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MASARYKOVA UNIVERZITA FILOZOFICKÁ FAKULTA Ústav románských jazyků a literatur Bakalářská diplomová práce 2011 Lenka Antolíková

Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'oeuvre littéraire et de son adaptation cinématographique)

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Author: Petr Dytrt.PhD Thesis.

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MASARYKOVA UNIVERZITA FILOZOFICK FAKULTA stav romnskch jazyk a literatur Bakalsk diplomov prce 2011 Lenka Antolkov MASARYKOVA UNIVERZITA FILOZOFICK FAKULTA stav romnskch jazyk a literaturFrancouzsk jazyk a literatura Lenka Antolkov Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) Bakalsk diplomov prce Vedouc prce: PhDr. Petr Dytrt, PhD. 2011 Prohlauji, e jsem bakalskou diplomovou prci vypracovala samostatn s vyuitm uvedench pramen a literatury a e elektronick verze prce je shodn s verz titnou. V Brn, 2011 Lenka Antolkov Remerciement Je voudrais remercier PhDr. Petr Dytrt, PhD., d'avoir accept le sujet de mon mmoire et de m'avoir aiguille dans toutes les tapes du travail.Je remercie ma famille et Ivan pour leur support ainsi que Manu pour ses conseils concernant la stylistique. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 5 Table des matires TABLE DES MATIRES ..................................................................................................................................... 5 INTRODUCTION ................................................................................................................................................. 6 1. ANNA GAVALDA ET CLAUDE BERRI ........................................................................................................ 8 2. LITTRATURE, FILM ET LEUR RAPPORT ........................................................................................... 10 3. ADAPTATION FILMIQUE : THORIE ..................................................................................................... 16 4. MTHODOLOGIE ........................................................................................................................................ 21 5. ANALYSE ........................................................................................................................................................ 22 5.1 ENSEMBLE, C'EST TOUT ............................................................................................................................... 22 5.1.1 Personnages principaux ..................................................................................................................... 22 5.1.2 Rsum de lhistoire ........................................................................................................................... 23 5.1.3 Film .................................................................................................................................................... 24 5.2 THMES ET MOTIFS ..................................................................................................................................... 25 5.2.1 Isolement et solitude ........................................................................................................................... 25 5.2.2 Solidarit ............................................................................................................................................ 32 5.2.3 Amour ................................................................................................................................................. 35 5.2.4 Relations familiales ............................................................................................................................ 37 5.2.5 Humour ............................................................................................................................................... 38 5.2.6 Bilan ................................................................................................................................................... 39 CONCLUSION ................................................................................................................................................... 41 BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................................. 44 Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 6 Introduction Lalittratureainsiquelacinmatographiefranaisedenosjoursoffrentunevaste production d'uvres artistiques. Souvent, la cinmatographie s'inspire de l'art littraire et ainsi ouvrel'espacepourlescritiquesquis'essaientdecomparerl'adaptationfilmiquel'uvre d'origine,d'valuerlaqualitdesdeuxouvragesetdedfinir lapertinencedesintentionsdu crateurfilmique.L'existencedesadaptationscinmatographiquesfaitlafoisnatredes publicationsconsacrescegenrespcifique.Dansleprsentmmoire,nousaborderonsle romanEnsemble,c'esttoutd'AnnaGavalda,l'auteurefranaisecontemporaine,etson adaptationcinmatographiqueponyme,raliseparlemetteurenscnefranaisClaude Berri.Ceromanainsiquesonadaptationontfaitl'objetdebeaucoupdecritiques contradictoires.Cequiaretenunotreattention,entreautres,c'estnonseulementlafinesse d'espritdutextelittrairequifaitsouventriremaisc'estgalementlamiseenreliefdes thmes de l'ordinaire, de l'humanit, du besoin d'accomplissement, du besoin d'aimer et d'tre aim, d'apprcier et d'tre appreci, d'aider et d'tre aid sans rien attendre en retour. Gavalda dveloppetousces thmesavec unegrande sensibilit, en n'omettantpasd'autres motifsqui jouentunrlemarquantdenosjours:lesrelationsfamilialesetleursdcompositions,la solitudeetl'isolement(chezlespersonnesgesainsiquechezlesjeunes),etlafinles thmesporteursdulivreetdufilm:lasolidaritetl'amour,l'amouramical,l'amourentre deux partenaires ainsi qu'entre les petits-enfants et leurs grands-parents.Parrapportauplandecetravail,d'abordnousesquisseronslarelationentrel'art littraireetlacinmatographie,ensuitenousaborderonslaproblmatiquedel'adaptationdu textelittraireaufilmendsignantplusieursapprochesdecesujet.Cettepartiethorique nousaideradvelopperlapartieanalytiquedanslaquellenousapprocheronslesthmes porteursdesdeuxouvrages:l'isolementetlasolitude,lasolidarit,l'amour,lesrelations familiales et l'humour. Nous prterons notre attention surtout aux glissements thmatiques qui se produisent pendant le processus d'adaptation. Cette analyse sera effectue au moyen de la mthode dite littraire propose par Marie Mravcov qui estime que grce la proximit delalittratureetdelacinmatographie,l'adaptationfilmiquepeuttretudiedelamme faon que l'uvre littraire. Le but de ce travail est de dcouvrir les glissements du message au niveau thmatique et d'analyser les causes de ce phnomne. la fin, en nous appuyant sur lesrsultats denotre analyse nousvoudrions rpondre la questionsuivante: En parlantdu Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 7 rapport entre l'art littraire et l'art filmique pouvons-nous le dsigner comme un rapport o un art soit suprieur l'autre ? Cependant, noustenons compte qu'il peuttre compliqu de traiterl'uvre d'un auteur contemporain cause du manque des sources de crdibilit, mais en mme temps cet espace inconnu, ou peu dcouvert, offre des opportunits de l'explorer et de dvelopper de nouvelles ides qui peuvent servir d'inspiration pour de nouvelles recherches dans ce domaine.Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 8 1. Anna Gavalda et Claude Berri AnnaGavalda1estuneauteurefranaisenele9dcembre1970Boulogne-Billancourt.ElleagrandilacampagneenEure-et-Loirdansunefamilleolepretait vendeur de systmes informatiques et la mre dessinait des foulards. En 1985, la suite de la sparationdesesparents,cesderniersl'ontenvoyedansuneinstitutionpourjeunesfilles tenuespardesdominicaines.En1987,alorsqu'elletaitentraind'chouerauconcours d'entreSciences-Po,elleacritsapremirenouvelle.Entrelesannes1990et1993, Gavalda a fait hypokhgne et elle obtient une matrise de lettres la Sorbonne. La jeune Anna s'essayait d'abord diffrents petits boulots, de fleuriste ouvreuse de cinma, de vendeuse de vtementsprceptricepourlesenfants,maisenmmetempsellesouhaitaitfairedu journalisme et elle a donc envoy sa candidature Madame Figaro. Ensuite, la future auteure succs a obtenu un poste de professeur de lettres dans un collge. En 1996, le concours la plus belle lettre d'amour sur France Inter a trouv sa laurate dans cette jeune femme de 26 ansquiagagnunconcoursdenouvellespoliciresl'annesuivante.Celaluiapermisde s'acheterunordinateuretdepuiscemoment,ellen'arrtepasd'crire.cettepoque-l,en 1999, lorsquesondeuximeenfantest n, elle a sign le contratpour sapremire uvre,Je voudraisquequelqu'unm'attendequelquepart,unrecueildenouvelles,auxditionsLe Dilettante.Avecunsuccsinespr,puisquesonmanuscritavaittrefuspartoutesles ditions, ce recueil de douze nouvelles a t traduit dans une trentaine de langues et il n'a pas quitt les classements des meilleures ventes pendant des mois. Un an aprs, cette jeune femme de lettres a reu le grand prix RTL-Lire pour son premier ouvrage. Les annes suivantes, Anna Gavaldaacritunromanjeunesse,paruen2002auxditionsBayardjeunesse,35kilos d'espoir. Ensuite, elle s'est mise crire son premier roman Je l'aimais, paru en 2003 chez Le Dilettante. Il s'agit d'un long dialogue entre une jeune femme, que son mari vient de quitter, et sonbeau-pre.Lammeanne,elleacommenctravaillersursonnouveauroman Ensemble,c'esttoutquiestdevenuunvritablesuccsdanslemondelittraireetquiat adapt au cinma en 2007. Son autre roman La Consolante, paru en 2008, a t suivi en 2009 par L'chappe belle, tous les deux publis chez son diteur prfr, Le Dilettante. 1 Les informations sur la biographie d'Anna Gavalda dans ce chapitre proviennent des sources lectroniques : http://pagesperso-orange.fr/mondalire/Gavalda.htm [online] [cit. 2011-06-11]. http://www.evene.fr/celebre/biographie/anna-gavalda-4228.php [online] [cit. 2011-06-11]. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 9 ClaudeBerri2,acteur,ralisateur,producteuretscnariste,estunedesplusgrandes personnalitsdelacinmatographiefranaise.IlestnClaudeBerelLangmannle1erjuillet 1934Parisdansunefamillejuive.Sonpred'originepolonaiseexeraitlemtierde fourrier,samred'origineroumainetaitouvrire.LejeuneClaudetaitprdestin continuerl'affairefamilialedefourrurequ'ilaquitteaprsunecourtepriodepourpouvoir suivresavraiepassion,lethtreetlecinma.Ilajoudansunetrentainedefilmseta contribuunesoixantainedecourtsetdelongsmtragesparlaralisationouparla production,dontparex.LePoulet(1962),uncourtmtragequiagagnlesOscars.Ila coopr aux films tels que Le Vieil homme et l'enfant (1966), Le Matre d'cole (1981), Tchao Pantin (1983), Astrix et Oblix : Mission Cloptre (2002), Bienvenue chez les Ch'tis (2008), dontledernierestdevenuleplusgrandsuccscinmatographiqueenFrancedepuis1945. Nous pouvons constater que Claude Berri ne craignait pas les adaptations filmiques : partir de Jean de Florette (1986) et Manon des Sources (1986) de Marcel Pagnol, travers Valmont (1989;d'aprsleromanLesLiaisonsdangereusesdeChoderlosdeLaclos),L'Amant(1992) de Marguerite Duras, Germinal (1993) d'mile Zola, l'un des plus coteux films franais, La ReineMargot(1994)d'AlexandreDumas,jusqu'Ensemble,c'esttout(2007)d'aprsle roman ponyme d'Anna Gavalda.Ce parrain et lederniernabab ducinmafranaisestdcdlasuited'un accident vasculaire crbral le 12 janvier 2009. Avec sa mort, la cinmatographie franaise est devenue orpheline et a perdu son plus grand producteur et un metteur en scne de talent .3 2 Information sur la biographie de Claude Berri dans ce chapitre provient des sources lectroniques : http://www.jesuismort.com/biographie_celebrite_chercher/biographie-claude_berri-13349.php [online] [cit.2011-06-11]. http://www.cinemapassion.com/personnalite/fiche-personnalite-1484.php [online] [cit. 2011-06-11]. 3 La raction du prsident du festival de Cannes Gilles Jacob la mort de Clade Berri, dans : http://www.lejdd.fr/Culture/Cinema/Actualite/Deces-de-Claude-Berri-Les-reactions-81751/ [online] [cit.2011-06-11]. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 10 2. Littrature, film et leur rapport Dans le prsent mmoire, nous tudierons le rapport entre le roman Ensemble, c'est tout etsonadaptationcinmatographique.Lestermeslittrature,filmetcinmayseront frquemment employs. Il est donc ncessaire de commencer d'abord par expliquer ces termes et par clairer ce qu'ils ont en commun et ce qui les distingue.Bien que l'art cinmatographique soit n dans la dernire dcade du 19e sicle, il tait l'origineplusprochedelapeintureetdelaphotographie.Laliaisonplustroiteavecla littratureapparatavecl'arriveducinmaparlant.Lefilm,cettefusionorganiquede plusieurs arts, est qualifi par Marie Mravcov comme un nouveau genre artistique qui est la foislemoyentechniqueetladisciplinecrativedontlegniedenarrerunehistoire,letrait commun du film et de la littrature, renforce le lien persistant entre ces deux arts. Elle signale quedanslecasduseptimeart,cegnieseperfectionneetdevientdeplusenplusfort.4 Narrer une histoire ne veut rien dire de plus ni rien de moins que de s'intresser aux destins des gens, leurs caractres, aux relations interpersonnelles et aux complications dramatiques des situations humaines, que ce soit dans l'espace-temps rel ou fantastique, contemporain ou historique. 5 Conter une histoire signifie alors s'intresser tout ce qui ressort de l'humain. Pour dvelopper le sujet de ce chapitre, commenons par les dfinitions fournies par les dictionnaires.LePetitRobertoffreladfinitionsuivantedumotlittrature : Lesuvres crites,danslamesureoellesportentlamarquedeproccupationsesthtiques ; connaissances,activitsquis'yrapportent. 6DansLeTrsordelalanguefranaise informatis on peut en trouver plusieurs dfinitons : Usage esthtique du langage crit. [...] Ensemble des productions intellectuelles qui se lisent, qui s'coutent. 7 La notion du film :uvrecinmatographiqueenregistresurfilm 8nousrenvoiedirectementauterme cinma : Procdpermettantd'enregistrerphotographiquementetdeprojeterdesvues animes.[...] Artdecomposeretderaliserdesfilms(cf.Leseptimeart), 9oubienaussi 4 Marie Mravcov, Literatura ve filmu, Melantrich, Praha 1990, p. 9. 5 L.c. Nous traduisons. Texte original : Vyprvt pbh pak neznamen nic vce a nic mn ne zajmat se oosudy lid, o lidsk charaktery a mezilidsk vztahy, o dramatick zauzlen lidskch situac a u vasoprostoru relnm i fantastickm, souasnm i historickm. 6 Alain Rey Josette Rey-Debove, Le Petit Robert : Dictionnaire de la langue franaise, Dictionnaires LeRobert, Paris 1996, p. 1293. 7 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?81;s=3643171740 [online] [cit. 2011-06-11]. 8 Alain Rey Josette Rey-Debove, Le Petit Robert, op. cit., p. 923. 9 Ibid., p. 378. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 11 Ensemble des activits lies la ralisation des films et leur commercialisation. 10 Enfin, pourl'expressioncinmatographienoustrouvonscetteexplication : Technique,artmisen uvrepour raliser des films.11En citantces dfinitions, nous nous rendons compte quela littrature est regarde comme quelque chose d'intellectuel ou d'esthtique tandis que le film, oubienlacinmatographie,sontcaractrisspluttdupointdevuetechnique.Lesnotions dans les dictionnaires ne concernent pas le contenu, l'objet ou les proccupations esthtiques ou intellectuelles majeures de la cinmatographie bien que celle-ci fasse partie intgrante de la culturehumaine.Ici,nousdcouvronsunproblmeterminologiqueexistantdansles dfinitions de la littrature et du film. Dans les lignes suivantes, nous tenterons de dmontrer quelesdeux,lefilmainsiquelalittrature,ontbeaucoupdetraitscommunsetqu'ilsont galementplusieursdissemblances,maisavanttout,quechacund'euxestunart.Lefilm, ensembleaveclatlvision,estl'artleplusjeune.CommelecommenteGeorgeBluestone dans son ouvrage Novels into Film, c'est certainement le plus jeune des arts mrs. 12 Mais est-il en fait possible de comparer un art existant depuis un peu plus de cent ans un art aussi ancien que la littrature? DanssonouvrageLangue,cinmatographie,communication13, JanBernardestime qu'enparlantdel'artilestncessairedeprendreencomptesonctsmiotique.Selonla classification des signes de Ch. S. Peirce, Bernard souligne que dans la littrature, lorsqu'on la comparelamusiquedanslaquelleprdominentpluttlesindexquelesicnesetles symboles, les icnes-images sont drives des symboles-mots, pendant que le film (ensemble aveclethtre)commeunartsynthtiquecontienttouslestroistypesdesignes :icnes, index,symboles.Enmmetemps,iln'ometpasdeprciserquedanslefilmcesont principalement les icnes qui prvalent.14 JanBernardcomparelefilmaulangage : [...]grcesoncaractreiconiqueetson essencesynthtique,lefilmestdevenu,pareillementaulangage,susceptibledecrerdes situationsmodlesdanslesquellesl'hommeapparatoupourraitapparatre. 15Ilexprime 10 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?100;s=1804882350;r=3;nat=;sol=1; [online] [cit. 2011-06- 11]. 11 http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?135;s=1804882350;r=4;nat=;sol=0; [online] [cit. 2011-06- 11]. 12 George Bluestone, Novels into Film, The Johns Hopkins Press, Baltimore 1957, p. V. Nous traduisons. Texteoriginal : Certainly it is the youngest of the mature arts. 13 Jan Bernard, Jazyk, kinematografie, komunikace: O mezee mezi svty, Nrodn filmov archv, Praha 1995. 14 Jan Bernard, Jazyk..., op. cit., p. 40. 15 Ibid., p. 47. Nous traduisons. Texte original : [...]se film stal podobn jako jazyk schopnm [...] dky sv pevaujci ikoninosti a syntetick podstat, vytvet modely situac, v nich se lovk ve svt vyskytuje nebo me vyskytnout. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 12 l'ide que le film ainsi que le langage jouent un rle pareil dans l'individualisation et dans la socialisation de l'individu puisque les deux sont capables de produire la suggestion la sphre d'actionetaussilasphredecrationdel'imagedumonde.16C'estgalementGeorge Bluestonequiconfirmequelefilmn'estpasseulementuninstrumentsocialmaisilestla fois un instrument artistique.17 Bernard ajoute que ce n'est pas l'uvre en soi qui est un objet esthtique,c'estpluttlersultatdelaperceptiondel'uvre.18Ilaccentuequelefilm,pour son caractre synthtique, s'approche plutt du langage parl que du langage crit. Nanmoins le film peut utiliser plusieurs formes d'expression : l'expression compacte (langage, mimique, gestes, chant, musique, lettre, etc.) ainsi que l'image, le langage parl (dialogue, commentaire) et le langage crit (par ex. sous-titres).19 En somme, l'auteur constate que la difficult d'tudier unsystmeaussihtrognequelefilmrsultedufaitquelefilmpermetd'utilisertousles systmes des signes optiques et acoustiques : les vues animes, le son, la musique, le rcit ou le matriel graphique.20

Pour ce qui est de la littrature en tant qu'art synthtique, sa position est particulire : la littraturen'influencepasdirectementlessenscommelefaitlefilm(optiquementet acoustiquement)quoiqu'elleinfluencetouslessens(l'odoratetletoucherinclus) indirectementparl'intermdiairedelalangue.21Celle-ciformelematrieldelalittrature organis dans la superficie (lettre), dans l'espace (livre, rcit) et dans le temps.22 Le film, par contre,estunecombinaisondessignesiconiquesetacoustiques,organissdansl'espaceet dans le temps.Revenons la question de savoir s'il est possible de comparer un art aussi jeune que le filmunartayantuneaussilonguehistoirequelalittrature.Onpeutcitercetgardles aperus de George Bluestone qui avoue que la tentation de juger le film d'aprs les standards dmodsdesartstraditionnelsestremarquablegrceauxempruntsdufilmauxautres disciplines : au drame il emprunte du visuel, du verbal et de l'auditif et il se prsente, ainsi que le drama, devant le public. Il compte sur la musique et sur le mouvement comme le ballet et il fournit des descriptions des personnages et des conflits travers la narration de mme que le 16 Jan Bernard, Jazyk..., op. cit., p. 48. Nous traduisons. Texte original : Podobn jako jazyk je i film schopenuskuteovat sugesci ve sfe jednn, ale tak ve sfe vytven obrazu svta, to jest sehrvat stejnou roli vsocializaci a individualizaci jedincejako jazyk. 17 George Bluestone, Novels..., op. cit., p. VIII. 18 Jan Bernard, Jazyk..., op. cit., p. 48. 19 Ibid., p. 68. 20 Ibid., p. 69. 21 Ibid., p. 49. 22 Ibid., p. 50. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 13 roman.lafin,ilressemblegalementlapeinturedanssesdeuxdimensions,danssa compositiondel'ombreetdelalumire(etdenosjoursaussidelacouleur).Maisceque Bluestonesouligneenpremierlieuc'estlaqualituniqueetlespropritsspcifiquesdu film.23Iltrouvelesdiffrencesentrelefilmetleroman surprenantes :l'originedeces dissemblancesestlefaitqueleromanestunmoyenlinguistique,parcontrelefilmest principalementvisuel(lamusiqueetlesdialoguessontsecondairesparrapportl'image photographique).Maislesdiffrencesprincipalesreposentsurl'origine,surlepublic,surle mode de production et sur les exigences de censure : le public du roman (qui est produit par un auteur individuel), est limitpendantque celui du filmestpluttglobal.Le film, comme unproduitindustriel,dsignpourlesmasses,estd'aprsBluestonecensuravecbeaucoup plusderigiditqueleroman.Enplus,leromandanssamtamorphoseenfilmperdses lmentsromanesques :lelangageexprimantlestropes,lesrves,lessouvenirsetla conscienceconceptuelleestremplacparlesvariationsspatiales,parlesimages photographiquesdelaralitphysiqueetparlesprincipesdumontage.24 Toutesces diffrences proviennent du contraste du roman en tant que forme discursive et conceptuelle et dufilmentantqueformeprsentationnelleetperceptuelle.[...]C'estpourcelaquel'tude comparative qui commence par la recherche des ressemblances entre le roman et lefilm finit par une forte proclamation de leurs dissemblances. 25

Il y a de nombreuses thories qui tentent d'analyser la syntaxe du langage filmique. Jan Bernardmentionnecertainsauteurs(V.Pudovkin,G.Bettetini,L.Rajnoek,Ch.Metz,etc.) quilacomparentcelledulangagehumainetquiappliquentlesprincipesdecedernierau langage filmique. Vsevolod Pudovkin26 voit le mot dans la prise de vue et la phrase est gale unescne,donclacombinaisondeplusieursprisesdevues.D'aprsGianfranco Bettetini27,l'icne,ayantlescaractristiquesdumotetdelaphraseenmmetemps,est comparablelaprisedevue,tandisquepourLeoRajnoek28l'icneestidentiqueaumot. 23 George Bluestone, Novels..., op. cit, pp. V-VI. 24 Ibid., pp. VI-VII. 25 Ibid., p. VII. Nous traduisons. Texte original : All these differences derive from the contrast between thenovel as a conceptual and discursive form, the film as a perceptual and presentational form. [...] That is why acomparative study which begins by finding resemblances between novel and film ends by loudly proclaimingtheir differences. 26 Vsevolod Pudovkin, Sobranije soinnij v trjoch tomach I., Iskusstvo, Moskva 1974, In : Jan Bernard, Jazyk,kinematografie, komunikace: O mezee mezi svty, Nrodn filmov archv, Praha 1995, p. 71. 27 Gianfranco Bettetini, Cinema lingua e scrittura, Bompiani, Milano 1968, In : Jan Bernard, Jazyk..., op. cit., p. 71. 28 Leo Rajnoek, Specifinost filmovho vrazu, In : Otzky divadla a filmu I., Universita J. E. Purkyn, Brno1970, In : Jan Bernard, Jazyk..., op. cit., p. 71. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 14 DanslathoriedeChristianMetz29,uneimagefilmiqueestlammechosequ'uneou plusieursphrasesoubienunparagraphedetexte.Ilconsidreunesquencecommeun segmentdurcitcomplexe,unchapitre.PourMetzlaphraseestl'unitlmentairedufilm. L'autre thorie,dveloppepar Jurij Lotman30et analyse par JanBernard, comparela prise de vue (l'unit lmentaire permettant la narration) au phonme, tandis que la phrase filmique (l'unitsyntagmatiquefondamentale)estpareilleaumotetlaphrase.Enfin,lesphrases filmiquescrent ensemble le niveau de sujet. Par contre,Bernard indiquel'tude fourniepar JefimLevin31quiparledel'imagefilmiquecommed'unestructure.Ildsignel'uvre filmiquecommel'hyperstructureformeparlescomposants.Ceux-cisontconstitusdes pisodes dont l'unit fondamentale est la scne forme par les prises de vue. Danscechapitre,nousavonspassenrevueplusieursapprochesdel'analyse comparativedufilmetdelalittrature.Nousenavonsmentionnseulementquelques-unes pourillustrerlacomplexitdecetteproblmatique.Lacomparaisonpeuttreeffectuedu point de vue linquistique ainsi que littraire. Nous pouvons aussi analyser le rapport entre ces deux genres du ct structuraliste. Le film est galement compar aux autres disciplines telles quelamusique,lapeinture,l'architecture,leballet,lethtre,etc.Certes,ilyadesauteurs quitententdemettreenavantlesdissemblancesentrelefilmetlalittraturepourpouvoir proclamerleurautonomieetleurindpendance.Ilyenad'autresquitchentdetrouverdes ressemblances,certainementpaspourdouter del'autonomie de l'un oude l'autre mais plutt pour accentuer le lien troit qui relie la littrature et le filmquasiment ds la naissance de ce dernier. Ainsi,ilsessayentdedmontrerlaco-existenceetl'influencemutuelledecesdeux genres.Toutefois,lebutduprsentmmoiren'estpasdejugerquelleapprocheestlaplus correcte. Il n'est pas contestable que chaque approche ait ses cts faibles et ses cts forts et qu'ilyenaitcertainesquisoientpluscomplexesqued'autres.Dansnotretravail,nous tcherons,enutilisantlamthodologiechoisie(dcritedanslechapitre4.Mthodologie), d'analyserlesressemblancesetlesdissemblancesentreleromanEnsemble,c'esttoutetson adaptationfilmiquepourpouvoir,lafin,valuernosrsultats.Ceux-cinousaideront rpondrelaquestions'ilestpossibledecomparerlacinmatographielalittratureeten mme temps nous essayerons de dfinir la dimension de la relation de ces deux arts la base 29 Christian Metz, Essais sur le signification au Cinma I, II, Klincksieck, Paris 1968, In : Jan Bernard, Jazyk...,op. cit., p. 71.30 Jurij M. Lotman, Smiotika filmu a problmy filmovej estetiky, VMU, Bratislava 1984, In : Jan Bernard,Jazyk..., op. cit., p. 71.31 Jefim S. Levin, O chudoestvnnom jedinstve filma, Iskusstvo, Moskva 1977, In : Jan Bernard, Jazyk..., op.cit., p. 72. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 15 des connaissances thoriques et des observations fournies dans notre analyse. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 16 3. Adaptation filmique : thorie Certains auteurs accusent le film d'avoir parasit la production littraire et d'avoir abus delapopularitdecettedernirepourpouvoiratteindresapropremancipation artistique.32Del'autrect,d'aprsEvaStruskov,ilexisteparalllementdestendancesqui refusentlapossibilitquelefilmdpendedelalittrature.33partcesaffirmations contradictoires,nousnepouvonspasnierquelacinmatographies'inspiresouventd'uvres littraires. Le pourcentage d'adaptations inspires de romans varie dans diffrentes recherches de 17 jusqu' 50 pour cent.34 Mais selon G. Bluestone, les analyses quantitatives ont peu voir avec les changements qualitatifs puisqu'elles ne disent rien du processus de la transformation duromanenfilmetellesnefournissentpasdedonnescritiques,sinonpurement statistiques.35

Il arrive souvent qu'en jugeant une adaptation, on considre le roman commela norme et la version filmique comme une dviation. On entend les dclarations du type : Le livre est meilleurquelefilm ! ou Lefilmn'arienvoiravecleroman ! oubien aussi Ilsont enlevlespassageslesplusimportantsdanslefilm ! Ici,l'onpeutparlerdelafidlitde l'adaptation l'uvre d'origine. E. Struskov traite ce problme auquel font face les crateurs filmiques en adaptant une uvre littraire. Elle classe diffrentes approches de l'adaptation en considrant la fidlit l'uvre d'origine comme facteur comparatif : 1. le ralisateur prtend reproduirel'uvred'origineleplusprcismentpossible ;2.lecrateurfilmiqueprenden considrationl'impossibilitdelareproductionparfaite,ilessaiepourtantd'interprterla significationdutexted'origineleplusexactementpossibleauniveauducontenu,auniveau smantiqueetstylistique ;3.lemetteurenscneconsidrelesdeuxapprochesprcdentes problmatiques et il offre sa propre interprtation en posant la question de la signification de l'authenticitd'uneuvre.36Struskovserendcomptedesctsfaiblesetdesctsfortsde chaqueapprocheindiqueci-dessusenajoutantqu'ils'agitdel'unedenombreuses classificationsquiabordentcesujet.D'aprscetteauteure,ilfautpercevoirl'adaptation cinmatographiqued'uneuvrelittrairecommegenrespcifiquedelarflexionlittraire 32 Eva Struskov, Mezi literaturou a filmem, eskoslovensk filmov stav, Praha 1988, p. 5. 33 L.c. 34 George Bluestone, Novels..., op. cit, p. 3. 35 Ibid., p. 5. 36 Eva Struskov, Mezi literaturou..., op. cit., pp. 39 - 40. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 17 d'une porte culturelle remarquable.37 Mais Bluestone accentue qu'il faut prendre en considration qu'en adaptant un roman, le ralisateur franchit la frontire entre deux genres esthtiques diffrents et pour cette raison les mutations sont indispensables. La transposition du rcit d'un moyen linguistique un moyen visuel aboutira ncessairement une nouvelle forme. Il estime alors que comparer un genre l'autreseraitinutilecommetouslesdeuxsontautonomesetontuncaractreuniqueet spcifique.38 Le narratologue amricain Seymour Chatman exprime un avis pareil ce thme : il critique de nombreuses discussions qui ne s'occupent que du contenu de l'histoire l'gard dela"fidlit", commesilasourceromanesquetaitunobjetsacrdontlefilmsedoitde respecterlalettreautantquelesprit. Cetteapprochersultesouventenunedescriptionnon-productivepourlaquellelefilmn'estpasadquatpuisqu'il"neselitpas"commeunroman. 39 DanssonouvrageComingtoTerms40SeymourChatmanprsentel'idedeWolfgang Iser d'aprs lequel les textes (comprenons les textes littraires, ajout par L.A.) contiennent les lments indterminants, c'est--dire les espaces vides dans le texte, pour que le lecteur puisse employer son imagination. Alors que la lecture fournit des possibilits quasiment illimites la fantaisie, dans le film qui montre une image complte et inchangeable, il n'y a pas de place pour l'imagination. Ainsi le lecteur qui regarde l'adaptation du roman qu'il avait lu auparavant sesentflou.41Chatmanrefusecetteapprocheenargumentantquelefilmn'estpas visuellement explicite et que les espaces vides sy trouvent bien ; au contraire, assure-t-il le film contient les espaces vides non seulement au niveau narratif gnral dans les ellipses de l'histoiremaisaussisurleplanstylistiqueoubien"desurface". 42Ilajoutequecertains ralisateurs,dontparex. Antonioni,construisentexprslesespacesvidesdanslefilmpour viterlarvlationdirectedecequelespersonnagespensentl'intrieur.Quantla visualisationexplicitedufilmetlavisualisationillimitefournieparleroman,Chatman n'est pas d'accord avec Iser : il estime que les mots ne laissent pas non plus beaucoup d'espace 37 Eva Struskov, Mezi literaturou..., op. cit., p. 39. 38 George Bluestone, Novels..., op. cit, pp. 5 - 6. 39 Seymour Chatman, Dohodnut termny: Rtorika narativu ve fikci a filmu, Univerzita Palackho v Olomouci,Olomouc 2000, p. 159. Nous traduisons. Texte original : Ale mnoho diskus se sousteovalo pouze naotzky obsahu pbhu se zvltnm ohledem na vrnost, jako kdyby zdroj romnu byl njak svatosvatobjekt, jeho psmo stejn jako ducha mus film nsledovat. Tento pstup asto vede k neproduktivnmupopisovn, pro nj je film neadekvtn, protoe se nete jako romn. 40 Seymour Chatman, Dohodnut termny..., op. cit. 41 Seymour Chatman, Dohodnut termny..., op. cit.., p. 157. 42 L.c. Nous traduisons. Texte original : [...] mezery se vyskytuj ve filmu nejen na obecn narativn rovni velipsch pbhu ale tak na stylistick nebo povrchov rovni. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 18 pourdenombreusesvisualisations.S'iladmetquelefilmpuissestimulerl'imagination visuellemoinsqueleroman,ilaffirmeenmmetempsquelefilmpeututiliserd'autres moyens que le roman pour stimuler l'imagination conceptuelle (par ex. le visage exprimant les motions,queledialogueouleconceptdigtiqueneprcisentpas).43Lacinmatographie parconsquentdisposedunespacenonmoinslimitqueceluid'untextelittraire ;cequi diffre ce sont les moyens et la faon d'influencer les centres de perception.Du point de vue de la smiologie, l'adaptation filmique d'une uvre littraire est conue comme la traduction inter-smiologique44. Ce n'est pas mot pour mot que cette traduction est ralisepuisquelefilmetlalittraturesontdeuxsystmessmantiquesdiffrents.Ils'agit doncdelatransmissiondessignifications :dulivre,quiconsisteensymbolesabstraits,au film,bassurl'inscriptionphono-photographique.Lemotvoquel'imagealorsquel'image filmique montre une ralit concrte. M. Mravcov estime que c'est la concrtisation, un des aspects lmentaires et un des problmes de l'adaptation, qui est l'origine des glissements et desrductionssmantiquesdel'uvre littraire d'origine.Pourcequiestduprocessusde la traductioninter-smiologique,cettetransmissiondesignificationsestraliseauniveaudes entits smantiques plus larges et des formations structurales, dont par ex. les personnages, les thmes,l'emplacementdansletemps-espace,etc.45Parrapportauxthmes(motifs),ilfaut mentionner que les thmes les plus faciles transposer sont les units smantiques littraires qui font partie du code littraire gnral et qui appartiennent la tradition littraire, dont par ex.lesthmesdehros(dipe,DonJuan,RomoetJuliette)oulesthmesdesituation (amourcontrari,rechercheternelledubonheur,changedespersonnes).Toutefois,lo GeorgeBluestonecherchetrouverdesdissemblancesentrel'artlittraireetleseptimeart pour raisonner leur indpendance et leur autonomie, Marie Mravcov essaie de dmontrer une structure permettant les paralllismes esthtiques et l'adaptation : le film en tant que mlange organiquedeplusieursartscomprendaussideslmentslittraires,dontlafabulation,les formesnarratives(rtrospectives,chronologies,etc.),lessystmesverbauxrels(dialogue, monologue,commentaire)etlesarrangementssymboliquesetmtaphoriques.46Quant l'adaptationfilmiqueauniveaunarratif,ilestproblmatiquedetransformerdeslments narratifs qui sont facilement applicables au langage mais difficiles transposer par moyen qui 43 Seymour Chatman, Dohodnut termny..., op. cit., p. 158. 44 Marie Mravcov, Literatura ve filmu, Melantrich, Praha 1990, p. 10. 45 Ibid., pp. 10 11. 46 Marie Mravcov, Literatura..., op. cit., p. 11. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 19 opredansletempsrel.47C'est--diretoutcequirelvedel'abstrait,commeparexemple commentairesnarratifs,motionsetpensesdespersonnages,estdifficilesaisirparle temps-espacefilmiquetantdonnquelefilmestunartaudiovisuelquimontreplutt l'extriorit des choses.Ensomme,nousconstatonsquelalittratureainsiquelacinmatographiecoexistent dans l'espace artistique avec d'autres arts. Cette coexistence est certainement conditionne par leurinfluencemutuelleetparleurinteraction.Certainsauteurs,dontparex.JosefHrabk, essaientdehirarchiserl'espaceartistiqueendsignantlesrelationsentrelesgenres artistiquescommesuprieursouinfrieurs,commelersultatdestensionsexistantesdans l'entit structurale forme par les arts.48 Certes, il y a des priodes o certains genres dominent les autres et forment la source principale de l'inspiration. Toutefois, nous prfrons l'approche deG.BluestoneetS.Chatman(voirsupra)quiestimentqu'encomparantdeuxgenres artistiquesdiffrentsilfauttenircomptedesmoyensd'expressiondontchaqueartdispose. Nousnousrendonscomptedel'influencequiexisteentrelesgenresartistiquesmaisnous reconnaissonslafoisleurautonomiecertaine.Lebutdenotretravailneseradoncpas d'valuersil'uvrelittraireestmeilleurequesonadaptationfilmiqueouvice-versa. Nousneprteronspasnotreattentionnonpluslafidlitdel'adaptationdontparle,parmi autres,E.Struskov(voirsupra).Lefilmentantqu'inventiontechniqueasesfonctions esthtiques.Pourtant,illesdpasseetcommeuninstrumentartistiqueilfranchitlasphre culturelle, sociale, didactique.S. Chatman value de cette faon le rapport entre le film et la littrature : Le film ne peut pas, bien entendu, reproduire plusieurs plaisirs qu'on a pendant lalectured'unroman,maisilpeutproduired'autresexpriencesd'unevaleurparallle.Les critiques plus instruits traitent le roman et le film en tant qu'expriences narratives diffrentes, mme si elles sont analogiques, comme ils le font avec les histoires de Plutarque et les pices de Shakespeare. 49 L'objectifduprsentmmoireestd'analyseretd'valuerlersultatduprocessus d'adaptationcinmatographiqueduromand'AnnaGavaldaEnsemble,c'esttout.Pourtant,se consacreruneanalysecomparativededeuxartsdiffrentsdontchacunutilised'autres 47 Seymour Chatman, Dohodnut termny..., op. cit., p. 158. 48 Josef Hrabk, Literrn komparatistika, Praha 1976, In : Taussig, Pavel Petr, Eduard Skalika, Ji, Filma literatura I., Krajsk kulturn stedisko v Ostrav, Ostrava 1986, p. 16. 49 Seymour Chatman, Dohodnut termny..., op. cit., p. 159. Nous traduisons. Texte original : Samozejm filmneme reprodukovat mnoh z poten ze ten romnu, ale me produkovat jin zitky paraleln hodnoty.Pouenj kritici pojednvaj romn a film jako rzn, i kdy analogick, narativn zkuenosti, prv jako toin s Plutarchovmi historiemi a Shakespearovmi hrami. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 20 moyens d'expression n'est pas une tche facile. On peut citer cet gard les constatations de Marie Mravcov : [...] analyser un film sur la base d'une comparaison, si possible complexe, d'aprs un modle littrairedemandebeaucoupd'effortset,enplus,cen'estpasgratifiantpuisquesinousne voulonspassimplifieretschmatiserleproblmed'adaptation,nousnedisposonsd'aucun appuimthodologique.Lathorie,surtoutlasmiologie,nousaiderapeucommeelle dsavoue le caractre unique. [...] Cependant en interprtant une uvre littraire et filmique on se retrouve face l'unique (donc deux unicits) et l'original (donc deux originalits). L'unicit originale et l'originalit exceptionnelle diffrent, bien entendu, toujours [...] 50 Enrsum,trouverunoutilmthodologiquequipourraitservirdeguidepourune analyse comparative complexe parat tre impossible. Nous devrions ainsi prendre en compte qu'ensuivantunprocdmthodologiquenousobtiendronsuneconclusionquivaluerale rapportentrel'uvrelittraired'origineetsonadaptationcinmatographiqueavecpartialit. Maisenmmetempslarecherchedansundomainepeuexplorouaveccertaineslacunes reprsente un dfi, un espace ouvert qui nous convie le dcouvrir. 50 Marie Mravcov, Od Oidipa k Francouzov milence: Svtov literatura ve filmu. Interpretace z let 1982 1998, Nrodn filmov archiv, Praha 2001, p. 8. Nous traduisons. Texte original : [...] analyzovat film nazklad pokud mono komplexnho srovnn s pedlohou je velice pracn a navc nevdn, protoenechceme-li adaptan problm zjednoduovat a schematizovat, pak nemme k dispozici dnoumetodologickou oporu. Teorie, zvltpak smiologie, nm pome jen mlo, nebo popr [...] jedinenost.Pi interpretaci literrnho a filmovho dla se vak ocitme tv v tv jedinenmu (tedy dvmjedinenostem) a originlnmu (tedy dvm originalitm). Originln jedinenost i jedinen originalita jsoupochopiteln vdy jin [...] Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 21 4. Mthodologie Comme nous avons pu le voir dans le deuxime (Littrature, film et leur rapport) et le troisime chapitre (Adaptation filmique : thorie), il existe de nombreuses approches tchant d'analyserlerapportentrelefilmetlalittrature.Puisqueletextelittraireestnotre proccupation principale, nous avons dcid de suivre la mthode dite littraire propose parMarieMravcov51.Elleestimeque,grcelaproximitdecesdeuxgenres,l'uvre filmiquepourraittretudiedefaonsimilairequel'uvrelittraire:partirduthme, traverslacompositionetlestylejusqu'auplansmantique,aumoyendesnotionslittraires comme l'histoire, le rcit, l'intrigue, la pointe, etc. Vuque l'espacede cemmoire est limit, nousprteronsnotreattentionuniquementauxthmesetmotifsduromananalysetdeson adaptationfilmique.Or,ilnefautpasoublierqu'ilexisteaussiplusieursacceptionsdes notions de thme et de motif. Sous le terme thme nous pouvons entendre premirement l'ide principaled'uneuvre,deuximement,l'unitconstructricesmantiquedel'uvreou autrementditlethmepartielquiforme,ensembleavecd'autresthmespartiels,la significationdel'uvre.Maislethmepeutgalementdsigneruneunitsmantique littraire qui fait partie du code littraire gnral. Cependant, notons que le deuxime sens du thme,c'est--direlethmepartiel,peutgalementtredsigncommemotif,notamment danslapensestructuraliste.Pourlesbesoinsdenotreanalyse,nousemploieronslesdeux termes : le thme ainsi que le motif. la fin, nous devrions tre capable de prciser s'il y a des glissementsthmatiquesentreleromanetlefilm etnousdfinironscommentetpar l'intermdiairedequelsprocdscesglissementsseproduisent. Ainsi,nousanalyseronsles ressemblancesetdissemblancesventuellessurleplanthmatique.Quantl'adaptation filmique du roman, vu que nous ne disposons pas du scnario, nous travaillerons strictement avec sa version visuelle. 51 Marie Mravcov, Literatura ve filmu, Melantrich, Praha 1990, p. 12. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 22 5. Analyse Comme nous l'avons dj indiqu auparavant, nous n'allons pas comparer ces deux formes d'aprs le critre de la fidlit (ce qui en fin de compte un des critres les plus courants dans les critiques des adaptations filmiques), sinon sur la disposition thmatique. Ainsi, nous analyserons les thmes porteurs de l'uvre littraire et filmique en prtant notre attention aux glissements thmatiques qui se produisent pendant le processus d'adaptation. La deuxime part du chapitre est divis en cinq sous-chapitres dont chacun aborde l'analyse d'un thme porteur du roman et du film. Les deux premiers sous-chapitres sont consacrs l'isolement, la solitude et la solidarit. part ces thmes majeurs, nous y retrouvons d'autres thmes d'une importance pareille : l'amour, les relations familiales et enfin l'humour. 5.1 Ensemble, c'est tout 5.1.1 Personnages principaux Chacundespersonnagesprincipauxexcelledanssondomainemaispourtantpersonne d'entre eux ne trouve son bien-tre. Ils vivent dans leur monde isol, solitaire, d'une partie de leur plein gr, de l'autre puisque la vie les a mis dans une telle situation.CamilleFauqueestunejeunefilledevingt-sixans. Aprsavoirvculapertedeson preaimetlestatspsychiqueslabilesdesamre,ellesefermesurelle-mmeetelle devientanorexique.Danscepersonnageparticuliersecacheuneexcellentepeintrequise trouve en pleine crise de cration et elle dcide donc de travailler comme femme de mnage la nuit. Son voisin, Philibert Marquet de la Durbellire, est un grand garon bgue au sang bleu quigagnesavieentantquevendeurdecartespostales.C'estunepersonneavecungrand curetavecdesconnaissancesprofondesdel'histoirequi,causedesontravailpastrs lucratifetpoursoncaractrealtruiste,estmalacceptparsafamillearistocratique.Son colocataireFranckestcuisinierdansunrestaurantparisienrenomm.Savien'estquele travail.Commeunenfantspontanilatabandonnparsamrequandiltaitpetit,iln'a doncpersonnedanscemondesaufsagrand-mrequil'alev.Paulette,samm,est veuve.Elle seretrouve l'hpital et ensuite dans une maison de convalescence puisqu'elle a Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 23 du mal marcher et elle tombe souvent.Sa maison lui manque et de surcrot son petit-fils, qui elle est trs attache, ne vient la voir qu'une fois par semaine. Elle est alors malheureuse et elle n'a plus envie de faire quoi que ce soit. Mmesil'onal'impressionquecesquatrepersonnagesn'ontrienencommun,ilya pourtantcertainslmentsquilesrelient.Ils'agitdeleurscaractristiquespersonnelles particulires:Camilleestunefillefermesurelle-mme;Francksemetrapidementencolre;PhilibertadesmaniresaristocratiquesetPaulettesesentnon-apprcieetelleest ttue. Ainsi tous les quatre se retrouvent l'cart de la socit : Camille travaille la nuit en tant que femme de mnage ; Paulette est vieille et se retrouve dans une maison de retraite ; Franck qui n'a pas de temps libre et donc ne mne presque pas du tout une vie prive cause de son travail,etenfinPhilibert,ladceptiondesesparentsnobles,vendeurdecartespostales. Ensuite,lesrapportsfamiliauxdechacuncorrespondentleurpositionmarginaledansla socit(oubiensontsonorigine):Camille,dontlepreadorestmort,essaied'viterla rencontre avec sa mre labile, mais ds qu'elles se voient, elles ont des conflits ; Franck, qui ne connat pas son pre, a t rejet par sa mre et il a donc t lev par ses grands-parents ; ensuite Paulette, sagrand-mre,dontle mariestmort estle seul enfant qu'elle a, la mre de Franck,nes'occupepasd'elle;etenfinPhilibertquifaithontesesparents.Del'autre ct,chacundecespersonnesexcelledanssondomaine:Camilleestunedessinatrice exceptionnelle, Franck est un excellent cuisinier, Philibert a des connaissances de l'histoire si profondes qu'il pourrait tre professeur l'universit, et Paulette a consacr sa vie son petit-fils qu'elle adore. Cela nous ramne vers d'autres traits personnels dont chacun de ces quatre personnages dispose :un grand curet le sens de la solidarit. Tout compte fait,ce sont les lmentsrelianttouslesquatrepersonnagesquiconstituentlafoislesthmesporteursdu roman ainsi que du film. 5.1.2 Rsum de lhistoire Leromanestdiviseencinqparties,dontchacuneestsubdiviseenchapitres,etilse termineparunpilogue.L'histoiresedrouleprincipalementParisoviventCamille, PhilibertetFranck.Camillehabiteunepetitechambrefroidesouslestoits,quesesamislui ontproposepuisqu'elle n'avaitpasde logement. Elle rencontre Philibert, son voisin, quivit Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 24 dansunappartementspacieux,etellel'invitedjeunerchezelle.Unenuitpendantl'hiver, Philibert retrouve Camille dans un mauvais tat, prise par une forte fivre. Il la porte dans son appartement et il s'occupe d'elle. C'est depuis ce moment que l'histoire commence se former. D'abord, Franck, le colocataire de Philibert, ne s'entend pas bien avec Camille. Mais pendant Nol Philibert part chez ses parents et ses deux colocataires sont enfin forcs de commencer la communication.FranckamneCamilleavecluipourrendrevisitesagrand-mreetcette derniresupplieCamilledenepaslalaisserdanslamaisonderetraite.Camillerussit convaincrePhilibertetFrancketilslaramnentdansl'appartementoilshabitent.Camille prend soindePaulette et doncarrte son travail de femme demnage. Ce sont les moments lesplusheureux de ces quatre clopsde la vie. Mais un jour, Paulette semeurtet du coup, toutchange.Camille,FrancketPhilibertsonobligsdechercherunenouvelledirectionde leur vie puisque l'appartement o ils habitaient est vendu. Philibert sa marie et part vivre avec son pouse. Franck envisage de partir travailler en Angleterre ; il aime Camille mais celle-ci refuse d'admettre ses sentiments pour lui. Au dernier moment, en faisant semblant d'tre parti entrain,ilsurprendCamilleetilsserconsilient.lafin,onvoitl'imagedurestaurant Franck o ils se retrouvent tous : Philibert avec son pouse, Camille, sa mre, sa sur, ses ex-collgues et ses amis.Lesquatrecursmalheureuxetincomprischerchentpeupeulecheminquiles conduira l'un l'autre par la voie des discussions, des disputes et en se faisant connatre. Une histoiretendredespersonnesquin'ontrienencommun.Lesquatrerejetsquitaient prdestins rester seuls avant qu'ils ne se connaissent. 5.1.3 Film L'adaptationfilmiqueduromand'AnnaGavaldaestsortiedanslessallesen2007et Claude Berri en est le scnariste et le ralisateur. Les personnages principaux sont interprts parlesacteursetlesactricessuivants:AudreyTautoudanslerledeCamille,Guillaume Canet en tant que Franck, Franoise Bertin comme Paulette et Laurent Stocker, socitaire de la Comdie-Franaise, dans le rle de l'aristocrate Philibert. Ce dernier, Chevalier des Arts et Lettres52, a obtenu le prix Csar53 du meilleur rle masculin pour ce film. Ensemble, c'est tout 52 http://www.culture.gouv.fr/culture/artsetlettres/juillet2008.htm [online] [cit. 2011-06-11]. 53 Csar du cinma franais : ce sont des rcompenses cinmatographiques remises annuellement desAnna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 25 a t nomin aussi au Csar du meilleur acteur dans un second rle pour Laurent Stocker et du meilleur scnario adapt par Claude Berri. Ensuite, European Film Festival (Festival du film europen),ClaudeBerriatnominl'Audience Award(Prixdupublic)dumeilleurfilm. GuillaumeCanetareuleNRJCinAwarddumeilleuracteurfranaisetgalement,au Festival du film romantique de Cabourg, le prix du meilleur acteur. 5.2 Thmes et motifs 5.2.1 Isolement et solitude Chacundespersonnagesprincipauxseretrouveseuldanssavieavecunsentiment d'abandon.Leromancommenceparladescriptiondelavieactuelled'unevieilledame, PauletteLestafier;desesactivitsquotidiennes,desessentimentsetsurtoutdesapeurde devoirabandonnersamaison.Pauletten'apersonnesaufsonpetit-fils,maiscelui-cidoit travailler dur pour gagner sa vie et ne vient la voir qu'une fois pas semaine. La solitude qu'elle ressent est diffrente au dbut de l'histoire. Elle vit seule, mais elle a ses chats, ses oiseaux, sa maison et son jardin. Elle tombe souvent et cache ses bleus, ayant peur de mourir loin de sa maison.Audbutdufilm,onsuitlascneol'onvoitPaulettetraversantsonjardinet donnantmangersesoiseaux.Onobservequ'elleadumalmarcheretqu'ellevit probablementseule,maisellesembleheureuse quandmme.Danslascnesuivante,ellese retrouve l'intrieur de sa maison : elle soupire mais en nourrissant ses chats elle sourit et elle leur parle : Alors, la famille ? (sq. 03:17)54 Le dbut du roman dvoile de faon dtaille lespensesdePauletteetilnousfaitdirectementcomprendrecequ'elleressent,alorsqu'en regardant le dbut de la version filmique l'on ne peut deviner ses sentiments qu'en examinant sonvisage etses gestes avec attention. En tout cas, le spectateur attentif entendra qu'il s'agit d'unedamefatiguequiserendbiencomptedesongemaisquiaquandmmeenviede profiter de la dernire tape de sa vie. Son entourage, c'est son jardin, ses oiseaux et ses chats qu'elleappellesafamille(celauniquementdanslefilm).Dansleroman,lasolitudede Paulette est aussi reflete par les penses de sa voisine Yvonne :

professionnels du cinma. 54 Nous allons utiliser le renvoi la squence du film directement dans le texte. Les citations proviennentde l'uvre tudie de Claude Berri, Ensemble, c'est tout, 2007. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 26 Sic'estpasmalheureuxdevieillir,sic'estpasmalheuereuxd'tresiseuleetsic'estpas malheureuxd'arriverenretardl'InteretdeneplustrouverdeCaddiesprsdescaisses... (p. 12) 55 Pourtant,commelatranspositiondesmonologuesintrieursappartientauxprocds problmatiquesd'adaptation,onneretrouvepascetterflexiondanslefilm.Dansletexte littraire, nous tombons sur d'autres allusions la solitude de Paulette. Lorsque cette dernire se cogne la tte et s'vanouit, sa voisine la retrouve : - Je suis morte ? a y est, je suis morte ? murmurait-elle. - Bien sr que non, ma Paulette ! Bien sr que non ! Vous tes pas morte, voyons ! - Ah, fit l'autre en refermant les yeux, ah... Ce ah tait affreux. Petite syllabe due, dcourage et dj rsigne. Ah, je ne suis pas morte... Ah bon... Ah tant pis... Ah excusez-moi... (p. 15) Lemetteurenscnen'apasintgrcedialogueaufilm.Cependant,dupointdevue thmatique,cettepartieduromanexprimeprcismentlessentimentsdePaulette:elle s'estime inutile, rsigne et seule. Comme nous l'avons comment ci-dessus, Paulette du film semble tre plus dcide, avec plus d'envie de vivre. Mais aprs tre hospitalise et envoye lamaisondeconvalescence,Pauletteserefermesurelle-mme,ellerefusedepasserson tempsaveclesautrespatientsetellefaitlatte quandFranckvientluirendrevisite.Ellese sent trahie, faible, malheureuse et compltement abandonne.Paradoxalement, elle ressent la solitudeplusintensivementdanslamaisonderetraite,ctd'autrespersonnesges, qu'avantlorsqu'ellevivaitseule.Aprssonhospitalisation,Paulettedufilmsemetse rvolter:larvoltedePauletteconsisteavoirmal,pleurer,bouderetsupplierd'tre ramene dans sa maison : - Il veut pas comprendre. J'ai une belle maison, un beau jardin. J'ai mes chats qui attendent et mes oiseaux. Je peux plus supporter d'tre ici. Je mrite pas a. (sq. 59:29) Parcontre,Pauletteduromanrestersigne,mmesielleamal,mmesiellepleure, 55 De mme faon que dans le cas du film, nous emploierons le renvoi la page du roman directement dans letexte. Les citations proviennent de l'uvre tudie d'Anna Gavalda, Ensemble, c'est tout, ditions J'ai lu, Paris2009. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 27 elle ne se bat pas pour qu'on la ramne chez elle : Elle devait se rsigner. Elle allait se rsigner. Elle devait l'accepter enfin. Pour lui. Pour elle. Pour tout le monde. Plus de saisons, bon... Allez... C'tait comme a. C'tait chacun son tour. Elle ne l'embterait plus. Elle ne penserait plus son jardin chaque matin, elle... Elle essayerait de ne plus penser rien. lui de vivre maintenant. lui de vivre... (pp. 354-355) Commenousvenonsdel'indiquer,ladiffrenceprincipaledanslaperceptiondela solitudedePauletteconsistedansl'attitudedecettedernireverssontat,quivarieentrela versionromanesqueetlaversionfilmique.Pauletteduromanprfremourirpournedevoir gnerpersonneetellesersignepourlaisservivrelesjeunes.Parcontre,Paulettedufilm manifeste ouvertement son mcontentement, elle refuse de rester dans la maison de retraite et elle se bat pour pouvoir vivre la dernire tape de sa vie avec dignit. Franck,pareilsagrand-mrequ'ilappelle mm ,n'apersonnesaufelle.Ilse retrouve quasiment seul aprs que sa mre le quitte et le laisse ses grands-parents. Franck ne connatpassonpre,vuqu'iltaitunenfantnon-dsir.Songrand-preestmortetlaseule personnequiluireste,sagrand-mre,estloin.Enplus,iltravailletouslesjourssauflundi, ds le matin jusqu' minuit. Par consquent, il n'a presque pas de temps libre, ni des amis : -Frdric...Unmecsuper...C'taitmonpote...Leseulquej'aiejamaiseud'ailleurs...[...] Enfin, bref... Il est mort y a dix ans... (p. 331) Dans le roman, nous pouvons dcouvrir le caractre des hros plus facilement grce aux monologues intrieurs. Comme il est difficile de transposer ce type de narration dans le film, lespectateurdoitseconcentrersurlamimiquequisertsouventd'instrumentremplaantles monologues intrieurs et les descriptions. Dans le cas du personnage de Franck du film, nous ne connaissons pas explicitement ses sentiments. Nous ne savons pas srement s'il ressent la solitude,maisnouspouvonslepressentirdanssoncomportement.Danslesmomentscourts lorsqu'ilnetravaillepas,ils'enivre,ilsduitlesfilles,ils'occupedesamoto.Ilsemeten colre facilement, il est grossier et il fait semblant d'tre un macho. Sans avoir lu le roman, il peut paratre au dbut du film qu'il s'agisse d'un jeune homme sans manires et peu intelligent. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 28 Toutefois,unspectateurattentifpeuts'apercevoirquececaractrevirilcachederrireson comportement machiste les sentiments de solitude et de mcontentement de soi-mme (notons que ce genre de pesonnage exige un acteur minutieux pour exprimer par mimique tout ce qui ne peut pas tre narr dans le film) : -Est-cequec'estdemafautesijesuisloinetsijesuistoutseul?Est-cequec'estdema faute, si t'es veuve ? Est-ce que c'est de ma faute si t'as pas eu d'autres enfants que ma tare de mre pour s'occuper de toi aujourd'hui ? Est-ce que c'est de ma faute si j'ai pas de frres et surs pour partager nos jours de visite ? [...] - Alors, voil, regarde, c'est a, ma vie : c'est rien. Je fais rien. Je vois rien. Je connais rien et le pire, c'est que je comprends rien... (p. 167) ChezFranckduroman,lelecteursaitbienoilenest:l'auteurn'vitaitpasnonplus dans le cas de ce personnage macho d'utiliser les mots comme seul ou solitude : Il avait rendez-vous avec sa copine, il avait de la tune, un toit, du boulot, il venait mme de trouver sa Ribouldingue et son Filochard et pourtant, il crevait de solitude. (p. 276) Dansleroman,ilestvidentpresquedsledbutquecepersonnageintrovertiet colreux est en mme temps sensible et que son comportement conflictuel a la source dans la dsespranceetdanssonsentimentd'abandon.Parcontre,l'adaptationoffreuneimage contraste de ce personnage qui parat plutt coquin au dbut et qui change au cours du temps en rvlant la vraie cause de sa conduite. La diffrence majeure entre la solitude de Franck du romanetceluidufilmestqueleromandcrit plusexplicitementlessentimentsdecehros alors que dans le film, le spectateur dcouvrira son vrai caractre et ses sentiments plus tard, par l'intermdiaire des gestes, de la physiognomie et des indices. Chez Camille, la solitude et le renoncement la vie sont plus marquants. Elle dmontre sondgotpourlavienonseulementparsesopinionsetparsesactes,maisaussiparson manque d'apptit, qui est gal l'anorexie. La relation entre elle et sa mre n'est pas explicite dans l'adaptation, alors que le roman claircit ce problme en dtail. Dans le cas de Camille, il est plus ou moins vident qu'elle a choisi la solitude de son plein gr. Toutefois, le film omet de nouveau de mentionner ces raisons, tandis que le roman n'en dprive pas le lecteur : Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 29 SonpremourutpeudetempsaprsetCamillen'ouvritplusjamaislabouche.Mme pendantsescoursdedessinaveccemonsieurDoughton(elledisaitDouegueton)qu'elle aimait tant, elle ne parlait plus. (p. 55) Le roman offre au lecteur les caractristiques des personnages et il n'est donc pas oblig de se les construire soi-mme comme c'est le cas en suivant le film. Le texte littraire fournit beaucoup de descriptions d'aprs lesquelles il n'est pas difficile d'imaginer comment le hros est : Camille Fauque tait un fantme qui travaillait la nuit et entassait des cailloux le jour. Qui se dplaait lentement, parlait peu et s'esquivait avec grce. Camille Fauque tait une jeune femme toujours de dos, fragile et insaisissable. (p. 27) Bien que l'adaptation ne nous offre pas cette description prcise dans sa narration, nous pouvons la reconnatre dans l'image de Camille du filmdont le personnage est interprt par l'actrice Audrey Tautou. Sa figure anorexique, sa mine trs ple de fantme et sa timidit lui donnent un vritable air d'une fille fragile et insaisissable (cit ci-dessus).Parailleurs,l'adaptationnemanquepasd'allusionsl'isolementdeCamille,fournies par les dialogues, dont certains ne se trouvent pas dans le livre, par ex. celui de la scne qui se droule dans la chambre de Camille quand elle invite Philibert djeuner chez elle : Camille : - Vous devez vous demander pourquoi je vous ai invit dner, non ? Philibert : - J'ai trouv a trs, trs sympatique.Camille : - Je trouve a insupportable, la solitude de ces grands immeubles. Tout le monde se croise, personne se connat, personne se parle, personne se dit bonjour mme...Philibert : - Vous avez raison, je connais mme pas mon voisin de palier. (sq. 13:07) Bienquecettescnesetrouvedanslelivre(pp.7785),ellenecontientpasuntel dialogue concernant la solitude et l'isolement des grands immeubles. Nous nous demandons si le crateur filmique a utilis cette scne pour exprimer ce qu'il n'a pas pu dire ailleurs, dans les autresscnes,etiladoncvouluinsinuerlasolitudequecettehroneressentaumoins traverscedialogue.Peut-treest-ceparcequedanslefilmlesmotifsdecepersonnage fmininnesontpasvidentsetqu'audbutelledonnel'impressiond'unepersonneplutt froide. Le fait qu'elle ait choisi la solitude de son plein gr et qu'elle ait peur de la franchir (le spectateurdevinesic'estcausedesapropreexprienceouseulementpoursoncaractre Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 30 introverti) dcoule de plusieurs scnes : la scne (sq. 29:15) o Camille et Philibert mangent et elle lui dit que c'est la premire fois depuis longtemps qu'on s'occupe d'elle de cette manire etelleajoutelafoisqu'ellen'arienoffrir.(Cettescnesetrouveaussidansleroman,p. 126.)Dansuneautrescne(sq.01:12:55),FranckestavecCamilledanslacuisineet trinquent l'avenir ! , Camille rpond : Au prsent ! ... On va pas tomber amoureux, h ? On baise, on trinque, on tombe pas amoureux. (Franck a l'air du, ensuite il va se promener enmotoetilsemetpleurer.) AinsiCamiledmontrequemmesiellesesentbienavec Franck,elleapeurdefranchirsasolitudeetelleprfre alorsderesterenscurit dansson isolement.Dans le film, il y aplusieurs scnes o Camillea l'occasion d'exprimer ce qu'elle ressentenversFranckmaisellenelefaitqu'auderniermoment,lafindufilm,dsqu'elle faillitleperdre.Maissilespectateurattendunephrasetoutefaitelafindetype Je t'aime , il a tort. Notre hrone timide jusqu' la fin ne prononce qu'un simple J'ai pas envie que tu partes ! Camille du film, contrairement Camille du roman, reste mystrieuse : le spectateur ne connat presque pas du tout son pass et il est donc moins facile de deviner les motifs de son comportement solitaire. Alors que le roman esquisse explicitement les moments clsdesonpassetconstitueainsiuneimagecomplexedecettehrone,l'adaptationlaisse plus d'espace l'imagination du spectateur. Philibert,ledernierpersonnage,sembletremoinsmcontentquelesautres personnages. C'est un altruiste et il ne montre pas les sentiments de solitude. Il est discret et il neseplaintpas.Toutefois,danslesdialoguesavecCamille,ilrvlesonhistoireetnous apprenons qu'il a des problmes avec sa famille, provenant d'une grande ligne aristocratique, qui ne peut pas accepter que leur fils gagne sa vie en tant que vendeur de cartes postales. Pour illustrersonsentimentd'exclusiondelafamille,nouscitonsundialogueentreCamilleet Philibert qui provient du roman : - Vous allez dans votre chteau ? - Oui. - a vous fait plaisir ? - Ma foi, je suis heureux de revoir mes surs... - Comment s'appellent-elles ? - Anne, Marie, Catherine, Isabelle, Alinor et Blanche. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 31 - Que des noms de reines... - Eh oui... - Et le vtre ? - Oh, moi... Je suis le vilain petit canard... (p. 187) Cedialogueatintgraufilmmaisdansuneformemodifieetcommedans plusieurs cas similaires, sans les allusions directes l'isolement de ce personnage. Alors que le roman parle explicitement des sentiments de Philibert (notamment dans les dialogues) : -[...]L'idemmedem'adresserunauditoire,sirestreintsoit-il,medonnedessueurs froides. Je... J'ai des problmes de... de socialisation, je crois... (p. 149) -[...]Ehbienmachre,aujourd'huic'esttrssimple,vousavezdevantlesyeuxun magnifique exemplaire d'Homo Dgnraris, c'est dire un tre totalement inapte la vie en socit, dcal, saugrenu et parfaitement anachronique ! (p. 151)- [...] Mais sinon, vous ne sortez jamais ? Vous n'avez pas d'amis ? Aucune affinit ? Pas de... contacts avec le vingt et unime sicle ? - Non. Pas tellement... Et vous ? (p. 152) Nousavonsl'impressionqueleralisateurvoulaitviterd'inclurelesindications directes de la solitude de ce hros dans le film, comme s'il prfrait de l'exprimer sous d'autres formes.Ons'aperoitdesvtementsanciensqu'ilporte,desesmanirespurement aristocratiques, on voit qu'il n'a pas d'amis. Quand il sort c'est pour aller au travail, pour faire lescoursesoupourrendrevisitesesparents.Lefaitqu'ilbgaies'ajoutesonimaged'un hommemaladroit,confusetparticulier,etbienqu'illecache,nousnousapercevonsdesa solitude surtout par les indices. Par contre, dans le roman il est clair que Philibert se rend bien compte de ses problmes de socialisation,qu'il sait bien qu'il n'a pas d'amis non plus et qu'il donne l'impression d'une drle de personne. Dans le film, la solitude de ce caractre est moins videntequedanslescasdesespoirsfminins,nanmoinslespectateurpeuts'enfaireune image assez complexe grce au contexte dcrit aussi par d'autres formes que verbales.En rsum,nous voyons quatre personnages solitaires. Le roman ainsi que l'adaptation dmontrent leur solitude, mais chacun de manire distincte : Gavalda dcrit explicitement les sentimentsdesolitudeetd'isolementdeshros,lelecteurs'orientedoncfacilement.Par contre, Berri ne rvle pas beaucoup de details de leur pass et le spectateur est donc forc de devinercequianticipaitleurvieprsente.Lesglissementsthmatiquesseproduisent: Paulette, rsigne dans le roman, se bat pour vivre avec dignit dans le film, Camille, dont le Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 32 pass est racont dans le texte et le lecteur comprend donc sa conduite, reste mystrieuse et un peuincomprisedanslefilm(ilyadesmomentsolespectateurn'arrivepascomprendre pourquoiellen'aimepassamre),ensuiteFranck,dontlecaractresensibleestconnuau lecteur ds le dbut, mais qui fait semblant d'tre un macho et un coquin dans le film, et enfin Philibert dont la solitude est insinue surtout par les dialogues dans le texte littraire alors que l'adaptation fait allusion son isolement par son apparence et par son comportement. 5.2.2 Solidarit Un des traits caractristiques du roman Ensemble, c'est tout ainsi que de son adaptation estleprincipedesolidarit.Lesquatrepersonnagesserencontrentparhasardougrceau destin:Leurhistoire,c'estlathoriedesdominos,maisl'envers.Aulieudesefaire tomber,ilss'aidentserelever.(lacouverturedulivre)Commesileprinciped'altruisme s'opposait la solitude et l'isolement que les hros doivent prouver dans la vie. Ou bien est-ceenconsquencedeleurvieisolequ'ilssonttellementhumainsqu'ilneleurcotepas beaucoup de faire des sacrifices pour ceuxqu'ils ne connaissent pas ? Le roman ainsi quele filmcontiennentdenombreuxexemplesquenousaborderonsdanscesous-chapitrepour dmontrer l'importance de ce thme dans les deux ouvrages.Le premier acte de la solidarit est la scneo Camille descend les escaliers pour aller au travail o elle croise Philibert. Quand ce dernier la voit dans un tat misrable, puisqu'elle est malade, il lui offre la chapka de son bisaeul, mme s'ils ne se connaissent pas trs bien. En principe,l'adaptationoffrelammeimagedecettescnequeleromanenmodifiantle dialogue lgrement (pp. 105-107, cf. la sq. 19:57). Parcontre,uneautrescne(pp.108-113,cf.lasq.21:40)oPhilibertvachercher Camilleetillatrouvepriseparunefortefivre,diffreentrelesdeuxversions.Philibert dmontresagnrositquandilamnecettemaladequ'ilconnatpeinedansson appartementpourlasoigner.TandisquelefilmmontreunPhilibertsongeantpendantun momentdanssonlitetensuitemarchantdcidmentverslachambredeCamille,leroman dvoilesondilemme:d'unepartilestpersuadqu'ilnepeutpaslaisserlajeunefemme frigorifie comme cela, d'autre part ses manires lui disent qu'il serait impoli de la dranger en pleine nuit. Aprs, quand il la prend dans ses bras pour l'emmener chez lui, le caractre de la Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 33 scne dans le film est plutt dramatique, alors que dans le roman il y a plusieurs lments des grotesques : Elle laissa tomber sa tte sur son paule et il fut drout par l'odeur aigre qui manait de sa nuque. L'enlvementfutdsastreux.Ilcognaitsabelledanslestournantsetmanquaitdetomber chaquemarche.[...]Iltraversal'office,lacuisine,faillitlafairetomberdixfoisdansle corridor et la dposa enfin sur le lit de sa tante Edme. (p. 110) Cettescnecontinue:endpitdesonducation,Philibertdoitsesurmonterpour pouvoir deshabiller et laver Camille. Le texte littraire dcrit l'tat intrieur de Philibert avec l'humour,toutefoislefilmvited'inclurecettedescriptionpleined'humour,probablement parce que le ralisateur avait la tendance crer un film romantique plutt qu'amusant.UnautreglissementseproduitquandCamilleserveilleettrouvelesbabouchesque Philibertluiamisesctdesonlitensembleavecunmot.Cespetitsgestessontbien apprcisparCamille,ellesouritetelleal'aircontent(sq.25:00).Parcontre,danslelivre (p.116)iln'yapasdedescriptionconcernantlevisagedeCamilledanscettescne.Cet exempleillustrelefaitquelefilmentantquemoyenaudiovisueldisposedel'espacepour ajouter la scne ce qui n'a pas t dit dans le texte littraire et il ne la rompe pas, par contre, il lui donne une nouvelle dimension. Ce glissement se produit parce que le roman n'offre pas unedescriptionminuteusedelascneetainsiillaisseauralisateurlapossibilitde remplir cet espace d'aprs son propre choix.LetournantdcisifarrivequandCamillepersuadesesdeuxcollocataires,Philibertet Franck, d'amener la grand-mre de ce dernier chez eux. Dans la version romanesque, Camille prend cette dcision elle-mme aprs avoir rendu visite Paulette dans la maison de retraite. Voircettevieilledamedansuntatpareilluifendlecuretelleprpareunplan.Dans l'adaptation,c'estPaulettequiessaiedepersuaderCamilledel'emmenerdanssamaison. Nanmoins,nouspouvonsngligercettepetitediffrence.Cequiestplusmarquantpour notre analyse du ct des glissements entre le roman et le film c'est le dialogue qui se droule entreCamilleetPaulettependantlavisitedecettederniredanslamaisonderetraite.Le roman offre un dialogue intrieur : Elles se dvisagrent et se dirent une foule de choses en silence. Elles se parlrent de Franck Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 34 biensr,desdistances,delajeunesse,decertainspaysages,delamort,delasolitude,du tempsquipasse,dubonheurd'treensembleetducahin-cahadelaviesansprononcerla moindre parole. (p. 354) Comme la transposition d'un tel dialogue intrieur dans le film comprend un processus difficileetcommelascneopersonneneparlependantunlongmomentpourraitdonner l'impression d'une action ennuyeuse ou ralentie, le crateur filmique a dcid de le remplacer parundialogueoPauletteessaiedepersuaderCamilledelaramenerdanssamaison puisqu'elle ne supporte pas d'tre dans la maison de retraite (sq. 59:29). Nousavonsdjindiquci-dessusquelemomentimportantdel'histoirearrivequand Philibert,CamilleetFranckretournentlamaisonderetraitepouremmenerPauletteavec eux.Cetacten'exigepasseulementuncaractrealtruiste(puisquechacundenoshrosen dispose)maisaussilecourageetladcision.Dansleroman,c'estunlongdialoguedansla voiturequianticipecettedcision,alorsquedanslefilmcedialogueestvisiblement raccourci.Cetteellipsepermetauralisateurdeprolongerlascnesuivanteoilemploiera galementl'lmentmusicalpourapprocheruneatmosphregaieauspectateur.Unetelle atmosphreaccompagnedemusiquepeuttrebiensrdcriteaussidansleromanmais l'effet ne sera pas naturellement le mme que celui produit par une vraie musique dans le film, en tant que moyen disposant d'un espace audiovisuel.Leromandcritl'tatmotionneldeshrospendantlekidnappagedePaulette, tandis que le film prte plus d'attention aux visages contents de ces quatre pendant le trajet la maison : Camille lui prit la main et Franck sourit Camille dans le rtroviseur. Nousquatre,ici,maintenant,danscetteCliopourrie,librs,ensemble,etquevoguela galre... (p. 378, cf. la sq. 01:03:20) Nous considrons ce moment le point culminant de l'histoire o tous les quatre hros se retrouventensemble,ilssontheureux,lisparunactequirendladignitlavieilledame ainsi qu'aux auteurs de cet acte. partir d'ici, l'histoire prend une autre direction : les quatre personnages,audbutisols,serendentheureuxgrceleursolidaritmutuelle,ils deviennent amis et constituent le noyau d'une nouvelle famille. Ensomme,loGavaldaprfrelesmonologuesetlesdialoguesintrieursoula Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 35 descriptiondessentiments,Berriutiliselesdialogues,l'ellipse(pourdynamiserl'action)et l'expressionmimique.Danslesscnesoilfautremplirl'espacevide(puisqu'ilnepeut pass'appuyerautexte),iln'hsitepasd'yajouterdenouveauxlmentsquidonnentune dimension diffrente l'histoire. 5.2.3 Amour En parlant d'un autre thme porteur des deux ouvrages, de l'amour, nous devons prciser qu'ils ne racontent pas seulement une histoire d'amour entre deux partenaires, dans ce cas de la relation entre Camille et Franck. part cette liaison il y a uneautre relation qui se forme, maisquiparattremiseunpeul'cart:lerapportamoureuxentrePhilibertetSuzy(son nomfilmiqueatmodifienSandrine).Maisdansleromanainsiquedanssaversion cinmatographiquenousretrouvonslethmed'amouraussidanssesautresformes:l'amour amical(entreCamilleetPhilibert,entrecedernieretFranck,entreCamilleetPaulette), l'amourparental(entrePaulettequiestgrand-mredeFranckmaisquil'alevcommeson filsdepuissonenfance)etl'amourdupetit-filspoursagrand-mre(FrancketPaulette). Puisqu'undesthmesmajeursd'Ensemble,c'esttoutestlasolidarit,ilseraitquasiment impossible d'y omettre le thme d'amour.QuoiqueGavalda nelaisse pasbeaucoup d'espacel'amour de Franck et Camille, elle seconcentrepluttracontercequianticipaitcetteliaison :d'abordl'indiffrence,aprsles disputes,larconciliation,etfinalementlessympathiesmutuellesaboutissantl'amour.Le lecteurserendcomptequelarelationamoureuseentrecesdeuxpersonnagesn'estpasle thmecentralduroman.C'estunmotifquicoexistectecteavecd'autresmotifs: ensemble ils forment l'ide thmatique de l'uvre.QuantlarelationdePhilibertetSuzy(Sandrine),lefilmlareprsented'une perspectivediffrentequeleroman.Sinousneprenonspasenconsidrationlechangement du nom de Suzy dans le roman en Sandrine dans le film, il faut mentionner que Berri, en tant que metteur en scne, dpeint cette relation lorsqu'elle apparat ds son dbut : la scne (sq. 29:36)oPhilibertrencontreSandrinequiestentraind'acheterdescartespostalesdansle magasinoiltravailleestaccompagned'unemusiquesymphonique.Onvoitlevisagede PhilibertintressparSandrine,ill'observeetiln'arrivepascacherunegrandesympathie Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 36 qu'il ressent envers cette jeune fille. C'est aussi grce cette scne qu'il parat que ce rapport amoureux est plus soulign dans le film, alors que le roman ne mentionne cette rencontre que dans deux phrases d'un dialogue entre Camille et Philibert : - Vous allez voir un psy ? -Non,maisj'airencontrunefillelojetravaille,uneespcedefofollerigoloteet fatigantequimetannepourquejel'accompagneunsoir soncoursdethtre.Elle,ellea cum tous les psys possibles et imaginables et me soutient que c'est encore le thtre le plus efficace... (p. 152) Contrairement la scne du film o Philibert tombe amoureux de Sandrine, le dialogue dans le roman ne dit que le fait que Philibert a rencontr une telle fille, mais il ne semble pas la prendreau srieux. Aussigrce cette scne, l'adaptationfilmique parat plusromantique que l'uvre d'origine. Uneautreformed'amourestreprsenteparlarelationdeFrancketPaulette.Ilaime beaucoup sa grand-mre et elle l'aime aussi. Paulette est la seule personne qu'il a et pour elle c'est pareil. Mme s'ils se disputent de temps en temps, ils se rconcilient toujours. Le roman prtel'attentioncetteliaisonsousdiffrentesformes:lesdialogues,ladescriptiondes personnages et de leurs actes, ainsi que les monologues intrieurs : Ce ne fut qu'un petit gmissement d'abord, comme si quelqu'un venait de le pincer, puis tout soncorpslelcha.Ilsemittremblerdelatteauxpieds,sapoitrines'ouvritendeuxet libraunnormesanglot.Ilnevoulaitpas,ilnevoulaitpas,putain.Maisilntaitplus capabledesecontrler.Ilpleuracommeungrosbb,commeunpauvrenaze,commeun mecquis'apprtaitdzinguerlaseulepersonneaumondequil'avaitjamaisaim.Qu'il avait jamais aime. (pp. 98-99) Mme si le film offre des scnes grce auxquelles le spectateur peut noter une relation sincre et profonde entre Franck et sa grand-mre, aprs avoir lu le roman, l'adaptation donne en quelque sorte l'impression de ngliger ce rapport. Alors que le roman dcrit prcisment la psychiquedeFranck,lepersonnagedeFranckdufilmnousfaitpluttcroirequ'illuipeu importe de laisser sa grand-mre dans la maison de retraite et de ne pas pouvoir prendre soin d'elle. Selon ses gestes et sa mimique nous pouvons deviner qu'il l'aime, mais ses sentiments et ses penses restent cachs devant la vue du spectateur.LarelationentreFrancketPhilibertsertd'unexempledel'amouramical.Quoiqu'il Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 37 paraissequ'audbut,cesdeuxhommesnesesupportentpas,avecl'arrivedeCamilleleur relationsecristallise.Enfait,c'estaussi(ousurtout)grceCamille,quidresseunmiroir pourreflterlecomportementdeFranck,quecedernierserendcomptequ'ilapprcie beaucoup son colocataire Philibert : - [...] Si, c'est grave ! Qu'est-ce que a veut dire transmettre le patrimoine tes gamins quand t'esmmepascapabledeleurparlergentiment!Nan,maist'asvucommentilluiparle mon Philou ? T'as vu sa petite lvre qui se rebique, l... Toujours dans les cartes postales, monfils?sous-entendumongroscondefils?.Jetejure,j'avaistropenviedelui foutreuncoupdeboule...C'estundieumonPhilou,c'estleplusmerveilleuxtrehumain que j'aie jamais rencontr de ma vie [...]. (p. 512) Cependant, l'adaptation, la diffrence au roman, oublie de dvelopper cette relation et elle ne lui attribue pas d'importance. Il dcoule de certains dialogues que l'un apprcie l'autre, mais il y manque des expressions d'une amiti profonde, comme c'est le cas dans le livre. Lethmed'amourfaitdoncunepartieimportantedelacompositionthmatiquedes deux ouvrages, mais chacun en offre une perception diffrente. Dans le film, pour cequi est dusujetd'amour,c'estlarelationentreCamilleetFranckquisembletremiseenrelief comme le motif central. Il y a aussi la relation de Sandrine et Philibert laquelle le ralisateur prte moins d'attention qu' la premire, aprs il y a l'amour entre Paulette et Franck et enfin l'amitientreFrancketPhilibertquiparattremisel'cartparrapportauroman.Dansle roman,cesmotifssemblentplusquilibrs:mmesilerapportdeFrancketCamilletient l'enchanementdel'action,lesautresmotifsdel'amour(sauflarelationentrePhilibertet Suzy) ne sont pas marginaliss. 5.2.4 Relations familiales Mmesilemotifdesrelationsentrelesenfantsetlesparentspeutsemblerunmotif secondaire, il faut se rendre compte que les quatre personnages principaux se retrouvent dans unesituationtroubleaussicausedeleursconstellationsfamiliales.Tandisqueleroman prciselecontexteconcernantlepassdenoshros,lefilmenoffreseulementquelques fragments.Ainsileshrosdufilmdeviennentplusmystrieuxqueceuxduroman.Nous ignoronslefaitsicesoitl'intentionducrateurfilmiqueounonoubiens'ils'agitdela Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 38 question d'un espace limit pour laquelle le ralisateur a omis d'intgrer ces informations. Sinousregardonsl'imagedesquatrecaractresprincipauxaveccomplexit,nous dcouvrirons le fait que leurs liaisons familiales sont quasiment dtruites. Camille n'a que sa mre mais elle l'vite, Franck a seulement sa grand-mre puisque sa mre ne s'occupe pas de lui ni de sa mre, Paulette, et cette dernire n'a alors que Franck, comme son mari est mort. Le seuldontonpeutdirequ'iladelafamillecomplteestPhilibert.Maispourluinonplusce n'est pas facile comme il est mal accept par ses parents et il a des problmes se socialiser. Le film montre la famille : on voit Camille revoir sa mre ainsi que Franck qui aime sa grand-mre et enfin Philibert qui part pour passer Nol avec ses proches. Pourtant les relations familialesentantqu'lmentdstabilisnesontpasmisesenreliefparlefilmaussi videmmentqueparleroman.Cedernierdcritlecontexteprcismentafinquelelecteur puissesefaireuneimageentire,alorsquelefilmnerefltepasassezclairementle phnomnetellementtypiquepourlacultureoccidentale:l'individualismeetla dcompositiontotaledelafamille.IlsemblequeBerrimetl'cartcemotifalorsquepour Gavalda il s'agit d'un des motifs constructeurs de l'uvre. Cequelelecteurainsiquelespectateurpeuventdduiredesdeuxouvragesestla tendancedesquatrehrosformerunenouvellefamille.Ilsyarriventtousensembleetla scne finale du roman ainsi que du film nous offre une image d'une famille reconstruite (l'on y voitlamredeCamilleainsiquelasurdecettedernireavecsonbb),d'unenouvelle famille (Camille, Franck, Philibert, Suzy/Sandrine), de leurs amis et enfin d'une future famille (Camille prononce le souhait qu'elle voudrait avoir un bb). 5.2.5 Humour L'lmenthumoristiquefaitunepartieimportantede ladimensiondu romanetunpeu moins de la dimension du film. Bien que le texte littraire ne soit pas une vraie comdie, il ne s'agit pas non plus d'une histoire purement romantique. C'est un mlange cohrent des deux : lolercitpourraitdevenirtropromantiqueoutropdramatique,l'auteursaithabilement changerladirectionversl'humoristiqueouallerencoreplusloin,verslegrotesqueoubien vers le tragi-comique :Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 39 Elle aperut le zigoto de son immeuble. Ce grand garon trange avec ses lunettes rafistoles au sparadrap, ses pantalons feu de plancher et ses manires martiennes. peine avait-il saisi un article, qu'il le reposait aussitt, faisait quelques pas puis se ravisait, le reprenait, secouait latteetfinissaitparquitterprcipitammentlaqueuequandc'taitsontourdevantles caisses pour aller le remettre sa place. Une fois mme, elle l'avait vu sortir du magasin puis entrerdenouveaupouracheterlepotdemayonnaisequ'ils'taitrefusl'instantprcdent. Drledeclowntristequiamusaitlagalerie,bgayaitdevantlesvendeusesetluiserraitle cur. (pp. 28-29) Ainsi le roman ne fait pas une impression trs douce ; il estauthentique, raliste et suffisammentdynamiquepourattirerlelecteuretpourretenirsonattentionpendanttoutela lecture.Leslmentshumoristiquesneparaissentpastreartificiellementajoutsautexte mais ils y sont naturellement intgrs de manire cohrente et ils ne drangent pas ainsi le flot du texte ni le progrs de l'action.Contrairementauroman,l'adaptationdonneuneimpressionpluttromantique,parfois mme dramatique, avec une lgre teinte de comique. Les scnes dramatiques ou romantiques sontaccompagnesdemusiquesymphoniquequisoulignel'ambianceetrenforcela perception motionnelle chez les spectateurs. Le film n'a gard les lments du comique et du grotesquedel'uvred'originequedanslepersonnagedePhilibert.Toutefoisilserait intressantdedcouvrirdansquellemesureilseraitdifficiled'intgrerplusieurslments humoristiques dans le film. 5.2.6 Bilan Comme nous avons pu le noter pendant notre analyse, les thmes porteurs du roman ont t transposs au film de plusieurs manires diffrentes. Les uns peu prs selon l'uvre d'origine, les autres lgrement modifis. Bien que le message gnral du roman soit prserv dans l'adaptation, certains thmes, accentus dans le texte littraire, sont marginaliss dans le film, dont par ex. les relations familiales ou l'lment d'humour. Certes il faut tenir compte des ressemblances ainsi que des dissemblances des deux genres analyss : le roman en tant que moyen linguistique et le film en tant que moyen audiovisuel, dont chacun s'exprime de manire distincte. Certaines structures (dialogue) peuvent tre exprimes de faon pareille dans les deux arts, alors que d'autres (monologue intrieur), facilement applicables l'un, sont Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 40 difficilement saisissables par l'autre. Bien sr l'ancrage spatiotemporel varie de l'un l'autre aussi. Le ralisateur est limit par le temps dont il dispose ; il parat quand mme impossible d'introduire tous les dialogues, monologues et descriptions d'un roman 574 pages au film d'une dure de 92 minutes. Bref, les glissements au niveau thmatique se produisent grce au caractre distinct des deux arts : l o le roman prsente un dialogue mais il ne dcrit pas explicitement la mimique des interlocuteurs, leurs gestes, l'entourage, etc., le film dispose d'un espace non-rempli et le metteur en scne peut s'exprimer d'aprs ses propres ides. En mme temps les structures comme les monologues intrieurs ou les descriptions psychiques des personnages, si faciles exprimer dans le texte littraire, sont un certain dfi pour le crateur filmique ainsi que pour les acteurs. Ainsi ils peuvent donner une nouvelle dimension l'uvre d'origine, au moyen de laquelle les deux ouvres peuvent devenir complmentaires. Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 41 Conclusion Lebutduprsentmmoiretaitd'analyserlesphnomnesquiseproduisentaucours du processus d'adaptation cinmatographique d'un texte littraire au niveau thmatique. Pour lesujetdenotreanalysenousavonschoisileromanEnsemble,c'esttoutd'AnnaGavalda, l'auteure franaise contemporaine, et l'adaptation filmique ponyme ralise par Claude Berri, unedesplusgrandespersonnalitsducinmafranais.Danslapartiethoriquenousavons essayd'esquisserlerapportentrelesdeuxarts,l'artlittraireetlefilm,etd'aborderla problmatique de la complxicit des procds d'adaptation en indiquant plusieurs approches parrapportcesujet.partlersumdel'histoireetladescriptiondespersonnages principauxduromanetdufilm,nousavonsindiqulamthodologieaumoyendelaquelle nous avons ensuite effectu l'analyse des thmes majeurs du roman et du film, en prtant notre attention aux glissements qui se produisent pendant la transcription du texte littraire au film.La relation entre la littrature etle septime art commence s'tudier avecl'apparition decedernier.Certainsauteurstententdedmontrerlasuprioritdelalittratureet l'infriorit de la cinmatographie ou vice-versa. D'autres essaient de justifier l'autonomie de cesdeuxartsetleurindpendancemutuelle.Ilexistealorsdenombreusesapprochesqui touchent cette problmatique ainsi que le sujet de l'adaptation. De nombreuses thories parlent dela fidlitdel'adaptationl'uvred'origine,ductnarratifetsmiotique,dela diffrence des moyens d'expression de chaque art, de leur ancrage spatiotemporel ainsi que du caractre explicite de l'un ou de l'autre. Cependant, les critiques des adaptations filmiques se servent leplussouventdutermedefidlitentantquecritrequalitatif.Pourtant,comparer deuxartsdistinctsquidisposentchacund'autresmoyensd'expression(mmes'ilsont plusieurs traits en commun) exige d'autres critres aussi.tantdonnqu'actuellementiln'existequasimentpasdemthodologiequinous permettraitd'analyserunfilmd'aprsunmodlelittraireaveccomplexit,nousprenonsen considrationquelesrsultatsdenotreanalysepuissentavoiruncaractrepartial.Les rsultats de l'analyse que nous avons effectue d'aprs la mthode dite littraire , propose parM.Mravcov,confirmelathoriedeG.Bluestone(voirsupra)quisoulignequela transcriptiond'untextelittrairedumoyenlinguistiqueparunmoyenaudiovisuelest,bien entendu,conditionneparcertainesmutationsindispensables.Nousavonsanalysces Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre littraire et de son adaptation cinmatographique) 42 mutations,quionttqualifiesdansnotretravailcommeglissements,surladisposition thmatiquedutextelittraireetdesonadaptation.Lesglissementsquiseproduisenten consquencedeladiversitdesmoyensd'expressiondesdeuxgenresontdestraitsvaris dansnotrecas.Certainssontngligeables,d'autressontplusmarquants.Citons-enplusieurs exemples :lesrelationsfamilialesdeshrosdansleromansontclairciesetlelecteur comprenddoncmieuxleurconduite,alorsquel'adaptationdclepeuleurpassetlehros devient mystrieux pour le spectateur. Par rapport l'lment humoristique faisant une partie importantedutextelittraire,nouspouvonsconstaterquelemetteurenscnel'atrspeu intgraufilm,etainsi l'histoireromantiqueet humoristiqueesttransformeenfilmentant quel'histoirepluttromantiqueavecuneteintelgred'humour.L'amourentreFrancket Camillesembletrelethmecentraldufilm,maisdansleromancethmecoexistecte cteavecd'autresthmesaussiimportantsquecelui-ci.D'autresglissementsseproduisent grceauxmonologuesintrieursprsentsdansletextelittraireetdifficilestransposerau film :quandPaulettesecognelatteets'vanouit,ellesouhaitemourir(p.15).Cettescne exprimelasolitudeetladsesprancequ'elleressentmaiselleatomisedanslefilm. Ensuite,l'amourdeFranckenverssagrand-mreestancrdansleromansurtoutparles monologuesintrieursetlelecteurentendqueFranckadoresagrand-mre,alorsque l'adaptation parat ngliger ce rapport si important dans l'uvre littraire.Toutefois,l'existencedeceschangementsquiapparaissentpendantleprocessus d'adaptationnesignifiepasquelesdeuxformesd'uneuvresoientcontradictoires.Par contre, l o il manque des moyens pour exprimer certaines structures dans un art, l'autre en dispose et ainsi peut crer une nouvelle dimension de l'uvre d'origine. Les rsultats de notre analysenousamnentdonclaconclusionqu'encomparantl'artlittraireetl'artfilmique nousnepouvonspasparlerdeleursuprioritnideleurinfrioritparrapportl'autre.La littrature et le film sont deux arts diffrents qui ont certainement plusieurs traits en commun maisquidisposentlafoisdeleursproprescaractristiquesquidistinguentl'undel'autre. Grce ces traits communs et distincts, ils ne doivent pas tre explicitement contradictoires, maisilspeuventdevenircomplmentaires.Parconsquent,nouspouvonsrpondrela question initialement pose : Est-il possible de comparer un art existant depuis un peu plus de cent ans un art aussi ancienque la littrature? Notre analyse fait preuve que c'est possible. Comme nous l'avons indiqu ci-dessus, ce sont surtout les traits communs qui nous permettent de raliser cette comparaison. Cependant, il faut galement tenir compte des particularits qui distinguentlacinmatographiedelalittrature.Enfindecompte,lesdeuxgenrespeuvent Anna Gavalda : Ensemble, c'est tout (Analyse comparative de l'uvre l