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L’APOTHEOSE D’HOMERE 1/Cette composition aux nombreux personnages fut commandée à Ingres pour décorer un plafond du "musée Charles X'' au Louvre (actuelles salles égyptiennes) et déposée en 1855. En effet, à partir de 1826, l'architecte Fontaine aménagea au premier étage de l'aile sud de la Cour carrée, 9 salles inaugurées en 1827 par Charles X. Pour orner ces salles, destinées aux collections égyptiennes, grecques et romaines, médiévales et Renaissances, des plafonds furent commandés aux meilleurs artistes de l'époque, décor complété par celui des voussures et la réalisation de bas-reliefs peints en haut des murs, au dessous des corniches. Les sujets représentés s'inspiraient des collections exposées. Ainsi les plafonds peints des 4 premières salles évoquent Homère, Pompéi, Herculanum et rendent hommage à Charles X. 2/ Fortement inspirée du Parnasse de Raphaël, cette peinture, qui n'est en rien "plafonnante'', figure Homère divinisé recevant l'hommage des grands hommes de l'Antiquité et des artistes des Temps modernes. À ses pieds, deux allégories de l'Iliade et l'Odyssée. - Le tableau fait référence à l'une des œuvres les plus connues de Raphael , L'Ecole d'Athènes. Comme lui, Ingres a recours à l'architecture classique. Il organise sur différents niveaux, un rassemblement de personnages historiques, des auteurs, des penseurs et artistes d'époques diverses assemblés en groupes autour d'Homère qui domine la scène sur un trône de bois, son bâton à la main. Dans cette apothéose artistique, Homère se voit élevé au rang des dieux. Un personnage ailé, vêtue de rose, la victoire (Niké) pose une couronne de lauriers sur la tête du poète. Tous les personnages manifestent leur allégeance à Homère. Le projet d'Ingres est explicite : il s'agit d'affirmer la prééminence du modèle classique pour toute entreprise artistique, en art, en littérature aussi bien dans l'Antiquité que dans le présent.

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  • LAPOTHEOSE DHOMERE

    1/Cette composition aux nombreux personnages fut commande Ingres pour dcorer

    un plafond du "muse Charles X'' au Louvre (actuelles salles gyptiennes) et dpose

    en 1855.

    En effet, partir de 1826, l'architecte Fontaine amnagea au premier tage de l'aile sud

    de la Cour carre, 9 salles inaugures en 1827 par Charles X. Pour orner ces salles,

    destines aux collections gyptiennes, grecques et romaines, mdivales et

    Renaissances, des plafonds furent commands aux meilleurs artistes de l'poque,

    dcor complt par celui des voussures et la ralisation de bas-reliefs peints en haut

    des murs, au dessous des corniches.

    Les sujets reprsents s'inspiraient des collections exposes. Ainsi les plafonds peints

    des 4 premires salles voquent Homre, Pompi, Herculanum et rendent hommage

    Charles X.

    2/ Fortement inspire du Parnasse de Raphal, cette peinture, qui n'est en rien

    "plafonnante'', figure Homre divinis recevant l'hommage des grands hommes de

    l'Antiquit et des artistes des Temps modernes. ses pieds, deux allgories de l'Iliade

    et l'Odysse.

    - Le tableau fait rfrence l'une des uvres les plus connues de Raphael, L'Ecole

    d'Athnes. Comme lui, Ingres a recours l'architecture classique. Il organise sur

    diffrents niveaux, un rassemblement de personnages historiques, des auteurs, des

    penseurs et artistes d'poques diverses assembls en groupes autour d'Homre qui

    domine la scne sur un trne de bois, son bton la main.

    Dans cette apothose artistique, Homre se voit lev au rang des dieux. Un

    personnage ail, vtue de rose, la victoire (Nik) pose une couronne de lauriers sur la

    tte du pote. Tous les personnages manifestent leur allgeance Homre.

    Le projet d'Ingres est explicite : il s'agit d'affirmer la prminence du modle classique

    pour toute entreprise artistique, en art, en littrature aussi bien dans l'Antiquit que dans

    le prsent.

  • - Les auteurs et potes classiques sont placs tout en haut de la hirarchie, juste sous

    Homre. Ils sont visibles en pied, en haut des marches. Ingres dispose les

    personnages par paires : la gauche d'Homre se tient Eschyle. Il tient un parchemin

    o figurent les titres de ses tragdies, rfrence la tradition littraire classique. En

    regard droite, Pindare lve son luth, pour montrer l'importance de la posie chante.

    Aux ct d'Eschyle, Apelle, peintre la cour d'Alexandre le grand et artiste le plus

    clbre de l'Antiquit, est reprsent ses pinceaux la main. Le vis--vis d'Apelle,

    droite est Phidias, sculpteur renomm d'Athnes, vtu de rose, ses maillets tenus

    bout de bras, pendant des pinceaux d'Apelle.

    N.B. Les personnages non classiques sont admis dans ce cnacle semi-divin par leur

    mentor : Raphal est prcd d'Apelle et c'est Virgile, au dessous qui introduit Dante,

    en manteau rouge, facilement reconnaissable avec son nez busqu et son menton

    saillant.

    Comme Ingres a fait ses portrait d'aprs des modles classiques, des bustes par

    exemple, les personnages de la range mdiane sont identifiables galement. A gauche

    de Phidias, casqu se tient Pricls, haute figure Athnienne du Ve sicle, il initia la

    construction de l'Acropole. Derrire lui conversent Socrate (crne chauve, robe bleue,

    posture argumentative) et Platon (tourn vers l'extrieur). Alexandre le grand se tient

    l'extrme droite. Lecteur d'Homre dans sa jeunesse, il tient un coffret qui contient les

    manuscrits de ce dernier. A gauche derrire Raphal, on reconnait Sappho et Alcibiade

    ; la droite d'Apelle, Euripide (dont le poignard symbolise la tragdie) Mnandre et

    Dmosthne. A gauche d'Homre, Hrodote recharge l'encensoir.

    - En bas, et visibles jusqu' la taille, se tiennent les artistes et auteurs contemporains du

    peintre. Quoique dignes de figurer ici, ils ne peuvent prtendre au rang lev de leurs

    prdcesseurs. Le peintre Nicolas Poussin domine le groupe gauche ; derrire lui se

    tiennent Pierre Corneille et un personnage qui pourrait tre Wolfgang Amadeus Mozart.

    ON reconnait gauche William Shakespeare et le Tasse. A droite, Molire tient un

    masque qui symbolise l'art de la scne, et Jean Racine (derrire et vtu de bleu) montre

    un feuillet o figurent les titres de ses uvres. Ces personnages tablissent le lien entre

    l'ge classique, clbr ici et le prestige de la littrature franaise de l'poque.

  • - Enfin, assis sur les marches se tiennent deux personnages qui reprsentent les textes

    inspirateurs de l'Apothose : gauche L'Iliade en rouge, portant une pe en rfrence

    la guerre de Troie ; droite l'Odysse dont l'aviron bris voque l'prouvant voyage

    d'Ulysse. Entre eux, grav en grec sur les marches, on lit le texte suivant : " Si Homre

    est un dieu qu'il soit vnr parmi les immortels / et s'il n'est pas un dieu, qu'il le soit tout

    de mme dans les esprits." Le caractre divin du fondateur de la tradition classique st

    donc affirm ici avec force.

    3/ Le tableau d'Ingres se distingue par son srieux absolu, dans la conception et

    l'excution. Ingres principal partisan du classicisme et disciple fervent de l'Acadmie

    franaise, tente de dfinir ici l'art suprme : la recherche du style juste et des thmes

    susceptibles d'difier le public.

    Quoique admir sa premire prsentation, le tableau d'Ingres allait devenir l'exemple

    mme du classicisme strile et cul de l'acadmie.

    Pour Ingres cependant, c'tait travers l'hritage srieux, digne et raffin de l'ge

    classique que le monde moderne pouvait tre transform. Promouvoir un monde

    meilleur : telle tait la finalit de son art.

    Source : Paul Crenshaw, Un autre regard sur la peinture. New York, 2009. Edition

    franaise, Rizzoli International Publications, Inc. 2010.