommateur recherche de plus en plus desproduits innovateurs, à valeur ajoutée, ainsi quetous les produits prêts à manger… Nous esti-mons aujourd’hui, par exemple, que les ventesde produits à valeur ajoutée représentent prèsde 30 % du marché du lait de consommation. »

102 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

La mise au point d’un nouveau produit et samise en marché requièrent cependant des com-pétences qui ne sont pas toujours présentesdans les PME québécoises. Un effort accru enmatière de recherche et d’innovation s’impose,comme nous le verrons au chapitre 8. Par ailleurs,si l’on reconnaît d’emblée que, lorsqu’ils sontappuyés par des activités d’innovation, plusieurstransformateurs québécois font preuve d’unegrande créativité en matière de mise au point denouveaux produits alimentaires, l’habileté desPME à commercialiser leurs produits paraît net-tement plus faible. Cette lacune est reconnue parles experts de l’industrie et par l’ALTA elle-même.

Dans les années 90, le gouvernement du Québeca lancé le programme Impact-PME. Ce pro-gramme visait à inciter les PME manufacturièresà embaucher un ingénieur dans le but d’accélérerla modernisation des entreprises et d’accroîtrela productivité. L’État québécois assumait, pendant un an, la moitié du salaire de ce nouvelemployé. Au départ, bon nombre de PME sous-estimaient nettement le rôle que pouvait jouer uningénieur dans leur établissement avant de sous-crire au programme. Toutefois, dans une forteproportion des cas, elles se rendaient compte encours d’année de la contribution souvent indis-pensable de ce professionnel au développementde l’entreprise. Dans la même perspective, denombreuses PME de la transformation alimen-taire bénéficieraient grandement de l’expertised’un spécialiste en marketing et en mise en mar-ché des produits alimentaires. Elles tireraientégalement profit des connaissances des spé-cialistes en procédés de transformation.

2. Des créneaux à consolider et à développerCertains créneaux porteurs doivent être consolidés;d’autres doivent impérativement faire l’objet d’uneexploration vigoureuse parce qu’ils présententmanifestement un haut potentiel de développe-ment pour l’agriculture et l’agroali mentaire qué-bécois.

C’est notamment le cas de l’activité fromagèrequébécoise. Nous avons développé en quelquesannées une gamme impressionnante de fro-mages de très haute qualité. Il faut consolider cesegment de l’agroalimentaire. En effet, la grandemajorité des entreprises de fabrication de fro-

mage demeurent à un stade artisanal et leurs ac-tions sont très limitées en matière de mise enmarché. Elles ont peu accès à la recherche et àla formation et elles sont généralement peu en-cadrées sur le plan des contrôles de qualité.Certaines entreprises ont cependant la capacité,grâce à leur expertise ainsi qu’à la qualité et à larenommée de leurs produits, de passer à unstade de développement qui va au-delà de laproduction artisanale : il faut les aider à franchirce pas déterminant. Une action structurantes’impose afin de préserver la qualité des fromagesquébécois et de favoriser le développement desentreprises de fabrication de ce produit et leurdéploiement sur les marchés québécois et ca-nadien.

Le créneau des produits biologiques connaîtune croissance importante au Québec, au Ca-nada et dans plusieurs pays développés. Lesventes d’aliments issus de la production biolo-gique au Canada seraient d’environ un milliard dedollars par année, soit 2 % du total des dépensesde consommation de produits alimentaires51. Onestime que plus de 80 % des produits biologiquesachetés au Canada proviennent de l’étranger,essentiellement des États-Unis, et qu’ils sontvendus principalement sous forme de produitstransformés et préemballés.

Il existe peu de données sur la consommationdes produits biologiques au Québec. On sait ce-pendant que les grands distributeurs alimentaires(Loblaw, Sobeys et Metro) ont vendu, en 2006,des produits biologiques pour une valeur de75,6 millions de dollars, ce qui représente moinsde 1 % de leurs ventes totales. Les produitspréemballés, comme les boissons à base de soyaet les yogourts, comptent pour environ 75 % desventes de produits biologiques au Québec dansle réseau de la grande distribution. Les produitsbiologiques sont aussi vendus directement auconsommateur et dans d’autres circuits, notam-ment dans les marchés publics, aux comptoirs àla ferme et dans certains magasins spécialisés.Au Canada, on estime que les supermarchés neréalisent que 41 % des ventes de produits bio-logiques.

Les produits biologiques représentent donc uncréneau intéressant auquel les entreprises detransformation alimentaire et les producteurs-transformateurs devraient porter un plus grandintérêt.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 103

51. MAPAQ, « Les produits biologiques dans la grande distribution alimentaire au Québec », Bioclips+, vol. 10, no 4, novembre 2007.

52. Paul PAQUIN, Étude du potentiel de marché des ingrédients laitiers protéiques au Canada, Centre de recherche STELA, Faculté dessciences de l’agriculture et de l’alimentation, Université Laval. Étude produite pour Agriculture et Agroalimentaire Canada, la Commissioncanadienne du lait et les Producteurs laitiers du Canada.

53. Paul PAQUIN et autres, Étude prospective des ingrédients laitiers, 2015, avril 2007.

54. La Commission canadienne du lait délivre des permis, à certaines conditions, pour du lait servant à la production d’ingrédients laitiers utilisés essentiellement en confiserie.

L’écart qui sépare la demandedes consommateurs de l’offre de produits biologiques justifieamplement la mise au pointd’une stratégie concertée de développement de la transformation de ces produits.

Il serait même possible de prendre, dans ce cré-neau, une avance sur les autres provinces,comme nous l’avons fait avec les fromages fins.Le Québec produit 57 % des fromages fins duCanada.

Par ailleurs, la production d’ingrédients laitiersprésente, aux yeux de plusieurs experts, un fortpotentiel de développement. Appuyées par la re-cherche, des entreprises innovantes de plusieurspays ont développé à grande échelle plus d’unetrentaine de types d’ingrédients laitiers et descentaines de mélanges laitiers fonctionnels. Leprofesseur Paul Paquin de l’Université Laval a recensé, dans une étude publiée en mai 200452,une vingtaine de grandes entreprises qui produi-sent chacune, dans plusieurs pays, entre 300 et10 000 tonnes d’isolats et d’hydrolysats de protéines, des peptides et plusieurs autres pro-duits extraits du lait. Le professeur estime queles entreprises canadiennes utilisent plus de 82 000 tonnes d’ingrédients protéiques. Il rap-pelle que certains de ces produits se vendentjusqu’à 500 $ le kilo gramme, comparativement à15 $ le kilogramme pour la poudre de lait (prixde 2004). M. Paquin note que « les fabricants deproduits nutritionnels et de santé naturels sontconstamment à la recherche d’ingrédients plusperformants à haute valeur ajoutée et que cesecteur est en forte croissance ».

Dans une étude produite en avril 200753 aveccertains collègues, pour le compte de Novalait, leprofesseur Paquin souligne qu’à l’échelle mon-diale, la vente d’ingrédients laitiers a augmentéde 77 % entre 1995 et 2004. Il ne prévoit aucunralentissement de cette croissance : « Il y a unedemande de plus en plus forte et spécifiquepour les ingrédients laitiers. Cette tendance nefera que s’accélérer avec le développement deplus en plus présent des aliments fonctionnelset des produits nutritionnels afin de répondreaux problématiques du vieillissement et de santédes individus. »

Jusqu’ici, la Fédération des producteurs de laitdu Québec s’est systématiquement opposée àl’importation d’ingrédients laitiers au Canada etelle a cherché à limiter l’utilisation de ces ingré-dients par l’industrie de la transformation54. Cesprises de position défensives n’ont pas exercéune grande influence sur le développement deces produits dans plusieurs régions du mondeni sur leur utilisation par les entreprises cana-diennes de transformation alimentaire. Cette po-sition empêche nos entreprises de voir et desaisir des occasions de développement de pro-duit et de marché au bénéfice des producteurset des transformateurs québécois.

Le Québec a acquis une expertise particulière,mondialement reconnue, dans certaines spécia-lités de la science des protéines, appelé la pro-téonique. Certaines entreprises québécoisespourraient avantageusement prendre appui surces institutions et ces chercheurs pour concevoirdes ingrédients laitiers à très forte valeur ajoutée.On pourrait, en premier lieu, remplacer les im-portations actuelles d’ingrédients laitiers quivont inévitablement s’accroître puisque cessubstances sont de plus en plus utilisées pourla production d’aliments attendus de certainescatégories de consommateurs.

En deuxième lieu, le Québec pourrait occuperdes niches sur les marchés internationaux et entirer des bénéfices importants. On peut à la foisvaloriser la crème glacée produite avec de la« vraie crème » ou le fromage fait à partir de laitentier et participer en même temps à l’élaborationde substances alimentaires présentant un hautdegré d’innovation. Ce n’est pas incompatible.

104 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

55. Selon l’Association des vignerons du Québec.

56. Cité dans le mémoire présenté à la Commission conjointement par l’Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels et parl’Association pour les ingrédients santé en alimentation.

57. STATISTIQUE CANADA, Enquête sur les nutraceutiques et les aliments fonctionnels, 2005.

Une autre production sous-estimée est celle devins et d’alcools. Certes, le climat québécoisimpose des contraintes à la viticulture et l’on alongtemps pensé que ces contraintes ne per-mettaient pas d’envisager une production viticolerentable. Mais des pionniers s’y sont attaqués,modestement au départ, puis avec un savoir etdes moyens de plus en plus imposants.

La phase d’exploration, d’essai et d’expérimen-tation est maintenant terminée, même si le pro-cessus d’amélioration continue de la qualité sepoursuit. Les viticulteurs de plusieurs régionsproduisent actuellement des vins dont la qualité,non seulement s’améliore sans cesse, mais sedistingue de plus en plus dans des concours in-ternationaux prestigieux. Certains alcools, dontle vin et le cidre de glace, ont acquis une trèsgrande renommée.

Les Québécois et les Québécoises consommentannuellement 170 millions de bouteilles de vin; ilsn’achètent que 150 000 bouteilles de vin québé-cois par année (0,09 %) de la Société des alcoolsdu Québec (SAQ), sur une production estimée àun million de bouteilles55. La SAQ a réalisé, en2006-2007, des ventes de vins et d’alcools qué-bécois pour une valeur de 15 millions de dollars,en hausse de 12 % par rapport à l’année précé-dente.

Il est maintenant possible et même nécessaired’accroître la production de ces vins et autres al-cools : chaque fois que l’on remplace un produitimporté par un produit d’ici, on crée de la ri-chesse et des retombées économiques pour lescollectivités et le Québec.

La viticulture et la viniculturereprésentent d’ailleurs une illustration convaincante de la multifonctionnalité de l’agriculture. Voilà des productions qui permettent de tirer profit des ressources du milieu et auxquelles est associée une foule d’activités récréatives, gastronomiques et touristiques.

Le gouvernement ontarien a soutenu les pro-ducteurs viticoles de la province dans leur choixde produire une grande diversité de vins, dontcertains sont d’excellente qualité. Il les a no-tamment aidés à mettre en place des contrôlesde qualité et il s’est adjoint la société responsablede la vente d’alcool en Ontario (Liquor ControlBoard of Ontario ou LCBO) pour faire une pro-motion systématique des vins de la province.

Un autre créneau de marché qui semble méconnudes entreprises québécoises de transformationalimentaire est celui des produits nutraceutiqueset des aliments fonctionnels. Les principauxingrédients santé utilisés dans l’alimentationsont : les prébiotiques et probiotiques, les pep-tides bioactifs et protéines santé, les antioxydants,les vitamines et minéraux naturels et les lipides(oméga-3). Selon le National Business Journal56,le marché des aliments fonctionnels et des pro-duits nutraceutiques s’établissait à près de90 milliards de dollars à l’échelle mondiale en2005 et serait en forte croissance (on évaluait cemarché à 39 milliards en 1997). Statistique Ca-nada a recensé 389 compagnies actives dans cecréneau, réalisant des ventes de 2,9 milliards dedollars en 200257. Le développement de ce mar-ché est stimulé par les préoccupations grandis-santes des consommateurs pour la santé.

L’Institut des nutraceutiques et des alimentsfonctionnels (INAF) de l’Université Laval a souligné,dans un mémoire présenté à la Commission, « lecoût relativement important lié à la recherche etdéveloppement et tout particulièrement pour lesétudes nutritionnelles cliniques ». Ce créneaupeut donc être visé par des entreprises ayant unebonne capacité d’innovation et de R et D. Maisl’importance de ce segment de marché est telleque certains leaders de la transformation ali-mentaire québécoise devraient s’y intéresser activement. Les outils fiscaux déjà en place poursoutenir la recherche et développement de-vraient d’ailleurs inciter ces entreprises à s’y en-gager. Le potentiel de recherche de l’INAF etl’expertise de son personnel constituent en soiun avantage stratégique important pour les en-treprises québécoises.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 105

Le développement de marques. La quasi-totalitédes secteurs économiques dynamiques, dans lespays industrialisés, compte sur un petit nombred’entreprises qui exercent un leadership dans ledéveloppement du secteur, par leur capacité derecherche et développement, la force de leursréseaux et leurs moyens d’action. De multiplesPME collaborent de diverses façons avec cesgrandes entreprises ou bénéficient des marchésque ces entreprises phares ont déjà percés.

Comme on l’a vu, le Québec peut compter surquelques grandes entreprises de transformationalimentaire qui ont la capacité de consoliderleurs marques et de les faire connaître à l’échellecanadienne. Ces entreprises n’ont certes pas lataille des géants de l’alimentation, comme Nestlé,Kellogg ou Kraft, mais si elles veulent livrerconcurrence à ces multinationales dans quelquescréneaux, elles doivent « imposer » leursmarques. Or, c’est une démarche coûteuse quicomporte certains risques.

Les gouvernements devraientencourager les industries leadersde la transformation alimentaire,notamment en partageant certains coûts associés au développement des marques,dans le respect des règles ducommerce international.

La mise en marché des produits différenciéspourrait être facilitée par la contribution du réseaude commercialisation de certaines grandes entre-prises québécoises. Cette stratégie est gagnanteparce que les grandes entreprises ont la capacitéde s’associer à des producteurs et à d’autrestransformateurs pour exploiter certaines spécifi-cités québécoises et les propulser sur de plusgrands marchés.

La présence en région. Environ 80 % des em-plois de la transformation alimentaire sontconcentrés dans les régions métropolitaines deMontréal et de Québec. On trouve néanmoinsdans la plupart des régions administratives uncertain nombre d’entreprises de cette industrieet presque partout, des produits alimentaires quipourraient être transformés sur place.

La création et la consolidation d’entreprises detransformation constitue l’une des principalesavenues de diversification de l’économie des ré-gions périphériques. Ce choix s’inscrit pour ainsidire dans la continuité de l’agriculture. Il fait partiedes pistes d’action à emprunter pour revitaliserle milieu rural. À cet égard, il y a lieu d’accorderplus d’attention et d’importance à la transfor-mation de créneau et aux projets des produc-teurs-transformateurs.

C’est, pour une bonne part,dans la perspective du développement local et régional qu’il faut soutenir latransformation alimentaire.

Les mesures d’aide financière favorisant l’im-plantation de nouvelles entreprises dans les régionsdevraient s’inscrire dans une stratégie d’appuiaux spécificités d’une région en matière agroali-mentaire, de soutien à ses efforts de différenciationsur le marché québécois et, éventuellement, surles autres marchés.

Les acteurs du secteur agricole et agroalimen-taire devraient aussi se préoccuper des effets deleurs décisions stratégiques sur le développe-ment régional. Par exemple, la Fédération desproducteurs de lait du Québec a adopté une po-litique selon laquelle le lait est livré aux transfor-mateurs à un prix uniforme, quelle que soit lalocalisation de leur entreprise. Dans un contextedéjà marqué par une forte tendance à la concen-tration de ces entreprises, cette politique a eupour effet de favoriser l’implantation de cesusines de transformation à proximité des grandsmarchés de consommation, c’est-à-dire dans larégion métropolitaine de Montréal. Les résidantsde certaines régions productrices de lait voientdonc passer des camions qui transportent le laitbrut et le lait transformé dans un aller-retour per-pétuel qui ne leur apporte aucune retombée surle plan de la transformation. C’est une choseque de partager les frais de transport entre tousles producteurs, c’en est une autre que d’offriraux entreprises un prix uniforme du lait livré àl’usine, quelle que soit la distance qui la séparedes troupeaux laitiers.

Afin de faciliter l’émergence et le développementd’un plus grand nombre d’entreprises de transfor-mation alimentaire, plusieurs actions devraient êtreenvisagées : un meilleur soutien local et régional àl’entrepreneuriat, l’aide au démarrage d’entre-prises, l’accès à des mesures d’aide et de finan -cement pour les producteurs-transformateurs, la

106 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

58. Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent, Côte-Nord, Nord-du-Québec, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Mauricie et Abitibi-Témiscamingue.

disponibilité d’infrastructures comme des abat-toirs, l’accès aux services-conseils et à des lieuxpour effectuer les essais d’un nouveau produit,etc.

Par ailleurs, les entreprises manufacturières desrégions-ressources58 bénéficient de crédits d’im-pôt et de congés fiscaux à l’égard des investis-sements et des dépenses d’exploitation qu’ellesréalisent dans ces régions. Ces crédits d’impôtsont disponibles jusqu’en 2010.

Le gouvernement a aussi mis sur pied un pro-gramme de subvention appelé Programme d’ap-pui à la transfor mation et à la valorisation desproduits agricoles en région.

À ce sujet, le Groupe d’agrotransformateurs del’Abitibi-Témiscamingue a avancé que « le pro-gramme d’appui à la transformation alimentaire,mis en place en 2002, dans le cadre de l’aideaux régions-ressources, a favorisé l’émergenceet le développement de cette industrie. D’ail-leurs, la région de l’Abitibi-Témiscamingue a étél’une de celles qui se sont le plus prévalues dece programme dans l’ensemble du Québec ».

Les crédits alloués pour ce programme sont ex-pirés depuis 2004. Il y aurait lieu de mettre surpied un programme de ce type et de l’offrir àl’ensemble des entreprises de transformation duQuébec.

Les principaux outils de soutien au démarrageet à l’expansion des entreprises sont désormaisgérés par des organismes régionaux et locaux :centres locaux de développement (CLD), fondslocaux d’investissement (FLI) et fonds de dévelop -pement régional (FDR). Certains de ces organismessont même sous la responsabilité des élus mu-nicipaux, au sein des conseils régionaux desélus et des MRC.

C’est principalement au niveau local ou régionalque doivent s’élaborer les stratégies de diversi-fication de l’économie rurale, notamment lesplans de soutien aux entreprises de transforma-tion alimentaire et certaines mesures d’aide auxproducteurs-transformateurs. Les programmesnationaux d’aide à l’investissement complètent lesmesures de soutien mises à contribution auxdeux autres paliers.

Les appellations réservées. Les Européens furent les pionniers du recours aux appellationsréservées pour certains produits typés associésà une région ou même à une localité, à un procédéde fabrication ou de transformation, à un typed’élevage ou de culture. Avant de s’appliquer àla mise en marché d’un produit, un systèmed’appellations réservées instaure des cahiersdes charges qui standardisent la production, unencadrement légal qui délimite le territoire ou lescaractéristiques spécifiques du produit, des mécanismes de contrôle de la qualité chez lesproducteurs et transformateurs et des outils desurveillance du respect de l’appellation. Les sys-tèmes d’appellations réservées sont presquetous appuyés par un dispositif de traçabilité.

Le Québec a adopté en 1996 la Loi sur les appel -lations réservées qui est devenue, en 2006, laLoi sur les appellations réservées et les termesvalorisants. La Loi vise à reconnaître trois typesd’appellations :• les appellations d’origine et les indications

géographiques protégées;

• la spécificité d’un produit, illustrée par sacomposition et le caractère traditionnel desmatières premières utilisées;

• le mode de production et de fabrication, quipermet de distinguer un produit des autresd’une même catégorie.

À ce jour, une seule appellation réservée a étémise en application sous l’égide du Conseil desappellations agroalimentaires du Québec, celledes produits biologiques. En fait, la Loi n’a pasvéritablement été mise en œuvre, le règlementd’application de cette loi n’ayant toujours pasété adopté par le gouvernement.

En l’absence d’un tel encadrement normatif, laconfusion règne. Une multitude de désignationsse côtoient dans les magasins de détail, faisantréférence à des caractéristiques généralementassociées aux appellations contrôlées : produitsdu terroir, artisanaux, fermiers, traditionnels, àl’ancienne ou identifiés à une région précise, etc.Certains de ces produits ont d’incontestablesqualités nutritives et gastronomiques, mais leurcaractérisation est avant tout une affaire de marketing et la confusion actuelle risque d’entre -tenir des ambiguïtés que la Loi a voulu dissiper.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 107

Tableau 14

VALEUR DES EXPORTATIONS INTERNATIONALES ET INTERPROVINCIALES DU QUÉBEC ET RETOMBÉES SUR L’EMPLOI (2004)

Exportations Valeur (milliards de dollars) Emplois générés Part de l’emploi total

Internationales 91,9 643 800 17,5 %

Autres provinces 52,1 474 800 12,9 %

Total 144,0 1 118 600 30,4 %

Source : MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE L’INNOVATION ET DE L’EXPORTATION DU QUÉBEC.

Plusieurs participants aux audiences de la Commission ont souhaité une mise en application rapide de la Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants.

Solidarité rurale du Québec a rappelé, tout endéplorant que cette loi n’ait pas encore produitde résultat, que sa mise en œuvre requiert desmoyens importants. « La protection des appella-tions exige des mesures musclées et proactivesdonnant un signal clair et sans équivoque à tousceux qui usurpent et abusent des appellations. »L’organisme ajoute qu’en plus de ces méca-nismes de surveillance, il faut « des mesurescombinées au développement de l’expertise etde la veille sur les marchés et jumelées à desprogrammes d’accompagnement pour les dé-marches d’appellation ». Il est clair que le déploie-ment et le succès des systèmes d’appel lationsréservées passera par des engagements com-muns des producteurs, des transformateurs etdu gouvernement.

L’exportation. Le Québec, à l’instar des régionsou des pays développés qui sont faiblementpeuplés, a une capacité de production de bienset services qui excède de beaucoup les besoinsde son marché domestique. C’est pourquoil’économie québécoise est tournée vers les mar-chés canadiens et internationaux. En 2005, lesventes à l’extérieur de nos frontières représen-taient 52,7 % de notre produit intérieur brut.Cela place le Québec parmi les sociétés les plusouvertes au monde (7e parmi les pays de l’OCDE).

Nous pratiquons les échanges commerciaux àgrande échelle et notre commerce avec nos voisinsimmédiats et plus lointains est responsable deprès du tiers de tous les emplois au Québec.

Ces échanges constituent une source irrempla-çable de richesse et d’emplois. Notre dévelop-pement et notre niveau de vie actuels sontlargement tributaires de notre capacité de vendredes produits et services aux autres provinces,aux États-Unis et un peu partout dans le monde.Une bonne part des emplois de qualité est jus-tement associée aux produits d’exportation pourlesquels notre capacité d’innovation et le savoir-faire de notre main-d’œuvre sont pleinement misà contribution.

Le secteur agricole et agroalimentaire québécois,pour sa part, réalise des ventes de près de neufmilliards de dollars par année dans les autresprovinces et sur les marchés extérieurs. Des mil-liers d’emplois sont générés par ces activités decommerce interprovincial et international de pro-duits alimentaires québécois. De plus, cesventes à l’extérieur de nos frontières permettentaux entreprises d’atteindre un chiffre d’affairescompatible avec les investissements qu’ellesdoivent consentir pour répondre aux exigencesdes consommateurs québécois et pour offrir àleurs salariés de meilleures conditions de travail.

Il est important de rappelerqu’une entreprise ne peut pas,de façon réaliste, se déployeravec succès sur les marchés extérieurs si elle n’a pas d’abordacquis l’expertise et la rigueurqu’impose l’approvisionnementdu marché québécois.

108 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Le Groupe Export agroalimentaire Québec-Canada, qui représente 350 manufacturiers expor-tateurs et 50 membres offrant des services spé-cialisés de soutien à l’exportation, joue un rôleimportant dans le soutien à l’exportation des pro-duits québécois. L’organisme assure aussi lagestion des programmes des gouvernementsprovincial et fédéral de promotion de produits etde promotion générique sur les marchés inter-nationaux. En tenant compte de la forte appré-ciation du dollar canadien et de la présence d’unplus grand nombre de pays sur les marchésd’exportation, le Groupe Export signale, dansson mémoire présenté à la Commission :« Comme notre économie est grandement dé-pendante de notre commerce extérieur, étantdonné la faible population du Québec, il faudraêtre fort imaginatif pour survivre et diversifier nosexportations pour être moins vulnérables à longterme. » L’organisme est convaincu que le marchédes États-Unis est celui qui offre le plus importantpotentiel de croissance. Le Groupe Export inviteles ministères québécois, en particulier le MAPAQet le ministère du Développement économique,de l’Innovation et de l’Exportation, à harmoniserleurs interventions en matière de soutien à l’ex-portation.

La concertation. Les liens entre les acteurs duréseau agricole et agroalimentaire sont trop sou-vent définis comme reposant essentiellementsur des rapports de force. On comprend que lesintérêts des vendeurs et des acheteurs, commeceux de l’employeur et des salariés, ne sont pasles mêmes et qu’à certains moments, un rapportde force doit s’exercer.

Cependant, dans un monded’ouverture, celui qui a la capacité d’exercer une influence déterminante sur lesprix n’est ni le producteur, ni letransformateur ni le distributeurquébécois. Les facteurs clésproviennent souvent de l’extérieurdu Québec et, pour y faire face, il vaudrait mieux travailler ensemble.

Dans plusieurs secteurs d’activité, malgré laconcurrence que se livrent les entreprises entreelles et malgré les rapports de force appliquéslors du renouvellement des conventions collec-tives, les acteurs, les partenaires ont réussi à serassembler avec profit autour d’enjeux communs,de menaces partagées ou d’occasions à saisirpour le secteur.

Le Mouvement des caisses Desjardins a rappeléà cet égard que « les entreprises agricoles et dela transformation ont des défis communs. Laréussite de l’ensemble de la filière reposera surla capacité des uns et des autres à devenir devéritables partenaires ». Faisant siennes les ob-servations du Global Commerce Initiative, LaCoop fédérée a souligné pour sa part : « Lesconsommateurs exigent que distributeurs et industriels les écoutent avec plus d’attention…Nous devons faire face au défi de penser notreactivité comme faisant étroitement partie d’unechaîne de valeur de plus en plus intégrée, touten maintenant les principes commerciaux es-sentiels liés à une compétition féroce. »

La démarche par filières a contribué à un certainrapprochement des grands intervenants dusecteur agroalimentaire. Mais cette initiatives’est essoufflée. Il est impératif de définir deslieux de concertation où les partenaires expo-sent clairement leurs ambitions et leurscontraintes et conviennent de stratégies qui leurpermettent de saisir ensemble des occasions dedévelopper le secteur.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 109

15.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agricultureet de l’agroalimentaire québécois recommande :

Que le gouvernement du Québec mette à jour et implante unestratégie visant à accélérer, au cours des dix prochaines an-nées, les investissements, l’innovation, la diversification desactivités et le développement en région des entreprises detransformation alimentaire. Que cette stratégie comporte no-tamment les moyens d’action suivants :• des mesures exceptionnelles de soutien à l’investissement

en machines et équipements;• le développement d’un programme spécifique favorisant le

démarrage d’entreprises de transformation, en s’inspirant duprogramme d’appui à la transformation et à la valorisation desproduits agricoles en région. Ce programme serait offert àl’ensemble des régions;

• des initiatives de promotion des services et de l’offre de fi-nancement d’Investissement Québec auprès des représen-tants de la transformation alimentaire et des efforts derapprochement de cette société d’État avec les entreprisesdu domaine;

• la relance des activités de la Société générale de financementsous forme de prises de participation dans des entreprisesde transformation agroalimentaire;

• l’octroi de crédits de fonctionnement à Transformation ali-mentaire Québec afin qu’elle puisse embaucher, pour sonorganisation centrale et dans les régions, des spécialistessectoriels et des agents d’aide au montage des projets dedéveloppement et de transformation;

• une bonification des budgets de transfert de Transformationalimentaire Québec afin qu’elle puisse octroyer, commecomplément aux autres mesures du gouvernement, descontrats de services à des experts pouvant accompagner lespromoteurs dans la maturation de leurs projets de déve-loppement et leur faciliter l’accès aux diverses sources de financement;

• la mise en place d’un programme, d’une durée minimale decinq ans, couvrant 50 % des dépenses encourues pendantdouze mois par une PME de moins de 100 employés de latransformation alimentaire pour embaucher un diplôméuniversitaire spécialisé dans les procédés de transforma-tion, le marketing, la commercialisation et les disciplinesconnexes;

• un programme d’aide à la structuration pour la filière fro-magère québécoise, qui inclurait notamment des mesuresfavorisant l’accès à la recherche, l’aide-conseil et la forma-tion de même que le soutien à la commercialisation et à lamise en place de dispositifs de contrôle de qualité;

• l’élaboration d’un plan de développement de la productionde vin et d’alcools comprenant notamment le cofinance-ment, par le gouvernement et les producteurs, de servicesd’aide-conseil, de transfert technologique, de contrôle dequalité et de promotion des vins et alcools;

110 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Recommandation• la création de consortiums ou de regroupements ad hoc

constitués des institutions publiques de recherche et des en-treprises privées, dont les coopératives, afin de déterminerles principaux créneaux de développement et de commer-cialisation des ingrédients laitiers, des aliments fonctionnelset des produits nutraceutiques et inciter ces institutions etentreprises à utiliser, pour développer ces créneaux, lesmesures découlant de la Stratégie québécoise de la re-cherche et de l’innovation et des crédits d’impôt rembour-sables à la recherche et développement;

• une adaptation des critères d’accès aux crédits d’impôtremboursables pour la recherche et le développement pourtenir compte de certaines caractéristiques propres à latransformation alimentaire, notamment sur le plan de la définition du développement de produits;

• l’admissibilité de l’Institut de technologie agroalimentaire àl’ensemble des mesures destinées aux centres collégiauxde transfert de technologie et l’admissibilité des entreprisesaux crédits d’impôt remboursables pour la recherche et le développement lors qu’elles concluent des ententes avec leservice d’innovation technologique de l’Institut de techno-logie agroalimentaire et ses autres organismes ou services derecherche, de transfert et d’incubation;

• des mesures incitatives offertes aux entreprises de transfor-mation alimentaire qui s’implantent ou qui prennent de l’expansion dans les régions périphériques du Québec, mesures axées principalement sur le soutien au dévelop-pement de leurs créneaux spécifiques;

• le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et del’Alimentation du Québec au développement des appellationsréservées par la mise en œuvre de la Loi sur les appellationsréservées et les termes valo risants et par la mise à jour duProgramme d’appui au développement des appellations ré-servées dans une optique de partage des coûts entre le gou-vernement, les producteurs et les transformateurs intéressés;

• le soutien du gouvernement au développement de marquespar les grandes entreprises agroalimentaires du Québec, notamment en reconnaissant les frais encourus pour déve-lopper et consolider une marque nationale comme des dé-penses admissibles aux programmes d’aide financière auxentreprises manufacturières;

• l’harmonisation des interventions du ministère de l’Agri-culture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec et duministère du Développement économique, de l’Innovationet de l’Exportation en matière de soutien à l’exportation etla mise à contribution plus systématique des délégations etbureaux du Québec à l’étranger dans l’aide à l’exportationdes produits agroalimentaires québécois;

• la promotion active de la concertation comme moyen deplanifier et de stimuler le développement du secteur agroa-limentaire québécois.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 111

59. STATISTIQUE CANADA, Enquête sur le commerce de détail.

60. ASSOCIATION CANADIENNE DES RESTAURATEURS ET DES SERVICES ALIMENTAIRES et MAPAQ.

61. STATISTIQUE CANADA, Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail et Enquête sur la population active, et MINISTÈRE DES

PÊCHES ET DES OCÉANS DU CANADA – RÉGION DU QUÉBEC, juillet 2007.

62. Données de 2004. Ces données excluent les HRI.

63. MAPAQ, Bottin statistique de l’alimentation, édition 2006.

LA DISTRIBUTION DES PRODUITSALIMENTAIRES

1. Les grandes caractéristiquesde l’industrieEn 2006, les ventes au détail des produits alimen-taires s’établissaient à 20,4 milliards de dollars59.Ces ventes sont effectuées dans les établisse-ments suivants :• les supermarchés : 14,6 milliards de dollars

(72 %);

• les dépanneurs et les magasins d’alimentationspécialisés : 3,5 milliards de dollars (17 %);

• les commerces de bière, vin et spiritueux : 2,3 milliards de dollars (11 %).

De plus, le réseau de l’hôtellerie, de la restaura-tion et des institutions (HRI) a effectué desventes de produits alimentaires pour une valeurde 10,7 milliards de dollars en 200660. Le secteurde la restauration est responsable de 75,7 % deces ventes. Le commerce alimentaire (magasinsd’alimentation et grossistes-distributeurs) et la restauration emploient à eux seuls environ 338 000 personnes61.

Au Québec, trois grandes entreprises contrôlent75 % de la distribution alimentaire62. La part demarché de ces trois entreprises est de 57 % auCanada. Il s’agit de Loblaw (Provigo, Loblaws,Maxi, Maxi et cie, etc.), Sobeys (IGA, IGA Extra,Sobeys, Tradition, BoniChoix, Rachelle-Béry, etc.)et Metro (Metro, Super C, Loeb, A&P, etc.). Cettesituation fait dire à l’ALTA que « le marché de ladistribution alimentaire québécois est l’un des plusconcentrés au monde ».

La vente au détail des produits alimentaires s’ef-fectue dans une grande variété d’établissements,même si elle est concentrée dans les supermar-chés et les marchands indépendants qui, pourla plupart, sont approvisionnés par les troisgrandes chaînes de distribution. Il y a aussi lescommerces associés à des chaînes régionales,les boulangeries, fruiteries, boucheries, pois-sonneries, épiceries fines, les petites surfacesoffrant des produits surgelés et des magasinsspécialisés, indépendants ou affiliés à des chaînes

qui vendent des produits spécifiques, biologiques,de créneau ou associés à certaines communautésculturelles. D’autre part, on estime que les ma-gasins non spécialisés en alimentation (Costco,Wal-Mart, Zellers, pharmacies, etc.) occupententre 15 % et 16 % du marché et que cette pro-portion tend à s’accroître.

De nouveaux circuits de distribution commencentà s’affirmer. Parmi les initiatives structurées, no-tons celle de Supermarchés GP, qui regroupequinze supermarchés dans la région de la Capitale-Nationale et dans l’Est du Québec, net-tement axés sur la promotion des produits qué-bécois. C’est aussi le cas des marchés publics,des comptoirs de produits régionaux, des ventesà la ferme et des produits issus de l’agriculture dite« soutenue par la communauté ». Ces nouveauxmécanismes de vente demeurent marginaux,mais un faible pourcentage d’un marché de plusde 30 milliards de dollars (commerces de détail etHRI) peut avoir une importance considérable pourcertains producteurs et transformateurs.

2. Un haut niveau d’intégration etde concentration

Les commerces d’alimentationappartiennent soit aux grandesentreprises de distribution, soit à des entrepreneurs indépendants qui, dans une trèsforte proportion, sont affiliés àl’une ou l’autre des trois chaînesd’alimentation. Par cette affiliation, les commercesindépendants confient aux grands distributeurs une largepart de la responsabilité de leurs approvisionnements.

C’est ainsi qu’au Québec, les chiffres d’affairescombinés des commerces appartenant auxchaînes et des magasins affiliés représentent95,9 % des ventes63 de détail.

112 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

64. Elle dépasse rarement 10 % des marchandises offertes.

65. ACNEILSEN, The Power of Private Label, 2005, et MAPAQ.

66. MAPAQ, « La dynamique de la distribution alimentaire, d’hier à aujourd’hui », BioClips+, août 2007.

67. Wal-Mart a ouvert en Ontario, en 2006, son premier Supercenter offrant 120 000 produits différents (les magasins Wal-Mart ont enmoyenne 80 000 produits, toutes catégories confondues).

Or, les liens qui unissent un commerce à unechaîne d’alimentation exercent une grande in-fluence sur les décisions d’achat, notamment auregard de la gamme des produits offerts et deleur provenance. La discrétion laissée au mar-chand de s’approvisionner sur le marché localvarie selon que le commerce appartient à unechaîne ou y est affilié, mais elle demeure sommetoute limitée par les choix imposés sur le plande l’approvisionnement et de la mise en marchépar les grands distributeurs64. Ces derniers ont eneffet tout intérêt à ce que le maximum d’espacedes magasins qu’ils contrôlent ou qu’ils appro-visionnent par entente d’affiliation soit occupépar des produits qu’ils sont en mesure d’écoulersur l’ensemble de leur réseau québécois et ca-nadien.

Les systèmes mis en place par la grande distri-bution, notamment l’entreposage, le transport etles feuillets publicitaires, sont conçus de manièreà maximiser l’efficacité et la rentabilité de l’ap-provisionnement et de la vente au détail. Lamarge bénéficiaire dans la distribution alimen-taire étant faible, c’est avant tout par le volumedes produits vendus que les entreprises réussis-sent à dégager des profits.

Dans un marché à maturité comme celui de l’ali-mentation au Québec, les entreprises de distri-bution ont cherché, de manière à poursuivre leurcroissance, à développer des marques maison oumarques de distributeurs (Choix du Président,Sans Nom, Compliments, Sélection Mérite, etc.).Il s’agit d’une stratégie qui permet à la fois de fi-déliser la clientèle et d’exercer une plus grandeinfluence sur le choix des produits offerts auxconsommateurs.

Le développement des marques maison a connu unessor important. Les grands distributeurs s’y intéressent de plus en plus; en 2005, lesmarques maison représentaientau Québec 20 % du marché de détail des produits alimentaires65.

Il y a manifestement place pour l’expansionpuisque la part de marché de ces marques mai-son est de 25 % au Canada et aux États-Unis etqu’elle atteint même 45 % dans certains payseuropéens.

Pour l’ALTA, « la vente de produits québécois aumoyen de marques de distributeurs (appeléesmarques privées) constitue un important canalalternatif de vente pour les transformateurs qué-bécois. Le potentiel de croissance des marquesprivées offre donc des opportunités à saisir ».Bien entendu, les entreprises de transformationqui veulent exploiter ce créneau doivent répondreaux standards fixés par les distributeurs. Ellesdoivent en outre avoir la capacité de produire surune base régulière, à longueur d’année et enquantité suffisante pour approvisionner un grandnombre de commerces de détail.

Il est important de souligner qu’en développantleur propre gamme de produits, les grands dis-tributeurs changent la répartition des rôles etleurs liens avec les producteurs et les transfor-mateurs. Selon le MAPAQ, « depuis une ving-taine d’années, les distributeurs ajoutent à leursfonctions traditionnelles des fonctions aupara-vant exclusivement prises en charge par les pro-ducteurs-transformateurs, comme le marketing,la conception de produits ou la logistique66 ».

En ce sens, le développement des marquesmaison offre certes des occasions d’affaires auxentreprises québécoises de transformation,mais les distributeurs deviennent aussi lesconcurrents des transformateurs. De plus, lesmarques maison ne contiennent pas nécessai-rement des produits alimentaires du Québec.Ces marques de distributeurs concurrencent enoutre les marques nationales que cherchent àdévelopper et à consolider les grandes entreprisesquébécoises de la transformation. Par exemple,un jus de fruits produit sous la marque Le Choixdu Président concurrence le même jus mis envente par Lassonde sous la marque nationaleOasis.

Enfin, la recherche des plus bas prix conditionneles stratégies des grandes entreprises de distri-bution. Ce phénomène est même exacerbé parla présence des magasins non spécialisés en ali-mentation, et surtout par l’arrivée de Wal-Martdans le marché des produits alimentaires67. Ces

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 113

114 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

magasins exercent déjà une influence sur l’en-semble du réseau de la distribution alimentaire auQuébec et en Amérique du Nord. Ils continue-ront de peser de leur poids sur les tendances dumarché de la grande distribution.

Le phénomène de la concentration observé dans le commerce de détail des produits alimentaires est reproduit, quoique dans unemoindre mesure, dans l’approvisionnement de l’hôtellerie, des restaurants et des institutions.

Le réseau des HRI comprend de nombreuxtypes d’établissements : restaurants, traiteurs,débits de boisson, cafétérias ou centres alimen-taires d’écoles, d’hôpitaux, de centres d’héber-gement et de centres de détention. Quelquesgrands distributeurs indépendants se spéciali-sent dans l’approvisionnement de ces restau-rants et institutions.

Le réseau des HRI représente, pour les produc-teurs et les transformateurs québécois, un circuitalternatif intéressant pour vendre leurs produits.Plusieurs restaurants et institutions s’approvi-sionnent directement auprès de fournisseurs lo-caux. Ces derniers peuvent donc adapter latotalité ou une partie de leur production aux be-soins spécifiques de cette clientèle. En choisissantce créneau, ces producteurs et transformateurs nesont pas nécessairement soumis aux contraintesd’approvisionnement à plus grande échelle quileur sont souvent posées par les grandeschaînes de distribution de la vente au détail.

3. Les grands défis posés à la distribution alimentaire La distribution alimentaire fait face aux défis dela concurrence qui monte sur plusieurs fronts :entre les entreprises elles-mêmes, avec les com-merces non spécialisés en alimentation, avec lesentreprises étrangères qui convoitent une partdu marché, sur les prix des produits vendus etsur les coûts d’approvisionnement, d’entrepo-sage, de transport et de distribution.

En même temps, la dynamique instaurée par ladistribution alimentaire pose des défis au secteuragroalimentaire tout entier. Comment, dans ununivers où les produits arrivent de partout et où desnouveaux « joueurs » d’ici et d’ailleurs cherchentagressivement à se tailler une place dans unmarché à maturité, les producteurs et les trans-formateurs québécois peuvent-ils rendre accessi-bles aux consommateurs québécois des alimentsde qualité qui correspondent à leurs attentes?

La réponse aux choix des consommateurs

Un supermarché peut offrir plusde 25 00068 produits alimen-taires différents. Une telle variété résulte de la volonté des distributeurs de répondre à unefragmentation sans précédentdes attentes des consommateurs.Ces attentes changeantes ettrès éclatées résultent de nombreux facteurs.

La composition multiethnique de la populationdes grandes villes et les changements survenusdans les habitudes alimentaires des Québécoisau cours des dernières années favorisent cettediversification de l’offre de produits alimentaires.Les préoccupations pour la santé incitent lesdistributeurs à rendre disponibles, à longueurd’année, des fruits et légumes frais et une gammede produits présentant des caractéristiques as-sociées à la saine alimentation. Les contraintesde temps des gens actifs sur le marché du travailles incitent à rechercher des produits prêts àconsommer ou faciles à cuisiner. La recherched’agréments et de plaisirs associés aux petits etgrands événements fait davantage appel auxproduits de luxe, de terroirs ou aux produits exo-tiques. Une certaine proportion de la populationsouhaite encourager les producteurs et trans-formateurs de leur région et du Québec ou faitdavantage confiance aux produits d’ici sur le plande l’innocuité des aliments et, en conséquence,porte attention à la provenance des produits.Enfin, certains consommateurs établissent leurchoix de produits sur la base de préoccupationséthiques se rapportant notamment aux conditionsde travail ou aux mesures de protection de l’en-vironnement jugées inadéquates dans certainspays d’où proviennent des produits alimentairesdisponibles dans les marchés d’alimentation.

68. MAPAQ, « La dynamique de la distribution alimentaire, d’hier à aujourd’hui », BioClips+, août 2007.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 115

Il est clair que s’ils veulent que leurs produits oc-cupent une place convenable sur les tablettesdes épiceries, les producteurs et les entreprisesde transformation devront consacrer plus d’effortau développement de produits différenciés, sanscesse renouvelés.

Les circuits courts de distribution. La Com-mission a reçu de nombreux témoignages d’appuiau développement de tels circuits alternatifs dedistribution des produits alimentaires. Lespréoc cupations exprimées ont en commun lesouci de l’achat local, le soutien au développementrural et l’établissement de liens directs entre lesproducteurs et les consommateurs.

Les supermarchés et les épiceriesdemeureront sans doute les lieuxprivilégiés des consommateurspour se procurer des denréesalimentaires. Mais un nombregrandissant de Québécois et de Québécoises souhaitent des solutions de rechange à cesépiceries de grande surface.

L’un des lieux de remplacement les plus souventcités par les participants aux audiences de laCommission est le marché public. Il constitueun lieu de rencontre exceptionnel entre leconsommateur et le producteur ou le transfor-mateur. Le marché public contribue à faire mieuxconnaître les produits d’une région. C’est aussiun endroit propice à l’évaluation de la réceptivitéde la population envers un nouveau produit. Lesmarchés publics constituent des débouchés im-portants pour certains producteurs et transfor-mateurs, surtout à l’échelle locale ou régionale.

On a assisté, ces dernières années, à une nettemontée de la popularité des marchés publics.Ceux qui étaient en place dans les grandes villesdisent avoir accru leurs chiffres d’affaires et plusieurs villes de taille moyenne ou petite, dansdiverses régions, ont mis des espaces publics àla disposition des producteurs, transformateurset artisans en vue de la tenue de marchés publics. L’Association des marchés publics duQuébec, qui existe depuis peu, a lancé une re-cherche afin de connaître l’importance du chiffred’affaires de ces marchés et d’évaluer plus fine-ment les besoins de ses membres afin de leurproposer une stratégie de développement. Ilsemble effectivement y avoir un important

potentiel de croissance de cette forme d’offre deproduits alimentaires.

Une autre formule largement encouragée par lesparticipants aux audiences est celle des ventes àla ferme. Elle touche généralement de petits volumes. L’Union biologique paysanne souhaiteencourager ce mode de distribution des produitsalimentaires. Elle recommande de « modifier laloi sur la mise en marché des produits agricolesafin de donner préséance à la vente à la fermesur les plans conjoints dans le cas où elle est di-recte avec le consommateur. Voilà, à notre avis,une mesure phare qui permettrait de revitaliserles régions et le commerce local », dit-elle.

L’organisme Équiterre fut un de ceux qui, lors desaudiences de la Commission, ont fait la promo-tion de l’agriculture soutenue par la commu-nauté. Sommairement, en vertu de ce modèled’agriculture, des producteurs ou des regroupe-ments de producteurs s’entendent directementavec des consom mateurs et livrent des paniersde produits agricoles, à une fréquence convenue.Il s’agit surtout de fruits et de légumes, bien qued’autres produits soient aussi offerts : viandes,fromages, miel et produits transformés. Certainesinstitutions, notamment en milieu scolaire, s’inté-ressent à cette forme d’approvisionnement.

Sur la masse de produits agricoles consommésau Québec, l’apport de l’agriculture soutenuepar la communauté est certes modeste, mais cemode d’organisation permet néanmoins à desagriculteurs qui travaillent sur de petites super-ficies ou dans des productions émergentesd’écouler leurs produits et de tisser des liensétroits avec des membres de leur communauté.Soulignons qu’une autre formule apparentée,celle des marchés de solidarité appuyés par LesAmiEs de la Terre, se développe également, cer-tains consommateurs pouvant même faire leursdemandes par Internet et discuter avec les pro-ducteurs et les producteurs-transformateurs.Ces derniers disposent ainsi de plus de temps àconsacrer à leur entreprise, comparativement àune formule de marché public.

Le développement de l’agrotourisme pratiquédans plusieurs régions du Québec est aussi denature à stimuler les ventes à la ferme et l’émer-gence de comptoirs ou commerces spéciali-sés dans la vente de produits alimentaires et desalcools régionaux. Les touristes et les consom-mateurs régionaux sont généralement les pre-miers à apprécier les nouveaux produits et les

terroirs mis en valeur sur le plan local. Cescomptoirs spécialisés peuvent servir de tremplinpour la commercialisation plus large de ces pro-duits particuliers.

Avec la montée des coûts detransport, les circuits courts dedistribution vont inévitablementprendre de l’importance. En Amérique du Nord, les produits alimentaires sont transportés en moyenne sur une distance de 2600 km.

C’est une raison supplémentaire pour que plus deproduits québécois trouvent une place convena-ble sur les tablettes des épiceries et soient écou-lés avec profit par divers canaux de distribution.Pour le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec, « pareffet d’entraînement, l’achat local réduit la dépendance alimentaire à l’égard des marchésextérieurs, ce qui favorise la réinjection des in-vestissements dans la communauté et contribueau développement économique de la région et àla création d’emplois ». Soulignons que les pro-ducteurs y trouvent également leur profit : leurmarge bénéficiaire est généralement plus grandelorsqu’ils peuvent effectuer ces ventes directes.

La vente de vins et d’alcools québécois. LaSAQ détient le monopole de l’achat et de la distribution des vins et des alcools présentés surle marché domestique, à l’exception de la bièreet des produits alcooliques artisanaux venduspar les producteurs eux-mêmes, sur les lieux deproduction et dans des marchés publics. Lesvins importés qui sont embouteillés au Québecpeuvent être vendus à l’extérieur des magasinsde la SAQ, dans les dépanneurs et les épiceriesnotamment, mais c’est la société d’État qui ap-provisionne les magasins de détail. La SAQ pré-lève en même temps les taxes fédérales etprovinciales et une majoration sur l’alcool.

Au cours des dernières années,la SAQ a cherché à faire unemeilleure place, dans ses établissements, aux vins et alcools du Québec. Cet effort de promotion est jugé beaucouptrop timide, surtout lorsqu’il est comparé à celui de la sociétéresponsable de la vente d’alcools en Ontario.

La société ontarienne affiche ouvertement sonmandat qui est de faire la promotion du vin de laprovince. Profitant d’un tel appui comme deconditions climatiques avantageuses, l’industrieviticole de l’Ontario a connu un essor remarqua-ble. La part de marché des vins ontariens est de39,2 % de la consommation provinciale.

Les producteurs de vins québécois ne peuventespérer combler une aussi forte proportion de lademande intérieure, mais il faut leur donner lesmoyens de prendre de l’expansion et leur per-mettre de prendre davantage de place dansl’éventail des choix offerts aux consommateursquébécois. Or, le problème principal concerne lamise en marché. La position d’exclusivité que dé-tient la SAQ devrait l’inciter à développer unecomplicité avec les producteurs de vins québé-cois, à élaborer avec eux des stratégies de miseen marché compatibles avec les règles du com-merce et à faire une promotion plus adéquatedes vins et des alcools québécois.

L’accès aux tablettes. L’un des thèmes le plussouvent abordés et le souhait qui a presque recueilli l’unanimité lors des audiences de laCommission est l’accès des produits alimen-taires québécois à ce qu’on appelle familière-ment les tablettes des épiceries. On réclame, ensomme, une présence et une visibilité des pro-duits québécois dans les magasins de détail.

Il s’agit cependant d’une question complexe.Lors de la présentation de son mémoire à laCommission, le Conseil canadien des distribu-teurs en alimentation a rappelé une règle debase de cette industrie : « Bon an mal an, environ8000 produits feront leur entrée sur les tablettesou disparaîtront du marché. Ceux qui se retrou-veront sur les tablettes, et y resteront, aurontcréé une valeur ajoutée à la catégorie et suscitéune adhésion de la part des consommateurs.

116 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Conséquemment, la meilleure façon d’accéderà nos tablettes réside sans contredit dans uneapproche innovatrice. En d’autres termes, plusun produit présentera une certaine nouveauté etde la valeur ajoutée dans une catégorie donnée,plus ses chances de se tailler une place en ma-gasin seront élevées. » Bref, la raison d’être d’uneépicerie est de vendre des produits alimentaires;les produits qui se vendent moins, quelle qu’ensoit la provenance, doivent sortir du magasin.

Le représentant de l’Association des détaillantsen alimentation du Québec a renchéri sur cethème. Il s’est exprimé ainsi : « Nos membressont catégoriques. Il leur faut faire de l’argent surdes articles à forte vélocité, souvent desmarques nationales, pour pouvoir supporter l’in-ventaire de produits dont la rotation est plus faibleen tablette, comme les produits régionaux. Il y abien sûr des exceptions, mais généralementc’est un juste équilibre de ces deux types deproduits qui permet aux détaillants propriétairesde demeurer en affaires. »

Bien sûr, si les agriculteurs et les transformateurs québécoisveulent que leurs produits soientprésents dans les épiceries, ilsdoivent répondre aux attentesde la clientèle en matière dequalité, d’originalité et de diversité. On sait que la barre esthaute et qu’il faut répondre à cesstandards. Plusieurs entreprisesquébécoises de la transformationy arrivent déjà dans une largemesure.

Les grands distributeurs réalisent au Québec unchiffre d’affaires de plusieurs milliards de dollarspar année. Ils sont présents sur le territoire qué-bécois. Ils côtoient quotidiennement des produc-teurs, des transformateurs et des consom ma teurs.Cette position crée des liens, des attentes demême que des occasions de maillage et de partenariat. En tenant pour acquis que les agriculteurs et les transformateurs répondent aux exigences de qualité et de diversité des con sommateurs, il y a place pour une collabora-tion encore plus soutenue des acteurs de cettechaîne agroalimentaire.

Un exemple en a été donné par les représentantsdes Supermarchés GP qui ont conclu une ententestratégique avec des producteurs de bovins duBas-Saint-Laurent afin de proposer aux consom-mateurs une viande distinctive, sans hormone decroissance et répondant aux normes d’innocuitéet de traçabilité les plus élevées (Natur’Bœuf).Leur porte-parole s’est exprimé ainsi : « On faitdu développement régional. Nos clients viennentde la région. Nous tenons à raccourcir la chaîned’approvisionnement le plus possible. [Lancéeen 2006], notre alliance prévoit des retombéeséconomiques pour la région de plus de 18 millionsde dollars d’ici la fin de 2007. »

Plusieurs participants aux audiences de la Com-mission ont préconisé l’adoption de mesures réglementaires afin d’assurer une présence adé-quate des produits québécois dans les maga-sins d’alimentation. La Centrale des syndicatsdémocratiques (CSD) s’est exprimée ainsi : « Il fautforcer d’une manière quelconque les épiceries àoffrir des espaces tablettes aux produits locaux. »

Il serait contre-indiqué de réglementer le com-merce de détail ou d’imposer aux distributeurs,de manière coercitive, un pourcentage minimal decontenu québécois dans leurs ventes de produitsalimentaires. La Commission juge plus pertinentde faire appel au raffermissement de la concer-tation et du partenariat entre les producteurs,transformateurs et distributeurs et à la mobilisationdes consommateurs afin que le secteur agroali-mentaire tire le plus grand profit possible de l’effetde levier que représentent les grandes entre-prises de la distribution alimentaire.

Les commerces d’alimentation sont, et de loin,les lieux les plus fréquentés par les consomma-teurs québécois. L’accès à l’information sur cequ’ils achètent ou n’achètent pas à l’épicerieconstitue des données de première importancepour les producteurs et les transformateurs quicherchent à capter les signaux du marché. C’estparticulièrement important pour les PME quin’ont généralement pas les moyens de mener decoûteuses études de marché ou de tendancesde consommation. Par exemple, les distributeursen alimentation savent qu’en 2004, seulement 6,8 % de la crème glacée vendue dans leursmagasins au Québec était produite ici. Des don-nées précises sont également disponibles àl’égard des milliers de produits que les magasinsd’alimentation mettent en vente. Un transforma-teur pourrait avantageusement se demander, enanalysant cette information, si un produit qué-bécois bien ciblé pourrait se tailler une part de

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 117

118 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

ce marché. Cette situation pourrait aussi fournirmatière à tisser des alliances stratégiques entreles entreprises de production, de transformationet de distribution.

Mais en définitive, c’est le consommateur quiexerce le plus d’influence. Et comme les com-merçants sont particulièrement sensibles aux at-tentes de leur clientèle, les Québécois devraients’exprimer plus souvent et plus ouvertement surles valeurs qui guident leurs choix en matièred’achat de produits alimentaires. S’ils attachentde l’importance à la présence et à la visibilité desproduits québécois dans les marchés d’alimen-tation, les entreprises de distribution y porterontattention.

Ceux et celles qui souhaitentune présence plus grande etplus visible des produits québécois dans les épiceriesdoivent d’abord chercher à mobiliser le consommateur.

Comme le soulignait le représentant de La Coopfédérée lors des audiences de la Commission encitant un extrait d’un rapport d’étude sur l’avenirde l’agriculture en Irlande, « il faut accroître notrecapacité d’inciter les consommateurs à choisirles produits alimentaires que nous leur offrons ».

Il est important de faire un monitoring des achatseffectués par les consommateurs québécois,tant dans les épiceries que dans les magasinsnon spécialisés en alimentation. L’informationqui serait ainsi obtenue revêtirait une grande im-portance pour les divers ministères au momentde l’élaboration ou de la mise à jour des poli-tiques en matière d’alimentation et de nutrition.Elle représenterait également une source inesti-mable de renseignements qui permettraient desuivre l’évolution des tendances de consommation,ce qui est profitable au secteur agroalimentaireet aux citoyens-consommateurs.

Le réseau des HRI, qui réalise des ventes d’unevaleur de plus de 10 milliards de dollars parannée, peut exercer une grande influence sur ledéveloppement de la production agricole et dela transformation alimentaire. Les grandes en-treprises qui approvisionnent ce réseau tissentdéjà de nombreuses alliances avec les fournis-seurs québécois. Il serait important qu’elles par-ticipent elles aussi au dispositif général de suivides achats de produits alimentaires au Québec.

Enfin, le gouvernement du Québec doit mettre àjour sa stratégie d’approvisionnement de sesinstitutions (écoles, hôpitaux, centres d’éberge-ment, centres de détention, etc.) en produits ali-mentaires. Il est implicitement appelé à le fairedans la foulée de ses stratégies portant sur l’ali-mentation qui visent notamment à lutter contrel’obésité. Le MAPAQ et le Secrétariat du Conseildu trésor ont une occasion privilégiée de revoirl’application de la politique des marchés publics,dans la lignée de ses orientations en matière denutrition, et d’y associer les représentants dusecteur agroalimentaire. Évidemment, il faudrarespecter les règles du commerce interprovincial,notamment en ce qui concerne les appels d’offres.

Le gouvernement du Québec a adopté le pland’action 2006-2012, Investir pour l’avenir, qui faitla promotion des saines habitudes de vie et de laprévention des problèmes reliés au poids. Lesjeunes et les milieux scolaires sont particulière-ment visés. Il y a là une occasion privilégiéed’exercer un leadership afin d’offrir aux écoles,aux centres de la petite enfance et aux centressportifs des aliments frais et santé, produits auQuébec. Une telle action s’inscrit aussi dans unedynamique d’éducation à l’alimentation.

L’identification des produits canadiens etquébécois. Il faut d’abord lever une premièresource d’ambiguïté associée à l’identificationdes produits canadiens. Selon la réglementationfédérale, un produit peut être désigné Produit duCanada si au moins 51 % de son coût direct deproduction est canadien. La matière première neprovient pas nécessairement du Canada. Onpeut acheter à l’épicerie des olives dans descontenants portant la marque Produit du Ca-nada. La Table filière des légumes de transfor-mation réclame, dans le mémoire déposé à laCommission, des actions pour mettre fin à cetteconfusion. On peut y lire : « La réglementationactuelle fait en sorte qu’en tablette, il n’y a au-cune différence entre des concombres importésd’Asie et ceux produits au Canada. Dans la me-sure où ils ont été transformés au Canada, tousles deux peuvent porter la mention “ Produit duCanada ”. Par ailleurs, sous la réglementationactuelle, s’il devait y avoir un problème d’inno-cuité avec un produit importé, c’est toute la pro-duction canadienne de ce légume qui en seraitaffectée. »

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 6 119

La confusion est encore plus criante à l’égarddes appellations Canada de fantaisie et Canada dechoix applicables, par exemple, aux produits im-portés en vrac et réemballés au Canada ou bienimportés et transformés au Canada. La Table fi-lière des légumes de transformation s’exprimeainsi à ce sujet : « Actuellement, un produit sur-gelé qui est importé en vrac, réemballé au Ca-nada et qui porte la mention d’origine réelle, parexemple Produit d’Espagne, doit égalementcomporter une indication telles Canada de fan-taisie, Canada de choix ou autre appellationsemblable. Cette autre utilisation du terme “ Ca-nada ” peut induire le consommateur en erreur.Celui-ci peut ainsi être porté à croire qu’il achèteun produit canadien alors que seule une vérifi-cation attentive de l’emballage lui permet deconstater qu’il en est tout autrement. »

En épicerie, les produits dont la provenance québécoise estclairement mentionnée sont l’exception plutôt que la règle.Pourtant, de larges consensussont établis depuis de nombreusesannées en faveur de l’étiquetagedes produits québécois.

Plusieurs sondages semblent indiquer que si lesconsommateurs étaient bien informés du lieu deproduction des aliments offerts, ils opteraient leplus souvent pour les produits québécois. Cessondages ne préjugent pas du comportementréel du consommateur, la recherche du plus basprix constituant un élément important de l’atti-tude du consommateur. Pourtant, ce dernier estjustifié de vouloir connaître la provenance de cequ’il va manger. Il est même surprenant qu’ildoive tant insister pour avoir accès à cette in-formation élémentaire.

Le MAPAQ a favorisé la création, en 1996, d’Ali-ments du Québec, en partenariat avec le Centrede promotion de l’industrie agricole et alimentairedu Québec et l’UPA. Il lui octroie un budget an-nuel de 400 000 $, qui représente approximati-vement 30 % du financement de l’organisme. Sil’on confie un mandat provincial de promotion,d’identification et de surveillance d’une appella-tion à une organisation qui, malgré sa bonne vo-lonté, ne compte que deux ou trois employéspermanents et un réseau de partenaires béné-voles, il ne faut pas en espérer des résultatsspectaculaires. C’est ainsi que, plus de dix ansaprès la mise sur pied d’Aliments du Québec,une faible proportion des produits québécois

porte ce logo. Reconnaissons cependant queles systèmes nécessaires à une identificationsystématique des produits d’ici sont en place.Le travail accompli par Aliments du Québec,dans des conditions difficiles, doit servir d’as-sise à une stratégie plus ambitieuse. Il ne fau-drait surtout pas recommencer à zéro.

La Fédération des chambres de commerce duQuébec a insisté, lors de son témoignage à laCommission, sur l’importance d’accroître la no-toriété des logos Aliments du Québec auprèsdes consommateurs québécois. L’Union desproducteurs agricoles a aussi recommandé« qu’afin d’accroître la demande en produitsagroalimentaires de chez nous, le gouvernementreconnaisse Aliments du Québec comme le labelofficiel des produits québécois et lui accorde lesressources suffisantes pour jouer son rôle… ».

Le MAPAQ a rendu publique, en décembre der-nier, la Stratégie d’accroissement des achats deproduits alimentaires québécois sur le marché in-térieur. Le gouvernement entend y consacrer 14 millions de dollars sur trois ans. L’une desorientations de cette stratégie vise précisémentà assurer l’identification des produits québécois,en ayant recours au partenariat avec Alimentsdu Québec. Des mesures sont prévues afin depermettre à Aliments du Québec de garder à jourune banque de données relatives aux produitsquébécois, pour rendre l’information de cettebanque accessible aux distributeurs ainsi quepour mettre en valeur le logo d’identification« Aliments du Québec ».

Les transformateurs sont probablement ceux quiont le plus grand intérêt à ce que les produitsquébécois soient clairement identifiés. Aprèstout, ce sont eux qui livrent au marché plus de70 % de la production agricole québécoise. Si l’onveut que les Québécois, comme ils l’expriment,choisissent le produit d’ici plutôt que le produitimporté, il faut leur faire savoir lequel est lequel.

Les distributeurs devraient eux aussi indiquer laprovenance des produits qui portent leursmarques maison et collaborer activement à lagénéralisation du logo Aliments du Québec. Lestransformateurs et les distributeurs devraientprendre le leadership de la gestion de l’orga-nisme Aliments du Québec et travailler à la pro-motion et à l’utilisation du logo, en associationavec le gouvernement et les autres partenairesde la chaîne agroalimentaire.

120 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

16.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois recommande :

Que le gouvernement du Québec contribue à rassembler les condi-tions afin que la distribution alimentaire accroisse son effet de leviersur le développement et la diversification de la production agricoleet de la transformation alimentaire, par l’adoption des mesures suivantes : • le soutien au développement des circuits courts de distribution

alimentaire, notamment par une révision de la réglementation etdes pratiques de mise en marché et d’occupation du territoireagricole et par un soutien à la promotion de ces circuits;

• le développement, par le ministère de l’Agriculture, des Pêcherieset de l’Alimentation du Québec, d’un outil de monitoring des achatsde produits alimentaires effectués par les Québécois dans les divers types de commerces de détail, en association avec leConseil canadien de la distribution alimentaire, les représentantsdes magasins non spécialisés en alimentation et les entreprisesresponsables de l’approvisionnement des hôtels, restaurants et institutions et l’utilisation de ces informations dans une pers -pective d’amélioration de la compréhension des attentes desconsommateurs;

• la mise en place, dans le respect des règles du commerce, d’une po-litique concertée d’approvisionnement des écoles, des centres dela petite enfance, des hôpitaux, des centres d’hébergement et descentres de détention en produits agricoles québécois contribuant àla saine alimentation, comme élément majeur de la mise en œuvredes stratégies gouvernementales relatives à l’alimentation et à la nutrition;

• la formulation d’attentes précises à la Société des alcools du Qué-bec en faveur de partenariats avec les producteurs québécois devins et d’alcools et d’une promotion adéquate des vins et alcoolsquébécois;

• une contribution annuelle du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec de 2 millions de dollarsà l’organisme Aliments du Québec, en contrepartie d’une mise defonds annuelle de 6 millions de dollars de la part des transforma-teurs, distributeurs et producteurs, et la révision du mode d’orga-nisation et de gestion de cet organisme dont l’objectif serait de généraliser, en trois ans, l’application du label Aliments duQuébec à l’ensemble des produits du Québec présents dans lecommerce de détail.

La formation et le perfectionnement des ressources humaines

7

Au cours des dernières décennies, l’agriculture et l’agroalimentaire sont entrés dans l’économie du savoir. Les emplois se sont complexifiés.L’accès à ces emplois fait appel à des compétences professionnelles et techniques à la fois étendues et diversifiées. Le secteur prend appui sur des entreprises, des institutions et des réseaux de recherche, d’innovation et de transfert d’expertise et de technologie.

LE NIVEAU DE QUALIFICATIONDE LA MAIN-D’ŒUVRELe secteur agricole et agroalimentaire du Québecest responsable, avec ses réseaux de distribu-tion, de plus de 12 % des emplois au Québec.C’est l’un des seuls secteurs d’activité à être re-présenté dans toutes les régions.

Le tableau 15 recense sommairement le nombrede personnes actives dans le secteur agricole etagroalimentaire.

Les producteurs agricoles embauchent près de59 000 personnes en dehors de l’unité familiale dupropriétaire de la ferme. Environ 80 % de ces per-sonnes occupent des emplois saisonniers. Le domaine de l’horticulture a enregistré, entre 1992et 2003, une croissance de 10 % du nombre d’em-plois (26 243 à 29 230 personnes). Pour l’ensem-ble du secteur agricole, près de 8000 personnessont embauchées à plein temps et près de 2500 àtemps partiel, à longueur d’année (en 2003).

Depuis plusieurs années, les entreprises agri-coles éprouvent des difficultés croissantes à at-tirer de la main-d’œuvre. Afin d’atténuer cesproblèmes de recrutement, des regroupementssous forme de coopératives ont été instituésdans quelques régions; on les nomme coopéra-tives d’utilisation de main-d’œuvre (CUMO).Compte tenu de la fragmentation du travail agri-cole et de la saisonnalité de certains emplois, ilest en effet intéressant de pouvoir constituer desgroupes de travailleurs qui sont affectés à di-verses fermes plutôt que d’être embauchésponctuellement par une seule entreprise agri-cole. La formule permet de recruter et de mettreen commun des employés qui sont orientés versdes entreprises du regroupement, selon leursbesoins spécifiques. Les coopératives déjà enplace dans les régions du Québec ont générale-ment l’organisation administrative qui permetd’encadrer ces travailleurs et de faciliter leur affectation chez les producteurs agricoles.

Témoignant à la Commission, la Coopératived’utilisation de main-d’œuvre agricole de laCôte-du-Sud a signalé plusieurs avantages as-sociés à cette formule dont « l’assurance d’avoirune main-d’œuvre qualifiée et expérimentée àun prix compétitif. L’entreprise n’a pas à main-tenir un ouvrier à temps plein pour combler sesbesoins sporadiques… Un autre avantage estl’amélioration de la qualité de vie des producteursqui peuvent prendre congé en ayant recours àdes employés compétents ». La Commission nepeut qu’encourager le développement de tellesformules, dans un contexte où le recrutement etla rétention de la main-d’œuvre en agriculturesont de plus en plus nécessaires et difficiles.

Il existe peu de statistiques fiables sur la scolaritédes personnes employées. Les informations aux-quelles on se réfère généralement proviennent durecensement de Statistique Canada. Les der-nières données disponibles datent de 2001; cellesde 2006 ne paraîtront qu’au printemps 2008.

122 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Tableau 15

EFFECTIF DU SECTEUR AGRICOLE ET AGROALIMENTAIRE, 2007

Nombre Part du total d’emplois du secteur

Production agricole 58 918* 12,6 %

Transformation (incluant le tabac) 69 667 14,9 %

Distribution 157 568 33,8 %

Restauration 180 040 38,7 %

TOTAL 466 193 100,0 %

* Main-d’œuvre embauchée seulement.

Source : STATISTIQUE CANADA, Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de tra-vail (EERH) et Enquête sur la population active (EPA), tableaux (CANSIM) 281-0023 et282-0011, 2007.

Tableau 16

SCOLARITÉ DANS QUELQUES SECTEURS D’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DU QUÉBEC, 2001

Secteur Aucun diplôme Études secondaires Diplôme professionnel, Diplôme universitairecomplétées technique ou équivalent

Moyenne – Québec 19,6 % 25,8 % 35,9 % 8,7 %

Fermes 40,9 % 26,8 % 28,6 % 3,6 %

Mines et carburants 31,0 % 21,4 % 38,7 % 9,0 %

Construction 29,9 % 25,3 % 39,6 % 5,2 %

Secteur manufacturier 28,9 % 26,9 % 34,2 % 9,9 %

Source : STATISTIQUE CANADA, Recensement 2001, compilation du Centre d’études sur l’emploi et les technologies (CETECH).

En 2001, les producteurs et les travailleurs agri-coles comptaient parmi les personnes de 15 anset plus qui étaient les moins scolarisées, commetend à le démontrer le tableau 16.

Diverses études révèlent toutefois que le niveaude scolarité et de qualification professionnelledes agriculteurs et des travailleurs agricolesaugmente sans cesse. Ces faits sont incontes-tables : la classe agricole, comme la sociétéquébécoise tout entière, est plus instruite etmieux formée. Mais la classe agricole part deplus loin et semble avancer à un rythme légère-ment plus lent. Le tableau 17, qui fait état del’évolution de la scolarité des producteurs agri-coles au Québec et au Canada, illustre biencette situation.

L’INCONTOURNABLE EXIGENCEDES COMPÉTENCESAprès des années de modernisation, l’agriculturequébécoise ressort profondément transformée.Les techniques de culture et d’élevage requiè-rent des connaissances scientifiques toujoursplus poussées. Les producteurs sont des entre-preneurs qui possèdent et exploitent une entre-prise dont la valeur dépasse souvent celle desPME de plusieurs autres secteurs. L’agricultureest devenue une activité intégrée au circuit deséchanges économiques et elle joue un rôle né-vralgique dans la vie des Québécois et des Qué-bécoises. La production agricole, considéréejusqu’à tout récemment comme une affaire pri-vée et strictement rurale, est aujourd’hui définiecomme un enjeu de société. L’agriculteur estdonc à la fois un opérateur, un technicien poly-valent, un gestionnaire et un entrepreneur quitravaille dans un secteur économique névral-gique et une société en mutation.

Les sphères de la transformation et de la distri-bution ont connu la même évolution. Elles sesont développées en misant nettement sur latechnologie, la productivité, la recherche desplus hauts standards de qualité et l’efficacité detoute la chaîne d’approvisionnement. Là aussi,la technicité a envahi les lieux de travail et les at-tentes de la société s’élargissent.

Lors des audiences nationales de la Commission,l’Union des producteurs agricoles (UPA) souli-gnait que « les agriculteurs et les agricultricesœuvrent dans un environnement en constanteévolution. S’ils doivent avoir une solide formationinitiale (générale et spécialisée), ils doivent égale-ment pouvoir compter sur une offre de formationcontinue afin de renouveler leurs pratiques deproduction et de gestion. L’avenir du secteuragricole repose sur sa capacité d’acquérir, de re-nouveler, de diffuser et de partager un savoirprécieux ».

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 123

Tableau 17

NIVEAU DE SCOLARITÉ DES PRODUCTEURS AGRICOLES AU QUÉBECET AU CANADA, 1991 ET 2001

Niveau de scolarité Québec Canada Québec Canada1991 2001

Inférieur à la 9e année (%) 28,6 19,8 18,4 12,3

De la 9e à la 13e année (%) 46,2 48,2 44,4 47,7

Post-secondaire et universitaire (%) 25,2 31,9 37,2 40,0

Source : STATISTIQUE CANADA, Recensements 1991 et 2001.

Pour sa part, la coopérative Agropur s’exprimaiten ces termes : « La compétitivité de l’entreprisedépend de plus en plus de la capacité de samain-d’œuvre à s’adapter aux nouveaux équi-pements, aux nouvelles technologies, à la fortetechnicité des produits et aux changementsdans l’environnement d’affaires. Cette réalité,ajoutée au phénomène de rareté ou de pénuriede main-d’œuvre dans certains secteurs, met enlumière l’importance d’avoir une formation sco-laire de base de qualité pour les employés etforce l’organisation à se doter de programmesde formation à l’emploi et de plans de relève ef-ficaces. »

Les emplois associés à l’agriculture et à l’agroalimentaire, comme ceux de la presque totalité des autres secteurs d’activité, se sont nettement complexifiésavec le temps et ils évoluentconstamment. L’accès aux diverses occupations requiert par conséquent une formationde plus en plus solide et qui doitêtre régulièrement mise à jour.

Le savoir, ce n’est pas seulement l’accumulationdes connaissances. C’est aussi la capacité decomprendre la dynamique du secteur d’activitédans lequel on évolue sur le plan professionnelet les grands courants qui secouent une sociétéen mutation. C’est aussi l’aptitude à anticiper leschangements, à composer avec le stress et àgérer des ressources humaines. Le savoir, c’estégalement ce qui permet de communiquer avecdes collègues de son champ d’appartenanceprofessionnelle et avec les citoyens pour s’inté-grer de manière dynamique à une communauté.Nous sommes en plein dans l’économie du savoir.

Les défis auxquels le secteur fait face nous inci-tent à jeter un regard critique sur le niveau dequalification de la main-d’œuvre et sur l’offre deformation initiale et de formation continue. Cetexamen doit porter à la fois sur l’accessibilité àla formation et sur le degré de préparationqu’elle assure pour aborder les enjeux de l’agri-culture et de l’agroalimentaire d’aujourd’hui etde demain.

C’est d’abord par l’éducation et la formation quele Québec moderne s’est affirmé. Chez nous,comme partout ailleurs dans le monde, les em-plois non qualifiés disparaissent rapidement.Même les métiers plus traditionnels (boulanger,charpentier, pêcheur) évoluent vers des occupa-tions professionnelles où la compétence constituele principal critère d’accès. Notre avenir et notreniveau de vie dépendent de plus en plus denotre capacité à nous affirmer dans l’univers dusavoir.

L’OFFRE DE FORMATION

1. La préparation des ouvriersagricoles par la formation initiale

Les producteurs et les productrices agricoles font de plus en plus appel à unemain-d’œuvre « externe » qui devrait normalement posséder des compétences professionnelles précises et régulièrement mises à jour. Or,nous sommes loin de l’objectif.

Une enquête menée en 2003 par le Comité sec-toriel de main-d’œuvre agricole a révélé que 38 %des manœuvres en production de serre, 41 % desouvriers en production porcine et 37,2 % desouvriers en production laitière n’avaient obtenuaucun diplôme d’études. Rappelons, aux fins decomparaison, que 19 % de la population de 15 anset plus, active sur le marché québécois du travail,n’est titulaire d’aucun diplôme; c’est deux foismoins que dans le secteur agricole.

La principale formation qui permet d’acquérir lescompétences de base en agriculture est cellequi mène à un diplôme d’études profession-nelles (DEP). Il s’agit de programmes d’unedurée de deux ans (entre 930 et 1245 heures)auxquels on accède après une 3e ou une 4e se-condaire. Ces programmes sont offerts dans lescentres de formation professionnelle des com-missions scolaires. Ils portent sur la productionanimale (laitière, porcine et bovins de bouche-rie), l’horticulture ornementale et le paysage, l’ar-boriculture, la fleuristerie et les productionsvégétales.

124 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Tableau 18

NOMBRE DE DIPLÔMÉS DE PREMIER CYCLE EN AGRICULTURE, UNIVERSITÉ LAVAL, UNIVERSITÉ McGILL ET UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL, 1994, 1998, 2002 ET 2006

Programme d’études69 1994 1998 2002 2006

Agronomie/ Sciences agronomiques animales / Sciences agronomiques végétales 121 136 127 137

Économie et gestion agroalimentaires 28 48 49 27

Économie rurale (majeure) 1 2 – –

Génie agroenvironnemental / Sciences de l’environnement / Génie rural (bio-ressource) 55 56 47 53

Génie alimentaire – 4 12 3

Médecine vétérinaire 68 72 77 84

Sciences agricoles générales 13 6 4 13

Sciences de la nutrition 122 128 111 119

Sciences et technologie des aliments / Technologie alimentaire 32 48 49 32

Sources : UNIVERSITÉ LAVAL, Bureau du registraire; UNIVERSITÉ MCGILL, Bureau des admissions, du recrutement et de la registraire; UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL, Bureau du registraire, École de médecine vétérinaire.

69. Le programme Bio-agronomie est devenu Agronomie en 1995, à l’Université Laval.Le programme Agro-économie est devenu Économie et gestion agroalimentaires en 1996, à l’Université Laval.Le programme Génie rural est devenu Génie agroenvironnemental en 1998, à l’Université Laval.Le programme de Médecine vétérinaire est propre à l’Université de Montréal.Le programme Sciences agricoles générales mentionné ici est propre à l’Université McGill.Le programme Sciences de la nutrition mentionné ici est offert à l’Université McGill, à l’Université Laval et à l’Université de Montréal..

Il est important de signaler que le DEP s’adresseà des ouvriers agricoles, personnes salariées quitravaillent sous l’appellation d’« aides-produc-teurs ». On devrait s’attendre à ce qu’une nettemajorité de cette classe de travailleurs agricolesaient obtenu ce diplôme, décerné au termed’une formation de base.

À l’égard de la formation des ouvriers agricoles,il y a lieu de souligner le travail particulier réalisépar les Maisons familiales rurales qui, avec peu demoyens, réussissent à intéresser à l’agriculture età former des jeunes qui ne veulent pas poursui-vre leurs études en milieu scolaire. L’apprentis-sage offert dans ce contexte convivial permetaux jeunes d’acquérir la formation pratique debase et le savoir-faire qui mènent à des emploisdans des entreprises agricoles.

2. La formation collégialeLa formation technique de niveau collégial,d’une durée de trois ans, s’adresse aux futursexploitants d’établissement agricole ainsi qu’àceux et celles qui se destinent à des emplois detechnologue. Pour le secteur agricole, les for-mations sont offertes à l’Institut de technologieagroalimentaire et, selon les disciplines, dansune douzaine de cégeps. Elles sont sanctionnéespar le diplôme d’études collégiales (DEC), quiconstitue la plus importante qualification technique.

Il est possible d’acquérir une partie de la forma-tion couverte par le DEC en s’inscrivant à unprogramme menant à une attestation d’étudescollégiales (AEC). Il s’agit alors d’un programmede 300 à 1150 heures (une année ou moins) cen-tré sur les aspects techniques d’une partie duDEC. Il existe une trentaine d’AEC offertes prin-cipalement par les cégeps, de façon assez irré-gulière. Il arrive que les cours soient disponiblespendant un à trois ans, puis soient abandonnés.Entre 50 et 125 AEC sont délivrées chaqueannée, notamment en gestion de divers typesd’exploitation agricole.

3. La formation universitaireDeux universités québécoises sont engagéesdans des programmes de premier cycle etd’études graduées en agriculture, agroalimen-taire et environnement, soit l’Université Laval etl’Université McGill. Pour sa part, l’Université deMontréal forme les médecins vétérinaires et desprofessionnels en nutrition et diététique. Le ta-bleau 18 trace l’évolution du nombre de diplô-més des études de premier cycle de ces troisuniversités.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 125

126 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Les diplômés universitaires sont les principauxacteurs du transfert de connaissances. Ils re-présentent plus de 80 % des conseillers qui tra-vaillent auprès des producteurs agricoles. Commele laisse entrevoir la liste des programmesd’études, les diplômés universitaires sont appe-lés à occuper des postes stratégiques dans lesentreprises privées et les coopératives, les or-ganisations syndicales et les institutions pu-bliques, dans des sphères d’activité qui couvrentun spectre très large de préoccupations scienti-fiques, environnementales, économiques et so-ciales. Les médecins vétérinaires apportent,pour leur part, une contribution déterminanteaux dispositifs publics et privés responsables dela santé animale et de l’innocuité des aliments.Les diplômés des facultés d’agriculture et dessciences connexes constituent également la pé-pinière de chercheurs et de professionnels en-gagés dans la recherche et le développement.

Au cours de la dernière décennie,le nombre de diplômés des facultés associées à l’agricultures’est somme toute maintenu. Il serait sans doute impératif queces facultés attirent davantaged’étudiants parce que le secteuragroalimentaire aura de plus enplus besoin de professionnels et de chercheurs.

La situation la plus préoccupante est probable-ment celle des médecins vétérinaires. D’unepart, le nombre de diplômés est peu élevé (84,en 2006), et d’autre part, moins de la moitié deces universitaires travailleront dans le secteuragricole et agroalimentaire, en raison de l’attraitgrandissant pour les animaux de compagnie. Deplus, selon l’Ordre des médecins vétérinaires duQuébec, plus de 50 % de ses membres quiexercent leur profession dans le domaine agricoleréorientent leur pratique au cours des cinq pre-mières années. Pourtant, les médecins vétéri-naires seront plus sollicités que jamais, comptetenu des impératifs de salubrité qui s’imposentpartout, du contrôle des antibiotiques et des pathogènes, de la nécessité de prévenir les zoo-noses (maladies animales transmises aux hu-mains), des besoins d’inspection des alimentsprovenant de l’étranger, etc.

4. La formation continueLa nécessité de l’apprentissage tout au long dela vie s’est imposée dans les sociétés dévelop-pées. Les emplois évoluent, le marché du travaildevient plus ouvert et plus fluide, la technologiese généralise et les compétences doivent êtrerenouvelées.

L’accès à la formation continue s’est considéra-blement amélioré au cours des dernières an-nées. Les employeurs dont la masse salarialedépasse un million de dollars doivent consacrer aumoins 1 % des dépenses salariales à la formation.Le perfectionnement des salariés est traité dansun nombre grandissant de conventions collectivesde travail. Les institutions publiques et privéesoffrent une très grande diversité d’activités deformation et les adultes reconnaissent que leurprogression économique et sociale est souventassociée au rehaussement de leurs compé-tences.

Certes, des problèmes persistent : l’éloignementdes lieux de formation, la difficulté d’interromprele travail pour acquérir une formation, le manquede temps, le financement de la formation, leremplacement du revenu de travail pendant lespériodes de formation, l’adaptation des cours à lasituation particulière des adultes ou à leur secteurd’activité, etc. La formation continue est néan-moins devenue une composante à part entière dela gestion des ressources humaines et une condi-tion importante du succès des entreprises.

Les mêmes besoins se manifestent et les mêmesdéfis se posent dans le secteur de l’agricultureet de l’agroalimentaire. Afin de répondre à l’im-pératif d’accessibilité à la formation pour despersonnes dispersées sur un vaste territoire, legouvernement a mis en place dès 1981, avec lacollaboration de l’UPA, le Plan de soutien en for-mation agricole. Ce dispositif, qui n’a pas sonéquivalent dans d’autres secteurs et dans lesautres provinces, permet notamment, grâce autravail des collectifs régionaux et des répondantsen formation agricole présents dans la plupartdes régions, de définir les besoins de formation,de regrouper les producteurs agricoles, de struc-turer la demande de formation, d’établir les liensavec les établissements d’enseignement et de fi-nancer en partie la formation. Ce plan fait l’objetd’un rapport annuel d’activité et en 2005, il a faitl’objet d’une évaluation en profondeur produiteconjointement par trois ministères québécois.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 127

Les grands constats tirés de cette évaluation etdes rapports d’activité peuvent se résumerainsi : • l’essentiel de la formation est technique; géné-

ralement de courte durée (de 6 à 30 heures),elle porte sur des problèmes liés à la produc-tion et couvre une très grande variété de sujets.La formation de plus longue durée, notammentcelle qui conduit aux AEC, diminue sans cesseau profit des formations pointues;

• la formation n’est pas reliée aux programmesd’études professionnelles et techniques régu-liers; elle ne contribue donc pas, ou très mar-ginalement, à faire progresser les producteurs,les ouvriers agricoles et les travailleurs de latransformation vers l’obtention d’un diplôme.Le rehaussement du niveau de scolarisation etde qualification n’est pas perçu comme unepréoccupation importante;

• malgré les efforts déployés, le nombre de par-ticipants et de participantes aux activités deformation et le nombre d’heures qui y sontconsacrées plafonnent ou n’augmentent quelégèrement;

• un intérêt plus marqué pour des formations surles produits du terroir, l’agriculture biologique,la transformation artisanale et l’agroenvironne-ment est noté depuis quelques années;

• la formation en gestion d’entreprise agricole,même si elle est reconnue comme un besoinprioritaire, est rarement offerte, faute de parti-cipants;

• le Plan de soutien en formation agricole couvreaussi les besoins de la transformation. En2005-2006, les activités en transformation desaliments et des produits de l’érable ont repré-senté 30 % de l’effort de formation déployé envertu du Plan.

Certes, toute la formation continue offerte ausecteur agricole ne passe pas par ce plan desoutien. Mais comme il s’agit du mécanisme leplus structurant, l’évaluation qui en est faitedonne sans doute une bonne idée de l’état réelde la formation continue du secteur. L’Institut detechnologie agroalimentaire (ITA) collabore auPlan en offrant, en plus de la formation de base,un éventail de formations d’appoint. L’ITA dressele même constat en matière de formation conti-nue : plafonnement et même diminution des ins-criptions, peu de formations sanctionnées parun diplôme, généralisation des formations decourte durée, etc.

Les universités, qui recèlent un grand potentiel de perfectionnement, constatentune faible participation des professionnels à la formationcontinue autre que celle offerte à l’occasion des colloques etdes congrès.

Ce phénomène se serait accentué depuis que leministère de l’Agriculture, des Pêcheries et del’Alimentation du Québec (MAPAQ) a abandonnéson rôle-conseil auprès des producteurs agricoles.Dans les nouvelles structures des services-conseils, les conseillers éprouvent de plus enplus de difficulté à se libérer et à obtenir le finan-cement qui leur permettrait de remettre périodi-quement leurs connais sances scientifiques ettechniques à jour. Les pratiques agricoles et lesmodes de culture connaissent des transforma-tions majeures depuis quelques années, ce quitouche directement l’agronomie, l’agroenviron-nement et la gestion des établissements. Il y alieu de se demander si les conseillers formésdans ces disciplines il y a dix ans et plus ont étéen mesure de mettre à jour leurs connaissancesafin de pouvoir anticiper ces changements et desuivre cette évolution.

L’Ordre des agronomes du Québec a rappelé,lors de son témoignage devant la Commission,qu’une formation « uniquement incitative de 150 heures par période de trois ans » est suggéréeaux agronomes, conformément à sa politique deformation continue. L’Ordre souligne que ce n’estpas suffisant. « En raison de l’évolution rapide etde la complexité grandissante de la pratique del’agronomie au cours des dernières années, l’Ordre des agronomes du Québec reconnaît lapertinence d’aller vers une politique de formationcontinue obligatoire. »

70. Traduction libre.

LA QUALITÉ DE LA FORMATIONIl est toujours hasardeux de porter un jugementsur la qualité de la formation, tant les repères ob-jectifs manquent à la plupart des observateurs.La Commission a rencontré plusieurs personnesengagées dans diverses organisations de for-mation et elle a été impressionnée par la vigueurde leur engagement en faveur du relèvement descompétences de la main-d’œuvre du secteuragricole et agroalimentaire. Au cours des au-diences, la Commission a également recueilli destémoignages éloquents sur la qualité de l’offre deformation.

1. La mise à jour des programmes

L’un des premiers repères qui permettent de jauger la qualité de la formation concernel’adaptation des programmesaux réalités actuelles de l’emploidans le secteur. Puisque les métiers se complexifient, il estessentiel que les programmesd’études soient périodiquementremis à jour afin de suivre l’évolution des besoins en compétences.

Or, les programmes d’études professionnelles ettechniques actuellement offerts en agriculture etagroalimentaire n’ont pas été révisés depuislongtemps, à part le programme Gestion et ex-ploitation d’entreprise agricole qui fut actualiséen 2000. La dernière mise à jour des autres pro-grammes remonte à 1995 et même à 1993, il y adonc plus de douze ans. La formation en horti-culture ornementale est encore offerte à partirde compétences définies en 1989. La formationest nécessairement déficiente à l’égard de cer-taines compétences désormais requises pourfaire face aux défis actuels et futurs. Certes, lesprofesseurs vont souvent au-delà des minimumsfixés dans les descriptions de cours, mais c’estune solution qui dépend de la bonne volonté dechacun et des initiatives individuelles, ce qui nesaurait remplacer des contenus stricts de for-mation garantissant l’acquisition de compé-tences bien définies.

Monsieur Donald Millaire, directeur du Centre deformation professionnelle des Moissons de laMontérégie-Ouest, et monsieur Benoît Desjardins,directeur du Centre de formation professionnelleMont-Joli–Mitis du Bas-Saint-Laurent, ont confirmélors des audiences de la Commission, que « lesprogrammes ont pris de l’âge et que le processusde révision et de création de ces programmesest ardu ».

D’autres témoignages entendus à la Commissionsoulèvent la question de la formation en gestion.Cette préoccupation repose sur le fait qu’uneexploitation agricole est une entreprise, unePME. Plus de 80 % des membres de la relèveagricole perçoivent dès la première année deleur établissement des revenus de plus de100 000 $. La valeur moyenne de l’actif d’uneferme était de 1,4 million de dollars en 2006.

Pour exploiter avec efficacité une telle entreprise,il faut posséder des compétences en gestion. Cegenre de savoir ne s’acquiert pas uniquementpar l’expérience.

Si le futur agriculteur n’a pas pu acquérir la formation de base adéquate qui lui permet de comprendre et de faire face aux enjeux de gestion d’unePME de cette importance, il risque fort de souffrir de lacunes importantes pendant de nombreuses années. Cela se traduira notamment sur le plan de la productivité etde la rentabilité de la ferme ainsique de la capacité d’innovationdu producteur agricole.

Le doyen de la Faculté d’agriculture et dessciences de l’environnement de l’UniversitéMcGill, Dr Chandra Madramootoo, a expriméces besoins en ces termes : « L’entrepreneuriatet les compétences dans l’élaboration de plansd’affaires, la détermination du prix de revientd’un nouveau produit et les analyses coûts béné-fices des nouvelles technologies sont aujourd’huiessentiels aux producteurs agricoles70. »

128 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

À l’ITA, une attention particulière est portée à laformation en gestion, notamment dans le pro-gramme Gestion et exploitation d’une entrepriseagricole. Les divers aspects relatifs à la gestionsont associés à la dynamique d’une entrepriseet sont spécialisés selon le type d’exploitation àlaquelle se destine l’étudiant. Durant la dernièreannée du programme, ce dernier doit en plusélaborer son propre projet d’entreprise et intégrerles composantes de la planification stratégiqueet de la gestion. Les cégeps enseignent égalementles notions de base en comptabilité, productionde budgets, économie, administration couranted’une entreprise agricole et gestion des ressour -ces humaines dans le programme Gestion et exploitation d’une entreprise agricole.

Malgré tout, dans le design des programmesdes cégeps et de l’ITA, il semble y avoir peu deplace pour l’analyse de l’environnement écono-mique en dehors des mécanismes usuels demise en marché par les plans conjoints. De plus,comme on l’a vu, peu d’activités de formation engestion sont disponibles dans les programmesde la formation continue. Enfin, il faut tenircompte plus que jamais du fait que l’expertise,l’entrepreneuriat et la capacité de vision du futuragriculteur seront sollicités par les membres desa communauté afin qu’il collabore activementau choix des stratégies et des moyens favorisantl’utilisation dynamique du territoire et la revitali-sation de l’espace rural. Cette fonction citoyenneet sociale fait appel à la rigueur et aux capacitésd’analyse et de gestion de l’agriculteur.

Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport(MELS) a élaboré un cadre précis de révision desprogrammes d’études de la formation profes-sionnelle et technique. Les informations de ges-tion colligées durant ce processus permettentde connaître l’état précis de la révision de cha-cun des programmes. Dans les universités, lamise à jour des programmes d’études n’est pasencadrée de la sorte : elle est laissée à la dis-crétion des institutions et des facultés.

Lors des audiences de la Commission, l’Ordre desagronomes du Québec a reconnu la nécessité« d’une refonte des programmes universitairespour la formation agronomique, notamment afinde répondre de façon plus adéquate aux préoc-cupations d’ordre social et pour mieux suivrel’évolution vers une agriculture durable ».L’échéance envisagée par l’Ordre est 2010. LaCommission invite les facultés d’agronomie às’engager avec plus d’empressement dans la ré-vision de leurs programmes d’études parce quecette profession évolue rapidement, notammenten raison des enjeux sociaux de l’agriculture,des besoins en information de la population etdu fait que les agronomes travaillent de plus enplus à titre de consultants et s’adressent à desclientèles plus variées, plus fragmentées. Cetterévision de la formation serait susceptible dehausser certaines compétences propres auxagronomes, ce qui aurait notamment pour effetde les démarquer plus nettement de celles destechnologues et d’apaiser les tensions qui mar-quent actuellement les rapports entre les agro-nomes et les technologues. Dans un contexte derareté de la main-d’œuvre professionnelle, cesrivalités interordres sont déplorables.

2. La dispersion de l’offre de formation professionnelle et technique et la disparité desmoyens des établissementsLa dispersion de l’offre de formation initiale dansle secteur agroalimentaire peut être illustrée par lenombre d’établissements d’enseignement offrantdes programmes d’études : • 24 centres de formation professionnelle qui

appartiennent à 21 commissions scolaires;

• 13 cégeps et un collège privé;

• l’ITA, avec ses trois campus, qui demeurel’établissement phare de l’offre de formationprofessionnelle et technique;

• 82 autorisations de donner un programmed’études ministérielles au secondaire et 28 aucollégial. Ces autorisations permettent à unétablissement d’enseignement de présentercertains cours, sans avoir à offrir tout le pro-gramme, ce qui ajoute à la dispersion deslieux et des ressources en formation dans lesecteur agroalimentaire.

Et tout cela, pour 435 diplômés en 2005 (dont153 à l’ITA).

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 129

130 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Il est important de préciser que presque toutesces disciplines comportent une part de formationpratique nécessitant des laboratoires, des ateliersspécialisés, des fermes ou des usines-écoles. Ils’agit donc d’un enseignement coûteux. Le doyende la Faculté des sciences de l’agriculture et del’alimentation de l’Université Laval, M. Jean-PaulLaforest, l’a rappelé en ces termes lors des au-diences nationales de la Commission : « Les coûtsassociés à la formation en agriculture et en agroa-limentaire sont beaucoup plus élevés que dansd’autres disciplines comparables des sciencespures et appliquées, considérant les installationsparticulières qui doivent être maintenues. »

Pour assurer une formation de qualité, il est essentiel de rationaliser les investissements,à plus forte raison dans lecontexte actuel de resserrementdes finances publiques et de diminution des effectifs étudiantsdans les programmes d’étudesprofessionnelles et techniques.

Le maintien d’une offre de formation dans les ré-gions passe nécessairement par une coordinationde cette formation, à défaut d’une rationalisationdes lieux de formation. C’est une simple questionde bon sens.

Une réalité saute aux yeux, soit la disparité desmoyens dont disposent les établissements deformation. Plusieurs participants aux audiencesde la Commission en ont témoigné. Sous ce rap-port, deux mondes se côtoient littéralement. Il ya d’abord l’ITA, avec ses trois campus et centresspécialisés, ses 300 employés, ses 205 ensei-gnants, ses 7 programmes techniques fréquen-tés par quelque 1000 étudiants, ses fermes etusines-écoles et ses programmes internatio-naux. Et puis, une trentaine de commissionsscolaires et de cégeps enregistrant une baissesouvent dramatique des effectifs étudiants, quicomptent sur des équipes de 5 à 8 professeurset des équipements qui, sauf exception, n’ont faitl’objet d’aucun réinvestissement au cours desdernières années. Rares sont les commissionsscolaires et les cégeps qui ont une ferme-école.

Madame Édith Malouin, membre de la relèveagricole de l’Île-d’Orléans, qui a suivi une for-mation agricole à l’ITA et dans un cégep, a émisun constat inquiétant : « Bien sûr, les deux lieuxd’enseignement sont publics, mais financés dif-féremment et cela a un impact énorme sur laqualité du matériel mis à la disposition desélèves. En comparaison avec l’ITA de Saint-Hyacinthe, où il y a de belles infrastructures àproximité, à la disposition des élèves, en plusd’une ferme performante, mon constat est simple :il y a un manque flagrant de financement dansles cégeps qui offrent un cours en agriculture, etce, au détriment d’une bonne formation pour larelève. »

On assiste aussi à un éparpillement des ressourcesentre de nombreux établissements, ressources qui, à plusieurs endroits, seront de plus en plus rares à mesure que les enseignants partiront à la retraite et que les effectifs« jeunes » diminueront.

En effet, entre 1999 et 2006, le nombre de DEPdélivrés dans les programmes liés à l’agriculture,qui était de 1108, est tombé à 705. Au collégial,le nombre de diplômés dans l’ensemble desprogrammes, malgré des fluctuations annuelles,s’est maintenu entre 550 et 600 durant la mêmepériode. Soulignons que cette instabilité, en par-ticulier dans les disciplines techniques, n’est paspropre au secteur agricole. Dans l’ensemble duréseau de l’enseignement technique, les ins-criptions sont passées de 90 457 étudiants en1996-1997 à 78 218 en 2005-2006 (-14 %). Ausecondaire professionnel, le nombre de diplô-més de l’ensemble des disciplines a augmentéde 22 % alors qu’il a diminué de 36 % dans lesecteur agroalimentaire.

On comprend l’importance que les élus et lesleaders des régions accordent au maintien desprogrammes de formation agricole dans leurcoin de pays. Il faut en effet se soucier de pré-server dans les principales régions du Québecune certaine offre de formation professionnelleet technique. Toutefois, le maintien des pro-grammes complets pose inévitablement la ques-tion de la qualité de la formation offerte danscertaines régions, en plus d’être financièrementintenable.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 131

Le Centre local de développement (CLD) de Kamouraska a rappelé dans son témoignage les« difficultés de recrutement de nouveaux élèves,les problématiques de maintien de l’expertiseenseignante et les limites budgétaires impo-sées » à l’enseignement collégial. Il a exprimél’avis que « la dispersion des ressources et desmoyens financiers ne sert pas les intérêts supé-rieurs du secteur agroalimentaire. Pourquoi deuxministères d’un même gouvernement se font-ilscompétition en matière de formation agricole?Pourquoi le gouvernement du Québec, tout enconfirmant le leadership de l’ITA, développe-t-ilun réseau parallèle? »

Cette dispersion est exacerbée par l’absence decollaboration réelle entre les établissementsd’enseignement. Même si les mécanismes deconcertation entre les commissions scolaires,les cégeps et l’ITA existent sur papier, la réalitéest tout autre. Dans un contexte de rareté d’étu-diants et de ressources, chaque établissementest en situation de concurrence avec les autrespar rapport à l’offre de formation qu’il affiche. Or,si l’on veut maintenir en région des formations dequalité, il faudra des mises en commun et despartages entre les établissements, les profes-seurs, les cours, les éléments de programmes etles équipements. Les ressources spécialiséesdont certaines régions bénéficient et qui sontnécessaires à la formation devront aussi êtremises au service des régions qui en sont privées.Il est essentiel d’aller délibérément au-delà desrigidités du système.

3. Le leadership de l’ITA en matière de formation professionnelle et techniqueIl est clair que l’ITA dispose d’enseignants, despécialistes et d’infrastructures qui lui permet-traient d’épauler les établissements en région enmatière de formation professionnelle et technique,soit en appuyant de ses ressources l’offre deservice en région (formation initiale et continue),soit en accueillant, pour des sessions ou desstages de formation plus ou moins longs, desétudiants du secondaire ou du collégial inscritsailleurs.

L’ITA est une organisation d’envergure qui fonc-tionne déjà en réseau. Elle mérite la fierté que luitémoignent le secteur agricole et agroalimentaireet le Québec tout entier.

Même si elle en a incontestablement la capacité, l’ITA n’exerce toutefois pas, dans le contexte actuel, tout le leadership qu’elle pourrait en matière de formation et de transfert de connaissances. Il faut tirer davantage profit de cet important établissement.

Pour y arriver, le statut organisationnel de l’ITAdoit d’abord être revu. Son rattachement à unedirection générale du MAPAQ la dessert. À l’ins-tar de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie duQuébec, l’ITA doit devenir une organisation plusindépendante, gérée par un conseil d’adminis-tration directement branché sur les réalités dusecteur qu’il doit servir. Compte tenu de son ex-pertise et de sa capacité d’action, le gouverne-ment doit confier à l’ITA le mandat de coordonnerla formation professionnelle et technique dans lesecteur agricole et agroalimentaire. La sous-utilisation actuelle de l’Institut sur ce plan repré-sente une perte de ressources à laquelle il fautrapidement mettre fin.

Selon ce mode d’organisation, l’ITA relèverait duministre de l’Agriculture, des Pêcheries et del’Alimentation. Le MELS demeurerait l’ultime res-ponsable des programmes et des diplômes deformation professionnelle et technique. Les com-missions scolaires et les cégeps conserveraientleurs installations et continueraient de gérer leursressources humaines. Leur offre de formationdécoulerait cependant d’un plan d’action annuelélaboré conjointement avec l’ITA et approuvé parle MELS dans une optique de complémentarité etd’utilisation optimale des ressources disponiblesdans les régions. Le financement octroyé à cesétablissements par le MELS serait en concor-dance avec ce plan d’action intégré. L’ITA rece-vrait ses allocations budgétaires du ministre del’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec. Ces ressources financières devraientêtre ajustées afin de tenir compte des mandats de coordination de l’ITA et de l’extension prévisi-ble de ses services de formation dans certainesrégions.

17.

RecommandationsEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois recommande :

Que l’Institut de technologie agroalimentaire change de statut etdevienne une société d’État qui relèverait directement du ministrede l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (etnon pas du Ministère). L’Institut serait dirigé par un conseil d’ad-ministration dont les membres, nommés par le gouvernement, proviendraient des organisations représentant les producteurs agri-coles, les entreprises de transformation, les entreprises de services,les facultés universitaires du secteur (agronomie, médecine vété-rinaire, etc.) et les professeurs de l’Institut de technologie agroali-mentaire de même que des personnes reconnues pour leurexpertise en matière de consommation et d’environnement. Un sous-ministre du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et del’Alimentation du Québec et un autre du ministère de l’Éducation,du Loisir et du Sport siégeraient également à ce conseil d’adminis-tration;

Comme on l’a vu précédemment, une partie im-portante de la formation conduisant aux emploisdans le secteur agricole et agroalimentaire estde nature pratique. La conception des pro-grammes doit donc privilégier un mode d’alter-nance travail-études. La formation en agriculturese prête particulièrement bien à ce mode d’ap-prentissage et cette stratégie d’apprentissageconvient particulièrement bien aux futurs agri-culteurs.

Il serait prohibitif d’implanter une ferme-écoledans chaque commission scolaire ou cégep. Or,il existe dans toutes les régions du Québec desfermes modernes, bien équipées, spécialiséesdans divers types de production et gérées selonles règles de l’art. Ces fermes « modèles » pour-raient avantageusement servir de lieux de stage

pour les étudiants jeunes et adultes. Elles de-vraient être accréditées par l’ITA et invitées àcollaborer à la formation de futurs agriculteurs,tant en raison de la qualité de leurs installationsque du professionnalisme de leur propriétaire.Ce dernier recevrait ainsi une forme de recon-naissance officielle de la valeur exemplaire deson entreprise et de sa gestion et, sur une basevolontaire, accueillerait des stagiaires de la for-mation professionnelle et technique. Il pourraitaussi prendre des engagements avec des cen-tres de recherche pour expérimenter certainespratiques ou réaliser des essais. L’agriculteur recevrait des compensations de l’État pour sesefforts en matière d’accueil et d’encadrementdes étudiants et sa participation à des activitésde recherche et développement.

132 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

18.Recommandations

Qu’en plus d’assumer la mission qui est actuellement la sienne,l’Institut de technologie agroalimentaire se voie officiellementconfier les mandats suivants : • Réviser et mettre continuellement à jour, en concertation avec les

établissements d’enseignement et le ministère responsable, l’en-semble des programmes de formation initiale, professionnelle ettechnique du secteur agricole et agroalimentaire, dans une optiquede complémentarité des offres de formation, et faire sanctionner cesprogrammes par le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport;

• Privilégier la formule de l’alternance travail-études comme modede conception et de livraison des programmes de formation enagriculture et en agroalimentaire;

• Mettre sur pied et gérer un programme d’accréditation de fermesmodèles pouvant servir de lieu de recherche et de formationdans le cadre des programmes d’alternance travail-études;

• Accroître les contenus de formation qui touchent à l’économie, àla gestion et à l’agroenvironnement et étendre la formation auxnouvelles dynamiques de marché (produits différenciés, production-transformation, production biologique, approvisionnement desmarchés locaux et régionaux, marchés de niche, appellationscontrôlées, etc.);

• Conseiller le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport enmatière de coordination et de rationalisation de l’offre de formationprofessionnelle et technique initiale dans les régions agricoles duQuébec, tout en assurant la qualité de la formation et en favorisantle meilleur accès à cette formation dans les diverses régions;

• Participer à la supervision de l’offre de formation continue enmaximisant l’utilisation des installations et des organisations des divers réseaux dans les régions, de concert avec le ministère del’Éducation, du Loisir et du Sport;

• Favoriser les échanges de personnel et d’équipements entre lesétablissements afin d’assurer une formation de qualité dans lesrégions;

• Favoriser la diffusion des connaissances professionnelles et tech-niques au sein du secteur agricole et agroalimentaire.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 133

LES PRODUCTEURS : DES PROFESSIONNELS DE L’AGRICULTURELa Commission estime très important que lesproducteurs agricoles se définissent comme desprofessionnels et des professionnelles de l’agri-culture. Cette professionnalisation nécessaire del’agriculture répond à trois objectifs principaux :

1. Situer les compétences des agriculteurs à lahauteur des exigences techniques, entrepre-neuriales et sociales de la profession;

2. Mieux préparer les agriculteurs à composeravec les changements qui modifient l’exercicede la profession et l’environnement socio-économique du secteur;

3. Offrir des assises plus solides pour que lesagriculteurs participent activement aux dé-bats sur les enjeux de l’agriculture et sur ledéveloppement de leur communauté d’ap-partenance.

Cette professionnalisation s’inscrit aussi dans une démarche de valorisation socialede la profession d’agriculteur.Plusieurs producteurs agricolesont souhaité, lors des audiencesde la Commission, une meilleurereconnaissance sociale de leurprofession et de leur travail. Il s’avère essentiel d’améliorerd’abord leur propre perceptiond’eux-mêmes. Ils doivent enoutre reconnaître explicitementque leur métier, très complexe,requiert des compétences élevées et qu’ils sont à la hauteur des exigences techniques, économiques et sociales qu’il impose.

Autrement dit, les agriculteurs doivent savoir ex-primer et démontrer qu’ils maîtrisent par leurscompétences une profession importante pour lasociété québécoise, et ils sont de plus en plusnombreux à pouvoir le faire.

Malgré les progrès enregistrés ces dernières an-nées, on doit tenir compte du chemin à parcouriret accentuer le virage vers les compétences.Certaines réformes doivent donc être envisagées.

1. Rehausser les exigences d’accès à l’aide financière à l’établissement

La Financière agricole du Québec fait la promo-tion de la formation collégiale, en l’occurrencecelle du programme Gestion et exploitation d’uneentreprise agricole, comme seuil privilégié d’ad-missibilité à ses mesures d’aide financière. Maisbon an mal an, l’institution admet presque autantde titulaires d’un diplôme du secondaire que d’undiplôme du collégial. La situation semble mêmeempirer. En 1998, 26 % des bénéficiaires d’unesubvention à l’établissement avaient une forma-tion du secondaire contre 39,6 % en 2006. Or,comme il a déjà été signalé, le DEP prépare desouvriers de ferme plutôt que des propriétairesd’entreprise.

On comprend que certains représentants du sec-teur agricole pourraient appréhender une aggra-vation des problèmes de relève si les conditionsd’accès à la profession étaient haussées, no-tamment sur le plan des compétences scolaireset professionnelles. Mais le nivellement par lebas ne risque-t-il pas d’être encore plus dom-mageable à moyen et à long terme?

Au moment où l’agriculture a besoin plus que jamais de leadership, d’expertise diversifiée,d’innovation et d’entrepreneurs visionnaires, lessolutions de compromis par rapport aux com-pétences de base peuvent miner la capacité àaffronter les défis de demain. Il ne faut pas mini-miser l’importance d’accorder des subventionset des garanties de prêt à une aussi grande pro-portion de personnes moins bien préparées à lafonction de propriétaire et de gestionnaire d’uneentreprise. Et comme il a déjà été mentionné,les carences en formation de base en agriculturene sont pas comblées par la formation continue.Il est vrai que les subventions sont plus élevéespour les candidats qui ont une formation collé-giale et universitaire, mais le problème de fonddemeure.

134 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

19.

RecommandationEn conséquence, la Commission recommande :

Que La Financière agricole du Québec revoie graduellement à lahausse les exigences de formation qui donnent accès à ses pro-grammes d’aide financière à l’établissement, et que, au terme d’unepériode de transition de cinq ans, un diplôme d’études collégialesspécialisées en agriculture (ou une formation équivalente et perti-nente) soit considéré comme niveau minimal de formation donnantaccès à cette aide financière.

La Fédération de la relève agricole du Québecnote à ce sujet : « Il est de notoriété publique quele secteur agricole vit de nombreuses problé-matiques et crises depuis quelques années…Nous croyons qu’une partie de [ces difficultés]réside dans la formation déficiente des produc-teurs agricoles. L’expérience acquise à la fermepeut certes combler partiellement ce manque,mais la formation initiale apparaît comme unoutil s’inscrivant dans un processus d’établisse-ment et donnant accès à des compétences per-mettant une meilleure gestion de l’entreprise. »

AGRIcarrières, un comité sectoriel de main-d’œuvre du secteur agricole, estime que le collé-gial offre le niveau minimal de formation pourgérer une entreprise agricole. Le comité s’est ex-primé ainsi lors des audiences de la Commission :« Le programme collégial Gestion et exploitationd’entreprise agricole est le programme spécia-lement conçu pour répondre aux besoins de for-mation de base des futurs producteurs etproductrices agricoles. Tous nos efforts doiventêtre dirigés pour sensibiliser les jeunes, leursparents, la communauté agricole et les interve-nants en formation, à l’importance de viser cetobjectif de formation. Il est de notoriété publiqueque les jeunes qui se destinent à la relève nepoursuivent pas suffisamment leurs efforts au-delà d’une formation de niveau secondaire. »

Il paraît essentiel que La Financière agricolelance un avertissement dès maintenant : le nom-bre de candidats à l’établissement admis à sesprogrammes qui ne posséderont pas au moinsun diplôme collégial spécialisé en agriculture ouacquis une formation équivalente diminuera dansun proche avenir et, à moyen terme, le diplômed’études collégiales sera exigé comme condi-tion minimale d’admission aux programmes definancement. Nous suggérons que ce tournanten faveur des compétences de base se traduise,d’une part, par une restriction de l’aide financièreet par la diminution graduelle de la subventionversée aux candidats sans diplôme d’étudescollégiales ou universitaires et, d’autre part, parune augmentation proportionnelle des montantsaccordés aux titulaires de tels diplômes. La Fédération de la relève agricole du Québec invite elle aussi La Financière agricole à renfor-cer ses mesures incitatives en faveur de la for-mation : « Une telle hausse inciterait les jeunes àla poursuite des études vers un niveau supérieurpuisque seule la formation collégiale ou universi-taire en agriculture permet l’octroi de la subven-tion maximale. »

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 135

2. Concevoir un parcours individualisé de formation axé sur les compétences d’un professionnel de l’agriculture et valoriser concrètement cetteformationComme il a déjà été signalé, un nombre relative-ment faible de producteurs et de travailleurs dusecteur agricole participent à des activités deformation continue, et cette formation neconduit que rarement à un diplôme officiel.

Certains problèmes empêchent à l’occasion laparticipation de cette main-d’œuvre active auxactivités de perfectionnement : disponibilité, éloi-gnement, difficulté de constituer des groupes,coût, etc. La plupart des producteurs ne peuvents’y engager, puisque le travail à plein temps les re-tient sur leur ferme. Mais les enquêtes révèlentque bon nombre d’entre eux ne reconnaissentpas la plus-value de la formation ou le gain qu’ilspourraient retirer d’un tel investissement per-sonnel. Ils jugent que leurs perspectives d’ave-nir n’en seraient pas améliorées. Le directeur duCentre de formation professionnelle des Mois-sons a soulevé l’importance de « combattre lespréjugés de plusieurs agriculteurs qui pensentne pas avoir besoin de formation et d’ancrer leconcept de formation tout au long de sa vie… ».

Les agriculteurs travaillent en effet dans un do-maine en mutation, au cœur des débats sur ledéveloppement rural, la sécurité alimentaire, laproductivité agricole, dans un contexte de remiseen question et de recherche de pistes de relance.Il faut donc promouvoir la culture de la formationcontinue, en faire un enjeu de développement etaccroître la participation aux formations quali-fiantes et aux formations d’appoint.

Les producteurs et productrices agricoles doivent avoir la possibilité de s’engager dans un parcours personnaliséde formation qui inclut les compétences d’un professionnel de l’agriculture. La formation minimale nécessaire pour atteindre ledegré de maîtrise nécessaire correspond à un programmed’études collégiales en agriculture ou dans une discipline connexe.

L’offre de formation individualisée qui permet-trait de cheminer vers l’obtention de ce diplômedevrait :• reposer sur une reconnaissance des compé-

tences acquises par le producteur tant en mi-lieu scolaire qu’en milieu de travail afin de luiéviter qu’on lui enseigne ce qu’il sait déjà;

• déterminer les activités de formation à com-pléter pour accéder au statut de professionnel;

• être appuyée par le Plan de soutien en forma-tion agricole; les établissements d’enseigne-ment et l’ITA mettraient tout en œuvre pouradapter la formation au contexte et à l’horairede travail du producteur;

• bénéficier d’une aide financière exceptionnelled’une durée de dix ans, aide qui couvrirait unepart marquante des dépenses associées à laformation continue conduisant à un diplôme ouà une attestation professionnelle ou technique,y compris les frais de déplacement et les coûtsde remplacement de l’agriculteur ou du tra-vailleur dans l’entreprise pendant les périodesde formation.

136 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

20.

21.

22.

RecommandationsEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire recommande :

Que tous les producteurs agricoles qui n’ont pas l’équivalent d’undiplôme de formation technique soient fortement incités à s’engagerdans un parcours personnalisé de formation leur permettant d’ac-quérir les compétences théoriques de base d’un professionnel del’agriculture et que, à cette fin :• l’Institut de technologie agroalimentaire conçoive et mette en œuvre,

avec le concours des établissements en région, une méthode dereconnaissance des acquis des agriculteurs et des travailleurs dusecteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire en milieu de travail;

• l’Institut de technologie agroalimentaire élabore un parcours deformation continue où les agriculteurs pourraient, dans uncontexte qui respecte leurs conditions de travail, s’inscrire à unprogramme qui couvre les compétences d’un professionnel del’agriculture et qui mène à un diplôme d’études collégiales spé-cialisées en agriculture ou l’équivalent;

Que le producteur agricole déjà titulaire d’un diplôme d’études col-légiales soit fortement incité à suivre, aux cinq ans, une formation demise à niveau conçue par l’Institut de technologie agroalimentaireet coordonnée par l’Institut dans les diverses régions, et que cetteformation soit officiellement reconnue;

Que des mesures incitatives soient offertes aux producteurs agricolesafin de faciliter leur parcours de formation continue, notamment :• par un programme spécial d’encouragement destiné aux agri-

culteurs et aux travailleurs engagés dans un parcours de forma-tion conduisant à un diplôme d’études. Ce programme couvrirait75 % des dépenses associées aux activités de formation des cinqpremières années et 50 % de celles des cinq années suivantes, ycompris les frais de déplacement et de remplacement de l’agri-culteur ou du travailleur sur la ferme;

• par l’obligation, qui serait faite au producteur qui demande à LaFinancière agricole du Québec d’accroître de façon notable lemontant du crédit ou de la garantie de prêt qui lui est consenti, dedémontrer qu’il possède la qualification d’un professionnel del’agriculture ou de s’engager fermement à emprunter le parcoursqui y mène, dans le respect d’un échéancier convenu avec La Financière agricole;

• par une réduction du taux des primes de certaines assurancesagricoles accordées aux professionnels de l’agriculture et unemajoration de ce taux pour les producteurs qui n’ont pas ce statutet ne participent pas à un programme de formation, puisque lerehaussement des compétences améliore la qualité de la gestionet, partant, minimise les risques.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 137

138 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

3. Former et perfectionner lamain-d’œuvre dans les secteursde la transformation et de la distributionLa transformation alimentaire arrive au premierrang du secteur manufacturier québécois du point de vue de la valeur des expéditions (17,9 milliards de dollars en 2006). Elle emploieprès de 70 000 personnes dans une diversitéd’installations, dans toutes les régions. Le ta -bleau 19 présente l’évolution de l’emploi danscette industrie au cours des dix dernières années.

On assiste à une augmentation des emplois dansla transformation des produits laitiers (+27 % en10 ans) et à une diminution de 36 % dans la pro-duction de jus, boissons et tabac. Cette évolu-tion respective des sous-secteurs « produitslaitiers » et « jus, boissons et tabac » n’est sansdoute pas étrangère à l’intérêt grandissant queportent les consommateurs à leur santé. Elles’explique aussi par l’essor des fromages fins.

Bien qu’elles soient concentrées dans la régionmétropolitaine de Montréal, les entreprises detransformation alimentaire sont présentes danstoutes les régions du Québec. Depuis quelquesannées, elles éprouvent des difficultés à recruterde la main-d’œuvre et à retenir celle à leur em-ploi. Certaines catégories d’emplois de l’indus-trie sont considérées comme peu attrayantes :c’est le cas de celles des abattoirs. On nes’étonne donc pas que les jeunes s’intéressentmoins à la transformation et que la main-d’œuvrey soit plus âgée. Les salariés de 45 ans et plusreprésentent 31 % de la main-d’œuvre de ces

entreprises, comparativement à 28,8 % pourl’ensemble du secteur manufacturier. Bien quetous les corps de métier, incluant les postes demanœuvre, soient touchés par des difficultés derecrutement et de rétention de la main-d’œuvre, lesentreprises de transformation alimentaire sem-blent davantage affectées pour ce qui est despostes exigeant une formation spécialisée.

Sur le plan salarial, les employeurs de la transformationdes aliments rivalisent difficilementavec les entreprises des autressecteurs manufacturiers.

Tableau 20

SALAIRE HORAIRE MOYEN PAR SECTEUR D’ACTIVITÉ,2006

Fabrication d’aliments 16,40 $

Fabrication de produits métalliques 17,40 $

Fabrication de produits de bois 16,60 $

Fabrication de produits du plastique, de caoutchouc 18,50 $

Fabrication de placages, contreplaqués, etc. 17,23 $

Scierie et préservation du bois 19,75 $

Impression et activités connexes de soutien 18,70 $

Source : STATISTIQUE CANAda, Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail.

Tableau 19

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE SALARIÉS PAR ACTIVITÉ DE TRANSFORMATION, 1997 À 2006

Activité (code SCIAN*) 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

Viandes et volaille (3116) 14 496 16 634 15 968 17 956 17 994 18 865 18 678 18 842 19 460 18 190

Boulangeries et fabrication de tortillas (3118) 11 685 11 702 11 697 12 057 12 316 13 572 14 841 14 413 13 630 13 559

Produits laitiers (3115) 6 672 6 777 6 800 7 608 7 129 7 279 7 449 8 098 8 611 9 108

Jus, boissons et tabac (3121-3122) 11 517 12 072 10 643 11 559 12 183 12 773 11 374 10 270 8 118 7 297

Autres aliments (3119) 6 512 7 323 7 236 7 936 7 624 7 700 8 444 8 680 8 760 8 378

Autres (3111-3112-3113-3114-3117) 12 699 13 022 12 603 14 067 12 346 12 991 12 767 13 033 13 098 13 135

Total 63 581 67 530 64 947 71 183 69 592 73 180 73 553 73 336 71 677 69 667

* Système de classification des industries de l’Amérique du Nord

Source : STATISTIQUE CANADA, Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail et Enquête sur la population active, tableaux CANSIM 281-0023et 282-0011, Données mensuelles annualisées.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 139

Sur le plan de la formation, il est étonnant deconstater que, compte tenu de l’importanceéconomique de la transformation, très peu deprogrammes y sont consacrés. Au collégial, unetrentaine de diplômes sont décernés chaqueannée en Technologie de la transformation desaliments, à l’ITA. Ce nombre devrait augmenterquelque peu au cours des prochaines annéespuisque le campus de La Pocatière et le Cégeprégional de Lanaudière (campus de Joliette) ont étéautorisés à offrir ce programme à partir de 2002.En 2007, ces deux campus ont délivré 15 diplômesadditionnels, portant à 40 le nombre de nouveauxtechniciens en transformation des aliments. Sa-luons ce progrès, mais reconnaissons que l’in-dustrie a besoin d’un nombre nettement plusélevé de personnes spécialisées en ce domaine.

L’Université Laval offre les programmes Géniealimentaire et Sciences et technologies des ali-ments alors que l’Université McGill présenteTechnologie alimentaire. En 2006, 35 étudiantsont complété avec succès leurs études de premiercycle dans cette spécialité à Laval et à McGill. De plus, 45 étudiants ont obtenu, en 2006, desdiplômes de 2e et de 3e cycle de ces deux uni-versités dans les disciplines de la transformationalimentaire.

Les entreprises du domaine font appel à diversspécialistes de la formation professionnelle ettechnique : mécanicien, électromécanicien, élec -tro nicien, opérateur de machinerie fixe et ingé-nieur de procédés. La plupart de ces métiers quifont appel aux sciences physiques, tous secteursconfondus, attirent très peu de jeunes au secon-daire et au collégial, ce qui laisse présager desproblèmes de renouvellement de la main-d’œuvreà brève échéance.

Conscientes de ces difficultés, les entreprisesportent un intérêt grandissant à la formation enmilieu de travail. Avec le concours du Comitésectoriel de main-d’œuvre de la transformationalimentaire, elles participent à l’élaboration desnormes professionnelles et préparent des outilsde formation interne. Ces initiatives sont inté-ressantes, mais elles ne peuvent pallier la pénuriede diplômés sur le marché du travail. L’industries’intéresse aussi à la main-d’œuvre immigrante.

Il est clair que les entreprisesdoivent contribuer à l’améliorationde l’image de la transformationalimentaire si elles veulent attireret retenir les travailleurs qualifiésdont elles ont besoin, dans un contexte de rareté de main-d’œuvre. Elles doiventaussi chercher à bonifier lesconditions de travail de leursemployés.

4. Former et perfectionner la main-d’œuvre de la distributionalimentaire Les activités associées au commerce de gros etde détail des produits alimentaires ont fourni, en2006, 157 568 emplois répartis dans 9 831 en-treprises. Ces chiffres ne tiennent pas comptedes salariés des commerces non spécialisés enalimentation (Costco, Wal-Mart, etc.). Comme lemontre le tableau 21, l’emploi est en croissanceconstante dans la distribution alimentaire.

Tableau 21

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’EMPLOIS DANS LA DISTRIBUTION ALIMENTAIRE SELON LE TYPE DE COMMERCE, 1996 À 2006

Type de 1996 1998 2000 2002 2004 2006commerced’alimentation

Grossistes-distributeurs 21 383 24 013 25 333 29 160 28 354 25 680

Magasins d’alimentation 85 961 90 645 95 144 108 211 122 880 131 888

Total des emplois 107 344 114 860 120 477 137 371 151 234 157 568

Source : STATISTIQUE CANADA, Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail et Enquête sur la population active, tableaux CANSIM 281-0023 et 282-0011,données mensuelles annualisées.

71. Selon les données du Recensement 2001 de STATISTIQUE CANADA.

Tableau 22

NIVEAU DE SCOLARITÉ DES TRAVAILLEURS DES MAGASINS D’ALIMENTATION SELON L’OCCUPATION, 2005

Sans diplôme Études Études Certificat ou Certificat ou d’études secondaires postsecondaires diplôme d’études diplômesecondaires complétées partielles postsecondaires universitaire

Directeur vente au détail 13,8 % 17,2 % - 28,2 % 30,6 %

Superviseur vente au détail 14,6 % 22,4 % - 44,8 % -

Commis-vendeur vente au détail 16,9 % 31,7 % 21,1 % 22,5% -

Caissier 28,7 % 22,9 % 22,6 % 21,0 % 4,8 %

Boucher vente en gros et au détail 19,6 % 18,9 % - 41,9 % -

Commis d’épicerie et étalagiste 40,8 % 19,6 % 18,7 % 20,0 % -

Source : GROUPE AGÉCO, Répartition de la population active dans les magasins d’alimentation, selon l’occupation et le niveau de scolarité, Québec,en milliers de personnes.

Dans les commerces de gros, 8 % des em-ployés sont à temps partiel contre 49 % dans lescommerces de détail71. Le prolongement desheures d’ouverture des commerces est largementresponsable de cette situation. L’essentiel du tra-vail dans le commerce de gros s’effectue dans lesentrepôts. Trois emplois types s’y côtoient :• des commis d’entrepôt et des manutention-

naires,

• des contremaîtres,

• des gestionnaires de second niveau.

Les commis d’entrepôt et les manutentionnairesont, pour la plupart, un faible niveau de scolarité :une majorité d’entre eux n’ont pas complété lesétudes secondaires, selon une analyse réaliséepar Emploi Québec en 2001. Le niveau de qua-lification des contremaîtres est un peu plusélevé, mais une faible minorité d’entre eux ontcomplété des études postsecondaires. Enfin, lesgestionnaires de second niveau, embauchés parles grandes entreprises, ont une formation col-légiale et certains sont titulaires d’un diplômeuniversitaire.

Le commerce de détail se caractérise par uneforte proportion d’emplois non qualifiés, même siplusieurs postes de travail exigent des compé-tences professionnelles et techniques et mêmeune formation universitaire. Le tableau 22 présentela qualification professionnelle des personnesoccupant les catégories d’emplois les plus re-présentatives de la distribution alimentaire.

De nombreux établissements publics offrent,surtout à l’enseignement professionnel du se-condaire, les formations conduisant aux métiersde pâtissier, boulanger, boucher et cuisinier. Cesétablissements, dont l’Institut de tourisme etd’hôtellerie du Québec, délivrent chaque annéequelque 1500 DEP dans ces disciplines. Au col lé gial, une AEC en Gestion de départementde marché d’alimentation d’une durée d’un an aété offerte. Elle n’a attiré que deux cohortes, soit30 personnes qui ont pu obtenir cette attestationprofessionnelle. Depuis, l’AEC a été abandonnée,faute de candidats et de candidates.

Il est clair que le nombre de diplômés du secondaire ne comble qu’une partie des besoins de main-d’œuvre spécialisée de la distribution alimentaire. Cette industrie souffre aussi d’un important problème d’attraction desjeunes dans les programmesd’études conduisant aux emplois en demande et de difficultés associées à de forts taux de roulement de la main-d’œuvre.

140 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

72. GROUPE AGÉCO, Entre la nostalgie Steinberg et la Génération Y, un commerce de l’alimentation en quête d’identité, 2006.

Le Groupe AGÉCO, qui a réalisé une importanteétude des besoins de main-d’œuvre, constate :« Le commerce de détail en alimentation n’estplus perçu comme un domaine de carrière et neséduit plus la jeunesse face à son choix de car-rière. On note de façon généralisée une pénuriede main-d’œuvre et une déprofessionnalisationdes travailleurs du commerce de l’alimentationavec une perte de connaissances plus marquéedans les métiers spécialisés (boucher, poisson-nier, boulanger, cuisinier, pâtissier). Ces métiersapparaissent les plus critiques, compte tenu dunombre réduit d’employés expérimentés et formés par les écoles72. »

5. Former et perfectionner lamain-d’œuvre en restaurationLe milieu de la restauration compte plus de16 000 établissements et employait 180 000 per-sonnes en 2006, comparativement à 148 000 en1996.

Les restaurants et les débits de boisson sont depetites entreprises. Alors que 45 % d’entre euxont moins de cinq employés, seulement 16 %en ont vingt et plus. Une étude réalisée en 2004par le Conseil québécois des ressources hu-maines en tourisme, un comité sectoriel demain-d’œuvre, a révélé que :• 59 % des employés sont des femmes;

• la main-d’œuvre est particulièrement jeune.Ainsi, 29 % des cuisiniers, 55 % des maîtresd’hôtel, 36 % des barmen et 35 % des ser-veurs d’aliments et de boissons ont moins de25 ans;

• seulement le tiers des gestionnaires, employésde salle et de cuisine ont reçu une formationliée à leur occupation;

• la grande majorité des restaurateurs ont plusde dix années d’expérience dans le domaine.Cinquante-neuf pour cent d’entre eux n’ontpas de formation.

Divers programmes d’études portent sur les mé-tiers et professions de la restauration. À l’ensei-gnement professionnel du secondaire, lesformations suivantes sont disponibles dans laplupart des régions du Québec : Cuisine d’éta-blissement, Pâtissier, Boucher, Boulanger, Pois-sonnier, Réception d’hôtellerie et Service derestauration. Au collégial, il s’agit de Gestiond’établissement de restauration et de Tech-niques de gestion hôtelière.

Pour compléter cette offre de formation, l’Insti-tut de tourisme et d’hôtellerie du Québec attiredes étudiants à l’enseignement secondaire, col-légial et universitaire. L’Institut offre certainesspécialités au secondaire ou au collégial, dontCuisine italienne, Sommellerie, Gestion de res-taurant et Gestion en hôtellerie internationale. Àl’universitaire, l’Institut présente un certificat etun baccalauréat en gestion de tourisme et d’hô-tellerie. Enfin, il élabore, en partenariat avec desentreprises, des programmes de formation col-légiale appelés programmes signature ITHQ, àl’exemple du programme sur l’organisationd’événements.

Les tableaux 23 et 24 indiquent le nombre de di-plômés des divers établissements de formationsecondaire et collégiale dénombrés au coursdes dernières années.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 141

Tableau 23

NOMBRE DE DIPLÔMÉS DE QUELQUES PROGRAMMES DU SECONDAIREDES RÉSEAUX D’ENSEIGNEMENT PUBLIC ET PRIVÉ, 2000 À 2007

2000 2002 2004 2006 2007

Boucherie de détail 252 196 195 195 188

Boulangerie - 35 36 52 30

Commis de poissonnerie - - 1 1 -

Cuisine d’établissement 1092 972 944 987 669

Pâtisserie 346 239 278 303 214

Réception en hôtellerie 202 142 91 93 125

Service de la restauration 418 330 323 307 229

Total 2 310 1 914 1 868 1 938 1 455

Source : MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT, DRSI, Entrepôt de donnéesministériel (EDM) au 15 octobre 2007.

Tableau 24

NOMBRE DE DIPLÔMÉS DU COLLÉGIAL, SELON LE SECTEUR DEFORMATION, LE PROGRAMME REGROUPÉ ET L’ANNÉE CIVILE,2000-2005

Nom du programme regroupé 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Gestion d’un établissement de restauration 83 65 71 67 77 62

Techniques de gestion hôtelière 232 205 210 209 201 162

Total 315 270 281 276 278 224

Source : MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT, Secteur de l’enseignement su-périeur, Direction des systèmes et du contrôle, en collaboration avec le Service de l’in-formation et des communications, DRSI, avril 2007.

6. Faire une place à la main-d’œuvre saisonnière immigranteJusqu’à la fin des années 90, le Québec a enre-gistré des taux de chômage dépassant les 10 %.Dans un tel contexte, les employeurs du Qué-bec n’ont pas senti le besoin de recourir à unemain-d’œuvre étrangère pour occuper des em-plois saisonniers ou temporaires. Même si legouvernement fédéral a mis sur pied, dès 1966,le Programme des travailleurs agricoles saison-niers, les employeurs québécois ne s’en sontpas prévalus avant 1998.

Les producteurs maraîchers du Québec, con cen-trés dans la région métropolitaine de Montréal,ont été parmi les premiers à éprouver des difficul-tés de recrutement de main-d’œuvre, difficultésqui augmentaient au rythme de l’amélioration dela situation de l’emploi au Québec, dans la régionmétropolitaine en particulier. Ils ont donc faitappel au programme fédéral précité qui permetde faire venir, pour des périodes de deux à sixmois, des travailleurs du Mexique, du Guatemalaet des Antilles. Le nombre de travailleurs immi-grants est donc passé de 1196 en 1999 à plusde 5000 en 2007.

Pourtant, année après année, on note un nombresuffisant d’étudiants inoccupés l’été, de chô-meurs et de prestataires de l’assistance-emploi(aide sociale) qui seraient capables de comblerces postes. Mais l’expérience a démontré quecette adéquation théorique entre l’offre et la de-mande de main-d’œuvre ne se traduit pas enprestation réelle de travail.

Il faut appeler un chat un chat :certaines catégories d’emploisont boudées par les Québécoisqui préfèrent prolonger leur période de recherche plutôt qued’aller travailler aux champs. La situation de l’emploi dans les cultures maraîchères illustre clairement le phénomène.

Compte tenu des prévisions démographiquesdu Québec, les pénuries de main-d’œuvre vonts’étendre à plusieurs secteurs d’activité et certainstypes d’emploi ne trouveront tout simplementpas preneur. Plusieurs pays industrialisés fontface à cette situation et doivent eux aussi avoirrecours à des travailleurs migrants provenant depays voisins, moins développés.

Nous devrons vraisemblablement aller plus loindans un proche avenir. Certains emplois plusstables, mais reconnus comme étant peu at-trayants ou plus exigeants sur le plan physique,sont de plus en plus difficiles à combler même sile Québec ne connaît pas encore une situation deplein emploi. Le Conseil des viandes du Canadaa exposé devant la Commission les difficultés derecrutement et de rétention de la main-d’œuvredans les abattoirs. Son représentant a men-tionné qu’en 2006, « le ministre responsable del’emploi avait autorisé la réalisation d’un projetpilote [d’embauche de 110 travailleurs étrangerstemporaires] dans trois abattoirs de la région duBas-Saint-Laurent ». Mais à la suite des interven-tions de certains ministères québécois, qui ont al-légué l’absence de pénurie de main-d’œuvredans cette région et dans ce secteur, aucun tra-vailleur étranger temporaire n’a été recruté. EnAlberta, on estime à 1500 le nombre de travail-leurs migrants embauchés dans les abattoirs,dont celui d’Olymel, pour des périodes pouvantaller jusqu’à deux ans.

Il n’appartient pas à la Commission de se pro-noncer sur ce cas précis. Cependant, à moyenterme, le recours à des travailleurs étrangers quiaccepteront d’occuper temporairement des emplois que les Québécois délaissent sembleinévitable. Cette perspective ne devrait cepen-dant pas soustraire les entreprises du Québec àl’obligation de chercher à améliorer les condi-tions de travail et de rémunération dans leursinstallations. Il sera toujours plus facile et plusrentable, pour ces entreprises et leur commu-nauté, de recruter et de retenir une main-d’œuvrelocale. La population migrante ne peut constituerqu’un apport ponctuel, même si elle est appeléeà prendre une importance croissante dans unavenir prévisible.

142 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

23.

24.

RecommandationsEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois recommande :

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec, le ministère responsable de l’immigration et les parte-naires du marché du travail du secteur de l’agriculture et de l’agroali-mentaire élaborent une stratégie d’intéressement et de sélection desimmigrants en fonction des emplois non spécialisés et spécialisésdisponibles dans le secteur et que cette stratégie accorde une placetant aux travailleurs temporaires qu’aux immigrants permanents;

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec analyse et, si nécessaire, révise ou complète, en concer-tation avec le ministère du Travail et le gouvernement fédéral, lesmesures d’encadrement des travailleurs migrants saisonniers demanière à leur garantir des conditions d’hébergement, de travail etde protection sociale respectueuses de leurs droits.

Le recours aux travailleurs migrants est inévitable; son corollaire essentiel est de leuraccorder des conditions detransport, d’hébergement et de travail qui soient conformes à nos valeurs et respectueusesde leurs droits.

Des mesures d’encadrement sont mises enplace afin d’assurer que les lois régissant lesconditions minimales du travail et la sécuritésoient respectées dans le cadre du programmefédéral. Il faut maintenir et bonifier cet encadre-ment. Comme le soulignait le président de la Fé-dération des travailleurs du Québec, lors desaudiences de la Commission, « à cause de leurcontrat d’emploi avec un employeur unique etde la menace de rapatriement en cas de non-performance, ces travailleurs sont par définitionextrêmement vulnérables à toute forme de chan-tage de la part des employeurs ».

On ne saurait bien entendu confiner les migrantset les immigrants dans des emplois difficiles etpeu attrayants. Les immigrants qui choisissent des’établir au Québec peuvent évidemment aspirerà toutes les catégories d’emploi et il est haute-ment souhaitable qu’ils s’intéressent au secteuragricole et agroalimentaire. Pour combler lesemplois spécialisés, notamment, les entreprisesauraient avantage à faire appel à une main-d’œuvreimmigrante plus scolarisée.

L’organisme Carrefour BLE, soutenu par EmploiQuébec et le ministère de l’Immigration et desCommunautés culturelles, travaille à la formationet à l’intégration des immigrants dans le secteuragricole. Il a déploré lors des audiences de laCommission qu’il faille « approcher en moyenneune quarantaine d’entreprises pour placer unseul candidat (d’origine immigrante) ». L’orga-nisme plaide en faveur « d’une plus grande ou-verture ainsi que des mesures de soutienappropriées des milieux institutionnels et gou-vernementaux associés au milieu agricole, leMAPAQ notamment, à l’intégration des nou-veaux arrivants aux milieux agricole et agroali-mentaire québécois ».

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 143

LES SERVICES-CONSEILS EN AGRICULTURE

1. L’origine des services-conseilsDepuis fort longtemps, le secteur agricole s’estdoté de services-conseils qui n’ont pas d’équiva-lent dans les autres sphères économiques. Cesservices d’accompagnement portent principale-ment sur la gestion, l’encadrement technique,l’agroenvironnement et le transfert d’entreprise.

Ces services ont d’abord été offerts par les so-ciétés d’agriculture financées par le gouverne-ment du Québec. À partir de 1913, le ministèreresponsable de l’agriculture du Québec a pris encharge la diffusion des connaissances scienti-fiques et techniques auprès des agriculteurs.Jusqu’en 1968, le Ministère a été le premier etle plus important pourvoyeur de services-conseils aux producteurs agricoles. En 1968, leministère de l’Agriculture a implanté les servicesvétérinaires. Le réseau de laboratoires de patho-logie animale et les équipes de médecins vété -rinaires mis en place ont constitué les fon de mentsdes services de santé animale au Québec. Notonsqu’en plus des services-conseils offerts directe-ment par le Ministère, par l’intermédiaire de sesbureaux locaux et régionaux, les producteurspouvaient bénéficier des conseils de la Sociétéde financement agricole et de la Régie des assu -rances agricoles de l’époque. En 1996, le MAPAQcomptait 430 agronomes, ingénieurs, vétérinaireset techniciens agricoles, 114 conseillers en finan-cement et 150 conseillers à l’emploi de la Régiedes assurances.

Dans les années 60, les coopératives, les meune-ries et les institutions financières ont commencéà développer des services-conseils en rapportavec les services offerts ou les biens qu’ils ven-daient aux agriculteurs.

À compter de 1969, le ministère de l’Agriculturea favorisé l’émergence de réseaux d’organismesvoués au partage de savoir-faire dans le but dediffuser les connaissances et d’orienter les prio-rités de recherche vers les besoins exprimés parles agriculteurs. C’est ainsi que fut créé, en1969, le Conseil des productions animales duQuébec. Plus tard, le MAPAQ favorisera l’émer-gence de plusieurs conseils spécialisés (conseildes semences, des engrais chimiques, des pro-ductions végétales, de l’alimentation, en gestion,etc.). Ces conseils spécialisés sont regroupésaujourd’hui sous une même entité, soit le Centrede référence en agriculture et en agroalimentaire(CRAAQ). Ce dernier joue un rôle majeur dans ladiffusion des connaissances et le soutien dedeuxième ligne aux conseillers.

En parallèle, le ministère de l’Agriculture a par-ticipé à la création des syndicats de gestionagricole qui offraient, aux regroupements deproducteurs, des services spécialisés en gestion.La formule s’est développée et a véritablementpris son essor dans les années 80. Entre 1986 et2004, les regroupements de conseillers se sontétendus davantage et se sont spécialisés en ges-tion, en agroenvironnement, en encadrementtechnique spécialisé et en aide à l’établisse-ment. En 1998, le MAPAQ et les représentantsdes producteurs agricoles ont senti le besoin deresserrer les liens entre les divers regroupementsde services-conseils et d’optimiser leur présenceen région. Cette démarche a conduit à la réor-ganisation des services et à la création des ré-seaux Agriconseils qui existent aujourd’hui.

En 2005-2006, on comptait 145 regroupementsd’agriculteurs sous forme de clubs ou degroupes-conseils répartis dans les réseauxd’Agriconseils. Ils rejoignent 10 259 entreprisesagricoles. Les producteurs participent au finan-cement de ces clubs et paient une partie descoûts des services-conseils qu’ils sollicitent.L’autre part du financement provient des gou-vernements.

144 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

73. On partait d’un mode de financement reposant largement sur l’effectif, ce qui favorisait la formule de groupe. Les modalités actuellesprévoient une contribution financière à l’acte.

2. La réforme de 2006La réforme des services-conseils s’est terminéeen 2006. C’est ainsi que furent constitués qua-torze réseaux d’Agriconseils, soit un par région. Lefinancement de chacun des réseaux est assurépar des contributions du gouvernement du Qué-bec, du gouvernement fédéral et des producteursagricoles. Cette réorganisation a fait l’objet d’uneentente avec l’UPA. Les services régionalisés ontpour objectif de répondre aux divers besoins desentreprises agricoles. Ils sont un complément auxservices assurés par les coopératives, les four-nisseurs d’intrants et les institutions financières.Les services-conseils en agroenvironnementsont actuellement exclus de l’entente, en raisonde leur mode particulier de financement, jusqu’àla fin de 2008.

L’UPA, dans le mémoire qu’elle a déposé à laCommission, explique ainsi l’importance de cesservices-conseils : « L’avenir du secteur agricolerepose sur sa capacité d’acquérir, de renouveler,de diffuser et de partager un savoir précieux. Dansle domaine des services-conseils, nous réitéronsl’importance du partenariat État-producteurspour garantir non seulement la qualité, maisl’universalité des services. »

Chacun des réseaux Agriconseils offre des ser-vices individuels et collectifs. Les services indi-viduels s’adressent à une ferme en particulier ettouchent généralement au rendement et à lagestion, le plus souvent dans le cadre d’un projetd’expansion ou de diversification de la produc-tion. Par ailleurs, les services collectifs sontstructurés, ils s’adressent à un groupementd’entreprises et favorisent le transfert desconnaissances techniques et de gestion, la miseen réseau des entreprises et la comparaison despratiques et des rendements.

Le financement des services individuels estorienté vers la livraison de biens clairement dé-terminés. Il s’agit d’une sorte de paiement àl’acte. Cette formule est inspirée du cadre stra-tégique canadien de 2004 en vertu duquel legouvernement fédéral a octroyé un montant de20 millions de dollars sur cinq ans pour ces services-conseils aux producteurs agricoles duQuébec. Ce programme fait partie de l’ententeintervenue entre le MAPAQ et l’UPA sur les Agri-conseils. Ce mode de financement déstabilisequelque peu les approches de groupe73, notam-ment les centres régionaux d’établissement enagriculture et les clubs de gestion agricole.

Bref, les professionnels et lestechniciens qui conseillent lesagriculteurs et qui, au départ,étaient à l’emploi du ministèreresponsable de l’agriculture et des institutions publiques de crédit et d’assurance se retrouvent aujourd’hui dans une grande variété d’entreprisesprivées, de coopératives, d’organismes à but non lucratifet d’institutions publiques.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 145

146 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

3. La situation actuelle Aujourd’hui, on dénombre 3226 conseilleurs ditsde première ligne, c’est-à-dire qui sont en rela-tion directe avec les producteurs agricoles. Ilsse répartissent ainsi :• 1495 conseillers travaillant pour une entreprise

de vente de produits ou de services (caissespopulaires, banques, fabricants d’engrais etd’aliments pour animaux);

• 902 consultants privés (ingénieurs, vétérinaires,conseillers en gestion, services techniques etcomptables, etc.);

• 218 conseillers associés à un regroupementd’agriculteurs;

• 300 conseillers en agroenvironnement regrou-pés dans le réseau de 83 clubs-conseils;

• 311 conseillers de La Financière agricole duQuébec.

Le MAPAQ offre les services dits de deuxièmeligne, c’est-à-dire des services offerts auxconseillers eux-mêmes. De plus, le Ministèrecherche à préserver une expertise dans certainsdomaines particuliers. Cela est important pourcertaines productions où la masse critique de-meure faible et les fermes dispersées sur unvaste territoire, ce qui rend impossible le déve-loppement de services-conseils privés. C’estnotamment le cas de l’apiculture qui, malgrél’importance des abeilles dans l’agriculture, de-meure une production qui bénéficie peu du sou-tien technique.

Depuis 1995, le MAPAQ a recentré son action surdes activités dites collectives liées à la gestiondurable des ressources (adoption de pratiquesrespectueuses de l’environnement) et au déve-loppement économique du secteur agroalimen-taire (développement ou diversification d’uneproduction, appui et développement d’expertiseagronomique pour des productions nouvelles,émergentes et de créneau). On estime à 321 lenombre d’employés du MAPAQ qui peuvent êtreassociés à cette fonction. Avec les départs à laretraite et la politique du gouvernement de neremplacer qu’une personne sur deux, on s’inter-roge sur la capacité du MAPAQ de maintenir cesservices de deuxième ligne.

D’autres organismes contribuent à la formationet au soutien technique et logistique des conseil-lers : les universités, l’ITA et les autres centresde formation, le personnel des centres de re-cherche, d’expertise et de transfert technolo-gique, l’Association québécoise des industriesde nutrition animale et céréalière, les vétérinairesà l’emploi du gouvernement, les coopératives etles fédérations spécialisées de l’UPA. Il fautaussi compter sur les conseillers du gouverne-ment fédéral, en particulier ceux qui sont à l’emploide Financement Agricole Canada.

4. Les appréhensions à l’égarddes services-conseils

La réorganisation des services-conseils est toute récente. Elle apporte des changements,tant pour les conseillers quepour les agriculteurs.

Les conseillers sont appelés à fournir des ser-vices plus circonscrits, à facturer en conséquenceet à se comporter de plus en plus comme desconsultants indépendants. Pour leur part, lesproducteurs agricoles, en tant que chefs d’en-treprise, sont incités à faire appel à des profes-sionnels pour des services de court et de longterme et à les rémunérer en conséquence, bienqu’une partie appréciable des coûts soit assuméepar les gouvernements. Il y a nécessairement unephase d’ajustement de part et d’autre et il faudraun certain temps pour traverser cette périoded’adaptation.

L’Ordre des agronomes du Québec a bien expli-qué le changement que représente, pour sesmembres, le nouveau mode d’organisation desservices-conseils. Dans le mémoire qu’il a pré-senté à la Commission, on peut lire : « Ce nou-veau contexte signifie que l’agronome devraconvaincre le producteur de la plus-value que sesservices peuvent lui apporter… Il devra mettrede l’avant tout son savoir et non seulement fairevaloir la nécessité de répondre à des normes en-vironnementales imposées. Il est aussi permis depenser que la profession d’agronome évolueravers une nécessité de développer des domainesd’expertise plus spécifiques. Ce changementdevra être bien géré si l’on veut pouvoir conserverles avantages liés au type de relation profes-sionnelle qui a toujours existé entre le produc-teur et “ son ” agronome accompagnateur. »

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 147

L’une des inquiétudes soulevées lors des au-diences de la Commission porte sur l’avenir dela formule de groupe. Le regroupement desagriculteurs autour d’un ou de quelques conseil-lers s’est avéré bénéfique pour bien des pro-ducteurs, comme l’a souligné la Fédération desgroupes-conseils agricoles du Québec : « Nousavons souvent vu dans nos groupes des liens setisser et des échanges se faire au point d’ap-porter des projets à des entreprises et aussi del’écoute et de l’entraide à des moments plus dif-ficiles… Il y a un aspect très humain à ceconcept. C’est un moyen d’échanger et de ren-contrer des gens qui vivent la même réalité.Nous sommes convaincus que cela brise l’isole-ment. » Il faudrait s’assurer que le paiement àl’acte, qui constitue l’orientation de base du fi-nancement des services-conseils, puisse s’a -dapter à ces modes de regroupement desagriculteurs qui ont fait leurs preuves. Souli-gnons que, dans d’autres secteurs d’activitééconomique, les regroupements d’entreprisessont également encouragés.

L’autre appréhension exprimée à l’égard de laréforme des services-conseils tient à la capacitéde répondre aux besoins globaux d’une entre-prise agricole. La Fédération des services-conseilsagricoles du Québec a exprimé les besoins ences termes : « Il est important d’avoir une visionà long terme du développement de son entre-prise. Nous incitons tous ceux et celles que nouscôtoyons à faire une planification stratégique, aumoins une fois tous les cinq ans ou selon les be-soins, et entre-temps, de mesurer annuellementl’évolution de la planification. De cette façon, onévite les décisions impulsives et le développe-ment anarchique de la ferme. Ce faisant, le pro-ducteur et la productrice retrouvent une visionglobale de tous les aspects de leur entreprise. »

Plusieurs observateurs ont déploré la lourdeuradministrative du programme fédéral et sa rigi-dité normative. Il semble que l’on accorde uneimportance excessive aux aspects administratifsde l’exercice au détriment de l’aide-conseil per-sonnalisée offerte à l’agriculteur et qu’il soit dif-ficile d’étendre le conseil en gestion au-delàd’une année. On craint que la facturation à l’actene provoque une série d’interventions ponc-tuelles qui ne permettent pas d’analyser de manière globale et récurrente les besoins del’entreprise, sur le plan de la productivité, du financement et de la gestion des ressources hu-maines. Des activités associées à la planificationstratégique doivent être clairement reconnuescomme étant admissibles à l’aide financière.

De même, les services multidisciplinaires,comme ceux offerts par les centres régionauxd’établissement en agriculture (CRÉA), ont de ladifficulté à se retrouver dans le nouveau modèled’organisation. Les CRÉA se sont spécialisésdans le transfert d’entreprises agricoles, ce quirequiert une approche multidisciplinaire. Ils onten outre acquis une expertise particulière dansl’accompagnement des familles agricoles au coursdes phases de développement qui suivent letransfert d’une ferme. D’autres groupes-conseilsoffrent aussi ce type d’expertise, mais les CRÉAont l’avantage d’axer leurs interventions sur ladimension humaine du processus de transfert etde développement d’une entreprise agricole.Les CRÉA ont été fragilisés et leur nombre estpassé de neuf à quatre. Compte tenu de la com-plexité du transfert d’entreprise et des pro-blèmes auxquels la relève agricole fait face, il estessentiel de préserver l’expertise et le mode ori-ginal d’intervention des CRÉA.

Dans un mémoire présenté à la Commission parles conseillères en transfert de ferme et le comitéconsultatif des CRÉA du Québec, on note qu’undes enjeux majeurs est « la disparition de l’ex-pertise CRÉA en accompagnement du processusde transfert de ferme et la menace de disparitionde l’expertise en agriculture au Québec dans unmoment où la préoccupation de la relève estidentifiée comme la priorité des priorités et queles besoins sont criants… Certains CRÉA doi-vent d’ailleurs leur survie uniquement à l’actionbénévole des administrateurs au niveau de lagestion de l’organisme et d’une très grande sou-plesse du personnel (paye qui retarde, horaire detravail surchargé) ».

« En plus d’offrir des servicespersonnalisés aux entreprisesagricoles, les CRÉA ont reçucomme mission de sensibiliserl’ensemble des producteurs etproductrices agricoles à l’importance de la planificationdu transfert de leur entreprise et à la place que doit prendrechaque personne au sein de ce processus. »

Tout en invitant les CRÉA à tirer profit du nouveaumode d’organisation des services-conseils, leMAPAQ devrait octroyer à ces organismes un financement de base afin qu’ils puissent main-tenir leurs services collectifs aux agriculteurs età la relève.

148 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Les conseillers en agroenvironnement, pourleur part, ont conclu avec le MAPAQ une ententede financement qui expire à la fin de 2008. Leurtravail s’est avéré déterminant pour l’adoptionde pratiques agricoles plus respectueuses del’environnement. Comme on le verra au chapitresur l’environnement, les conseillers en agroenvi-ronnement devraient être mis encore plus àcontribution dans la révision des exigences rela-tives à l’écoconditionnalité. Il importe donc, àl’expiration de la présente entente de finance-ment des conseillers en agroenvironnement, quel’on prévoie des modalités de soutien pour cesgroupes-conseils, modalités qui tiennent comptedu rôle majeur qu’ils jouent, des responsabilitésnouvelles qui leur seront implicitement confiéespar la révision des modes de suivi du respect desexigences environnementales. Il est entendu quel’agriculteur devra assumer une partie du coûtdes services-conseils en agroenvironnement.

Comme on l’a vu, les conseillersliés à une entreprise qui offredes biens ou des servicescomptent pour près de la moitiédes conseillers des producteursagricoles et ils apportent unecontribution importante à l’amélioration de la gestion etdes rendements des entreprises.

Certaines coopératives et entreprises intégréesde production ou fournisseurs d’intrants souhai-tent que l’actuel programme de subvention desservices-conseils soit remplacé par un créditd’impôt offert à l’agriculteur. Ce dernier feraitappel au conseiller de son choix, paierait pourles services professionnels rendus et serait ad-missible à un crédit d’impôt. Dans ce modèle,les services offerts par l’agronome d’un fournis-seur de moulées, par exemple, seraient en partiecompensés par le crédit d’impôt. Par analogie,ces entreprises demandent que l’aide offerte parles agronomes ou les conseillers financiers outech niques à leur emploi soit traitée comme celledes con seillers indépendants. Ils font valoir queles agronomes qui travaillent à leur compte oucomme employés d’un fournisseur de nourritureanimale sont régis par la même corporation profes-sionnelle et que, en conséquence, les conseilsqu’ils prodiguent ne doivent pas être biaisés parleur statut ou leur lien d’emploi.

Cette question semble mal posée. On ne soup-çonne pas a priori un agronome à l’emploi d’unemeunerie de préconiser une utilisation abusivedes produits de son employeur. Un tel compor-tement serait condamnable de toute façon. Lesfournisseurs d’intrants ont estimé que, dans leurdomaine, l’offre de services-conseils aux agri-culteurs s’inscrit dans la manière de faire des af-faires au Québec. Cela fait partie des servicesattendus par leurs clients agriculteurs. Si une en-treprise décidait de ne pas offrir ces services,elle risquerait fort de subir une diminution declientèle. Le même raisonnement vaut pour lescoopératives ou les entreprises intégrées quivoient, dans l’aide-conseil, un moyen d’intéres-ser un plus grand nombre d’agriculteurs à leurorganisation. Ils finissent d’ailleurs par charger àces clients le coût de ces services. Alors pour-quoi l’État les rendrait admissibles à un avantagefiscal? Il ne viendrait à l’idée de personne de ré-clamer que les services des conseillers spécia-lisés en financement agricole dans les caissespopulaires ou les banques soient en partie à lacharge du gouvernement.

Soulignons que, dans les autres secteurs d’acti-vité, il est généralement admis que les fournisseursde biens et de services offrent de l’aide-conseil àleurs clients, sans que cela ne soit perçu commeune concurrence envers les autres professionnelsdes secteurs public et privé qui travaillent auprèsdes mêmes entreprises.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 7 149

5. La formation de conseillersOn estime qu’environ 80 % des conseillers ontune formation universitaire et 20 %, une formationcollégiale spécialisée en agriculture. Sur le plande la formation de base, ces personnes semblenta priori bien préparées à exercer leur activité pro-fessionnelle, même si bon nombre d’entre ellesn’ont pas au départ de connaissance particulièrede l’« approche-conseil ». Par contre, l’accès à laformation continue semble poser problème.

En effet, plusieurs conseillers, dans les nouvellesstructures des services-conseils, disent éprouverdes difficultés à se libérer et à obtenir le finan-cement qui leur permettrait de remettre périodi-quement leurs connaissances scientifiques ettechniques à jour. Les pratiques agricoles chan-gent depuis quelques années, ce qui interpelledirectement l’agronomie, l’agroenvironnement etla gestion des établissements. Les conseillersformés dans ces disciplines il y a dix ans et plusont-ils été en mesure de mettre à jour leursconnaissances afin de pouvoir anticiper et suivreces évolutions? Cette interrogation est d’autantplus pertinente que de nouveaux besoins ontémergé, comme les interventions par bassin ver-sant, la cohabitation harmonieuse en milieu rural,le maintien de la biodiversité, le développementde l’agriculture biologique et de productionsémergentes, la production de biens et de servicesenvironnementaux, etc.

Certains se sont inquiétés du manque d’activitésstructurantes de renouvellement des connais-sances scientifiques des personnes qui agissentcomme conseillers auprès des producteurs agri-coles. Compte tenu du rôle majeur de cesconseillers, il faut que leur expertise soit conti-nuellement du plus haut niveau. Manifestement,ils ont la motivation professionnelle pour prendrepart à ces activités de formation. On se buteavant tout ici à des problèmes financiers et à descontraintes d’organisation du travail. Il faut cher-cher à lever ces obstacles, en particulier au bé-néfice des conseillers qui travaillent à leurcompte ou qui sont associés aux réseaux régio-naux.

La formation continue doit faire partie des coûts normauxdes services-conseils assuméspar les agriculteurs qui sollicitentces services professionnels et des gouvernements qui les financent. Il importe aussi queles universités étendent leur offre de formation, qu’elles l’ouvrent aux nouveaux enjeuxde l’agriculture et la rendent accessible en région.

L’Ordre des agronomes du Québec reconnais-sait, lors de la présentation de son mémoire à laCommission, que la formation volontaire de sesmembres ne suffit peut-être pas à assurer unemise à jour de leurs connaissances dans lecontexte d’aujourd’hui. Il s’exprimait ainsi :« Pour ces motifs et en raison de l’évolution rapide et de la complexité grandissante de lapratique de l’agronomie au cours des dernièresannées, l’Ordre des agronomes du Québec a re-connu la pertinence d’aller vers une politique deformation continue obligatoire, comme certainsautres ordres professionnels ont choisi de lefaire. Les modalités de fonctionnement inhé-rentes à une telle politique seront définies aucours de la présente année. » Les agronomesétant, et de loin, les principaux conseillers desagriculteurs, la Commission invite l’Ordre à ren-dre cette formation obligatoire le plus rapidementpossible.

150 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

25.

26.

RecommandationsEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois recommande :

Que le gouvernement favorise le recours accru aux services-conseils par les producteurs agricoles et que, à cette fin :• il s’assure que le mode de financement des services-conseils soit

compatible avec l’utilisation des formules de regroupement desagriculteurs et tienne compte des besoins globaux et à longterme des entreprises agricoles;

• il veille à l’accès des services d’aide à la gestion et à l’entrepre-neuriat dans toutes les régions agricoles du Québec;

• il tienne compte des besoins de formation continue des conseillersdans le financement des services-conseils;

• il offre un soutien financier de base aux centres régionaux d’éta-blissement en agriculture, compte tenu de leur approche multi-disciplinaire et des services particuliers qu’ils rendent à la relèveagricole;

• il s’assure que le soutien financier aux services-conseils enagroenvironnement tienne compte des responsabilités qui leursont confiées, notamment sur le plan de l’accompagnement desproducteurs à l’égard de la conformité à l’écoconditionnalité;

Que l’Ordre des agronomes du Québec rende obligatoires des acti-vités de formation continue pour ses membres et, dans cette pers-pective, que les facultés universitaires concernées élargissent leuroffre de formation et la rendent accessible dans les régions.

La recherche et l’innovation

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152 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Le secteur agricole et agroalimentaire québécoiss’est doté d’institutions de recherche de classemondiale qui ont permis à l’ensemble de l’agroa-limentaire d’adopter de meilleures pratiques,d’obtenir de hauts rendements, de développer denouveaux produits, de se diversifier, de s’ouvrirau monde et d’améliorer ses conditions de travail.

Au moment où les pays industrialisés et les éco-nomies en émergence consacrent de plus en plusde ressources à la recherche et à l’innovation,où en est le Québec?

Dans les économies modernes, un système in-tégré de recherche et d’innovation, aussi appeléchaîne d’innovation, est constitué de trois com-posantes reliées en réseau : • des universités et des centres de recherche

fondamentale et appliquée qui se spécialisentdans une sphère d’activité;

• des centres de liaison et de transfert de tech-nologie qui s’emploient à commercialiser lesdécouvertes issues de la recherche, à diffuserle savoir et à favoriser, dans les entreprises,l’implantation ou l’adaptation des nouvellestechnologies;

• des entreprises qui réalisent des activités derecherche et développement (R et D), soutenuespar des mesures fiscales et des programmesd’incitation à la R et D et à l’innovation, et quiétablissent des liens étroits avec les institu-tions de recherche.

La chaîne d’innovation dans le secteur agricoleet agroalimentaire est constituée de plusieurs organisations fédérales, provinciales, mixtes etprivées.

LES INSTITUTIONS

1. Les institutions de recherchedu gouvernement fédéral Agriculture et Agroalimentaire Canada gère dix-neuf centres de recherche au pays, dont quatresont situés au Québec. Il s’agit : • du Centre de recherche et de développement

sur les aliments, situé à Saint-Hyacinthe;

• du Centre de recherche et de développementsur le bovin laitier et le porc, implanté à Len-noxville;

• du Centre de recherche et de développementsur les sols et les grandes cultures, localisédans la ville de Québec;

• du Centre de recherche en horticulture, situé àSaint-Jean-sur-Richelieu.

Les centres de recherche et de développement dugouvernement fédéral ont quelque 500 personnesà leur emploi. Ils ont des mandats nationaux derecherche fondamentale et appliquée et entre-tiennent des liens étroits avec les entreprises dusecteur agricole et agroalimentaire de mêmequ’avec les autres institutions et centres de re-cherche du Québec, du Canada et de plusieurspays.

La recherche et l’innovation sont devenues des vecteurs essentiels de développement des sociétés modernes. Elles font avancer le savoir et lestechnologies, transforment les habitudes de vie, diversifient les emplois,changent les méthodes de production et permettent de multiplier leséchanges. La recherche et l’innovation sont aussi à l’origine de progrèsconsidérables, notamment en santé, qui contribuent à notre bien-être. C’est avant tout par l’innovation, appuyée par la recherche, que les sociétésrelèvent le niveau de vie des citoyens, poursuivent leur élan et créent la richesse qui peut être répartie au sein des filières économiques et dans la collectivité toute entière.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 8 153

2. Les institutions de recherche et de transfert de technologiesoutenues par le gouvernementdu Québec Trois institutions universitaires phares jouentun rôle majeur dans la recherche en agricultureet en agroalimentaire. Plus de 300 chercheurs ytravaillent, souvent en partenariat avec les gou-vernements, les centres de recherche spécialiséset les entreprises. Il s’agit de la Faculté dessciences de l’agriculture et de l’alimentation del’Université Laval, de la Faculté des sciences del’agriculture et de l’environnement de l’UniversitéMcGill et de la Faculté de médecine vétérinaire del’Université de Montréal. On estime que ces troisuniversités disposent d’un budget de rechercheannuel de l’ordre de 34 millions de dollars dans ledomaine de l’agriculture et de l’agroalimentaire.Certaines succursales de l’Université du Québecainsi que l’Université de Sherbrooke réalisentégalement quelques projets de recherche dansle domaine. Soulignons à titre de comparaisonque la faculté d’agriculture de l’université de l’Étatdu Wisconsin disposait à elle seule d’un budgetpublic de recherche de 80,7 millions de dollarsen 2006-2007.

Le gouvernement du Québec a contribué, àcompter des années 90, à la mise en place decinq centres de recherche appliquée qui pour-suivent les activités qu’effectuait le ministère del’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec (MAPAQ) jusqu’alors. Il s’agit d’orga-nismes à but non lucratif qui reçoivent une partiede leur finan ce ment du MAPAQ et qui doiventaller chercher, principalement auprès des entre-prises du secteur, un finan cement complémen-taire afin de poursuivre leurs activités. Ils sontspécialisés en agroenvironnement, en acériculture,en sciences animales, en grains et en sciencesvégétales. Quelque 45 chercheurs et scienti-fiques travaillent dans ces cinq centres de recherche appliquée.

Le MAPAQ a également été associé à la créa-tion de cinq centres d’expertise qui agissentprincipalement comme centres de transfert detechnologie. Le MAPAQ contribue financière-ment aux activités de ces centres. Quatre d’entreeux sont spécialisés respectivement dans la pro-duction laitière (Valacta), ovine et porcine et dansl’horticulture ornementale. Le Centre de référenceen agriculture et en agroalimentaire du Québec(CRAAQ) agit, quant à lui, comme orga nismecentral de transfert des connaissances à l’en-semble des filières agroalimentaires.

Il existe par ailleurs un grand nombre de centresde transfert technologique et de centres col-légiaux de transfert technologique. L’Alliancepour l’innovation en agroalimentaire (APIA) en adénombré dix-neuf. Il s’agit d’organismes régio-naux agissant de manière autonome ou qui sontassociés à l’Institut de technologie agroalimen-taire ou à un cégep. Ces centres disposent demoyens fort variables. Certains n’ont que troisou quatre employés alors que d’autres en comp-tent une trentaine. Ils interviennent dans de mul-tiples domaines, notamment en serriculture, entransformation alimentaire, en systèmes de qua-lité, en horticulture, en technologie agricole, enbiotechnologie et en agroenvironnement.

3. Une dispersion improductiveCe qui frappe a priori dans l’organisation québé -coise de la recherche agricole et agroalimentaire,ce sont l’éventail et la forte dispersion des centresde recherche et de transfert de technologie. Oncompte 37 organisations différentes soutenuesfinancièrement par le gouvernement du Québec.Le portrait est encore plus éclaté lorsqu’on tientcompte des organis mes qui agissent dans plu-sieurs domaines, dont celui de l’agroalimentaire.L’APIA fait le constat suivant, dans le mémoirequ’elle a déposé à la Commission : « On dé-nombre à ce jour un total de 40 orga nisationsspécialisées dans le secteur agroalimentaire etau moins 18 organisations multisectorielles quisoutiennent les efforts d’innovation du secteurprivé en agroalimentaire. »

Le gouvernement du Québec consacre annuel-lement un budget de l’ordre de 23 millions dedollars par année au financement de ces orga-nismes, ce qui est peu lorsqu’on tient compte dufait que bon nombre d’organismes disposentd’équipements, d’immeu bles, de terres, de labo -ratoires et d’infrastructures coûteuses. Étantdonné les faibles moyens dont dispose le gouver-nement du Québec, la multiplicité des orga-nismes de recherche et de transfert est lourdede conséquences : • plusieurs n’ont tout simplement pas les moyens

ou la masse critique pour agir de manière signi-ficative en matière d’innovation;

• une concurrence s’établit entre les organismesafin d’obtenir leur part du budget du gouver-nement québécois;

• la même concurrence joue auprès des autresbailleurs de fonds et des partenaires publicset privés;

154 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

• une part significative des énergies de ces or-ganismes est consacrée à la recherche de financement pour assurer leur propre survie;

• les dépenses administratives sont excessivespar rapport au budget consacré réellement àla recherche et au transfert de technologie,compte tenu de la faible taille des équipes deplusieurs organismes.

On comprend la volonté de doter chaque pro-duction et chaque région d’un centre d’expertiseet de recherche : ce sont des outils stratégiquesde développement. Oui, il faut se soucier dedonner accès aux régions à des infrastructuresde recherche. Cependant, un centre de transfertqui ne compte que deux personnes à son emploin’a manifestement pas les ressources suffisantespour s’acquitter d’un mandat d’accompagnementdes entreprises dans leur démarche d’innovation.Il faut bien reconnaître que la dispersion des res-sources au profit d’un grand nombre d’institutionsest improductif. Le temps que consacre le per-son nel de ces centres à chercher du financementne profite aucunement au développement del’agriculture et de l’agroalimentaire.

Plus important encore : la dynamique de concur-rence pour obtenir des budgets de fonctionnementet de réalisation des projets de recherche n’incitepas à travailler en réseau. Or, la synergie entreles organismes de recherche et de transfert estune condition essentielle à leur efficacité etmême à leur utilité.

LE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENTSelon une compilation effectuée par l’APIA, lesressources totales consacrées à la recherche etdéveloppement au cours des huit dernières années serait de 170 à 180 millions de dollars enmoyenne par année. Le tableau 25 ci-dessousen présente la répartition entre les divers acteurs.

Environ 36 % de ce financement provient dugouvernement fédéral (61 millions de dollars). Legouvernement du Québec consacrerait globale-ment 25 millions de dollars au soutien à la recherche et développement dans le secteuragricole et agroalimentaire. Les producteursagricoles, les coopératives et les autres entre-prises privées sont responsables de 50 % desdépenses de R et D. Les dépenses publiques enrecherche et déve loppement ne représententque 0,2 % du produit intérieur brut (PIB) agroali-mentaire du Québec.

Comme le montre le tableau 26, les entre prisesdu secteur agricole et agroalimentaire utilisenttrès peu les crédits d’impôt remboursables à la re-cherche et développement. En 2004, elles n’ontréclamé que 20,4 millions de dollars à ce titre,soit 3,3 % de l’ensemble des crédits d’impôt à laR et D. On observe cependant une tendance àl’accroissement des investis sements des entre-prises à ce chapitre depuis quelques années.

Tableau 25

RÉPARTITION DU BUDGET ALLOUÉ AUX ACTIVITÉS DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT DANS LE SECTEURAGROALIMENTAIRE AU QUÉBEC

50 %

36 %

14 %

40 %

20 %

14 %

26 %

Industrie : 50 %

Gouvernement fédéral : 36 %

Gouvernement provincial : 14 %

R et D entreprises Intra-muros : 40 %

Centres de R et D fédéraux (83 % gouv. + 17 % privé) : 26 %

Universités (66 % gouv. + 34 % privé) : 20 %

Centres de R et D provinciaux et CCTT : 14 %

Provenance

Source : ASSOCIATION POUR L’INNOVATION EN AGROALIMENTAIRE, Mémoire présenté à la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois, 2007.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 8 155

Dans le chapitre de son rapport qui porte sur latransformation alimentaire, la Commission for-mule des recom mandations afin de favoriser unrecours plus étendu aux crédits d’impôt rem-boursables à la recherche et développement.Ces recommandations valent pour l’ensembledes activités de R et D, tant dans la productionque dans la transformation alimentaire.

L’INNOVATIONL’innovation dans les systèmes de production agénéralement un sens large. Le terme s’applique,bien entendu, au développement d’un nouveauproduit, mais il couvre également l’améliorationdes processus de production, le recours à desméthodes qui permettent de réduire les pertesde temps ou de matières premières, l’utilisationde processus qui éliminent les dommages envi-ronnementaux ou qui font économiser de l’énergie,les procédés qui permettent de rendre les produitsplus attrayants et plus intéressants pour leconsommateur, etc. L’innovation se situe, pourainsi dire, à l’intersection de la recherche et développement, des techniques de production,de l’analyse des coûts de production et des impératifs de la mise en marché et touche tousles aspects de la gestion d’une entreprise.

Le personnel joue un rôle déterminant dans la culture d’innovation d’une entreprise.Dans certains milieux de travail,il est à l’origine de l’améliorationdes procédés ou des services àla clientèle ou encore de la miseau point de certains raffinementstechniques qui accroissent l’efficacité de l’entreprise.

Lors des audiences publiques de la Commis-sion, le président de la Centrale des syndicatsdémocratiques (CSD) s’est exprimé ainsi : « À laCSD, on sait depuis longtemps que les meilleursgains de productivité s’obtiennent en investissantdans les gens, en améliorant l’orga nisation du tra-vail, en favorisant la participation des travailleursdans l’entreprise. » Le ministère du Dévelop -pement économique, de l’Innovation et de l’Ex-portation a mis en place des program mesd’ac compagnement des entreprises dans leurdémarche d’innovation et les entreprises dusecteur agricole et agroalimentaire auraientavantage à y recourir.

Pour le Mouvement des caisses Desjardins,« plus que jamais, l’innovation constante doitfaire partie des stratégies d’avenir… L’innovationdemeure un facteur de compétitivité importantpuisqu’elle permet aux entreprises non seulementde se distinguer sur les marchés, mais d’améliorerles coûts de production ».

Très peu de producteurs et de productricesagricoles réalisent des activités formelles de re-cherche et déve loppement. Ils sont cependantnombreux à innover, soit par l’application denouvelles techniques ou de nouveaux procédésou par l’adaptation de ces technologies à leur si-tuation particulière. Leur inventivité est remar-quable. On doit souligner le rôle déterminant quejouent les conseillers des agriculteurs dans letransfert technologique à la ferme et dans le pro-cessus d’innovation dans les entreprises agri-coles.

Tableau 26

CRÉDITS D’IMPÔT À LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT DEMANDÉS PAR LE SECTEUR BIOALIMENTAIRE Québec, 2002 à 2004

2002 2003 2004

Secteur bioalimentaire k$ % k$ % k$ %

Secteur primaire (production) 5 539 0,8 % 6 603 1,0 % 6 106 1,0 %

Secteur secondaire (transformation) – Agroalimentaire 6 361 1,0 % 9 611 1,4 % 9 644 1,5 %

Secteur tertiaire (distribution) 2 643 0,4 % 4 204 0,6 % 4 699 0,8 %

Total – Secteur bioalimentaire 14 543 2,2 % 20 417 3,1 % 20 448 3,3 %

Ensemble des crédits d’impôt à la R et D 668 328 100,0 % 667 830 100,0 % 624 878 100,0 %

Sources : MINISTÈRE DES FINANCES DU QUÉBEC/REVENU QUÉBEC et MINISTÈRE DES FINANCES DU QUÉBEC.

156 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Pour leur part, les entreprises de transformationsont de plus en plus conscientes de l’importancede l’innovation. Agriculture et AgroalimentaireCanada estime que 45 % des entreprises ontmené des activités de R et D ou d’innovationentre 2001 et 2003 et que 48 % d’entre elles ontmis au point de nouveaux produits durant cettepériode. Environ les deux tiers des entreprisesreconnaissent qu’elles réalisent leur meilleuremarge de profit sur les nouveaux produits. Lorsdes audiences de la Commission, le Groupe A.Lassonde a souligné que « 49 % du chiffre d’affaires des entreprises les plus performantesprovient de produits qui n’existaient pas il y atrois ans ».

Seulement 15 % des entreprises de transforma-tion alimentaire ont recours aux programmesgouvernementaux pour financer leurs projetsd’innovation. Pourtant, il existe, tant au niveaufédéral que provincial, des mesures, des pro-grammes et des aides techniques qui visent àsoutenir et à favoriser le développement d’uneculture d’innovation dans les entreprises. Lesprincipaux obstacles que disent rencontrer lesentreprises, en particulier les PME, sont d’ordrefinancier et organisationnel. Les petites entre-prises ne disposent pas des ressources internesnécessaires à la mise en place d’un processusd’innovation ou à l’élaboration de projets qui leurpermettraient d’obtenir de l’aide à cette fin.

Pour sa part, le gouvernement a l’obligation demieux adapter ses programmes d’aide à l’inno-vation à la réalité particulière de l’agroalimen-taire. L’APIA signale dans son mémoire que « lesprogrammes actuels ont été créés pour résoudredes problèmes ponctuels du processus d’innova-tion (en silos). On a constaté que cette tendanceest plus marquée dans les programmes offertsaux entreprises de transformation alimentaire ».

LES PRÉOCCUPATIONS QUI DEVRAIENT GUIDER LE SOUTIENDU GOUVERNEMENT DU QUÉBECÀ LA RECHERCHE ET À L’INNOVATION

Choisir et orienter

L’univers de la recherche est immense et les besoins dans lesecteur agricole et agroalimentairesont considérables. Il existetoutes sortes de phénomènesqu’on connaît mal, des questionsfondamentales qui ne sont pasrésolues et des technologiesqu’on ne maîtrise pas encore. Et les besoins, les enjeux s’élargissent de jour en jour. Il faut donc, forcément, choisirses domaines d’intervention enmatière de recherche. Cela estd’autant plus important pour unepetite société comme le Québecqui ne peut lancer un grandnombre de programmes de recherche et les suivre, même sielle consent à la recherche et au développement un effortcomparable, par rapport à sonPIB, à celui d’une majorité depays développés.

Deux préoccupations devraient animer les déci-deurs du Québec à l’égard des orientations àdonner à la recherche soutenue par les fondspublics. En premier lieu, il importe de maintenir,principalement dans les universités et dans certainscentres de recherche spécialisés, une expertisede pointe afin de pouvoir suivre la recherchemondiale et en comprendre les enjeux. C’est lecas, par exemple, de la recherche sur les orga-nismes génétiquement modifiés (OGM). LeQuébec peut difficilement se donner les moyensde mobiliser des équipes de recherche commecelles qui sont constituées dans certains pays.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 8 157

Mais des chercheurs québécois doivent se tenirà l’affût des avancées de cette science et destravaux qui en mesurent les effets afin de pou-voir y contribuer et apporter un éclairage auxgouvernements et à la population.

En deuxième lieu, les domaines d’interventionprioritaires de la recherche devraient être définisen fonction des lignes de force du Québec dans lesecteur agricole et agroalimentaire, de la spéci -ficité de son agriculture et du potentiel que repré -sentent certains produits types du Québec.

En somme, le gouvernement du Québec n’ad’autre choix que d’orienter la recherche qu’ilsubventionne vers les créneaux les plus porteurs,là où les investissements en recherche seront lesplus profitables à l’agriculture, à l’agroalimentaireet à la société québécoise. Il ne peut pas laisserles décisions aux seules institutions, comptetenu des moyens qu’il peut raisonnablement affecter à la recherche.

Le gouvernement doit égalementdiriger graduellement vers la recherche et le transfert de technologie une plus grandepartie de ses budgets. Un secteur orienté vers l’avenirdoit accorder plus d’importanceà la recherche et aux activitésconnexes.

Le montant que le MAPAQ alloue à la recherche,à l’innovation technologique et à la diffusion desconnaissances est de l’ordre de 23 millions dedollars par année, soit 3 % de son budget, cequi semble insuffisant.

Dans certaines productions agricoles, on prélèvesur chaque unité vendue une somme relativementmodeste qui est notamment affectée à la re-cherche et développement et au transfert deconnaissances. C’est par ce moyen, entre au-tres, que les producteurs agricoles contribuentà finan cer Valacta, le centre d’expertise en pro-duction laitière, en assumant une partie de sesdépenses de fonctionnement. Le recours à detels prélèvements sur certains produits cibléspeut aussi constituer une source récurrente definancement de la recherche et du transfert tech-no logique.

Utiliser les avantages fiscauxLe secteur agricole et agroalimentaire doit aussitirer profit des avantages fiscaux et des infra-structures de recherche et développement quilui sont accessibles. On a vu que les crédits à laR et D et la Stratégie québécoise de la rechercheet de l’innovation sont peu utilisés par les entre-prises et institutions du secteur. Il faut s’emparerde ces leviers pour stimuler le développement del’agriculture et de l’agroalimentaire. Les nombreuxcentres de transfert de technologie doivent êtredavantage axés sur les résultats lorsqu’il s’agitd’introduire des outils d’innovation dans les en-tre prises. Des organismes comme le Conseil de larecherche agricole et agroalimentaire du Québecpeuvent également être fort utiles pour effectuerle maillage des entreprises, des institutions de re-cherche et des programmes d’aide à l’innovation.

On s’est plaint, lors des audiences de la Commis-sion, de la lourdeur administrative de la démarched’accès aux crédits d’impôt. Le Groupe-conseilR et D agricole et agroalimentaire reconnaît que« tous les formulaires (pour la recherche et dé-veloppement) sont en ligne, mais la capacité deles interpréter peut constituer, dans certains cas,une œuvre d’art. C’est qu’il faut savoir marier vo-cabulaire technique et structure de recherche ».Le Groupe Bergeron-Thibault est d’avis que« [les] délais de traitement et de la communicationdirecte, la simplification de l’accès aideraientbeaucoup à la recherche et au développement ».Sans nier que les procédures administratives quientourent les crédits d’impôt puissent être allé-gées, elles paraîtront toujours complexes à lapersonne non initiée. De la même façon qu’onfait appel à des experts en comptabilité et en fis-calité, il faut déve lopper l’habitude de recourir àl’aide-conseil en matière de recherche et déve-loppement et d’innovation.

Les entreprises du secteur agroalimentaire doiventinvestir davantage en recherche et développement.Au Québec, les entreprises sont responsablesde 60 % des dépenses en R et D et le gouverne-ment s’est fixé comme objectif, dans la Stratégiequébécoise de la recherche et de l’innovation,de porter cette proportion à 66 % d’ici 2010.Dans le secteur agricole et agroalimentaire, lacontribution des entreprises ne représente que50 % des dépenses totales de la recherche etdéveloppement au Québec. Les partenariatsentre les entreprises et les institutions de re-cherche doivent se généraliser; seulement 15 %des entreprises de transformation alimentaireont recours à de telles ententes de collaboration,même si elles bénéficient d’importants avan-tages fiscaux.

158 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Il n’existe que quelques entreprises du secteuragroalimentaire qui ont la capacité de se doterde leur propre centre de recherche. Le gouver-nement doit les encourager à mettre sur piedune telle infrastructure parce que l’action de cescentres est très structurante et qu’elle profite àtoute la filière. Dans la Stratégie québécoise dela recherche et de l’innovation, le gouvernementincite les filiales des entreprises multinationalesà attirer au Québec des mandats mondiaux derecherche. On devrait accorder le même traite-ment aux entreprises québécoises qui déploientdes efforts comparables.

La coopérative Agropur a décidé de créer uncentre entièrement dédié à la recherche et audéveloppement, qui devrait être opérationnel enseptembre 2008. Son représentant s’est expriméainsi devant la Commission : « Dans un contextede mondialisation, si le Canada et le Québecveulent tirer leur épingle du jeu, il est indispensableque des entreprises comme la nôtre se dotentd’infrastructures de recherche et d’une massecritique de chercheurs spécialisés afin d’assurerla pérennité de l’industrie. » Il a ajouté : « Les in-vestissements nécessaires à la réalisation du pro-jet auront un impact important sur l’ensemble del’industrie agroalimentaire d’ici. Par contre, la na-ture même de ce type d’inves tissement en fait unprojet plus risqué que les traditionnels investisse-ments en agroalimentaire. C’est avec beaucoupde surprise et de déception que l’organisation aconstaté l’absence de volonté des instances gou-vernementales afin de soutenir financièrementune telle initiative. La nature struc turante du projetpour l’économie québécoise nous permet d’ac-croître de façon considérable notre compétitivitéet notre capacité à innover et ainsi maintenir lacadence face aux multinationales qui, de plus enplus, ont “ pignon sur rue” au Canada. Il est ànoter que la plupart de ces entreprises, et plusparticulièrement en Europe, ont bénéficié desoutien de l’État afin de se doter d’infrastruc-tures de recherche de calibre international. »

Le gouvernement se doit aussi d’être efficace. Ladispersion des multiples centres de recherche etde transfert technologique et leur faible niveaud’intégration rend le secteur agricole et agroali-mentaire nettement moins efficace dans un do-maine crucial pour son développement. Il fautagir. L’APIA souligne ce besoin d’intégration en cestermes : « À l’heure actuelle, il y a des stratégiesd’innovation dans certaines filières, mais il nesemble pas y avoir de stratégie intégrée pourl’ensemble du secteur agroalimentaire qui per-mettrait une meilleure efficacité… Le choix descréneaux porteurs et des enjeux doit être fait ra-pidement pour établir des orientations de base. »

DES BALISES POUR LA DÉTERMINATION DES PRIORITÉSDE RECHERCHEIl n’appartient pas à la Commission de déterminerseule les grandes priorités de recherche des pro-chaines années dans le secteur agricole etagroalimentaire. D’une part, elle ne dispose pasde l’expertise pour se livrer à pareil travail et,d’autre part, ce genre d’exercice doit êtreconduit en concertation, sous le leadership duMAPAQ.

En tenant compte des prémisses avancées au point précédent, deux préoccupations dominantes,communes à toutes les productions, devraient guider les choix prioritaires de recherche : • la santé;• le respect de l’environnement.

Ces deux grandes balises devraient ensuite êtreappliquées :• aux lignes de force de l’agriculture québécoise;• à la spécificité nordique de notre agriculture; • à la résolution de problèmes qui surgissent dans

la production agricole ou la transformationalimentaire.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 8 159

De la conjugaison de ces dominantes ressortentcertains champs de recherche et d’innovation.Les préoccupations pour la santé, par exemple,ouvrent un immense potentiel de valorisation decertains produits de masse comme le lait. Eneffet, le lait contient plus de 1000 ingrédients,dont certains peuvent servir à la productiond’aliments santé à très haute valeur ajoutée, répon dant en cela aux attentes de consomma-teurs qui réclament de plus en plus ce genre deproduits. Certaines entreprises implantées auQuébec ont développé et commercialisé avecsuccès une grande variété de produits laitiers enmisant sur des caractéristiques associées à lasaine alimentation. Elles ont la capacité de s’en-gager dans la filière des ingrédients laitiers.

Le succès exceptionnel qu’a connu le dévelop-pement de la canneberge pourrait être précurseurd’un essor semblable pour les bleuets et pourplusieurs autres petits fruits du Québec, reconnuspour leur haute teneur en antioxydants, ce quiconstitue un créneau de marché très important.Seuls l’entrepreneuriat et la recherche peuventpermettre d’ouvrir ces horizons. De même, l’exper-tise du Québec en biotechnologie, en sciencesdes protéines et en nutraceutiques constitue uneassise importante pour explorer le vaste universdes aliments fonctionnels.

Il en va de même de l’innocuité des aliments etde la recherche de produits ou de viandes sanspesticide ni autre résidu, sans OGM, sans hor-mone, etc. Le développement de la culture bio-logique au Québec est handicapé, notamment àcause du peu d’appui accordé à la recherche.La traçabilité se généralisera inévitablement, àplus forte raison dans un contexte où les risquesde zoonose et autres épidémies s’accroissent.La recherche doit contribuer à gérer ces risquesde même que les risques environnementaux. Demême, des problèmes nouveaux surgissent, tantdans la production que dans la transformation,et la recherche doit être mise à contribution pourcomprendre ces difficultés et y apporter une solution.

Et que dire des produits de l’érable? Voilà unespécialité, très identifiée à notre culture nordique,le Québec étant responsable de plus de 85 %de la production mondiale de cette denrée. Larecherche qui s’est développée jusqu’ici, malgréde modestes moyens, a ouvert des perspectivesencourageantes. Il faut intensifier les efforts ence sens, non seulement sur le plan technique,mais aussi sur celui de la connaissance des mar-chés potentiels. Du côté de la transformationdes produits de l’érable, un formidable chantierde recherche appliquée doit être développé.

Quant à la recherche sur l’environnement en re-la tion avec l’agriculture, elle donne lieu à des inves -tissements considérables dans plusieurs régionsdu monde. Le Québec doit porter une attentionparticulière à son environnement nordique,c’est-à-dire comprendre en quoi les pratiquesde culture et d’élevage qui peuvent avoir coursailleurs doivent être adaptées à la spécificité bio-physique du territoire québécois. Il peut compter,en cette matière, sur l’Institut de recherche et dedéveloppement en agroenvironnement. Le Qué-bec est également le détenteur d’une importanteréserve d’eau douce. Il a la responsabilité deprotéger la qualité de cette ressource inestimablepour l’avenir de l’agriculture, de la biodiversitéainsi que de la santé des Québécois.

L’environnement devient aussi un axe prioritairede recherche pour certaines productions, notam-ment celle du porc. Cette production, comme lesautres, devra répondre de façon impeccable auxexigences de l’écoconditionnalité, à défaut dequoi elle ne pourra vraisemblablement plus sedévelopper au Québec.

27.

28.

29.

30.

RecommandationsEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroa-limentaire québécois recommande :

Que le gouvernement accroisse les ressources qu’il consacre à la rechercheet à l’innovation dans le secteur agricole et agroalimentaire, principale-ment par :• la révision de ses priorités budgétaires; • le prélèvement sur certains produits ciblés d’un montant réservé notam-

ment à la recherche et à l’innovation, au terme d’ententes de partena-riat avec les acteurs concernés des filières agroalimentaires;

• l’octroi d’un crédit d’impôt remboursable aux producteurs agricoles et auxautres entreprises du secteur agroalimentaire, applicable aux prélève-ments effectués sur les produits agricoles, afin de soutenir les activitésde recherche, de développement et de transfert de technologies et desavoirs;

Que les choix prioritaires de recherche soient établis en tenant compte deslignes de force de l’agriculture québécoise, des enjeux prioritaires dontdépend son développement et des spécificités associées à sa nordicité, enfonction de deux axes particulièrement déterminants pour le futur : • les préoccupations relatives à la santé;• l’importance du respect de l’environnement;

Que le gouvernement améliore l’efficacité des organismes de recherche etde transfert technologique, notamment en adoptant les mesures suivantes :• conditionner l’aide financière du gouvernement à la mise en réseau ef-

fective de chacun des centres de recherche et des centres de transfert detechnologie, en les associant, partout où cela peut être fait,à un centre derecherche phare de leur domaine d’expertise. Ce centre phare serait enoutre chargé des fonctions de coordination de l’ensemble des organismesdu domaine et recevrait un financement à cette fin;

• encourager les principaux centres de recherche à établir des liens decollaboration avec certains centres internationaux de recherche;

• rationaliser les services de transfert de technologie par une plus grandeconcertation entre les ministères subventionnaires, la déterminationd’attentes de résultats pour chacun des centres de transfert technolo-gique et la recherche d’une plus grande complémentarité des actionsde ces centres;

• subordonner une part significative du financement des organismes àleur action réelle en matière de réseautage et à l’importance des ententesde services ou des liens contractuels qu’ils ont établis avec les entreprisesde leur domaine d’activité;

• consolider les centres actuels avant d’en créer de nouveaux;• octroyer une aide financière spéciale aux entreprises qui créent un centre

de recherche ou attirent au Québec des mandats mondiaux de recherched’une entreprise multinationale et établissent des liens avec les centresinternationaux de recherche;

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec élabore et révise périodiquement, avec ses partenaires institution-nels et privés du secteur, un plan cadre de la recherche et de l’innovation,plan qui définit notamment les priorités de recherche, établit des ciblesde résultats et précise certaines orientations relatives à la mise en réseaudes organismes de recherche et de transfert.

160 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

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L’environnement

162 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

LE CONTEXTE INTERNATIONALLe rapport le plus récent et le plus complet surl’état de l’environnement a été rendu public en2007 par l’Organisation des Nations unies(ONU)74. Le constat qui s’en dégage est alarmant :• la surface de la terre se réchauffe à un rythme

accéléré, ce qui provoque la fonte de la neigeet de la glace, contribuant à l’augmentation duniveau moyen de la mer;

• dans le monde, plus de deux millions de per-sonnes meurent prématurément chaqueannée à cause de la pollution atmosphérique;

• le « trou » de la couche d’ozone au-dessus del’Antarctique (couche qui protège les humainscontre la menace des rayons ultraviolets) estaujourd’hui plus grand que jamais;

• les sols se dégradent sous l’effet des chan-gements climatiques et d’une utilisation nondurable des sols;

• la désertification s’accentue. Elle affecte di-rectement plus de 250 millions de personneset menace plus 4 milliards d’hectares, soit letiers de la superficie des terres émergées duglobe75;

• la disponibilité en eau douce par habitant di-minue à l’échelle mondiale et l’eau contaminéeconstitue le principal facteur environnementalresponsable de maladies et de décès chezl’être humain;

• les écosystèmes aquatiques continuent d’êtresévèrement exploités, menaçant la durabilitédes approvisionnements en nourriture et labiodiversité;

• la majorité des espèces sauvages diminuent dupoint de vue de la répartition, de l’abondance,ou des deux.

L’ONU souligne que « ces changements sansprécédent sont causés par les activités humainesdans une société mondialisée, industrialisée etinterconnectée ». Elle en appelle à la mobilisationde tous les pays et de tous les secteurs d’activitéafin qu’ils déploient des efforts de prévention,d’atténuation et d’adaptation et prennent défini-tivement le virage du développement durable.

L’agriculture a profondément transformé l’environnement, dans tous lespays du monde. Là où foisonnait une diversité de plantes et d’animaux sauvages, l’agriculture a imposé la nette prédominance de quelques espèces.Tel fut le tribut à payer pour sortir, dès l’Antiquité, d’un mode de vie reposantsur la cueillette et la chasse. Personne, évidemment, ne pourrait envisagerun retour en arrière. Nous nous retrouvons d’ailleurs fort bien dans ces paysages façonnés par l’action humaine et qui continuent d’évoluer. Cette nature modifiée n’en recèle pas moins des ressources qu’il faut gérerdans une perspective de durabilité. Il se dégage donc un fort consensus en faveur de la préservation du milieu physique. Les activités humaines, quelles qu’elles soient, doivent désormais être compatibles avec le respectde l’environnement.

74. PROGRAMME DES NATIONS uNIES POUR L’ENVIRONNEMENT, GEO-4, Avenir de l’environnement mondial, New York, octobre 2007.

75. ORGANISATION DES NATIONS UNIES, Convention internationale sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés parla sécheresse et /ou la désertification, en particulier en Afrique, New York, septembre 1994.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 9 163

L’ampleur des désordres environnementaux aincité les pays à ratifier des conventions inter-nationales et des plans d’action visant à atténuerl’impact de l’activité humaine sur les écosystèmeset les êtres vivants. Dans la foulée du Sommet dela Terre de Rio de 1992, trois grandes conventionsont été ratifiées :• la Convention-cadre des Nations unies sur les

changements climatiques (qui a conduit en1997 au Protocole de Kyoto, fixant aux paysdéveloppés des objectifs de réduction desémissions de gaz à effet de serre);

• la Convention sur la diversité biologique;

• la Convention sur la lutte contre la désertification.

Le Canada a ratifié ces trois conventions. Il al’obligation de produire un plan d’action démon-trant les moyens qu’il entend mettre en œuvrepour atteindre les objectifs poursuivis par cesconventions. Le Canada et le Québec ont élaborédes plans de lutte contre les changements cli-matiques, comprenant des dispositions régle-mentaires et des mesures volontaires deréduction des émissions de gaz à effet de serre.En matière de biodiversité, le gouvernement duQuébec a élaboré un plan d’action visant notam -ment un partage équitable des avantages tirésde l’exploitation des ressources naturelles et lapréservation des milieux sensibles.

Dans un univers d’échanges, les problèmes en-vironnementaux des uns deviennent ceux del’ensemble et il faut, selon l’expression consacrée,penser globalement et agir localement. C’estainsi que les conventions internationales créentdes obligations qui amènent les pays à modifierleur réglementation environnementale. La préoc-cupation mondiale à l’égard du réchauffementclimatique finit par rejoindre l’agriculteur québé-cois dans son champ.

Lorsqu’on observe les dérèglements de la na-ture qui affectent plusieurs régions du monde,comme les sécheresses, la désertification, lesinvasions d’insectes et les ouragans, le Canadaet le Québec semblent des endroits privilégiés.Ces grands bouleversements commencent justeà nous atteindre, mais l’action internationale quidoit être menée pour s’y attaquer nous rejoint deplus en plus concrètement.

L’ÉVOLUTION DE LA RÉGLEMENTATION QUÉBÉCOISESUR L’ENVIRONNEMENTLe Québec s’est éveillé assez tardivement auxréalités de l’environnement. La Loi sur la qualitéde l’environnement a été adoptée en 1972. Leministère québécois de l’Environnement a étécréé en 197976. Les premières interventions gou-vernementales d’importance ont été dirigées versla lutte contre la pollution industrielle. On a ainsimis fin à des pratiques répandues de déversementde matières lourdement polluantes qui aboutis-saient aux cours d’eau. Des actions ont égalementété ciblées à l’intention des industries responsablesde la pollution de l’air. Les municipalités, quant àelles, furent mobilisées dans un vaste plan detraitement des eaux usées.

Les premières interventions de nature environnementales’adressant à la production agricole furent prises dans les années 80.

Parmi les mesures réglementaires et législatives,notons : • 1981 : Règlement sur la prévention de la pol-

lution des eaux par les établissements de pro-duction animale;

• 1987 : Loi sur les pesticides et Règlement surles permis et les certificats pour la vente etl’utilisation des pesticides;

• 1997 : Règlement sur la réduction de la pollutiond’origine agricole (imposant un plan agroenvi-ronnemental de fertilisation);

• 2002 : Règlement sur les exploitations agri-coles;

• 2002 : Moratoire à l’échelle du Québec sur laproduction porcine.

D’autres initiatives législatives et réglementairesont eu des répercussions sur l’agriculture et l’environnement. C’est notamment le cas desmesures touchant la protection du territoire agri-cole, l’aménagement du territoire, l’aménage-ment de la faune, la protection de la diversitébiologique, le développement durable et la poli-tique nationale de l’eau.

76. Ce sont les Services de protection de l’environnement du ministère des Ressources naturelles qui, depuis 1972, étaient responsablesen ce domaine.

164 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

De plus, diverses stratégies furent élaborées,généralement assorties de programmes d’ac-compagnement technique et d’aide financière,afin de changer certaines pratiques agricoles etde les rendre plus respectueuses de l’environ-nement. C’est le cas, par exemple : • de l’Entente auxiliaire Canada-Québec sur la

conservation des sols et de l’eau (1987);

• de la stratégie phytosanitaire (1992) qui visaità réduire de 50 % l’utilisation des pesticides;

• du volet agricole de l’entente Saint-Laurent2000 (1993);

• de l’Entente auxiliaire Canada-Québec pourun environnement durable en agriculture(1993);

• du plan agroenvironnemental en productionporcine (1997);

• du bilan phosphore (2003);

• des mécanismes d’écoconditionnalité (2005).

Le président du Mouvement des caisses Des-jardins a résumé ainsi sa perception des débatsen cours au sujet de l’agriculture et de l’environ-nement : « Dans le secteur agricole, la questionenvironnementale est au cœur des débats depuisquelques années. Elle soulève des questions surles modèles de développement de l’agriculture,provoque des tensions sociales, mais inciteaussi à des efforts en matière de protection en-vironnementale tant de la part des intervenantsque des producteurs. »

La réglementation environnementale du Québec a évolué vers une approche ferme par ferme et elle fut fortement influencée par les effets des élevages sur les écosystèmes, en particulier l’élevage porcin.

Messieurs Guy Debailleul de l’Université Laval etDenis Boutin du ministère de l’Environnement77

ont comparé, dans une étude réalisée en 2004,les exigences réglementaires du Québec aveccelles des pays développés qui pratiquent desélevages comme ceux du Québec. L’étude révèleque, dans l’ensemble, la réglementation québé-coise n’apparaît pas se démarquer particulière-ment des mesures réglementaires des autresprovinces canadiennes et des autres régions oupays. Les chercheurs notent, par exemple, que :• les dispositions réglementaires du Québec

sont moins contraignantes à l’égard des dis-tances séparatrices des sites d’entreposageet des opérations d’épandage, distances visantà minimiser les risques de contamination deseaux de surface et souterraines. La distanced’épandage à respecter pour les cours d’eauest de trois mètres au Québec, de neuf mètresen Ontario et de trente-cinq mètres en Bretagneet en Catalogne;

• la réglementation québécoise est plus sévèreà l’égard de la norme phosphore, du plan degestion des matières fertilisantes et de la tailleminimale des établissements d’élevage à partirde laquelle le producteur agricole doit faireune demande d’autorisation au ministère res-ponsable de l’environnement;

• les obligations québécoises imposées à l’égarddes distances à respecter pour la gestion desodeurs et les restrictions sur les périodesd’épandage correspondent à peu près à cellesqui ont cours dans d’autres provinces oupays;

• le seuil à partir duquel un projet de productionanimale enclenche un mécanisme d’enquêtepublique et de consultation est plus élevé auQuébec que dans la plupart des autres régionsou pays.

77. Guy DEBAILLEUL et Denis BOUTIN, « La sévérité de la réglementation environnementale québécoise dans le domaine des productionsanimales : mythe ou réalité? », Vecteur Environnement, vol. 37, no 2, mars 2004, p. 31-35.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 9 165

L’ADAPTATION DES PRODUCTEURS AGRICOLES En même temps qu’il mettait en place le cadreréglementaire et les stratégies de protection del’environnement applicables au secteur agricole,le gouvernement concevait des programmesd’aide technique et financière afin d’accompagnerles agriculteurs dans leurs efforts visant à seconformer à la réglementation environnementaleet à adopter des pratiques destinées à la pro-tection des sols et de la qualité de l’eau.

Les producteurs agricoles ontinvesti plus de 626,6 millions de dollars entre 1992 et 2006afin de rendre leurs activités plus respectueuses de l’environnement. Ils ont bénéficié pour ce faire d’uneaide de 357,7 millions de dollars durant cette période.

Parmi les gestes les plus significatifs faits par lesagriculteurs, notons :• des investissements afin d’équiper les fermes

de production animale de structures étanchesd’entreposage des fumiers et de structuresd’entreposage des pesticides, carburants etproduits chimiques de même que de brise-vent et d‘installations visant à réduire lesodeurs;

• la réduction de 11 % du volume des pesticidesvendus au secteur agricole entre 1992 et 2003,en réponse à la stratégie phytosanitaire du mi-nistère de l’Agriculture, des Pêcheries et del’Alimentation du Québec (MAPAQ);

• l’élaboration de plans agroenvironnementauxconduisant, notamment, à la diminution de45,7 % des achats de phosphate par les pro-ducteurs agricoles, et de 46,2 % des achatsde potasse, entre 1992 et 2005. L’achat desengrais azotés a augmenté de 2,8 % pendantcette période78;

• l’aménagement de bandes tampons et de clô-tures visant la protection des cours d’eau sur89 % et 57 % respectivement des terres agri-coles traversées par un cours d’eau79;

• la rotation des cultures, pratiquée de plus enplus, afin de protéger le sol, d’éviter l’érosionet de réduire la diffusion d’engrais minérauxdans les cours d’eau;

• des techniques d’épandage d’engrais orga-niques plus précises, des limites imposéesaux périodes d’épandage et des techniquescomme le semis direct, ayant pour effet de réduire le ruissellement et l’érosion des sols;

• la conformité à la norme phosphore, selon unplan établi ferme par ferme où les caractéris-tiques du sol et le type de plante cultivée dé-terminent la quantité d’engrais minéraux àutiliser et les engrais organiques à épandre.Cette exigence fait partie de l’écoconditionna-lité en vertu de laquelle les producteurs doiventrespecter cette norme phosphore à défaut dequoi ils ne pourront être admissibles à certainsprogrammes, dont le remboursement d’unepartie significative des taxes foncières. Lesproducteurs agricoles doivent s’y conformeravant 2010.

La réponse des producteurs agricoles à la ré-glementation et aux attentes de la société àl’égard de l’environnement a été significative età longue portée. Comme on le verra plus loin, ilreste encore des actions à mener, des lacunes àcorriger, des pratiques à changer. Il faut cependantsaluer l’engagement des agriculteurs jusqu’ici etfavoriser la poursuite de leurs efforts.

Le soutien technique offert aux producteurs agricoles est-il suffisamment accessible et lesaide-t-il à atteindre les objectifs environnemen-taux qu’on attend d’eux? Le Regroupement desorganisations de bassin versant du Québec si-gnalait à cet égard, lors des audiences de laCommission : « Le manque d’intégration desprogrammes et le manque d’efficacité du transfertde l’information entre les différents ministèresimpliqués dans le dossier de l’agriculture nuisentnon seulement aux producteurs, mais égalementaux relations entre eux et les différents ministères,notamment le ministère du Développement du-rable, de l’Environnement et des Parcs. »

78. Données d’AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE CANADA et de l’INSTITUT CANADIEN DES ENGRAIS.

79. Données de l’UNION DES PRODUCTEURS AGRICOLES.

166 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

LE RÔLE DÉTERMINANT DESSERVICES-CONSEILS ENAGROENVIRONNEMENT

Si les agriculteurs québécois ont pu réaliser des interventionsqui marquent des progrès dans la voie du respect de l’environnement, c’est en bonne partie parce qu’ils ont pu compter sur les conseilsd’experts qui ont compris leursbesoins et ont réalisé pour euxdes plans d’accompagnement agroenvironnemental et les ontaidés à les mettre en œuvre.

Ces services-conseils, financés en partie par lesgouvernements et en partie par les producteursagricoles, ne trouvent pas leur équivalent ailleursau Canada.

Les services-conseils en agroenvironnementcomptent quelque 300 professionnels et techni-ciens indépendants faisant partie d’un réseau de83 clubs-conseils. Ils émettent un diagnostic surl’exploitation agricole et ciblent les actions à dé-ployer afin d’aider le producteur à atteindre lesobjectifs agroenvironnementaux fixés par lanorme phosphore. Ces professionnels assurentégalement le suivi de la mise en œuvre du planagroenvironnemental, notamment à l’égard de laconformité à la norme phosphore, du respectdes normes d’entreposage et d’épandage et del’adoption de pratiques environnementales op-timales. Ils cherchent en outre à encourager lesproducteurs à aller au-delà de la simple confor-mité à la réglementation environnementale et lesincitent à généraliser des pratiques qui, tout enrespectant le milieu biophysique, améliorent laperformance d’ensemble de l’entreprise agri-cole.

Le réseau des services-conseils en agroenviron-nement rejoint entre 8 500 et 10 000 fermes qué-bécoises (sur 30 675). Le bilan de leurs activités,publié en 2006, fait état d’actions structurantesprises par les producteurs agricoles qui ont re-cours aux services de ces conseillers, notamment :• à l’égard de la gestion des fertilisants : 43 %

des agriculteurs clients des services-conseilsen agroenvironnement utilisent des rampesbasses pour épandre les lisiers; 8000 produc-teurs ont réalisé un bilan phosphore et 93 %possèdent un plan agroenvironnemental defertilisation;

• à l’égard de l’utilisation des pesticides : les su-perficies cultivées sans herbicide sont passéesde 28 240 hectares à 177 287 hectares entre2001 et 2005. Cette augmentation résulte dudéveloppement de créneaux et de marchés deniche pour les produits sans intrants (blé etsoya surtout) et des changements apportésaux enquêtes menées auprès des producteurs(des questions plus précises ont permis d’ob-tenir des données qui n’étaient pas colligéesjusqu’alors);

• à l’égard de la conservation des sols : le travailréduit du sol est pratiqué sur 39 % des super-ficies travaillées et le semis direct est appliquéà plus de 40 500 hectares chez les clients desservices-conseils;

• à l’égard de la protection des cours d’eau : lesagriculteurs ont planté 72 000 arbres sur leursterres, ils ont aménagé 1 574 kilomètres debandes riveraines aux abords des cours d’eau(78 % des cours d’eau sont protégés), 68 %d’entre eux interdisent l’accès du bétail auxcours d’eau et 5 458 fermes ont aménagé desinstallations permettant de protéger leurs puitsd’eau potable contre les contaminations desurface.

Ces éléments de bilan, soulignons-le, concernentles agriculteurs qui font appel aux services-conseilsen agroenvironnement.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 9 167

L’ÉTAT GÉNÉRAL DE L’ENVIRONNEMENT Où en sommes-nous après presque 30 ans delutte contre la pollution sous diverses formes?Quel bilan pouvons-nous dresser? Quelles sontles principales actions du secteur agricole etagroalimentaire qui concourent à améliorer l’étatde l’air, de l’eau, des sols et de la biodiversité etquels sont les principaux points à améliorer?

Évidemment, l’agriculture n’estpas la seule activité qui a des effets sur l’environnement. L’industrie, les transports, l’urbanisation et bien d’autres interventions humaines perturbentà leur façon l’équilibre des écosystèmes. Il convient doncd’établir la responsabilité del’agriculture à l’égard des problèmes environnementaux et sa contribution à la résolutionde ces problèmes en la situantadéquatement par rapport à lacollectivité québécoise tout entière,au regard de la qualité de l’air, de l’eau et du sol.

1. L’airL’agriculture affecte la qualité de l’air, principale-ment en produisant des gaz à effet de serre, endégageant des odeurs et en transportant des ré-sidus d’ammoniac provenant des élevages etdes résidus de pesticides.

Les activités associées à l’agriculture ne produi-sent pas de grandes quantités de gaz carbo-nique; elles ne comptent que pour 1 % du totaldes émissions de ce gaz au Québec. Par contre,la production agricole dégage dans l’atmosphèredes gaz qui ont un très grave effet de serre. Parexemple, l’oxyde nitreux provenant de la dé-composition des engrais naturels et minérauxest 310 fois plus puissant que le gaz carboniquepour le réchauffement climatique. Au Canada,l’agriculture est responsable de 50 % des émis-sions d’oxyde nitreux. Le méthane qui s’échappedes déjections animales et des fosses à lisier aun potentiel de réchauffement équivalant à 21 fois celui du gaz carbonique. L’agricultureproduit 30 % des émissions de méthane au

Canada. L’agriculture québécoise est responsablede 9,4 % des émissions de gaz à effet de serre,en équivalent de gaz carbonique, produites ensol québécois.

Il est possible de réduire significativement lesémissions de gaz à effet de serre en gérant dif-féremment l’utilisation des engrais et en ayantrecours à la production de biogaz pour capter leméthane.

C’est ainsi qu’on peut réduire la productiond’oxyde nitreux en dosant avec nettement plusde précision la quantité d’engrais minéraux etorganiques en fonction des caractéristiquesspécifiques du sol et des plantes cultivées, ense dotant d’un plan de fertilisation, en fraction-nant les doses, en choisissant la période la pluspropice (le printemps plutôt que l’automne) et enpratiquant la rotation des cultures.

Le Québec réaliserait un important gain environnementals’il utilisait les résidus agricoles,notamment les déjections solideset les lisiers, afin de produire des biogaz. Les techniques qui permettent de produire del’électricité à partir des biogazrésultant de la transformation de ces matières organiques sont connues et utilisées dansplusieurs pays, notamment en Allemagne.

Source : MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES PARCS, 2006.

Tableau 27

RÉPARTITION DES ÉMISSIONS QUÉBÉCOISES DE GAZ À EFFET DESERRE EN 2000 (%)

Transport : 37,4

Industrie :31,1

Chauffage non industriel : 14,5

Agriculture : 9,4

Déchets : 6,9

Électricité : 1,7

168 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Pour rentabiliser les investissements requis, il fautcependant des quantités importantes de résiduset un prix d’achat de l’électricité plus élevé quecelui établi par Hydro-Québec. En Allemagne,par exemple, la vente de l’électricité produite àpartir de la méthanisation des résidus agricolespeut atteindre vingt-deux cents le kilowatt-heurealors qu’Hydro-Québec achète l’électricité à desproducteurs privés à un prix variant de trois àsept cents le kilowatt-heure80.

Seules les grandes entreprises agricoles peuventenvisager la production de biogaz au Québec,compte tenu des investissements nécessaires. Ilest cependant possible de regrouper certainesfermes, d’utiliser une grande partie des résidusagricoles d’origine végétale et animale et même detraiter certains déchets domestiques municipauxafin de rentabiliser une installation de productionde biogaz. Les principaux problèmes environne-mentaux associés à la production porcine trou-veraient une solution très satisfaisante par lerecours à cette énergie verte : traitement efficacedes lisiers et autres déchets organiques, utilisationdes résidus comme engrais et réduction majeuredes odeurs. Les problèmes de cohabitation diminueraient grandement.

On peut aussi produire du biogaz ou du biodieselà partir d’autres déchets qui causent de sérieuxproblèmes environnementaux : les carcassesd’animaux, les déchets d’abattoir ou de poulailler,les rebuts des laiteries et autres déchets orga-niques produits par l’agriculture, les res taurants,les usines de transformation alimentaire, etc. Laproduction d’énergie verte à partir de ces rebutsreprésente une action structurante d’envergureen matière d’environnement et de développementrégional.

Il faudra cependant que l’électricité produitepuisse être vendue à un prix supérieur. Le gou-vernement devrait inciter Hydro-Québec à achetercette électricité à un prix qui tienne compte de lacontribution des biogaz à l’amélioration de l’en-vironnement et à la réduction des gaz à effet deserre. Certes, l’actionnaire, en l’occurrence le gou -vernement du Québec, enregistrerait une réduc-tion marginale de ses redevances, mais il ygagnerait sur plusieurs plans.

2. L’eau Contrairement à plusieurs autres régions dumonde, le Québec a peu recours à l’irrigation enagriculture. C’est ce qui explique pourquoi cetteactivité est responsable de moins de 5 % de laconsommation d’eau alors que les municipalitésen prélèvent 49 % et le secteur industriel, 46 %.Plus de 80 % de l’eau utilisée par les entreprisesagricoles provient des eaux souterraines extraitespar un puits.

L’un des grands avantagesconcurrentiels de l’agriculturequébécoise est la disponibilitéen eau. Il est donc essentiel de préserver la qualité de cetteressource.

Le directeur national de santé publique a posé lediagnostic suivant sur la qualité de l’eau lors desaudiences de la Commission : « L’intensificationdes pratiques culturales ainsi que la disparitiongraduelle des cultures pérennes au profit de cul-tures annuelles occasionnent de nombreux pro-blèmes de dégradation des sols et des coursd’eau. […] Au Québec, la majorité des cours d’eauet des nappes phréatiques situés en milieu agri-cole sont contaminés à des niveaux variablespar des résidus de pesticides ou des dérivés desengrais (comme les nitrates et le phosphore). »

L’eau demeure l’ultime réceptacle de plusieurspolluants. Une grande partie des résidus libérésdans l’environnement aboutissent dans lescours d’eau ou dans les nappes phréatiques. AuQuébec, on mesure la qualité de l’eau par l’indicede la quantité de bactéries et par certains para-mètres physicochimiques. Le ministère du Dé-veloppement durable, de l’Environnement et desParcs (MDDEP) a effectué des mesures de laqualité de l’eau pour les périodes 1997-1998 et2000-200281. Ces mesures ont montré très peud’amélioration de la qualité de l’eau. Il y a mêmeeu détérioration dans certaines rivières.

80. Compte rendu de la Journée sur la méthanisation des engrais de ferme, tenue sous l’égide du Programme d’atténuation des gaz àeffet de serre, Napierville, janvier 2007.

81. Le MDDEP a aussi dressé le bilan de la qualité de l’eau potable au Québec (1995-2002).

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 9 169

Il est essentiel que le MDDEP dresse un état dela qualité de l’eau pour la période 2007-2009. Enattendant, on doit s’en remettre aux donnéescolligées en 1995 et 2002 et qui indiquent no-tamment que :• les bassins versants du centre du Québec et

ceux de la rive nord du fleuve Saint-Laurentprésentent une eau de qualité relativementbonne;

• l’eau des bassins du sud-ouest du Québec estgénéralement dégradée;

• l’eau est de mauvaise qualité dans les bassinset sous-bassins où l’agriculture occupe uneforte proportion du territoire (rivières Château-guay, Richelieu, Yamaska, L’Assomption, Ni-colet, Boyer et Chaudière);

• la mauvaise qualité de l’eau tient notamment à unexcès de matières en suspension, de phosphore,de nitrates et nitrites et de coliformes fécaux.

Les épisodes de prolifération des cyanobactéries,survenus en 2006 et surtout en 2007 alors qu’ilsont atteint 194 lacs et rivières, sont des signesinquiétants de l’évolution de la qualité de l’eau.La prolifération des algues bleues résulte entreautres d’un excès de phosphore dans l’eau.L’agriculture n’est certes pas la seule responsa-ble de ce déversement de phosphore, mais il estclair que les pratiques d’épandage de lisiers, leslabours d’automne et les cultures à grandes in-terlignes y contribuent.

Pour ce qui est de l’eau souterraine, les étudesdu MDDEP révèlent que les puits qui alimententplusieurs réseaux d’aqueduc municipaux situésen zones rurales ont été touchés au cours desdernières années par des concentrations élevéesde nitrates, surtout dans les régions où l’on pra-tique la culture intensive de la pomme de terre.Les eaux souterraines des puits échantillonnésdes régions de Portneuf et de Lanaudière contien-nent également des concentrations préoccu-pantes de pesticides.

Au gouvernement du Québec, aucun encadrementjuridique ne s’applique spécifiquement à la pro-tection de la qualité de l’eau souterraine. Laseule mesure indirecte est le Règlement sur lecaptage des eaux souterraines qui vise à protégerles sources d’alimentation en eau potable desmunicipalités. En conséquence, lorsque le Minis-tère analyse un projet dans le cadre d’une de-mande de certificat d’autorisation, il n’a pasd’assise juridique qui lui permettrait d’évaluerl’impact du projet sur la nappe phréatique — àmoins qu’elle serve de source d’alimentation en eaupotable — et de prendre action en conséquence.

Par ailleurs, la pollution diffuse est difficile à lo-caliser, à maîtriser et à corriger. Les eaux de ruis-sellement charrient des résidus qui proviennentde diverses sources de sorte qu’il est presqueimpossible d’établir qu’un élevage ou une culturespécifique est la cause principale de la dégra-dation de la qualité de l’eau. Il n’en demeure pasmoins que la contribution de l’agriculture à laprotection de la qualité de l’eau passe par l’éla-boration de plans rigoureux de gestion agroenvi-ronnementale, par l’application systématique deces plans et par un suivi approprié des mesurespertinentes par un organisme indépendant. Il fautréduire la quantité d’engrais organiques et mi-néraux et adopter des mesures visant à freinersignificativement leur écoulement vers les coursd’eau.

Nature Québec préconise à cet égard, dans sonmémoire déposé à la Commission, de « préparerles plans agroenvironnementaux de fertilisationen utilisant les valeurs fertilisantes réelles desengrais de ferme au moment de leur applicationplutôt que les valeurs moyennes, [d’]établir lesbesoins de fertilisation adaptés à la qualité et àla productivité des profils culturaux [et de] frac-tionner les apports d’engrais azotés, qu’ilssoient minéraux ou organiques ».

La Politique nationale de l’eau, adoptée par legouvernement du Québec en 2002, préconise lagestion de l’eau par bassin versant. Trente-troiscomités de bassin versant ont été constituésgrâce à la concertation des élus municipaux, dugouvernement, des représentants des secteurs in-dustriels, des citoyens et du monde agricole. Cescomités doivent élaborer un plan directeur de l’eau.

Il existe un large consensus au Québec sur la pertinenced’une gestion intégrée de l’eau à l’échelle d’un bassin versant plutôt que par municipalité ouautre zone administrative.

De même, on salue d’emblée la volonté de ras-sembler, à l’échelle locale ou régionale, les re-présentants des entreprises et des citoyens dontl’action affecte d’une manière ou d’une autre la qualité de l’eau ou qui peuvent mener des actions positives à cet égard. Soulignons que,dans plusieurs pays, la gestion par bassin versantest pratiquée à grande échelle depuis de nom-breuses années.

170 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

L’Institut de recherche et de développement enagroenvironnement souscrit à cette approchepar bassin versant. On peut lire dans le mémoireque l’organisme a déposé à la Commission :« Les interventions en agroenvironnement doiventêtre guidées par une bonne évaluation à l’échelledu territoire ou du bassin versant. Cette évalua-tion est nécessaire pour bien comprendre lesproblématiques et leurs causes. L’analysepourra ensuite être raffinée à l’échelle d’un sous-bassin, de la ferme et du champ. »

Il est également impératif de mieux coordonnerl’action des divers ministères, comme le sou-ligne avec à-propos le Regroupement des orga-nismes de bassin versant du Québec, dans lemémoire qu’il a présenté à la Commission : « Legrand nombre d’interlocuteurs gouvernemen-taux et municipaux, très présents dans le do-maine agricole, ainsi que la limite parfois flouede leurs mandats respectifs, apporte beaucoupde confusion aux producteurs et comporte desentraves importantes et des risques quant audéveloppement des exploitations. »

Les organismes québécois debassin versant ont des mandatsqui dépassent largement lesmoyens d’action dont ils disposent. Ils sont sous-financés,ils ont peu de personnel à leuremploi et ils ont de la difficulté à mobiliser les acteurs locaux et régionaux.

Le commissaire au développement durable, dansle rapport qu’il a déposé en décembre 2007, notait que seulement 9 plans directeurs de l’eausur 33 avaient été déposés au 31 mars 2007,alors que la totalité des organismes devait avoircomplété cet exercice en 2005.

La Municipalité régionale de comté (MRC) de laNouvelle-Beauce a apporté le témoignage suivantà la Commission : « Nous avons une politiquesans moyen financier. Bien sûr, il existe des actionsréalisées dans le cadre de comités de bassinversant à travers le Québec. Toutefois, c’est lebénévolat de ses membres qui lui assure certainssuccès. Il n’est pas normal que la ressource eausoit si peu protégée, mal gérée, dispersée etpartagée entre les différents ministères et lesnombreuses législations qui la gèrent sectoriel-

lement. L’approche des bassins versants est pri-vilégiée par des groupements bénévoles et autresagences de bassin versant qui, sans relâche,protègent ici cinq hectares, là, une frayère. »

Si l’on veut que l’approche par bassin versantdonne les résultats auxquels on est en droit des’attendre, il faut apporter trois correctifs struc-turaux : • mieux départager les responsabilités respec-

tives du gouvernement et des instances mu-nicipales dans la politique de l’eau et lagestion par bassin versant;

• intégrer la dynamique de la gestion par bassinversant dans la vision intégrée de l’aménage-ment du territoire et utiliser les données du plandirecteur de l’eau dans les outils municipauxet gouvernementaux d’aménagement et dedéveloppement du territoire;

• accorder un financement adéquat aux orga-nismes de bassin versant, par un accroissementdes ressources provenant du gouvernement et des municipalités, et définir des attentes de résultat.

3. Le sol La principale source d’information sur l’état de laqualité des sols au Québec est une étude réaliséeen 1990 par le MAPAQ. Cette étude a dressél’inventaire des problèmes de dégradation ob-servés dans douze régions agricoles du Québecsur un total de 1,7 million d’hectares. Il faut déplorer le fait que la situation n’ait pas été ré-évaluée à grande échelle depuis 1990.

Le rapport du MAPAQ fait clairement ressortir que les problèmes majeurs de dégradation des sols agricoles sont principalementliés à la culture intensive du maïs et de la pomme de terre. On y mentionne l’érosion, la perte de matière organique, le compactage et le bris des agrégats du sol.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 9 171

Le rapport souligne plus précisément les élé-ments suivants : • la détérioration de la qualité de la structure du

sol, observée dans près de 90 % des superfi-cies étudiées, résultant de la fréquence du tra-vail du sol et de la diminution de la matièreorganique;

• la surfertilisation (60 %) en phosphore et enpotassium des surfaces cultivées;

• la diminution de la teneur en matière orga-nique affectant 50 % des sols;

• l’acidification (50 % des sols) consécutive àl’utilisation d’engrais minéraux;

• l’érosion qui frappe 10 % des superficies cul-tivées.

Il est clair que les problèmes affectant la qualitédu sol se répercutent également sur la qualité del’eau et de l’air. La MRC de Coaticook s’inquié-tait, dans son témoignage à la Commission, despertes de sol. Elle s’est exprimée ainsi à cesujet : « De simples changements dans les fa-çons de faire pourraient faire en sorte de dimi-nuer la quantité de sédiments qui se retrouventdans les cours d’eau. Perte de sol, perte de fer-tilisant, le producteur agricole voit ses revenuss’écouler dans le cours d’eau. »

À la suite de la publication du rapport du MAPAQ,des mesures ont été adoptées principalementsur le plan de la gestion des fumiers et des engraisminéraux. De même, l’adoption de cultures enbandes alternées, la couverture de plantes aprèsla récolte (pomme de terre), la plantation dehaies brise-vent et le recours à des techniquesplus raffinées de semis et d’épandage ont étéencouragées. Certaines mesures prises afin deprotéger la biodiversité ont un effet sur la pro-tection des sols, de l’eau et de la santé.

4. La biodiversitéOn entend par biodiversité la présence d’unegrande variété de plantes, d’animaux et de mi-croorganismes dans un milieu. La Conventionsur la diversité biologique y inclut la préservationdes écosystèmes et du patrimoine génétiquedes espèces.

Dans un milieu où se pratiquel’agriculture, une diversité biologique riche procure desavantages qui passent souventinaperçus, mais qui ont une importance déterminante. Enplus de protéger les ressourcesnaturelles indispensables àl’agriculture, notamment l’eau, la biodiversité favorise les processus naturels nécessairesà la production agricole : pollinisation, décomposition de la matière organique du sol,lutte naturelle contre certains parasites, etc.

Bien que l’agriculture réduise nécessairement labiodiversité, certaines pratiques agricoles peuventaggraver la situation. C’est notamment le cas dudéboisement, du remblayage, de la modificationdes berges, de la surfertilisation, de l’usage ex-cessif des pesticides, des pratiques qui favorisentl’érosion des sols et de l’introduction d’espècesanimales ou végétales, sélectionnées ou provenantd’organismes génétiquement modifiés (OGM), quiconcurrencent les espèces indigènes. L’uniformi-sation des élevages et des cultures menace la pérennité des races et des variétés rustiques.

La modification des écosystèmes au-delà de cequi est requis pour une agriculture durable entraînela destruction ou l’altération des habitats. Lesmilieux aquatiques sont particulièrement sensiblesaux effets des diverses pollutions et aux activitéshumaines (agriculture, urbanisation, transport).Le nombre d’habitats de reproduction et de mi-gration des oiseaux a diminué dans la vallée duSaint-Laurent au cours des dernières années et480 espèces végétales et animales sont con si-dérées en péril, dont huit espèces d’oiseaux82.

82. ENVIRONNEMENT CANADA, SERVICE CANADIEN DE LA FAUNE, région de Québec, 1999.

172 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

C’est principalement au sujet des cours d’eau que des actions correctrices et préventives doivent être menées. Le gouvernement du Québec s’est doté d’un plan d’action 2004-2007 sur la biodiversité qui présente plusieurs solutions afin d’améliorer la situation en milieu agricole.

Parmi les actions envisagées dans ce plan, notons :• la diminution de la pollution par le phosphore

et l’azote (entreposage étanche des fumierspour 100 % des lieux d’élevage d’ici 2010);

• la réduction de 50 % de l’utilisation des pes-ticides par rapport à 1992;

• le recours à la lutte intégrée contre les ennemisdes cultures pour 70 % des producteurs demaïs, de soya et de pomme de terre;

• le maintien d’espaces boisés en milieu agricole;

• la réalisation de projets pilotes de restaurationd’habitats naturels en milieu agricole.

Le Regroupement national des conseils régio-naux de l’environnement du Québec a expliquéen ces termes, à l’occasion des audiences de laCommission, l’importance des bandes riveraines :« Les bandes riveraines constituent des habitatsfauniques essentiels à la préservation de la bio-diversité en milieu agricole. En effet, la végéta-tion riveraine est un milieu vivant d’une richesseexceptionnelle […]. Les zones riveraines sonthabituellement très productives et recèlent unegrande diversité écologique […]. Outre ces bé-néfices, les bandes riveraines comportent éga-lement un aspect économique non négligeable.On signalera notamment l’augmentation de lavaleur des terrains et des propriétés, la réductiondu coût pour le traitement de l’eau et l’atténuationdes dommages en cas d’inondation. »

Bien que certains progrès aient été notés, les ré-sultats anticipés en matière de biodiversité nesont pas atteints. Ainsi, 33 % des entreprisesagricoles sont engagées dans une démarche delutte intégrée contre les insectes et autres ennemisdes cultures alors que l’objectif était de 70 %.Quant à la réduction des pesticides en milieuagricole entre 1992 et 2003, elle n’est pas de 50 %,mais de 11 %. On a cependant observé une ré-duction de la quantité de pesticides par unité desurface (3,89 kg/ha à 2,50 kg/ha). Soulignonsque la réduction du volume des pesticides n’estpas considérée comme le seul ni le meilleur indi -cateur puisque la nature des pesticides achangé au cours des dernières années : ceux-cipeuvent être plus puissants, davantage ciblés oumoins persistants. Il faudrait aussi tenir comptedes effets cumulatifs et des mélanges dans l’envi-ronnement des divers pesticides utilisés, cequ’aucune étude québécoise ou canadienne nepermet d’évaluer. Par ailleurs, l’indicateur derisque des pesticides au Québec, utilisé par leMDDEP et appelé IRPeQ, révèle une diminutionde 26 % des risques pour l’environnement et de32 % des risques pour la santé associés à l’utili-sation des pesticides entre 1993 et 2003.

Des stratégies de rechange destinées à diminuerle recours aux pesticides de synthèse ont étéappliquées sur 36 % des superficies qui avaientfait l’objet d’interventions phytosanitaires. Cesmesures comprennent notamment l’applicationlocalisée ou par bandes de pesticides, le dés-herbage mécanique ou l’utilisation d’agents bio-logiques.

Les améliorations au chapitre de la biodiversitépassent par une application plus rigoureuse dela réglementation, notamment à l’égard du phos-phore, de l’azote et des pesticides. Il faudraaussi consentir plus d’efforts à la conservationdes milieux naturels et protéger davantage lescours d’eau.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 9 173

L’ÉCOCONDITIONNALITÉL’écoconditionnalité est un concept qui subor-donne l’octroi de certaines formes d’aide finan-cière au respect de l’environnement. Il s’appliqueà plusieurs programmes gouvernementaux vi-sant particulièrement les entreprises de diverssecteurs d’activité, y compris l’agriculture. Lapolitique agricole commune de la Communautéeuropéenne, par exemple, conditionne le verse-ment des aides directes aux agriculteurs au res-pect d’exigences précises, non seulement enmatière d’environnement, mais aussi de santé, debien-être animal et de protection des végétaux.Un total de dix-neuf directives et règlementsfixent les obligations des producteurs agricoles.

Il est important de préciser que l’écocondition-nalité n’est pas un programme visant à accorderune aide financière aux producteurs agricoles afinde les aider à se conformer à la réglementationenvironnementale. Au contraire, elle est une con -dition de base pour accéder aux program mes desoutien à l’agriculture. On pose la prémisse quela production agricole s’effectue dans le respectde l’environnement : elle doit respecter la loi.

Au Québec, l’écoconditionnalité a fait l’objet d’unconsensus à la fin des années 90. Elle n’a cepen-dant été appliquée à la production porcine qu’àcompter de 2004 et aux autres productions, àpartir de 2005. Des mesures d’écoconditionna-lité font désormais partie des normes environne-mentales que doivent respecter les entreprisesagricoles pour accéder à certains programmesd’aide financière. C’est ainsi que, pour être ad-missibles au remboursement des taxes fon-cières, les entreprises agricoles doivent, depuis2005, démontrer qu’elles ont produit un bilan dephosphore au MDDEP. On a amorcé l’applica-tion de la même mesure, encore que partielle-ment, dans le cadre du régime d’assurancestabilisation des revenus agricoles (ASRA).

Les orientations du gouvernement relatives àl’écoconditionnalité, énoncées en 2004, prévoientque l’attribution de fonds publics soit subordon-née au respect de la totalité de la réglementa-tion environnementale en 2010. Pour l’instant,l’éconconditionnalité n’est appliquée qu’à l’égarddu traitement des taxes foncières (dépenses de100 millions de dollars par année sur des me-sures d’aide financière de l’ordre de un milliardde dollars) et elle ne porte essentiellement quesur le dépôt annuel du bilan phosphore.

Deux raisons expliquent ce choix. D’une part, lessurplus de phosphore causent les plus gravesproblèmes de détérioration de la qualité de l’eauet, d’autre part, les outils de mesure du bilan dephosphore ont été mis au point et peuvent êtreutilisés pour l’ensemble des entreprises agricoles.

Le commissaire au développement durabledresse les constats suivants à l’égard de la miseen œuvre des mesures d’écoconditionnalité enagriculture, dans le premier rapport qu’il a publiéet qui a été déposé à l’Assemblée nationale duQuébec en décembre 200783 :• « À ce jour, l’application du principe d’éco-

conditionnalité est fort peu convaincante;

• « Lenteur dans la mise en œuvre des mesures(pas de pénalité si le bilan de phosphore n’estpas présenté ou n’est pas en équilibre);

• « Application non conforme des mesures parLa Financière agricole du Québec et contrôleinsuffisant par La Financière des mesures envigueur :

– « En 2005, contrôle uniquement de certainsexploitants, correspondant à moins de 9 %des producteurs; en 2006, contrôle unique-ment dans le secteur porcin;– « Aucune pénalité appliquée à 57 lieux d’éle-vage porcin non conformes à la réglementa-tion (ces exploitants ont reçu 42 millions dedollars en aide financière de l’ASRA);– « Il s’ensuit une iniquité envers les exploi-tants qui se conforment aux mesures et unedifficulté à convaincre les exploitants du sé-rieux de l’approche [d’écoconditionnalité];

• « Information de gestion insuffisante pour ap-pliquer les mesures liées à l’écoconditionnalité :

– « Incompatibilité des systèmes d’informa-tion du MDDEP et de La Financière agricole,ce qui rend difficile le traitement des données. »

Dans la perspective d’une agriculture durable, il faut franchirdes pas additionnels sur la voiede l’écoconditionnalité. Les pratiques agricoles doivent êtrerespectueuses de l’environnement.Rien ne justifie, au XXIe siècle, la poursuite d’activités qui détériorent les milieux biophysiques.

83. Ce document fait partie du Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2007-2008, tome II. Lescitations qui suivent proviennent des Observations du commissaire au développement durable, produites dans la foulée de son rapport.

174 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Il faut se donner des moyens d’évaluer de ma-nière plus large qu’avec la seule norme phos-phore les retombées des activités agricoles surl’environnement. Une autre lacune importantedes mesures actuelles d’écoconditionnalité tientau manque de suivi de la réglementation.

L’Ordre des agronomes du Québec a soulignéen ces termes la nécessité d’aller plus loin :« L’approche québécoise des plans agroenvi-ronnementaux qui est basée sur la richesse dessols a permis de rationaliser la fertilisation […].L’évolution et le raffinement des connaissancespermettent maintenant d’examiner les autresfacteurs qui portent atteinte à l’environnementet de recourir également à d’autres approches. »Le Réseau des jeunes maraîchers écologiquesrenchérit en quelque sorte, par ces propos :« Est-ce que l’écoconditionnalité se limite à laproduction du bilan de phosphore sur nos terresagricoles? Nous sommes en attente d’autres ac-tions concrètes et souhaitons [de] l’implantationdu plan d’action par La Financière agricole d’ici2010 [que ce plan] soit plus ambitieux. »

Par écoconditionnalité, l’agriculture et l’agroali-mentaire québécois devraient entendre qu’ils’agit :• du respect de la réglementation environne-

mentale comme condition essentielle d’accèsaux principaux programmes d’aide financièredu gouvernement à la production et à la trans -for mation alimentaire et aux programmesd’assurance stabilisation des revenus agricoles;

• de l’élaboration d’un plan agroenvironnementalcomportant minimalement des cibles précisesà l’égard du phosphore, de l’azote et de pesti-cides pour chacune des entreprises agricoles.La mise en œuvre de ce plan ferait l’objetd’une certification. Les groupes-conseils enagroenvironnement seraient évidemment misà contribution dans l’élaboration de ces bilanset dans leur mise en œuvre;

• de l’établissement de bonnes pratiques agro-nomiques adaptées à la situation de chaqueferme et qui tiennent compte du type de cul-ture et d’élevage, de la topographie des terresagricoles de même que de la texture et de lastructure du sol;

• d’une inspection, par une personne mandatéepar le MDDEP, de chacune des entreprisesagricoles à des intervalles réguliers afin de vé-rifier la validité du plan agroenvironnementalde fertilisation et son application. Des sanc-tions pourraient être imposées aux entre-prises contrevenantes (réduction significative,voire abolition complète des paiements àl’agriculteur).

Le gouvernement devrait accorder une périodede trois à cinq ans avant de généraliser l’appli-cation de ces mesures d’écoconditionnalité. Ilserait opportun de hâter les échéances pour lesplus grandes entreprises et pour celles dont lesactivités semblent présenter davantage derisques pour l’environnement. L’écoconditionna-lité doit être perçue comme un passage obligévers des pratiques agricoles qui respectent l’en-vironnement.

Les bonnes pratiques sont maintenant connues et appliquées par les producteursles plus soucieux des impératifsd’une agriculture durable. Le recours plus généralisé aux services-conseils en agroenvironnement devraitcontribuer à faciliter la conformité des producteurs à l’écoconditionnalité.

L’agriculture biologique doit également êtremieux soutenue en raison de sa contribution po-sitive à la protection de l’environnement et del’exemplarité de certaines de ses pratiques. Il enva de même pour le travail réduit du sol. Le gou-vernement doit mieux coordonner son actionafin de faciliter la prise en compte par les pro-ducteurs des impératifs de l’écoconditionnalitéet d’en suivre plus rigoureusement l’application.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 9 175

LA PRODUCTION DE BIENS ENVIRONNEMENTAUX

Dans une vision axée sur une agriculture multifonctionnelle, il convient de solliciter la collaboration des agriculteurs en faveur de la protection des écosystèmes ou de la production de biens qui améliorent la qualité de l’environnement.

Ces actions concourent à protéger des patri-moines écologiques ou à aménager des infra-structures qui sont d’intérêt public, qui débordenten somme le cadre normal d’intervention relativeaux besoins propres de l’agriculture. Il faut doncoffrir au producteur une juste compensation fi-nancière pour les dépenses qu’il engage dansces travaux ou pour les pertes occasionnées dufait qu’il restreint ses activités de productionagricole afin de protéger un habitat sur une partiede ses terres.

Parmi les biens environnementaux qui devraientêtre promus et soutenus par des mesures adé-quates de financement, notons l’aménagementde haies brise-vent et de bandes riverainesd’une dimension supérieure à celles qui sontprescrites par la réglementation ou le planagroenvironnemental, le retrait de certaines su-perficies en culture, le reboisement de certainesparties sensibles du territoire, la préservation demilieux humides et de tourbières, la réductiondes engrais minéraux au-delà des normes envi-ronnementales, les essais de nouvelles culturesmieux adaptées aux conditions nordiques, laconservation des espèces patrimoniales et lesmesures d’entretien et de valorisation du paysage.

Lors des audiences régionales de la Commission,le Syndicat de base de l’UPA de Portneuf-Ouesta donné l’exemple du partenariat entre l’Uniondes producteurs agricoles et la Fondation de lafaune du Québec qui a permis « de caractériser140 km de bandes riveraines (sur la rivière Nia-garette) ». Soulignons que le gouvernement ac-corde déjà des compensations aux agriculteurspour le maintien et l’aménagement des boisés deferme.

C’est dans les localités et les régions que devraitse faire la détermination des biens environne-mentaux à produire sur les terres agricoles. Cetexercice devrait être sous la responsabilité desMRC, en concertation avec les organismes debassin versant, les représentants du MDDEP —le MAPAQ agissant comme expert ou conseillertechnique — et des représentants des produc-teurs agricoles. Il s’agit en effet d’actions asso-ciées à la responsabilité de l’aménagement duterritoire.

La désignation des actions de protection àmener ou des travaux d’aménagement à réaliserdonnerait lieu à une convention entre la MRC etle producteur agricole, convention qui aurait uneportée de plusieurs années. Cet instrument pré-voirait une compensation financière pour l’agri-culteur qui s’engagerait, sur une base volontaire,à respecter les conditions relatives à la protectiond’un patrimoine écologique ou à la productiondu bien environnemental. Le versement descompensations aux producteurs agricoles seraitfait par le gouvernement du Québec, en particulierpour ce qui est du programme de soutien à l’entreprise agricole proposé au chapitre 4. Ilfaudrait toutefois, le cas échéant, mettre àcontribution certaines municipalités qui impo-sent des contraintes à certains producteurs agri-coles afin de protéger les réserves d’eaumunicipales, sans leur offrir de compensation.

176 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

LE BIEN-ÊTRE ANIMAL Au cours des dernières années, le bien-être animalest devenu un objet de préoccupation importantedans certains pays. Les citoyens s’intéressent à lamanière dont les animaux sont élevés et il leurrebute d’acheter de la viande qui proviendraitd’animaux maltraités, confinés à des espaces vi-taux trop restreints, qui ne pourraient aller dansdes pâturages à l’extérieur ou qui subiraient unstress excessif durant le transport ou l’abattage.En Europe, cette préoccupation a donné lieu àdes directives et à des règlements spécifiquesqui font partie, depuis 2005, des règles d’éco-conditionnalité de la Politique agricole communeappliquées aux paiements effectués aux agri-culteurs des 25 pays membres de l’Union euro-péenne.

Pour l’heure, l’enjeu du bien-être animal est peu présent en Amérique du Nord. Il serait surprenant toutefois que l’agriculture de ce continent demeure à l’abri de cette préoccupation dans un avenir prévisible.

Les producteurs agricoles du Québec ont toutavantage à agir de manière proactive, à prendreles devants en cette matière. D’une part, unetrès forte proportion des agriculteurs québécoisont déjà des pratiques qui respectent les condi-tions généralement associées au bien-être animal.D’autre part, l’accès à certains marchés pourraitbientôt être conditionnel au respect des règlessur le bien-être animal.

Les pays européens imposent de telles normesà leurs agriculteurs; ils accepteront de plus enplus mal l’importation de produits provenantd’animaux élevés dans des conditions qui leursemblent inacceptables. De même, certains Étatsaméricains ont pris des mesures coercitives vi-sant notamment à restreindre la vente de foiegras parce qu’ils considèrent que le gavage descanards et des oies est une pratique cruelle.D’autres États boycottent l’achat de poissons etde fruits de mer du Canada en réaction à lachasse aux phoques.

L’Ordre des médecins vétérinaires du Québec,dans le mémoire qu’il a déposé à la Commis-sion, souligne à cet égard : « L’intérêt pour lebien-être animal ne doit pas pour autant se tra-duire en anthropomorphisme, ni compromettrela santé humaine ou animale. Le Québec devrase conformer aux exigences du public qui se tra-duiront éventuellement en diktats des parte-naires commerciaux. »

L’Ordre suggère de s’attaquer à ce défi en prenantles mesures suivantes : • définir les paramètres scientifiques du bien-

être animal;

• transformer ces paramètres en science appli-quée à intégrer dans les pratiques quoti-diennes;

• respecter les critères de sécurité alimentaireet de viabilité économique;

• établir des normes nationales connues, éven-tuellement obligatoires;

• implanter un système de vérification crédible(audit).

Le secteur agricole et agroalimentaire a l’occasion de s’engager dans une démarche proactive en matière de bien-être animal. Il doit saisir cette opportunité et ne pas attendre que les événements extérieurs ou les exigences des citoyensl’obligent à agir dans la précipitation.

Le Québec pourrait même tirer un avantagecommercial à faire reconnaître ses pratiquesagricoles comme se situant dans le respect desnormes internationales les plus élevées en ma-tière de bien-être animal. Ce serait une autre expression de notre différence sur le continentnord-américain.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 9 177

LA TRANSFORMATION ALIMENTAIRE Lors des audiences de la Commission, la ques-tion des effets sur l’environnement des usines detransformation alimentaire ne fut pas abordée.Ces usines sont pourtant d’importantes utilisa-trices d’eau potable et elles ont des rejets quidoivent être traités pour ne pas causer des pré-judices environnementaux. C’est la raison pourlaquelle les installations de transformation ali-mentaire sont implantées dans des municipalitéscapables de les alimenter en eau potable et deprendre leurs rejets en charge dans leurs usinesde traitement des eaux usées.

Les usines de transformation alimentaire doiventen outre posséder un certificat d’autorisation dé-livré en vertu de la Loi sur la qualité de l’environ-nement du Québec. Ce certificat tient comptesoit de la présence d’une infrastructure municipalede traitement des eaux usées, soit de la capacitéde soutien du milieu biophysique récepteur dansles cas plus exceptionnels où les rejets sont ef-fectués directement dans l’environnement.

Une caractéristique commune à plusieurs entre-prises de transformation alimentaire est lagrande quantité de rejets qu’elles produisent. Letraitement des déchets d’abattoir, par exemple,pose un défi important. Cette question a étéabordée plus haut.

LES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

1. Défis et inquiétudesDepuis les découvertes de Gregor Mendel, auXIXe siècle, d’immenses progrès ont été réalisésdans le domaine de la génétique. Les résultatsobtenus furent le fruit de sélections toujours plusprécises au sein d’une même espèce d’êtres vi-vants; on comptait pour ainsi dire sur des muta-tions « naturelles » du matériel génétique.

Avec le génie génétique, la science franchit unenouvelle étape. Elle s’attaque aux frontières dumonde vivant. Des organismes sont modifiésdans leur structure même, soit par modificationde leur matériel génétique de base, soit par l’in-troduction d’un gène provenant d’une autre es-pèce. Il en résulte des êtres nouveaux qui ontd’autres propriétés que les organismes origi-naux. On parle de la transgénèse. Ces êtres mo-difiés peuvent produire des substances utiles à lamédecine ou avoir la capacité de résister à desinfections ou à des contraintes auxquelles les organismes d’origine étaient sensibles jusqu’alors.

On peut entrevoir l’immense potentiel qu’offrentces nouvelles avancées scientifiques, notammentdans le domaine de l’agriculture. Si l’on peutmettre au point des plantes qui résistent mieuxà la sécheresse ou aux insectes dévastateurs ouqui offrent plus de matières nutritives, on peutcontribuer à solutionner le problème de la faimdans le monde. Mais comme on modifie lesstructures mêmes du vivant, que risque-t-on deprovoquer dans l’équilibre de la nature?

Il n’est donc pas étonnant qu’on soit à la foisfasciné par les perspectives des sciences de lavie et en même temps inquiété par l’inconnu quis’ouvre devant ces nouvelles percées scien-tifiques. Le recours au génie génétique pour produire des aliments, des médicaments, del’énergie et sans doute bien d’autres biens paraîtinévitable. Il faut cependant apprendre à maîtri-ser cet univers tout en faisant preuve de pru-dence, compte tenu des enjeux considérablesque soulève la transgénèse.

178 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

C’est d’abord par la connaissance scientifique,par le savoir, que nous serons en mesure denous engager dans ce domaine en étant bienconscients à la fois des possibilités d’améliorerl’agriculture et des risques que nous acceptonsde courir. Et c’est sur des bases scientifiques so-lides que le débat public peut et doit s’engager.

L’utilisation des résultats de la science et le recours au génie génétique ne peuventêtre laissés, sans gouverne publique, aux seules initiativesdes scientifiques et de ceux quiveulent utiliser leurs découvertespour soutenir et favoriser des intérêts personnels ou privés.C’est un enjeu de société.

Les citoyens doivent être informés de l’évolutionde cette science et de ce qu’elle signifie concrè-tement, du point de vue de ses avantages et deses risques. Les citoyens doivent également situer cette évolution scientifique dans le respectde leurs valeurs et de leur sens de l’éthique.

On peut prendre l’exemple des cellules souches.L’idée que l’on puisse utiliser des cellules d’em-bryon humain pour cultiver du matériel vivantpouvant servir à régénérer de la moelle épinièreou d’autres tissus est pleine de promesses etpeut déboucher sur une médecine nettementplus efficace. Cette idée permet aussi d’élaborerles pires scénarios sur les plans éthique, moralet biologique. L’utilisation des cellules souches adonc fait l’objet d’importants débats dans plu-sieurs pays. Les parlements et autres institutionsdémocratiques en ont été saisis et ils ont prisposition. Oui, les scientifiques peuvent utiliserles cellules souches, compte tenu des gains po-tentiels qu’elles peuvent faire réaliser à la méde-cine, mais leur utilisation sera sévèrementencadrée par de rigoureux protocoles de re-cherche qui feront d’ailleurs l’objet de surveil-lance par des pouvoirs publics.

2. Les OGM actuels Les OGM qui ont été commercialisés jusqu’icine représentent que les premiers balbutiementsd’une nouvelle science. Seuls le maïs, le soya etle canola sont cultivés au Canada à partir de se-mences transgéniques. Les céréales OGM sontdestinées à l’alimentation animale. Les pratiquescommerciales sont telles qu’on ne trouve actuel le -ment aucun fruit ni aucun légume génétiquementmodifié (GM) sur les tablettes des épiceries84. Iln’existe pas non plus d’animaux transgéniquesdestinés à la consommation humaine.

« On pourrait trouver dans notre panierd’épicerie certains produits dérivés d’OGM.En effet, il est possible que des plantestransgéniques entrent dans la compositionde certains produits sous forme d’ingré-dients : lécithine provenant de soja GM,huile extraite de canola GM, fécule de maïsproduite à partir de maïs GM, sirop issu demaïs GM, etc. Les produits dérivés peuventcontenir des traces d’ADN, mais pas né-cessairement la protéine ajoutée par la mo-dification génétique. Par exemple, une huilede canola transgénique tolérant un herbi-cide a une composition identique à celled’une huile extraite d’un canola traditionnel,puisque la protéine ajoutée par modificationgénétique est éliminée lors de la purificationdu produit. Il en est de même pour la farineproduite à partir de maïs [génétiquementmodifié], laquelle peut se retrouver dansdes biscuits. La majeure partie du matérielgénétique de la farine sera détruite lors dela cuisson du biscuit, sinon par notre sys-tème digestif. Les produits dérivés ne sontpas considérés comme des OGM, puis -qu’ils ne peuvent pas se reproduire outransmettre de matériel génétique85. »

Au Québec, les OGM sont présents, selon desdonnées de 2005, dans : • 41 % des superficies cultivées de soya;

• 44 % des superficies totales de maïs pourl’alimentation animale;

• près de 95 % des superficies ensemencéesde canola (d’après une estimation).

Quant aux pommes de terre transgéniques, ellesétaient cultivées sur 540 hectares en 1999 auQuébec. Elles sont disparues depuis parce queles marchés se sont fermés aux pommes deterre transgéniques.

84. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Source d’information sur les organismes génétiquement modifiés, [En ligne], 2006,[www.ogm.gouv.qc.ca].

85. Loc. cit.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 9 179

De nombreux témoignages entendus lors des audiences publiques mettent la Commissionen garde contre les risques desOGM. Une très grande méfiances’exprime à l’égard de ces organismes, sur le plan environnemental autant que sur celui de la santé. Les participants ont aussi déploré le manque de transparence qui a marqué le développement desOGM et leur mise en marché.

On justifie parfois le recours aux semencestransgéniques par les avantages environnemen-taux qu’ils procureraient. On fait valoir en effetque l’utilisation de ces semences se traduit parune diminution des quantités de pesticides parles agriculteurs puisque les plantes OGM résis-tent mieux aux insectes et aux herbes indésira-bles. Aux États-Unis, on a observé une réductionde 25 % de la quantité d’herbicide chez les pro-ducteurs de soja génétiquement modifié parrapport à la quantité utilisée dans les cultures desoja traditionnel86. De même, la culture OGMpermet, selon certaines données, de réduire letravail du sol, ce qui offre des bénéfices environ-nementaux, notamment par la diminution del’érosion, la réduction des poussières, l’augmen -tation de la rétention d’eau dans le sol, la ré-duction de la dispersion des pesticides par leruissellement de l’eau de surface ainsi que la réduction des gaz à effet de serre et du com-pactage des sols.

L’utilisation des cultures OGM soulève par ailleursdes inquiétudes sur les conséquences environ-nementales à moyen et à long terme, même si,pour l’heure, peu de preuves scientifiques ont puattester d’un désordre écologique majeur attribuéaux OGM. De sérieuses appréhensions demeurentnotamment à l’égard de la biodiversité, de lacontamination d’autres espèces végétales etanimales et du développement d’organismes résistant aux contrôles biologiques ou aux agentspathogènes connus. Il faudra approfondir cesquestions avant de lancer la deuxième générationd’OGM.

Quant aux risques pour la santé, ils n’ont pu êtreétablis à ce jour. Il a été impossible jusqu’ici dedéceler des traces d’OGM dans la viande et d’enmesurer les effets sur la santé. Notons que certainspays européens, qui interdisent la culture desOGM chez eux, peuvent acheter de grandesquantités de céréales OGM (des États-Unis no-tamment) servant à l’alimentation de leur bétail.

À l’égard des enjeux soulevés par le développe-ment des OGM, en relation avec le mandat de laCommission, trois questions majeures doiventêtre étudiées :1. Le développement des biosciences asso-

ciées à l’agriculture et à l’agroalimentaire;

2. Le respect du choix des agriculteurs et desconsommateurs;

3. L’étiquetage des produits OGM.

3. Le développement des biosciences L’utilisation des sciences de la vie, sans être unepanacée, sera vraisemblablement associée auprogrès de l’agriculture et à son devenir. Legénie génétique représente une avenue de re-cherche prometteuse à laquelle le Québec et leCanada doivent s’intéresser.

Toutefois, compte tenu des enjeux soulevés parle développement de ces nouvelles technologies,il est absolument impératif d’encadrer rigoureu-sement l’homologation et l’utilisation des OGM.Rappelons que plusieurs pays adoptent unemême attitude de prudence à l’égard des OGM.

Dans cette perspective, la Commission endosseles représentations et les avis (dont celui du Co-mité d’experts de la Société royale du Canada)qui pressent le gouvernement du Canada de ré-viser son processus d’homologation des OGM.Ce processus paraît nettement déficient au regarddes enjeux en cause. Il est urgent pour le gou-vernement fédéral d’accorder plus d’importanceet de ressources à la procédure d’homologation, àplus forte raison aux produits issus des nouvellessciences, les OGM par exemple. Les gouverne-ments doivent également prendre les dispositionspour que l’approbation de nouveaux organismestransgéniques et leur utilisation comme produitsagricoles ou aliments pour animaux soient assu-jetties à une évaluation scientifique rigoureusedes incidences potentielles de ces organismessur l’environnement ou la santé humaine.

86. Source : OGM QUÉBEC, Source d’information sur les organismes génétiquement modifiés, [En ligne], 2006, [www.ogm.gouv.qc.ca].

180 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Il est également essentiel d’informer la populationdes avancées de cette science et des enjeuxconcrets ou appréhendés qu’elle soulève. Il fautdiffuser le plus largement possible toutes lesétudes qui appuient les demandes d’homologa-tion d’OGM et les ouvrir de façon transparente àl’examen et à la critique de la communautéscientifique intéressée. Cette information nesaurait être traitée de manière confidentielle. Desorganismes comme la Commission de l’éthiquede la science et de la technologie doivent contri-buer à éclairer les citoyens et les gouvernementsà l’égard des enjeux de la transgénèse.

Les gouvernements doivent, le gouvernementfédéral au premier chef, affecter des crédits à laréalisation de programmes de recherche qui as-sureront un suivi et une évaluation systématiquedans le temps des effets possibles de l’utilisationdes OGM. Un programme officiel de suivi envi-ronnemental doit être mis en place pour chacundes OGM homologués.

Il est difficile d’engager avec sérénité un débat sur les OGM. Il s’agit d’une question complexequi fait l’objet de multiples et importantes controverses. Lesagriculteurs qui, en toute bonnefoi, décident d’utiliser des OGMse sentent parfois ostracisés.Les citoyens, pour leur part, ne s’estiment pas suffisammentinformés et expriment, devantl’inconnu, une méfiance compréhensible.

Le gouvernement du Québec a créé, à la sug-gestion du Conseil de la science et de la tech-nologie, un site Internet sur les OGM afin defournir à la population une information fiable etvalidée sur le sujet. Il faut saluer cette initiative.Il faudrait cependant aller plus loin. Il y aurait lieude mettre en place un comité multidisciplinairesur les OGM, comité relevant du Conseil de lascience et de la technologie. Ce comité ne sepréoccuperait pas uniquement des aspectsscientifiques des OGM, mais aussi des enjeuxéconomiques, sociaux et éthiques qu’ils soulèvent.Il aurait le mandat de conseiller le gouvernementet d’informer la classe agricole, les acteurs mu-nicipaux et la population sur les divers aspects

du développement et de l’utilisation des OGMactuels et à venir. Il agirait en toute transparence.Soulignons que de telles instances existent danscertains pays. Il serait important d’entretenir desliens avec ces organismes afin de recueillir et dediffuser l’information la plus à jour possible.

4. Le choix des agriculteurs etdes consommateursLes avis sont partagés sur les gains réels, pourles agriculteurs, de l’utilisation des OGM. Comptetenu du coût des semences transgéniques et del’utilisation d’herbicides qui y est associée, plu-sieurs observateurs doutent de leur rendementéconomique réel. D’autres soutiennent que lesOGM facilitent les opérations des producteursagricoles et améliorent les rendements, ce quiexpliquerait leur utilisation à grande échelle pourcertaines cultures.

On a soulevé des craintes relativement aux agri-culteurs qui seraient involontairement contraintsde cultiver les plantes transgéniques parce que,devant une très faible demande, les fournisseursde semences n’offriraient plus de cultivars nonmodifiés. Il est essentiel de préserver, danstoutes les cultures, la liberté de choix de l’agri-culteur à l’égard des substances transgéniques.Les gouvernements ne peuvent pas laisser auxseules entreprises privées la décision de n’offrirqu’une seule catégorie de semences. Ils doiventprendre entente avec les fournisseurs afin deprotéger la diversité des cultivars, au nom d’uneagriculture plurielle et par respect de la popula-tion et des consommateurs qui sont en droit de réclamer des aliments produits à partir desubstances non modifiées.

Il fut aussi question, lors des audiences publiquesde la Commission, de la nécessité de protégeradéquatement les fermes qui pratiquent l’agri-culture biologique de tout risque de contaminationpar les OGM et de ménager, à titre préventif, desaires libres de cultures OGM. Parce qu’ils déve-loppent des produits différenciés, les produc-teurs biologiques doivent effectivement pouvoircompter sur des mesures qui protègent raison-nablement leur production des effets d’unecontamination par les plantes OGM du produc-teur voisin. Il s’agit d’une question complexe quitouche aux privilèges associés à la propriété privée, aux droits acquis et aux règles de bonvoisinage.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 9 181

Il convient, en premier lieu, de faire respecter,par les producteurs qui utilisent des semencesOGM, les zones refuges qui sont prescrites parles fournisseurs et qui font partie des conditionsd’utilisation de ces semences. On exige, parexemple, que 20 % de la superficie cultivée avecdes OGM soit consacrée à ces zones refugessans OGM. On rapporte que peu d’agriculteursportent attention à ces limites.

En deuxième lieu, le MAPAQ doit préciser lesrègles relatives à la protection des cultures bio-logiques. Le manque actuel de clarté est appa-renté à une forme de laisser-faire où toutes lesinitiatives d’accommodement et les actions quis’ensuivent incombent au producteur biologiquesans qu’il y ait nécessairement de contrepartiede son voisin.

En troisième lieu, dans certaines MRC ou régions,on souhaiterait exclure totalement les culturesOGM afin de pouvoir s’affirmer comme entitégéographique sans OGM. On pourrait répondreà cette attente par deux voies. D’abord, uneMRC qui souhaiterait, après consultation desagriculteurs et des citoyens, délimiter une zonesans OGM devrait soumettre son projet à un co-mité d’experts désignés par le gouvernement et,sur réception de l’avis de ces scientifiques,pourrait procéder à ce zonage. Une telle délimi-tation s’effectuerait principalement dans le cadrede la révision et de l’élaboration du plan de dé-veloppement de la zone agricole de la MRC oude la communauté urbaine.

Afin de préserver des portions de territoire oudes sites écologiques contre les effets éventuelsd’une dissémination involontaire des espècestransgéniques, l’organisme Nature Québec pro-pose, dans son mémoire déposé à la Commis-sion, « un découpage du territoire à l’échelle desMRC, définissant des aires agricoles protégées(non transgéniques), soit en raison d’écosys-tèmes à protéger, soit vouées à des productionssensibles aux dérives de pesticides et de plantestransgéniques ». Le gouvernement pourrait avan-tageusement désigner des zones de contrôle oudes zones témoins sans OGM. Il emprunterait laprocédure utilisée pour désigner une réserveécologique.

Enfin, une zone sans OGM pourrait égalementêtre déterminée dans le cadre d’un processusde différenciation de produits. Dans la mesureoù les produits non modifiés peuvent présenterune forme de différenciation et un avantagecommercial, il serait important qu’ils puissentêtre développés dans des conditions qui res-pectent la caractéristique « sans OGM ». Ainsi,un groupe de producteurs agricoles, de trans-formateurs et d’agents de commercialisation etde développement d’un territoire où un tel produitest développé pourrait délimiter une zone agri-cole qui ferait l’objet de mesures de contrôleparticulières à l’égard des OGM. La meilleurefaçon d’y parvenir serait de procéder dans le cadrede la désignation d’une appellation d’origine pourdes produits typiques. Un aliment produit sur labase d’un cahier des charges qui comporteraitdes exigences à l’égard d’intrants non OGM jus-tifierait amplement, tant sur le plan commercialque sur le plan juridique, la délimitation d’unezone non OGM si tel est le désir des citoyens etdes agriculteurs de cette zone agricole.

5. L’étiquetage des aliments contenant des OGM Au nom du droit du consommateur à l’informa-tion, à plus forte raison à l’égard des alimentsqu’il consomme, plusieurs participants aux au-diences de la Commission ont plaidé en faveurde l’étiquetage des produits contenant des OGM.

S’il était appliqué dans les conditions actuelles, l’étiquetage des OGM au Canada et au Québec n’aurait guère de signification.

La traçabilité permettrait de déceler la présenceou l’origine d’éventuelles céréales OGM dans lesproduits alimentaires, mais le degré d’implanta-tion de la traçabilité dans l’ensemble de lachaîne agroalimentaire rend cette détection im-pensable à l’heure actuelle. Il serait à peu prèsimpossible de trouver en épicerie un produit quiporterait l’étiquette Contient des OGM.

L’Institut national de santé publique du Québec aproduit un document synthèse sur cette question.On peut notamment y lire : « […] une simple éti-quette apposée au produit, sans le préalabled’une démonstration scientifique d’innocuité, retournerait au consommateur la responsabilitéde l’évaluation des risques à sa santé. […] L’ab-sence d’un processus adéquat d’homologationne permettrait pas de mettre en place une poli-tique d’étiquetage efficace pour assurer le suivides produits et la protection des consomma-teurs. L’absence de mécanismes de traçabilitérend impraticable la gestion de la surveillancedes effets inattendus et la gestion appropriée durisque résiduel, par exemple le retrait rapide d’unproduit inadéquat. L’absence de mécanismes detraçabilité rend difficile, sinon impossible, l’im-putabilité des promoteurs et des organismes réglementaires envers les consommateurs ».

La revendication des citoyens et des consommateurs à l’égardde l’étiquetage des OGM demeure parfaitement légitime.On ne voit pas en vertu de quoion pourrait refuser l’accès àcette information. Dans un avenir prévisible, on peut mêmeentrevoir une généralisation de l’étiquetage des OGM,comme celui de bien d’autres ingrédients.

Elle pourrait même devenir une sorte d’avantageconcurrentiel ou, a contrario, une barrière à l’entréede certains marchés. Pourquoi le Canada et leQuébec n’agiraient-ils pas de manière proactivedans ce domaine?

Une étude menée pour le compte du MAPAQ adémontré que l’étiquetage des OGM sur le seulterritoire québécois était une opération trèscomplexe et coûteuse. Il apparaît donc essentield’envisager cet étiquetage à l’échelle canadienne.

Il importe alors de mettre en place sans délai lesconditions qui vont permettre un étiquetage généralisé des aliments contenant des OGM auCanada, soit : • la mise au point des techniques et des dispo-

sitifs scientifiques permettant de retracer laprésence d’ingrédients génétiquement modifiés.Comme le souligne la FAO, pour qu’elles soientefficaces, il faut que les politiques en matièred’étiquetage soient appuyées par des normes,des tests, des processus de certification etdes services garantissant leur application;

• le développement et l’application généraliséede la traçabilité des OGM afin de pouvoir lesdétecter dans toute la chaîne agroalimentaire;

• l’adoption d’une règlementation appropriéefaisant l’objet d’un suivi adéquat.

La Commission juge important de rassemblerrapidement ces conditions.

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RecommandationsEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentairequébécois recommande :

Que les ministères et organismes concernés coordonnent leurs interventions enmatière d’environnement auprès des producteurs agricoles, qu’ils cherchent àharmoniser leurs actions avec celles des responsables municipaux, qu’ils offrentun accompagnement aux agriculteurs et assurent un suivi plus rigoureux du respectde la réglementation environnementale;

Que le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs dresseun état de situation complet sur la qualité de l’eau au Québec pour la période2007-2009 et que cet état de situation soit ensuite périodiquement tenu à jour;

Que tous les programmes de remboursement des taxes foncières, d’aide financièreet de stabilisation des revenus des producteurs agricoles soient assujettis à desrègles d’écoconditionnalité comportant les exigences suivantes :• le respect de la réglementation environnementale en vigueur;• l’élaboration d’un plan agroenvironnemental incluant minimalement des cibles

précises à l’égard du phosphore, de l’azote et de pesticides pour l’ensembledes entreprises agricoles, plan qui devrait être révisé tous les trois ans et quitiendrait compte, le cas échéant, des objectifs fixés à l’échelle du bassin versant;

• l’établissement de bonnes pratiques agronomiques adaptées à la situation dechaque ferme, qui tiennent compte du type de culture et d’élevage, de la topo-graphie des terres agricoles et de la qualité des sols;

Qu’une inspection par une personne mandatée par le ministère du Développementdurable, de l’Environnement et des Parcs soit réalisée périodiquement dans chacune des entreprises agricoles afin de vérifier la validité du plan agroenvi-ronnemental et son application;

Que la protection de certains sites écologiques et la production de biens environ-nementaux fassent l’objet d’une convention de longue durée entre la municipalitérégionale de comté et le producteur agricole concernés, appuyée par le ministère del’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec et le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, et que cette conventionprévoie le versement par le gouvernement du Québec ou les municipalités concer-nées de montants compensant les pertes de revenus du producteur ou pour le défrayer des dépenses encourues pour l’aménagement du bien environnemental;

Que le gouvernement favorise la production de biogaz à partir, notamment, des re-buts agricoles et des lisiers, en octroyant une aide financière à des regroupementsde producteurs ou en leur offrant d’acheter à long terme de l’électricité produiteà des prix compatibles avec la rentabilité de tels équipements;

Que le gouvernement du Québec révise la politique de l’eau au chapitre de l’ap-proche par bassin versant afin : • de mieux départager les responsabilités respectives du gouvernement et des

instances municipales dans la politique de l’eau et la gestion par bassin versant;• de placer la dynamique de la gestion par bassin versant dans la vision intégrée

de l’aménagement du territoire et de prendre les mesures nécessaires pour queles outils municipaux et gouvernementaux d’aménagement et de développementdu territoire tiennent compte des données et des exigences des plans directeursde l’eau;

• d’accorder un financement adéquat aux organismes de bassin versant, par unaccroissement des ressources provenant du gouvernement et des municipalités;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 9 183

184 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

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RecommandationsQue le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québecs’entende avec les représentants des producteurs agricoles et des autres acteursdu secteur agroalimentaire pour adopter un plan d’action préventif en matièrede bien-être animal;

Que le gouvernement du Québec exerce un leadership auprès des autres gouver-nements provinciaux et du gouvernement fédéral afin que les mesures suivantessoient adoptées à l’égard des organismes génétiquement modifiés : • affectation de fonds spéciaux à la recherche sur les effets des organismes généti-

quement modifiés sur l’environnement et la santé;• renforcement du processus d’homologation des produits contenant des orga-

nismes génétiquement modifiés et mise en place d’un programme de recherchesur les effets à long terme de chaque organisme génétiquement modifié ho-mologué;

• accès à l’information scientifique déposée par les fabricants de semences gé-nétiquement modifiées dans le cadre du processus d’homologation;

• conclusion d’ententes entre le gouvernement et les producteurs québécois etcanadiens de semences permettant d’offrir aux agriculteurs une sélection devariétés leur permettant de choisir sans contrainte des cultures génétiquementmodifiées ou des cultures non génétiquement modifiées;

• mise en place sans délai de dispositifs d’analyse et de traçabilité qui permettrontde généraliser l’étiquetage des produits génétiquement modifiés au Canada;

Qu’à l’égard des organismes génétiquement modifiés, le gouvernement du Québec :• crée un comité multidisciplinaire, relevant du Conseil de la science et de la tech-

nologie, chargé de conseiller le gouvernement et d’informer la population surles enjeux scientifiques, économiques, sociaux, environnementaux, éthiques etde santé associés aux organismes génétiquement modifiés;

• précise les paramètres qui permettent de protéger la production biologiquecontre la contamination par les organismes génétiquement modifiés, dans le res-pect des lois en vigueur au Québec;

• désigne des zones témoins ou des zones de contrôle libres d’organismes géné-tiquement modifiés, en empruntant la procédure utilisée pour désigner une ré-serve écologique;

• ouvre aux responsables municipaux et aux agriculteurs la possibilité de déter-miner des zones agricoles sans organismes génétiquement modifiés, dans lecadre du plan de développement de la zone agricole ou d’un processus de dif-férenciation et de désignation de produits agricoles sous une appellation d’ori-gine protégée.

L’alimentation, la santé et les attentes des consommateurs

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Que ton aliment soit ta seule médecine. Ainsi parlait Hippocrate, quatre siècles avant Jésus-Christ. On a donc établi depuis longtemps un lien entre la santé et la qualité de l’alimentation. Si, pendant longtemps,l’humanité s’est avant tout préoccupée de produire suffisamment de nourriture pour éviter les famines, l’abondance qui caractérise aujourd’huiles pays développés a fait surgir d’autres inquiétudes. De nombreux problèmes de santé sont clairement associés à la qualité et à la quantité de nourriture consommée. Les préoccupations des consommateurs à l’égard de la santé sont devenues un enjeu de premierordre pour le secteur agricole et agroalimentaire.

LES PRÉOCCUPATIONS RELATIVES À LA SANTÉL’obésité représente la manifestation la plusfrappante de la consommation inappropriée ouabusive d’aliments. Dans tous les pays déve-loppés, elle est une source d’inquiétude despouvoirs publics. Au Québec, la prévalence del’obésité croît rapidement. En 1987, 9 % despersonnes de 15 ans et plus étaient considéréesobèses. Ce taux est passé à 13 % en 1998 et ilatteindrait 22 % aujourd’hui, selon le ministèrede la Santé et des Services sociaux (MSSS).

L’obésité est associée au développement deplusieurs maladies chroniques, dont les mala-dies cardiovasculaires, l’hypertension, le canceret le diabète. Les individus en surpoids sont troisfois plus nombreux que les autres à être atteintsdu diabète de type 2.

Le phénomène de l’obésité est à ce point alarmant qu’il pourrait,selon le directeur national desanté publique, faire en sorteque la génération des enfantsd’aujourd’hui, malgré les progrèsde la médecine, soit la première,depuis la Deuxième Guerre mondiale, à vivre moins longtempsque celle de ses parents.

Le MSSS estime que l’obésité entraîne descoûts de l’ordre de 550 millions de dollars parannée dans le réseau public de la santé et queces dépenses atteindront 1,3 milliard de dollarsen 2020.

Les préoccupations relatives à la santé s’éten-dent également aux effets démontrés ou appré-hendés de certaines substances utilisées dansla production, la transformation ou la préserva-tion des produits alimentaires. Des craintes sontexprimées relativement aux effets sur la santédes résidus ou des traces de pesticides et autresproduits, telles les hormones, qu’on peut parfoistrouver dans les fruits, les légumes, les viandesou les aliments transformés.

Tout en reconnaissant que les problèmes desanté relèvent aussi du mode de vie, notammentdu manque d’exercice physique, les gouverne-ments de plusieurs pays ont adopté des politiquesou des stratégies d’action afin de sensibiliser lescitoyens à la nécessité d’adopter des habitudesde vie et de nutrition qui contribuent à la santé.C’est ainsi que le Québec a adopté un plan d’ac-tion gouvernemental de promotion des saineshabitudes de vie et de prévention des problèmesreliés au poids pour la période 2006-2012. Lesecteur agricole et agroalimentaire est interpellépar ce plan d’action, notamment à l’égard de laproduction d’aliments sains et de l’informationau consommateur.

186 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

LES APPRÉHENSIONS À L’ÉGARD DE CERTAINS INTRANTS AGRICOLES

Certains cas d’empoisonnementet d’autres incidents ont éveillédes soupçons chez les consom-mateurs. Une méfiance évidenteprévaut à l’égard des pesticides,des antibiotiques, des hormonesde croissance et des organismesgénétiquement modifiés.

1. Les pesticidesPour bon nombre de consommateurs, les pesti-cides sont considérés comme des éléments in-désirables qui, idéalement, ne devraient pas êtreutilisés en agriculture. Paradoxalement, cesconsommateurs cherchent des fruits répondantà des standards d’esthétique, d’uniformité etd’apparence qui sont difficiles à atteindre sansl’aide des pesticides de synthèse. Les agricul-teurs cherchent néanmoins à réduire l’utilisationde ces produits.

Ce sont les résidus de pesticides encore pré-sents dans certains produits qui présentent desrisques potentiels pour la santé. À cet égard, lesnormes canadiennes qui définissent les limitesmaximales de résidus de pesticides sont moinssévères que celles établies en Europe, auxÉtats-Unis et en Australie.

La présence de résidus de pesticides dans l’eaude consommation est également préoccupante.Depuis 2001, le Règlement sur la qualité de l’eaupotable oblige les responsables des réseaux dedistribution de l’eau potable desservant une po-pulation de 5000 habitants et plus à faire desanalyses afin de vérifier notamment la présencedes pesticides. Des traces de pesticides ont étédétectées dans 54 % des 213 réseaux de distri-bution d’eau analysés entre 2001 et 2004. De telsrésidus se trouvent également dans l’eau sou-terraine, bien qu’à des seuils inférieurs à ceuxétablis par les organismes de santé publique.

L’exposition à long terme à des pesticides peutcauser des perturbations du système immuni-taire et endocrinien et causer certains troublesde reproduction. L’Institut national de santé pu-blique du Québec est d’avis que les risques queprésentent les pesticides pour la santé semblentfaibles, bien que les jeunes Québécois y soientplus exposés que les enfants européens et amé-ricains. L’Institut affirme que « la prudence demeurede mise et justifie la promotion des mesures derationalisation des pesticides et de diminutionde l’exposition ».

2. Les antibiotiquesSelon l’Ordre des médecins vétérinaires du Qué-bec, la production animale sans antibiotique estimpossible du point de vue de la santé et dubien-être animal. L’Ordre souligne aussi que « leQuébec jouit d’une réglementation unique auCanada : tous les médicaments destinés auxanimaux ne sont disponibles que sur ordonnance.De surcroît, nul producteur ne peut détenir ouadministrer un médicament à un animal de con -sommation à moins qu’il n’ait été prescrit par unmédecin vétérinaire ».

Le recours aux antibiotiques à des fins curativeset préventives fait partie des pratiques d’éle-vage. Cependant, l’utilisation des antibiotiquescomme facteur de croissance est beaucoup pluscontroversée, en raison des risques de voirémerger des microbes résistants aux antibio-tiques normalement employés pour soigner lesinfections, tant chez les animaux que chez leshumains. L’Union européenne a décrété, en2006, l’interdiction complète des antibiotiques àtitre de facteurs de croissance dans les alimentspour animaux. Au Canada, ce procédé d’alimen-tation des animaux n’est pas formellement inter-dit, mais il est déconseillé. De plus, des mesuresde surveillance de la résistance aux antibiotiquesutilisés en santé animale sont appliquées par leministère de l’Agriculture, des Pêcheries et del’Alimentation du Québec (MAPAQ) depuis 1993,en collaboration avec l’Institut national de santéanimale et la Faculté de médecine vétérinaire del’Université de Montréal.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 10 187

87. OMS, Biotechnologie alimentaire moderne, santé et développement : étude à partir d’exemples concrets, juin 2005.

3. Les hormones de croissance L’emploi des stimulateurs de croissance hormo-naux est autorisé au Canada et aux États-Unisuniquement pour les bovins de boucherie. Cessubstances ne sont pas utilisées pour la produc -tion de porcs, de volaille et de vaches laitières.Les hormones de croissance permettent à l’ani-mal de prendre du poids plus rapidement, ce quireprésente un avantage économique évident.

Une importante controverse a cours depuisquelques années au sujet des risques que pré-sentent les hormones de croissance pour lasanté des consommateurs. En 1995, la Com-mission du Codex alimentarius, organisme inter-national créé afin d’établir et d’harmoniser lesnormes en matière d’innocuité des aliments, ajugé que cinq des six hormones de croissancedisponibles ne présentaient aucun risque lors -qu’elles étaient utilisées dans le respect des pra-tiques vétérinaires établies. Le gouvernement duCanada a mené ses propres études, en 2003, etest arrivé à la même conclusion.

La Commission européenne, estimant que l’in-gestion de résidus d’hormones expose lesconsommateurs à des risques qui ne sont pastous connus, a banni l’utilisation des hormonesde croissance dans l’alimentation des animauxd’élevage dans les pays de l’Union. Elle interditégalement l’importation de viandes provenantd’animaux nourris avec des hormones de crois-sance, notamment des États-Unis. Cette inter-diction a cependant été jugée, en 1997, par unpanel de l’Organisation mondiale du commerce(OMC), non conforme aux règles du commercemondial parce qu’elle n’est pas fondée sur despreuves scientifiques et qu’elle constitue en fait,aux yeux de l’OMC, une barrière commercialenon tarifaire.

Par delà la controverse scientifique et politiqueassociant les hormones de croissance à desrisques pour la santé humaine, l’enjeu se déplacerapidement du côté commercial. Un nombregrandissant de consommateurs exprime uneméfiance certaine à l’égard de ces hormones etils valorisent de plus en plus les viandes qui pro-viennent d’animaux nourris sans hormone decroissance et certifiées comme telles. Le secteuragricole et agroalimentaire québécois a tout in-térêt à prendre acte de cet état d’esprit.

4. Les organismes génétiquementmodifiésL’appréhension à l’égard des organismes géné-tiquement modifiés (OGM) est très répandue.L’Organisation mondiale de la santé (OMS) sou-ligne que les OGM présentement commercialisés« ont tous subi des évaluations de risque néces-saires et qu’ils sont examinés plus soigneusementque les aliments traditionnels pour la recherched’effets potentiels sur la santé et l’environne-ment. À ce jour, la consommation d’OGM n’apas provoqué d’effets indésirables connus surla santé87 ».

La Société royale du Canada et la British MedicalAssociation, tout en reconnaissant qu’à ce jour,aucune étude scientifique rigoureuse n’a démon-tré que la consommation d’aliments avec OGMcomportait plus de risque que l’ingestion d’ali-ments traditionnels, sont néanmoins d’avis queles OGM devraient être étudiés davantage avantd’être mis en marché.

Encore là, les enjeux commerciaux devancent lesconsidérations scientifiques. À tort ou à raison,bon nombre de consommateurs appréhendentles effets des OGM dans leur alimentation. Ilsont fait échec à la commercialisation de certainsproduits OGM cultivés avec succès, comme lespommes de terre. Ils réclament en outre d’êtreinformés de la présence de traces d’OGM dansles produits qu’ils achètent.

De toute évidence, un produit qui, de manière crédible, porterait l’étiquetteSans OGM, présenterait un indiscutable avantage commercial. Dans un univers où le consommateur est roi, peut-on ne pas tenir compte de ses attentes?

188 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

88. Hazard Analysis and Critical Control Point.

LES MESURES PRISES DANS LAFILIÈRE AGROALIMENTAIRE

Dans la foulée de l’implantationde la mise en marché collectiveet du développement des coopératives, les producteursagricoles se sont imposé desmodes de contrôle de la qualitédes produits. Les producteurslaitiers ont été les pionniers ence domaine, bien avant que lessystèmes actuels de gestion des risques ne voient le jour.

Aujourd’hui, divers systèmes de contrôle dequalité et de gestion de risques sont utilisés à laferme. Au Québec, 98 % des porcs produits pro-viennent de fermes qui ont adopté le systèmed’analyse de risque et de maîtrise des points cri-tiques (HACCP)88. Il s’agit d’un système interna-tional reposant sur des données scientifiques,qui vise à assurer l’innocuité des aliments. Onestime que 30 % des éleveurs de poulets et 20 %des producteurs de bœufs de boucherie ont établice système. Dans plusieurs productions, notam -ment la production laitière, le processus d’im-plantation de ces normes est en cours.

Les entreprises de transformation ont, dans unetrès forte proportion, mis en place des systèmesde contrôle sanitaire très rigoureux. La plupartd’entre elles adhèrent au système HACCP. Laconformité à ce système devient même unecondition d’accès à certains marchés. Quantaux magasins de détail, ils ont mis en place leurpropre système d’inspection et de contrôle de laqualité qui, en plus, fait l’objet de contrôles ré-guliers par les services publics d’inspection.

1. La traçabilitéUn système de traçabilité permet de suivre unproduit alimentaire ou toute substance qui lecompose depuis le lieu de production jusqu’à latable du consommateur et ce, dans tout le réseaude transformation et de distribution. En cas decontamination, un tel système permet de remon-ter à la source du problème.

En 1998, le gouvernement du Québec a procédé,en concertation avec les acteurs du secteur agri-cole et agroalimentaire, au développement et àl’implantation d’un système d’identification perma-nente et de traçabilité des produits alimentaires.Un organisme à but non lucratif, Agri-Traçabilité,a été créé en 2001 afin de gérer le systèmed’identification et de traçabilité des animaux. Lerèglement adopté à cette fin rend obligatoire,depuis 2002, l’identification des bovins et le suivide leurs déplacements jusqu’à l’abattoir. Les mou-tons et les agneaux sont soumis aux mêmes exi-gences depuis 2004. L’industrie porcine devraitadopter ce système en 2008, en concertationavec le Conseil canadien du porc. D’autres sec-teurs amorcent aussi des démarches au regardde la traçabilité; c’est notamment le cas des pro-ducteurs de cervidés, d’œufs de consommation,de volaille et de toute la filière végétale.

Cette première phase d’implantation du pro-gramme québécois de traçabilité porte essen-tiellement sur le parcours des animaux de laferme à l’abattoir. Des développements sont pré-vus afin de compléter le circuit et de permettre deretracer le cheminement des viandes bovines del’abattoir jusqu’aux établissements de vente etaux restaurants. La traçabilité des autres produitssuivra.

L’Alliance de la transformation alimentaire in-siste, dans son mémoire présenté à la Commis-sion, sur la nécessité d’étendre le système detraçabilité. L’organisme s’exprime ainsi : « L’in-dustrie alimentaire, à la suite de la crise récentede la vache folle, est déjà sensibilisée à l’impor-tance d’assurer la traçabilité. De plus, leséchanges commerciaux hors du Québec incite-ront les intervenants de la chaîne alimentaire àconsidérer la traçabilité non seulement commeun outil de gestion de crise, mais aussi, dans cer-tains cas, comme une exigence commerciale. »

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 10 189

190 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Le secteur de la distribution alimentaire a témoi-gné lors des audiences de la Commission de lacomplexité de généraliser des systèmes de tra-çabilité et de la nécessité de s’entendre avec lespartenaires commerciaux, surtout au Canada. Lereprésentant de Metro s’est exprimé en cestermes :

« Le MAPAQ entendait mettre en place unsystème visant tous les types de viandes.Après avoir longuement discuté avec lesreprésentants de notre industrie, celui-ci adécidé d’opter pour une réglementationplus réaliste en ne visant que la viande bovine. Dans un contexte d’intégration del’industrie agroalimentaire nord-américaine,la question de la traçabilité alimentaire nesaurait être traitée à l’échelle du Québecuniquement puisque l’impact sur l’appro-visionnement serait non négligeable. Nossources d’approvisionnement se situanttant au Québec et dans le reste du Canadaqu’à l’étranger, nos partenaires d’affairesne seraient pas en mesure de répondre, àcourt terme, au type de réglementation envisagée. Il serait grandement compliqué,voire presque impossible, sans mettre àrisque notre approvisionnement en viande,d’étendre dès maintenant la traçabilité àtous les types de viandes sans en avoirpréalablement discuté avec l’ensemble denos partenaires d’affaires. Agir autrementrisquerait d’entraîner de graves répercus-sions, tant sur notre capacité d’importerque d’exporter des produits. »

Le Québec a pris une avance sur plusieurs provinces et certains pays en matière de traçabilité. Son expertise estd’ailleurs sollicitée ailleurs au Canada. Il a tout intérêt àpoursuivre son élan et à axer ses stratégies de différenciationet de commercialisation de produits sur un système crédiblede traçabilité. Pour des raisonspratiques, cependant, le Québeca tout avantage à faire la promotion d’un système canadienharmonisé dont il serait le leader.

2. La prévention et le contrôledes épidémiesLes répercussions considérables qu’a provo-quées au Québec et au Canada la détectiond’un seul animal atteint de l’encéphalopathiespongiforme bovine (vache folle) dans une fermede l’Alberta, en 2003, ont sensibilisé l’ensemble dela population à l’importance de certaines maladieschez les animaux. Les inquiétudes exprimées àl’égard d’un risque éventuel de pandémie degrippe aviaire ont ravivé ce sentiment de vulné-rabilité.

Le Canada et le Québec ont mis en place dessystèmes complexes de surveillance, d’alertevétérinaire et d’intervention rapide en cas d’ap-parition de zoonose ou d’épidémie. Ce systèmemet à contribution, au niveau fédéral, l’Agencecanadienne d’inspection des aliments et le réseaucanadien de surveillance zoosanitaire. Au Québec,le Centre québécois d’inspection des aliments etde santé animale, qui relève du MAPAQ, le réseaud’alerte et d’information zoosanitaire, l’Institutnational de santé animale et la Faculté de mé-decine vétérinaire de l’Université de Montréalsont les piliers de cette surveillance.

L’expertise scientifique et l’état permanent desurveillance sont essentiels à l’efficacité d’un telsystème. Il faut cependant se garder d‘agir demanière excessive et de pénaliser ainsi d’autresactivités, même si la prudence commande desgestes préventifs. En réponse à la menace del’influenza aviaire, le Québec a adopté le Règle-ment sur le confinement des oiseaux captifs qui aobligé les producteurs à prendre des mesuresafin d’éviter tout contact entre les oiseaux élevéset les oiseaux sauvages. Le représentant de l’en-tre prise L’Oie Naudière signalait, lors des au-diences de la Commission : « Aucune autreadministration sur la planète n’adopta des me-sures aussi contraignantes de prévention… »

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 10 191

Alors qu’on fait preuve d’une très grande sévérité àl’égard d’un facteur de risque,celui de la contamination desélevages par des oiseaux migrateurs, on n’accorde passuffisamment d’importance à l’inspection périodique desélevages par un médecin vétérinaire, mesure susceptiblede prévenir des risques plus élevés.

L’Ordre des médecins vétérinaires du Québecsoulignait lors des audiences : « Dans plusieursrégions et pour certaines espèces, les mandatsen médecine préventive sont tout à fait insuffi-sants. Le médecin vétérinaire est moins présent àla ferme et le système agricole s’en trouve fragi-lisé, particulièrement en cas d’éclosion de maladiegrave. »

LA SANTÉ AU CŒUR DES CHOIXALIMENTAIRES

1. La demande des consommateursLa première manifestation d’intérêt des consom-mateurs en faveur des aliments qui contribuentà la saine alimentation touchait la réduction dessubstances qui causent le plus de tort à l’orga-nisme. Les gras trans, le cholestérol, le sel et lessucres furent particulièrement visés, étant donnéleur association évidente avec les problèmescardiovasculaires, le diabète et l’obésité.

Les consommateurs ont également recherchédes aliments qui, de manière naturelle ou pardes procédés de transformation, contiennentdes éléments considérés bénéfiques pour lasanté, comme les antioxydants, les fibres, lesprobiotiques et les oméga-3.

L’industrie agroalimentaire s’est adaptée aux attentes des consommateurs et elle a révisé les denrées alimentairescontenues dans les produitstransformés, notamment àl’égard de la teneur en graisses,en gras saturé, en acides grastrans, en sel et en sucre.

Une enquête menée par la Confédération des in-dustries agroalimentaires dans l’Union européennea révélé qu’une entreprise de ce secteur sur troisavait revu la composition d’au moins 50 % de sesproduits au regard de ces éléments. Au Canada,le gouvernement fédéral a mis sur pied le Fondsde développement de la transformation alimen-taire qui permet notamment aux entreprises decette industrie de bénéficier de subventions pourla réalisation d’études, de tests et d’analyses reliésà la révision des ingrédients de base des produitstransformés.

En plus de diminuer ou d’éliminer des élémentsconsidérés moins désirables, plusieurs entre-prises ont cherché à développer des produitsqui contenaient davantage d’éléments associésà la saine alimentation et à la santé. Une variétégrandissante de produits contient des substancesou des éléments naturels mis en évidence ouajoutés dans le but de contribuer à la santé. Lesaliments fonctionnels et les nutraceutiques sontégalement appelés à connaître des succès deplus en plus marqués.

89. FIRME ISA, CONSEIL EN GESTION ET EN INFORMATION, Sondage portant sur les inquiétudes des consommateurs québécois liés à leur alimentation, 2007.

Les consommateurs éprouvent une sensibilitéde plus en plus vive à l’égard du contenu nutri-tionnel des aliments. En 2004, un grand sondageréalisé au Québec révélait que le consommateureffectuait en moyenne, par année, 2,84 change-ments d’habitude alimentaire reliée à un risquepour la santé. En 2007, la moyenne de ces chan-gements était de 3,44 par personne89. Cela si-gnifie que les consommateurs remplacentdé fi nitivement plus de trois produits alimentairespar des produits de rechange reconnus pourêtre plus profitables à leur santé.

L’entreprise multinationale Danone, bien implantéeau Québec, a illustré en ces termes sa concep-tion de son apport à la santé, dans le mémoireprésenté à la Commission : « Pour Danone, lasanté ne se limite pas à réduire la proportiond’un ingrédient pour obtenir un produit pluséquilibré sur le plan nutritionnel. Nous voulonsproposer des produits dont la vocation est d’ap-porter un bénéfice à l’organisme par exemple,contribuer à la croissance ou améliorer certainesfonctions du corps humain... C’est ce que nousappelons la santé active. »

Il est bien connu que le souci pour la santé s’ac-croît avec l’âge. Divers sondages de la firmeIpsos-Reid, effectués entre 2004 et 2007, mon-trent que les Canadiens de 50 ans et plus sepréoccupent davantage de divers critères dansl’achat de nourriture, comme la fraîcheur, l’aspectnutritionnel, le contenu en sel, en sucres et au-tres glucides ainsi que de l’apport en légumes.Or, en 2016, 40 % de la population québécoiseaura 50 ans et plus.

La préoccupation pour la santé sera, de l’avis deplusieurs observateurs, l’un des principaux vec-teurs de changement et de développement dusecteur agricole et agroalimentaire. Le Québec,sur plusieurs plans, est déjà bien positionnépour tirer profit de cette tendance santé. S’ilpeut difficilement livrer concurrence à certainsproduits de masse qui entrent librement sur nosmarchés, le Québec est en mesure de se démar-quer par une filière de produits agricoles recon-nus pour leur contribution à la saine alimentationet à la santé. La recherche a déjà permis la mo-dification de pratiques de production améliorantcertaines propriétés santé des denrées agri-coles. Le secteur doit prendre appui sur une capacité de recherche et développement et sur des règles de traçabilité et d’innocuité trèsrigoureuses.

2. La contribution attendue dusecteur agroalimentaire à la santéOn ne doit certes pas sous-estimer la responsa-bilité de chaque personne dans ses choix ali-mentaires. L’obésité est aussi une affaireper sonnelle, tout en étant devenue, par l’ampleurdu phénomène, un enjeu de santé publique.Dans le mémoire que l’organisme a déposé à laCommission, la Coalition québécoise sur la pro-blématique du poids apporte l’observation sui-vante extraite d’un document officiel de l’OMS :« Selon l’OMS, une croissance aussi rapide etglobale de l’obésité est difficilement explicablepar des facteurs individuels... Il s’agit d’un vasteproblème de société et de santé publique qui re-quiert des solutions environnementales, socialeset politiques. »

On ne saurait négliger l’influence considérablequ’exerce sur la consommation des alimentstout l’environnement mis en place par le secteuragroalimentaire et l’univers promotionnel qui lesous-tend.

Les entreprises de transformation alimentaire ont une responsabilité particulière à l’égard des enjeux de la santé. Dans la vie trépidante d’aujourd’hui, un nombre grandissant de personnes ont perdu l’habitudede cuisiner. Le recours aux aliments transformés s’est généralisé.

192 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Les Canadiens et les Canadiennes achetaientsept fois plus de préparations alimentaires pré-cuites en 2001 qu’en 1976. Si on ne réduit pas,dans ces produits transformés, la teneur ensucre et en gras, il sera très difficile de freiner laprogression de l’obésité. Il est aussi important deréduire progressivement les portions proposées.

Le secteur de la transformation alimentaire faitpeu appel, semble-t-il, à l’expertise des diété-tistes et des autres professionnels en alimenta-tion et nutrition. De part et d’autre, des effortsde rapprochement s’imposent. La Commissioninvite les universités qui forment ces futurs spé-cialistes à adapter la formation aux besoins desentreprises de transformation. Les profession-nels de l’alimentation devraient, pour leur part,étendre leur offre de service à la transformationalimentaire, dans la perspective du développe-ment ou du renforcement d’une filière de produitsquébécois se démarquant par leurs caractéris-tiques santé.

Les acteurs du secteur agricole et agroalimentairesont d’ailleurs fortement incités à prendre partau plan d’action du gouvernement en faveur dudéveloppement de saines habitudes de vie etd’alimentation. Ils peuvent contribuer à valoriserles aliments santé, notamment par une offre di-versifiée de produits, par l’attrait de la présenta-tion et de la publicité des aliments les plus sainset par une information claire au consommateur.

Il fut également question, lors des audiences, dela disponibilité d’aliments sains à prix abordable,en particulier dans les quartiers défavorisés desgrandes villes. Une étude de la Direction de lasanté publique de Montréal, rendue publique en2006, a révélé que la disponibilité de fruits et lé-gumes était nulle ou très faible sur une distancede marche (soit un rayon de trois kilomètres)pour 40 % des Montréalais. Cette situation in-terpelle le secteur de la distribution.

Au cours des dernières années, certains orga-nismes généralement associés à l’économie so-ciale ont pris des initiatives afin de pallier ceslacunes. La Commission ne peut qu’encouragerla poursuite de cette action communautaire quicontribue à améliorer l’accessibilité des produitsfavorables à une saine alimentation pour les po-pulations des quartiers moins favorisés. Ces or-ganismes devraient être appuyés par lesentreprises de distribution et le MAPAQ.

L’ÉTIQUETAGE DES PRODUITSSur le plan international, il existe une norme-référence volontaire préconisée par la commis-sion du Codex alimentarius, créée en 1963 par laFAO et l’OMS. La Commission canadienne duCodex alimentarius s’en inspire dans l’exécutiondu rôle déterminant qui est sien par rapport à lanormalisation alimentaire, notamment sur le plande l’étiquetage.

La responsabilité de l’étiquetage des produitsrelève de l’Agence canadienne d’inspection desaliments. Au Canada, l’étiquetage du contenunutritionnel est obligatoire pour la majorité desproduits. Le mode de présentation des informa-tions sur le contenu et des allégations nutrition-nelles de même que des allégations santé estuniforme au Canada.

1. Les allégations nutritionnelleset de santéLes allégations nutritionnelles sont des mentionstelles que « sans cholestérol » ou « faible en ca-lories », qui sont facultatives et régies par le gou-vernement fédéral. Ce dernier s’assure que cesmentions sont utilisées de manière cohérente etne sont pas trompeuses. Il faut faire preuve devigilance parce qu’un produit faible en cholesté-rol, par exemple, peut contenir beaucoup desucre. De même, l’allégation « 50 % moins desel » sur un sac de croustilles signifie simplementque le produit contient la moitié moins de selque les autres produits du genre qui, par ailleurs,peuvent avoir une très forte teneur en sel.

Quant aux allégations santé, elles correspondentà des informations qui établissent un lien plusétroit entre le produit et la santé. On trouve, parexemple, des mentions du genre « une saine ali-mentation comportant une grande variété de lé-gumes et de fruits peut aider à réduire le risquede certains types de cancer ». Santé Canada abalisé, en 2003, l’utilisation des allégations santéen exigeant qu’elles reposent sur des donnéesscientifiques reconnues. Le Règlement sur lesaliments et drogues dresse la liste des alléga-tions santé autorisées.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 10 193

La sélection des informations permises peut prê-ter à controverse, comme l’a souligné DanoneCanada lors de sa participation aux audiencesde la Commission : « Il est clair qu’une sainecroissance ne pourra être assurée que si l’Étatpermet, voire impose, une communication trans-parente et responsable des transformateurs enversles consommateurs. Il nous apparaît para doxalque les produits que nous élaborons en nousappuyant sur l’expertise de notre centre de re-cherche Daniel-Carasso, reconnus favorables aumaintien d’une bonne santé, ne puissent se pré-senter en toute transparence alors que le sec-teur des produits dits de santé naturelle (PSN)profite d’une réglementation favorable à la com-munication. »

Les informations sur les allégations nutrition-nelles et de santé demeurent sommaires. Bienqu’elles soient encadrées par le gouvernementfédéral, elles font l’objet de stratégies marketingsubtiles ou agressives qui peuvent détournerl’attention du consommateur de la valeur nutri-tive réelle du produit.

Plusieurs participants et participantes aux audiences de la Commission ont jugé l’information relative au contenunutritionnel et aux allégationssanté incomplète et difficile à interpréter.

L’Ordre professionnel des diététistes du Québecsoutient que « la majorité de la population n’estpas en mesure d’utiliser convenablement toutel’information qui figure sur les étiquettes et em-ballages ». Certains plaident pour l’utilisationd’un simple code de couleurs, vert, jaune ourouge, indiquant respectivement que le produitest hautement, peu ou pas recommandable surle plan de la santé. D’autres, au contraire, exigentune information plus complète sur la présenced’allergènes, d’OGM, d’antibiotiques de mêmeque sur les méthodes de production ou les pro-cédés de fabrication.

Il est difficile de concilier les points de vue deceux qui souhaitent des informations peu nom-breuses et faciles à comprendre et de ceux qui,se réclamant du droit du consommateur à l’in-formation, veulent allonger considérablement laliste des informations accessibles sur les em-ballages ou les produits eux-mêmes.

L’étiquette ne constitue pas le seul moyen d’informer le consommateur. Il y a des limites aux rôles qu’on peut lui associer. L’information doit être à la fois simple à comprendre, uniforme etconstante pour être utile.

La Commission européenne est à revoir la ré-glementation relative à l’étiquetage des produitsalimentaires. Elle débat de la nature et du nom-bre d’éléments nutritifs qui devraient figurer surl’étiquette et s’interroge sur les informations es-sentielles à inscrire sur le devant de l’emballage.Le Canada doit surveiller de près l’évolution dela réglementation européenne en matière d’éti-quetage parce qu’à l’égard des normes relativesà la santé, les Européens agissent souventcomme précurseurs d’une tendance qui s’uni-versalise par la suite.

Le gouvernement du Québec devrait lui aussiprendre action afin de répondre à une partie dela population qui veut en savoir plus sur leschoix alimentaires les plus appropriés sur le plande la santé. Le gouvernement agit déjà à titre departenaire du Centre de référence en nutritionhumaine Extenso, qui est soutenu par des pro-fessionnels de l’alimentation et de la santé, sousl’égide de l’Université de Montréal. Ce centre ex-ploite notamment un site Internet qui fournit del’information à la population et aux médias surla saine alimentation. La Commission encouragele gouvernement à accroître sa participation fi-nancière dans ce centre de référence et à inciterles organismes partenaires à développer, de ma-nière complémentaire, un centre d’appel sur lasaine alimentation. Ces centres d’informationrendraient accessibles des données simples,concrètes et factuelles sur les produits agricoles,provenant idéalement du Québec, qui, selon lessaisons, seraient les plus bénéfiques à la santé.Il faut en effet répondre aux personnes qui veu-lent aller au-delà de l’information sommaire ettechnique présentée sur l’étiquette des produitsalimentaires. Le gouvernement ontarien a crééun tel service téléphonique.

194 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

90. BUREAU DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA, Rapport de la Commissaire à l’environnement et au développement durable, 2003.

91. Ce sondage indique également que, pour 97 % des Canadiens, l’un des objectifs prioritaires de la recherche scientifique devrait êtred’assurer la salubrité des aliments.

Il importe de souligner également l’excellent tra-vail réalisé par PasseportSanté.net, un portail fi-nancé par la Fondation Lucie et André Chagnonauquel participent notamment l’Université deSherbrooke et l’Institut des nutraceutiques etdes aliments fonctionnels de l’Université Laval.Sa mission est d’offrir au grand public des ren-seignements et des solutions pratiques, fiableset accessibles sur la promotion de la santé, laprévention de la maladie et l’utilisation judicieusedes médecines alternatives et complémentaires,en conjonction avec la médecine classique.

L’HOMOLOGATION DES PRODUITSLe gouvernement canadien a la responsabilitéd’homologuer les nouveaux produits (pesticides,hormones, antibiotiques et OGM) et de les autori-ser après s’être assuré qu’ils ne posent aucunrisque pour la santé et l’environnement. Le fabri-cant doit aussi réaliser des essais et des étudesscientifiques qui attestent de la fiabilité du produit.

Dans le cas des pesticides, c’est l’Agence de ré-glementation de la lutte antiparasitaire, relevantde Santé Canada, qui est chargée du processusd’homologation. La Commissaire à l’environne-ment et au développement durable du Canadajugeait sévèrement l’attitude du gouvernementfédéral en matière d’homologation dans un rap-port publié en 2003. Elle écrivait notamment :« Le gouvernement fédéral ne s’assure pas defaçon adéquate que plusieurs pesticides utilisésau Canada respectent les normes actuelles visantà protéger la santé humaine et la qualité de l’en-vironnement. Nous nous inquiétons tout parti-culièrement du recours fréquent et répété auxhomologations temporaires et d’urgence90. »

L’Agence fédérale de réglementation prend égale-ment beaucoup de temps à analyser les nouveauxproduits. La Commissaire à l’envi ronnement et audéveloppement durable notait que cela avaitpour conséquence de « ne pas donner accès,dans des délais raisonnables, à des produitsnouveaux, peut-être moins dangereux (que ceuxqui existent), alors qu’il s’agit d’une question im-portante pour les agriculteurs ».

Lors des audiences de la Commission, le Con -sortium PRISME a déploré lui aussi la lenteur duprocessus canadien d’homologation et a expli-qué ainsi le problème que cela pose à certainsproducteurs agricoles québécois : « La loi nousinterdit d’utiliser certains produits de lutte anti-parasitaire. C’est le cas de quelques produits ré-cents destinés au contrôle des graminéesqu’utilisent nos concurrents américains et aux-quels nous n’avons pas accès. C’est égalementle cas du Neem, dont l’efficacité a été démontréeen lutte biologique et que nous ne pouvons uti-liser même si le produit a été homologué auxÉtats-Unis et dans quelques pays d’Europe. Onse retrouve donc devant une situation paradoxale :le consommateur québécois peut consommerun légume traité aux anti-graminées récents ouau Neem… pourvu qu’il n’ait pas été produit auQuébec. »

L’INSPECTION ET LESCONTRÔLES À LA FRONTIÈRELe Québec et le Canada sont reconnus pouravoir des normes élevées en matière de salu-brité des lieux de production, de distribution etde consommation des produits alimentaires etd’innocuité des aliments. Un sondage de suivisur les enjeux stratégiques effectué pour lecompte d’Agriculture et Agroalimentaire Canadaen août 2007 révélait que 84 % des Canadiensont confiance à la « salubrité des aliments produitsau Canada91».

De nombreux participants aux audiences de laCommission ont dénoncé le fait que l’on puissetrouver dans les centres commerciaux du Qué-bec des produits alimentaires contenant des ré-sidus de produits chimiques interdits au Canadade même que des viandes provenant d’animauxnourris avec des substances qui ne sont pas au-torisées dans les élevages au Canada à causedu danger qu’elles font courir pour la santé. Dansun mémoire conjoint présenté à la Commissionpar les ordres professionnels des médecins vé-térinaires, des chimistes, des agro no mes et desdiététistes, les cas suivants sont déplorés : • « Des produits de bovins, nourris de farines

contenant des matières à risque spécifié, les-quelles seront interdites au Canada à compterdu 12 juillet 2007 dans le but d’éradiquer l’encé -phalopathie spongiforme bovine, sont importésdes États-Unis et distribués aux consomma-teurs québécois;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 10 195

• « Des porcs traités au carbadox, un antimi-crobien utilisé chez le porcelet, interdit d’utili-sation au Canada depuis 2001, sont toujoursimportés des États-Unis;

• « De la protéine de lait continue d’être importéedes États-Unis, malgré qu’elle puisse provenird’une vache traitée avec une hormone decroissance interdite au Canada, la somatotro-pine bovine;

• « Du miel d’origine chinoise dans lequel on peuttrouver des résidus de chloramphénicol, un an-tibiotique dont l’usage est interdit au Canadachez les animaux de consommation, garnit lestablettes des supermarchés de la province;

• « Des produits horticoles proviennent desterres agricoles qui ont été traitées par fumi-gation au bromure de méthyle, un pesticidepuissant officiellement catégorisé par l’ONU en1992 comme substance nuisant à la couched’ozone et dont l’utilisation […], en vertu duProtocole de Montréal, devait être éliminée auplus tard en 2005. »

Ces situations sont totalement inacceptables. Legouvernement fédéral doit exercer un meilleurcontrôle à la frontière des aliments importés, àplus forte raison lorsqu’il possède des informa-tions ou des présomptions sérieuses selon les-quelles ces aliments sont susceptibles decontenir des traces de substances ou d’ingré-dients nocifs. Des inspections plus rigoureuseset plus systématiques s’imposent. Le gouverne-ment fédéral a même le pouvoir de mener desinspections dans les pays exportateurs. Il peutconclure des ententes avec ces derniers en ma-tière de salubrité et d’innocuité. Ces mesuressont parfaitement compatibles avec les règlesdu commerce mondial.

Les importateurs de produits alimentaires por-tent eux aussi une part de responsabilité à cetégard. Selon les prescriptions de l’Agence ca-nadienne de l’inspection des aliments, « l’im-portateur est tenu de s’assurer que les produitsqu’il importe satisfont à toutes les exigences deslois et règlements en vigueur au Canada (lois fé-dérales et provinciales, règlements municipaux).Il doit donc exiger de la part de ses fournisseursétrangers des garanties selon lesquelles les pro-duits importés sont conformes à la réglemen -tation cana dienne en matière de salubrité etd’innocuité ».

Il ne saurait y avoir deux standards à l’égard de l’innocuité des aliments, basés sur la provenance de ceux-ci, les standards canadiens ne s’appliquantqu’aux produits d’ici. Ce serait non seulementinacceptable au regard du respect des consommateurs,mais inéquitable pour les producteurs et les transformateurs québécois qui se conforment à des exigences élevées en cette matière, exigences qui se reflètent dans leur coût de production.

Lors des audiences de la Commission, plusieursparticipants ont exprimé le souhait que le Ca-nada et le Québec puissent instaurer des me-sures de contrôle aux frontières afin d’appliquerdes règles de réciprocité à l’égard des produitsagricoles importés, qui tiendraient compte nonseulement des critères phytosanitaires, maisaussi des normes sociales et éthiques. On sou-haite concrètement pouvoir refuser l’entrée ouimposer des taxes sur des produits agricolesprovenant de pays où les normes environne-mentales semblent trop permissives, où le tra-vail des enfants est toléré, où les conditionssalariales sont manifestement déplorables, etc.Aucun pays ne peut légalement traiter les im-portations sur la base de tels critères : il se ver-rait imposer rapidement de sévères sanctionsinternationales. On a cependant pu observerque la mobilisation des citoyens et des consom-mateurs pouvait modifier les politiques d’achatde certaines grandes chaînes de distribution.Dans certains cas, les grandes entreprises ontcessé de s’approvisionner dans des pays où letravail des enfants était documenté.

196 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

41.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois recommande :

Que le secteur agricole et agroalimentaire situe son développementdans une perspective santé et que la nouvelle politique agricole dugouvernement du Québec soit orientée vers des objectifs de santéet de saine alimentation. À cette fin, que le gouvernement : • encourage le développement de produits québécois différenciés

qui sont certifiés provenir de culture ou d’élevage sans pesticidede synthèse, sans hormone de croissance et sans antibiotique uti-lisé comme facteur de croissance;

• développe des stratégies qui permettent de mobiliser le secteuragricole et agroalimentaire et les chercheurs afin de permettreaux producteurs agricoles de minimiser l’utilisation des pesticidesde synthèse et des hormones de croissance;

• prenne le leadership au sein des forums fédéraux-provinciauxafin que soit interdite au Canada l’utilisation des antibiotiquescomme facteur de croissance;

• incite toute la filière agroalimentaire à compléter la mise en placede mesures de contrôle de la qualité des produits et de gestiondes risques afin de répondre aux plus hauts standards en matièred’innocuité des aliments;

• accélère l’implantation de la traçabilité et incite le gouvernementfédéral et les autres provinces à faire de même;

• soutienne les entreprises de transformation dans leurs efforts derecherche, d’innovation et de commercialisation pour dévelop-per des produits santé;

• invite les ordres professionnels et les associations représentantles diététistes de même que les universités à orienter leur offre deservice et de formation de manière à répondre le plus adéquate-ment possible aux besoins des entreprises de transformation etde les aider à développer et à mettre en marché des produits ali-mentaires différenciés et reconnus pour leur contribution à unesaine alimentation;

• accorde des ressources aux institutions de recherche et des créditsd’impôt aux entreprises privées intéressées afin de favoriser ledéveloppement du créneau des aliments fonctionnels et des nu-traceutiques;

• sollicite la participation active du secteur agricole et agroalimen-taire à la mise en œuvre des stratégies et des plans d’action en fa-veur de l’adoption de saines habitudes de vie et d’alimentation;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 10 197

Recommandation• soutienne et favorise le développement du Centre de référence

en nutrition humaine afin que ce centre étende ses services surInternet et mette en place un centre téléphonique sur les alimentset la santé afin d’offrir une information simple et factuelle, d’unepart, sur les choix alimentaires les plus appropriés sur le plan dela santé, et d’autre part, sur les aliments et l’alimentation;

• presse le gouvernement fédéral :– d’engager des travaux sur la révision du système d’étiquetage

des produits alimentaires afin de fournir aux consommateursune information encore plus simple, claire et pertinente sur lecontenu nutritionnel des produits agricoles et des aliments;

– de renforcer les procédures d’homologation des nouveauxproduits utilisés comme intrants en agriculture et des orga-nismes génétiquement modifiés;

– d’empêcher, par une application plus rigoureuse de l’inspectiondes aliments, l’entrée au Canada d’aliments contenant des ré-sidus de produits interdits d’usage ou de viandes provenantd’animaux nourris avec des substances interdites au Canadaen raison des risques qu’elles présentent pour la santé;

– de s’assurer que les importateurs de produits alimentaires auCanada assument leurs responsabilités à l’égard de l’innocuitédes aliments qu’ils font venir de l’étranger.

198 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

11

La protection du territoire agricole et le développement régional

200 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

De tous les messages qui lui furent adressés surces enjeux, la Commission en retient trois qui luisemblent les plus significatifs et qui ont fait l’objetdes observations les plus insistantes.

• Le territoire agricole est un patrimoine collectifqui continue de subir de fortes pressions, enparticulier dans les zones périurbaines. Il fautdonc maintenir et même renforcer les mesuresde protection afin de préserver un territoireconsacré à une agriculture durable.

• En dehors des zones périurbaines, il est im-pératif de faire évoluer la Loi sur la protectiondu territoire et des activités agricoles (LPTAA)afin de favoriser une diversification des activi-tés associées à l’agriculture, dans la perspec-tive d’une occupation dynamique du territoirerural.

• Compte tenu du caractère multifonctionnel del’agriculture et de l’agroalimentaire, il faut situerleur potentiel de développement dans unexercice élargi et participatif de planificationde l’aménagement et de développement duterritoire.

L’ENCADREMENT LÉGISLATIF La zone qui définit le territoire agricole du Québeccouvre 63 049 kilomètres carrés, soit 3,8 % de lasuperficie totale du Québec. Les sols dits à hautpotentiel, qui se situent dans les catégories 1, 2 et392, ne représentent que 2 % du territoire québé -cois. Les terres arables constituent un patrimoineparticulier qui est soumis, partout dans le monde,à d’incessantes pressions. À mesure que s’ac-croissent l’urbanisation et l’industrialisation, cesont surtout les terres agricoles qui reculent pourfaire place à ces nouvelles occupations. Or, lespertes de territoire agricole sont généralementirréversibles.

C’est pourquoi plusieurs gouvernements adoptentdes lois ou des mesures particulières afin de pro-téger le territoire agricole et de le mettre en valeur.

Au Québec, c’est principalement par l’adoption,en 1978, de la Loi sur la protection du territoireagricole que le gouvernement a voulu freiner, enparticulier dans les zones périurbaines, l’utilisationdes meilleures terres agricoles du Québec à desfins résidentielles, commerciales et industrielles.Cette loi a été révisée en 1996 pour devenir laLPTAA. Sommairement, cette loi vise :

• à définir et à protéger, sur le territoire de presquetoutes les municipalités du Québec, une zoneagricole permanente, appelée familièrement« zone verte », qui constitue le patrimoine agri-cole du Québec permettant d’assurer la péren-nité d’une base territoriale pour la pratique del’agriculture;

• à confier à une commission indépendante lesoin de traiter les demandes, formulées par lesecteur municipal ou un promoteur privé, enfaveur de l’inclusion ou de l’exclusion de por-tions de territoire de la zone verte ou de la réa-lisation d’activités non agricoles dans cettezone;

• à assurer la protection et le développementdes activités et des entreprises agricoles.

La LPTAA doit être administrée en concordanceavec la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme,adoptée en 1979 et amendée à quelques reprisesdepuis. Cette loi confie aux municipalités régio-nales de comté (MRC) et aux communautés métropolitaines de Montréal et de Québec la responsabilité d’élaborer un schéma d’aménage-ment et de développement, un important docu-ment de planification qui établit les lignesdirectrices de l’organisation physique du territoire.Le schéma permet d’intégrer, dans une vision régionale du développement économique, socialet environnemental, les préoccupations et les attentes des municipalités, du gouvernement etde ses mandataires.

Les questions relatives à la protection du territoire agricole et à la vitalité des communautés rurales furent au cœur des préoccupations exprimées par un grand nombre de participants et de participantes aux audiences régionales et nationales de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois.

92. Classification selon l’Inventaire des terres du Canada.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 11 201

Le schéma d’aménagement et de développe-ment, pièce maîtresse par laquelle les élus mu-nicipaux planifient l’occupation du territoire, estnormalement révisé tous les sept ans93. Cetterévision s’opère en respectant les orientationsgouvernementales. En ce qui concerne le terri-toire agricole, ces orientations rappellent aux élusmunicipaux la nécessité, inscrite d’ailleurs dansla loi, de favoriser, dans la zone verte, l’utilisationprioritaire du sol à des fins agricoles ainsi que lacoexistence harmonieuse des activités agricoleset non agricoles. Elles incitent également lesMRC à se doter d’un plan de développement deleur zone agricole.

Manifestement, les MRC n’accordent pas toutesla même importance à l’exercice de « mise à jour »de leur schéma d’aménagement. En juin 2007,seulement 45 des 86 MRC ayant un territoireagricole avaient mis en vigueur un schémad’aménagement et de développement réviséconformément aux orientations gouvernemen-tales. Ces schémas, qui devraient être révisés tousles sept ans, sont en réalité en cours de révisiondepuis 1992-1993, c’est-à-dire depuis quinze ans.

À la fois dans leur conception et dans leur miseen œuvre, les deux lois précitées ont donné lieu àdes divergences d’approche et même à certainsconflits. Les compétences des MRC et descommunautés métropolitaines en matière d’amé -nagement du territoire doivent effectivementtenir compte du fait que, dans la zone agricolepermanente, les activités autres que l’agriculturesont interdites ou restreintes. Il s’agit d’un aligne -ment significatif que les gouvernements suc-cessifs ont justifié au nom de l’intérêt supérieurque représente la protection du territoire et desactivités agricoles, mais qui est perçu par plu-sieurs représentants du monde municipal commeune usurpation de leur pourvoir en matièred’aménagement. Pour la Fédération québécoisedes municipalités, les orientations gouverne-mentales équivalent « à un véritable droit de vetodiscrétionnaire sur les décisions prises par lesélus locaux quant à l’aménagement du territoirede leur communauté, ce qui peut s’apparenter àun régime de tutelle de la part du gouvernement ».

Le Québec agricole vit donc, depuis plus de 25 ans, sous unrégime législatif visant, d’une part,la protection du territoire et, d’autrepart, l’aménagement de ce territoire.

Succinctement, on peut en dégager les constatssuivants94:• la superficie des zones agricoles permanentes

s’est relativement stabilisée depuis 1992;

• au sein de la zone verte, une superficie totalede 6 512 hectares a malgré tout été affectée àd’autres usages que l’agriculture, entre 2001et 2006; environ 40 % de cette superficie a étéemployée par des services d’utilité publiqueou a servi pour des infrastructures liées àl’énergie, au transport et aux communications;

• dans les zones périurbaines, le territoire agricolecontinue néanmoins de subir des pressions,notamment pour des utilisations résidentielles (laCommission de protection du territoire agricoledu Québec [CPTAQ] reçoit près de 3000 deman-des par année, dont près de la moitié concernedes projets d’usage résidentiel);

• les décisions de la CPTAQ peuvent être portéesen appel, d’abord au Tribunal administratif duQuébec, puis à la Cour supérieure, ce quicontribue à alourdir et à judiciariser le dispositifde gestion du territoire agricole. Pour certainsobservateurs, cela peut même conduire à uncertain détournement des objectifs poursuivispar la loi adoptée en vue de protéger le terri-toire agricole;

• dans l’ensemble du Québec, seulement 53 % duterritoire agricole est occupé par des entre -prises agricoles actives. Si ce pourcentage estplus élevé dans certaines régions (comme enMontérégie, où il atteint 74 %), il est d’à peine30 % dans certaines régions périphériques;

• la gestion actuelle de la LPTAA rend difficilel’émergence de nouvelles formes d’agriculturerequérant de plus petites superficies, les règlesd’application de la CPTAQ privilégiant nette-ment un mode plus traditionnel de productionfaisant appel à de grandes superficies;

• près de la moitié des schémas d’aménage-ment et de développement des MRC ayant unterritoire agricole n’ont pas encore été révisés,quinze ans après leur adoption initiale.

93. La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme stipule qu’au terme d’une période de cinq ans, les MRC et les communautés métropolitainesdoivent entreprendre la révision de leur schéma d’aménagement et de développement, opération qui devrait s’échelonner sur deux ans.C’est pourquoi on parle ici d’une révision effective de ces schémas tous les sept ans.

94. On trouvera davantage de détails dans le rapport de la firme Forget Aubin, produit à la demande de la Commission et intitulé L’éva-luation des régimes de protection du territoire et des activités agricoles et d’aménagement du territoire, juillet 2007.

202 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

LA PROTECTION DU TERRITOIREAGRICOLE EN ZONE PÉRIURBAINE

1. Le territoire agricole et l’étalement urbainL’expansion sans cesse plus grande des villes estun phénomène généralisé. Au Québec, la pro pen-sion à s’établir en périphérie des villes a donné lieuà un très haut niveau d’étalement urbain, pour unepopulation de sept millions d’habi tants. Au-jourd’hui, même si les coûts éco no miques et en-vironnementaux de l’étalement urbain sont biendocumentés et même si les Québécois endossentdans une forte proportion les objectifs du proto-cole de Kyoto sur les gaz à effet de serre, l’attrac-tion de la campagne comme lieu de résidence desurbains ne s’est pas atténuée. Or, ce sont le terri-toire agricole et les terrains immédiatement adja-cents à la production agricole qui sont touchéspar ces velléités d’extension du périmètre urbain.

Cette convoitise peut bouleverser l’équilibre so-cioéconomique dans le milieu agricole. En premierlieu, le lotissement d’une terre agricole en parcellesde terrains résidentiels provoque une hausse duprix au mètre carré qui est sans commune mesureavec la valeur commerciale de la terre destinéeà la production agricole. En deuxième lieu, lesagriculteurs, déjà minoritaires en milieu rural, de-viennent complètement marginalisés par l’arrivéede ces citadins. En somme, si la loi de l’offre et dela demande ou celle des poids démographi quesrespectifs devait s’appliquer à ces tentatives d’éta -lement, l’agriculture ne résisterait pas longtemps.

Le développement de l’industrie et des centrescommerciaux à la périphérie des villes emprunteune dynamique comparable. Ce phénomène estamplifié par le régime fiscal des municipalités quirepose largement sur la taxe foncière. L’un desrares moyens d’accroître les recettes fiscales estd’attirer chez soi de nouveaux contribuables, lescommerces et les industries étant généralementles plus profitables de ce point de vue. Commeles recettes fiscales ne sont pas partagées entreles municipalités d’une même région, sauf pourles coûts de quelques services communs, la trèsgrande majorité des municipalités bataille pourattirer chez elle ces immeubles qui sont dessources de taxes foncières, même si l’aménage-ment optimal du territoire régional pourrait êtremieux servi si le projet était réalisé dans la loca-lité voisine. Dans un tel contexte, la loi relative à

la protection du territoire agricole vise précisé-ment à éviter que ce mode traditionnel de déve-loppement n’élimine une certaine proportion del’agriculture du territoire du Québec.

Ces enjeux se posent avec une acuité toute parti -culière à proximité des grandes villes. MonsieurClaude Marois, professeur titulaire au Départe-ment de géographie de l’Université de Montréal,a bien résumé de nombreuses préoccupationsexprimées lors des audiences de la Commissionen rappelant que les pressions urbaines sonttoujours présentes et que la protection desterres agricoles « est plus que jamais nécessairepour la survie et la promotion de l’agriculture pé-riurbaine et la conservation du patrimoine bâti etpaysager ». Ce constat est repris par le Caucusdes municipalités de la métropole95 pour qui « larévision des périmètres urbains par divers empiè -tements dans la zone agricole permanenteconstitue une préoccupation majeure sur le ter-ritoire au plan de l’organisation spatiale ».

Il faut réaliser l’ampleur du gaspillage que repré-sente l’expansion du périmètre des villes, petiteset grandes, vers la zone agricole.

La revendication visant à établir sa propriété ré-sidentielle dans les meilleures terres du Québec,sous prétexte qu’il n’y a plus de territoire à bâtirdans la municipalité, est une conception dépas-sée. On ne peut pas se réclamer, d’une part, dudévelop pement durable et poursuivre, d’autrepart, un tel mode d’occupation du territoire.

Il est important de souligner que les commu-nautés métropolitaines et la presque totalité desmunicipalités et des MRC reconnaissent main-tenant la nécessité de resserrer leur périmètreurbain et de le densifier. Notons également que37 % de la superficie totale des municipalités ru-rales ceinturant les villes des communautés métropolitaines de Montréal et de Québec n’apas de vocation agricole ou forestière; ces es-paces peuvent donc être destinés à d’autresusages. La Communauté métropolitaine deMontréal, par exemple, a clairement reconnu,dans le projet de schéma d’aménagement et dedéveloppement qu’elle a soumis à l’approbation dugouvernement, que l’actuel périmètre d’urba ni -sation était suffisant pour répondre aux besoinsde développement au cours des vingt prochainesannées, compte tenu des espaces disponiblesen zone non agricole.

95. Comprend 63 municipalités situées sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 11 203

2. Le territoire agricole, patrimoine collectifLa Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois tient à exposer troisconsidérations majeures à l’égard du territoireagricole des zones périurbaines où sont situéesles meilleures terres arables du Québec : • le territoire agricole est un bien collectif et il

doit être protégé, dans l’intérêt de l’ensembledes Québécois et des Québécoises;

• les décisions relatives à l’inclusion et à l’exclu-sion de parcelles de terrain de la zone agricolepermanente doivent continuer d’être prises parun organisme administratif neutre, placé àl’abri des pressions des promoteurs et de laconjoncture politique ou économique;

• les objectifs poursuivis par la Loi sur la pro-tection du territoire et des activités agricoles etles principes inscrits dans cette loi conserventtoute leur pertinence.

La population du Québec n’augmente que faible -ment et diminuera même dans un avenir prévisi-ble; il est plus que jamais raisonnable d’imposerdes limites à l’expansion des villes. Cela est im-pératif, non seulement pour la protection du ter-ritoire agricole, mais aussi pour limiter les coûtsconnus ou cachés de l’étalement urbain.

Mais aussi longtemps qu’ils pourront espérerune décision favorable au dézonage, en épui-sant l’arsenal des procédures, les promoteursn’auront de cesse qu’ils n’aient obtenu le terri-toire agricole qui représente à leurs yeux le milieu idéal pour implanter des immeubles résidentiels et commerciaux.

Or, l’actuel mode de traitement des demandesd’autorisation d’exclure une parcelle de terrainde la zone verte, effectué au cas par cas devantla CPTAQ, instaure une dynamique où les es-poirs sont permis à ceux qui ont la patience d’at-tendre et les moyens d’engager des procédures.Et c’est ainsi que les intérêts privés peuvent in-sidieusement prévaloir à la longue sur les inté-rêts collectifs de préservation du patrimoineagricole québécois. Monsieur Bernard Ouimet,qui a assumé pendant dix ans la présidence dela CPTAQ, soulignait lors des audiences natio-nales de la Commission que cette manière deprocéder est, « d’un point de vue pratique, unprocessus long, coûteux et bien peu efficacepour régler un problème souvent assez simpled’implantation résidentielle. Par comparaisonavec le traitement d’une demande à portée col-lective, [le traitement au cas par cas entraîne]

une judiciarisation du processus décisionnel[qui] apparaît plutôt archaïque ».

Il est donc impératif de mettre fin au traitementau cas par cas des demandes d’inclusion etd’exclusion de terrains de la zone verte présentéespar une municipalité, une MRC ou une commu-nauté métropolitaine.

Cela étant dit, la zone agricole permanente n’estpas immuable et ses limites actuelles ne sontpas parfaites. Elles peuvent aussi évoluer dansle temps. Il faut donc maintenir un mécanismed’analyse des demandes d’inclusion et d’exclusionde certains territoires de cette zone.

La Commission estime de la plus haute importanceque les demandes d’exclusion ou d’inclusiond’un lot de la zone agricole soient traitées globalement, dans le cadre de la révision desschémas d’aménagement et de développementdes MRC et des communautés métropolitaines.Cela s’impose avec une acuité particulière pourle territoire agricole des zones périurbaines. Lesdemandes d’exclusion de parcelles de terrain dela zone verte ne devraient être traitées que dansce cadre.

Il s’agit de la seule procédure qui permet d’avoirune vision d’ensemble de l’utilisation du territoiredes municipalités concernées et de situer l’espacede la zone verte dans son environnement global.C’est aussi la façon de procéder qui respecte lemieux les responsabilités municipales en matièred’aménagement du territoire. Cette voie évitera letraitement au cas par cas des multiples demandesd’exclusion, soumises par des municipalités,des MRC ou une communauté métropolitaine àl’appui de projets de développement dont lesplus fréquents sont de nature résidentielle. Enfin,la présentation des requêtes à la CPTAQ parl’instance municipale compétente, sous forme dedemande appropriée à une telle approche col-lective, représente incon testablement la procé-dure qui offre la meilleure garantie d’uneprotection à long terme du territoire agricole.Dans les régions métropolitaines, c’est leschéma de la communauté métropolitaine (etnon celui de chacune des MRC membres decette communauté) qui préciserait les grandesaffectations du territoire, dont celles relatives à lazone verte, afin d’analyser les demandes d’utili-sation de la zone agricole avec une vision del’aménagement du territoire qui soit la plus largepossible. Concrètement, une municipalité ou uneMRC membre d’une communauté métropolitainedevrait, avant de présenter une requête d’inclu-sion ou d’exclusion à la CPTAQ, s’assurer de la

42.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québé coisrecommande :

Que le territoire agricole du Québec soit traité comme un patrimoine collectif faisant l’objetde mesures exceptionnelles de protection afin d’assurer la pérennité des activités agricolesexercées, dans une optique de développement durable. À cette fin :• Que les questions relatives à l’exclusion ou l’inclusion de parcelles de terrain de la zone

agricole permanente continuent d’être traitées par la Commission de protection du territoireagricole du Québec, organisme administratif indépendant;

• Que la ministre des Affaires municipales et des Régions précise aux communautés métro-politaines et aux MRC qu’elles doivent respecter la date butoir du 31 décembre 2009comme échéance ultime du dépôt de leur schéma d’aménagement et de développementrévisé, et que le gouvernement approuve ces schémas, au plus tard le 30 mai 2010;

• Qu’à compter du 1er juin 2010, toute demande d’inclusion ou d’exclusion d’une portion duterritoire de la zone agricole permanente, soumise par une communauté métropolitaine,par une MRC ou par une municipalité, soit traitée par la Commission de protection du ter-ritoire agricole du Québec dans la foulée de la révision du schéma d’aménagement et dedéveloppement et que la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles soitamendée en ce sens;

• Qu’à compter du 1er juin 2010, la Commission de protection du territoire agricole du Québecn’accueille plus de demandes individuelles d’exclusion de parcelles de terrain de la zoneagricole permanente à des fins résidentielles.

concordance de sa demande avec le plan d’amé-nagement et de développement de cette commu -nauté métropolitaine. Le même raisonnements’applique à la démarche d’une municipalité au-près de la CPTAQ: le projet de modification dezonage qu’elle envisage doit respecter les orien-tations du plan d’amé nagement et de dévelop-pement de sa MRC.

Quelques MRC sont venues témoigner à laCommission de la pertinence de cette procédure.C’est notamment le cas de la MRC de la Mata-pédia qui a signalé que « cette approche montrequ’il est possible de confier des responsabilitéssupplémentaires aux MRC, sans qu’elles ne dé-rogent aux objectifs de la loi ». Cette MRC donneraison sur ce point à l’UPA qui valorise en cestermes cette approche globale : « La reconnais-sance de l’agriculture dans le schéma d’aména-gement comme composante à part entière del’ensemble régional ou métropolitain permettraitainsi de passer à une logique de développementet de mise en valeur de ces espaces plutôt quede demeurer dans une logique d’attente et despéculation. »

Les demandes individuelles, à la pièce, ne pour-raient plus être présentées à la CPTAQ96. Lesseules exceptions à cette règle de traitementcollectif concerneraient l’avènement d’un projetéconomique particulièrement structurant, par

exemple l’agrandissement d’une entrepriseadossée aux limites de la zone agricole oul’aménagement d’une infrastructure publiqued’importance, exceptions qui continueraient defaire l’objet d’une demande et d’une analyseponctuelle par la CPTAQ.

La Commission insiste sur le caractère public duterritoire agricole. Les demandes d’utilisation dece territoire à d’autres fins que l’agriculture et lesactivités qui y sont associées doivent donc êtresoumises à un organisme placé à l’abri des pres-sions et des aléas de diverses natures. Aucungroupe organisé ne devrait être en position d’im-poser ses vues à la CPTAQ ou de la contourneren empruntant la voie des procédures judiciaires.Dans le processus de traitement d’ensemble desdemandes des instances municipales, la CPTAQprocéderait aux consultations qu’elle juge utiles,mais elle conserverait toute la latitude requisepour rendre ses décisions. Elle ne devrait pasnon plus être assujettie, comme c’est le cas pré-sentement, dans certaines situations, à l’obliga-tion d’obtenir un avis favorable de l’Union desproducteurs agricoles (UPA). Nous reviendronssur ce point.

204 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

96. Il est important de préciser que nous traitons ici des de-mandes de modifications aux limites du territoire de la zone verte.Nous étudierons, au point suivant, des activités autorisées au seinde la zone verte elle-même.

LE TERRITOIRE AGRICOLE ET LAREVITALISATION DES MILIEUXRURAUX

Autant il importe de consolideret même de raffermir les mécanismes de protection duterritoire agricole dans les zonespériurbaines afin de pouvoircontrer les effets de l’étalementurbain, autant il est essentield’assouplir certaines règlesd’application de cette loi àl’égard des activités permisesdans la zone agricole dans lescommunautés rurales situées en dehors des grands pôles urbains.

L’occupation dynamique du territoire rural duQuébec commande en effet une approche re-nouvelée des activités agricoles et de ses activitéscomplémentaires qui seraient non seulementpermises, mais encouragées sur le territoireagricole et à proximité de celui-ci.

1. Des fermes de toutes taillesLa Loi sur la protection du territoire et des acti-vités agricoles a été mise en place dans le butde protéger les terres arables contre la spécula-tion foncière. Cette loi a été adoptée avec la vision de ce qui était alors considéré comme unétablissement agricole rentable. On ne s’étonnedonc pas qu’elle ait donné préséance à desfermes de moyenne et de grande taille, et que lelégislateur ait placé des obstacles au morcelle-ment des terres.

Mais le fait qu’à peine la moitié de la zone vertesoit occupée par des installations agricoles enactivité, et que cette situation n’ait guère changéau cours des quinze dernières années, estsymptomatique de la sous-utilisation du potentielagricole. On a ici la démonstration que l’optiondes moyennes et des grandes fermes ne se tra-duit pas par une occupation suffisante du terri-toire agricole. Ce choix trop exclusif, couplé à ladifficulté de transférer les fermes à la relève,conduit à terme à une diminution de la populationagricole. Ce mode de développement ne répondpas non plus aux impératifs de diversification quidevraient caractériser une agriculture plurielle.

Chaque fois qu’à cause d’un problème de relève,une ferme est achetée par l’agriculteur voisin, onréduit la population active de cette communautérurale. Sans empêcher ces transactions, il faut,dans une perspective d’occupation du territoirequébécois, prendre option en faveur de la préser -vation d’un nombre optimal de fermes. Le témoi-gnage devant la Commission de la municipalitéde Saint-Marcel-de-Richelieu est révélateur à cet égard. Dans cette localité, bien que la taillemoyenne des fermes soit supérieure à lamoyenne québécoise, on enregistre le plus basindice de développement économique de laMRC. Même dans les meilleures terres arablesdu Québec, un certain modèle de développe-ment agricole peut donc conduire à la dévitali-sation d’une communauté rurale. Le Mouvementdes caisses Desjardins reconnaît que « la con -centration de plus en plus grande de la produc-tion agricole se fait au détriment de certainesrégions qui se trouvent progressivement dévita-lisées ». Le secteur agricole et agroalimentaire ne peut pas à lui seul infléchir la tendance au dépeuplement de plusieurs régions et localitésrurales, mais il peut et il doit faire partie des solutions qui contribuent à freiner l’accélérationdu phénomène observée depuis quelques décennies.

Plusieurs participants aux audiences ont déploréle manque de flexibilité de la « réglementation »sur la protection du territoire agricole qui empêcheou rend très difficile le démarrage d’une petiteferme, même lorsque le promoteur a manifeste-ment les compétences professionnelles pourgérer une telle installation et que le projet, malgrésa faible taille, paraît viable. On doit reconnaîtreque certaines productions maraîchères, biolo-giques ou en émergence ne nécessitent pas degrandes superficies; elles n’en sont pas moinsimportantes ou rentables.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 11 205

206 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Et puis, il doit être possible, en agriculture, comme cela estcourant dans d’autres domaines,de « commencer petit » et de croître progressive ment, plutôt que de débuter avec une installation déjà à maturité.

En considérant le prix des quotas laitiers, le prixd’une ferme de 50 vaches (la moyenne québé-coise) s’établit à plus de deux millions de dol-lars. À moins de bénéficier d’un héritage familial,combien de personnes peuvent aujourd’hui dé-marrer une entreprise d’une telle taille? LeForum jeunesse Estrie a rappelé que « de nom-breux jeunes souhaitent s’établir en milieu ruraldans des entreprises de plus petite taille, œu-vrant dans des créneaux spécialisés ». La Com-mission a reçu plusieurs autres témoignagesconfirmant les difficultés auxquelles les jeunesde la relève, les ouvriers agricoles et les produc-teurs doivent faire face lorsqu’ils veulent instal-ler une résidence à l’emplacement de leur projetd’entreprise agricole, en raison des critèresd’évaluation utilisés par la CPTAQ.

Dans la même perspective, des projets combinantla production et la transformation de produits ali-mentaires, des projets destinés à approvisionnerun marché régional ou axés sur une niche trèsspécialisée, des écoles équestres, des tableschampêtres, des lieux d’hébergement à la ferme,etc., sont autant d’initiatives qui sortent des sen-tiers battus et qui font appel à une utilisation dif-férente et complémentaire du territoire agricole.

Enfin, il faut accueillir les projets viables présen-tés par des promoteurs qui ne peuvent pas oune souhaitent pas se consacrer à l’activité agri-cole à plein temps. Ces personnes apportentune contribution concrète au développement dela communauté. Dans un contexte où plus de60 % des revenus des ménages agricoles pro-viennent de l’extérieur de la ferme (notammentparce que les conjoints d’agriculteurs travaillentde plus en plus à l’extérieur), il apparaît quelquepeu abusif d’exiger des nouveaux agriculteursqu’ils ne vivent que des produits de l’entrepriseagricole.

La diversification de l’économie et l’occupationdynamique du territoire passent en bonne partiepar l’encouragement et le soutien à ces nom-breuses initiatives difficiles à réaliser dans lecontexte actuel. On comprend que la CPTAQaccueille avec prudence les demandes formuléespar les porteurs de projets d’une agriculture diffé -rente qui, généralement, n’a pas fait ses preuveset dont la réalisation nécessite parfois un certainmorcellement d’une terre agricole existante. Dèslors que la décision d’autoriser l’installation d’unerésidence pour ce nouvel agriculteur est prise etqu’on lui a reconnu une superficie agricole ex-ploitable, il est difficile de revenir en arrière. Il y acependant moyen de gérer ces risques en ana-lysant rigoureusement les plans d’affaires. Lesprojets soumis doivent notamment présenter deréelles perspectives de viabilité et être portés pardes promoteurs qui ont une formation adéquatepour les réaliser.

Dans une optique de multifonctionnalité del’agriculture, il faut aussi tenir compte des activitéscomplémentaires de la production agricole, no-tamment de celles qui concourent à la protectionde la biodiversité et de certains milieux phy-siques sensibles, à une meilleure préservationde l’environnement et à la mise en valeur despaysages ou du patrimoine rural. À cet égard, ilfaut saluer le partenariat entre l’UPA et la Fon-dation de la faune du Québec en faveur de laprotection de certains écosystèmes aquatiques.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 11 207

2. L’agriculture, outil de développement rural Dans plusieurs pays développés, le territoire de-vient la référence à partir de laquelle sont conçuset mis en œuvre les principaux outils d’interventiondes gouvernements. Les politiques économiques,y compris celles applicables au secteur agroali-mentaire, sont de plus en plus modulées afin detenir compte des caractéristiques du milieu, despotentialités du développement et des contrain -tes auxquelles il est soumis, ainsi que des écartsde niveau de vie entre les régions. La tendanceà la décentralisation des pouvoirs en matière dedéveloppement local et régional est également entrain de s’affirmer. Enfin, la préoccupation relativeà l’occupation du territoire influe sur la politiqueéconomique de certains pays.

Au Québec, nous devons composer avec le fait que même en milieu rural, les personnes actives dans le secteur agroalimentaire ne représentent que 6,4 % de lapopulation. De toute évidence,elles ne peuvent à elles seules assurer la viabilité desmunicipalités rurales, même sileur activité constitue souventl’assise du développement économique local.

Il est donc essentiel, dans une vision territorialedu développement, de favoriser le démarrage deprojets économiques complémentaires. Ces ac-tivités ne peuvent pas toujours être menées endehors de la zone agricole permanente. Solidaritérurale du Québec rappelle que « le territoire ruralest multifonctionnel. L’équilibre de ces différentesfonctions est fondamental pour un développementharmonieux. La segmentation du milieu rural parla prédominance excessive d’une fonction dansun territoire donné rend celui-ci vulnérable surles plans économique et environnemental… Unetelle spécialisation exces sive du territoire exerceune pression sur les ressources et amplifie lestensions d’usage ».

Tout en accordant une nette préséance à la production agricole dans la zone verte, il fautrendre possible la réalisation de projets issus notamment de l’agrotourisme et des activités quipeuvent y être associées. On doit aussi utiliserde manière nettement plus optimale que nousl’avons fait jusqu’ici le potentiel que représentel’agroforesterie.

De plus, il est essentiel d’accroître dans les ré-gions les activités de transformation des produitsalimentaires. Cette grande industrie a tendance às’implanter à proximité des principaux marchésde consommation; aujourd’hui, a souligné Soli-darité rurale du Québec, près de 80 % du PIBquébécois de la transformation alimentaire estassuré par la région métropolitaine de Montréal.Bien sûr, il ne saurait être question de freiner ledynamisme de cette région dans le secteuragroalimentaire, mais il y a lieu d’encourageraussi des entreprises à transformer les produitsalimentaires à proximité des lieux de productionlocale et régionale. Le Mouvement des caissesDesjardins partage ce point de vue : « Il est clairque l’occupation adéquate du territoire agricolepasse par la diversification des activités agri-coles, incluant les activités de transformation àl’échelle locale qui favoriseront l’établissement dela relève en région et la présence de “marchés deproximité ”. La tendance actuelle, qui consiste àcentraliser la transformation et la distribution desaliments dans les grands centres, se fait au dé-triment des régions… ».

Par souci de transparence et pour simplifier letravail des gens intéressés à la meilleure utilisa-tion du territoire agricole, la CPTAQ devrait,comme le fait d’ailleurs la Commission de pro-tection du territoire agricole en Colombie-Britannique, établir et publier une liste d’activitésagricoles moins traditionnelles et de type com-plé mentaire qui seraient admissibles dans lazone verte et qui ne feraient plus l’objet d’unedemande d’autorisation auprès de la CPTAQ.Cette liste d’activités, établie dans une optiqued’occupation dynamique du territoire, devraitêtre approuvée par le gouvernement et prendre laforme d’un règlement liant la CPTAQ et les ins-tances municipales. Bien entendu, la mise enœuvre de ces dispositions devrait éviter le morcel-lement des terres provoqué par des projets agri-coles qui cachent en réalité des intentions dedéveloppement résidentiel.

208 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

43.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agri-culture et de l’agroalimentaire québé cois recommande :

Que le territoire agricole serve d’assise au développementrural, dans une perspective de multifonctionnalité del’agriculture et d’occupation dynamique du territoire. Àcette fin :• Que la Commission de protection du territoire agri-

cole du Québec établisse une liste d’activités admis-sibles à certaines conditions dans la zone verte, et qui nenécessiteraient plus son approbation préalable. Cetteliste pourrait notamment comprendre l’installation decertains types de fermes sur de petites superficies.Que cette liste soit approuvée par le gouvernement etfasse l’objet d’un règlement liant la Commission et lesinstances municipales;

• Qu’en plus, à l’égard des projets qui ne paraissent passur la liste d’activités établie par la Commission deprotection du territoire agricole du Québec, cette der-nière révise ses règles d’application afin que soientégalement autorisées dans la zone agricole perma-nente des activités de production agricole et de trans-formation qui utilisent une faible superficie de terre,qui requièrent des installations de plus petite taille, quicombinent des activités agricoles et des activités com-plémentaires ou dont les promoteurs ne souhaitent passe consacrer à plein temps à l’agriculture, étant en-tendu que ces projets doivent être viables et gérés pardes personnes ayant les compétences requises pourles mener à terme.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 11 209

UNE GESTION INTÉGRÉE ET PARTICIPATIVE DU DÉVELOPPEMENT RURAL

1. Une gestion locale de l’aménagement Le gouvernement du Québec a choisi de confieraux élus municipaux, regroupés au sein desMRC et des communautés métropolitaines, laresponsabilité de planifier l’aménagement et ledéveloppement du territoire. Le gouvernement nes’est pas désintéressé pour autant de ces enjeux,parce que par-delà la nécessité de ramener lepouvoir de décision le plus près possible des citoyens, certains impératifs nationaux demeu-rent et nécessitent, à tout le moins, d’être parta-gés entre les instances municipales et l’État.C’est notamment le cas des grandes orienta-tions en matière de développement économiqueou sectoriel comme l’énergie, la forêt, le trans-port interrégional, l’environnement, etc., et, bienentendu, la protection du territoire agricole et ledéveloppement de l’agriculture. Sur ces ques-tions, le gouvernement adresse aux élus muni-cipaux responsables de la révision des schémasd’aménagement et de développement desorientations ou des lignes directrices dont ilsdoivent tenir compte.

L’élaboration et la révision de ces schémas sontdes exercices démocratiques et participatifsconduits à l’échelle locale ou régionale. Ellesdonnent lieu à de nombreux échanges entre lesélus et les acteurs de la société civile. Les agri-culteurs et leurs associations représentativesprennent une part active à ces échanges et s’in-té ressent particulièrement aux questions relativesau territoire et aux activités agricoles.

C’est à cette échelle que les enjeux locaux dudéveloppement de l’agriculture doivent être dis-cutés, dans la perspective du développementdurable de la région et des localités rurales etd’une utilisation optimale des ressources du terri-toire. C’est d’abord là que l’on devrait convenir dela meilleure utilisation de l’ensemble du territoire,en fonction des caractéristiques physiques desdivers milieux, de l’usage optimal du territoire àdes fins industrielles, commerciales et résiden-tielles, des possibilités qu’offre la zone agricolepermanente, de l’orientation à privilégier pour lesecteur touristique, des aires à protéger pour ré-pon dre aux impératifs de la biodiversité ou d’autrespréoccupations environnementales ou patrimo-niales, etc. Bref, c’est à ce niveau que se plani-fient l’aménagement et le développement duterritoire. Les MRC, rappelons-le, sont par ailleursincitées par le gouvernement à élaborer leur pro-pre plan de développement de la zone agricole permanente.

Afin de maximiser les retombées de l’exerciceprospectif et démocratique que constitue la ré-vision du schéma d’aménagement, les étapessuivantes devraient être suivies : • les autorités municipales compétentes délimi-

teraient d’abord, sur l’ensemble du territoire,les zones propices aux différents usages. Auregard de la zone verte, le territoire conserveraitsa vocation agricole, mais il serait possible d’ydélimiter des espaces en vue de certaines ins-tallations, dans la mesure où cette affectationserait compatible avec la pérennité des activitésagricoles. L’actuelle procédure de révision desschémas d’aménagement et de développementprévoit d’ailleurs ces démarches;

• la MRC ou la Communauté métropolitaineprésenterait à la CPTAQ, dans la lignée de cettevision d’ensemble, ses demandes globalesd’exclusion ou d’inclusion des parties deterritoire dans la zone agricole permanente;

• le schéma révisé serait alors soumis à l’appro-bation de la ministre des Affaires municipaleset des Régions, selon la procédure qui a coursprésentement;

• enfin, cette vision serait soumise à la CPTAQ.

La CPTAQ devrait être habilitée par la suite à dé-léguer, à certaines conditions, aux MRC et auxcommunautés métropolitaines la responsabilitéd’appliquer les dispo sitions relatives aux activitésagricoles et complé mentaires autorisées dans lazone verte, sur la base d’un plan de développe-ment de la zone agricole approuvé par elle. Onne voit pas pourquoi l’ajout d’un service d’héber -gement ou d’une table champêtre à un établis-sement déjà situé en zone verte doive recevoir àla pièce l’approbation de la CPTAQ.

Afin de favoriser la gestion participative en matièrede planification du développement rural, il y a aussilieu d’éviter dans toute la mesure du possible dessituations où un statut privilégié serait accordé àun groupe donné. C’est le cas présentement duprocessus de traitement des demandes soumisesà la CPTAQ par les MRC ou les communautésmétropolitaines dans le cadre de l’article 59 de laLPTAA. Selon les dispositions actuelles, ces de-mandes de nature collective qui concernent lapossibilité d’établir des résidences dans la zoneverte doivent avoir été approuvées par « l’asso-ciation agricole accréditée », c’est-à-dire l’UPA,ce qui, en pratique, confère un droit de veto à cetorganisme. Les agriculteurs de la région doiventcertes être consultés par l’entremise de leur orga-nisation et leur point de vue doit être pris encompte. D’ailleurs, à l’égard des autres demandesde modification de la zone agricole, l’UPA estconsultée, mais il n’est pas obligatoire que la« CPTAQ reçoive l’avis favorable de l’associationsyndicale agricole accréditée » avant de statuersur la requête.

Ce genre de statut est toujours considéré commeun irritant par les instances démocratiques.Dans la mesure où l’on souhaite systématiser letraitement collectif des demandes d’exclusionde la zone verte, l’exercice d’un droit de veto estinutile et même contraire à la dynamique qu’il estsouhaitable d’instaurer. Rappelons que ces de-mandes sont adressées à la CPTAQ, dont lamission principale consiste à protéger le territoireagricole. L’élimination de ce statut particulier seraitsans doute susceptible d’améliorer les rapportsentre les agriculteurs et les autres acteurs de lasociété civile, ce qui serait loin de porter préjudiceaux premiers.

L’approche globale préconisée ici présented’évidents avantages :• elle situe la zone agricole permanente dans la

dynamique du territoire rural et permet auxinstances locales de mettre en œuvre une visionmultifonctionnelle du territoire;

• elle favorise la participation des citoyens auxenjeux du développement local et à la satis-fac tion des besoins propres du secteur agricoleet agroalimentaire;

• elle établit les règles du jeu, généralement,pour une durée minimale de sept ans, c’est-à-dire jusqu’à la prochaine étape de révision duschéma d’aménagement et de développement,et met donc les producteurs agricoles à l’abrides demandes ponctuelles répétées d’exclusionde parcelles du territoire agricole pour atteindred’autres fins que celles de l’agriculture;

• elle permet une gestion harmonieuse et com-plémentaire des compétences respectives desinstances municipales en matière d’aménage-ment et des responsabilités de la Commissionde protection du territoire agricole;

• elle encourage aussi la prise en charge du dé-veloppement de l’agriculture par les autoritéslocales et régionales.

210 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 11 211

2. La cohabitation des activités agricoles et non agricoles En 2001, la Loi sur l’aménagement et l’urbanismea été amendée afin d’autoriser les MRC à élaborerun règlement dit de contrôle intérimaire afin defavoriser « la cohabitation harmonieuse des usagesagricoles et non agricoles en zone agricole ». Cerèglement doit être conforme aux orientationsgouvernementales en la matière.

Un recensement effectué en avril 2007 fait res-sortir que 80 MRC se sont dotées d’un tel règle-ment qui prévoit, selon les MRC, des distancesséparatrices entre un établissement agricole etson voisin, un zonage de la production agricoleet le contingentement de la production porcine.

Cette activité réglementaire des MRC est direc-tement liée aux réactions des citoyens à l’ac-croissement de la production porcine danscertaines régions. Les problèmes de pollution etla forte charge d’odeur associés aux grandesinstallations porcines sont à l’origine des débats,souvent orageux, qui ont marqué l’évolution dela filière porcine au cours des dernières années.Plusieurs représentants des organisations agri-coles ont témoigné devant la Commission destensions générées par ces règlements. La Fédé-ration de l’UPA du Saguenay–Lac-Saint-Jean,notamment, a reconnu qu’ils ont « apporté leurlot de confrontations et de conflits d’usage dansla zone agricole ».

La Commission a reçu plusieurs mémoires trai-tant de cette question. Les positions sont géné-ralement tranchées. Bon nombre de participantset de participantes conviennent cependant de lanécessité de solutionner ces problèmes bienréels de cohabitation par un dialogue serein etrespectueux.

La question de l’acceptabilité sociale d’une ac-ti vité économique fait partie des impératifs dudéveloppement durable. Autant les agriculteurspeuvent légitimement produire du porc lorsqueles conditions agroenvironnementales le permet-tent, autant ils doivent collaborer ouvertement àdes solutions qui rendent cette activité compatibleavec la vie sociale et économique de leur milieu.Par ailleurs, les autres résidents doivent convenirque leur lieu de résidence est la campagne et quel’agriculture, qui a ses caractéristiques propres, yconstitue une activité prioritaire. La solidarité

souhaitée des Québécois et des Québécoisesenvers les agriculteurs passe nécessairement parces efforts de rapprochement. Le dialogue estreconnu, tant par plusieurs organismes agricolesque par les instances municipales, comme laseule voie conduisant à une cohabitation har-monieuse.

C’est ainsi que la Fédération de l’UPA de laMauricie souligne : « Nous avons fait le choix,dans notre région, avec les MRC et les villesavec qui nous discutons, d’avoir des rapportsgagnants-gagnants. Cela porte fruit car nousn’avons pas ici de règlements abusifs et restric-tifs pour le monde agricole. Une communicationdirecte évite de nombreux conflits. » Selon le CLDde Montcalm, « le bon fonctionnement du comitéconsultatif agricole est un gage de succès pourune cohabitation harmonieuse dans la MRC etpourrait servir de modèle à d’autres MRC ».

La Commission reconnaît d’emblée que c’est ef-fec tivement par le dialogue que les incompréhen -sions des uns et des autres peuvent s’es tomperet que des solutions adéquates peuvent être trou-vées à l’échelle locale ou régionale. Pour favo -riser ce dialogue, il y a lieu toutefois de modifier laprocédure ou les dispositions législatives selonlesquelles le ministère du Déve loppement dura-ble, de l’Envi ronnement et des Parcs (MDDEP)délivre le certificat d’autorisation d’un projetd’installation porcine avant la tenue de la consul-tation de la MRC sur ce projet. Cette façon deprocéder a pour effet de discréditer large ment la consultation et de susciter des rapports d’oppo sition entre les citoyens et les produc-teurs agricoles. Cette disposition apparaît inutilement provocatrice, même si elle a étéadoptée pour des raisons purement techniquesde concordance juridique.

Il y a donc lieu de prévoir une procédure allégéed’évaluation des principaux impacts environne-mentaux. Seraient mis à contribution, dans ceprocessus, des représentants du MDDEP, du mi-nistère de l’Agriculture, des pêcheries et de l’Ali-mentation du Québec et de la MRC concernée,chargés notam ment de consulter la populationsur des projets réalisés en milieu agricole quisoulèvent des enjeux environnementaux ou decohabitation. Le MDDEP tiendrait compte de cestravaux avant d’émettre, le cas échéant, le cer-tificat d’autorisation au promoteur.

212 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

44.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois recommande :

Que le développement du territoire rural soit planifié selon unmode de gestion favorisant la participation des citoyens à l’échellelocale ou régionale et dans une optique d’occupation dynamiquedu territoire et, en conséquence : • Que les MRC et les communautés métropolitaines, dans la foulée de

la révision de leur schéma d’aménagement et de développement,se dotent d’un plan de développement de la zone agricole per-manente et qu’elles soumettent à la Commission de protection duterritoire agricole du Québec leur vision de l’utilisation de lazone verte;

• Que la Commission de protection du territoire agricole du Québecsoit autorisée, à la suite d’un amendement à la loi, à déléguer auxcommunautés métropolitaines et aux MRC qui auront complétéla révision de leur schéma d’aménagement et de développement etadopté un plan de développement de leur zone agricole perma-nente, l’application des dispositions relatives aux activités auto-risées par règlement dans la zone agricole permanente;

• Que dans le traitement des demandes collectives présentées à laCommission de protection du territoire agricole du Québec par uneMRC ou une communauté métropolitaine, l’Union des producteursagricoles transmette à la Commission un avis qui doit être pris encompte, mais que la décision de la Commission ne soit pas subor-donnée à un avis favorable de l’Union des producteurs agricoles;

• Que les débats relatifs à la cohabitation des activités agricoles etnon agricoles se tiennent aux niveaux local et régional et que lesrèglements de contrôle intérimaire conformes aux orientationsgouvernementales soient l’aboutissement d’une recherche deconsensus avec les organisations agricoles du milieu;

• Que le gouvernement instaure une procédure allégée d’évaluationdes impacts environnementaux pour les projets se réalisant enmilieu agricole qui soulèvent des enjeux relatifs à la protectionde l’environnement ou à la cohabitation et que le certificat d’au-torisation du projet ne soit pas délivré avant que ces travauxd’évaluation soient complétés.

L’utilisation de l’agriculture à d’autres fins que l’alimentation

12

Jusqu’ici, l’agriculture a exercé une fonction essentiellement alimentaire. On a défriché et cultivé la terre pour nourrir le monde. L’agriculture a aussi été mise à contribution pour fournir des biens d’abord utiles au mode de vieagraire puis destinés à un usage plus généralisé : fibres de lin, coton, laine,cuir, etc. De même, certaines plantes ont été cueillies puis cultivées à des fins médicinales.

97. Selon le Worldwatch Institute, les trois quarts de l’augmentation mondiale de la demande mondiale en pétrole sont associés au transportroutier. Le parc automobile sera multiplié par quatre entre 2000 et 2030 dans les pays autres que ceux de l’OCDE.

Les progrès de la science ont fait surgir d’autrespotentiels.

Le recours à l’agriculture pour produire des substancespharmacologiques et des médicaments est déjà amorcé et plusieurs y voient un brillantavenir. Cependant, ce sont surtout les enjeux associés àl’énergie qui orientent depuisquelques années les usages del’agriculture à d’autres fins quel’alimentation.

Dans son témoignage à la Commission, M. GaétanLussier, président de l’Institut canadien de re-cherche sur les politiques agroalimentaires, asouligné : « C’est impossible d’ignorer l’énergie.La production mondiale diminue et la demandeva augmenter de 50 % d’ici 2020. L’industrieagroalimentaire est un grand consommateurd’énergie, mais elle peut être aussi une sourcealternative. […] De nouvelles technologies utili-sant la cellulose à meilleur coût viendront aucours des prochaines années contribuer effica-cement à la production de biomasse tout en re-donnant une nouvelle vitalité au milieu rural endéclin dans plusieurs régions […]. »

L’épuisement prévisible des réserves tradition-nelles de pétrole incite les gouvernements et lesindustries à chercher des combustibles de re-change. Et comme le temps semble compter,cette recherche atteint une très grande intensité.La rareté relative du pétrole ne freine cependantpas la demande de carburants à l’échelle mondiale.Nous ne sommes pas prêts à changer fonda -mentalement nos comportements. Au con traire,une augmentation substantielle de la demande encarburant est prévue pour les prochaines années,augmentation résultant notamment de la fortecroissance du parc automobile mondial, surtoutdans les pays en émergence97. La préoccupationrelative aux gaz à effet de serre et à leur impactsur les changements climatiques accroissentl’intérêt pour des combustibles qui dégagentmoins de gaz carbonique. Enfin, le souci de cer-tains pays de réduire leur dépendance à l’égarddes sources étrangères d’approvisionnement encarburant et en énergie les incite à produire desbiocarburants chez eux. Cet enjeu exerce uneinfluence déterminante sur la politique énergé-tique des États-Unis. À ce jour, le principal bio-carburant a été l’éthanol produit à partir de latransformation du sucre des plantes.

214 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

98. Selon l’OCDE.

99. Les données contenues dans ce tableau sont tirées de : D. BALLERINI, Les biocarburants, État des lieux, perspectives et enjeux du dé-veloppement; CEPAF, La production de biocarburants dans les milieux ruraux du Québec; F. FORGE, Les biocarburants, politique énergé-tique, environnementale ou agricole?; G. LEMME, Implications of Emerging Technology on the Ethanol Industry; ORGANISATION DE COOPÉRATION

ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES, La croissance de la demande de biocarburants alimente la hausse des prix agricoles, indique le rapportconjoint de l’OCDE et de la FAO; H, SUMMA, EU Biofuels Policy and Effects on Production, Consumption and Land Use for Energy Crops;P. WESTCOTT, Ethanol Expansion in the United States, How will the agricultural sector adjust?.

Tableau 28

PRODUCTION DE BIOCARBURANTS PAR LES PRINCIPAUX PAYS PRODUCTEURS, 2005, 2006 ou 2007

Pays Année Matière première Type Volume produit Volume prévu

Brésil 2007 Canne à sucre Éthanol 21 G litres

Canada 2007 Blé, maïs Éthanol 840 M litres 2010 : 3,1 G litres

États-Unis 2006 Maïs Éthanol 19 G litres 2009 : 39 G litres

Europe 2005 Oléagineux Biodiesel 3,2 G litres 2016 : 6,7 G litres

Céréales Éthanol 730 M litres

Québec 2007 Gras animal et huiles recyclées Biodiesel 35 M litres

Maïs Éthanol 120 M litres

Source : RICHARD, François, 200799.

L’ÉTHANOL DANS LE MONDE

1. La productionLe Brésil fut l’un des pionniers de la productionindustrielle d’éthanol. Au Brésil, la canne à sucreest cultivée sur de grandes surfaces depuis prèsde 25 ans, pour la production à la fois de sucre etd’éthanol. Plus de 21 milliards de litres d’éthanolsont produits chaque année; ce volume devraitdoubler d’ici 201698. En Chine, la productiond’éthanol, principalement à base de maïs, atteintdéjà 2 milliards de litres par année et devrait êtreportée à 3,8 milliards de litres en 2016.

En Europe, la production d’éthanol n’est que de730 millions de litres pour l’ensemble des paysde l’Union européenne, la priorité étant accordéeau biodiesel (3,2 milliards de litres). Le Canada,pour sa part, devrait produire 840 millions de litresd’éthanol en 2007, pour atteindre 2,74 milliardsde litres en 2010. Le blé et le maïs en sont lesprincipaux intrants. Au Québec, une seule dis-tillerie d’éthanol, celle de l’entreprise GreenfieldÉthanol de Varennes, est en exploitation depuisfévrier 2007. Sa capacité de production est de120 millions de litres par année.

C’est aux États-Unis que l’on prévoit la plusforte croissance de la production d’éthanol aucours des prochaines années. En 2006, la pro-duction à partir de la matière première qu’est lemaïs-grain était déjà de 19 milliards de litres, encroissance de près de 20 % par rapport à l’annéeantérieure. On estime qu’à ce rythme, les États-Unis produiront 39 milliards de litres d’éthanolen 2009 et plus de 45 milliards de litres en 2015.

Même si des superficies considérables de maïssont mises en culture afin de produire de l’éthanol,cette filière ne constitue qu’une première phasedu développement de l’industrie des biocarburants.Des perspectives nettement plus intéressantesse présentent en utilisant la cellulose des ma-tières ligneuses pour produire de l’éthanol. Lestechniques ne sont pas encore parfaitement aupoint, mais d’intenses activités de recherche sonten cours dans plusieurs pays, particulièrementaux États-Unis et en Europe.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 12 215

2. Les mesures incitatives liées à la production

Si la production d’éthanol dans certains pays connaît des taux très élevés de croissance, c’est en partie àcause de l’augmentation du prix du pétrole qui rend pluscompétitifs les biocarburants et les technologies de production de combustibles de rechange. Mais l’engouementpour les biocarburants est surtout stimulé par les politiquesénergétiques de certains pays et par les mesures d’incitation financière, de nature budgétaireet fiscale, offertes par les gouvernements. Il s’agit d’une production largement subventionnée.

Au Brésil, le carburant utilisé pour les véhiculesmoteurs contient jusqu’à 85 % d’éthanol. Unepartie du parc automobile a même été convertiafin de pouvoir rouler uniquement à l’éthanol. Untel recours à ce produit dans la consommationcourante de carburant représente en soi un puis-sant stimulant pour la production d’éthanol. Lespays européens ont adopté des politiques ayantpour effet de porter le taux de biocarburantsdans l’essence, et surtout dans le diesel, de 2 %en 2005 à 5,75 % en 2010 et à 10 % en 2020.Parmi les autres mesures incitatives qu’ils ontmises en place, notons des réductions de taxessur les biocarburants, des subventions pour lescultures de plantes énergétiques, de l’aide finan -cière aux usines de production de biocarburantset le développement de véhicules poly valents(munis de moteurs pouvant utiliser de l’essenceou du diesel dont le niveau d’éthanol est supérieurà 10 %).

Le Canada a élaboré une stratégie sur les bio-carburants renouvelables qui encourage ouver-tement le recours à ces produits. Les mesuresles plus significatives adoptées dans la foulée decette stratégie sont : une réglementation impo-sant la présence d’au moins 5 % d’éthanol dansl’essence d’ici 2010, des remises de taxes de0,10 $ le litre applicables aux carburants renou-velables et des investissements importants pourencourager la production « écoagricole », l’ac-croissement de la capacité de recherche, l’accé-lération de la commercialisation des nouveauxproduits et le recrutement de nouveaux conseillerstechniques et financiers. Pour sa part, le gou-vernement du Québec a adopté un plan d’actionpour lutter contre les changements climatiques,plan qui prévoit une concentration de 5 %d’éthanol dans l’essence en 2012. La stratégieénergétique du gouvernement favorise entre au-tres la mise en valeur des nouvelles technologiesénergétiques et la biomasse forestière.

Les États-Unis mobilisent des ressources finan-cières considérables pour appuyer le développe-ment des biocarburants. La politique éner gétiquefédérale de 2005 a pour objectif clair de réduirela dépendance du pays à l’égard du pétrole im-porté. Le gouvernement déploie de grandsmoyens pour stimuler la production de biocar-burants. La politique énergétique vise à fairepasser de 3,5 % à 15 % le taux d’éthanol dansl’essence entre 2006 et 2017. En plus du formi-dable effet de levier que constitue cet objectifnational, le gouvernement fédéral américain aadopté des mesures incitatives telles que dessubventions de 5,5 à 7,7 milliards de dollars parannée, l’exemption de taxes d’accise sur les bio-carburants et des programmes de développe-ment de la production.

En janvier 2007, on comptait 110 usines d’éthanolen exploitation aux États-Unis et des douzainesd’autres installations sont en chantier ou à l’étatde projet. En 2006, 14 % du maïs cultivé auxÉtats-Unis servait à produire de l’éthanol. En2017, ce biocarburant monopolisera 31 % de larécolte de maïs du pays.

216 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

LE DÉVELOPPEMENT DES AUTRES BIOCARBURANTS ET BIOPRODUITS Le biodiesel est l’autre biocarburant important.Il est surtout produit en Europe (3,18 milliards delitres en 2005) à partir du colza et, dans unemoindre mesure, d’huile de soja et de palme importée. Les biogaz, issus de la fermentationde matières organiques végétales ou animales(fumier, déchets, plantes énergétiques), offrentaussi un intéressant potentiel de croissance. Cesgaz servent notamment à produire de la chaleurqui est principalement convertie en électricité.L’Allemagne est le plus important producteur debiogaz avec 3000 digesteurs de matière orga-nique. On en compte environ 200 aux États-Uniset une dizaine au Canada.

Quant aux bioproduits, on en dénombre 1055 auCanada. Ceux qui offrent le plus de potentielsont les biomatériaux servant aux emballages,qui présentent l’avantage d’être biodégradables,les produits biochimiques, les produits fabriquésà partir de plantes à fibres (chanvre notamment)et les biocapteurs. Toute une industrie est envoie de se structurer autour du développementet de la commercialisation de cette nouvelle gé-nération de matériaux. Le Québec occupe prèsde 30 % du marché canadien des bioproduits;72 entreprises s’y sont engagées. La matièrepremière utilisée est issue de la biomasse agricole,forestière et marine.

LES ENJEUX ENTOURANT LES BIOCARBURANTS

1. Les avantages Les biocarburants présentent un avantage éco-nomique pour l’agriculture. Dans le milieu rural,notamment, de nouvelles activités sont généréesen production agricole de même qu’en transfor-mation et distribution des biocarburants. Ces re-tombées sont d’autant plus fortes que l’onremplace du pétrole importé par des biocarbu-rants produits localement. Aux États-Unis, onestime que l’industrie de l’éthanol a engendrédes revenus de 41,1 milliards de dollars en 2006et procuré plus de 160 000 emplois. L’Union eu-ro péenne estime que pour chaque point depourcentage de remplacement du pétrole pardes biocarburants, il y a création de 45 000 à75 000 emplois, dont 50 % en agriculture.

À court terme du moins, les agriculteurs, surtoutles producteurs de céréales, semblent être lespremiers gagnants de ce nouveau marché desproduits agricoles. Le prix du maïs est passé de101 $ la tonne en 2004-2005 à un prix qui de-vrait se situer entre 140 $ et 160 $ la tonne en2007. En raison de l’utilisation d’une part crois-sante de la production de maïs par les usinesd’éthanol, le département américain de l’agri-culture (l’USDA) estime que le prix du maïs-graindevrait se stabiliser, pour la période 2009 à 2017,à 3,75 $ le boisseau, soit 0,50 $ de plus que leprix le plus haut des cinq dernières années100.

L’autre avantage tient à la valorisation de la bio-masse. Ce potentiel est considérable, surtout siles biocarburants sont fabriqués à partir de sous-produits de l’agriculture ou de la foresterie et derésidus provenant d’abattoirs, de restaurants oumême de matières résiduelles des municipalités.Solidarité rurale du Québec considère que « laproduction de la biomasse peut constituer uneoccasion de valorisation des rebuts issus del’agriculture et des déjections animales, et parce truchement, procurer des débouchés sup-plémentaires à l’agriculture ».

Enfin, le grand intérêt des biocarburants tient àleur contribution ultérieure à la réduction des gazà effet de serre. Selon Ressources naturelles Ca-nada, suivant la matière première utilisée pour leproduire, le biodiesel pur émettrait entre 64 % et92 % moins de gaz à effet de serre (GES) que lecarburant fossile. Par contre, l’éthanol E-10 pro-duit à partir de maïs ne réduirait que de 3 à 4 %les émissions de GES.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 12 217

100. USDA, World Agricultural Outlook, mai 2007.

101. P. J. CRUTZEN et autres, « N2O release from agro-biofuel production negates global warming reduction by replacing fossil fuels », At-mospheric Chemistry and Physics Discussions, juillet 2007.

102. USDA, World Agricultural Outlook, mai 2007.

103. D. BALLERINI, Les biocarburants. État des lieux, perspectives et enjeux du développement, Paris, 2006.

2. Le bilan environnemental eténergétique réel En tenant compte du pétrole et des engrais uti-lisés pour produire du maïs destiné à la fabrica-tion d’éthanol et des quantités de nitrates libéréspar ces engrais, le bilan global des biocarbu-rants à base de maïs sur les gaz à effet de serreserait très mitigé, voire négatif. Des chercheursaméricains101 en sont même arrivés à la conclu-sion que l’éthanol produit aux États-Unis avecdu maïs-grain émet entre 0,9 et 1,5 fois plus degaz à effet de serre que l’essence. Citant d’au-tres études, Greenpeace a jugé sévèrement, lorsdes audiences de la Commission, le choix de lafilière éthanol-maïs : « Le bilan énergétique etéconomique de l’éthanol est désastreux. Enquantifiant les impacts écologiques tout au longde son cycle de vie, les études concluent quel’éthanol peut entraîner des conséquencescontraires aux résultats escomptés sur l’envi-ronnement. »

De plus, la hausse des prix induite par le boomde l’éthanol incite bon nombre d’agriculteurs àintensifier la culture du maïs et même à limiter larotation des cultures102. Certaines superficiesutilisées jusqu’ici pour le pâturage sont conver-ties en champs de maïs. Ces choix, associés àun usage généralisé d’engrais minéraux, commec’est le cas pour la culture intensive du maïs,sont de nature à aggraver certains dérèglementsenvironnementaux.

La controverse soulevée àl’égard du gain réel, sur les plansénergétique et environnemental,du recours au maïs pour produire de l’éthanol va vraisemblablement se poursuivrepour un certain temps. Sur ces deux plans, il sembleassez clair que cette filière neprésente pas un grand intérêt,l’utilisation de la cellulose paraissant plus prometteuse.

3. La concurrence entre l’alimentation et l’énergie Dans un contexte où plusieurs pays industrialisésont dû, au cours des dernières décennies, faireappliquer des mesures coercitives pour éviter lessurplus de production, les perspectives de nou-veaux débouchés pour certains produits agri-coles furent plutôt bien accueillies. Toutefois, lacroissance soudaine de la culture du maïs depuisquelques années, motivée par l’appétit éner gé-tique, est de nature à semer des inquiétudes.

Aux États-Unis, par exemple, les superficies deculture de maïs ont augmenté de 5 millionsd’hectares en 2007 (+15 %) par rapport à l’année précédente. L’USDA estime que cettecroissance s’est faite en partie au détriment dela culture du soya, dont les superficies mises enculture ont été réduites de 3,3 millions d’hectaresdurant la même année. Les céréales destinées àdes produits énergétiques supplantent aussi leblé, les oléagineux et le coton, provoquant unerareté relative, ce qui fait monter les prix. AuxÉtats-Unis, entre 50 % et 60 % du maïs cultivéa traditionnellement servi à nourrir le bétail. Ledépartement américain de l’agriculture prévoitque ce niveau passera de 40 à 50 % durant laprochaine décennie.

L’Union européenne estime que pour atteindrel’objectif qu’elle s’est fixé de remplacer 5,75 %des combustibles fossiles par les biocarburants,objectif fixé pour 2010, il faudra affecter 18 %de la superficie agricole totale à la production decéréales et de plantes ligneuses destinées àcette énergie verte. Aux États-Unis et en Europe,la substitution des biocarburants (éthanol et bio-diesel) à 10 % du pétrole entraînera des pro-blèmes de disponibilité des terres agricoles. Si lespays se fixent des objectifs plus ambitieux, lesrisques d’une réelle concurrence entre la missionalimentaire de l’agriculture et la productiond’énergie vont s’accroître considérablement103.

218 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

4. L’effet dominoL’OCDE est catégorique : « [N]’importe queltransfert de terre de la production de nourriturevers la production de biomasse énergétique in-fluencera à la hausse les prix des denrées alimen-taires. » Selon l’OCDE et la FAO, la productiond’éthanol à partir de maïs est l’une des causesde la baisse des stocks de céréales et de l’aug-mentation des prix en 2006. La demande pourles biocarburants entraîne une mutation radicaledes marchés agricoles, aux États-Unis et dansplusieurs pays, qui induit une hausse des coursmondiaux d’un bon nombre de produits. L’USDAprévoit que les prix du maïs, du soya et du blédemeureront élevés jusqu’en 2009-2010, qu’ilsfléchiront légèrement par la suite pour s’établirà des niveaux tout de même élevés jusqu’en2016-2017. Puisque la demande en maïs à desfins de production d’éthanol ne risque pas defléchir dans un avenir prévisible, compte tenudes objectifs énergétiques des États-Unis et dunombre d’usines d’éthanol en exploitation et enchantier, les prix ne devraient pas avoir tendanceà baisser.

La hausse du prix des céréales se répercute évi-demment sur les coûts de production du porc, dubœuf et du poulet. Cet impact pourrait cepen dantêtre atténué par l’utilisation, dans l’alimen tationdes ruminants, d’une partie des tourteaux (résidusde graines, de fruits oléagineux dont on a extraitl’huile) et des drêches (résidus d’orge), qui sontdes sous-produits des distilleries d’éthanol.

La nouvelle dynamique énergétique des États-Unis va aussi se faire sentir sur les marchésd’exportation. Historiquement, ce pays était res-ponsable de 60 à 70 % des exportations mon-diales de maïs. Ce taux devrait varier entre 55 %et 60 % à brève échéance, selon le départementaméricain de l’agriculture.

Ce qui est remarquable, c’est la rapidité avec la-quelle ces effets dominos se produisent. Deuxans à peine après que le gouvernement desÉtats-Unis eut lancé un vaste plan de productiond’éthanol, les effets structurants de ces orienta-tions se font sentir dans plusieurs régions dumonde. Même si la filière de l’éthanol ne repré-sente probablement pas le meilleur choix, lesconséquences des décisions qui ont été prisesces dernières années sont considérables et ellesvont affecter durablement l’agriculture. Lesusines de production d’éthanol ne sont pas surle point de fermer. Les retombées économiquesassociées, d’une part, à la production de céréales pour alimenter ces distilleries et cellesdécoulant, d’autre part, des opérations mêmesde ces usines dans les zones rurales de plusieurs pays sont majeures. Ce système, toutimparfait qu’il soit, continuera d’influer sur l’agri-culture et le développement rural pendant bonnombre d’années.

Le prix nord-américain de plusieurs céréales est déterminé à la Bourse de Chicago. Les effets des politiques énergétiques des États-Unis ont donc des conséquences immédiatement perceptibles au Québec. L’agriculture québécoise devra tenir comptedu contexte singulier qui préside au développement de la filière éthanol sur le continent.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 12 219

104. Le procédé utilise non seulement le grain, mais toute la matière ligneuse de la plante.

5. Les biocarburants de deuxièmegénérationDe nombreux spécialistes considèrent qu’àcompter de 2015, les biocarburants proviendrontde plus en plus de procédés de transformationde la cellulose des matières ligneuses plutôt quede l’exploitation des réserves énergétiques descéréales. Des sommes considérables sont ac-tuellement investies dans la recherche et le dé-veloppement technologique permettant deproduire de l’éthanol cellulosique. Par exemple,l’université du Wisconsin mène divers pro-grammes de recherche totalisant 125 millions dedollars, programmes largement axés sur la cel-lulose.

Les matières premières servant à produire de l’éthanolcellulosique peuvent être nettement plus diversifiées :bois, copeaux, résidus forestiers, paille, résidus agricoles, panic érigé, rafles de maïs ou plantes dédiéescomme le saule, etc. Les rendements en éthanol promettent d’être beaucoup plus élevés et les conflits potentiels d’usage entre l’alimentation et l’énergie ne se posent pas, du moins pas avec la même acuité.

Une première usine commerciale de productiond’éthanol cellulosique, à partir des rafles de maïs,sera implantée à Emmetsburg, dans l’Iowa. Elledevrait produire 472 millions de litres d’éthanolpar année. La technologie utilisée permet deproduire 27 % plus d’éthanol par unité de sur-face en culture104, tout en réduisant, en usine, laconsommation d’eau de 24 % et en éliminantpresque complètement l’utilisation de combus-tible fossile.

Une autre usine pilote est en exploitation à Ottawa. Elle utilise de la paille de céréales (blé,avoine, orge) et peut transformer 40 tonnes dematière première par jour et produire 3 millionsde litres d’éthanol par année. Au Québec, la pre-mière usine pilote de production d’éthanol cellu-losique devrait amorcer ses activités en 2008. Lacompagnie Enerkem mène présentement desessais afin de valoriser la biomasse forestière etagricole de même que des matières résiduelleset des résidus de plastique. Le procédé en expé -rimentation dégage du gaz utilisé par la suitepour produire de l’éthanol.

On expérimente également plusieurs types debiocombustibles à partir de résidus de meunerieou d’autres résidus végétaux ou forestiers ou depanic érigé. Par ailleurs, l’entreprise Maple Leafexploite à Ville Sainte-Catherine, au Québec, uneunité de production de biodiesel (35 millions delitres en 2006) à partir de sous-produits animauxet d’huile de cuisson usagée. Enfin, la Fédéra-tion des producteurs de bovins du Québec élabore un projet d’utilisation des carcassesd’animaux pour produire du biodiesel, ce qui résoudrait un important problème environne-mental.

Comme on l’a vu au chapitre portant sur l’envi-ronnement, il serait hautement pertinent de pro-duire des biogaz à partir de déjections animaleset d’autres déchets agricoles et domestiques.

220 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

LES CHOIX DU SECTEUR AGROALIMENTAIRE ET DE LA SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISEQuatre grands repères doivent baliser le cheminqu’emprunteront le secteur agroalimentaire et lasociété québécoise, au regard de l’utilisation del’agriculture à d’autres fins que l’alimentation.

L’engagement dans la production de biocarburants et autres bioproduits devraitprendre appui sur :• un éclairage scientifique

fourni par des équipes de recherche;

• la diversité des activités agricoles et la multifonctionnalité de l’agriculture;

• le développement régional et la revitalisation des communautés rurales;

• les principes du développement durable.

1. La rechercheLes bioproduits sont des applications pratiques,l’aboutissement de travaux de recherche. Lascience permet de mettre au point des techno-logies qui transforment la biomasse agricole etforestière en multiples produits servant à diversesfins, tout en diversifiant les matières premièresutilisées. La recherche permet aussi d’ap profon-dir les enjeux scientifiques, environnementaux,économiques et sociaux du développement desbiocarburants et autres bioproduits.

Le gouvernement du Québec a accordé des crédits à la recherche sur l’éthanol cellulosique. Il s’agit d’un bonchoix qui devrait se transformeren priorité de recherche.Compte tenu des ressourcesdont il dispose, le gouvernementne peut disperser ses énergiesen matière de recherche : il doit les orienter vers les créneaux qui semblent les plus porteurs.

Pour être vraiment productifs et utiles au secteuragroalimentaire et au Québec, les axes priori-taires de recherche devront être définis en fonc-tion des spécificités du Québec. Par exemple, laprovince dispose d’une énorme biomasse fores-tière non valorisée, formée notamment de résidusforestiers, d’arbres et d’arbustes non exploi tés.De plus, la complémentarité des fonctions ali-mentaires et d’autres rôles utilitaires de l’agri-culture ouvrent la voie au développement debiocarburants et bioproduits; la recherche doitappuyer cette utilisation optimale du potentielagricole. Enfin, elle doit élargir les connaissancesqui permettent aux citoyens de comprendre lesenjeux de ces développements.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 12 221

222 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

2. La diversité des activités agricoles et la multifonctionnalitéde l’agriculture Moins de la moitié du territoire agricole est ré-servé à la production agricole. Il faut chercheractivement à stimuler le développement del’agriculture, notamment par la diversificationdes produits et des modes de production et detransformation. L’utilisation de matières agri-coles pour en faire des biocarburants et d’autresbioproduits représente une occasion addition-nelle de diversifier les activités agricoles etl’usage du territoire agricole.

Pour La Coop fédérée, la production de biensénergétiques « offre un potentiel de diversifica-tion et de valorisation important, voire essentiel,pour l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimen-taire du Québec. Elle représente également unélément de solution pour améliorer la sécuritéénergétique du Québec ». La Coop fédérée sou-ligne qu’il faut cependant « baliser chacun dessentiers qui s’offrent à nous ».

Certaines espèces ligneuses à croissance rapide pourraienten outre être cultivées sur desterres moins propices à l’agriculture et servir de matièrepremière pour la production de biocarburants. De même, il serait avantageux de produiredes biocarburants avec certaines plantes employéesdans les bandes riveraines pourla protection des cours d’eau.

Une telle utilisation favoriserait sans doutel’aménagement de bandes plus larges et plusétendues, ce qui pourrait constituer un gain en-vironnemental net pour la société et une sourceadditionnelle de revenus pour les producteursagricoles. Certaines matières résiduelles desmunicipalités, combinées à des résidus agricoleset forestiers, pourraient également être conver-ties en énergie ou en produits réutilisables.

Par ailleurs, la production future d’électricité àpartir des biogaz représente une utilisation com-plémentaire du territoire agricole. Le caractèremultifonctionnel de l’agriculture permet pleinementun tel usage dans la mesure où cette productionrespecte l’environnement et est socia lementacceptable.

Sans opter pour une filière spécifique, l’Institutde recherche et de développement en agroenvi-ronnement (IRDA) s’est exprimé ainsi lors desaudiences : « Des efforts devraient être consacrésau développement des projets de production debioénergie utilisant d’abord les résidus de cultureou les rejets animaux (déjections ou carcasses).[…] La transformation de la cellulose en biocar-burant devrait être considérée en complément àl’utilisation du maïs-grain. Cela stimulerait le dé-veloppement de nouvelles cultures à fort rende-ment en biomasse, comme le chanvre ou certainesvivaces : panic érigé, graminées fourragères,saules à croissance rapide, etc. Le soya et le ca-nola pourraient également servir à la productionde biodiesel. »

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 12 223

3. Le développement régional etla revitalisation des communautésrurales Les exemples venant des États-Unis et de l’Europetendent à démontrer que la production de bio-carburants peut être génératrice de richesse etd’emplois pour les régions et les communautésrurales. Il y a certes des conditions à poser à cetype de développement, mais le potentiel desbiocarburants est indéniable. Ce potentiel estd’ailleurs susceptible de prendre tout son senslorsqu’il est analysé au regard des impératifs dudéveloppement des communautés rurales dontles perspectives de diversification économiquesont souvent réduites.

Par exemple, la production de biogaz pourraitbien convenir à certaines communautés rurales.Ainsi, plusieurs acteurs locaux pourraient seconcerter en vue du développement d’une filièrelocale de l’énergie communautaire : groupes deproducteurs agricoles, entreprises forestières,municipalités, MRC, coopératives d’exploitationou entrepreneurs privés. Plusieurs pays d’Europeont adopté cette solution pour le développementdes énergies vertes. On peut aussi envisager desprojets soutenus par des investisseurs privés quiprennent entente avec les fournisseurs locauxde matières premières.

4. Les principes du développement durableLe choix des filières et des types de développe-ment des biocarburants et des bioproduits doitrespecter les principes du développement dura-ble. C’est ainsi que les options retenues doiventêtre rentables, c’est-à-dire qu’elles doiventcontribuer à accroître et à diversifier le revenudes agriculteurs, à procurer des retombées posi tives pour les communautés, sans faire encourir des frais trop lourds au gouvernement.Les procédés choisis doivent également pré-senter un bilan environnemental ou énergétiquepositif. Le recours aux bioproduits doit en outreêtre compatible avec le respect de l’environne-ment et de la biodiversité. Enfin, les choix doivent être socialement acceptables. Les ci-toyens prendront part, à l’échelle locale, régio-nale ou nationale, aux débats sur le recours aux biocarburants et aux autres bioproduits. Leschoix qui seront arrêtés devront s’inscrire dans ladynamique du développement des communau-tés, dans une forme de continuité avec les autres activités économiques du milieu et êtrecompatibles avec les valeurs profondes des citoyens.

45.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir del’agriculture et de l’agroalimentaire québécoisrecommande :

Que le gouvernement du Québec encourageet encadre l’utilisation de l’agriculture à desfins de production de biocarburants et d’autresbioproduits en tenant compte, notamment, de ladiversification des activités agricoles et de lamultifonctionnalité de l’agriculture, de la revita-lisation des communautés rurales, de la renta-bilité économique des projets, de la protectionde l’environnement et de l’acceptabilité socialedes filières envisagées. À cette fin, le gouver-nement devrait : • axer ses priorités de recherche sur l’utilisation

de la cellulose pour produire des biocarbu-rants et des biogaz de même que sur lesconséquences environnementales, écono-miques et sociales des divers types de pro-duction;

• reconnaître que la production de biocarbu-rants et de bioproduits offre un potentield’accroissement du revenu des agriculteurset de diversification de l’économie des com-munautés rurales et qu’il appuie le dévelop-pement de ces nouvelles productions, dans lamesure où elles auront été reconnues compa-tibles avec les impératifs énoncés plus haut;

• assurer la convergence de sa stratégie éner-gétique et de sa politique agricole afin desoutenir le développement des biocarbu-rants dans le respect des principes du déve -loppement durable.

224 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

La gouvernance

13

La bonne gouvernance est la marque des sociétés ouvertes qui, d’une part,fonctionnent dans un régime de droit où les règles du jeu sont clairement établies et qui, d’autre part, font preuve de transparence. La gouvernance est notamment associée au rôle régulateur de l’État, à l’équilibre des pouvoirs et des contre-pouvoirs, à l’éthique associée à l’administration publique et à la conduite des affaires privées, à des pratiques commercialesrespectueuses des règles universellement convenues, à l’exercice des droitsdémocratiques – dont le droit d’association – et à la transparence dans la gestion des institutions et des entreprises, à plus forte raison lorsque desfonds publics sont en cause.

105. UNITED NATIONS DEVELOPMENT PROGRAM, Public Sector Management, Governance and Sustainable Human Development, [Traduction libre], New York, 1995.

Dans les sociétés modernes, les questions rela-tives à la gouvernance occupent maintenant uneplace importante, tant dans les institutions pu-bliques que dans les entreprises privées.

Le Programme des Nations unies pour le déve-loppement définit ainsi le concept de gouver-nance : « Dans le respect des principes dudéveloppement durable, la gouvernance est de-venue le cadre de référence de l’administrationpublique reposant sur la primauté du droit, unsystème de justice équitable et efficace et uneparticipation de la population aux affaires del’État et aux enjeux qui les touchent. Cela re-quiert la mise en place de mécanismes qui as-surent la pérennité de ces systèmes, quifavorisent l’engagement des citoyens et qui leurdonnent une emprise sur le processus de prisede décision105. »

La gouvernance, c’est en quelque sorte la manière dont nous gérons les affaires publiques et privées. La bonne gouvernance inspire confiance aux citoyens et aux investisseurs.

La Commission a examiné quatre volets de lagouvernance dans le secteur agricole et agroa-limentaire :• le leadership assumé par le ministère de l’Agri-

culture, des Pêcheries et de l’Alimentation duQuébec;

• le syndicalisme agricole;

• la direction de La Financière agricole du Qué-bec;

• certaines responsabilités du gouvernement duCanada.

226 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

106. En raison de cette politique, les ministères ne remplacent qu’un fonctionnaire sur deux qui quittent pour la retraite.

LE LEADERSHIP DU MAPAQ

1. L’effritement de l’expertiseLa croissance économique résulte avant tout de laréalisation des projets du secteur privé. Toutefois,les fonctions de l’État, notamment en matière deréglementation, de fiscalité, d’éducation et desoutien des infrastructures de recherche, decommunication et de transport ont une influencemajeure sur l’environnement d’affaires et le déve-loppement économique. Dans plusieurs secteursd’activité, les représentants des entre prises, dessyndicats et des organismes tissent des liensétroits avec des interlocuteurs au sein des minis-tères qui encadrent leurs activités respectives.Ces relations facilitent l’élaboration et la mise enœuvre de stratégies de développement sectorielet la réalisation des projets du secteur privé. Lesspécialistes du gouvernement et les partenairesprivés sont liés par une complicité de bon aloi,dans le respect de leur mission respective etdans une optique de développement.

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et del’Alimentation du Québec (MAPAQ) a longtempsrassemblé des experts dans un grand nombre dedisciplines. Il a joué un rôle déterminant dans lamodernisation de l’agriculture et de l’agroali-mentaire, tout en étant à l’origine de plusieursinstitutions et centres de recherche. Les agricul-teurs et autres acteurs du secteur témoignaientd’un sentiment de respect envers le MAPAQ,par-delà les divergences occasionnées par l’in-suffisance des budgets ou les désaccords parrapport à certaines de ses orientations. Long-temps, ils ont eu confiance de trouver auMAPAQ une expertise de haut niveau.

Manifestement, cette relation exceptionnelle s’estquelque peu érodée au fil du temps. Le MAPAQest bien sûr affecté par le dénigrement fréquentauquel se livrent certains citoyens à propos dusecteur public, mais il a surtout souffert des dé-parts à la retraite et des politiques de réductiondu personnel de la fonction publique106. C’estainsi que l’expertise du Ministère s’effrite et seperd graduellement. Le Centre de référence enagriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ)perçoit clairement ce phénomène. Sa représen-tante a témoigné de la situation en ces termeslors des audiences de la Commission : « L’ex-pertise du MAPAQ disparaît peu à peu… Il s’agitd’une perte importante pour le monde agricoleet la future génération… ». Le CRAAQ est d’avisque cette perte de savoir est particulièrementpréoccupante à l’égard des ressources dedeuxième ligne ou spécialistes qui accompa-gnent les conseillers des agriculteurs et qui sontà leur disposition pour résoudre des problèmesparticulièrement complexes.

Cette dilution de l’expertise du MAPAQ est également préjudiciable aux petites entreprises et à celles dont lesproductions sont en émergence.Les services-conseils jadis offerts par le Ministère leur fontmaintenant cruellement défaut et elles n’ont pas toujours lesressources pour faire appel aux consultants privés…lorsqu’ils existent.

La Conférence régionale des élus de la régionde la Chaudière-Appalaches a exprimé en cestermes ce besoin d’une présence régionale duMAPAQ : « Il est nécessaire de pouvoir comptersur des effectifs professionnels suffisants dansles régions du Québec pour, d’une part, être enmesure d’accompagner les entreprises dansleurs besoins de développement et, d’autre part,de pouvoir appliquer et contrôler les règlementsen vigueur. Le maintien des services et des ef-fectifs gouvernementaux en région permet desoutenir les régions productrices de denrées ali-mentaires et de se préoccuper du développe-ment régional en protégeant adéquatementl’environnement. »

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 13 227

2. La perception d’une perte deleadership

Le MAPAQ n’est plus perçucomme une organisation proactive ayant le leadership nécessaire pour dégager, en concertation, une vision mobilisatrice de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

Cette perception est lourde de conséquencespour le MAPAQ, pour le gouvernement et pour lasociété. Le Ministère n’est plus, aux yeux d’unbon nombre de représentants du secteur agricoleet agroalimentaire, une organisation qui compteune institution en mesure d’orienter le dévelop-pement. On l’accuse souvent d’être prisonnierde ses groupes de pression. Pour bon nombrede personnes, le MAPAQ gouverne peu.

Selon plusieurs témoignages entendus aux au-diences de la Commission, le MAPAQ aurait prisdu retard par rapport à certains axes de dévelop-pement du secteur agricole et agroalimentaire.On lui fait grief d’avoir peu d’expertise relative-ment aux productions en émergence et de n’êtrepas en mesure d’épauler adéquatement la trans-formation alimentaire. Le MAPAQ, souligne-t-on,connaît mal les tendances en matière de con -sommation des aliments. Son appui à la re-cherche est faible et éparpillé et sa mission enalimentation n’est pas véritablement assumée.

Le Ministère doit rétablir sa crédibilité en renfor-çant ses équipes chargées de l’analyse, de laprospection et de l’élaboration de la vision. Ildoit établir des liens avec une plus grande di-versité d’interlocuteurs du secteur et aménagerdes lieux de concertation où son action s’exer-cera de manière plus tangible. Le gouvernementdoit lui faciliter ce repositionnement stratégique,l’épauler dans son travail de révision de ses prio-rités et lui donner les moyens d’assumer correc-tement sa mission relative à l’alimentation,mission actuellement perçue comme l’enfantpauvre de ce Ministère.

La Fédération des chambres de commerce duQuébec a aussi souligné, lors des audiences dela Commission, « le manque d’intégration hori-zontale de l’intervention gouvernementale enagriculture et agroalimentaire. Les services gou-vernementaux sont dispersés et l’offre de serviceprovenant des ministères et organismes desdeux paliers de gouvernement est éparpillée.Cela a pour effet de diminuer l’efficacité des ser-vices dispensés, surtout pour les entreprises quisont loin des grands centres ».

Il ne faut cependant pas chercher à tout rapatrierau MAPAQ. Les entreprises de production et detransformation agroalimentaire ont atteint unetaille et un niveau de développement qui lesconduisent tout naturellement vers des servicesspécialisés offerts dans plusieurs ministères. Ilserait contre-productif de vouloir ramener cesservices au MAPAQ.

Par exemple, Investissement Québec offre du fi-nancement à des conditions avantageuses àl’ensemble des entreprises manufacturières. Entransformation alimentaire, tout comme en re-cherche et innovation, les entreprises doiventavoir davantage recours à Investissement Qué-bec pour réaliser leurs projets. Plusieurs interve-nants aux audiences de la Commission ontcompris que le secteur agricole et agroalimentaireen serait exclu à toutes fins utiles puisque laStratégie québécoise de la recherche et de l’in-novation relève du ministère du Développementéconomique, de l’Innovation et de l’Exportation(MDEIE). Cette perception est erronée. Cettestratégie vise l’ensemble des secteurs d’activité.Le rôle du MAPAQ n’est pas de dédoubler lesprogrammes et les fonds mis en place par d’autresministères, mais bien de faciliter à ses clientèlesl’accès à ces outils de développement.

228 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

107. Le Ministère a bénéficié d’une augmentation de crédits en 2007-2008, à la suite de l’adoption de la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation.

La société québécoise a besoin d’un ministère del’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec qui exerce un leadership au sein dugouvernement, au sein du secteur agricole etagroalimentaire et auprès des forces vives de lasociété. Ce leadership s’exprime d’abord par lesavoir, par l’expertise. Le MAPAQ doit redevenirune référence en matière de compétences pro-fessionnelles dans le secteur. Il doit produire etdiffuser largement des analyses, des diagnos-tics, des résultats de recherche, des portraits desecteurs et des études d’évaluation de ses pro-grammes afin que la classe agricole et la popu-lation soient adéquatement informées. Il doitélaborer des politiques, dégager des élémentsappropriés à sa vision du secteur et susciter desdébats sur les enjeux qu’il soulève. Le MAPAQdoit aménager des lieux de concertation entre lesacteurs du secteur agricole et agroalimentaire,les animer au besoin et faciliter le dialogue avecles citoyens. Il doit travailler plus étroitementavec les ministères responsables de la santé etde l’environnement. Le MAPAQ doit égalementparticiper activement aux grandes stratégiesgouvernementales en matière d’alimentation etde nutrition, de développement économique etrégional et d’occupation du territoire. Il doit enfinentretenir avec le gouvernement fédéral des re-lations marquées au coin de la complémentarité etde la défense vigoureuse des intérêts du Québec.

3. Les budgets Bien sûr, le budget est un élément qui facilite oucomplique les rapports entre un ministère et sesclientèles. L’analyse de l’évolution des créditsbudgétaires de divers ministères au cours descinq dernières années montre que le MAPAQ abénéficié de légères augmentations chaqueannée, encore que le taux de croissance budgé-taire ait été inférieur à l’inflation. Le MDEIE107 et leministère du Développement durable, de l’Envi-ronnement et des parcs (MDDEP) ont subi, pourleur part, des diminutions nettes de leurs créditspendant cette même période. Compte tenu dela priorité accordée à la santé, le budget de laplupart des autres ministères a été plafonné oumême réduit.

Analysons brièvement l’utilisation que fait leMAPAQ des ressources qui lui sont attribuées.En 2005-2006, le Ministère disposait d’unbudget de 658,7 millions de dollars, montantqui fut réparti comme suit :

• 174,3 millions de dollars pour le fonc-tionnement du Ministère et les servicesofferts au secteur, dont :

– 50 millions de dollars pour le fonction-nement de la Commission de protec-tion du territoire agricole;

– 12,3 millions de dollars pour le fonc-tionnement de la Régie des marchésagricoles et alimentaires;

– 18 millions de dollars pour le fonction-nement de l’Institut de technologieagroalimentaire;

– 14 millions de dollars pour le fonction-nement du secteur des pêches;

– services-conseils spécialisés et ser-vices de deuxième ligne aux agricul-teurs, bureaux régionaux, gestion deprogrammes, administration et planifi-cation, etc.;

• 484,4 millions de dollars de dépenses detransfert (aide financière au secteur), soit :

– 305 millions de dollars de contribution à La Financière agricole(aux producteurs);

– 95,5 millions de dollars pour le remboursement des taxes foncièresaux producteurs;

– 83,9 millions de dollars en budgetspour d’autres programmes, dont :

° Programme Prime-Vert : 26,6 millions de dollars,

° Amélioration de la santé animale : 14 millions de dollars,

° Aide à la recherche et au transfert technologique : 17 millions de dollars,

° Appui au développement en région : 8,8 millions de dollars,

° Traçabilité des aliments : 3,3 millions de dollars,

° Appui au secteur de la transformation :2,3 millions de dollars,

° Appui à la formation : 1,3 million de dollars.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 13 229

230 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Autrement dit, l’essentiel du budget de ce Ministère est consacré au soutien financier de l’agriculture et couvre des dépenses récurrentes de court terme. Il reste, somme toute, peu de ressources applicables à la recherche, au transfert technologique, au développementde nouvelles pratiques commel’agriculture biologique, au soutien à l’entrepreneuriat,aux services-conseils, au développement des ressourceshumaines et à la diversificationde la transformation alimentaire.

La solution de facilité consisterait à réclamer uneimportante majoration du budget du Ministère.Comme on l’a vu au chapitre 4, l’ampleur desdéficits de La Financière agricole du Québecobligera vraisemblablement le gouvernement àaccroître à court terme sa contribution au sec-teur agricole. Compte tenu des autres besoinsde la société, notamment en matière de santé,d’éducation et d’infrastructures, il serait illusoired’espérer un accroissement significatif récurrentdu budget du MAPAQ.

Il y a lieu de prévoir et de penser bien au-delàdes fluctuations liées à la conjoncture et au cli-mat qui affectent l’agriculture et l’agroalimen-taire. Il faut délibérément chercher à consacrerune part croissante des ressources publiques al-louées au MAPAQ à des activités structurantesqui contribuent au développement du secteur,notamment en matière de recherche, de ser-vices-conseils et de formation, en réduisant gra-duellement la part du budget que drainent lespaiements de court terme. Sans exclure toutajustement budgétaire, notamment pour tenircompte des transitions nécessaires, l’utilisationefficace des ressources consenties au secteuragricole et alimentaire passe par une certaine ré-vision des priorités actuelles. Bref, il s’agiraitd’une affectation plus grande des crédits aux me-sures structurantes.

On peut s’interroger sur la décision de faireémarger au budget du MAPAQ les crédits né-cessaires au remboursement des taxes foncièresaux producteurs. Lorsque les taxes fon cières aug-mentent, principalement à la suite de la révisiondu rôle d’évaluation, le poste budgé taire où sontaffectés ces crédits est susceptible de croître si-gnificativement. Le gouver ne ment octroie auMAPAQ une partie des crédits requis pour faireface à cette hausse, mais généralement, il lui de-mande aussi d’en assumer une partie à mêmeses propres ressources budgétaires. Le Minis-tère se voit donc contraint de couper d’autrespostes budgétaires pour éponger des haussesde remboursement de taxes foncières sur les-quelles il n’exerce aucun contrôle.

Il apparaîtrait plus approprié de transformer leprogramme actuel, en lui consacrant les mêmesressources, en un crédit d’impôt foncier rem-boursable aux agriculteurs. Le programme se-rait géré par Revenu Québec (comme c’est lecas pour tous les crédits d’impôt), avec la colla-boration du MAPAQ. Comme il s’agirait d’un cré-dit d’impôt remboursable, les producteursagricoles recevraient le même montant que dansle cadre du régime actuel, et ce, même s’ils nepayaient pas d’impôt. Des arrangements pour-raient être pris avec les municipalités, commec’est le cas présentement, afin de leur verserdes avances, ce qui éviterait aux agriculteurs depayer la totalité du compte de taxes en atten-dant le remboursement de l’impôt foncier parRevenu Québec.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 13 231

4. La place des services de santé animale Dans le mémoire qu’il a présenté à la Commis-sion, l’Ordre des médecins vétérinaires du Québeca sévèrement jugé la place faite aux services desanté animale au MAPAQ. L’Ordre souligne quece Ministère a une mission économique et que « sa mission en santé publique en lien avec lasanté animale est subordonnée à ce mandat incontournable et se heurte régulièrement auxexigences conflictuelles de développement éco-no mique ». Il ajoute que « l’objectif de santé nesaurait être tributaire d’objectifs syndicaux ».L’Ordre déplore l’insuffisance des ressources affectées à la santé animale. Il souligne que« l’aide financière aux producteurs (du pro-gramme d’amélioration de la santé animale), 14 millions de dollars en 2007, est moins impor-tante que celle allouée il y a 20 ans. Au fil des ans,la couverture des services a également diminué.Les ententes sont négociées à la dure et nul ne peut prédire l’avenir du programme à sonprochain terme, le 31 mars 2008 ». Ce plafonne-ment des ressources nuit sans doute aux pra-tiques de la médecine vétérinaire préventive.Enfin, les médecins vétérinaires déplorent lemanque de collaboration du MAPAQ avec le ministère de la Santé et des Services sociaux(MSSS), responsable de la santé publique.

L’Ordre des médecins vétérinaires du Québecpropose donc « qu’une structure distincte quipourrait relever de l’autorité conjointe du MAPAQet du ministère de la Santé et des Services so-ciaux, ou une agence indépendante, assume laresponsabilité de la protection de la santé pu-blique dans les productions animales ».

Il faut certes porter attention au diagnostic quepose l’Ordre des médecins vétérinaires du Qué-bec. La complémentarité des actions des insti-tutions publiques chargées de la santé animaleet de la santé publique est essentielle à la pro-tection de la population et elle doit faire partiedes objectifs prioritaires de ces institutions etdes professionnels qui y travaillent. De même,l’importance de maintenir le Réseau d’alerte etd’information zoosanitaire et de tenir comptedes risques que font courir de nouvelles épidé-mies plaident en faveur d’une réévaluation desressources affectées à la santé animale.

Mais la Commission ne voit pas en quoi la misesur pied d’une nouvelle structure, de nature bicéphale de surcroît, permettrait d’accroître lesmoyens d’action en matière de santé animale. Sices services sont marginalisés au MAPAQ, ils leseraient encore plus au MSSS. Au sein du MAPAQcomme dans toute autre structure administrative,l’autonomie professionnelle des vétérinaires estrespectée et protégée par un code d’éthique etun ordre professionnel.

C’est l’ensemble du gouvernement qui doit être davantage sensibilisé à l’importance des services de santé animale. En ce sens,l’appel de l’Ordre des médecinsvétérinaires du Québec doit être entendu.

À cette fin, il est essentiel que les ressources al-louées à l’inspection des aliments et à la santéanimale soient stables et placées pour ainsi direà l’abri des arbitrages difficiles que doivent ef-fectuer les ministères dans la gestion de « l’en-veloppe fermée » de leur budget. Il est questionici de santé et de protection des consomma-teurs; on ne peut pas faire de compromis sur cesenjeux. Puisque ces services servent à offrir auxconsommateurs le maximum d’assurance quantà l’innocuité des aliments, tant de ceux qui sontproduits au Québec que de ceux qui nous vien-nent de l’extérieur (ces derniers constituent en-viron 50 % des produits alimentaires achetés), ilapparaîtrait indiqué de mettre à contribution lesétablissements de vente au détail des aliments.Un montant établi sur la base de la superficiedes commerces vendant des produits alimen-taires devrait être prélevé afin de financer lesservices d’inspection des aliments. Ainsi, unesource récurrente d’entrée de fonds garantiraitdes ressources adéquates pour ces services es-sentiels à la protection des consommateurs.

5. La place de TRANSAQ La mise en place de Transformation alimentaireQuébec (TRANSAQ), une unité autonome degestion relevant du MAPAQ, a suscité beaucoupd’espoir dans le milieu intéressé. Toutefois, lesressources allouées étaient nettement inférieuresà ce qui était attendu et les représentants de latransformation ont ouvertement exprimé leur dé-ception.

Lors de son témoignage à la Commission, l’Allian -ce de la transformation alimentaire a déploré le faitque le MAPAQ n’ait pas « livré la marchandiseattendue » en matière d’aide à la transformationalimentaire et conclut : « Ainsi, pour supporteradéquatement le développement industriel de latransformation agroalimentaire, il faut transférerTRANSAQ au ministère du Développement éco-nomique, de l’Innovation et de l’Exportation(MDEIE) ».

La coopérative Agropur a fait entendre une autrevoix : « Nous croyons fermement que le MAPAQest le ministère tout indiqué pour chapeauter latransformation alimentaire du Québec. Il doit agirde façon structurante et concrète. Avec la libé-ralisation des marchés et les défis qui attendentles transformateurs alimentaires d’ici, nousavons avantage à ce que les maillons de lachaîne alimentaire puissent travailler en concer-tation afin de développer des structures pournotre secteur d’activité. Tout comme le Ministèrel’a fait dans le passé, il doit jouer un rôle proactifau sein de l’industrie afin de favoriser leséchanges entre chacun des acteurs. »

Au chapitre de la transformation et de la distri-bution alimentaires, nous avons suggéré certainsmoyens dont TRANSAQ devrait disposer pourmieux s’acquitter de son mandat. Les principauxoutils de financement du secteur manufacturier,qui inclut la transformation alimentaire, sont auMDEIE et devraient y demeurer. Le rôle deTRANSAQ est d’offrir l’expertise sectorielle, unaccompagnement aux promoteurs, un soutien àl’entrepreneuriat et un raffermissement des liensavec les autres ministères et organismes de dé-veloppement économique, dont le MDEIE et leministère des Finances. Ce rôle, bien rempli ausein du MAPAQ par TRANSAQ, serait fort utile auxentreprises de transformation alimentaire : c’estavant tout à sa consolidation qu’il faut travailler.La relance de l’approche par filière et de laconcertation sera facilitée dans la mesure où lesrespon sabilités de la production et de la trans-formation se côtoieront au sein d’un même mi-nistère.

6. La mission alimentaireEn premier lieu, la mission alimentaire du MAPAQvise l’innocuité des aliments et la santé animale.Le Ministère est responsable de l’inspection deslieux où les aliments sont transformés et entre-posés de même que des lieux publics où des ali-ments sont consommés. Le Centre québécoisd’inspection des aliments et de santé animaleassume cette responsabilité essentielle à la pro-tection de la santé publique. Ce centre donneégalement suite aux plaintes et signalements re-latifs aux toxi-infections alimentaires et à la sa-lubrité des établissements. Le MAPAQ a aussimis en place le Centre ministériel de sécurité civilequi coordonne les interventions relevant de sacompétence en raison du plan gouvernementalprévu en cas de sinistre.

En deuxième lieu, pour remplir sa mission ali-mentaire, le MAPAQ prend une part active à lamise en œuvre du plan d’action gouvernemental2006-2012 de promotion des saines habitudesde vie et de prévention des problèmes reliés aupoids, Investir dans l’avenir, plan qui fut adoptéen 2006 sous l’impulsion du MSSS. Les pro-blèmes associés à l’embonpoint sont hautementpréoccupants et nécessitent des actions con -certées de plusieurs ministères, du secteur privéet des citoyens eux-mêmes. C’est principale-ment cette tâche qui confère à la mission ali-mentaire du MAPAQ toute son importance. Etelle doit être harmonisée avec celles du MSSS.

Le Directeur national de santé publique, M. AlainPoirier, a souligné, à l’occasion des audiencesde la Commission : « Les experts en santé pu-blique sont d’avis qu’une des conditions les plusimportantes dans la lutte contre l’obésité dansles prochaines années sera la capacité des gou-vernements à consolider les partenariats avec lafilière agroalimentaire. Il nous faut poursuivredans cette direction et déployer les actions enrenforçant les alliances déjà existantes. »

Le secteur agroalimentaire a un rôle majeur àjouer dans l’offre de produits qui contribuent àla saine alimentation et le MAPAQ doit créer,avec les représentants du secteur, une interfacedynamique qui facilite leur participation aux stra-tégies gouvernementales.

232 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Les efforts de toute la chaîne agroalimentaire doivent rejoindre la préoccupation relative à la santé. Il s’agit même d’un important vecteur de développement de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois.

Dans l’exercice de sa mission alimentaire, leMAPAQ doit encourager plus ouvertement lesecteur agricole et agroalimentaire à être da-vantage attentif aux préoccupations à l’égard dela santé de la population et des impératifs de lasaine alimentation.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 13 233

46.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois recommande :

Que le gouvernement du Québec appuie les efforts du ministèrede l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec en vued’exercer un véritable leadership à l’égard du développement dusecteur agricole et agroalimentaire, en favorisant, notamment : • le renforcement des équipes d’analyse, de prospection et d’éla-

boration de la vision ainsi que le raffermissement du partenariat etde la concertation avec une diversité d’interlocuteurs du secteur;

• la révision des priorités d’affectation des ressources budgétairesallouées au Ministère;

• la transformation du programme de remboursement des taxesfoncières du Ministère en un crédit d’impôt remboursable offertà tous les producteurs agricoles et qui leur permettrait de rece-voir une compensation, aux conditions similaires à celles qui pré-valent actuellement, pour les taxes foncières applicables à leurentreprise agricole;

• le prélèvement, auprès des commerces vendant des produits ali-mentaires, d’un montant établi sur la base de la superficie ducommerce, afin de financer les services d’inspection des alimentsde manière à assurer des ressources stables à ces services essentiels à la santé et à la protection des consommateurs en matière d’innocuité des aliments;

• la mise à niveau du nombre des personnes-ressources affectées àla santé animale et à l’inspection des aliments et la collaboration ences matières avec le ministère de la Santé et des Services sociaux;

• l’affirmation plus nette de la mission alimentaire du Ministère, notamment par la mobilisation du secteur agricole et agroalimen-taire en faveur d’une contribution à l’atteinte des objectifs inscritsdans les stratégies gouvernementales en matière de santé etd’alimentation et par l’adoption d’une approche préventive ensanté animale et en environnement.

LE SYNDICALISME AGRICOLE

1. Une situation unique au QuébecLe besoin des agriculteurs québécois de se re-grouper au sein d’associations représentatives aémergé dès 1789, au moment où furent créées lespremières sociétés d’agriculture subventionnéespar le gouvernement. Ce n’est cependant qu’unsiècle plus tard, soit en 1875, que ces différentscercles agricoles se sont unis pour former le pre-mier regroupement provincial, soit l’Union agricolenationale. En 1924, 2400 agriculteurs fondaientl’Union catholique des cultivateurs, l’UCC.

En 1972, le gouvernement du Québec adoptaitla Loi sur les producteurs agricoles. Cette Loiprécisait qu’une association représentative desproducteurs agricoles devait comporter desstructures générales et spécialisées, des syndicatsde base et des fédérations. Ces caractéristiquescorrespondaient à l’organisation de l’Union desproducteurs agricoles (UPA). La Loi stipulait enoutre qu’un référendum devait être tenu pour re-connaître à l’association des producteurs le droitde percevoir des cotisations et des contributionsobligatoires auprès des agriculteurs, ce qui futfait en décembre 1972108.

Depuis lors, aux termes de la Loi, l’UPA détientl’exclusivité de la représentativité des agricul-teurs. Tous les producteurs agricoles ont l’obli-gation de verser une cotisation à ce syndicat,même s’ils peuvent formellement choisir de nepas en être membre.

La Loi ne contient aucun mécanisme pour vérifierpériodiquement la volonté d’adhésion des agri-culteurs à leur syndicat. Comme il a déjà étémentionné, la dernière consultation a eu lieu en1972, c’est-à-dire il y a 35 ans. Non seulement laLoi crée-t-elle, à toutes fins utiles, une instanceunique de représentation des producteurs agri-coles, mais elle lui donne pour ainsi dire un carac-tère permanent. Une organisation qui sou haiteraitreprésenter les agriculteurs québécois devraitd’abord rassembler une majorité des producteurs.La Loi sur les producteurs agricoles stipule eneffet « qu’une association qui demande l’accré-ditation doit établir, à la satisfaction de la Régie[des marchés agricoles et alimentaires du Québec]et de la manière que cette dernière juge appro-priée, qu’elle représente la majorité des produc-teurs du Québec ».

La Commission a demandé à l’Observatoire del’administration publique de l’École nationaled’administration publique d’étudier les modesd’association des agriculteurs d’autres provinceset d’autres pays. L’Observatoire n’a recenséaucun cas s’apparentant à celui du Québec. Par-tout ailleurs, il y a plus d’une association. Lesproducteurs agricoles adhèrent librement à cellede leur choix et ils peuvent changer d’allégeance.

Dans certains cas, notamment en Ontario, legouvernement facilite le regroupement des agri-culteurs en associations représentatives. C’estainsi qu’il fait obligation à tout producteur agri-cole (dont le revenu brut est de 7000 $ ou plus)d’adhérer à une association. Le gouvernementperçoit aussi les cotisations des agriculteurs etles fait parvenir, selon le choix signalé par le pro-ducteur, à l’une des trois organisations agricolesaccréditées, soit la Fédération des agriculteurschrétiens de l’Ontario, la Fédération de l’agricul-ture de l’Ontario et l’Union nationale des agri-culteurs.

2. Une représentation pour tousles agriculteursPlusieurs représentants aux audiences régio-nales et nationales de la Commission ont avancéqu’il était temps de remettre en cause ce qu’ilsont appelé le « monopole syndical ». L’Unionpaysanne est celle qui exprime le plus ouverte-ment son opposition au mode unique de repré-sentation des producteurs agricoles. Le mémoirequ’elle a présenté à la Commission en fait foi :« La question du monopole de l’UPA, bienqu’elle puisse sembler à premier abord étran-gère au débat sur l’agriculture, est au contraireau centre de la tempête et doit ici être abordée.Pendant des décennies, l’UPA a étendu soncontrôle bien au-delà d’un simple rôle de repré-sentation syndicale. Son influence est maintenantdémesurée sur le financement de l’agriculture,sur la mise en marché, sur les orientations mu-nicipales, sur l’aménagement du territoire et surles instances gouvernementales de contrôle etde supervision. » Elle ajoute : « Loin de vouloirnier le rôle de l’UPA, nous croyons toutefoisqu’elle ne représente qu’une partie du mondeagricole. Travailleurs agricoles, petites fermes,artisans d’une agriculture différente, autantd’éléments qui n’ont pas droit au chapitre. »

234 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

108. J. P. KESTEMAN et autres, Histoire du syndicalisme agricole, Éditions Boréal, 2004.

La Fédération interdisciplinaire de l’horticultureornementale du Québec, qui représente près de 4000 entreprises de production et de com-mercialisation, a demandé elle aussi des changements en faveur d’une pluralité de la re-pré sentation des producteurs agricoles. Dans lemémoire qu’elle a présenté à la Commission, onpeut lire : « La Fédération interdisciplinaire del’horticulture ornementale du Québec et ses as-sociations affiliées remettent en question le mo-dèle unique du financement obligatoire de l’UPA.Ce modèle ne correspond pas aux souhaits desmembres de certaines de nos associations.Leurs membres souhaitent avoir le choix de ver-ser leurs cotisations obligatoires à l’organismeou aux organismes associatifs qui détiennentl’expertise pour les représenter adéquatement.Ce modèle ne correspond plus à la réalité d’au-jourd’hui et nous croyons qu’il est temps d’ef-fectuer une importante réflexion de fond sur lemodèle unique des cotisations obligatoires. »

Le Réseau des jeunes maraîchers écologiquesa également exprimé le besoin d’une autre voix :« Avec le modèle d’agriculture que nous prati-quons, nous ne nous reconnaissons pas du toutà l’intérieur de l’UPA, même si celle-ci, de par laloi lui conférant un monopole de la représenta-tion, doit nous représenter. Il est difficile, dansun contexte où plusieurs modèles agricoles co-existent, de penser qu’une seule organisationpeut tous les représenter adéquatement. »

Dans toute grande organisation, la dissidences’exprime plus ou moins ouvertement et les règleshabituelles du jeu la maintiennent à l’intérieur del’organisation. Il est tout à fait normal que lemode d’organisation et de fonctionnement del’UPA, de même que ses prises de position, nefassent pas l’unanimité au sein de la classe agri-cole. Est-ce que les critiques entendues à laCommission au sujet de la représentativité desagricultures sont l’expression d’une dissidencenormale ou le reflet d’une volonté des agricul-teurs de revoir en profondeur leur mode d’asso-ciation professionnelle? Les agriculteurs sont lesseuls à pouvoir donner réponse à cette question;il faudrait donc la leur poser.

La Commission reconnaît d’emblée l’importancede regrouper les producteurs agricoles dans uneou des associations professionnelles représen-tatives et dotées de moyens d’action qui leurpermettent de protéger efficacement les intérêtsdes agriculteurs et d’influer sur le développe-ment du secteur agricole et agroalimentaire. Per-sonne n’aurait à gagner d’un affaiblissement dupouvoir de représentation des agriculteurs. C’estpourquoi il est raisonnable d’instituer une obli-gation pour tout producteur agricole d’être membred’une association professionnelle d’agriculteurset de cotiser à cette association. Soulignonségalement que le mode d’organisation de cesproducteurs diffère nettement de celui des sala-riés et qu’il y a lieu de prévoir des dispositionsspécifiques relatives à leur participation à uneassociation professionnelle. Puisque tous lesagriculteurs profitent de l’action d’une ou de plu-sieurs associations professionnelles, il est nor-mal qu’ils y contribuent financièrement.

Toutefois, dans une société démocratique, on peut difficilement justifier le maintiend’un régime qui oblige ungroupe de personnes à adhérer à une structure uniqued’association, régime qui, au demeurant, ne prévoit aucun dispositif pour vérifier lavolonté des personnes d’y adhérer ou d’y maintenir leurparticipation.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 13 235

Cette situation est malsaine et nuit même à lacrédibilité de l’UPA. Cette dernière a tout intérêtà asseoir la légitimité de son mandat sur l’ex-pression démocratique de ses membres.

Il est important de convenir d’un régime juri-dique qui permettra aux producteurs agricolesde choisir l’association professionnelle à laquelleils veulent adhérer, si tant est qu’ils souhaitentqu’il y en ait plus qu’une. Il est également es-sentiel que les producteurs puissent se pronon-cer périodiquement sur l’appartenance àl’association de leur choix : il en va de la vitalitémême de cette asso ciation professionnelle et desa représentativité. Si, comme cela se fait par-tout ailleurs, une association est soumise à uneprocédure par laquelle les membres, en l’occur-rence les agri culteurs, décident de maintenir leurengagement ou de changer de syndicat, unenouvelle dynamique s’instaure au sein même del’association, dynamique salutaire pour tout lemonde. La reddition de comptes, dans un pro-cessus démocratique, demeure une conditionessentielle de bonne gouvernance et de dyna-misme.

Si la Commission adopte cette position de prin-cipe en faveur du choix des agriculteurs de seprononcer au sujet de leur association repré-sentative, c’est aussi par souci de cohérence.Les recommandations les plus structurantes duprésent rapport ont pour objectif d’ouvrir les di-vers systèmes de production, de mise en marché,de transformation et de distribution et d’accorderplus de liberté aux entrepreneurs. La Commissionprône une agriculture plurielle, à tous les pointsde vue. Elle attache aussi une grande importanceà la transparence des institutions et à leur fonc-tionnement démocratique. Ces principes et va-leurs doivent aussi s’appliquer au choix du modede représentation des producteurs agricoles.

Mais dans le contexte qui prévaut depuis 1972,comment établir les mécanismes et les garantiesdémocratiques que bien des gens attendent?Une organisation solide est en place, l’UPA, etson mandat est de représenter les producteursagricoles. Il faut donc donner l’occasion, et letemps, à une ou à d’autres organisations quisouhaiteraient représenter les agriculteurs de seconstituer en entité définie, et de faire la promotionde leur option auprès des producteurs agricoles.La parole reviendrait par la suite aux agriculteurspuisqu’il leur appartient, et à eux seuls, de déciderà quelles associations ils souhaitent adhérer.

L’Ontario a adopté un processus très simple. LeTribunal d’appel de l’agriculture, de l’alimentationet des affaires rurales (qui est un peu l’équivalentde la Régie des marchés agricoles et alimen-taires du Québec) agrée, sur la base de critèresconnus, des organismes pouvant agir commeassociation représentative des producteurs agri-coles. Les critères impliquent notamment que lesmembres de l’association soient des produc-teurs agricoles. On exige aussi que l’associationreprésentative rejoigne des agriculteurs engagésdans divers types de productions végétales etanimales et qu’elle soit présente dans plusieursrégions. Chaque année, au moment de remplirle formulaire de demande d’inscription commeproducteur agricole auprès du ministère ontariende l’Agriculture, le producteur indique à quelleorganisation il veut adhérer et il verse au Ministèrele montant de la cotisation prévue. Le ministèrede l’Agriculture fait parvenir les sommes qui re-viennent à chacune des trois associations deproducteurs agricoles en cause.

236 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 13 237

47.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois recommande :

Que l’ensemble des producteurs agricoles du Québec adhèrent à uneassociation professionnelle représentative et qu’ils aient l’occasionde se prononcer, à intervalles convenus, sur leur choix. À cette fin : • Que la Loi sur les producteurs agricoles soit amendée afin de

pouvoir reconnaître, sur la base de critères objectifs, une ou desassociations professionnelles représentatives des producteursagricoles. Pour être ainsi reconnue, une association devrait mini-malement pouvoir démontrer à la Régie des marchés agricoles etalimentaires du Québec qu’elle représente un nombre significatifde producteurs agricoles engagés dans diverses productions ani-males et végétales et qu’elle dispose de structures de représen-tation dans diverses régions du Québec. La Loi devrait établir lescritères d’accréditation d’une association représentative des pro-ducteurs agricoles et fixer des balises pour encadrer le proces-sus de consultation des producteurs;

• Que la reconnaissance d’une association professionnelle repré-sentative des producteurs agricoles soit valide pour cinq ans, pé-riode au terme de laquelle l’association devra démontrer qu’ellesatisfait toujours aux critères de reconnaissance;

• Que l’Assemblée nationale du Québec mandate le directeur généraldes élections afin qu’il conseille la Régie des marchés agricoleset alimentaires du Québec dans la mise en place de la procédured’accréditation des associations représentatives des producteursagricoles;

• Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimen-tation du Québec demande par la suite aux agriculteurs, tous lescinq ans, à quelle association représentative ils veulent adhérer.Cette consultation serait effectuée à l’occasion de l’inscriptiondes agriculteurs à titre de producteurs agricoles;

• Que le Ministère puisse, après entente avec l’association ou avec lesassociations représentatives, percevoir le montant de la cotisationannuelle des agriculteurs lors de la procédure d’enregistrementà titre de producteur agricole et la faire parvenir à l’associationdésignée ou aux associations respectives désignées.

238 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

LA DIRECTION DE LA FINANCIÈREAGRICOLE DU QUÉBECLa Financière agricole du Québec a vu le jour en2001, après des années d’efforts visant à regrou -per, au sein d’une même entité, l’ensemble desprogrammes de financement et d’aide finan cièredu gouvernement du Québec offerts aux pro-ducteurs agricoles et certains programmes dugouvernement fédéral. Parmi les programmesquébécois qu’elle administre, notons : • le Programme de financement agricole (prêts,

garantie de prêts, ouverture de crédits, pro-tection contre la hausse des taux d’intérêt);

• le Programme d’assurance stabilisation desrevenus agricoles (ASRA);

• le Programme d’assurance récolte;

• le Programme d’appui à la relève agricole;

• le Programme de financement forestier;

• le Programme complémentaire de stabilisationdes inventaires en acériculture.

• d’autres interventions spéciales.

La Financière agricole du Québec administre au-jourd’hui des programmes dont les valeurs as-surées s’élèvent à plus de 4,6 milliards de dollars.Son portefeuille de prêts atteint 4,3 milliards dedollars. En 2006-2007, elle a versé plus de800 millions de dollars aux producteurs agricolesà titre de paiement lié à l’ASRA.

Selon l’UPA, « le législateur a établi la constitutionjuridique de La Financière agricole du Québecsur la base d’un partenariat unique avec lemonde agricole109 ».

À l’instar des autres sociétés d’État, La Financièreagricole du Québec est dirigée par un conseild’administration dont les membres proviennentmajoritairement de l’extérieur du gouvernement,tout en étant nommés par le gouvernement. Leconseil d’administration de La Financière agricoleest composé de onze membres, dont un président-directeur général. Cinq membres de la société,dont le président du conseil, sont choisis parmiles personnes désignées par l’UPA110. Actuelle -ment, le président-directeur général est égalementnommé après consultation de l’UPA111. Le pré-sident du conseil de La Financière agricole duQuébec est le président de l’UPA.

Le gouvernement a déposé, en avril 2006, un im-portant énoncé de politique sur la modernisationde la gouvernance des sociétés d’État. L’objectifde cette révision est de « favoriser une gestiondes sociétés d’État qui réponde à des critèresexigeants de transparence, d’intégrité et de res-ponsabilité, et ce, afin d’assurer la performanceattendue de l’entreprise ». Cet énoncé de poli-tique a donné suite à l’adoption, en décembre2006, de la Loi sur la gouvernance des sociétésd’État et modifiant diverses dispositions législa-tives. Elle stipule qu’au moins les deux tiers desmembres du conseil d’administration, dont leprésident, doivent se qualifier comme adminis-trateurs indépendants, c’est-à-dire que le mem-bre « n’a pas, de manière directe ou indirecte,de relations ou d’intérêts, par exemple de naturefinancière, commerciale, professionnelle ou phi-lanthropique, susceptibles de nuire à la qualitéde ses décisions eu égard aux intérêts de la so-ciété ». La Loi prévoit aussi qu’un membre d’unconseil d’administration ne peut exercer plus dedeux mandats, de manière consécutive ou non.

Il est clair que l’actuelle composition du conseild’administration de La Financière agricole ne ré-pond pas aux exigences de la Loi. Le gouverne-ment devra donc procéder à court terme à larévision des membres du conseil d’administra-tion de cette société d’État. Soulignons que lerespect de la loi sur la gouvernance des sociétésd’État est tout à fait compatible avec l’exercicedu partenariat dans l’élaboration des pro-grammes d’aide à l’agriculture.

109. UNION DES PRODUCTEURS AGRICOLES, mémoire présenté à la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois,2007.

110. Selon l’article 6 de la Loi sur La Financière agricole du Québec.

111. Loc. cit.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 13 239

CERTAINS MANDATS DU GOUVERNEMENT FÉDÉRALSelon la Loi constitutionnelle de 1867, l’agricul-ture est une responsabilité partagée où le pou-voir fédéral est prépondérant. Le gouvernementfédéral est un acteur de premier ordre dans lesecteur agricole et agroalimentaire. En plus deses pouvoirs en matière de politique monétaire,de développement économique et de politiqueétrangère, le gouvernement canadien exerce, enparticulier dans le secteur agricole et agroalimen -taire, des responsabilités importantes, dont cellesrelatives : • au soutien financier offert aux agriculteurs et

autres acteurs du secteur agroalimentaire;

• à l’inspection des aliments et à l’homologationdes produits;

• à la recherche et à l’innovation;

• au commerce interprovincial et international,principalement à l’égard du régime de la gestionde l’offre.

1. La part du QuébecL’essentiel de l’intervention du gouvernement fé-déral dans le secteur agricole et agroalimentaireest défini dans le Cadre stratégique pour l’agri-culture, en vigueur depuis 2003. Il s’agit, en fait, d’unaccord fédéral-provincial-territorial de cinq anssur l’agriculture. En juin 2007, les ministres del’agriculture des provinces et du gouvernementfédéral ont conclu une entente de principe surune nouvelle stratégie intitulée Cultivons l’avenir,stratégie qui propose, à toutes fins utiles, une vi-sion renouvelée du Cadre stratégique pour l’agri-

culture. L’entente de principe doit servir de guideau développement de la nouvelle politique fédé-rale et à l’élaboration des mesures d’aide àl’agriculture. Ce nouveau cadre serait mis enœuvre avec la collaboration des provinces et desterritoires.

En matière de recherche, ce sont les échangeset l’ouverture qui doivent prévaloir. À cet égard,les centres de recherche du gouvernement fé-déral sont des lieux d’échanges très conviviaux.Le gouvernement du Québec doit cependantveiller à ce que les crédits fédéraux servent à ap-puyer les priorités du Québec et contribuent aufinancement des institutions et des entreprisesengagées dans la recherche et l’innovation.

Le gouvernement provincial et ses partenairesont toujours exercé une grande vigilance afind’obtenir du gouvernement fédéral une part adé-quate des ressources qu’il consacre, par sesprogrammes nationaux, au développement dedivers secteurs d’activité. Le secteur agricole etagroalimentaire n’échappe pas à cette dynamique.

L’UPA a souligné, dans son témoignage à laCommission, que « le gouvernement québécoisdoit obtenir sa juste part des sommes fédé-rales… Le Québec n’a pas reçu sa juste part(seulement 9 %), laquelle, tenant compte de sacontribution à l’agriculture canadienne, est de 13 %lorsqu’on exclut la gestion de l’offre et de 18 %si on en tient compte ». L’UPA réclame donc « que la part [québécoise] des transferts fédé-raux en sécurité du revenu représente 13 % à18 % de l’enveloppe totale allouée à ce volet ».

48.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire recommande :

Que le gouvernement revoie sans délai la composition du conseild’administration de La Financière agricole du Québec, conformémentaux dispositions de la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État etmodifiant diverses dispositions législatives.

240 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

2. L’inspection des aliments etl’homologation des produits L’agence fédérale responsable de l’inspectiondes aliments gère quatorze programmes portantsur les aliments, les végétaux et les animaux.Son rôle est de faire respecter les normes éta-blies par Santé Canada au regard de la salubritéet de la qualité nutritive des aliments. L’agenceest également responsable de l’établissementdes normes relatives à la santé animale et elledoit veiller à leur application. On a vu dans leschapitres précédents que les services de l’Agencecanadienne d’inspection des aliments présententdes lacunes importantes. Des ressources addi-tionnelles doivent être affectées à cette missionfondamentale – et le gouvernement fédéral en ales moyens – au nom de la protection de la santépublique et du respect des standards canadiensen matière de salubrité et d’innocuité. C’est aussiune mesure élémentaire d’équité à l’égard desproducteurs et des transformateurs canadiensqui se soumettent à ces exigences, contrairementà leurs concurrents de certains pays exportateurs.

Le processus d’homologation des produits, no-tamment ceux qui servent d’intrants à la produc -tion agricole (produits contenant des organismesgénétiquement modifiés [OGM], antibiotiques,autres médicaments destinés aux animaux,etc.), semble lui aussi manquer de ressources.Comme consé quence principale, on note un re-tard considérable de l’homologation de certainsproduits et, par ailleurs, l’obtention d’autorisa-tions d’entrée au Canada de produits qui n’ontpas fait l’objet d’une évaluation scientifique adé-quate. En général, on se fie au processus d’ho-mologation des autres pays, sans tenir comptedes effets de ces produits utilisés dans desconditions climatiques et agronomiques quipeuvent être fort différentes au Canada. Les procédures actuelles doivent être resserréespuisque la santé des Canadiens est en jeu.

3. Le commerce international etla gestion de l’offreLe gouvernement fédéral, rappelons-le, est res-ponsable du commerce extérieur. Le plus im-portant dossier en matière agricole associé àcette responsabilité est la gestion de l’offre.

Le gouvernement canadien a systématiquementdéfendu la gestion de l’offre dans les forums in-ternationaux traitant du commerce international,notamment à l’Organisation mondiale du com-merce (OMC). Mais de nombreux observateursnotent qu’il n’a pas exercé un grand leadershipsur cette question à l’échelle internationale. Aucours des pourparlers sur les échanges com-merciaux, il n’a pas cherché à inscrire les préoc-cupations sur la gestion de l’offre dans unevision plus large du traitement particulier del’agriculture. Il ne semble pas avoir activementtravaillé à rallier d’autres pays à une telle vision.C’est pourquoi le Canada demeure relativementisolé dans les rondes actuelles de négociation àl’OMC sur la gestion de l’offre.

De nombreux participants aux audiences de laCommission ont réclamé des règles particulièrespour l’agriculture dans le commerce mondial,puisque les fonctions essentielles de ce secteur,dans un très grand nombre de pays, se situentnotamment sur le plan de l’alimentation et del’occupation du territoire. Ils ont revendiqué avecforce une « exception agricole », du type de l’« exception culturelle » dont les pays ont convenuà l’Organisation des Nations unies pour l’éduca-tion, la science et la culture (UNESCO).

La Commission s’est intéressée à cette questionparce qu’elle repose sur des préoccupations lé-gitimes et qu’elle présente un intérêt évidentpour l’agriculture et l’agroalimentaire québécois.Elle a consulté des experts, dont M. Ivan Bernier,professeur émérite à la Faculté de droit de l’Uni-versité Laval, qui a été étroitement associé à lanégociation de la Convention sur la protectionet la promotion de la diversité des expressionsculturelles. La Commission a aussi sollicité un avis sur le sujet auprès de Mme GenevièveParent, professeure agrégée à la Faculté de droitde l’Université Laval.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Chapitre 13 241

Il ressort de ces consultations et de l’opinion deMme Parent que la Convention conclue sousl’égide de l’UNESCO « ne prime pas sur les autresaccords internationaux, notamment sur ceux del’OMC, et qu’aucune de ses dispositions ne peutêtre interprétée comme modifiant les droits etobligations des Parties au titre d’autres traités ».La Convention ne constitue donc pas un précé-dent qui permettrait, comme certains le souhaitent,de contourner les règles de l’OMC.

Les experts soulignent en outre que, contrairementaux produits culturels qui ne bénéficient d’aucuntraitement particulier au sein de l’OMC, l’agri-culture a toujours été traitée de manière distinctedans les pourparlers internationaux sur le com-merce. Madame Geneviève Parent rappelle que« les membres de l’OMC ont en quelque sortereconnu la spécificité du secteur agricole enl’encadrant de manière particulière depuis 1995par l’Accord sur l’agriculture et l’Accord sur l’ap-plication des mesures sanitaires et phytosani-taires. L’Accord sur l’agriculture est l’accord del’OMC qui pousse le plus loin l’idée de prendreen compte des considérations non commer-ciales au sein de l’OMC ».

C’est d’abord au sein de l’OMC qu’il faut défendreces points de vue.

De nombreux pays, notamment en Europe, adoptent des positions qui, à plusieurs égards, sont proches de celles prises au Canada et au Québec au sujet du traitement de l’agriculture dans les ententes sur le commerce mondial. Loin de se cantonner dans des attitudes protectionnistes,ces pays reconnaissent que les produits agricoles n’ont pas uniquement une valeur commerciale et que les négociations en cours à l’OMC doivent reconnaître définitivement cette réalité.

Le Canada pourrait trouver du côté des dirigeantsde pays comme la France, la Suisse, l’Allemagneet l’Autriche, pour ne nommer que ceux-là, desalliés de poids dans sa lutte pour une recon-naissance de certaines spécificités régionalesdans la commercialisation des produits agricoles.

De même, l’UPA et certaines organisations nongouvernementales ont cherché à mobiliser lesorganismes d’autres pays en vue de défendredes mesures comme la gestion de l’offre. Unegrande partie de ces efforts semblent avoir étédéployés auprès des organisations des pays envoie de développement. Sans nier l’importanced’une manifestation de solidarité envers les populations de ces pays, il semble tout aussi important, et sans doute plus immédiatementprofitable, de tisser des liens avec les pays d’Eu-rope susceptibles d’exercer une influence plusdéterminante sur les prochaines règles du jeu ducommerce mondial des produits agricoles.

Il ne faut cependant pas sous-estimer l’impor-tance d’une démarche comme celle qui aconduit à la ratification de la Convention sur laprotection et la promotion de la diversité des ex-pressions culturelles. Comme un grand nombrede membres de l’OMC sont également signa-taires de la Convention, il est clair que leurs né-gociations à l’OMC en matière de culture serontteintées des valeurs défendues par la Conven-tion, d’où une influence certaine sur le contenudes discussions et le texte des accords. C’esten ce sens que Mme Parent exprimait l’avis quela situation particulière du traitement du secteuragricole en droit international doit être négociéedans le cadre de l’OMC, tout en « poursuivanthors OMC les efforts pour promouvoir et proté-ger la diversité des pratiques et des produitsagricoles ».

242 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

49.

RecommandationEn conséquence, la Commission sur l’avenir de l’agriculture et del’agroalimentaire québécois recommande :

Que le gouvernement du Québec et ses partenaires du secteuragricole et agroalimentaire s’allient afin de réclamer du gouverne-ment fédéral : • une part adéquate des ressources financières consacrées à ce

secteur; • un renforcement du système d’inspection des aliments et d’ho-

mologation des produits afin que la santé des Canadiens et desQuébécois soit adéquatement protégée et que les producteursd’ici qui respectent ces normes soient traités équitablement;

• une extension des partenariats en matière de recherche et d’in-novation avec les institutions et les entreprises québécoises;

• un leadership plus affirmé du gouvernement canadien sur lascène internationale à l’égard du traitement de l’agriculture dansles règles de l’Organisation mondiale du commerce, notamment : – l‘insertion de la gestion de l’offre dans une vision plus large

du traitement particulier de l’agriculture dans les échangescommerciaux;

– la recherche active d’alliés, notamment auprès des gouverne-ments des pays développés, afin que soit définitivement admisela réalité voulant que les produits agricoles aient une importancequi va au-delà de leur valeur commerciale et qu’en conséquence,les accords sur les échanges puissent laisser place à des poli-tiques nationales qui favorisent la production locale;

– la promotion du principe de traitement particulier de l’agri-culture dans les échanges commerciaux et la recherche d’alliésau sein d’autres instances internationales que l’Organisationmondiale du commerce où sont abordées les questions relativesà l’alimentation, à la santé, à l’environnement, au développe-ment régional et au développement humain.

Le gouvernement a mandaté la Commission surl’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentairequébécois pour la réalisation du diagnostic d’unsecteur qui traverse une zone de turbulence etcherche ses voies de développement. Ce secteurprend appui sur les nombreux acquis qui consti-tuent sa force et avec lesquels il faut compterpour bâtir l’avenir. En même temps, ces acquispeuvent présenter des entraves à l’épanouisse-ment du secteur dans la mesure où les acteursoffriraient de la résistance à faire évoluer les sys-tèmes sur lesquels reposent ces acquis afin deles adapter aux réalités du temps présent.

Les citoyens et citoyennes n’avaient pas eud’occasion d’exprimer leur conception de l’agri-culture et de ce qu’ils en attendent. Ils ont ré-pondu à l’invitation de la Commission et ont prispart au débat. Les producteurs agricoles, lestransformateurs, les distributeurs et les autresacteurs du secteur agricole et agroalimentaireont exprimé ouvertement leurs points de vue etles ont partagés avec leurs concitoyens. LaCommission a décortiqué, parfois de manière unpeu chirurgicale, certains modes de fonctionne-ment des institutions de ce secteur afin de mieuxexpliquer à la fois les contraintes des systèmeset le potentiel de créativité qui peut être déployésans qu’il faille jeter ces systèmes par terre. Lediagnostic posé en étonnera certains et il pourraparaître sévère. Il faut dire que la plupart des en-jeux exposés dans ce rapport n’ont été débattusjusqu’ici qu’au sein des instances agricoles et descercles d’initiés.

Le grand constat que fait la Commission aprèsdix-huit mois d’examen, c’est que le secteuragricole et agroalimentaire s’est doté d’un régimede lois, de règlements, de structures et de façonsde faire qui a atteint un tel niveau de resserrementqu’il risque littéralement de l’étouffer. Tout enpréservant les piliers de ce système, il est im pératif de lui insuffler de l’oxygène afin de permettre l’éclosion de multiples innovations,d’initia tives diverses, de partenariats originaux,de nouvelles audaces. Bref, il faut ouvrir le sys-tème. L’ouvrir au dialogue au sein du secteur agri-cole et agroalimentaire et avec la société civile.L’ouvrir à l’expression des attentes des consom-mateurs et à une attitude proactive afin de ré-pondre aux besoins de produits santé. L’ouvrir àune vision multifonctionnelle de l’agriculture.L’ouvrir à une mise en marché qui favorise, par lefoisonnement des initiatives, des produits agri-coles différenciés. L’ouvrir aux divers modesd’agriculture. L’ouvrir aux jeunes qui veulent join-dre les rangs de la profession agricole. L’ouvrirau pluralisme dans les instances agricoles. L’ou-vrir en faisant les gestes qui permettent d’assu-rer l’avenir, sans faire table rase des acquis etdes institutions en place.

Ce chantier d’ouverture est vaste et ambitieux.Les réformes que nous avons proposées sont in-dispensables au renouveau et à l’épanouisse-ment de l’agriculture. On ne peut cependant pastout entreprendre en même temps. Il faut se donnerdu temps pour agencer efficacement les étapesde révision et pour gérer les changements qu’ellesinstaurent. Des phases de transition seront aussinécessaires et il faut en convenir dès mainte-nant. La Commission propose d’ailleurs au gou-vernement, en complément du présent rapport,un plan de mise en œuvre de ses principales recommandations.

Conclusion

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Conclusion 243

244 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

L’État québécois devra assumer le leadershipqui est spécifiquement le sien dans la conduitede ces réformes. Nous parlons bien entendud’un leadership d’ouverture et de participationpuisque les enjeux de l’agriculture et de l’agroa-limentaire de demain font appel à la mobilisationde la classe agricole, certes, mais aussi de nom-breux autres acteurs politiques, économiques etsociaux. Nous souhaitons que les principauxpartis politiques du Québec épousent les élé-ments importants de la vision qu’a dégagée laCommission et que par delà les divergences quiles opposent au quotidien, ils acceptent de col-laborer activement à l’avènement des change-ments que la Commission juge incontournables.

La plupart des recommandations interpellent directement le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec et lesinstitutions dont il est responsable. C’est pour-quoi la Commission a exprimé clairement le besoin d’accorder au Ministère qu’il dirige lesmoyens de s’acquitter de son importante mis-sion, dans toutes ses dimensions. Certaines re-commandations de la Commission concernenttoutefois l’ensemble du gouvernement et toute lasociété. Ces enjeux commandent, de notre pointde vue, la parti cipation active du premier minis-tre dans les mécanismes de suivi des travaux dela Commission.

Il convient donc d’envisager un mécanisme de suivien deux phases. Le ministre de l’Agriculture, desPêcheries et de l’Alimentation du Québec devraitrassembler les décideurs du secteur agricole etagroalimentaire afin d’établir le plan d’action del’après-commission, de convenir de la séquencedes travaux à mener et du processus d’examendans son ensemble. Cette table des décideursdevrait également être composée, en plus des re-présentants des diverses filières agricoles etagroalimentaires, des représentants du secteur dela santé, des consommateurs, des organismesenvironnementaux et des municipalités. Cetteétape cruciale de concertation devrait permettreau ministre responsable du ministère de l’Agri-culture, des Pêcheries et de l’Alimentation duQuébec de rassembler les principaux élémentsde la future politique agricole du Québec sur labase des recommandations de la Commission.

Il faudra aussi étendre la discussion au-delà despartenaires du secteur agricole et agroalimen-taire. Dégager une vision d’avenir de ce secteur,c’est aussi engager un débat de société. Lespartenaires économiques, sociaux, environne-mentaux et politiques doivent prendre part à cedébat. Il s’agit de favoriser le ralliement de laplus grande majorité possible de Québécois au-tour d’une vision partagée de l’agriculture. LaCommission jugerait appropriée la tenue, tousles deux ans, d’un exercice ouvert de suivi desrecommandations de la Commission.

La Commission a été confortée, au cours de sontravail, dans sa conviction que l’agriculture etl’agroalimentaire québécois ont non seulement leurplace dans la société et l’économie québécoises,mais qu’ils ont un important potentiel d’émanci-pation et de développement. Les voies de chan-gement qu’elle recommande d’emprunter sontcertes exigeantes, mais elles paraissent à la foisinévitables et porteuses de grands espoirs.

Notre seul souhait est que les acteurs du milieuagricole et les citoyens s’emparent de ces recom-mandations de la Commission pour tisser une solidarité nouvelle et pour s’engager avecconfiance et audace dans l’avenir.

Les recommandations de la Commission surl’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentairequébécois doivent être mises en œuvre graduel-lement. Certaines requièrent des modificationslégislatives, d’autres nécessitent des simulationsdétaillées ou la conception de nouveaux pro-grammes et certaines mesures doivent prévoirdès le départ des phases de transition.

Il importe aussi que le gouvernement instaure unmécanisme transparent de suivi afin de faciliterla prise en charge du rapport de la Commissionpar les acteurs du secteur agricole et agroali-mentaire et par les institutions et les groupes in-téressés de la société civile.

En complément de son rapport, la Commissionpropose donc un plan de mise en œuvre de sesprincipales recommandations. Ce plan d’actions’adresse bien entendu au gouvernement. En lepubliant, la Commission veut également signaleraux personnes intéressées par l’avenir de l’agri-culture et de l’agroalimentaire que les change-ments qu’elle préconise devraient être implantésde manière progressive, selon un scénario quimaintient le cap sur les orientations qu’elle pri-vilégie, tout en accordant aux personnes et auxorganisations touchées le temps et les moyensnécessaires à leur participation aux décisions età leur gestion correcte des changements.

Ce plan de mise en œuvre tient compte du pro-cessus décisionnel du gouvernement. Il peutêtre décliné en quatre phases :

Phase 1 : l’appropriation du rapport de la Commission;

Phase 2 : la réalisation des études techniques et la consultation des acteurs;

Phase 3 : les décisions du gouvernementet de l’Assemblée nationale;

Phase 4 : le processus d’implantation des mesures, programmes et stratégies.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Plan d’action 245

Annexe 1 : Propositions de mise en œuvre

Phase 1 : L’APPROPRIATION DU RAPPORT DE LA COMMISSION

Cette phase concerne des activités qui pour-raient se tenir au printemps 2008.

L’une des premières actions structurantes à en-gager dans les semaines qui suivront le dépôtdu rapport de la Commission est de solliciter etde structurer la participation des grandes insti-tutions et des partenaires du secteur agricole etagroalimentaire à l’analyse et à la mise en placegraduelle des éléments de vision dégagés par laCommission. Le rapport de la Commission doitaussi mobiliser les représentants du secteur etdes organismes intéressés par les enjeux del’agriculture, en particulier sur le plan de la santé,de l’environnement et de la consommation.Étant donné l’importance des changements àengager, il est essentiel que cet exercice soitconduit dans un esprit de concertation, mêmes’il sera vraisemblablement difficile de recueillirl’assentiment unanime des participants à l’égardde certains enjeux.

Le gouvernement devrait confier au ministre del’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec la responsabilité d’assurer la coordi-nation interministérielle requise pour favoriser lamise en œuvre des recommandations de laCommission.

La deuxième action concerne l’élaboration d’uncadre budgétaire, principalement à l’intention duministre de l’Agriculture, des Pêcheries et del’Alimentation du Québec, prévoyant les res-sources qui lui seront octroyées au cours descinq prochaines années afin de donner suite aux recommandations de la Commission. À partir dece cadre budgétaire quinquennal, certaines dé-cisions pourront être arrêtées dans le processusde préparation du budget 2008-2009 du gou-vernement.

Entre le moment du dépôt du rapport de la Com-mission et la présentation du prochain Discourssur le budget, il ne restera que deux à trois mois.Il est cependant possible de traduire dans cebudget certaines recommandations qui s’impo-sent d’elles-mêmes et qui ne nécessitent pas delongues consultations. Le gouvernement pour-rait, notamment :

• Amorcer la révision de l’enveloppe budgétairedu ministère de l’Agriculture, des Pêcheries etde l’Alimentation du Québec;

• Resserrer les critères et les modes de gestiondu Programme d’assurance stabilisation desrevenus agricoles (ASRA) comme condition derenouvellement de l’entente liant le gouverne-ment et La Financière agricole du Québec;

• Élaborer les principaux éléments d’une straté-gie visant à accélérer les investissements dansle secteur de la transformation alimentaire;

• Revoir les critères d’admissibilité de certainesactivités du secteur agricole et agroalimentaireaux crédits d’impôt remboursables à la R et D.

246 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Phase 2 : LA RÉALISATION DES ÉTUDES TECHNIQUES ET LA CONSULTATION DES ACTEURS

Cette phase pourrait se dérouler entre le prin-temps 2008 et l’automne 2009.

Elle consisterait, notamment :

• à analyser dans le détail chacune des propo-sitions de la Commission;

• à effectuer les simulations appropriées, sur leplan technique et financier;

• à concevoir les programmes et mesuresd’aide financière;

• à arrêter le libellé des changements à appor-ter à diverses lois;

• à prévoir dans certains cas des mesures detransition et à proposer un certain ordre depriorités;

• à mener des consultations, tant au sein dusecteur agricole et agroalimentaire qu’auprès desautres ministères, institutions et organismesintéressés ou touchés par les changementsenvisagés.

Selon la complexité des sujets abordés, certainstravaux pourraient être complétés dès l’été 2008alors que d’autres nécessiteront vraisemblable-ment plusieurs mois additionnels d’analyse et deconsultation.

Deux grands chantiers devraient être réalisésdurant cette phase cruciale d’analyse et deconsultation : l’un financier, l’autre législatif.

Sur le plan financier, c’est évidemment la trans-formation de l’ASRA en un programme de soutienuniversel à la production agricole qui sera aucœur des travaux. On peut résumer succinctementcette phase de la manière suivante :

• Entente avec le gouvernement fédéral sur laparticipation des agriculteurs québécois auxnouveaux programmes Agri-investissement et Agri-stabilité et sur la gestion de ces pro-grammes au Québec (printemps et automne2008);

• Élaboration des principaux paramètres dunouveau programme universel de soutien àl’entreprise agricole (automne 2008);

• Proposition des principales modalités de miseen œuvre de ce nouveau programme pour lesproductions non couvertes par l’ASRA (au-tomne 2008);

• Élaboration du programme de transition (hiver 2009);

• Établissement des modalités de mise en œuvredu nouveau mode de soutien à l’entrepriseagricole pour les productions assujetties àl’ASRA, évaluation des scénarios financiers etdétermination des phases de transition (au-tomne 2008 et hiver 2009).

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Plan d’action 247

En matière législative, les travaux devraient éga-lement être échelonnés dans le temps, comptetenu de la complexité variable des enjeux traitéset des contingences de l’Assemblée nationale.Dans cette phase de préparation des proposi-tions législatives, on pourrait raisonnablementanticiper les étapes suivantes :

• Élaboration d’un projet de loi visant à faire del’Institut de technologie agroalimentaire un or-ganisme autonome d’enseignement et detransfert technologique dirigé par un conseild’administration et relevant du ministre del’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimenta-tion du Québec (automne 2008);

• Préparation des modifications à apporter à laLoi sur la protection du territoire et des activitésagricoles (et, par concordance, à la Loi surl’aménagement et l’urbanisme et à certaineslois municipales) (printemps et été 2008);

• Préparation des modifications envisagées à laLoi sur la mise en marché des produits agricoles,alimentaires et de la pêche (automne 2008);

• Préparation des modifications à la Loi sur lesproducteurs agricoles portant notamment surl’association représentative (printemps 2009).

Au cours de cette phase, le ministre de l’Agri-culture, des Pêcheries et de l’Alimentation pourraitélaborer et proposer un projet de politique agri-cole et agroalimentaire en prenant appui sur lesrecommandations de la Commission. Cette ini-tiative aurait l’avantage de présenter la vision etles choix stratégiques du gouvernement et, enprésumant qu’ils seront rassembleurs, de faciliterla gestion des changements requis.

Bien entendu, parallèlement à la conduite de ceschantiers majeurs, le MAPAQ, les autres minis-tères et les acteurs du secteur agricole et agroa-limentaire devraient s’employer à analyser et àpréparer la mise en œuvre d’autres sections durapport de la Commission. Des travaux devraientêtre engagés, par exemple, pour élaborer desstratégies de développement de certaines filières(horticulture ornementale, production biologique,fromages, industrie viticole, légumes en serre,etc.), pour définir des règles relatives à l’éco-conditionnalité, pour déterminer les créneauxprioritaires de recherche, pour revoir le finance-ment des services d’inspection, etc.

248 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Phase 3 : LES DÉCISIONS DU GOUVERNEMENT ET DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Cette phase s’étendrait du printemps 2009 auprintemps 2010.

Une fois les analyses complétées et les consul-tations menées, il appartiendra au gouvernementet, le cas échéant, à l’Assemblée nationale duQuébec, de prendre les décisions, de procéderaux arbitrages nécessaires et d’arrêter les choixdéfinitifs. Ces décisions devront évidemment êtreprises dans un contexte d’ensemble en tenantcompte des grandes priorités du gouvernement,de l’état des finances publiques et des éléments deconjoncture.

Tout en reconnaissant au gouvernement sa totaleliberté de choix, la Commission peut entrevoir queles décisions les plus importantes pourraientnormalement être prises selon l’échéancier ap-proximatif suivant :

• Adoption des critères du programme de sou-tien financier aux entreprises agricoles et duprogramme de transition de même que desmodalités de mise en œuvre de ces program -mes pour les entreprises assujetties à l’ASRA(printemps 2009, à l’occasion du Discours surle budget);

• Présentation à l’Assemblée nationale d’unprojet de loi sur le statut de l’Institut de tech-nologie agroalimentaire et des modifications àla Loi sur la protection du territoire et des ac-tivités agricoles (automne 2008);

• Présentation à l’Assemblée nationale d’unprojet de loi amendant la Loi sur La Financièreagricole afin de lui appliquer les nouvelles rè-gles de gouvernance des sociétés d’État (au-tomne 2008);

• Présentation à l’Assemblée nationale desamendements à la Loi sur la mise en marchédes produits agricoles, alimentaires et de lapêche (printemps 2009);

• Présentation à l’Assemblée nationale des modi-fications à la Loi sur les producteurs agricoles(automne 2009).

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Plan d’action 249

Phase 4 : LE PROCESSUS D’IMPLANTATION DES MESURES, PROGRAMMES ET STRATÉGIES

Cette phase s’étendrait de l’automne 2009 àl’année 2011.

Une fois que le gouvernement ou l’Assembléenationale aura statué, on doit aussi prévoir uneimportante phase d’implantation.

La mise en place des mesures d’aide financière,par exemple, doit être précédée de nombreusesopérations administratives : préparation du ma-tériel destiné à informer les clientèles visées, for-mation du personnel des organismes chargésd’administrer les programmes et les mesures,adaptation des systèmes informatiques, concep-tion des mesures de contrôle et de reddition decomptes, etc. Selon l’importance des change-ments apportés aux programmes, il faut compterde six à douze mois entre la décision de créerun nouveau programme et son implantation ef-fective.

Pour ce qui est des mesures législatives, ellessont souvent accompagnées de la préparation derèglements qui en précisent certaines modalitésd’application. Là encore, il faut compter plusieursmois pour préparer ces règlements et pourconsulter et informer la population.

Cela signifie que, dans la mesure où les déci-sions seraient prises selon l’échéancier esquisséplus haut, les programmes d’aide financière etles mesures législatives pourraient prendre effetdans l’horizon suivant :

• Nouveau programme de soutien aux entreprisesagricoles pour les productions non couvertespar l’ASRA (automne 2009);

• Nouveau programme de soutien aux entreprisesagricoles et programme de transition pour lesproductions assujetties à l’ASRA (applicationprogressive à compter de 2010);

• Nouveau statut pour l’Institut de technologieagroalimentaire (automne 2009, à l’occasionde la nouvelle année scolaire);

• Entrée en vigueur des modifications à la Loisur la protection du territoire et des activitésagricoles (à compter de 2010);

• Mise en œuvre des nouvelles dispositions de laLoi sur la mise en marché des produits agri-coles, alimentaires et de la pêche (à compterde l’automne 2010);

• Accréditation éventuelle de nouvelles asso-ciations représentatives des producteurs agri-coles et consultation des agriculteurs sur lechoix de leur association (2011).

Bien sûr, les propositions avancées ici ne couvrentpas l’ensemble des actions législatives, régle-mentaires et administratives qui devraient êtremenées au cours des prochains mois et des pro-chaines années afin de souscrire aux recom-mandations de la Commission. Elles veulentsimplement illustrer l’importance d’un mécanismerigoureux et continu de suivi des travaux de laCommission, donner un aperçu de l’énergie qu’ilfaudra consacrer à ce vaste chantier et soulignerque les changements proposés doivent êtregérés correctement, en concertation avec lesacteurs intéressés.

Mettons-nous au travail!

250 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Annexe 1 251

La production agricole et l’aide de l’État

1.

2.

3.

4.

5.

Que le gouvernement du Québec consacre annuellement aux me-sures de soutien aux producteurs agricoles le même montant qu’il ya affecté en moyenne au cours de chacune des cinq dernières années;

Que le gouvernement du Québec prenne entente avec le gouver-nement fédéral afin que les agriculteurs québécois aient accès à unprogramme fédéral bonifié de stabilisation des revenus agricoles età une intervention adéquate en cas de catastrophe naturelle;

Que le Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles(ASRA) du Québec évolue progressivement vers un programmeuniversel de soutien à l’entreprise agricole ayant pour objectif decontrebalancer les coûts de production résultant de la nordicité del’agriculture québécoise et de certaines contraintes de nature en-vironnementale et sociale imposées implicitement aux producteurset que le marché ne peut reconnaître facilement;

Que le gouvernement apporte immédiatement des correctifs auProgramme d’assurance stabilisation des revenus agricoles, dansle cadre de la révision de l’entente avec La Financière agricole duQuébec, afin d’assurer un traitement plus équitable des produc-teurs qui y participent et d’éviter toute forme de « surcompensa-tion ». Cette révision toucherait les éléments suivants :• l’indexation, chaque année, des coûts de production et des ren-

dements dans le calcul du revenu stabilisé;• l’établissement des coûts de production à partir des données

repré sentant la moyenne de 75 % des entreprises les plus perfor-mantes;

• le plafonnement du niveau de contribution et de compensationsdu Programme par ferme, de manière à ce que la compensationne dépasse pas 150 000 $ par année, ou un montant régressif àpartir d’un seuil de l’ordre de 150 000 $;

Que le programme de soutien à l’entreprise agricole qui rempla-cerait graduellement le Programme d’assurance stabilisation desrevenus agricoles soit élaboré et mis en place le plus rapidementpossible pour les productions non admissibles à ce programme etnon assujetties à la gestion de l’offre, et qu’il comporte les caracté-ristiques suivantes :• être universel, c’est-à-dire que toutes les productions soient ad-

missibles;• être soumis à l’écoconditionnalité;• être géré par La Financière agricole du Québec;

Annexe 2 : Liste des recommandations

La production agricole et l’aide de l’État

6.

7.

Que l’aide financière du programme de soutien à l’entreprise agri-cole consiste : • en un soutien de base offert à l’ensemble des producteurs, sauf à

ceux qui ont des productions sous gestion de l’offre, jusqu’à unmaximum de l’ordre de 150 000 $ par ferme et par année. Cepaiement direct annuel serait établi sur deux bases :– un premier montant correspondant à 10 % des ventes nettes

reconnues et s’appliquant aux premiers 50 000 $ de ventes;– un montant complémentaire établi sur la base de l’historique de

la production de chaque ferme, qui tiendrait compte de critèrescomme les superficies cultivées ou le nombre d’animaux élevés.Ce montant serait versé chaque année, tant que le producteurdemeurerait en agriculture, et il serait indépendant du type deproduction et de la quantité produite;

• À ce paiement direct de base pourrait s’ajouter un paiement mo-dulé en fonction : – des caractéristiques biophysiques et des conditions climatiques

rendant plus difficile l’agriculture dans certaines zones agricolesparticulières;

– des pratiques qui donnent des résultats, au regard de leur effetpositif sur le milieu biophysique, allant au-delà de l’écocondi-tion nalité (semis direct, culture biologique, etc.). Ce volet de lamodulation prendrait la forme d’un montant forfaitaire par hec-tare cultivé selon ces pratiques, qui serait versé pendant uncertain nombre d’années;

– la production de biens environnementaux spécifiques qui serait compensée en proportion des pertes de revenus occa-sionnées ou des investissements à réaliser pour produire cesbiens (bande riveraine au-delà de la norme prescrite, protectiond’un boisé, d’une source d’eau potable, d’un milieu humide oud’une aire présentant un intérêt écologique particulier, etc.);

Que le gouvernement introduise, en parallèle et en complémenta-rité avec le programme de soutien à l’entreprise agricole, une aideparticulière à la transition, conçue avant tout pour les agriculteursou un regroupement d’agriculteurs intéressés à revoir leur modede production ou à réorienter leur production, et qui couvrirait lessituations suivantes : • la réorganisation de la production afin de réduire les coûts de

production ou d’améliorer les rendements;• la conversion vers la production biologique;• la mise en place d’une activité complémentaire de transformation

à la ferme;• le développement d’un produit différencié;• l‘introduction d’une production complémentaire;• le changement de production;• le financement d’une infrastructure nécessaire à la viabilité de

l’agriculture d’une région (un abattoir, par exemple);

252 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

La production agricole et l’aide de l’État

8.

9.

10.

11.

12.

13.

Que l’aide particulière à la transition prenne les formes suivantes : • une subvention couvrant 75 % des coûts de l’élaboration d’un

plan d’affaires axé sur un objectif de transition;• le remboursement de 75 % des dépenses, y compris les frais de

remplacement de l’agriculteur par un employé de la ferme, pourles activités de formation associées au projet de transition;

• le remboursement, pendant une période minimale de deux ans, de75 % des coûts associés au recours aux services-conseils en ges-tion, en production, en transformation ou en agroenvironnement;

• une subvention directe de 5 % du montant requis pour réaliser lesinvestissements nécessaires à l’atteinte des objectifs du nouveauplan d’affaires;

• le financement, par La Financière agricole du Québec, du soldedes investissements requis ainsi qu’un congé d’intérêt pendantles trois premières années suivant l’octroi de ce financement;

• l’investissement dans une infrastructure régionale gérée selon lemode coopératif;

Que le gouvernement du Québec incite fortement les producteursagricoles soumis aux systèmes de gestion de l’offre à prendre rapi-dement action, notamment :• en limitant et en faisant baisser le prix des quotas;• en effectuant des prélèvements sur les transactions de quotas et

en adoptant d’autres mesures permettant de constituer unebanque de quotas, destinés principalement à la relève agricole,à des conditions qui facilitent leur établissement dans ces pro-ductions;

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec, dans la prochaine politique agricole, propose une stra-tégie visant à renforcer la productivité de chacun des sous-secteursde production sous gestion de l’offre;

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec reconnaisse l’horticulture ornementale comme une com-posante à part entière du secteur agricole et agroalimentaire et qu’illui accorde l’accès aux mesures d’aide technique et financière offertes aux autres filières;

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec, en concertation avec les autres ministères engagésdans le plan d’action en faveur d’une saine alimentation, élaboreune stratégie de développement de la production et de la com-mercialisation des légumes en serre;

Que le gouvernement se dote d’une stratégie de soutien à la produc-tion biologique afin de répondre aux attentes des citoyens et desconsommateurs québécois de remplacer les importations par desproduits biologiques cultivés au Québec et de favoriser l’exportationde certains produits biologiques québécois sur les marchés exté-rieurs;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Annexe 1 253

La mise en marché des produits agricoles

14. Que le système de mise en marché collective continue à constituerla base du régime de négociation des prix des produits agricolesentre un regroupement de producteurs et des acheteurs et que desassouplissements y soient apportés afin de tenir compte des nou-velles réalités de la commercialisation des produits alimentaires auQuébec. À cette fin :

• Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec définisse formellement les lieux de vente des produitsagricoles associés aux circuits courts de distribution et que, enconséquence :– les ventes des produits dans ces lieux ne soient pas assujetties

aux pouvoirs d’un office de mise en marché;– le prix de vente soit égal ou supérieur au prix de base;– l’adoption d’un règlement imposant des limites aux ventes que

chaque producteur a le droit d’effectuer dans ces lieux devente soit interdite, de même que toute disposition obligeantl’agriculteur à y être présent en personne, étant donné le niveau relativement restreint des ventes réalisées dans les circuits courts de distribution;

– les agriculteurs qui vendent des produits dans ces circuitscourts soient tenus de verser à l’office de mise en marché ou,le cas échéant, à un autre organisme de commercialisation leprélèvement qui pourrait être effectué sur ces produits et utiliséà des fins de recherche et de développement;

• Que la négociation des prix des produits agricoles, lorsqu’un planconjoint est en place, soit déterminé au terme de négociationsentre une agence de mise en marché et les représentants desacheteurs. Que ces prix, pour diverses classes de produits, soientconsidérés comme des prix de base;

• Que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaireset de la pêche soit amendée afin de pouvoir établir par règlementdes critères objectifs facilement vérifiables, justifiant la pertinenced’une entente entre un acheteur et un groupe de producteurs enmatière de différenciation de produits;

• Que des ententes, respectant les critères du règlement, puissentêtre librement conclues entre un groupe de producteurs et unacheteur ou un regroupement d’acheteurs en vue de développeret de commercialiser un produit différencié, pour autant que :– le prix offert à l’ensemble des membres du groupe de producteurs

concerné soit le même et qu’il ne puisse être inférieur ou égalau prix négocié nationalement par l’agence de mise en marché;

– l’office de vente et de mise en marché et la Régie des marchésagricoles et alimentaires du Québec reçoivent copie de l’ententeintervenue entre le groupe de producteurs et l’acheteur ou legroupe d’acheteurs;

– la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québecanalyse le projet d’entente et l’approuve en fonction des cri-tères justifiant la pertinence d’une entente en matière de dif-férenciation de produit;

– que les producteurs soient tenus de verser à l’agence de ventele montant des prélèvements applicables aux frais associés àla négociation des prix, et, le cas échéant, à la recherche, à lapublicité et au développement de la filière;

254 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

La mise en marché des produits agricoles• Que des prélèvements puissent être effectués, au terme d’échanges

entre les représentants du secteur agroalimentaire et le gouver-nement, dans le cadre du processus de mise en marché collectivedes produits agricoles, aux fins de recherche, de formation et dedéveloppement d’une filière agricole donnée, et que les fondsainsi accumulés soient gérés en concertation par les producteurs,les transformateurs et les distributeurs au sein d’une chambre decoordination prévue par la Loi sur la mise en marché des produitsagricoles, alimentaires et de la pêche;

• Que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimen-taires et de la pêche soit amendée afin de préciser que les huit ré-gisseurs de la Régie des marchés agricoles et alimentaires duQuébec sont désignés selon la procédure suivante :– deux personnes choisies à partir d’une liste de cinq noms sou-

mise par des représentants des producteurs agricoles;– deux personnes choisies à partir d’une liste de cinq noms sou-

mise par des représentants des entreprises de transformationet des entreprises de distribution alimentaire;

– deux personnes reconnues pour leurs compétences profes-sionnelles et n’exerçant pas de fonction de direction au seind’une organisation du secteur agroalimentaire;

– deux régisseurs, dont le président-directeur général, à la dis-crétion du gouvernement;

• Que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimen-taires et de la pêche soit amendée pour préciser que la Régie desmarchés agricoles et alimentaires du Québec doit tenir compte,dans l’application de la notion d’intérêt public, des conséquencesdes projets soumis ou de ses décisions sur : – le revenu des producteurs agricoles et les programmes de

soutien du gouvernement à la production agricole;– la compétitivité du secteur agricole et agroalimentaire;– le développement régional;– la demande pour les produits québécois;– la diversité des produits offerts aux consommateurs et le prix

de ces produits;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Annexe 1 255

La transformation et la distribution alimentaires

15. Que le gouvernement du Québec mette à jour et implante une stra-tégie visant à accélérer, au cours des dix prochaines années, les in-vestissements, l’innovation, la diversification des activités et ledéveloppement en région des entreprises de transformation ali-mentaire. Que cette stratégie comporte notamment les moyensd’action suivants :• des mesures exceptionnelles de soutien à l’investissement en ma-

chines et équipements;• le développement d’un programme spécifique favorisant le dé-

marrage d’entreprises de transformation, en s’inspirant du pro-gramme d’appui à la transformation et à la valorisation desproduits agricoles en région. Ce programme serait offert à l’en-semble des régions;

• des initiatives de promotion des services et de l’offre de finance-ment d’Investissement Québec auprès des représentants de latransformation alimentaire et des efforts de rapprochement decette société d’État avec les entreprises du domaine;

• la relance des activités de la Société générale de financementsous forme de prises de participation dans des entreprises detransformation agroalimentaire;

• l’octroi de crédits de fonctionnement à Transformation alimen-taire Québec afin qu’elle puisse embaucher, pour son organisa-tion centrale et dans les régions, des spécialistes sectoriels et desagents d’aide au montage des projets de développement et detransformation;

• une bonification des budgets de transfert de Transformation ali-men taire Québec afin qu’elle puisse octroyer, comme complé-ment aux autres mesures du gouvernement, des contrats deservices à des experts pouvant accompagner les promoteursdans la maturation de leurs projets de développement et leur faciliter l’accès aux diverses sources de financement;

• la mise en place d’un programme, d’une durée minimale decinq ans, couvrant 50 % des dépenses encourues pendant douzemois par une PME de moins de 100 employés de la transformationalimentaire pour embaucher un diplômé universitaire spécialisédans les procédés de transformation, le marketing, la commer-cialisation et les disciplines connexes;

• un programme d’aide à la structuration pour la filière fromagèrequébécoise, qui inclurait notamment des mesures favorisant l’accès à la recherche, l’aide-conseil et la formation de même quele soutien à la commercialisation et à la mise en place de dispo-sitifs de contrôle de qualité;

• l’élaboration d’un plan de développement de la production devin et d’alcools comprenant notamment le cofinancement, par legouvernement et les producteurs, de services d’aide-conseil, detransfert technologique, de contrôle de qualité et de promotiondes vins et alcools;

256 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

La transformation et la distribution alimentaires• la création de consortiums ou de regroupements ad hoc constitués

des institutions publiques de recherche et des entreprises privées,dont les coopératives, afin de déterminer les principaux créneauxde développement et de commercialisation des ingrédients laitiers,des aliments fonctionnels et des produits nutraceutiques et inciterces institutions et entreprises à utiliser, pour développer ces cré-neaux, les mesures découlant de la Stratégie québécoise de larecherche et de l’innovation et des crédits d’impôt remboursablesà la recherche et développement;

• une adaptation des critères d’accès aux crédits d’impôt rem-boursables pour la recherche et le développement pour tenircompte de certaines caractéristiques propres à la transformationalimentaire, notamment sur le plan de la définition du dévelop-pement de produits;

• l’admissibilité de l’Institut de technologie agroalimentaire à l’en-semble des mesures destinées aux centres collégiaux de transfertde technologie et l’admissibilité des entreprises aux crédits d’impôtremboursables pour la recherche et le développement lorsqu’ellesconcluent des ententes avec le service d’innovation technologiquede l’Institut de technologie agroalimentaire et ses autres organismesou services de recherche, de transfert et d’incubation;

• des mesures incitatives offertes aux entreprises de transformationalimentaire qui s’implantent ou qui prennent de l’expansion dansles régions périphériques du Québec, mesures axées principa-lement sur le soutien au développement de leurs créneaux spé-cifiques;

• le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Ali-mentation du Québec au développement des appellations réser-vées par la mise en œuvre de la Loi sur les appellations réservéeset les termes valo risants et par la mise à jour du Programme d’ap-pui au développement des appellations réservées dans une optique de partage des coûts entre le gouvernement, les pro-ducteurs et les transformateurs intéressés;

• le soutien du gouvernement au développement de marques parles grandes entreprises agroalimentaires du Québec, notamment enreconnaissant les frais encourus pour développer et consoliderune marque nationale comme des dépenses admissibles aux pro-grammes d’aide financière aux entreprises manufacturières;

• l’harmonisation des interventions du ministère de l’Agriculture,des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec et du ministère duDéveloppement économique, de l’Innovation et de l’Exportationen matière de soutien à l’exportation et la mise à contribution plussystématique des délégations et bureaux du Québec à l’étrangerdans l’aide à l’exportation des produits agroalimentaires québécois;

• la promotion active de la concertation comme moyen de planifieret de stimuler le développement du secteur agroalimentaire québécois;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Annexe 1 257

La transformation et la distribution alimentaires

16. Que le gouvernement du Québec contribue à rassembler les condi-tions afin que la distribution alimentaire accroisse son effet de leviersur le développement et la diversification de la production agricoleet de la transformation alimentaire, par l’adoption des mesures suivantes : • le soutien au développement des circuits courts de distribution

alimentaire, notamment par une révision de la réglementation etdes pratiques de mise en marché et d’occupation du territoireagricole et par un soutien à la promotion de ces circuits;

• le développement, par le ministère de l’Agriculture, des Pêche-ries et de l’Alimentation du Québec, d’un outil de monitoring desachats de produits alimentaires effectués par les Québécois dansles divers types de commerces de détail, en association avec leConseil canadien de la distribution alimentaire, les représentantsdes magasins non spécialisés en alimentation et les entreprisesresponsables de l’approvisionnement des hôtels, restaurants etinstitutions et l’utilisation de ces informations dans une perspec-tive d’amélioration de la compréhension des attentes desconsommateurs;

• la mise en place, dans le respect des règles du commerce, d’une po-litique concertée d’approvisionnement des écoles, des centres dela petite enfance, des hôpitaux, des centres d’hébergement et descentres de détention, en produits agricoles québécois contribuant àla saine alimentation comme élément majeur de la mise en œuvredes stratégies gouvernementales relatives à l’alimentation et à la nutrition;

• la formulation d’attentes précises à la Société des alcools du Qué-bec en faveur de partenariats avec les producteurs québécois devins et d’alcools et d’une promotion adéquate des vins et alcoolsquébécois;

• une contribution annuelle du ministère de l’Agriculture, des Pê-cheries et de l’Alimentation du Québec de 2 millions de dollars àl’organisme Aliments du Québec, en contrepartie d’une mise defonds annuelle de 6 millions de dollars de la part des transfor-mateurs, distributeurs et producteurs, et la révision du moded’organisation et de gestion de cet organisme dont l’objectif se-rait de généraliser, en trois ans, l’application du label Alimentsdu Québec à l’ensemble des produits du Québec présents dansle commerce de détail;

258 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

La formation et le perfectionnementdes ressources humaines

17.

18.

Que l’Institut de technologie agroalimentaire change de statut etdevienne une société d’État qui relèverait directement du ministrede l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (et non pas du Ministère). L’Institut serait dirigé par un conseil d’ad-ministration dont les membres, nommés par le gouvernement, pro-viendraient des organisations représentant les producteursagricoles, les entreprises de transformation, les entreprises de services, les facultés universitaires du secteur (agronomie, méde-cine vétérinaire, etc.) et les professeurs de l’Institut de technologieagroalimentaire de même que des personnes reconnues pour leurexpertise en matière de consommation et d’environnement. Un sous-ministre du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et del’Alimentation du Québec et un autre du ministère de l’Éducation,du Loisir et du Sport siégeraient également à ce conseil d’adminis-tration;

Qu’en plus d’assumer la mission qui est actuellement la sienne,l’Institut de technologie agroalimentaire se voie officiellementconfier les mandats suivants : • Réviser et mettre continuellement à jour, en concertation avec les

établissements d’enseignement et le ministère responsable, l’en-semble des programmes de formation initiale, professionnelle ettechnique du secteur agricole et agroalimentaire, dans une optiquede complémentarité des offres de formation, et faire sanctionner cesprogrammes par le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport;

• Privilégier la formule de l’alternance travail-études comme modede conception et de livraison des programmes de formation enagriculture et en agroalimentaire;

• Mettre sur pied et gérer un programme d’accréditation de fermesmodèles pouvant servir de lieu de recherche et de formationdans le cadre des programmes d’alternance travail-études;

• Accroître les contenus de formation qui touchent à l’économie, àla gestion et à l’agroenvironnement et étendre la formation auxnouvelles dynamiques de marché (produits différenciés, produc-tion-transformation, production biologique, approvisionnementdes marchés locaux et régionaux, marchés de niche, appellationscontrôlées, etc.);

• Conseiller le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport enmatière de coordination et de rationalisation de l’offre de formationprofessionnelle et technique initiale dans les régions agricoles duQuébec, tout en assurant la qualité de la formation et en favorisantle meilleur accès à cette formation dans les diverses régions;

• Participer à la supervision de l’offre de formation continue enmaximisant l’utilisation des installations et des organisations des divers réseaux dans les régions, de concert avec le ministère del’Éducation, du Loisir et du Sport;

• Favoriser les échanges de personnel et d’équipements entre lesétablissements afin d’assurer une formation de qualité dans lesrégions;

• Favoriser la diffusion des connaissances professionnelles et tech-niques au sein du secteur agricole et agroalimentaire;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Annexe 1 259

La formation et le perfectionnementdes ressources humaines

19.

20.

21.

22.

Que La Financière agricole du Québec revoie graduellement à lahausse les exigences de formation qui donnent accès à ses pro-grammes d’aide financière à l’établissement, et que, au terme d’unepériode de transition de cinq ans, un diplôme d’études collégialesspécialisées en agriculture (ou une formation équivalente et perti-nente) soit considéré comme niveau minimal de formation donnantaccès à cette aide financière;

Que tous les producteurs agricoles qui n’ont pas l’équivalent d’undiplôme de formation technique soient fortement incités à s’engagerdans un parcours personnalisé de formation leur permettant d’ac-quérir les compétences théoriques de base d’un professionnel del’agriculture et que, à cette fin :• l’Institut de technologie agroalimentaire conçoive et mette en œuvre,

avec le concours des établissements en région, une méthode dereconnaissance des acquis des agriculteurs et des travailleurs dusecteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire en milieu de travail;

• l’Institut de technologie agroalimentaire élabore un parcours deformation continue où les agriculteurs pourraient, dans uncontexte qui respecte leurs conditions de travail, s’inscrire à unprogramme qui couvre les compétences d’un professionnel del’agriculture et qui mène à un diplôme d’études collégiales spé-cialisées en agriculture ou l’équivalent;

Que le producteur agricole déjà titulaire d’un diplôme d’études col-légiales soit fortement incité à suivre, aux cinq ans, une formation demise à niveau conçue par l’Institut de technologie agroalimentaireet coordonnée par l’Institut dans les diverses régions, et que cetteformation soit officiellement reconnue;

Que des mesures incitatives soient offertes aux producteurs agricolesafin de faciliter leur parcours de formation continue, notamment :• par un programme spécial d’encouragement destiné aux agri-

culteurs et aux travailleurs engagés dans un parcours de forma-tion conduisant à un diplôme d’études. Ce programme couvrirait75 % des dépenses associées aux activités de formation des cinqpremières années et 50 % de celles des cinq années suivantes, ycompris les frais de déplacement et de remplacement de l’agri-culteur ou du travailleur sur la ferme;

• par l’obligation, qui serait faite au producteur qui demande à LaFinancière agricole du Québec d’accroître de façon notable lemontant du crédit ou de la garantie de prêt qui lui est consenti, dedémontrer qu’il possède la qualification d’un professionnel del’agriculture ou de s’engager fermement à emprunter le parcoursqui y mène, dans le respect d’un échéancier convenu avec La Financière agricole;

• par une réduction du taux des primes de certaines assurancesagricoles accordées aux professionnels de l’agriculture et unemajoration de ce taux pour les producteurs qui n’ont pas ce statutet ne participent pas à un programme de formation, puisque lerehaussement des compétences améliore la qualité de la gestionet, partant, minimise les risques;

260 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

La formation et le perfectionnementdes ressources humaines

23.

24.

25.

26.

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec, le ministère responsable de l’immigration et les parte-naires du marché du travail du secteur de l’agriculture et de l’agroali-mentaire élaborent une stratégie d’intéressement et de sélection desimmigrants en fonction des emplois non spécialisés et spécialisésdisponibles dans le secteur et que cette stratégie accorde une placetant aux travailleurs temporaires qu’aux immigrants permanents;

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec analyse et, si nécessaire, révise ou complète, en concer-tation avec le ministère du Travail et le gouvernement fédéral, lesmesures d’encadrement des travailleurs migrants saisonniers demanière à leur garantir des conditions d’hébergement, de travail etde protection sociale respectueuses de leurs droits;

Que le gouvernement favorise le recours accru aux services-conseils par les producteurs agricoles et que, à cette fin :• il s’assure que le mode de financement des services-conseils soit

compatible avec l’utilisation des formules de regroupement desagriculteurs et tienne compte des besoins globaux et à longterme des entreprises agricoles;

• il veille à l’accès des services d’aide à la gestion et à l’entrepre-neuriat dans toutes les régions agricoles du Québec;

• il tienne compte des besoins de formation continue des conseillersdans le financement des services-conseils;

• il offre un soutien financier de base aux centres régionaux d’éta-blissement en agriculture, compte tenu de leur approche multi-disciplinaire et des services particuliers qu’ils rendent à la relèveagricole;

• il s’assure que le soutien financier aux services-conseils enagroenvironnement tienne compte des responsabilités qui leursont confiées, notamment sur le plan de l’accompagnement desproducteurs à l’égard de la conformité à l’écoconditionnalité;

Que l’Ordre des agronomes du Québec rende obligatoires des acti-vités de formation continue pour ses membres et, dans cette pers-pective, que les facultés universitaires concernées élargissent leuroffre de formation et la rendent accessible dans les régions;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Annexe 1 261

La recherche et l’innovation

27.

28.

29.

30.

Que le gouvernement accroisse les ressources qu’il consacre à larecherche et à l’innovation dans le secteur agricole et agroalimen-taire, principalement par :• la révision de ses priorités budgétaires; • le prélèvement sur certains produits ciblés d’un montant réservé

notamment à la recherche et à l’innovation, au terme d’ententes departenariat avec les acteurs concernés des filières agroalimen-taires;

• l’octroi d’un crédit d’impôt remboursable aux producteurs agricoleset aux autres entreprises du secteur agroalimentaire, applicableaux prélèvements effectués sur les produits agricoles, afin desoutenir les activités de recherche, de développement et detransfert de technologies et de savoirs;

Que les choix prioritaires de recherche soient établis en tenantcompte des lignes de force de l’agriculture québécoise, des enjeuxprioritaires dont dépend son développement et des spécificités as-sociées à sa nordicité, en fonction de deux axes particulièrementdéterminants pour le futur : • les préoccupations relatives à la santé;• l’importance du respect de l’environnement;

Que le gouvernement améliore l’efficacité des organismes de re-cherche et de transfert technologique, notamment en adoptant lesmesures suivantes : • conditionner l’aide financière du gouvernement à la mise en réseau

effective de chacun des centres de recherche et des centres detransfert de technologie, en les associant, partout où cela peutêtre fait, à un centre de recherche phare de leur domaine d’ex-pertise. Ce centre phare serait en outre chargé des fonctions decoordination de l’ensemble des organismes du domaine et recevraitun financement à cette fin;

• encourager les principaux centres de recherche à établir des liensde collaboration avec certains centres internationaux de recherche;

• rationaliser les services de transfert de technologie par une plusgrande concertation entre les ministères subventionnaires, la dé-termination d’attentes de résultats pour chacun des centres detransfert technologique et la recherche d’une plus grande com-plémentarité des actions de ces centres;

• subordonner une part significative du financement des orga-nismes à leur action réelle en matière de réseautage et à l’im-portance des ententes de services ou des liens contractuels qu’ilsont établis avec les entreprises de leur domaine d’activité;

• consolider les centres actuels avant d’en créer de nouveaux;• octroyer une aide financière spéciale aux entreprises qui créent un

centre de recherche ou attirent au Québec des mandats mondiauxde recherche d’une entreprise multinationale et établissent desliens avec les centres internationaux de recherche;

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec élabore et révise périodiquement, avec ses partenairesinstitutionnels et privés du secteur, un plan cadre de la recherche et de l’innovation, plan qui définit notamment les priorités de recherche, établit des cibles de résultats et précise certaines orien-tations relatives à la mise en réseau des organismes de rechercheet de transfert;

262 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

L’environnement

31.

32.

33.

34.

35.

36.

Que les ministères et organismes concernés coordonnent leurs in-terventions en matière d’environnement auprès des producteursagricoles, qu’ils cherchent à harmoniser leurs actions avec cellesdes responsables municipaux, qu’ils offrent un accompagnementaux agriculteurs et assurent un suivi plus rigoureux du respect de laréglementation environnementale;

Que le ministère du Développement durable, de l’Environnement etdes Parcs dresse un état de situation complet sur la qualité de l’eauau Québec pour la période 2007-2009 et que cet état de situationsoit ensuite périodiquement tenu à jour;

Que tous les programmes de remboursement des taxes foncières,d’aide financière et de stabilisation des revenus des producteursagricoles soient assujettis à des règles d’écoconditionnalité com-portant les exigences suivantes :• le respect de la réglementation environnementale en vigueur;• l’élaboration d’un plan agroenvironnemental incluant minimale-

ment des cibles précises à l’égard du phosphore, de l’azote et depesticides pour l’ensemble des entreprises agricoles, plan quidevrait être révisé tous les trois ans et qui tiendrait compte, le caséchéant, des objectifs fixés à l’échelle du bassin versant;

• l’établissement de bonnes pratiques agronomiques adaptées àla situation de chaque ferme, qui tiennent compte du type de cul-ture et d’élevage, de la topographie des terres agricoles et de laqualité des sols;

Qu’une inspection par une personne mandatée par le ministère duDéveloppement durable, de l’Environnement et des Parcs soit réali-sée périodiquement dans chacune des entreprises agricoles afin devérifier la validité du plan agroenvironnemental et son application;

Que la protection de certains sites écologiques et la production debiens environnementaux fassent l’objet d’une convention de longuedurée entre la municipalité régionale de comté et le producteuragricole concernés, appuyée par le ministère de l’Agriculture, desPêcheries et de l’Alimentation du Québec et le ministère du Déve-loppement durable, de l’Environnement et des Parcs, et que cetteconvention prévoie le versement par le gouvernement du Québecou les municipalités concernées de montants compensant lespertes de revenus du producteur ou pour le défrayer des dépensesencourues pour l’aménagement du bien environnemental;

Que le gouvernement favorise la production de biogaz à partir, no-tamment, des rebuts agricoles et des lisiers, en octroyant une aidefinancière à des regroupements de producteurs ou en leur offrantd’acheter à long terme de l’électricité produite à des prix compa-tibles avec la rentabilité de tels équipements;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Annexe 1 263

L’environnement

37.

38.

39.

Que le gouvernement du Québec révise la politique de l’eau auchapitre de l’approche par bassin versant afin : • de mieux départager les responsabilités respectives du gouver-

nement et des instances municipales dans la politique de l’eau etla gestion par bassin versant;

• de placer la dynamique de la gestion par bassin versant dans lavision intégrée de l’aménagement du territoire et de prendre lesmesures nécessaires pour que les outils municipaux et gouver-nementaux d’aménagement et de développement du territoiretiennent compte des données et des exigences des plans directeursde l’eau;

• d’accorder un financement adéquat aux organismes de bassinversant, par un accroissement des ressources provenant du gou-vernement et des municipalités;

Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentationdu Québec s’entende avec les représentants des producteurs agri-coles et des autres acteurs du secteur agroalimentaire pour adop-ter un plan d’action préventif en matière de bien-être animal;

Que le gouvernement du Québec exerce un leadership auprès desautres gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral afinque les mesures suivantes soient adoptées à l’égard des organismesgénétiquement modifiés : • affectation de fonds spéciaux à la recherche sur les effets des orga-

nismes génétiquement modifiés sur l’environnement et la santé;• renforcement du processus d’homologation des produits conte-

nant des organismes génétiquement modifiés et mise en placed’un programme de recherche sur les effets à long terme dechaque organisme génétiquement modifié homologué;

• accès à l’information scientifique déposée par les fabricants desemences génétiquement modifiées dans le cadre du processusd’homologation;

• conclusion d’ententes entre le gouvernement et les producteursquébécois et canadiens de semences permettant d’offrir auxagriculteurs une sélection de variétés leur permettant de choisirsans contrainte des cultures génétiquement modifiées ou des cul-tures non génétiquement modifiées;

• mise en place sans délai de dispositifs d’analyse et de traçabilitéqui permettront de généraliser l’étiquetage des produits généti-quement modifiés au Canada;

264 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

L’environnement

40. Qu’à l’égard des organismes génétiquement modifiés, le gouver-nement du Québec :• crée un comité multidisciplinaire, relevant du Conseil de la science

et de la technologie, chargé de conseiller le gouvernement etd’informer la population sur les enjeux scientifiques, écono-miques, sociaux, environnementaux, éthiques et de santé associésaux organismes génétiquement modifiés;

• précise les paramètres qui permettent de protéger la productionbiologique contre la contamination par les organismes génétique-ment modifiés, dans le respect des lois en vigueur au Québec;

• désigne des zones témoins ou des zones de contrôle libres d’or-ganismes génétiquement modifiés, en empruntant la procédureutilisée pour désigner une réserve écologique;

• ouvre aux responsables municipaux et aux agriculteurs la possibi-lité de déterminer des zones agricoles sans organismes généti-quement modifiés, dans le cadre du plan de développement de lazone agricole ou d’un processus de différenciation et de désignationde produits agricoles sous une appellation d’origine protégée;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Annexe 1 265

L’alimentation, la santé et les attentes des consommateurs

41. Que le secteur agricole et agroalimentaire situe son développe-ment dans une perspective santé et que la nouvelle politique agri-cole du gouvernement du Québec soit orientée vers des objectifsde santé et de saine alimentation. À cette fin, que le gouvernement : • encourage le développement de produits québécois différenciés

qui sont certifiés provenir de culture ou d’élevage sans pesticidede synthèse, sans hormone de croissance et sans antibiotique uti-lisé comme facteur de croissance;

• développe des stratégies qui permettent de mobiliser le secteuragricole et agroalimentaire et les chercheurs afin de permettreaux producteurs agricoles de minimiser l’utilisation des pesticidesde synthèse et des hormones de croissance;

• prenne le leadership au sein des forums fédéraux-provinciauxafin que soit interdite au Canada l’utilisation des antibiotiquescomme facteur de croissance;

• incite toute la filière agroalimentaire à compléter la mise en placede mesures de contrôle de la qualité des produits et de gestiondes risques afin de répondre aux plus hauts standards en matièred’innocuité des aliments;

• accélère l’implantation de la traçabilité et incite le gouvernementfédéral et les autres provinces à faire de même;

• soutienne les entreprises de transformation dans leurs efforts derecherche, d’innovation et de commercialisation pour dévelop-per des produits santé;

• invite les ordres professionnels et les associations représentantles diététistes de même que les universités à orienter leur offrede service et de formation de manière à répondre le plus adé-quatement possible aux besoins des entreprises de transforma-tion et de les aider à développer et à mettre en marché desproduits alimentaires différenciés et reconnus pour leur contri-bution à une saine alimentation;

• accorde des ressources aux institutions de recherche et des cré-dits d’impôt aux entreprises privées intéressées afin de favoriserle développement du créneau des aliments fonctionnels et desnutraceutiques;

• sollicite la participation active du secteur agricole et agroalimen-taire à la mise en œuvre des stratégies et des plans d’action en fa-veur de l’adoption de saines habitudes de vie et d’alimentation;

• soutienne et favorise le développement du Centre de référenceen nutrition humaine afin que ce centre étende ses services surInternet et mette en place un centre téléphonique sur les alimentset la santé afin d’offrir une information simple et factuelle, d’unepart, sur les choix alimentaires les plus appropriés sur le plan dela santé, et d’autre part, sur les aliments et l’alimentation;

• presse le gouvernement fédéral :– d’engager des travaux sur la révision du système d’étiquetage

des produits alimentaires afin de fournir aux consommateursune information encore plus simple, claire et pertinente sur lecontenu nutritionnel des produits agricoles et des aliments;

– de renforcer les procédures d’homologation des nouveauxproduits utilisés comme intrants en agriculture et des orga-nismes génétiquement modifiés;

266 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

La protection du territoire agricole et le développement régional

42.

– d’empêcher, par une application plus rigoureuse de l’inspec-tion des aliments, l’entrée au Canada d’aliments contenant desrésidus de produits interdits d’usage ou de viandes provenantd’animaux nourris avec des substances interdites au Canadaen raison des risques qu’elles présentent pour la santé;

– de s’assurer que les importateurs de produits alimentaires auCanada assument leurs responsabilités à l’égard de l’innocuitédes aliments qu’ils font venir de l’étranger;

Que le territoire agricole du Québec soit traité comme un patrimoinecollectif faisant l’objet de mesures exceptionnelles de protectionafin d’assurer la pérennité des activités agricoles exercées, dansune optique de développement durable. À cette fin :• Que les questions relatives à l’exclusion ou l’inclusion de parcelles

de terrain de la zone agricole permanente continuent d’être traitéespar la Commission de protection du territoire agricole du Québec,organisme administratif indépendant;

• Que la ministre des Affaires municipales et des Régions préciseaux communautés métropolitaines et aux MRC qu’elles doiventrespecter la date butoir du 31 décembre 2009 comme échéanceultime du dépôt de leur schéma d’aménagement et de dévelop-pement révisé, et que le gouvernement approuve ces schémas,au plus tard le 30 mai 2010;

• Qu’à compter du 1er juin 2010, toute demande d’inclusion oud’exclusion d’une portion du territoire de la zone agricole perma-nente, soumise par une communauté métropolitaine, par uneMRC ou par une municipalité, soit traitée par la Commission deprotection du territoire agricole du Québec dans la foulée de larévision du schéma d’aménagement et de développement et quela Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles soitamendée en ce sens;

• Qu’à compter du 1er juin 2010, la Commission de protection duterritoire agricole du Québec n’accueille plus de demandes indi-viduelles d’exclusion de parcelles de terrain de la zone agricolepermanente à des fins résidentielles;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Annexe 1 267

L’alimentation, la santé et les attentes des consommateurs

La protection du territoire agricole et le développement régional

43.

44.

Que le territoire agricole serve d’assise au développement rural,dans une perspective de multifonctionnalité de l’agriculture et d’oc-cupation dynamique du territoire. À cette fin :• Que la Commission de protection du territoire agricole du Québec

établisse une liste d’activités admissibles à certaines conditionsdans la zone verte, et qui ne nécessiteraient plus son approbationpréalable. Cette liste pourrait notamment comprendre l’installationde certains types de fermes sur de petites superficies. Que cetteliste soit approuvée par le gouvernement et fasse l’objet d’un rè-glement liant la Commission et les instances municipales;

• Qu’en plus, à l’égard des projets qui ne paraissent pas sur la listed’activités établie par la Commission de protection du territoireagricole du Québec, cette dernière révise ses règles d’applicationafin que soient également autorisées dans la zone agricole per-manente des activités de production agricole et de transformationqui utilisent une faible superficie de terre, qui requièrent des ins-tallations de plus petite taille, qui combinent des activités agri-coles et des activités complémentaires ou dont les promoteurs nesouhaitent pas se consacrer à plein temps à l’agriculture, étantentendu que ces projets doivent être viables et gérés par des per-sonnes ayant les compétences requises pour les mener à terme;

Que le développement du territoire rural soit planifié selon unmode de gestion favorisant la participation des citoyens à l’échellelocale ou régionale et dans une optique d’occupation dynamiquedu territoire et, en conséquence : • Que les MRC et les communautés métropolitaines, dans la foulée de

la révision de leur schéma d’aménagement et de développement, sedotent d’un plan de développement de la zone agricole permanenteet qu’elles soumettent à la Commission de protection du territoireagricole du Québec leur vision de l’utilisation de la zone verte;

• Que la Commission de protection du territoire agricole du Qué-bec soit autorisée, à la suite d’un amendement à la loi, à délégueraux communautés métropolitaines et aux MRC qui auront com-plété la révision de leur schéma d’aménagement et de développe-ment et adopté un plan de développement de leur zone agricolepermanente, l’application des dispositions relatives aux activitésautorisées par règlement dans la zone agricole permanente;

• Que dans le traitement des demandes collectives présentées à laCommission de protection du territoire agricole du Québec parune MRC ou une communauté métropolitaine, l’Union des pro-ducteurs agricoles transmette à la Commission un avis qui doitêtre pris en compte, mais que la décision de la Commission nesoit pas subordonnée à un avis favorable de l’Union des produc-teurs agricoles;

• Que les débats relatifs à la cohabitation des activités agricoles etnon agricoles se tiennent aux niveaux local et régional et que lesrèglements de contrôle intérimaire conformes aux orientationsgouvernementales soient l’aboutissement d’une recherche deconsensus avec les organisations agricoles du milieu;

268 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

La protection du territoire agricole et le développement régional

L’utilisation de l’agriculture à d’autres finsque l’alimentation

45.

• Que le gouvernement instaure une procédure allégée d’évalua-tion des impacts environnementaux pour les projets se réalisanten milieu agricole qui soulèvent des enjeux relatifs à la protectionde l’environnement ou à la cohabitation et que le certificat d’au-torisation du projet ne soit pas délivré avant que ces travauxd’évaluation soient complétés;

Que le gouvernement du Québec encourage et encadre l’utilisationde l’agriculture à des fins de production de biocarburants et d’autresbioproduits en tenant compte, notamment, de la diversification desactivités agricoles et de la multifonctionnalité de l’agriculture, de larevitalisation des communautés rurales, de la rentabilité économiquedes projets, de la protection de l’environnement et de l’acceptabilitésociale des filières envisagées. À cette fin, le gouvernement devrait : • axer ses priorités de recherche sur l’utilisation de la cellulose

pour produire des biocarburants et des biogaz de même que surles conséquences environnementales, économiques et socialesdes divers types de production;

• reconnaître que la production de biocarburants et de bioproduitsoffre un potentiel d’accroissement du revenu des agriculteurs etde diversification de l’économie des communautés rurales etqu’il appuie le développement de ces nouvelles productions,dans la mesure où elles auront été reconnues compatibles avecles impératifs énoncés plus haut;

• assurer la convergence de sa stratégie énergétique et de sa poli-tique agricole afin de soutenir le développement des biocarbu-rants dans le respect des principes du développement durable;

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Annexe 1 269

La gouvernance

46.

47.

Que le gouvernement du Québec appuie les efforts du ministèrede l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec en vued’exercer un véritable leadership à l’égard du développement dusecteur agricole et agroalimentaire, en favorisant, notamment : • le renforcement des équipes d’analyse, de prospection et d’éla-

boration de la vision ainsi que le raffermissement du partenariat etde la concertation avec une diversité d’interlocuteurs du secteur;

• la révision des priorités d’affectation des ressources budgétairesallouées au Ministère;

• la transformation du programme de remboursement des taxesfoncières du Ministère en un crédit d’impôt remboursable offertà tous les producteurs agricoles et qui leur permettrait de rece-voir une compensation, aux conditions similaires à celles qui pré-valent actuellement, pour les taxes foncières applicables à leurentreprise agricole;

• le prélèvement, auprès des commerces vendant des produits ali-mentaires, d’un montant établi sur la base de la superficie ducommerce, afin de financer les services d’inspection des alimentsde manière à assurer des ressources stables à ces services essentiels à la santé et à la protection des consommateurs en matière d’innocuité des aliments;

• la mise à niveau du nombre des personnes-ressources affectées àla santé animale et à l’inspection des aliments et la collaboration ences matières avec le ministère de la Santé et des Services sociaux;

• l’affirmation plus nette de la mission alimentaire du Ministère, notamment par la mobilisation du secteur agricole et agroalimen-taire en faveur d’une contribution à l’atteinte des objectifs inscritsdans les stratégies gouvernementales en matière de santé etd’alimentation et par l’adoption d’une approche préventive ensanté animale et en environnement;

Que l’ensemble des producteurs agricoles du Québec adhèrent à uneassociation professionnelle représentative et qu’ils aient l’occasionde se prononcer, à intervalles convenus, sur leur choix. À cette fin : • Que la Loi sur les producteurs agricoles soit amendée afin de

pouvoir reconnaître, sur la base de critères objectifs, une ou desassociations professionnelles représentatives des producteursagricoles. Pour être ainsi reconnue, une association devrait mini-malement pouvoir démontrer à la Régie des marchés agricoles etalimentaires du Québec qu’elle représente un nombre significatifde producteurs agricoles engagés dans diverses productions ani-males et végétales et qu’elle dispose de structures de représenta-tion dans diverses régions du Québec. La Loi devrait aussi établirles critères d’accréditation d’une association représentative desproducteurs agricoles et fixer des balises pour encadrer le pro-cessus de consultation des producteurs;

• Que la reconnaissance d’une association professionnelle repré-sentative des producteurs agricoles soit valide pour cinq ans, pé-riode au terme de laquelle l’association doit démontrer qu’ellesatisfait toujours aux critères de reconnaissance;

270 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

48.

49.

• Que l’Assemblée nationale du Québec mandate le directeur gé-néral des élections afin qu’il conseille la Régie des marchés agri-coles et alimentaires du Québec dans la mise en place de laprocédure d’accréditation des associations représentatives desproducteurs agricoles;

• Que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimen-tation du Québec demande par la suite aux agriculteurs, tous lescinq ans, à quelle association représentative ils veulent adhérer.Cette consultation serait effectuée à l’occasion de l’inscriptiondes agriculteurs à titre de producteurs agricoles;

• Que le Ministère puisse, après entente avec l’association ou avec lesassociations représentatives, percevoir le montant de la cotisationannuelle des agriculteurs lors de la procédure d’enregistrementà titre de producteur agricole et la faire parvenir à l’associationdésignée ou aux associations respectives désignées;

Que le gouvernement revoie sans délai la composition du conseild’administration de La Financière agricole du Québec, conformémentaux dispositions de la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État etmodifiant diverses dispositions législatives;

Que le gouvernement du Québec et ses partenaires du secteuragricole et agroalimentaire s’allient afin de réclamer du gouverne-ment fédéral : • une part adéquate des ressources financières consacrées à ce

secteur; • un renforcement du système d’inspection des aliments et d’ho-

mologation des produits afin que la santé des Canadiens et desQuébécois soit adéquatement protégée et que les producteursd’ici qui respectent ces normes soient traités équitablement;

• une extension des partenariats en matière de recherche et d’in-novation avec les institutions et les entreprises québécoises;

• un leadership plus affirmé du gouvernement canadien sur lascène internationale à l’égard du traitement de l’agriculture dansles règles de l’Organisation mondiale du commerce, notamment : – l‘insertion de la gestion de l’offre dans une vision plus large

du traitement particulier de l’agriculture dans les échangescommerciaux;

– la recherche active d’alliés, notamment auprès des gouverne-ments des pays développés, afin que soit définitivement admisela réalité voulant que les produits agricoles aient une importancequi va au-delà de leur valeur commerciale et qu’en conséquence,les accords sur les échanges puissent laisser place à des poli-tiques nationales qui favorisent la production locale;

– la promotion du principe de traitement particulier de l’agri-culture dans les échanges commerciaux et la recherche d’alliésau sein d’autres instances internationales que l’Organisationmondiale du commerce où sont abordées les questions relativesà l’alimentation, à la santé, à l’environnement, au développe-ment régional et au développement humain.

Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois / Annexe 1 271

La gouvernance

272 Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir

Autres membresD’autres personnes ont fait partie du personnel de la Commission au cours de la réalisation de son mandat. Il s’agit de :Jean Dionne, directeur des communicationsFrance Pelletier, conseillère en communicationGino Desrosiers, conseiller en communication

Annexe 3 : Personnel de la Commission