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APRIL 2009
SUMMARY
Pour une approche contextuelle de la violence Le role du climat d’école 2
Carra Cécile
Violences sportives, milieu sociaux et niveaux
scolaires Distribution “socioculturelle” des formes de violence dans le champ des
pratiques sportives de terrain 24
Sébastien Guilbert
Réflexions phénoménologiques sur le sens de la
violence scolaire au Chili 41
Catherine Blaya, Eric Debarbieux, Luis M. Flores, Ana María
Zerón
A meta-synthesis of completed qualitative
research on learners’ experience of aggression
in secondary schools in South Africa 60
M Poggenpoel, CPH Myburgh
Managing and handling indiscipline in schools A research project 85
Isabel Freire, Joào Amado
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 2
POUR UNE APPROCHE CONTEXTUELLE DE LA VIOLENCE LE ROLE DU CLIMAT D'ECOLE
CARRA CECILE, IUFM DU NORD/PAS DE CALAIS-UNIVERSITE D'ARTOIS, CESDIP-CNRS
ABSTRACT
L'expérience de la relégation socio-scolaire apparaît constitutive de l'expérience de violence des écoliers scolarisés dans les écoles concentrant les
enfants des familles les plus vulnérables des milieux populaires. Le climat d'école pèse cependant sur les processus de construction-déconstruction de
cette expérience, l'exacerbant ou au contraire l'atténuant. L'analyse met en évidence l'importance de trois composantes du climat d'école – le climat de
travail, éducatif et de justice – sur le climat de violence montrant simultanément les liens étroits entre rapport au travail scolaire et à l'école
d'une part et rapport aux autres et aux normes scolaires de comportement d'autre part.
MOTS-CLES
Violences à l'école primaire, Contextes de scolarisation, Climat d'école, Enquête de victimation, Enquête de violence auto-déclarée, Expérience des
écoliers, Climat éducatif, Climat de justice, Climat de travail.
Pour une approche contextuelle de la violence 3
Le phénomène de violence à l'école s'est constitué en problème social dans
les années 1990, en France mais aussi dans les pays occidentaux. Avec la
circulaire n° 2006-125 du 16-8-2006, la lutte contre la violence en milieu scolaire devient une priorité gouvernementale. La préoccupation publique se
déplace désormais sur l'école primaire, avec la représentation d'auteurs de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Rares sont cependant les
recherches sociologiques sur cet objet à ce niveau du système éducatif. Cette zone d'ombre se double d'un point aveugle : celui des écoliers. C'est en effet
massivement à travers le prisme de l'adulte que se construit une représentation des violences en milieu scolaire. Une autre dimension
nécessite d'être approfondie tant les différences entre écoles peuvent être importantes : le rôle du contexte local dans la production de violences en
milieu scolaire. Si les effets « subis », ceux relevant en particulier des caractéristiques du lieu d'implantation des écoles et des publics qui y sont
scolarisés pèsent sur la construction d'une expérience de violence, l'analyse de l’expérience des écoliers conduit cependant aussi à interroger le
fonctionnement scolaire local et les pratiques éducatives. Nous faisons l'hypothèse que cette expérience est médiatisée par le climat d'école ,
l'atténuant ou l'exacerbant. Il convient donc d'interroger le rôle de ce climat dans la co-production du phénomène de violence.
Dans son acception commune, le climat relève de l'impression, de l'impalpable. Nous le considérons ici comme un indice du fonctionnement
scolaire et des pratiques professionnelles. Pour l'appréhender, ont été distinguées différentes dimensions déterminant la perception du contexte
proche (Strauss, 1990) matérialisées par des scores – indices synthétiques. Le climat de violence est ainsi appréhendé à partir d'un « score violence »
constitué à partir des réponses aux questions sur la violence perçue, la victimation et la violence auto-déclarée. Ce score permet ainsi de comparer les
écoles sur cette dimension du climat. D'autres dimensions du climat sont distinguées. Ces dimensions, si l'on se réfère à la littérature spécialisée
(Gottfredson et Gottfredson, 1985 ; Janosz et al., 1998 ; Gottfredson, 2001 ; Debarbieux, 2006) sont susceptibles d'influer sur les attitudes des élèves mais
aussi sur les performances scolaires, l'hypothèse étant que les deux aspects sont étroitement liés. Ont été ainsi construits des scores pour appréhender :
le climat relationnel, le climat relatif au règlement, le climat éducatif, le climat de justice et le climat de travail. Le score social constitue un indice du milieu
social d'appartenance des élèves (voir infra).
Le climat relationnel permet de connaître la perception qu'ont les élèves de
la qualité des relations entre pairs, entre écoliers et enseignants et entre élèves et autres adultes de l'école. Le climat relatif au règlement prend la
mesure de la connaissance et de la reconnaissance du règlement (d'école et de classe), de son application et de la part prise par les élèves à son élaboration.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 4
Le climat éducatif repose sur la place donnée aux sanctions négatives, que ce
soit au niveau des comportements ou des résultats scolaires et sur la
perception qu'ont les élèves du type de relations instaurées par les enseignants, en termes d'égalité de traitement. Le climat de justice est
étroitement lié au climat éducatif en ce sens où il permet de savoir si les élèves estiment être traités personnellement avec justice tant sur le plan des
sanctions relatives au comportement qu'à celui des évaluations scolaires. Il s'en distingue cependant, les élèves déclarant l'existence de « chouchous » ou
de boucs émissaires ne le considérant pas forcément comme étant injuste. Le climat de travail permet d'appréhender à la fois l'estimation qu'ont les élèves
de leur valeur scolaire et leur perception du rapport des enseignants à leur travail. Les écoles pourront ainsi être caractérisées par des configurations
éducatives spécifiques dont il conviendra d'étudier le rôle dans les processus de construction-déconstruction de la violence.
Le climat scolaire, ainsi conçu, oblige donc à interroger l'expérience des acteurs, et en particulier leur expérience de violence. Pour y parvenir, il
convient d'être au plus près de leur vécu, c'est pourquoi nous définissons comme violence, ce qu'ils qualifient comme tel. C'est à cette condition que
leurs perceptions peuvent être appréhendées et tout particulièrement celles d'élèves du primaire, mal connues. En rendant compte ainsi de leur point de
vue, il s'agit d’accéder à une expérience sociale « vue de l'intérieur », « à la définition de la situation » par l'acteur lui-même. L’expérience subjective de
l’individu est ici conçue comme la résultante d'interactions avec autrui, la violence étant l’aboutissement d’un processus interactif – envisagé trop
souvent par sa seule manifestation. Le processus de construction/déconstruction de la violence, l'évolution des représentations –
qu'elles portent sur les formes de la violence ou son ampleur –, s'alimentent des logiques d’action des différents acteurs, ces logiques s’inscrivant dans un
contexte spécifique, le milieu scolaire, lui-même en interaction avec son environnement proche, le lieu dans lequel il est implanté. La recherche sur
laquelle repose cet article s'est efforcée d’approcher ces logiques d’actions à travers à la fois les motivations des individus participant à la construction de
la situation et les caractéristiques des écoles et de leur lieu d'implantation. Si elle tente par conséquent d'appréhender les dimensions contextuelle,
situationnelle et interactionnelle (Carra, 2009), cet article mettra surtout l'accent sur la première dimension, la dimension contextuelle.
Face à la dépendance de la définition de la violence du point de vue des acteurs, nous avons adopté une méthodologie prenant acte de leurs
perceptions, et plus particulièrement une enquête s'inscrivant dans la logique de l'enquête de victimation. Mises en oeuvre pour la première fois au sein du
système scolaire français en 1994 (Carra, Sicot, 1997), les enquêtes de victimation consistent à appréhender les violences, non plus du point de vue
Pour une approche contextuelle de la violence 5
des institutions, mais de celui des victimes, en les interrogeant sur les faits
qu'elles ont vécus. C'est dans cette veine que s'inscrit cette enquête
quantitative. Sa particularité est toutefois de s'articuler à une enquête de violence auto-déclarée : nous avons aussi demandé aux enquêtés s'ils avaient
été auteurs de violences. Ces deux dimensions, conjuguées à leur perception de la violence dans leur école, constituent les trois indicateurs de cette
recherche pour appréhender le climat de violence. Cette démarche permet de saisir sans les dissocier une perception, un acte et son vécu par les individus.
Les questionnaires comportent ainsi des questions portant non seulement sur les violences subies, commises ou perçues depuis le début de l'année
scolaire, leurs circonstances et conséquences, mais aussi sur le climat de l'école. Des critères relatifs au lieu d'implantation des écoles et au
recrutement social des élèves ont été intégrés aux questionnaires et complétées par ailleurs auprès de l'académie ou des mairies. Les questions
ouvertes ont donné lieu à une analyse de contenu permettant de construire les catégories de violence et de comprendre la perception des enquêtés sur le
climat de leur école. Plus de 2000 questionnaires élèves ont été ainsi analysés de même qu'une centaine de questionnaires enseignants. Les écoles retenues
constituent un échantillon représentatif des écoles primaires du département du Nord, construit en fonction de trois grands critères : le classement
institutionnel des écoles (« éducation prioritaire », « zone violence » et « ordinaire » (pour celles qui ne font l'objet d'aucun classement de la part de
l'institution scolaire), leur taille et leur situation géographique. Cet échantillon comprend 31 écoles, intégrant des couples permettant des
comparaisons d’écoles pourvues des mêmes critères discriminants. Cette enquête quantitative s'est articulée à une enquête qualitative lors de laquelle
des données ont été recueillies par entretiens et observations pendant trois années auprès des élèves et de leurs enseignants dans des écoles implantées
dans un même réseau d'éducation prioritaire de l'agglomération lilloise. Certaines de ces données seront exploitées ici pour mettre en perspective
celles recueillies par questionnaires et dégager, le cas échéant, des processus dans la construction d'une expérience de violence.
RELEGATION SOCIALE, SENTIMENT D'INJUSTICE ET
VIOLENCES A L'ECOLE
L'étude du phénomène de violence à partir des déclarations d'écoliers âgés
de 7 à 12 ans fait apparaître la prégnance de la violence dans leur expérience scolaire. A la question « Cette année, dans ton école, quelqu'un a-t-il été violent
avec toi (élève ou grande personne) ? », les écoliers sont ainsi 41,3 % à répondre positivement. A la question « Cette année, est-ce qu'il t'est arrivé d'être toi-même
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 6
violent dans ton école ? », 28,2 % des enfants répondent par l'affirmative. Le
pourcentage d'élèves répondant à cette dernière question en disant ne pas
savoir s'élève à 12,4 % ; il est de 14,5 % pour la victimation. A la question « Y a-t-il de la violence dans ton école ? », 37,2 % des écoliers répondent
« énormément » ou « beaucoup ». La violence prend ainsi sens pour des élèves de primaire à travers leur propre expérience. Elle prend la forme archétypale des
bagarres et des coups1.
Des écoles obtiennent cependant un score de violence significativement
différent de l'ensemble de l'échantillon, quelle que soit la catégorie d'acteurs –
élèves ou enseignants – à partir de laquelle les scores sont calculés2. L'inégalité
sociale des écoles face à la violence est mise en exergue depuis longtemps dans
les travaux portant sur la violence dans les collèges et lycées. Cette variable sociale est-elle aussi déterminante dans la production du phénomène de
violence à l'école élémentaire ? Le classement institutionnel (écoles classées – ou pas – en éducation prioritaire) constituant une variable grossière pour
appréhender la ségrégation sociale, les données de l'enquête sociale – devant permettre de recueillir la CSP des parents d'élèves – n'étant pas à jour pour
nombre d'écoles, un indice de vulnérabilité sociétale appelé "score social" a dû être calculé à partir des réponses des élèves au questionnaire. Il doit
permettre d'appréhender plus finement la composition sociale des publics scolarisés par école. Six variables constituent cet indice : la situation face à
l'emploi du père3, celle de la mère, la nationalité du père, celle de la mère, le
nombre de frères et sœurs, la morphologie familiale. Pour faire apparaître une éventuelle corrélation nous avons réparti les écoles dans trois groupes en
fonction de leur score de violence : les écoles aux scores de violence significativement plus élevés que la moyenne constituent le groupe dénommé
« écolesviolentes+ » ; le groupe « écolesviolentes- » rassemble les écoles aux scores de violences significativement moins élevés que la moyenne ; le dernier
: « écolesviolentes= », réunit les autres écoles (voir figure 3). Le croisement du score social avec le score violence montre une corrélation significative (voir
figure 1).
1 Ces résultats sont développés dans Carra C., 2008.
2 Les scores présentés ici sont ceux calculés à partir des déclarations des élèves, déclarations qui seront au centre de l'analyse développée au cours de cet article.
3 Le nombre de non-réponses à la question sur l'emploi occupé ne permet pas d'intégrer cette variable à la constitution de l'indice de vulnérabilité sociétale.
Pour une approche contextuelle de la violence 7
A l'instar du secondaire (Debarbieux, 1996), les inégalités sociales apparaissent ainsi étroitement corrélées au phénomène de violence dans le
primaire. Le groupe d'écoles aux scores de violence les plus élevés concentre les élèves de familles nombreuses (32,8 % des fratries sont supérieures ou
égales à 4), monoparentales ou recomposées (ils représentent 20 % des élèves de ces écoles ), dont les parents sont sans emploi (père sans emploi : 13 %,
mère sans emploi : 42,2 %), autant de caractéristiques des familles les plus vulnérables des milieux populaires. Sur les sept écoles constituant ce groupe,
toutes sont situées en milieu urbain dont cinq dans l'agglomération lilloise et roubaisienne.
Dans le groupe d'écoles aux scores de violence les plus élevés, la représentation qu'ont les élèves du lieu d'implantation de leur école est plus
négative (17,1 % des élèves le qualifie de « nul » ou « pas terrible ») – les thématiques de l'incivilité et de l'insécurité polarisant les représentations
négatives des élèves de ces écoles. Les enfants renvoient en effet l'image de quartiers dangereux, violents, insécures : « il y a des bagarres, des gens qui crient
la nuit, des autres qui jouent au foot et qui cassent des fenêtres ou des objets dans
des HLM », « il y a beaucoup de racketteurs, il y a des drogues et des tags partout »,
« parce qu'ils se tiennent mal, ils brûlent les feux rouges, ils font l'incendie dans les feux rouges, ils boivent de l'alcool, ils se droguent, ils fument », « il y a trop de
violences, des voitures brûlent », « le quartier est très dangereux ». Les « jeunes » sont désignés comme les principaux responsables de cette situation : « parce
qu'il y a des jeunes dangereux », « parce qu'il y des grands qui embêtent les gens et qui font du bruit la nuit », « parce qu'il y des jeunes qui traînent et ça me fait peur »
ainsi que les « arabes » : « parce qu'il y a des arabes qui font les fous ». Au delà des processus de stigmatisation/contre-stigmatisation participant à la
structuration des rapports entre groupes sociaux, ces discours laissent entrevoir une expérience de violence qui se construit au sein de ces quartiers,
dans un quotidien tendu, ponctué de multiples conflits dans lesquels sont pris les enfants : « ils veulent toujours nous taper pour rien », « parce qu'il y en a
qui me traitent », « des fois je me bagarre », « on me frappe », « des jeunes de 14-15
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 8
ans nous agressent, ils font des tags ». Ces quartiers ont été touchés par les
émeutes urbaines de la fin de l'année 2005.
Une autre dimension caractérise l'expérience des élèves du groupe d'écoles aux scores de violence les plus élevés : un fort sentiment d'injustice.
L'expérience de la relégation sociale, le sentiment de rage, de haine qu'il entraîne chez les jeunes, refusant la place que la société veut leur imposer,
celle de marginaux, d'assistés ou de délinquants (Carra, 2001), s'accompagne aussi d'un fort sentiment d'injustice. Les enfants gravitent autour des groupes
d'adolescents et des jeunes adultes dont l'injustice ressentie structure le rapport aux autres et à la société. Ceux qui n'ont pas une sociabilité de rue
sont aussi au prise avec les effets de cette relégation sociale ne serait-ce que par leurs conditions de vie et la frustration de ne pas pouvoir participer à la
société de consommation. Si les études portant sur les enfants sont rares, elles font cependant apparaître le développement précoce d'un « sens social »
chez eux. Zarca (1999) montre ainsi qu'à la fin de l'école primaire, les enfants ont appris à se situer eux-mêmes et à évaluer leurs chances d'occuper telle ou
telle position dans l'espace social. C'est aussi dans les interactions entre leurs parents et les représentants de la société (notamment enseignants et
travailleurs sociaux) que se construit une conscience de la place occupée par leur famille dans la société. La télévision, les journaux et les films, en
permettant la comparaison, participent de la construction de ce sens social tout en favorisant le développement d'un sentiment d'injustice. Ce sentiment
trouve ainsi une source dans l'expérience de la relégation. Les processus de stigmatisation qui en sont constitutifs participent de la construction de
l'identité sociale des enfants des zones reléguées.
Ce sentiment d'injustice ne repose cependant pas seulement sur
l'expérience de la relégation sociale. A l'instar du secondaire (Carra, Sicot, 1996 ; Dubet, 1998 ; Payet, 1998 ou encore Barrère, 2002), il se construit
aussi sur les mauvais résultats scolaires et les punitions, plus fréquentes dans ce groupe d'écoles (figure 2).
Pour une approche contextuelle de la violence 9
Près de 30 % des élèves du groupe d'écoles aux scores de violence les plus
élevés estiment ainsi que leurs résultats sont injustes (dans les écoles aux scores de violences les moins élevés, ils sont 19 % à le déclarer), ce groupe
d'écoles concentrant par ailleurs les élèves qui ont doublé4, qui disent avoir
souvent de mauvais résultats et un niveau faible. Quand on leur demande comment a réagi leur enseignant à la remise de mauvais résultats, les élèves
sont plus nombreux à répondre « rien », et moins nombreux à répondre « il m'a expliqué ». Ils sont aussi plus nombreux à estimer ne recevoir aucune aide en
classe. Certaines réactions des enseignants peuvent exacerber ce sentiment d'injustice : « il m'a dit des méchancetés », « elle m'a crié parce que je ne comprenais
rien », « il m'a dit assume tes résultats », « Elle ne m'aime pas alors elle ne passe pas
son temps pour moi ». Qu'ils estiment leurs résultats justes ou injustes, les élèves les plus en difficulté obtiennent un score de violence significativement
plus élevé que les autres quelle que soit le score de violence de l'école.
4 Plus d'un écolier sur cinq a doublé dans ce groupe d'écoles ; ils sont 11,2 % dans les écoles aux scores de violence les moins élevés.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 10
Le sentiment d'injustice se construit aussi sur les sanctions : les élèves de
ce groupe d'écoles sont significativement plus nombreux à estimer que les
punitions qu'ils reçoivent sont injustes (35 %), punitions qui y sont aussi significativement plus fréquentes (61,8 % disent avoir déjà été punis ; dans le
groupe d'écoles aux scores de violence les moins élevés, ils sont 38,6 % à le déclarer). Si « faire des lignes » apparaît le type de punition le plus souvent
infligé aux élèves quel que soit le groupe d'écoles concerné, ces élèves sont sur-représentés : 43,8 % déclarent ainsi avoir fait des lignes. Les punitions
collectives y sont plus fréquentes : « des élèves faisaient des bêtises, alors on a tous été punis », « d'autres enfants parlaient et le maître ne voulait pas savoir qui
c'était », « c'était à la cantine et ils ne nous ont pas fait sortir à l'heure alors on a eu
des punitions ». Même si le pourcentage est minime, les élèves sont aussi plus
nombreux à déclarer : « Le maître m'a tapé » (3,5 % pour 1,9 % sur l'ensemble de l'échantillon).
Ce sentiment d'injustice s'accompagne d'un sentiment d'arbitraire dans l'application du règlement, règlement qui, soulignons-le, apparaît connu aussi
bien qu'ailleurs (61 % disent "bien" et "très bien" connaître le règlement d'école et 69,8 % disent "bien" et "très bien" connaître le règlement de classe). Le
traitement des élèves leur apparaît plus inégalitaire : à la question : "Si les élèves ne sont pas punis de la même manière pour la même bêtise, est-ce que tu
trouves que c'est juste ? », « Pourquoi ? », 50,4 % d'entre eux répondent par la négative (ils sont 42,9 % dans les écoles aux scores de violence les moins
élevés), les argumentations s'appuyant sur les notions de justice, d'égalité et de légalité : « c'est pas juste », « c'est illégal », « il faut faire pareil que le
règlement », « Ils ont fait la même bêtise, ils doivent avoir la même punition », « on
est pareil et il n'y a pas de raison qu'un autre élève soit puni plus ou moins
sévèrement que moi ».
Dans ce groupe d'écoles, les élèves sont en outre significativement plus
nombreux à déclarer l'existence de « chouchous » (46 % contre 38,1 % pour l'ensemble de l'échantillon). 41,7 % d'entre eux (36,9 % pour la moyenne de
l'échantillon) considèrent que cette situation est anormale. Les verbatims suivants montrent qu'elle contribue à nourrir un ressentiment portant sur
différentes dimensions de la relation enseignante : « il ne les dispute jamais », « il s'occupe d'eux et nous laissent tomber », « c'est dégueulasse de leur mettre des
bonnes notes », « elle a des chouchous, ça veut dire qu'elle nous aime pas ou qu'elle est raciste », relation pouvant provoquer des réactions de certains élèves à
l'encontre du « chouchou » : « c'est pas normal et j'ai tendance à être jalouse et je m'énerve sur elle ». Dans certains arguments, le rôle de l'enseignant est
interrogé : « ils sont là pour apprendre aux enfants, non pour décider qui est leur chouchou » et la notion d'égalité, convoquée : « tout le monde est pareil », « un
élève est un élève comme les autres », « tout le monde doit être égal », « tout le
monde doit être traité de la même manière ». Les élèves de ce groupe d'écoles
Pour une approche contextuelle de la violence 11
sont aussi significativement plus nombreux à répondre positivement à la
question suivante : « Y a-t-il dans ta classe des élèves avec lesquels ton maître ou
ta maîtresse n'est pas gentil ? » (61,3 % ; ils sont 50,3 % dans le groupe d'écoles aux scores de violence les moins élevés). Près de 40 % d'entre eux estiment
cette situation anormale, ce qui correspond aussi à la moyenne de l'échantillon. Le même type d'argument est employé pour expliquer
l'anormalité de cette situation : « il doit être gentil et méchant quand il faut avec tout le monde », « je trouve que c'est injuste qu'avec nous il est gentil et avec eux
non », « la maîtresse est là pour enseigner et pas adorer ou détester », « il doit tous nous respecter comme nous on le respecte ».
Dans le groupe d'écoles aux scores de violence les plus élevés, le règlement est ainsi aussi bien connu qu'ailleurs et les sanctions pour le moins affirmées,
deux dimensions pointées par nombre de chercheurs comme étant importantes pour instaurer un ordre scolaire. Encore faut-il que cet ordre soit
vécu comme juste et équitable par les élèves. Or le sentiment d'injustice et d'arbitraire est plus élevé chez les élèves de ce groupe d'écoles, décrédibilisant
le règlement et le recours à l'adulte : « Je l'ai frappé, je ne l'ai pas dit à la maîtresse parce qu'elle s'en fout », « il m'a traité et il m'a donné des coups de pied mais moi je lui ai rien fait parce que ça aurait été moi qui me serais fait disputer »,
« il m'a fait vachement mal, il n'a pas été puni ». Les relations avec les
enseignants sont significativement moins bonnes qu'ailleurs : « Les maîtres crient pour rien », « Les profs sont agressifs et nous donnent beaucoup de
punitions ». C'est finalement la question de la légitimité de l'autorité qui est ici soulevée, légitimité qui « ne peut se fonder sur autre chose que sur un
sentiment de justice et d'équité qu'elles [les institutions] sont capables de produire et d'étayer, quand elles ne reposent plus sur aucun principe
"transcendant" identifié à l'ordre des choses » (Dubet, 1998, 47). Dans un tel contexte, la violence physique, même si elle est dénoncée par un nombre
important d'élèves (53,7 % de ces élèves s'en déclarent ainsi victimes), demeure un moyen de régulation entre pairs :
« - Et en plus il est méchant euh Y.
- Il est méchant ? Pourquoi tu trouves qu’il est méchant ? - Il frappe tout le monde pour rien du tout, il fait ça pour rigoler, par
exemple il y en a un dans la cour il court et je sais pas il l’attrape il le frappe. - Ah oui c’est vrai. - Et vous allez le dire au maître ça ? - Oui des fois. - Des fois, moi, si il me fait ça, je le frappe. - Pourquoi tu vas pas le dire au maître, parce que le maître il
interviendrait ? - Ben non. - Non mais le maître il lui fait aucun mal à lui. - Lui faire mal ça veut dire quoi aussi ?
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 12
- Ben oui parce que lui, il m’a fait mal, donc je dois lui faire mal,
c’est obligé » (entretien collectif avec des écoliers, école en éducation
prioritaire).
La perception d'un traitement inégalitaire est significativement corrélée à
une perception négative du règlement, cette perception étant du coup la plus négative chez les élèves du groupe d'écoles aux scores de violence les plus
élevés (près d'un quart d'entre eux le qualifie de « nul » ou « pas terrible » ; ils sont 12,9 % à le déclarer dans les écoles aux scores de violence les moins
élevés). Cette image plus négative apparaît en outre associée à une moindre participation des élèves à son élaboration, l'absence de participation étant
significativement plus élevée dans le groupe d'écoles aux scores de violence les plus élevés (32,3 % ; ils sont 20,6 % à déclarer ne pas avoir participé à
l'élaboration du règlement dans le groupe d'écoles aux scores de violence les moins élevés). Cette absence de participation conjuguée à la perception de
pratiques enseignantes discriminatoires semble avoir des conséquences sur l'adhésion des élèves au règlement. Ce dernier apparaît comme une tentative
d'imposition répressive (« j'ai été puni pour rien du tout, notre maître donne des punitions comme des petits pains ») d'un ordre scolaire arbitraire (« il avait envie
de me punir, il était de mauvaise humeur »), contribuant au développement de tensions entre élèves et enseignants, tensions qui se développent avec
l'avancée dans la scolarité, le mécontentement exprimé par les écoliers sur le règlement et les sanctions croissant significativement avec les critiques
émises à l'encontre des enseignants et du fonctionnement de l'école : « Des fois, je me sens comme dans une prison, mais j'ai beaucoup d'amis que j'aime bien ».
La réponse apportée pour gérer les mauvaises relations entre élèves consiste à imposer un ordre scolaire par l'emploi fréquent de sanctions alors
qu'apparaît en filigrane le choix d'enseignants de ne s'intéresser qu'à certains élèves, ceux qui montrent un minimum d'intérêt à leur enseignement et de
délaisser les autres. Van Zanten note aussi ce type de logiques, notamment à partir d'observations menées dans des classes de collège durant deux années,
montrant que « petit à petit les conflits entre élèves et les stratégies enseignantes qui les exacerbent engendrent un climat favorable aux
comportements de repli ou de contestation ouverte à l'institution » (van Zanten, 2000, 386). Certains des comportements peuvent en effet apparaître
ici comme contestataires, notamment ceux qui prennent pour cible l'enseignant tentant de le tourner en dérision : « je me suis rigolé de madame
M. », « mon copain a tiré, elle est passée à un poil des cheveux du maître », ou qui se présentent comme des refus de se soumettre à ses demandes : « j'ai dit non à
un truc où on devait écrire », « j'ai déchiré des pages », « je suis parti de l'école ». Si les comportements de contestation prennent le plus souvent la forme
Pour une approche contextuelle de la violence 13
d'opposition-rigolade, il bascule parfois en chahut anomique dans sa version
la plus dure telle que décrit par Testanière (1967) :
« - Ben j’étais énervé, parce que la remplaçante qu’elle était venue pour trois semaines, parce que notre maître il était en stage, ben elle avait pleuré parce que en classe ici [...] Y., il est venu, il faisait tout le tour comme ça.
- Il faisait tout le tour, il s’amusait.
- En fait tout le monde l’avait fait - Et aussi à la récré, il y a, il y a, il a mis un coup à la dame [...]. - Et aussi il s’est levé, il s’est levé, il a fait tout le tour, il s’est amusé, il
faisait tomber les sacs et tout et... - Une fois il y avait, en plein cours, il s’est levé Y. et il a frappé G. - C’est ce que j’allais dire oui, il a frappé G., il lui a mis un coup de
poing. - En classe ?
- Oui en plein classe » (entretien collectif avec des écoliers, école en
éducation prioritaire).
Certains élèves trouvent dans leur résistance à l'ordre scolaire des motifs de prestige devant forcer le respect de leurs pairs. La culture de bande, celle de
la cité, du groupe de pairs sont mobilisées comme des ressources culturelles et sociales dans « un retournement du stigmate », la reconnaissance des pairs
étant recherchée dans le défi, la force, le courage de s'opposer aux adultes. Ces comportements constituent une manière de résister à l'incorporation des
identités négatives que peut imposer l'école (Dubet, 1994). Si tous les élèves sont loin de réagir ainsi, le sentiment d'injustice largement partagé par les
élèves du groupe d'écoles aux scores de violence les plus élevés tend à alimenter le processus de construction de l'expérience de violence : d'une part
en augmentant le sentiment de violence et son expression et d'autre part, en nourrissant les comportements déviants, se retournant, pour l'essentiel,
contre les pairs. Les logiques à l'oeuvre dans la régulation des déviances, mais aussi le rapport des enseignants au travail des élèves tels que ces derniers le
perçoivent, contribuent à exacerber ce sentiment d'injustice.
VIOLENCES ET CLIMAT D'ECOLE
La ségrégation sociale influe sur l'organisation scolaire et affecte le climat
d'école. Pour autant, à caractéristiques sociales similaires (figure 3), le climat de violence peut différer fortement d'une école à une autre. Dans un même
réseau d'éducation prioritaire, les écoles codées en 2.1. et 2.2.5 par exemple
5 Plus les scores sont élevés, plus ils reflètent une situation vécue négativement par les enquêtés.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 14
appartiennent, pour la première, aux écoles aux scores de violence
significativement plus élevés que la moyenne et la seconde est dans cette
moyenne. On peut prendre l'exemple de ces deux autres écoles dans une même zone de prévention de la violence, les écoles 3.1. et 3.4. qui elles aussi
se distinguent très significativement par leur score de violence ; par un double phénomène d'attraction-rejet, leur score social diffère aussi. L'école 3.4. au
score social le plus « mauvais » de l'échantillon obtient un score moyen de violence alors que la première a un score de violence significativement plus
élevé que la moyenne. Le plus « mauvais » score social après l'école 3.4. concerne l'école 2.5. qui obtient un score de violence significativement plus
élevé que la moyenne.
Pour une approche contextuelle de la violence 15
Des écoles non classées se distinguent aussi par des scores de violence fortement différents, certains sont significativement plus élevés que la
moyenne : elles représentent quatre écoles sur les sept qui ont les scores de
violence les plus élevés6, deux étant en « éducation prioritaire »7 et une en
6 Écoles codées en 1.8., 1.12., 1.4. et 1.14. Les écoles dont le code commence par 1 sont des écoles dites « ordinaires » (ne faisant donc l'objet d'aucun classement institutionnel), par 2, des écoles en "éducation prioritaire" et par 3 en "zone violence".
7 Ecoles codées en 2.4. et 2.1. (voir score de violence dans le tableau des moyennes).
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 16
« zone violence »8. Non seulement les scores de violence peuvent différer
fortement d'une école à l'autre mais elles se distinguent aussi sur les autres
composantes de leur climat. La répartition des écoles selon les différentes composantes de leur climat montre en effet des configurations scolaires
particulières (figure 4). L'établissement scolaire apparaît donc comme une organisation qui ne peut se définir par les seules contraintes qui pèsent sur lui
et lui échappent (en particulier son environnement socio-économique). Il possède des caractéristiques spécifiques internes qui le distinguent des autres
établissements et qui contribuent au processus de construction-déconstruction de l'expérience de violence des élèves.
Le graphe des relations fait apparaître les corrélations entre les différentes
composantes du climat (figure 5). Ce traitement des données oblige à nuancer le poids prêté à certaines d'entre elles sur le phénomène de violence. Ainsi en
est-il de la composition sociale du public scolaire. La relation entre score violence et score social n'est pas indiquée, non pas qu'elle n'existe pas mais
parce qu'elle ne dépasse par les 0,5 ; elle s'élève en effet à 0,42. Si la relégation
sociale est liée à l'expérience de violence, elle apparaît ainsi fortement
8 Ecole codée en 3.1. (voir score de violence dans le tableau des moyennes).
Pour une approche contextuelle de la violence 17
médiatisée par le climat d'école en primaire, plus précisément par certaines de
ces composantes comme nous allons le préciser.
La corrélation entre le score violence et le score relations n'est pas non plus significative (coef. 0,38). Des relations qui sont qualifiées de moyennes ou
mauvaises n'impliquent donc pas mécaniquement un haut score de violence. Ce qui finalement apparaît surprenant au premier abord tant nombre de
travaux ont pu prendre cette variable comme révélatrice de problèmes de violence. Elles participent au processus de construction de la violence à
certaines conditions, conditions que l'étude des autres dimensions du climat vont permettre d'éclairer. La corrélation entre score violence et règlement est
encore plus infime (coef. 0.25) ce qui est encore plus surprenant tant là aussi le règlement, sa connaissance, la contribution de l'élève à son élaboration
prennent une place importante et dans la littérature scientifique et dans la littérature professionnelle pour lutter contre la violence. Mais là aussi, ce qui
apparaît déterminant ainsi que le montre le traitement précédent des données, c'est que le règlement soit appliqué de la même manière à tous, que
chacun bénéficie du même type de relations avec les enseignants (que l'on a évalué avec le score éducatif) et que les sanctions, qu'elles portent sur le
comportement ou le travail scolaire, soient perçues comme justes (ce que nous avons appréhendé avec le score justice).
Nous retrouvons l'importance de ces composantes – justice et éducatif – dans la variation du score violence. Le coefficient de ce dernier avec le score
éducatif s'élève à 0.64 et avec le score justice à 0.62. Si le sentiment de justice est bien connu dans la littérature pour contribuer à la variation du
phénomène de violences en milieu scolaire, elle ne fait pas référence ici aux inégalités face à l'école et dans l'école de par le fonctionnement du système
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 18
éducatif mais aux caractéristiques des interactions élèves-enseignants dont
certaines relèvent du favoritisme ou du rejet de la part de la communauté
éducative et plus globalement d'un traitement de l'élève plus ou moins égalitaire.
La corrélation la plus forte s'élève à 0.66, entre le score violence et le score travail et relève du rapport perçu par les élèves des enseignants à leur travail,
de leur propre perception de la qualité non seulement de leur travail mais aussi de celui de leur classe. Cette dimension est centrale mais a peu été
approfondie empiriquement alors que son lien avec la violence est bien connu. Elle est centrale aussi parce que c'est à partir du travail que les élèves
donnent, ou pas, sens aux activités scolaires. On a sans doute laissé trop de côté cette dimension dans les enquêtes quantitatives tant il est vrai que ce
concept est difficile à opérationnaliser.
Les élèves dans les écoles aux scores de violence les plus élevés se voient
renvoyer l'image de mauvais élève sans perspective de progression et qui ne méritent pas un soutien de l'enseignant. Cette dimension apparaît centrale
dans la construction d'une expérience de violence. Elle est intrinsèquement scolaire. Le score de travail est significativement corrélé au score de justice et
au score éducatif, eux-mêmes significativement corrélés au score de violence. Le score éducatif met en évidence le mode privilégié (comparativement aux
autres écoles) sur lequel les difficultés rencontrées sont traitées dans ces écoles, celui des sanctions, sanctions qui portent tout à la fois sur le
comportement et sur le travail, sanctions perçues par les écoliers, comme étant arbitraires. Le score de justice montre que la perception de pratiques
enseignantes discriminatoires est associée à un fort sentiment d'injustice.
A contrario, plus les enfants se sentent traités comme des élèves capables
de progresser et méritant le soutien de l'enseignant dans une école où chacun semble bénéficier d'un traitement équitable et juste, moins ils expriment une
expérience de violence et plus l'adhésion aux normes scolaires semble importante. C'est finalement la question de la légitimité de l'autorité qui est
soulevée, légitimité reposant, dans un contexte de relégation, d'une part, moins sur le statut de l'enseignant que sur ses pratiques et, d'autre part,
moins sur l'école comme institution, que sur les fonctionnements internes locaux. Cette légitimité de l'autorité se construit en situation, situation qui ne
fait pas de la socialisation des enfants un pré-requis aux apprentissages scolaires mais qui place en son centre les apprentissages, marquant ainsi
symboliquement l'espace scolaire d'un sens spécifique.
La légitimité de l'autorité s'élabore au cour des interactions entre acteurs et
croît avec l'image positive qui est renvoyée aux élèves. Elle relève donc pour partie d'un effet pygmalion (Rosenthal et Jacobson, 1971), contribuant aux
Pour une approche contextuelle de la violence 19
processus de construction-déconstruction de l'expérience de violence. Cette configuration éducative semble affecter le plus l’expérience sociale et scolaire des élèves scolarisés dans les zones de relégation en médiatisant les effets de
la ségrégation socio-scolaire tout en permettant une actualisation de la socialisation scolaire. Il ne suffit donc pas d'être plongé dans un monde social
pour que ce monde ait des effets (réels) de socialisation. Encore faut-il qu'un certain nombre de conditions sociales soient réunies rendant effective
l'influence socialisatrice des enseignants et de l'école. Elle semble l'être le plus lorsque les pratiques socialisatrices apparaissent aux élèves comme des
pratiques à la fois justes et orientées vers le progrès scolaire de chacun, la légitimité reconnue à ces pratiques contribuant alors à une adhésion aux
normes scolaires.
CONCLUSION
La construction d'une expérience de violence chez les écoliers ne relève
donc pas exclusivement de facteurs extérieurs qui échapperaient en grande partie aux écoles. Des écoles situées dans un même environnement et
accueillant le même type de population se distinguent des autres par des scores de violence significativement différents de la moyenne de l'échantillon.
Des recherches portant sur le secondaire ont pu montrer l'importance du climat, un « mauvais » climat scolaire caractérisé par un sentiment d'injustice
développé chez les élèves étant régulièrement corrélé au phénomène de violence. Cette corrélation, que l'on retrouve dans les écoles non classées
(dites ici de milieu « ordinaire ») montre que la violence n'est pas un phénomène surgissant spontanément hors contexte proche des interactions.
Il est aussi lié au fonctionnement de l'établissement, à son organisation. Il renvoie à la question de la justice du système éducatif (Meuret, 1999), mais
conduit aussi à interroger les fonctionnements locaux d'écoles, les pratiques éducatives et la place donnée aux apprentissages scolaires.
Le climat d'école pèse ainsi sur les processus de construction-
déconstruction du phénomène de violence à l'école, l'exacerbant ou au contraire l'atténuant. Son analyse met à jour une configuration éducative qui
semble le plus médiatiser les effets de la ségrégation socio-scolaire. Elle met en effet en évidence l'importance de trois composantes du climat d'école – le
climat de travail, éducatif et de justice – sur le climat de violence montrant simultanément les liens étroits entre rapport au travail scolaire et à l'école
d'une part et rapport aux autres et aux normes scolaires de comportement d'autre part. Le phénomène de violence à l'école ne peut donc s'analyser sans
interroger ce double rapport et les pratiques professionnelles qui l'induisent.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 20
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VIOLENCES SPORTIVES, MILIEUX SOCIAUX ET NIVEAUX SCOLAIRES DISTRIBUTION « SOCIOCULTURELLE » DES FORMES DE VIOLENCE
DANS LE CHAMP DES PRATIQUES SPORTIVES DE TERRAIN
SÉBASTIEN GUILBERT, EQUIPE DE RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES DU SPORT (EA 1342), STRASBOURG
ABSTRACT
La présente étude s’intéresse aux formes de violence, l’objectif étant de
montrer d’une part qu’elles sont marquées au cœur même des sports et
d’autre part qu’elles sont définies socialement et culturellement. Un
échantillon composé de six pratiques sportives (football, karaté, tennis,
volley-ball, tennis de table, basket-ball) a été constitué pour cette étude. 270
compétiteurs ont répondu à un questionnaire. Les résultats font apparaître
que les formes de violence, les milieux sociaux et les niveau scolaires différent
significativement selon les espaces sportifs. Une distribution
« socioculturelle » des formes de violence dans le champ des pratiques
sportives de terrain a été mise en évidence, marquée par deux groupes de
pratiques à propriétés différenciées, prouvant ainsi que les formes de violence
constituent des facteurs de différenciation particulièrement pertinents dans
le champ sportif.
KEYWORDS
Sociology, Sports, Violences, Distribution.
Violences sportives, milieux sociaux et niveaux scolaires 25
INTRODUCTION
La violence sur les terrains d’exercice corporel ne date pas d’aujourd’hui.
On sait, à la lecture des travaux de Norbert Elias (1971, 1976), que la violence
était étroitement associée à l’histoire des jeux antiques. A Olympie, les
bagarres, les injures, les tricheries… faisaient partie intégrante des jeux.
Gagner, être le vainqueur du dromos (la course du stade), devenir le héros de
la Cité… entraînaient les athlètes à recourir à toutes sortes de déviances. Le
pancrace, par exemple, l’une des pratiques les plus connues et les plus
brutales, offrait régulièrement des affrontements sanglants qui se
terminaient souvent par des blessures graves voire des morts d’hommes.
Même s’il existait des juges pour veiller au bon déroulement des épreuves, la
violence se produisait, elle était tolérée, reconnue et valorisée ; son niveau
était élevé et son seuil de répugnance bas : ils correspondaient tout
simplement au faible niveau de développement des Cités-Etats et de
sensibilité de leurs membres.
Au Moyen-âge et à la Renaissance aussi, malgré les nombreuses
ordonnances d’interdiction des rois, la violence continuera de s’afficher
copieusement dans les pratiques physiques: soûle, tournoi, duel… (Jusserand,
1986; Mehl, 1988). En fait, il faudra attendre « Die Höfische Gesellschaft », la
société de Cour (1974), et ses règles aux dix-septième et dix-huitième siècles
pour constater des modifications dans les comportements, le contrôle des
affects... Cette évolution d’origine anglaise aura une influence directe sur les
exercices physiques puisque la création de nouvelles formes de pratiques, les
gymnastiques et leurs disciplines, puis les sports et leurs règlements, à la
place des formes anciennes de pratiques (le processus de sportization)
conduira à l’intériorisation des normes de retenue, la généralisation de
l’autocontrôle, l’euphémisation de l’exercice de la violence… corrélatives d’une
pacification du monde social.
Aujourd'hui, cette dynamique du processus de « civilisation des mœurs »
(Elias et Dunning, 1986) semble quelque peu remise en cause et ne plus
correspondre à la réalité (Basson, 2001; Bodin et al., 2006). En effet, les
formes de violence, comme les atteintes contre les personnes, qui
diminuaient depuis le Moyen-âge, ont augmenté dès le dernier tiers du
vingtième siècle; de même de nouvelles formes de violence sont apparues en
particulier d'ordre psychologique: harcèlement, défaillance morale…
(Vigarello, 1998; Duret, 2001).
Aussi cette étude vise à s'attacher aux formes de violence contemporaines,
à tous ces actes intentionnels, autorisés ou non, qui sont perçus comme
violents et qui portent atteinte à l’intégrité physique ou morale des
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 26
personnes, à soi ou autrui, ou causent un dommage matériel. Sur ce point, les
violences physiques (bagarres, coups, morts…), les violences verbales
(insultes, menaces, injures…), les violences psychologiques (guerres des nerfs,
harcèlement, défaillances morales –« dans le jargon, on dit péter les plombs »-
) et les violences symboliques (tricheries, combines, corruptions, dopages…)
apparaissent comme les formes de violence les plus citées et les plus
répandues sur les terrains de sport (Brohm, 1993; Defrance, 2000; Bodin,
2001). Toutefois, celles-ci ne semblent pas structurées les disciplines
sportives de la même manière. Aussi, et en premier lieu, l’étude cherchera à
montrer l’existence de différentes formes de violence dans les espaces
sportifs. Après quoi, il s’agira de voir si derrière ces différences ne se cachent
pas des disparités sociales et scolaires importantes. C’est là le fond de notre
problématique : les disciplines sportives aux formes de violence « dures »
sont-elles négativement marquées socialement et culturellement, à l’inverse
des disciplines aux formes de violence « douces » ? Il conviendra donc
d’étudier la répartition des « formes de violence » entre espaces sportifs et
voir si elles sont en relation avec les milieux sociaux et les niveaux scolaires de
leurs pratiquants.
Auparavant, il nous semble important de dire que la caractérisation des
violences des espaces à partir des propriétés économiques, culturelles,
sociales, techniques, corporelles… ont fait l’objet d’études dans de nombreux
domaines. Dans le champ scolaire, par exemple, il a été montré que les
établissements « très défavorisés » étaient plus violents que les établissements
« très favorisés », et que la violence la plus brutale, la violence physique,
augmentait lorsque la donne socioculturelle s'alourdissait (Debarbieux, 1999).
Ailleurs, dans le champ juridique, il a été montré aussi que les pauvres étaient
sur-représentés parmi les criminels contrairement aux hommes d'affaires, et
que la violence à col blanc -les bagarres, les menaces, les vols…- s'opposait à la
violence à col bleu -l'escroquerie, la corruption, les pots de vin…- (Katz, 1997).
Ailleurs encore, dans le champ sportif, il a été montré que la violence était
plus importante en lutte qu'en aïkido et que la lutte, « sport de prolo », à
violence physique caractérisée et « caractérisante », s'opposait à la non-
violence des « travailleurs intellectuels» de l'aïkido (Clément, 1981).
Ceci étant, si de nombreux travaux se sont intéressés aux formes de
violence proprement dites dans le champ des pratiques sportives de terrain,
nul ne s’est tenté, a fortiori, à proposer une systématisation « des formes de
violence» véhiculées sur les terrains de sport en fonction de déterminants
canoniques tels le milieu social, le niveau scolaire… ce à quoi cet article se
propose de répondre. Avec la pluralité et la diversité des espaces sportifs et
des violences, il nous semble dès lors intéressant de voir ce que les
appartenances sportives peuvent induire au niveau des représentations de la
violence en sport (Bourdieu, 1979). N'occupant pas les mêmes positions
Violences sportives, milieux sociaux et niveaux scolaires 27
sociales, culturelles, et ne s'adonnant pas aux mêmes pratiques physiques, les
agents sociaux qui sont quelque part « porteurs » des propriétés des espaces
auxquels ils appartiennent paraissent en mesure de produire des points de
vue différenciés sur les formes de violence représentées, leur milieu social et
leur niveau scolaire. Nous tenterons par conséquent d’aborder le problème à
travers ce que disent les agents qui occupent les espaces sportifs.
METHODOLOGIE
PARTICIPANTS L’étude (Guilbert, 2000) porte sur une population masculine composée de
270 compétiteurs (26.3±5.1 ans) issus de 6 activités : le basket-ball (B), le
tennis de table (TT), le karaté (K), le football (F), le tennis (T), le volley-ball
(V). Ils sont 60 par discipline dans les trois premières et 30 par discipline dans
les trois dernières et se clivent selon le niveau de pratique, 135 de niveau
national et 135 de niveau départemental. Cette différence de quotas est le
résultat de deux recherches effectuées en des temps différents, celui de DEA
et celui de thèse. Plus de 84% des sportifs ont plus de 5 ans de pratique dans
leur sport, c’est dire qu’ils ont une expérience du terrain et qu’ils sont à même
de nous donner une image « fidèle » des formes de violence qu’ils se
représentent dans leur sport. Nous les avons interrogés de la même manière
sur leur identité sociale et culturelle. Ils proviennent d’une quarantaine de
clubs sportifs de la Communauté urbaine de Strasbourg, ville située dans l’est
de la France.
PROJET Notre principal choix méthodologique est comparatiste. Ce comparatisme
repose sur le principe théorique que l’on ne peut pas étudier la violence dans
un sport donné indépendamment de celle des autres sports (Bourdieu, 1987).
Aussi et afin de comparer les formes de violence entre pratiques sportives, il a
fallu au préalable se résoudre à choisir dans le champ sportif des disciplines
susceptibles de se différencier dans leur violence. Dans le domaine de la
« sociologie différentielle », on sait que de nombreuses études en sociologie du
sport ont proposé des typologies de disciplines sportives en fonction de leurs
spécificités motrices ou de leurs propriétés sociales (Lüschen, 1962 ; Parlebas,
1986 ; Pociello et al., 1981). En se référant à chacune d’elles, et dans le dessein
de construire notre propre « système des violences sportives », nous avons
choisi d’investir un corpus de pratiques composé de trois sports collectifs,
d’un sport de combat et de deux sports de raquette.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 28
A la différence des méthodes d’observation directe et « archivale » (Pfister
et al., 1987 ; Varca, 1980 ; Volkamer, 1971), cette étude repose sur une
méthode d’observation indirecte. Si le but est de montrer que les formes de
violence différent dans les disciplines sportives, il ne s’agit pas de l’atteindre
en expérimentant directement les types de violence des sportifs. L’objectif
consiste à accéder à la « vérité » de la violence en interrogeant l’histoire et le
vécu des agents, c’est-à-dire en s’attachant aux discours des sportifs sur ce
qu’ils disent représenter comme formes de violence dans leur sport, tel est le
fond de notre méthodologie. De la même manière, nous n’avons ni fait appel
au ministère de l’emploi ni à celui de l’éducation nationale pour connaître
l’origine sociale et le niveau scolaire des agents, nous nous sommes appuyés
sur leurs points de vue pour les identifier. Objectiver la violence des sports et
les propriétés sociales et culturelles des pratiquants à travers le discours de
ces derniers nous semble un projet possible car selon Bourdieu (1979) les
agents ne rentrent dans les espaces sportifs que s’ils en ont les propriétés.
INSTRUMENT En vue de garantir la confidentialité sur un thème souvent jugé « tabou », la
violence, et pas toujours facile à exposer oralement, un questionnaire
anonyme a été passé aux enquêtés. Composé de 92 questions correspondant à
93 variables, le questionnaire construit et pré testé comprenait 5 groupes
d'indicateurs: le premier groupe visait à objectiver la violence des espaces
sportifs, le second à objectiver l'influence des enjeux sur la violence en sport,
le troisième à objectiver la violence des pratiquants, le quatrième à objectiver
l'influence des propriétés morphologiques sur la violence et enfin le
cinquième à objectiver l'influence des propriétés « identitaires » sur la
violence.
Dans la perspective de mettre en relation la violence des sports et les
propriétés sociales et culturelles des pratiquants, nous avons porté l’attention
sur les indicateurs du questionnaire correspondant à chacun d’eux.
Comprenant certes des indicateurs secondaires tels le rapport à l’accident, à la
réglementation, la sécurité… qui sont des phénomènes connexes à la violence,
le questionnaire se structurait autour d’un indicateur principal, objet de cette
étude, les formes de violence, lesquelles étaient censées rendre compte de la
nature ou du statut de la violence représentée dans les espaces sportifs.
Pour les indicateurs visant à connaître l’identité sociale et culturelle des
pratiquants, en référence aux travaux de Debarbieux (1999), nous avons
choisi comme marqueur social, le milieu social d’appartenance déterminé par
la CSP et comme marqueur culturel, le niveau scolaire déterminé par le niveau
de diplôme. A partir de ces indicateurs, il nous semble dès lors possible de
Violences sportives, milieux sociaux et niveaux scolaires 29
construire une « typologie » (ou une « distribution ») des violences sportives
en fonction des milieux sociaux et niveaux scolaires.
PROCEDURE STATISTIQUE Les données récoltées sur les lieux de pratique des compétiteurs ont fait
l’objet d’un traitement statistique avec le logiciel SPADN (système portable
d'analyse des données numériques). Elles ont été analysées sous forme de tris
croisés et d'analyse factorielle des correspondances multiples avec méthode de
classification. La première procédure « TABLE » visait à produire des tableaux
croisant entre elles des variables nominales ou variables codées de manière à
vérifier l’existence ou non de différences significatives. La seconde procédure
« CORMU » visait à projeter sur un plan factoriel l’ensemble les résultats des
tris croisés de manière à visualiser la diversité de l’échantillon et de faire
émerger à partir d’une méthode de classification automatique (le nombre de
groupes constitués est défini a posteriori afin d’optimiser l’homogénéité
intragroupe et la différenciation intergroupe) une structure cohérente.
RESULTATS
A l’image des sociologues qui traitent des formes manifestes de violence
plutôt que de la violence comme telle, nous avons cherché à accéder aux
violences des espaces sportifs de manière indirecte par le biais de leurs
formes. Nous avons posé aux compétiteurs la question suivante: « Comment
vous représentez-vous les principales formes de violence dans votre sport? »
Les résultats (Cf. Tableau 1) montrent la précellence d’une perception de la
violence dans les sports étudiés : 97,4% des compétiteurs dénoncent en l’effet
l’existence de violences dans leur sport contre seulement 2,6% des autres
sportifs. Globalement, s’observe une distribution plutôt équitable des
pourcentages sur trois types de violence: verbal (35,6%), physique (30%) et
psychologique (26,3%). Les injures, les menaces, les bagarres, les coups
illicites, les défaillances nerveuses -dans le jargon on dit péter les plombs-
apparaissent donc comme les principales formes de violence représentées sur
les terrains de sport à l'inverse des tricheries (5,6%) et de la non-violence
(2,6%).
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 30
Au-delà de cette distribution plutôt équitable des pourcentages entre les
principales formes de violence traduisant non seulement leur importance en
sport mais aussi la pertinence du choix des pratiques sportives
échantillonnées, le croisement des sports avec les formes de violence révèle
des différences très significatives dans les réponses des compétiteurs toutes
disciplines confondues (P=0.000).
L’analyse brute des données révèle premièrement que les violences physiques
et verbales sont structurantes au basket-ball et au football, deuxièmement que
le karaté est marqué par les violences physiques, et troisièmement que les
violences verbales et psychologiques déterminent le tennis de table, le tennis et
le volley-ball. A côté de ces différences, force est de constater encore des
variations entre sports de proximité: les violences physiques apparaissent
plus représentées au football qu'au basket-ball, à l'inverse des violences
verbales; de même les violences verbales semblent plus représentées au tennis
de table et volley-ball qu'au tennis, a contrario des violences psychologiques.
De cette analyse, on peut donc en conclure que les appartenances sportives
produisent des représentations différenciées et collectives sur les formes de
violence. Les espaces sportifs génèrent ainsi des « identités » aux violences
dans lesquelles les agents s’y retrouvent et en s’exprimant ils expriment la
cohérence des espaces aux violences.
Dans l’hypothèse qu’il existe une relation significative entre les formes de
violence différenciées et les propriétés sociales des pratiquants, nous avons
ensuite cherché à approcher leurs milieux sociaux d’origine à partir d’une
question ouverte demandant aux compétiteurs leur situation
socioprofessionnelle. Le dépouillement des réponses (Cf. Tableau 2) a montré
tout d’abord un fait important : les étudiants-lycéens constituent une catégorie
Violences sportives, milieux sociaux et niveaux scolaires 31
importante dans les sports étudiés avec 34,8%. Viennent ensuite les
défavorisés et très défavorisés (employés, ouvriers, sans profession) avec 33%,
puis les moyens (techniciens, cadres moyens), favorisés et très favorisés
(professions libérales, cadres supérieures) avec 20,4%. Enfin, il faut ajouter
que 11,8% des compétiteurs n'ont pas répondu à cette question, la
considérant trop personnelle et indiscrète. Au vu de ces résultats, on peut déjà
en déduire, d'une part que la compétition sportive est davantage un produit
scolaire et d'autre part que le public est plus « populaire » que « distingué »
dans notre échantillon de pratiques et de pratiquants.
Malgré la part non négligeable des étudiants dans les sports
échantillonnés, le croisement des sports avec les milieux sociaux d’origine
montre des différences significatives (P=0.005). Alors qu’ils sont 50% des
compétiteurs à être lycéens-étudiants au volley-ball, basket-ball et tennis,
moins d'un tiers le sont au karaté, tennis de table et football. Les « cornes de
dispersion » dans les trois premiers sports montre un recrutement social plus
favorable au tennis (moyens/favorisés: 33%) qu'au basket-ball et volley-ball
(moyens/défavorisés: 30 et 26,7%). Quant aux trois derniers sports, si le
football et le karaté apparaissent davantage marqués par un recrutement
populaire (défavorisés/ très défavorisés: 53 et 45%), le tennis de table
apparaît s’en détacher de par la présence de moyens et de favorisés (30%).
A la lecture de ces différences, et même si elles apportent des informations
intéressantes, la prudence se doit d’être de rigueur compte tenu, rappelons-le,
du nombre d’étudiants représentés dans l’échantillon. Aussi, pour éviter toute
erreur d’interprétation et améliorer nos résultats, les pratiquants ont été
questionnés sur leur niveau scolaire. Nous leurs avons posé la question
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 32
suivante : « Quel est le diplôme le plus élevé que vous ayez obtenu dans votre cursus
scolaire ? » Sur cette question, les résultats montrent que les compétiteurs
toutes disciplines confondues sont près de 70% à être nantis de diplômes, du
Baccalauréat à Bac +4, +5, contre moins d'un tiers des compétiteurs sans
diplôme ou inférieur au baccalauréat. Les sportifs de l’échantillon possèdent
donc un certain niveau d'instruction. Mais là encore, derrière ce fort
pourcentage, il existe probablement des différences importantes selon les
sports.
En effet, le croisement des sports avec les niveaux scolaires montre des
différences significatives (P=0.006). C'est au football et au karaté que le
« capital scolaire » apparaît le plus faible comparativement aux autres sports:
plus de 40% des footballeurs et karatékas sont sans diplôme ou d’un niveau
inférieur au baccalauréat contre moins d'un tiers des pratiquants de volley-
ball, basket-ball, tennis et tennis de table. Dans ces quatre disciplines, les
bacheliers et Bacs + 2, + 3, apparaissent majoritaires. On notera que les plus
diplômés, Bac + 4, + 5, sont davantage représentés dans les sports de filet,
notamment au volley-ball et tennis.
Au terme de ces analyses, et dans le but de synthétiser nos résultats, une
analyse typologique par le biais d’une analyse factorielle des correspondances
multiples avec méthode de classification a été réalisée. Cette analyse a permis
de mettre en évidence d’une part une distribution des sports en fonction des
formes de violence, des milieux sociaux d’origine et des niveaux scolaires et
d’autre part l’existence de deux classes présentant une homogénéité forte
dans chacune d’elles et une différenciation forte entre chacune d’elles (Cf.
Figure 1).
Violences sportives, milieux sociaux et niveaux scolaires 33
En ce qui concerne la distribution différenciée des sports, l’analyse
factorielle montre de droite à gauche du facteur 1, et dans l’ordre, la
répartition suivante : les sports très défavorisés à dominante « violences
physiques » (football et karaté), les sports « défavorisés/intermédiaires » à
« violences verbales » (basket-ball et volley-ball) et les sports
« intermédiaires/favorisés » à « violences mentales » (tennis de table, tennis).
L'ensemble de ces résultats semble donc montrer que l’inégalité à la violence
est liée à l'inégalité sociale et culturelle dans le champ sportif. Au-delà de cette
distribution, une rupture entre deux classes de pratiques a été constatée :
CLASSE 1: LES SPORTS « A VIOLENCES DURES », SOCIALEMENT ET CULTURELLEMENT « PAUVRES » (55,9%)
Ce groupe se caractérise par la présence du « football », du « karaté », du
« basket-ball », des « violences physiques », des pratiquants issus de milieux
sociaux « défavorisés » voire « très défavorisés », marqués par « l’absence ou
peu de diplômes scolaires ». Il s'agit, on le sait, de sports d'équipe et d'un sport
de combat qui impliquent ou imposent le contact direct. Au football et au
basket-ball, si le but n'est pas le corps de l'adversaire, la conquête du ballon
entraîne souvent des coups illicites, des violences physiques... (Fontani, 1989;
Pfister, 1985, 1987; Lassalle, 1997 ; Schneider et Eitzen, 1983). De même, au
karaté, si la logique praxique consiste à porter des coups, il n'est pas rare que
des coups incontrôlés produisent des incidents physiquement violents: KO,
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 34
fractures… (Pain, 1993; Reynes et Lorant, 2004). A l’évidence, les violences
« dures » perçues dans ces sports peuvent s'expliquer par des propriétés
techniques comme la communication directe entre les adversaires, ce qui
correspond à la perspective de Parlebas (1986), mais nos résultats montrent
aussi la connivence entre les sports de cette classe, leurs « violences dures » et
la « pauvreté » des propriétés sociales et culturelles de leurs pratiquants. Force
est donc de reconnaître, même si l’on sait que notre échantillon de
pratiquants reste faible en nombre, que nos résultats vont dans le sens de
ceux des vastes enquêtes réalisées sur « l’habitus et l’espace des styles de vie »,
« le système des sports », qui ont été menés dans les années soixante-dix,
quatre-vingt, par Pierre Bourdieu (1979) et Christian Pociello (1981). Tous
deux ont montré en effet que les pratiquants de ces sports de contact étaient
dotés des propriétés de leurs espaces d’appartenance, c’est-à-dire dotés des
dispositions les plus typiquement populaires: culte de la virilité, usage des
qualités physiques « naturelles » (force et rapidité…), goût de la bagarre, de la
violence physique, du combat d’homme à homme, dureté au « contact »,
résistance à la douleur, sens de la solidarité, de la fête, refus de la culture
cultivée, de la violence « noble », de la violence symbolique…
CLASSE 2: LES SPORTS A « VIOLENCES DOUCES », SOCIALEMENT ET CULTURELLEMENT « RICHES » (44,1%)
Ce groupe se caractérise par la présence du « volley-ball », du « tennis », du
« tennis de table », « des violences mentales », « symboliques » (la non
violence), des pratiquants issus de milieux sociaux « moyens », « favorisés » et
possédant des niveaux scolaires « élevés », Bac +4, +5. Au sein de ce groupe ne
se trouvent que des sports marqués par la séparation totale des adversaires
par un filet qui interdit concrètement tout contact direct avec les adversaires
(Méry, 2008). Le filet s’instaure donc comme une « barrière » culturelle et
sociale à la « violence dure » des sports précédents. Rien à voir avec la violence
qui meurtrit les corps. La violence dans les sports de filet est une « violence
distante », une « violence douce », une « violence mentale » ou « morale », qui
meurtrit l’esprit. De nombreux spécialistes et sociologues qui ont étudié ces
disciplines, Molodzoff (1995), Pfister et Sabatier (1987), Suaud (1989), Waser
(1989) pour ne citer qu’eux, ont montré que le psychologique ou le mental y
jouait un rôle très important. Sur les terrains, il n'est pas rare en effet de voir
des pongistes, des tennisman, des volleyeurs craquaient nerveusement,
s'énervaient violemment contre les adversaires, eux-mêmes ou leurs
partenaires, exécutaient par énervement ou impatience des coups de force
inconsidérées et injustifiées, fracassaient leur raquette au sol, donnaient un
coup dans les séparations, le filet, de rage lorsqu'ils perdent un point. Là
encore, si des propriétés techniques telles que la présence d'un filet, la
maîtrise d'un instrument, de l’espace, l'absence de contre communication, le
Violences sportives, milieux sociaux et niveaux scolaires 35
système de points en vigueur (Parlebas, 1986)… peuvent expliquer les
« violences mentales » des sports de ce groupe, on sait aussi que « les traits
qu’aperçoit et apprécie le goût dominant se trouvent réunis dans des sports à
échange social hautement policé, excluant toute violence physique, tout usage
anomique du corps et surtout toute espèce de contact direct entre les
adversaires » (Bourdieu, 1979, 239). Rien d’étonnant alors à ce qu’il y ait plus
de violence « douce », « distante », « policée », « édulcorée », « symbolique », de
« non violence » représentée dans les sports de filet. Toutefois, ce n’est pas
parce que la violence paraît plus « douce », qu’il faut pour autant la minimiser.
Les résultats montrent que ce sont des sports déterminés par des « violences
mentales », « cérébrales », et que ces dernières sont en étroite relation avec les
propriétés sociales et culturelles « riches », « élevées » de leurs pratiquants. La
présence de violences « d’esprit », « de tête» dans les sports de filet semble
donc indiquer que plus l'on va vers les pratiques «ultra techniques et
instrumentées», plus les formes de violence prennent de la hauteur, touchent
au psychisme, s'intellectualisent.
DISCUSSION
Après avoir émis les résultats de son étude, le scientifique se doit de
revenir sur ce qui vient d’être produit et de discuter de ses résultats. Trois
points seront ici abordés : les points forts et les limites à caractère
méthodologique de l’étude, l’objectivation des violences et des propriétés
socioculturelles dans les espaces sportifs par les agents, et la manière de poser
le problème.
En ce qui concerne les points forts de l’étude, les résultats montrent
l’existence d’une possible distribution « socioculturelle » des violences
sportives. Composée de deux classes de pratiques à propriétés différenciées,
cette distribution fait clairement apparaître des « parentés » : entre les sports
de contact, les « violences dures », la « pauvreté » sociale et culturelle de leurs
pratiquants, entre les sports distants, les « violences douces », la « richesse »
sociale et culturelle de leurs compétiteurs, ainsi que les « oppositions » entre
ceux qui font du tennis, et ceux qui font du karaté, entre ceux qui font du
football et ceux qui font du volley-ball… Ces résultats révèlent ainsi que le
sport et ses violences, loin de réduire les inégalités, contribue à les
« reproduire ». A l’heure où l’on parle de changements, de démocratisation des
sports, les résultats de cette étude sont donc paradoxales : ils montrent d’une
part que l’inégalité aux formes de violence est liée à l’inégalité sociale et
scolaire dans le champ sportif et d’autre part qu’une certaine « homologie »
s’observe avec les résultats d’anciennes enquêtes qui se sont intéressées aux
violences sportives comme instruments de légitimation des inégalités sociales
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 36
et culturelles (Bourdieu, 1979; Mauger et Fossé-Poliak, 1983; Pociello et al.,
1981).
D’un autre côté, les résultats montrent que « les violences verbales » sont
les formes de violence les plus représentées toutes disciplines confondues.
Pourtant, au vu de l’analyse, elles n’apparaissent pas prépondérantes dans le
clivage des disciplines sportives à l’inverse des violences physiques et des
violences mentales ou morales. En fait, il semble que les violences verbales se
positionnent en propriétés « intermédiaires » entre les violences mentales et
les violences physiques dans la distribution, en ce sens qu’il n’est pas rare
qu’une bagarre s’accompagne d’injures et qu’une défaillance nerveuse (dans le
jargon on dit « péter les plombs ») s’accompagne d’insultes (Pfister, 1987;
Suaud, 1989).
En outre, la distribution semble aussi cachée des divisions internes aux
violences entre sports de proximité. Par exemple, dans la première classe, si le
noyau dur est formé par les violences physiques, les violences verbales, qui ne
sont pas représentées, clivent les sports collectifs (football, basket-ball) des
sports de combat (ici le karaté). L’une des raisons principales de ce manque se
trouve probablement dans la question de départ. Construite exclusivement à
partir des principales formes de violence perçues dans les espaces sportifs, la
typologie ne tient pas compte des violences « secondaires » alors qu’elles sont
susceptibles de discriminer les sports d’un même groupe.
Cette distribution est donc à percevoir comme une formalisation,
provisoire et imparfaite, mais néanmoins commode pour rendre compte de
l’univers des violences sportives, des propriétés socioculturelles qui les
définissent, et pour prémunir les sportifs des violences qui peuvent survenir
dans l’exercice de telle ou telle pratique et dont ils n’ont pas forcément
conscience. Elle a l’avantage aussi de cibler les principales formes de violence
des disciplines sportives et donc d’instruire sur les conséquences différenciées
de la violence dans le champ sportif : « les violences mentales » au tennis
conduiront certainement plus ses adeptes dans un centre psychiatrique, alors
que « les violences physiques » au football et au karaté conduiront davantage
ses pratiquants dans un centre de rééducation fonctionnelle. Faire cette
différence, c’est donc se positionner différemment dans l’action éducative,
curative, pour traiter la violence dans le champ des pratiques sportives
compétitives.
Par ailleurs, si les disciplines sportives choisies pour cette étude ont
conduit à la réalisation d’une distribution, elles restent toutefois limitées en
nombre et ne couvrent pas l'ensemble des « familles » sportives. A ce sujet, on
peut regretter de ne pas y voir figurer des disciplines motorisées, des
disciplines esthétiques ou encore des disciplines de pleine nature. De même,
Violences sportives, milieux sociaux et niveaux scolaires 37
nous n’avons pas « joué » sur la variation des modalités de pratiques ; or, entre
les sports à « modalité organisée » et les sports « à modalité libre » (Pociello et
al., 1981) ou entre « les sports de compétition » et « les sports de rue »
(Mauger et Fossé-Poliak, 1983; Vieille-Marchiset, 1999) les formes de
violence, leur niveau, et les propriétés socioculturelles qui les définissent
peuvent considérablement variées. Enfin, le point le plus regrettable sans
doute, c'est que l'échantillon interrogé ne porte que sur les sportifs
compétiteurs « masculins » et « leurs propriétés sociales et culturelles », il ne
tient pas compte de la gent féminine ni des propriétés socioculturelles des
parents, qui ici auraient pu être utiles. La distribution présentée ne peut donc
être que provisoire, imparfaite et à compléter dans les registres pré-cités.
En ce qui concerne le deuxième point, l’objectivation des propriétés
d’espaces par les agents, il se pose la question de savoir si l’on peut réellement
objectiver les violences et ses propriétés qui les définissent (milieux sociaux,
niveaux scolaires) dans les espaces sportifs à travers ce qu’en disent les agents
qui s’y trouvent à l’intérieur. En se référant au « structuralisme génétique »,
Bourdieu (1979) prétend que les agents sociaux ne rentrent dans les espaces
que s’ils en ont les propriétés. Ainsi, ceux qui ne possèdent pas les
dispositions sociales, culturelles aux violences physiques ne pourront jamais
accéder à des sports « durs » comme le karaté, le football, à l’inverse ceux qui
les disposeront pourront non seulement y entrer, s’imposer, et par là même
fournir une image représentative des propriétés de leur espace
d’appartenance. Quant à la prise en compte des discours des agents, elle
permet aussi de gommer les lacunes explicatives de modèles théoriques
purement techniques. Si l’on se fie au modèle de Parlebas (1986), le basket-
ball est en théorie une discipline sans contact direct donc sans violences
physiques possibles ; or la réalité apparaît tout autre, puisque nous avons vu
que les violences perçues et structurantes de ce sport sont physiques. Autant
dire que le recours aux représentations paraît dans ce cas plus judicieux pour
matérialiser les violences des espaces sportifs.
Enfin, la manière de poser le problème se doit d'être questionnée. Doit-on
considérer, comme nous l'avons fait, le sport comme un « système » avec des
variations de propriétés, de violence via leurs formes, en relation avec d’autres
propriétés, sociales, culturelles… selon les disciplines sportives ? Cette
perspective relationnelle et comparative nous est apparue comme l’une des
solutions les plus opportunes pour traiter des violences sportives, car selon
Bourdieu (1979), les violences dans un sport donné ne peuvent s’expliquer et
se comprendre indépendamment de celles des autres sports d’une part car
elles ne prennent sens que par rapport à la totalité du système, et d’autre part
indépendamment des autres propriétés qui les définissent (sociales,
culturelles…). Il s’agit là d’une manière de voir les choses, mais on aurait très
bien pu poser le problème autrement en considérant par exemple que chaque
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 38
sport a son identité propre et ses propres violences, et qu’elles ne peuvent se
comprendre et s’expliquer qu’à travers lui. De même, au lieu de faire comme si
les formes de violence étaient limitées à un espace défini et organisé, le sport
de compétition, une autre perspective d’approche consisterait à les analyser
en relation avec d’autres espaces culturels, comme le système scolaire par
exemple. En posant le problème ainsi, probablement découvririons-nous aussi
des disparités et des similitudes entre « espaces » aux violences en fonction de
la nature des sports, des types d’établissements scolaires considérés
(Debarbieux, 1999).
CONCLUSION
Dans cette recherche, nous avons montré l’existence d’une distribution
« socioculturelle » des formes de violences dans le champ des pratiques
sportives de terrain. Le « milieu social d’origine », le « niveau scolaire »
apparaissent donc comme des déterminants significatifs dans la définition et
l’explication des formes de violence en sport. L’autre point, sur lequel nous
aimerions conclure : les résultats ont montré la diversité des formes de
violence dans le champ sportif, or il apparaît trop souvent encore que l’on
résume la violence en sport à sa seule dimension physique. L’intérêt de cette
recherche aura donc permis aussi de montrer que la violence n’est pas réservé
à certains sports mais qu’il s’agit d’un phénomène plus global touchant aussi
bien des sports collectifs, des sports de combat que des sports individuels.
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Réflexions phénoménologiques sur le sens de la violence scolaire au Chili 41
REFLEXIONS PHENOMENOLOGIQUES SUR LE SENS DE LA VIOLENCE SCOLAIRE AU CHILI1
CATHERINE BLAYA, UNIVERSITÉ VICTOR SEGALEN (BORDEAUX II)
ERIC DEBARBIEUX, UNIVERSITE VICTOR SEGALEN (BORDEAUX II)
LUIS M. FLORES, UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DU CHILI
ANA MARÍA ZERÓN, UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DU CHILI
ABSTRACT
Cet article présente une réflexion, d’inspiration phénoménologique, sur le
sens de la violence scolaire pour les jeunes lycéens au Chili. La violence est
interprétée comme un phénomène social et subjectif, lié à la complexité de
l’expérience scolaire et des conditions existentielles des jeunes chiliens. Cet
article prétend offrir quelques orientations pour une interprétation qui
dépasse l’explication causale et linéaire et l’association, très présente dans le
discours des autorités pédagogiques au Chili, entre pauvreté et violence.
KEY WORDS
School violence, School experience, Meaning of violence in school.
1 Cet article est le produit de recherche financée par ECOS Sud et par Conicyt (CO3 H01) : Vers une comparaison de la violence scolaire : France-Chili.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 42
INTRODUCTION
En octobre 2004, la nouvelle de l’assassinat d’un élève par un de ses
camarades de classe était à la une des plus importants journaux chiliens. Ceci
provoqua des réactions de condamnation unanime due à l’apparente gratuité
de l’acte et au sentiment croissant de banalisation et d’aggravation de la
violence et des déviances dans les écoles. A partir de ces évènements violents,
très spectaculaires et largement médiatisés para la presse locale, les autorités
éducatives s’engagent dans plusieurs enquêtes nationales afin de
diagnostiquer les causes de la violence et ses prévalences dans les écoles. Ces
études basent leur interprétation sur une ligne à prédominance psychosociale,
dans laquelle la violence et l’agressivité tendent à s’identifier. Dans cette
ligne, le mot clé school bullying est devenu le concept universel pour désigner
la violence scolaire. Les enquêtes nationales, ou de grande envergure, sont
très efficaces quand il s’agit de mesurer les indices criminologiques de délits et
de faits violents dans les établissements, ainsi que mettre en lumière de
manière détallée les pratiques d’abus de pouvoir entre les élèves, les
dynamiques agressives de structuration des groupes de pairs et les profils
psychologiques des élèves en situation de risque. La plupart des ces enquêtes
se basent sur le même type d’instrument de recueil d’information, à savoir le
questionnaire d’auto-déclaration construit par Olweus dans les années 1970-
1980. Cette base permet d’obtenir un cadre commun de comparaison
internationale et donc de collaborer à la recherche d’explications
transculturelles et sociales des problèmes d’agressivité entre les enfants et les
jeunes dans les écoles.
Cette ligne de recherche, bien qu’elle contribue significativement à
l’explication de la violence scolaire, oublie d’autres dimensions de la violence.
Le point de départ de notre étude considère que la violence n’est pas un fait
social simple, mais plutôt un phénomène complexe. Rappelons qu’il existe une
différence fondamentale entre un fait social et un phénomène ; le premier
consiste en un évènement absolument externe par rapport au sujet qui ne fait
que le percevoir, tandis que pour la phénoménologie, le sujet est observateur
et en même temps fait partie du phénomène, c’est-à-dire que le sujet est
inséparable du phénomène et qu’ils co-émergent simultanément. L’approche
sociologique d’inspiration phénoménologique postule que le sens d’un
phénomène social est intimement lié à la trame symbolique, subjective et
sociale qui configure le monde-de-la-vie (Lebenswelt). Par conséquent,
comprendre la violence à l’école c’est aussi l’interpréter comme un
phénomène social et subjectif.
La subjectivité, dans cette perspective, ne fait pas référence à l’intériorité
d’un sujet qui penserait de manière désincarnée grâce à une conscience
Réflexions phénoménologiques sur le sens de la violence scolaire au Chili 43
transcendantale. La subjectivité est une action propre du sujet comme être-
au-monde. Ses relations fondamentales ne sont pas liées uniquement avec la
pensée, mais aussi avec la perception, la temporalité, la corporalité et
l’intersubjectivité. Le sujet est un interprète de la réalité qui attribue des
signifiés au monde et à la place que lui-même occupe. C’est pour cette raison
qu’il est intéressant de détecter à partir du discours des acteurs le « sens » de
la violence scolaire comme un phénomène social et subjectif. Ces deux
dimensions ne s’opposent pas, elles sont complémentaires et partent d’un
même circuit.
La première partie de cet article développe une interprétation
phénoménologique de la situation sociale y existentielle du « monde-de-la-
vie » des jeunes. La seconde partie est dédiée aux dimensions existentielles et
sociales de la violence scolaire. Nous verrons par la suite quelques paradoxes
de la violence scolaire au Chili. La dernière partie finalise la réflexion en
offrant des projections pour une compréhension profonde du phénomène de
la violence à l’école.
DIMENSIONS EXISTENTIELLES DU « MONDE-DE-LA-VIE » DES JEUNES.
La violence scolaire ne renvoie pas seulement à un fait social ; il s’agit
plutôt d’un phénomène complexe et multi-référentiel. Comme tout
phénomène, le problème de son sens et de ses racines phénoménologiques
appellent une recherche sur la trame entrelacée de l’expérience humaine.
Cette expérience dépasse nos perceptions et nos habitudes quotidiennes.
Divers diagnostiques anthropologiques indiquent que, dans les sociétés
modernes, les grands idéaux sociaux sont devenus flous ; l’espace social s’est
hyper-privatisé, laissant les sujets isolés dans leur propre individualité. Une
« nouvelle société » s’est instaurée qui n’a pas seulement réduit l’être au faire,
mais aussi le mode de penser et de sentir les relations sociales, individuelles et
de la vie quotidienne, aux critères de consommation. La dé-ritualisation de la
société moderne, ou postmoderne, laisse les individus circuler dans la distance
et l’anonymat. La question classique de la métaphysique Pourquoi les choses
existent-elles, et non plutôt le néant ? semble se déplacer, comme l’indique
Baudrillard, vers l’interrogation Pourquoi le néant existe, et non plutôt les choses
? (Baudrillard, 1996). Dans ce contexte, l’association entre la violence scolaire
et le sentiment profond de perte du sens d’appartenance et la fissure globale
du sujet face à lui-même et aux autres, n’est pas forcée.
« L’ère du vide » que diagnostique Lipovetsky (1983) est une époque à la
fois remplie d’offres commerciales et de promotions. Dans ce contexte,
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 44
l’éducation à tout niveau se privatise et se conçoit plus comme un bien qui se
commercialise que comme un droit ou un service public. Dans cette
perspective, l’expérience de relativiser le sens de l’expérience de l’être humain
par une vision instrumentale du sujet est de plus en plus nette. Ce sujet
instrumental forme un monde d’objets sans valeur transcendante et structuré
autour de relations fonctionnelles réduites à des critères de rendement.
Dans cette dérive ontologique et anthropologique, la violence scolaire
apparaît parfois comme une résistance à la lutte, bien que non déclarée,
contre l’exclusion sociale et comme une réaction à l’ « évidage » du sujet, dans
des sociétés où les lois du marché s’imposent comme les structures
fondamentales du tissu social. L’exclusion sociale ne fait donc pas référence
exclusivement à la pauvreté économique, mais aussi à tout type de
bannissement des sujets. Les jeunes perçoivent le sentiment d’exclusion, soit
par le manque de moyens économiques, soit par la surabondance. Dans ce
dernier cas, l’exigence de savoir que l’on possède tout radicalise le sentiment
d’appartenir à un monde inhospitalier. Ainsi, par exemple, une nouvelle
tendance est apparue chez les jeunes des secteurs favorisés : imiter le modèle
social des jeunes marginaux, qui légitime cette condition vitale comme
réaction à un système social et économique qui les exclue radicalement
(García, 2005).
Dans ce contexte, de nouvelles figures de la violence à l’école émergent. La
nouveauté ne réside pas dans la gestation d’un acte originaire, mais dans
l’emphase d’une direction déterminée du phénomène vers une trame de
sentiments et de rancœurs, subjectifs et sociaux. Dans ces nouvelles
expériences de la subjectivité sociale, une violence « anti » scolaire apparaît
(Dubet, 2005). Dans cette réaction contre, ou « anti », s’institue un des
carrefours les plus décisifs entre la subjectivité et la dimension sociale du
phénomène de la violence, parce que l’institution scolaire condense le pouvoir
symbolique du statu quo, ainsi que les forces coercitives et de régulation qui ne
cessent d’activer les institutions sociales.
La dimension sociale du phénomène de la violence scolaire ne contredit
pas, mais suppose nécessairement comme possibilité la plus proche, le champ
de la subjectivité humaine. Les domaines de la subjectivité font référence
grosso modo à la situation fondamentale d’être-au-monde, dans des
coordonnées concrètes de l’existence telles que la temporalité et l’incarnation.
QUELQUES CONSIDERATIONS SUR LE DOMAINE DE LA
SUBJECTIVE. La subjectivité n’est pas, selon cette perspective, une qualité ontologique ni
la propriété d’une conscience désincarnée, mais l’émergence et l’ensemble de
Réflexions phénoménologiques sur le sens de la violence scolaire au Chili 45
réseaux intentionnels, à partir desquels l’existence humaine s'insère dans le
monde. La première de nos expériences, c’est l’expérience des autres : dans le
langage, l’action, dans le désir, nous nous situons toujours par rapport à
d’autres. Je ne demande pas aux autres s’ils existent ou non, je leur demande
comment sont-ils et que veulent-ils de moi. Or, la subjectivité n’est pas une
relation qui avance exclusivement à partir des variations ou impressions du
sujet en tant qu’un individu intérieur vers un extérieur. Il s’agit par-dessus
tout d’un mouvement de réciprocité entre sujet et monde. Comme dirait
Foucault, les « savoirs et pouvoirs du monde » sont générateurs de
subjectivité. Le sujet construit des horizons dans lequel il est né et en même
temps, il ne cesse de les créer.
La subjectivité est une action plurielle, multiforme, multi-référentielle.
Être un sujet n’est jamais un geste singulier absolu, parce que le sujet est une
action constituée par la rencontre avec les autres, ou bien, par la non-
rencontre avec ceux-ci.
La subjectivité ne se réduit pas à un mouvement d’intériorité ou
d’introspection pure, incommunicable et fragmentaire. La subjectivité est un
mouvement de pli et de repli des expériences du sujet, comme l’incarnation, la
temporalité et la conscience qui montrent irréfutablement que l’expérience de
la subjectivité est une action qui nous lie au monde. L’être-pour-autrui est la
condition constitutive du sujet. C’est pourquoi on peut soutenir, comme le
fait Varela (2000), que la conscience est une affaire publique.
La subjectivité est une création, une autoproduction, un réseau de relations
dans lequel émergent et convergent les dimensions sociales, historiques,
culturelles, psychiques, organiques et biologiques du monde humain.
L’expérience de la subjectivité, tout en étant une source hétérogène
d’expériences inépuisables, est réciproquement construction de celles-ci.
On trouve sur ce point un référent conceptuel central au moment de
sonder le problème de la violence et de la subjectivité, il s’agit de la notion
d’imaginaire social de Castoriadis (1975, 8) : « L’imaginaire dont je parle ici
n’est pas image de. Il est création incessante et essentiellement indéterminée
(social-historique et psychique) de figures/formes/images, à partir desquelles
seulement il peut être question de « quelque chose ». Ce que nous appelons
« réalité » et « rationalités » en sont des œuvres ».
En effet, l’imaginaire ne fait pas référence à des images mentales ou des
représentations personnelles ; on serait dans ce cas dans le domaine des
contenus donnés plutôt que des relations créées et recréées dans le monde. Le
« réel », qui fait référence à tout ce qui est socialement institué comme tel, est
multiple, divers et hétérogène. Les rationalités sont toujours des expériences
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 46
plurielles de sens, dans lesquelles s’entrelacent divers réseaux symboliques et
culturels du monde.
Ainsi, par exemple, le monde à l’époque de ses origines était rempli de
dieux. La violence était une expression circonscrite au champ des divinités; de
cette façon, les hommes étaient les porteurs d’une violence dictée et dirigée
par les dieux.
Au fur et à mesure que le monde se sécularise, des vides et d’autres peurs
apparaissent dans la culture ; l’homme s’en trouve troublé. Le pouvoir et la
force s’associent dans un paroxysme cruel et horrible, comme l’a été
l’expérience d’Auschwitz. Les dieux se sont échappés et ont laissé le monde
indemne à l’arrogance humaine ; les institutions traditionnelles
s’affaiblissent, les noyaux de la force brute sont déplacés vers des mécanismes
de consommation planétaire. L’individualisme exacerbé contemporain génère
de nouvelles formes de subjectivation et bien sûr, un vaste spectre de formes
nouvelles et variées d’incertitude croît.
LA VIOLENCE ET L’IMAGINAIRE SOCIAL La violence, y compris la plus brutale et sanguinaire, possède toujours et
dans n’importe quel cas une dimension symbolique, qui fait référence à ses
conditions d’émergence ou à l’exercice de ses possibilités et de ses réalisations.
Celles-ci se situent dans un cadre institutionnel qui promeut légitimement ses
expressions, soit pour les valider – comme par exemple dans le cirque romain
– soit pour réprimer avec violence un autre type de violence illégitime en
termes institutionnels.
La référence à l’imaginaire social permet de lier le phénomène de la
subjectivité à l’institution sociale, puisque c’est au carrefour des multiples
processus historiques que les évènements sociaux émergent, associés aux
horizons primaires de signifiés symboliques. Or, de tels évènements se
retournent réciproquement sur ces signifiés, en leur donnant de nouvelles
formes et interprétations.
L’institution imaginaire de la société, c’est-à-dire ses réseaux symboliques
de création, décident et légitiment ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Cette
décision, étant donné qu’elle est subjective, est une action dans lequel le social
et le collectif interviennent. Ce qui est capable de se créer, se génère soi-
même, en même temps que c’est le contexte où les choses sont créées. Ces
relations entraînent des formes variées de recomposition et de configuration.
Dans cette perspective de recherche, la violence dans toutes ses
manifestations renvoie à un évènement fondamentalement subjectif dans
lequel le groupe social participe, ainsi que la culture et autrui. Comme
Réflexions phénoménologiques sur le sens de la violence scolaire au Chili 47
l’indique explicitement Debarbieux (1995, 18) : « La violence dont nous
parlons, est en premier lieu une violence subie : elle n’est pas nécessairement
agression dirigée volontairement ou inconsciemment ».
Ainsi, la violence n’a pas un objet déterminé ni un contenu fixe que l’on
peut définir a priori. La violence scolaire apparaît comme l’interprétation
subjective d’évènements qui n’ont pas forcement un destin de violence. A
partir de cette perspective, la dimension de la subjectivité du phénomène de la
violence se retrouve davantage dans le sens herméneutique de l’évènement
que dans les conséquences les plus visibles de sa propre force.
DIMENSIONS EXISTENTIELLES ET SOCIALES DE LA VIOLENCE
A partir d’une approche phénoménologique, la violence est un évènement
social et donc un évènement subjectif d’un « nous », étant donné que les axes
des évènements sociaux s’interprètent à partir de certains réseaux
symboliques de l’action humaine. La distance des chercheurs quand ils
définissent le phénomène sur la base de critères fixes ou homogènes n’est pas,
par conséquent, une question latérale des conditions du problème, mais une
partie des exigences théoriques indispensables à sa formulation. Beaucoup de
chercheurs continuent de commencer leur recherche avec le problème de la
violence déjà définie. Cette décision suppose de parier sur le fait que les
instruments méthodologiques indiquent « l’objectivité » exigée par la
définition donnée en termes a priori par les chercheurs.
Contrairement à cette tendance, Debarbieux (2006, 125) précise : « En
d’autres termes, c’est une erreur fondamentale, idéaliste et a-historique de
croire que définir la violence, ou tout vocable, consisterait à s’approcher d’un
concept absolu de violence, d’une idée de violence qui de soi permettrait de
rendre adéquat le mot et les choses ». Il faut souligner d’ailleurs que l’idée d’un
concept absolu de violence non seulement serait impropre en termes
méthodologiques, mais surtout en termes anthropologiques et existentiels. La
violence, comme tout phénomène humain, déborde de la définition
unilatérale d’un concept, parce que la violence est une action et pas seulement
un nom que l’on assigne a certains faits. Dans toute violence, il y a toujours
une logique, néanmoins, cette logique ne fait pas référence à la cohérence
déductive possible de la pensée avec soi-même, mais à des « logiques d’action »
déterminées sur lesquelles s’installent les décisions humaines. Pour
interpréter ces logiques, il faut chercher les horizons dans lesquels les choix
des acteurs se basent, en d’autres termes il s’agit de comprendre les types de
rationalités et les structures en mouvement dans toute action. Or, comme il
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 48
n’existe aucune action qui soit absolument individuelle, les logiques d’action
interprètent les liens intersubjectifs de l’action humaine en termes non
causaux, c’est-à-dire à partir de la dynamique expérientielle et subjective de
l’individu (Bajoit, 1998).
A partir d’une approche plus socioculturelle, P. Güell (2004) suggère que la
subjectivité fait référence à cette trame de perceptions, d’aspirations, de
mémoires, de savoirs et de sentiments qui nous pousse et nous donne une
orientation pour agir dans le monde. Cette approche est très pertinente parce
que l’auteur formule l’argument selon lequel se conjugue l’articulation entre
subjectivité et la notion d’imaginaire social. Dans la mesure où Güell intègre
dans la trame de la subjectivité les aspirations, les mémoires et les savoirs, il
fait allusion explicitement à que la subjectivité est notre histoire vécue dans le
monde. Les sentiments qui nous orientent dans cette histoire ne se limitent
pas à un exercice absolument individuel, encore moins capricieux. Personne
ne serait un héros ou un scélérat dans un monde solitaire.
P. Güell introduit la notion de « subjectivité sociale » quand il réaffirme que
les coordonnées de la subjectivité s’insèrent toujours dans la culture et donc
dans le milieu social. Ainsi, la subjectivité sociale est conçue comme la trame
vécue par la communauté dans l’ensemble des perceptions du monde,
communauté qui inscrit la subjectivité sociale dans les termes suivants : « la
subjectivité (sociale) fait partie de la culture, mais elle est cette partie qui est
inséparable des personnes concrètes, c’est pourquoi elle est la partie la plus
changeante et fragile » (Güell, 2004, document électronique).
Cette fragilité montre, entre autres choses, l’impossibilité de capter en un
seul mouvement les fonctions et les sens de la violence scolaire. La plupart des
études sur la violence, qui prétendent mesurer le phénomène et offrir des
échelles de comparaison, mettent en générale entre parenthèse la dimension
de l’expérience subjective. Les figures de la violence scolaire sont davantage
liées à des formes et à comment est vécue la subjectivité, que le simple
enregistrement de fréquences d’échelles quantitatives qui mesurent des
niveaux d’agression et de victimisation.
Les réseaux de la violence s’échappent des structures fixes liées
causalement. Par exemple, dans une de nos recherches présentes, nous nous
interrogions sur les directions de la violence des jeunes casseurs, une violence
apparemment absurde (Flores, 2001). Cette expérience particulière de
violence, jugée par les adultes et les autorités comme purement spontanée, est
« subie » par ses protagonistes comme des actions qui justifient les profondes
carences et les besoins de reconnaissance individuelle et collective. Comme le
suggère M. Wieviorka (2005, 220-221), la violence peut montrer davantage
l’impossibilité d’un conflit que son déchaînement obligatoire en actions
Réflexions phénoménologiques sur le sens de la violence scolaire au Chili 49
explicites : « La violence peut être pensée, souvent, non comme la modalité
d’un conflit mais son contraire, ce qui apparaît quand un conflit est
impossible ».
La violence comme une voie de réalisation d’un conflit impossible se
constitue dans ce sens comme une action qui difficilement peut être
verbalisée. Il y a de fait dans ce champ, des niveaux qui peuvent être exprimés,
comme par exemple, une certaine idée de revendication, d’aspiration ou
simplement de dénonciation. Néanmoins, de tels actes ne se disent pas, ni ne
se formulent, explicitement au moment de participer à des actions violentes.
Ainsi, comme le dénonce Nietzsche, non seulement « le désert grandit », mais
aussi un fort sentiment de fragilité de la subjectivité sociale. Cette fragilité
croît dans un milieu social dé-ritualisé, dans lequel les axes d’identité
culturelle sont de plus en plus ambigus. Nous nous retrouvons sans drapeaux
ni consignes. La consigne pamphlétaire voulait conserver et transmettre, à
travers de brefs espaces, des témoignages des grandes idées qui mobiliseraient
le futur social. « Aujourd’hui, quand les cultures se fragmentent et se
diversifient, la subjectivité individuelle et collective remonte, comme jamais
auparavant, à la superficie de la vie sociale et se retrouve plus exposée »
(Güell, 2004, document électronique).
A partir de cette perspective, on découvre un processus soutenu de dé-
symbolisation des réseaux de sens collectif de la société. Ce sens préfigure le
social à partir d’une notion de société qui contenant des promesses
fondamentales de développement (justice sociale, égalité), dans une société
vidée qui ne parvient pas à contenir les initiatives individuelles, qui tendent
vers la privatisation et l’égocentrisme.
Or, dans ce cas, la dénommée perte de sens ne fait pas que référence à
l’absence d’un référent global ou à la chute des systèmes idéologiques, mais
comme le suggère Wieviorka (2005, 221) à une forme de violence qui exprime
un type de conflit inexprimé : « (…) qui nous renvoie à l’acteur, au mode avec
lequel il gère sa propre expérience, sa trajectoire, sa tradition, et non un
système dans son état de transformations objectives (…). La notion de perte
de sens est relativement différente et éloignée de toutes celles qui d’une
manière ou d’une autre désignent la crise d’un système ». Il naît avec cette
forme de violence – en s’échappant des frontières du langage – un nouveau
type de sujet que l’auteur appelle « le sujet flottant ». La subjectivité de ce
sujet indéterminé se développe dans un contexte fragile et incertain qui, de
manière inédite, place la violence dans le rang du fragmentaire et de
l’imprévisible.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 50
SUBJECTIVITE ET QUELQUES PARADOXES DE LA VIOLENCE SCOLAIRE2.
Les dimensions de la subjectivité de l’expérience humaine s’expriment
aussi dans ses propres discontinuités et interruptions. Dans le cas de la
violence scolaire, nous avons détecté au moins trois oppositions que l’on peut
designer comme de véritables paradoxes, c’est-à-dire comme des positions qui
contredisent les opinions habituelles et les préjugés du sens commun à propos
de ce problème. Ces positions sont très importantes parce qu’elles sont
souvent à l’origine des stigmatisations et des idées simplistes que les médias
font circuler.
Ces paradoxes se basent sur l’analyse statistique des résultats d’une
enquête menée à Santiago du Chili en 2005, dans lequel plus de mille lycéens
ont participé. Les résultats du questionnaire3 montrent deux paradoxes
fondamentaux, que l’analyse du discours aide à éclairer. Tout d’abord, le
niveau relativement faible de la victimisation scolaire s’oppose à un niveau
élevé de perception de la violence scolaire. Deuxièmement, même si la multi-
victimisation (combinaison de plusieurs victimisations) observée est
transversale socialement, le niveau de violence scolaire perçu est inégal. En
d’autres termes, il semblerait que le fait d’être victime d’agressions à l’école ne
soit pas associé statistiquement avec la perception de vivre dans un monde
scolaire violent. La violence que les élèves perçoivent ne les affecterait pas
personnellement. En outre, les élèves observent plus de violence dans les
lycées du secteur défavorisé mais ils ne se déclarent pas plus victimes de
violence que les élèves du secteur favorisé. Pour comprendre et interpréter ces
paradoxes, la figure du flaite est fondamentale.
UN NIVEAU DE VICTIMISATION SCOLAIRE RELATIVEMENT BAS QUI S’OPPOSE A UN HAUT NIVEAU DE VIOLENCE SCOLAIRE PERÇU PAR LES ELEVES.
Malgré un taux de victimisation relativement bas que nous avons constaté
dans des recherches antérieures (Flores, 2004), la plupart des élèves enquêtés
perçoit un sérieux niveau de violence scolaire et un climat social au sein de
l’établissement de mauvaise qualité.
2 Ces paradoxes sont présentées et étudiées in extenso par Zerón, A. (2006). Sens de la violence scolaire au Chili. Une étude de sociologie compréhensive. Thèse doctorale. Université Pontificale Catholique du Chili / Université Victor Segalen - Bordeaux II.
3 Le questionnaire distribué au Chili est une traduction et adaptation du International Survey of School Climate élaboré par Debarbieux, E. (1996).
Réflexions phénoménologiques sur le sens de la violence scolaire au Chili 51
Dans un échantillon de 1458 lycéens enquêtés, 55.6% présente une multi-
victimisation modérée et 9.8% une multi-victimisation grave, c’est-à-dire que
pour un élève sur dix, la fréquence et l’intensité des agressions subies dans
leur espace scolaire sont très préoccupantes. D’autre part, 14.3%, soit un
lycéen sur six, considère qu’il y a beaucoup de violence dans son
établissement. Il semblerait donc que le fait d’être victime d’agressions à
l’école n’est pas associé à la perception de vivre dans un monde scolaire
violent. La violence scolaire serait davantage une violence perçue qu’une
violence effectivement subie. Ce résultat est tout à fait cohérent avec ce que
les lycéens des entretiens dénoncent : « Dans ce lycée, les élèves sont super
violents et pour un rien, parce qu’ici il y a beaucoup de violence, les élèves
sont super nerveux, ils tapent sur tout ce qui bouge », « moi j’ai peur dans ce
lycée, on te menace tout le temps ». Nous avons pu constater lors des
entretiens une certaine conformité avec la violence : « on pourrait conclure
deux choses, l’agression physique ou la violence physique et la violence
verbale, parce que les deux on les utilise tout le temps, et on s’en rend même
pas compte, parce qu’ici la violence, les insultes vulgaires c’est tous les jours,
mais il y a aussi le manque de respect, ici personne ne te respecte, si tu ne te
défends pas, on te marche dessus tout de suite », « c’est devenu quelque chose
de normal la violence ici, c’est préoccupant quand même, on n’y peut rien,
c’est normal de voir une bagarre ou quelque chose du genre, on se dit : c’est
tous les jours la même chose, qu’est-ce qu’on peut y faire ? c’est comme ça ! ».
Quand on demande aux élèves quelles sont leurs expériences personnelles
de violence scolaire, s’ils ont été un jour agressé, beaucoup d’entre eux
répondent : « moi, je suis violent pour me défendre, pour qu’on me respecte,
quand ils dépassent les bornes, il faut bien réagir ». Donc être violent, ou se
défendre, est devenu obligatoire si l’on veut survivre dans un milieu hostile.
On peut le constater clairement dans ces propos : « je suis une personne
pacifique, je n’aime pas la violence, mais mes camarades c’est autre chose, et
comme moi je ne suis pas habitué à la violence, et comme ils passent leur
temps à se taper dessus, je suis bien obligé de survivre parce que je ne pourrais
pas survivre si je les laisse me taper dessus tout le temps ».
Bref, selon notre étude, le sentiment de vivre dans un espace très violent
est presque statistiquement deux fois plus présent que le sentiment d’être
directement impliqué dans la violence. Ainsi, la question de la violence
s’oriente davantage vers la perception du climat social et émotionnel de
l’établissement ainsi que la signification de la violence. L’analyse des
entretiens renforce ce diagnostique : les jeunes tendent à considérer que leurs
expériences scolaires sont assez conflictuelles même s’ils ne se considèrent
pas comme des victimes directes de la violence à l’école, et encore moins
comme agresseurs.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 52
UN TAUX DE MULTI-VICTIMISATION TRANSVERSAL
SOCIALEMENT QUI S’OPPOSE A UNE PERCEPTION INEGALE DU CLIMAT SCOLAIRE.
Un second paradoxe fait référence aux résultats statistiques de l’analyse
comparative des taux de victimisation et de climat scolaire selon le niveau
socioéconomique des élèves. Bien que le taux de multi-victimisation soit
transversal socialement, c’est-à-dire que les élèves des écoles populaires ne
présentent pas de victimisation plus fréquente que les jeunes de familles
aisées, la perception du climat scolaire est inégale. Les lycéens des
établissements publics populaires perçoivent un climat social
significativement plus détérioré que les lycéens des écoles privées favorisées.
Le problème des inégalités sociales dans la scolarité représente un thème
très récurrent dans les entretiens avec les élèves des lycées les plus
défavorisés. Ils ont identifié plusieurs dimensions de ce qu’ils considèrent
comme une « injustice sociale ».
Les élèves perçoivent clairement les profondes différences entre la
scolarisation dans un lycée payant et un établissement municipal gratuit ou
« un lycée pas cher ». Deux stéréotypes de lycées apparaissent dans les
entretiens avec les élèves, l’un étant exactement l’inverse de l’autre. Le
premier concerne les lycées publics populaires. Les lycéens dénoncent avec
force la dégradation matérielle et humaine que soufre le système éducatif
public : vitres cassées, infiltration d’eau dans les salles de classe,
« professeurs taxi » (qui doivent cumuler plusieurs emplois pour finir les fins
de mois). Les établissements municipaux montrent de grandes difficultés à
accueillir une population juvénile de plus en plus nombreuse et de moins en
moins proche de la culture scolaire traditionnelle. Selon le témoignage des
jeunes tant de lycées privés que publics, la résolution de conflits y est souvent
violente et les élèves présentent un haut niveau d’agressivité. Un lycéen
raconte que « ici, les coups de points volent, il leur faut un rien pour péter les
plombs », ce qui n’est pas le cas, selon les élèves interviewés, des « lycées pour
riches ».
Même si les jeunes condamnent à l’unanimité l’usage de la violence,
quelques uns admettent que les bagarres servent aussi à passer le temps : « les
bagarres… ça nous change un peu du quotidien, c’est amusant, ça coupe la
routine, parce qu’ici on s’ennuie à mourir ». Cette violence fait écho à ce que la
chercheuse française Catherine Blaya (en col. avec C. Hayden, 2003) appelle
« l’école de l’ennui ». Les mauvaises conditions de scolarisation, le manque
d’éducation intégrale et les relations tendues avec les adultes de
l’établissement contribuent à la perte de sens de la scolarité. Les bagarres ont
Réflexions phénoménologiques sur le sens de la violence scolaire au Chili 53
par conséquent une fonction de décharge émotionnelle tant individuelle que
groupale, véritable « catharsis collective » selon l’expression d’un élève.
Les résultats de l’enquête statistique confirment la perception de la part
des lycéens d’une intense inégalité sociale des conditions de scolarisation,
entre les établissements privés et publics. La différence entre les taux de
perceptions du niveau de la violence chez les élèves favorisés et défavorisés
est statistiquement significative : les lycéens défavorisés socialement
présentent une tendance à considérer le climat scolaire de manière plus
négative que les élèves du secteur privilégié. Cependant, les taux de multi-
victimisation des lycéens sont statistiquement très proches, c’est-à-dire que
selon leurs propres déclarations, les élèves des établissements défavorisés ne
subissent pas de plus fréquentes agressions directes ou indirectes que les
élèves favorisés.
Ce paradoxe dans les résultats statistiques du questionnaire est aussi
présent dans le discours des élèves. Pour tous les lycéens interviewés, la
violence et la mauvaise qualité du climat scolaire sont effectivement plus
intenses dans les établissements publics défavorisés, néanmoins aucun élève
des entretiens ne se déclare victime directe et fréquente de la violence
scolaire.
Comment interpréter ces deux paradoxes ? Il semblerait que le fait d’être
victime d’agressions à l’école ne soit pas associé à la perception de vivre dans
un monde scolaire violent. Pour comprendre et interpréter ces dimensions de
la violence scolaire, il est fondamental de poser son attention sur la figure du
flaite.
LE MODELE RECURRENT ET REFERENTIEL DE LA FIGURE DU FLAITE, QUI S’OPPOSE A SON EXISTENCE DIFFUSE : LE FLAITE EST L’AUTRE.
Dans tous les entretiens réalisés, une figure juvénile apparaît comme
« symbole de la violence » : il s’agit du flaite. L’origine sociolinguistique du mot
flaite est inconnue mais on peut supposer qu’il provient du substantif et verbe
anglais « flight », c’est-à-dire vol et voler, étant donné que les lycéens
signalent que les flaites sont connus pour leur habitude d’être toujours
drogués.
Les étudiants distinguent clairement deux types de jeunes : les « sympas »
et les « flaites ». Les premiers, auxquels s’identifient presque tous les lycées
interviewés, présentent un comportement calme ; ils utilisent la violence
comme dernier recours, pour se protéger et non pour attaquer. Ces
caractéristiques, qui nous parlent de l’image de soi, sont estimées positives
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 54
par les jeunes. Alors que les « autres », les « flaites » bien qu’ils soient peu
nombreux, sont jugés responsables de la stigmatisation injuste dont souffre la
jeunesse actuelle. Leur attitude agressive en fait les utilisateurs habituels de la
violence, situation dont ils se sentent fiers, selon les lycées des entretiens. A
première vue, la violence apparaît dans les relations de pouvoir qui s’installent
dans les groupes ; les « flaites » joueraient le rôle de dominants, et donc les
« sympas » celui des dominés.
Il est intéressant de relever la récurrence de l’expression « se croire » (« les
flaites se croient supérieurs aux autres ») qui renvoie à la confiance en soi et à
une auto-estime positive, mais aussi à la prétention d’être quelqu’un de faux,
de pas authentique. En d’autres termes, la soi-disant supériorité des « flaites »
serait une illusion et leur pouvoir un mensonge. C’est quelque chose qui
manifestement ne se produit pas avec les « sympas » qui eux assumeraient
avec humilité et réalisme leur statut d’enfants et d’innocents, mais non
pacifiques car quand il s’agit de se défendre, ils ne fuient pas mais se battent
et quand c’est nécessaire utilisent des méthodes violentes.
Ce qui précède, bien que ces figures juvéniles puissent paraître
caricaturales, nous informe sur l’interprétation que les personnes interrogées
ont construit autour de la violence, entendue ici comme de l’agressivité. Cette
interprétation est assez proche du bullying. Avant tout, la violence est à la
portée de tous ; personne n’est qualifié de « violent », personne n’est ou n’est
pas violent. Cependant, les jeunes flaites présenteraient une altération dans
l’usage de la violence, le problème se situerait dans les limites et l’intention de
la violence. Ils ne l’utilisent pas modérément comme autodéfense ou
protection des dangers extérieurs, mais attaquent et envahissent le territoire
d’autrui sans aucun contrôle, pour gagner du pouvoir, en confondant le
respect avec la peur. C’est justement dans cette confusion, cette erreur de
compréhension, que les personnes interrogées situent la violence des flaites.
Il existerait donc deux types de violence pour les élèves : la première est
justifiable parce qu’elle renvoie à une réaction de défense et la seconde,
considérée comme étant pire que la première, est injustifiable et intolérable
car elle est souvent gratuite, brutale et a tendance à devenir un comportement
banal chez certains jeunes.
Ces paradoxes ne sont pas des réponses déconnectées, incohérentes,
produit de l'hasard, mais des dimensions de la discontinuité du phénomène de
la violence. Ils dépassent la méthodologie traditionnelle de l’analyse des
recherches sociales sur la violence, ce qui rend ces paradoxes très difficiles à
interpréter, même quand ils sont statistiquement significatifs.
Pour finir, ces paradoxes montrent très bien qu’on ne peut saisir les
« vrais » protagonistes de la violence (tant les agresseurs que les victimes), car
Réflexions phénoménologiques sur le sens de la violence scolaire au Chili 55
les jeunes indiquent comme responsable de la violence « l’autre », toujours
absent, toujours en dehors de l’enceinte scolaire, mais toujours présent dans
l’espace symbolique de l’école.
REFLEXIONS FINALES
La conclusion fondamentale de cette recherche est qu’il existe au Chili une
violence proprement scolaire, qui ne se réduit pas à la reproduction dans
l’espace scolaire des violences sociales. Le sens de la violence scolaire n’est pas
homogène « parce que la violence n’est pas seulement un mot, mais un
événement de la subjectivité humaine » (Flores, 2005). A partir de cette
subjectivité, nous avons dévoilé deux noyaux de sens de la violence scolaire
que nous considérons intimement liés aux inégalités sociales de scolarisation.
La tendance chez les élèves enquêtés de se détacher personnellement de la
violence, de la considérer comme celle d’un autre, fait partie du besoin de
récupération subjective dont chaque être humain fait l’expérience face à
l’adversité. Le « flaite » symbolise pour les étudiants du secteur défavorisé
comme pour celui favorisé, la violence juvénile. Néanmoins, à aucun moment
nous avons pu l’identifier comme une personne, comme un individu. C’était
pour les élèves plus une « attitude » qu’un élève en particulier. Dans ce sens, le
« flaite » est ce que Castoriadis (1975) interprète comme une figure de
l’imaginaire sociale, une figure institutionnalisée para le magma de
significations sociales. Les réseaux de significations sociales créent la figure
imaginaire du « flaite » et simultanément celui-ci crée le sens du phénomène
de la violence juvénile. Le « flaite » n’est pas un moi-individu, c’est un moi-
imaginaire dans lequel se croisent les significations subjectives et sociales de
la violence.
La figure du « flaite » est très significative pour les jeunes chiliens, elle
condense la violence et permet la récupération subjective. C’est-à-dire que,
dans un monde où les élèves perçoivent une augmentation notable de la
violence, une violence souvent difficile à comprendre, le « flaite », bien que
protagoniste actif, est objet de violence, il est aussi modelé par et pour la
violence. Les élèves récupèrent symboliquement la certitude de ne pas être un
corps-objet de violence mais un corps-sujet dans la violence. Ils ne se
considèrent pas victimes personnelles d’agression, mais sujets pleins, dans un
monde de violence. De là, l’insistance chez les élèves des entretiens à
souligner que bien qu’il y ait beaucoup de violence, eux-mêmes n’y participent
pas, ou ils ne font que se défendre.
La forme de ces paradoxes est très importante pour comprendre la
dimension de la subjectivité et le sens de la violence scolaire. Tout d’abord, il
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 56
faut convenir que, suivant les observations de la violence scolaire, le
phénomène de la violence scolaire est inséparable de la relation entre la
qualité du climat scolaire et la victimisation.
Les deux premiers paradoxes font face aux fluctuations des perceptions et
de la subjectivité des acteurs. Dans le premier paradoxe, se détache la
présence systématique de conflits dans l’expérience scolaire, ce qui ne signifie
pas une association directe ni nécessaire avec un degré important de
victimisation. Ce premier paradoxe présente donc le dépassement d’une
logique linéaire ou proportionnelle entre des causes et des effets du problème.
Les sentiments ne se trouvent pas au même niveau d’analyse, bien qu’une
révélation de ce genre procède aussi de l’application de techniques
méthodologiques différentes que nous avons exprès mis en œuvre.
Le deuxième paradoxe montre que, en confrontant deux groupes sociaux
inégaux, il existe une dimension transversale dans le phénomène, qui fait
référence au degré de la victimisation des élèves. Or, cette transversalité est
inégale si l’on croise la variable de perception du climat scolaire qui apparaît
hautement détérioré dans le secteur le plus pauvre. Cet aspect n’est pas
paradoxal en soi et l’on pourrait l’interpréter comme une conséquence
« naturelle » de la précarité dans laquelle vivent ces jeunes. Il s’agit donc d’une
tension qui se produit entre un sentiment de violence subie (la victimisation)
et la perception de la violence vécue, qui sans aucun doute excède les limites
de l’école et qui incluse globalement la situation familiale et l’expérience
quotidienne de vivre dans un quartier marginal.
Le troisième paradoxe est celui qui présente le plus grand degré de charge
symbolique, dans la mesure où il n’est pas seulement le résultat de lectures
méthodologiques diverses, mais aussi une tension qui se produit entre un
sujet à la fois présent et absent, un icône visible mais apparemment invisible à
l’école. Le « flaite », ce jeune marginal, semble condenser un certain idéal social
qui attire même des jeunes du secteur social privilégié (García, 2005).
La complexité de la violence rend difficile une interprétation du
phénomène « flaite » comme une réponse ou une possibilité de donner du sens
à la violence scolaire, ou bien est-il le centre de ses figures et manifestations
les plus significatives. Si la violence à l’école aurait une seule origine, il
faudrait la situer comme expression de l’exclusion sociale, affective et
existentielle des acteurs et non simplement de la condition sociale de
pauvreté.
La violence est toujours une action subjective et sociale ; son « lieu » (ethos)
est plus ambigu qu’à d’autres époques, parce que la violence scolaire
n’apparaît pas nécessairement liée à un projet politique de revendication
sociale. L’antichambre du phénomène n’est plus une idéologie, mais un
Réflexions phénoménologiques sur le sens de la violence scolaire au Chili 57
ensemble de sentiments orientés par des processus volontaristes et
individuels d’insatisfaction non déclarée contre l’institution scolaire. Ces
sentiments laissent entrevoir que les acteurs de la violence manifestent des
besoins anthropologique tant de reconnaissance que d’affirmation et, surtout,
de sens.
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International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 60
A META-SYNTHESIS OF COMPLETED QUALITATIVE RESEARCH
ON LEARNERS’ EXPERIENCE OF AGGRESSION IN SECONDARY
SCHOOLS IN SOUTH AFRICA M POGGENPOEL, PSYCHIATRIC NURSING, UNIVERSITY OF JOHANNESBURG, SOUTH AFRICA
CPH MYBURGH, DEPT EDUCATIONAL PSYCHOLOGY, UNIVERSITY OF JOHANNESBURG, SOUTH
AFRICA
ABSTRACT
Although meta-synthesis has been published on research conducted by
different researchers utilizing different research methods, we have utilized it
in our team research project on Iearners’ experience of aggression in
secondary schools in South Africa. The objective of this meta-synthesis was to
obtain a broader understanding of learners’ experience of aggression in
secondary schools in different contexts in South Africa, as well as possible
ways to assist learners to address the experienced aggression. More than ten
completed research projects were purposively sampled. Data was collected for
this meta-synthesis by utilizing the following headings: objectives, sampling,
research design, research method, research results and guidelines. The results
were placed into tables for each of the headings. After each table a synthesis
was provided. At the end of the meta-synthesis process the results of the
experience of learners of aggression, and the guidelines for learners to cope
with aggression, were depicted in schematic format.
A meta-synthesis of completed qualitative research on learners’ experience of aggression in secondary
schools in south Africa 61
BACKGROUND AND RATIONALE
Qualitative meta-synthesis has developed as a research method to
interpret research on the same or similar phenomena to contribute to the
development of knowledge. The outcome of meta-synthesis will contribute to
a common understanding of a specific phenomenon. The interpretative
synthesis of data often results in novel interpretations of findings from these
research studies.
Meta-synthesis methods can include constant comparison, taxonomic
analysis, and reconceptualization. Meta-synthesis contributes to coming to a
point about a specific phenomenon in practice. Phenomena must be
understood as contextual and relational. Researchers should acknowledge
boundedness within theory and practice. The knowledge claims provided by
meta-synthesis should be presented humbly and be assessed by criteria
derived from science and art. Meta-synthesis should provide a clear
description of the socio-historical context of a specific phenomenon (Thorne,
Jensen, Kearney, Noblit & Sandelowski, 2004: 1323-1325; Bondas & Hall,
2007: 115-116; Burns & Grove, 2005: 114-115).
Ten research studies were completed between 2002 and 2007 within the
project “Aggression in secondary schools”, a National Research of Foundation
of South Africa funded project under the leadership of Poggenpoel and
Myburgh (2002). These research studies will be meta-synthesized
(Poggenpoel & Myburgh, 2007).
The socio-historical context in South Africa when this research was
conducted was during the years after 1994 the year when the first democratic
election took place and is viewed as the post-apartheid era. In this context
South African society was exposed to social stress such as high inflation rates,
increasing divorce rates, rising suicide and rising mortality rates related to
AIDS. This could have contributed to the increasing aggression observed in
the society, and especially aggressive behaviour by learners in secondary
schools. Learners exposed to such aggression may also expose other persons
like their peers, parents, teachers and school managers to aggression and
violence. This could be an obstacle to their mental health and their ability to
contribute to their society in a productive manner. Research into the
phenomenon of aggression in secondary schools could significantly
contribute to understanding and developing practical strategies to facilitate
mental health in secondary schools (Poggenpoel & Myburgh, 2002).
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 62
PROBLEM STATEMENT
There are possibilities that there is a diversity in learners’ experience and
perception of aggression. Already ten research studies have been completed
regarding learners’ experience of aggression in secondary schools (Botha,
2006; Geyer, 2007; Mosia, 2003; Musekene, 2005; Jacobs, 2006; Naicker,
2007; Poggenpoel & Myburgh, 2007; Prins, 2007; Schoeman, 2003; Snyman,
2006).
The two research questions arising from these completed research studies
are:
● What common themes can be derived from the results of these
studies?
● What common guidelines can be derived to assist learners to manage
aggression in secondary schools to facilitate their mental health?
(Poggenpoel & Myburgh, 2007).
OBJECTIVES
The two objectives are:
● To meta-synthesize 10 research studies on the phenomenon of
aggression in secondary schools in South Africa, to identify common
themes in the conducted research.
● To facilitate the synthesis of the process of theory building regarding
the aggression experienced and the constructive management of
aggression by secondary school learners.
ASSUMPTIONS: CLARIFIED IN META-SYNTHESIS
A mentally healthy individual possesses the ability
● To make adjustments which enable him/her to remain unhampered by
emotional conflict;
● To confirm and follow a philosophy of living;
● To find satisfaction and fulfilment in exercising and expanding his/her
potential; and
● To establish and maintain meaningful relationships with others
(Kreigh & Perko, 1083:4-7).
A meta-synthesis of completed qualitative research on learners’ experience of aggression in secondary
schools in south Africa 63
Mental health involves constructive intrapersonal, interpersonal and
environmental relationships (Uys & Middleton, 2004: 753). In the
individual’s intrapersonal relationship, Frankl’s (1962; 1967; 1978; 1980 and
1985) “discovery of meaning” is important. Being exposed to aggression poses
mental health challenges to an individual, but these challenges can be
addressed constructively by realizing:
● Each individual has a freedom of choice. An individual is in charge of a
situation — a situation is not in charge of the individual. This freedom
of choice is value-based; authentic living is only possible if an
individual is responsible for his/her own actions. Freedom of choice
means that an individual has the opportunity to be selective and
choose a certain way of coping that can be constructive or destructive;
meaningful or meaningless; or responsible or irresponsible.
● Motivation to discover meaning is essential. An individual who is
motivated to discover meaning in a challenging situation is also able to
cope with the situation.
● Attitude when confronted with a challenging situation is important.
Constructive coping with a challenging situation depends on the
attitude that an individual adopts towards a situation that cannot be
changed. This attitude is positive when there is:
o An understanding that an individual that assists others is a
positive way of coping with a challenging situation;
o An understanding that the love of God and one’s fellow human
beings ought to direct one’s actions; and
o An understanding that one can choose to take a positive stand
in an unalterable situation (Poggenpoel, 1997: 142-147).
A mentally healthy individual demonstrates in interpersonal relationships:
the ability to establish and maintain positive relationships; responsibility for
terminating those relationships which may be viewed as harmful; validation
of feeling; collaboration; acceptance of compromises; direct communication;
and the use of body language to facilitate communication and respect for
others. In relation to the environment, a mentally healthy individual has the
ability to: organize the environment; exert control over or modify the
immediate environment; adapt to change; engage in planned thoughtful
responsible activity; and resolve power struggles by means of cooperation and
compromise (Poggenpoel & Myburgh, 2007).
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 64
In the next section the concepts used in the various projects are identified
and clarified for the meta-syntheses that will follow.
CLARIFICATION OF CONCEPTS Different concepts were utilized in the research studies (See Figure 1).
They will be defined and then combined.
a) Experience is any event through which an individual has lived, has
gained knowledge from such participation in that event and the sum total of
knowledge he/she accumulated. Experience involves personal knowledge,
personal involvement and first hand knowledge and exposure (Johnson,
1997:21)
b) Perception is a product of a secondary encounter with objects and
events. It involves the processing and interpretation of the sensory input
(Hartup, 1994:43).
c) The term learners in this meta-synthesis refers to secondary school
learners who receive education from a teacher (Potgieter, Visser, Van der
Bank, Mothata & Squelch (1997:vi).
A meta-synthesis of completed qualitative research on learners’ experience of aggression in secondary
schools in south Africa 65
d) Teacher: A teacher is somebody who is trained in teaching in a school
situation. A teacher is somebody who takes responsibility for the learners up
to adulthood and somebody who is expected to know more than the one who
is led (Fraser, Laubser & Van Rooy, 1999:5).
e) Facilitation: Facilitation is a process to enable things to happen such as
helping people to identify the cause of the problem, as well as solutions’ in
order to simplify matters, actions or process, to identify goals and objects,
and to improve work effectiveness (Meyer, 2004:24).
f) Management refers to the process of managing. To manage means to be
in charge of, administer and regulate, succeed in doing or dealing with,
succeed despite difficulties, cope (The Readers Digest Word Power Dictionary,
2002:587).
g) Informal settlement: This is a community without formal structure such
as running water, electricity, tar roads and build houses.
h) Guidelines: Guidelines are directions on how to manage a situation (The
Oxford Thesaurus, 1991: 187).
i) Strategies: Strategies are a set of principles put forward to determine a
or to chart a course of action (Hanks, 1979: 650).
j) Psycho-education: This refers to the education and training of people in
the psychological which are thought to be relevant to their mental health. It is
a helping strategy that provides psychological guidance to individuals and
teaches them about their emotional and relationship functioning by means of
didactic teaching (Okum, 1997:1832, 290).
k) Constructive means helpful, useful, beneficial and positive (The Oxford
Thesaurus, 1991: 70).
l) Aggression: aggression implies the intent to harm or otherwise injure
another person, an implication from events preceding or following the act of
aggression (Kaplan and Sadock, 1997:154). Verbal aggression refers to spoken
words or verbal statements that are motivated by anger. Verbal aggression
refers to verbal behaviours used to express aggression (Hawkins, 1998:496).
Physical aggression involves hitting, punching, kicking and the use of
weapons by an individual towards their victims (Baron and Byrne, 1994:464).
m) Bullying: This is the activity that occurs when a weaker person is being
hurt, intimidated or persecuted by a stronger person (Collin’s Dictionary and
Thesaurus, 2005:17). Verbal bullying included name-calling, threatening
gestures, stalking behaviour and malicious phone calls to the individual’s
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 66
house, repeatedly hiding someone’s belongings, leaving people out of desired
activities and spreading rumours about someone (Rigby, 2000:20). Physical
bullying includes attacks on the victim, kicking, hitting or slapping
(Baumeister, Smart & Bodem, 1996:5). Bullying consists of four essential
elements: the behaviour is aggressive and negative; it is carried out
repeatedly; the behaviour is a relationship where there is an imbalance of
power between parties involved; and the behaviour is purposeful
(http://en.wikipedia/org/iki/bully).
n) Disruptive behaviour includes talking out of turn, hindering other
pupils, making unnecessary noises, calculated idleness or work avoidance, not
being punctual and getting out of a seat without permission (Charlton &
Kenneth, 1993: 8).
o) Violence: Violence is to inflict harm, damage and injure (The Oxford
Thesaurus, 1991: 538).
In this meta-synthesis the above clarified concept definitions related to
experiences of aggression that will be utilized in the further discussion are
perception; facilitation that will include management; strategies that will
include guidelines and psycho-education; and aggression that will include
bullying, disruptive behaviour and violence (Poggenpoel & Myburgh, 2007).
RESEARCH METHODOLOGY
SAMPLING The criterion regarding the selection of studies includes studies from peer
reviewed journals and unpublished dissertations. The recommendation is that
at least ten to twelve studies should be purposively included in the meta-
synthesis to create a meaningful and valid meta-synthesis (Bondas & Hall,
2007: 117). One peer reviewed article had been published (Poggenpoel &
Myburgh, 2006: 70-90) and several dissertations were included in this meta-
synthesis.
DATA COLLECTION According to Bondas and Hill (2007: 117) systematic attention should be
paid to each of the studies that have been included in the meta-synthesis.
Data collection forms suitable to support data analysis can be developed
(Bondas & Hall, 2007: 118).
The following data collection forms were utilized in this meta-synthesis:
A meta-synthesis of completed qualitative research on learners’ experience of aggression in secondary
schools in south Africa 67
● objectives;
● sampling;
● research design;
● research methods;
● research results: Experience of aggression by learners in secondary
schools; and
● guidelines (Poggenpoel & Myburgh, 2007).
DATA ANALYSIS Synthesis is achieved by maintaining the central concepts of each study
and comparing them to other key concepts in the results. Researchers have
the potential to interpret the strengths and limitations of the study and to
provide alternatives. Fittingness is reached when the meta-synthesis findings
can fit into other contexts as well as reflect elements of life experiences
(Bondas & Hall, 2007: 118).
RECONTEXTUALIZATION INTO THE LITERATURE The description of mental health as being a relationship, simultaneously an
intrapersonal, an interpersonal and an environmental relationship was
utilized to recontextualize the results within the literature (Poggenpoel &
Myburgh, 2007).
APPLICATION OF ETHICAL PRINCIPLES The studies that are included in the metasynthesis need to be ethically
analysed and referred to (Bondas & Hall, 2007: 120).
VALIDITY “The criteria of clarity, structure, coherence, scope, generalizability and
pragmatic utility are proposed for all qualitative research” (Bondas & Hall,
2007: 118). Bondas and Hall (2007: 119) identify criteria of validity as
involving the following questions. Does the report clarify and resolve rather
than observe inconsistencies or tensions between materials synthesized?
Does a progressive problem shift result? Is the synthesis consistent,
parsimonious, elegant, fruitful, and useful? Is the purpose of the meta-
analysis explicit? And: Are the research questions clearly stated? The
inclusion criteria procedures for data collection, description of the sample,
and the methods for data analysis and interpretation should be clear (Bondas
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 68
& Hall, 2007: 119). These questions have been addressed during the meta-
synthesis process reflected in this paper.
RESULTS
The headings utilized in the data collection forms are utilized to describe
the results of the meta-synthesis.
OBJECTIVES OF RESEARCH STUDIES In Table 1 the objectives of the ten studies are described. All ten research
studies had two overall objectives which were:
A meta-synthesis of completed qualitative research on learners’ experience of aggression in secondary
schools in south Africa 69
● to explore and describe learner experiences of aggression in secondary
schools; and
● to describe strategies to facilitate true management of aggression by
learners to promote their mental health (Poggenpoel & Myburgh,
2007).
RESEARCH SAMPLE REALIZATION In Table 2 the research studies’ research sample realizations are provided.
All the research utilized purposive sampling till data-saturation was
demonstrated as evidence in repeating themes. The participants ranged from
13-20 years of age, were in grade 9-12; different races; and males and females.
They came from different provinces in South-Africa: Gauteng: North-West;
Mpumalanga and Eastern Cape; formal settlements and informal settlements.
All were learners in public secondary schools. In total 386 learners
participated in the ten research studies (Poggenpoel & Myburgh, 2007).
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 70
RESEARCH DESIGN Qualitative, explorative, descriptive and contextual designs were utilized in
the research studies.
RESEARCH METHOD In Table 3 the research methods of the different studies are reflected. Two
phases were used during the implementation of the research method. In
phase one a field study was conducted, and in phase two guidelines were
derived from the results of phase one.
A meta-synthesis of completed qualitative research on learners’ experience of aggression in secondary
schools in south Africa 71
Phenomenological interviews were utilized as the primary method of data
collection. These interviews were conducted individually and in groups. Naïve
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 72
sketches were also utilized to elicit experience of aggression in secondary
schools by learners. Observation and field notes were kept. The question that
was posed to learners was: “How is aggression in this school?” This overall
question focused on teacher - learner aggression and learner - learner
aggression. All researchers utilized open coding and the learners’ results were
recontextualized into the literature. All the researchers applied measures to
ensure trustworthiness and ethical principles.
GUIDELINES WERE DERIVED BASED ON THE RESULTS OF THE
PHENOMENOLOGICAL INTERVIEWS, NAÏVE SKETCHES, AND FIELD
NOTES (POGGENPOEL & MYBURGH, 2007).
Research results from phase 1: Lived experience of aggression
by learners in secondary schools
In Table 4 the results of phase 1 of the studies are presented.
A meta-synthesis of completed qualitative research on learners’ experience of aggression in secondary
schools in south Africa 73
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 74
A meta-synthesis of completed qualitative research on learners’ experience of aggression in secondary
schools in south Africa 75
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 76
A meta-synthesis of learners’ experience of aggression in secondary schools:
Learners’ experience of aggression include learner to learner aggression;
learner to educator aggression; and educator to learner aggression. When
interpreting the results of learners’ experience of aggression in secondary
schools, it becomes clear that learners face challenges to their mental health.
The learners’ experience of aggression in secondary schools results in
challenges to their mental health as reflected in their intrapersonal,
interpersonal and environmental relationships (Kreigh & Perko: 5-6). These
mental health challenges resulting from learners’ experience of aggression are
described in the following discussion.
Learners’ intrapersonal experiences of aggression
● These experiences include negative feelings, negative perceptions, and
negative ideas as the utilization of defense mechanisms.
Negative feelings of learners resulting from their experience of
aggression are anger, hatred, outrage, violence, humiliation and rage;
sadness (hurt, sad, disappointed, discouraged feelings, worthlessness
and depression), and fear (scared).
● Negative perceptions of learners resulting from their experience of
aggression are loss of opportunities, feelings of helplessness and poor
self-concept and self-esteem.
● Negative ideas of learners resulting from their experience of
aggression are suicidal ideas, being demoralized, poor boundaries.
A meta-synthesis of completed qualitative research on learners’ experience of aggression in secondary
schools in south Africa 77
● Learners’ utilization of defense mechanisms as result of aggression
experienced are repression of own inner feelings, the rationalization
about other individuals’ aggression and denying responsibility for own
behaviour. These are defense mechanisms learners (Poggenpoel &
Myburgh, 2007).
Learners’ interpersonal experience of aggression
These experiences include the experience of aggression as physical actions,
verbal actions and indirect actions; aggression experienced as disrespect and
learners’ reaction on aggression.
● Aggression experienced as physical actions takes the form of physical
actions experienced as biting, pulling hair, kicking, hitting, pinching,
pushing, scratching, spitting, destroying personal property, coercion
for sex, rolling eyes and pulling face.
● Aggression experienced as verbal actions takes the form of actions
experienced as swearing, threatening calls, intimidation, threats,
teasing, cat calling, racist remarks, sexual remarks, gossiping,
spreading untruths, sending awful sms’, sending insulting letters,
sending awful e-mails, making insulting and belittling remarks.
● Aggression is experienced as indirect actions. These indirect actions
are experienced as manipulation, ending of other learners friendships,
isolating, ignoring, cutting out of decision-making, making rude
remarks during conversations, intimidating, dominating, mocking,
provoking anxiety, making noise inside and outside the classroom,
coming late for school, selling and using drugs, gangsterism, weapons
and not doing schoolwork.
● Aggression is experienced as disrespect. This disrespect is experienced
by learners as being beaten by educators; educators arriving drunk at
work and parallel monologue between learners and educators during
which learners are not listened to by educators.
● Learners’ reaction to aggression experienced can take the form of
aggression by acting out and fighting; learners experience barriers
between learner-learner and learner-educator (Poggenpoel &
Myburgh, 2007).
Learners’ environmental relationship experience of aggression
Learners exposed to aggression experience distrust towards educators and
parents; their schoolwork is negatively affected; they experience an unsafe
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 78
learning climate; as well as lack of discipline and inconsistent application of
discipline.
● Learners experience distrust towards educators and parents as result
of their experience of aggression. Learners think that adults will not
be able or willing to assist them to address aggression.
● Learners’ schoolwork is negatively affected by their experience of
aggression. Learners are pre-occupied because of their negative
feelings, ideas and reactions as a result of experienced aggression.
● Learners experience the school learning climate as unsafe as a result of
their experienced aggression. Learners experience that other learners
are acting disrespectfully to educators and learners by threatening and
disturbing behaviour; not listening; acting disobediently, and they also
see that educators react with ineffective management of learners.
● Learners experience the application of inconsistent discipline by
educators has as having a disempowering effect in the school.
Educators are not able to take charge and there is a loss of control in
the school.
Research results from phase 2: Guidelines to assist learners to
manage aggression in a secondary school
In Table 5 the results of phase 2 of the studies are presented. Guidelines to
assist learners to manage aggression in a secondary school are suggested.
Through this learners are assisted to facilitate their mental health. These
guidelines are derived from the results of phase 1.
A meta-synthesis of completed qualitative research on learners’ experience of aggression in secondary
schools in south Africa 79
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 80
Experiential learning is utilized as an educational approach.
Facilitation of healthy intrapersonal relationships of learners can be
achieved by:
● enhancing a positive self-concept of the learner by facilitating self-
awareness, self-identity, self-knowledge and self-disclosure;
● mastering stress management through deep breathing exercises;
relaxation with music; regular exercises, cognitive reframing; problem
solving skills and tips on survival;
● taking responsibility for own behaviour, internal locus of control; and
● demonstrating consistent behaviour (Poggenpoel & Myburgh, 2007).
Facilitation of healthy interpersonal relationships of learner can be
achieved by:
● mastering interpersonal skills such as listening, hearing, open verbal
and non-verbal communication; and attitudes such as respect,
empathy and unconditional acceptance of other people;
● building and maintaining healthy interpersonal relationships;
● managing of conflict;
● mastering assertive behaviour (Poggenpoel & Myburgh, 2007).
A meta-synthesis of completed qualitative research on learners’ experience of aggression in secondary
schools in south Africa 81
Facilitation of healthy environmental relationships of learners
comes about through:
● engaging in planned, thoughtful activity;
● organizing the environment; and
● managing change (Poggenpoel & Myburgh, 2007).
CONCLUSIONS AND RECOMMENDATIONS
In this meta-synthesis common themes in learners’ experience of
aggression and guidelines were utilized in the ongoing process of theory
building. During the meta-synthesis, clarification of the consistency between
the material synthesized was assessed. The synthesis was consistent,
parsimonious, fruitful and useful. The objectives of the meta-synthesis were
stated explicitly. The research questions were clearly stated. The inclusion
criteria procedures for data collection, sample description and methods for
data analysis and interpretation were clearly presented.
RECOMMENDATIONS Recommendations with regards to practice, research and education are
made:
● Practice: Educators need to be workshopped on the constructive
management of aggression in secondary schools.
● Research: Further research need to be conducted on educators’
experience of aggression in secondary schools.
● Education: Policy makers in education should be sensitized to manage
aggression in secondary schools.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 82
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Managing and handling indiscipline in schools 85
MANAGING AND HANDLING INDISCIPLINE IN SCHOOLS A RESEARCH PROJECT
ISABEL FREIRE, UNIVERSIDADE DE LISBOA
JOÃO AMADO, UNIVERSIDADE DE COIMBRA
ABSTRACT
The research project we present here in (entitled GERLINDES, in
Portuguese) is set out with the assumption that there is a link among the
representations and the actions within the members of the interstitial groups
of schools, the practices in action and social and disciplinary environment at
schools. This research project is focused on eight case studies held in schools
of different grades, located in the centre of Portugal. Both qualitative
(interviews and ethnographic observation) and quantitative methodologies
(pupils’ questionnaires) have been used.
KEYWORDS
Indiscipline ; School ethos ; Violence ; Case studies
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 86
INDISCIPLINE GLANCED THROUGH A PEDAGOGICAL
AND ORGANISATIONAL SCOPE
School indiscipline has been, over time, an issue of concern for educators
and we can even state that it has become a huge concern among educators,
policy-makers and the public opinion in general, owing to the outbreak of
aggressiveness among peers, violence within teacher-student relationship and
vandalism, as well.
Indiscipline is a multifaceted phenomenon, regarding its displays and
causes, as well as its “meanings” and “functions” in the social, psychosocial
and pedagogical fields. Concerning the displays, we believe that major
situations are framed in what Amado and Freire (2009) points out as the
“first level of indiscipline”: those incidents of “disruptive” nature whose
“disturbance” affects the “good classroom functioning”. The incidents that
might be framed in the second and third levels, are “conflicts among peers”
and “conflicts within teacher-student relationship”, which might be taken on
proportions of violence and even delinquency, the latter presents a minor
frequency than the former (Amado, 2005).
Concerning the causes, we can distinguish, among others, those related to
student’s idiosyncrasies, his/her social and family context, external influences
and of social, economic, cultural, generational nature, etc., those related to
the personality and professionality of the teacher, and those associated with
school as an organisation or the educational system as a whole.
The social, psychosocial and pedagogical “meanings” and “functions” of
these actions should take, primarily, in account the “level” within their
displays are situated. The contextual analysis of the actions of indiscipline, in
a broader meaning, conferred herein, reveals that such behaviours are not
always “offensive” (as general opinion does believe), but also “defensive” as a
student’s shield to protect his/her image and “dignity”, or as a strategy of
“maintenance” and “survival” towards physical, psychic and moral rhythms
and constraints of school and of the classroom (Amado, 2001).
There are already many national and international scientific studies about
this issue, approaching the pedagogical dimension and considering variables
attached to the classroom; in Portugal, empirical researches considering
school as whole are lacking. Since the pioneer study of Rutter et al. (1979), a
lot of authors have emphasised the link between the display of disciplinary
problems (including violence) and the ethos which is being lived inside
schools.
Managing and handling indiscipline in schools 87
This ethos or school environment (Blaya, 2002) linked to cumulative effects
of a set of variables is translated into attitudes, values, behaviours and
practices that become a distinctive mark of the school as a whole and is
closely rooted in interpersonal relationships that are made between the
various protagonists of a school, individually and collectively is (Freire, 2001).
In the present project, we intend to emphasise, the factors connected with
school as organisation and the relational climate within it. We will also be
attentive to the fact that, nowadays, Portuguese schools are enlarged
organisations1, what turns their functioning and interpersonal relationships
more complex and brings up a new and unexplored field of study and
research.
Schools are “complex, formal organisations that, as such, include
behaviours of diverse actors, organised and interconnected by a structure of
authority and a network of relationships that allow partial and unfinished
information, resources and products pass from one group to another" (Bates
and Murray, 1981, 58). According to these authors, school is structurally
grouped in two kinds – the "elementary groups" and the "interstitial groups".
The former constitutes “basic structural elements” or “social units” (for
example, the class, the group of teachers of a certain subject or field of
knowledge, the administrative sector, etc.), while the latter, formed by the
representatives of the elementary groups, are “connexion groups” which
origin a network of links in the system’s structure (for example, the
pedagogical council, the school and/or school group assembly, the class
councils, the board of the parents’ association). It is inside these interstitial
groups that the contact between the members of the isolated elementary
groups is established.
Research has not given much attention to the role of the interstitial
groups, although the organisation of schools in the Portuguese educational
system assigns them a strong leading role. The organisation of these groups,
established in Portuguese schools, holds a potential of collective work to
promoting a favourable school environment to students’ learning and
teachers’ professional development, which has not been well used in many of
them, particularly those “more troublesome”. Moreover, school organisation
in enlarged groups creates another structural level and new relational
dynamics that leads to a complexity of networks and the appearance of new
“connexion groups” whose reflection on schools’ functioning, urges to be
acquainted with, particularly, in the disciplinary field.
1 Portuguese schools are organised in clusters of schools of different levels of education, with joint leadership and management.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 88
So, we consider vital, starting from the hypothetical assumption that, what
happens in the interstitial groups and how decisions are made within them,
are perceived in the elementary groups (namely in class and in teachers’
councils), what constitutes essential aspects of school’s life understanding,
particularly, its relational and disciplinary dimensions.
We are also aware of a lack of knowledge about the prevention and
treatment of indiscipline as far as the Portuguese schools are concerned, more
evidenced in primary schools. In the present project, we have established as
focus the understanding of disciplinary and violence problems in primary and
secondary schools.
Our study is based on the analysis of the representations of leaders of
different interstitial groups about school’s relational climate, its connexion to
the disciplinary issue and the students’ school progress. Observation
strategies are also used to perceive pedagogical and relational dynamics inside
classrooms, in playgrounds and in different spaces of collective life.
So as to develop this project, we encompass a set of perspectives, besides
complementary, what allows a better access to this complex object of study as
indiscipline is considered amidst its “levels” and expressions.
Our approach to school indiscipline is pedagogical, because its study is
centred in the dynamics round teaching and educating, and its impact in
students’ learning. It will also be a preventive approach, denying common
sense, indiscipline is difficult to “overcome”, the bet on research should
involve the (ac) knowledge(ment) of the “good practices” that might be
carried out in certain schools and classrooms. It is certain that this
perspective has already been introduced in research, focusing the teacher as
an individual or his/her training (e.g., Brophy & Good, 1986) and sometimes
on school as a whole (e.g., Reynolds, 1989). However, we think that, in
Portugal, this issue lacks some deepening and its complexity should not be
undermined to mere explanations of psychological or sociological nature. We
intend to realize how the different structures contribute and are related with
the construction of a favourable environment and positive human relations,
promoting welfare and school learning. In an ecological reading of school
reality, we will be attentive to the factors connected with the environments
where people (students and teachers) directly participate and the connexions
and interconnexions that are established among multiple environments,
influencing decisively people’s lives in the systems in which they participate
(Bronfenbrenner, 1993).
Thus, this research tries to answer the following research questions:
Managing and handling indiscipline in schools 89
● Which characteristics of school relational climate are associated with a good management of disciplinary problems?
● How do the different actors perceive school’s disciplinary environment? What is the coherence between the ways of thinking of
different actors?
● What kind of practices is used in schools in order to prevent and deal with indiscipline (including violence)? Which effects are associated
with?
● Which differences are verified between the displays of indiscipline observed in different schools, which are being studied, having in
account schooling cycles?
● What concerns do school leaderships and enlarged school groups express? What decisions do they make in the disciplinary field? How
are several levels of decision encompassed? What is the role of the
“interstitial structures” in the construction of school’s disciplinary
climate?
Finally, considering this issue, we can say that, in this project, besides
being attentive to an hypothetical relationship between school’s kind of
leadership and the practices of preventing indiscipline and violence in school,
we base our research on the assumption that there is a link between the
representations and actions of the members of the interstitial structures, the
practices widespread in schools and the disciplinary environment that is, in
general, experienced within them.
METHODOLOGY
The case study suits the research strategy for the development of this
project, and school the centre of analysis. Thus, the first step consisted of
selecting eight case studies within schools situated in the centre of Portugal
(Leiria, Caldas da Rainha, Pombal, Soure, Alcobaça and Ourém districts)2. Six
of these studies focus on primary education.
All of the case studies followed a common research design, preparing next
stage, the multiple case studies. This stage of research is about finishing. The
second stage's goal is to carry out a ramified multiple case study (Yin, 1989),
considering the different dimensions under analysis, and also a unified case
study, taking into account the nuclear aspects of the research, which are the
2 These eight case studies are part of eight Master's theses (Ferreira, 2007; Henriques, 2007; Luciano, 2007; Prata, 2006; Rodrigues, 2007; Santos, 2007; Silva, 2007).
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 90
connections between the relational climate in schools, indiscipline and school
achievement.
The semi directed interview was the technique of former choice for the
data collection process. Direct observation, in the different educational
contexts, was also performed (there was some difference between subprojects
concerning this issue, an ethnographic observation was carried out in some of
them). Documentation was also collected in order to characterize the case
study schools and a questionnaire was answered by primary school pupils.
In each case, several school principals were interviewed (school directors,
directors of school group assemblies and of the pedagogical council, PTA
presidents, representatives of class coordinators, representatives of school
janitors in the school group assembly, etc.); ethnographic observations were
also performed in one of the primary schools and in middle school classes.
The interviews' content analysis involves both a deductive (a priori categories,
based on the Freire, 2001 categorization system) and inductive (a posteriori
categories) categorization process. A seminar was held (in which all
researchers collaborated) what allowed the comparison of data of each case,
conferred greater “credibility” to the process and enabled a transversal
interpretation of the data collected at this stage.
The second stage of the study, currently being developed, is the essential
part of this project. Its development lies on a multiple case study logic whose
main purpose is to emphasize common aspects and singularities observed in
cases studied in the course of the previous stage.
In this presentation, we will focus on the process and the result of the
content analysis of the information gathered through the sixty four
interviews conducted in the eight schools in order to characterize the existing
relational climate.
SCHOOL ETHOS – BUILDING A DATA ANALYSIS SYSTEM As we have just mentioned, the process of analysis of the enormous
amount of data collected from the semi directed interviews led to the
grouping of information into themes or axis of analysis which translate
different dimensions of the ethos of each case study school:
● Interpersonal relationships
● Disciplinary environment
● School-family-community relationship.
Managing and handling indiscipline in schools 91
Some aspects of the treatment of information concerning the Interpersonal
Relationships theme of analysis are exemplified below. On a future occasion,
we will describe the global scheme of qualitative data analysis applied to the
whole of the research.
RESULTAS : INTERPERSONAL RELATIONSHIPS
The analysis of data related to this dimension of schools' ethos was
intended to ascertain the relational climate felt in each school at the level of
different vectors involved (relationship among teachers; relationship among
pupils; relationship between teachers and pupils; relationship between school
janitors and pupils, etc.), in an attempt to ascertain the quality of relational
climate.
RELATIONSHIP AMONG TEACHERS The interviewees in these schools refer to personal relationships established
with their peers and professional relationships. For each of these analysis
subcategories, the information was organized in indicators, according to the
positive, negative or conditional connotation conferred by the informants
(Table I).
Using this system of analysis, we aim to – without altering the information
provided by the interviewees – organize this information so as to allow a
comparison of the climate in the different case-schools for the multiple case
study stage, which will enable us to differentiate the ethos of these schools.
We believed, it was important in this and in other categories of analysis to
identify indicators associated with positive and negative opinions and
opinions we named conditional ones, as they emphasise a certain ambiguity
or difference in interpreting experiences of a same reality.
As it is shown in Table I, there is a multiplicity of indicators, in which the
diversity of indicators of positive and negative opinions, is rather well-
balanced.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 92
TEACHER-PUPIL RELATIONSHIP The analysis of the information concerning the relationship between
teachers and pupils was made according to a similar scheme. However, in this
case, the main categories of analysis were personal relationships and authority
relationships, considering that between pupils and teachers there are
relationships based on the different status institutionally given to each,
closely related to the functions and roles they each perform in the system -
the authority relationships. Besides these ones, there are often personal
relationships that arise from the teacher(s) and the pupil(s) as individuals,
aside hierarchic relationships. We are aware that the existence or absence of
this kind of relationships may be of extreme importance in building a school's
ethos. As it can be observed in Table II, the diversity of indicators conveying
positive and negative opinions is also well-balanced in schools as a whole,
what would probably be expected since it is a wide range of information. We
Managing and handling indiscipline in schools 93
think this recurring characteristic in the analysis of most categories
guarantees the validity of the system of analysis, which has been created what
might help differentiating schools when they are being compared.
The analysis of the Disciplinary environment theme aimed to grasp the
way disciplinary action is put in practice (namely to understand the
importance given to prevention), the awareness the different actors have of
the normative system and the way they interpret indiscipline in school.
The purpose of the analysis of information relating the connexions among
School, Family and Community was the identification of categories and
indicators for a comparative analysis of schools so as to identify both the
importance given to Parents and School Initiatives and characterize, the
relationships established with the school surroundings (other educational
institutions, municipalities and other social institutions).
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 94
PUPIL QUESTIONNAIRE As it has been mentioned before, a questionnaire was also carried out with
pupils of primary schools. It was intended to assess how pupils classify
interpersonal relationships in their school (namely relationship with teachers
and with peers), how they classify indiscipline and how they see themselves
in the school environment (their behaviour, achievement, welfare, etc.).
The results available at this time (N=543) allow us to conclude that most
pupils like attending school (about 80%), similar results to other studies
about pupils' attitude towards school. We also know that in this sample there
are about 13% of pupils who are not happy when they go to school and about
9,5% who despite their efforts cannot do well. The preliminary data point to
some relevant differences between schools that are the object of this study.
Regarding the indicator not happy when coming to school, there is an important
difference between schools: the highest relative frequency is 22% of pupils
and the lowest 7%. As far as the indicator tries but cannot do well, the relative
frequencies vary between 3,7% (minimum) in one school and 17,9% in
another (maximum). Where indiscipline is concerned in their schools, there
are also some noticeable differences. Most pupils say there is indiscipline in
their classroom, despite an important difference between a maximum of
78,7% in one school and a minimum of 60% in another. The schoolyard seems
to be the environment where pupils often observe situations of indiscipline.
The cafeteria seems to be the environment where more differences can be
observed between schools at this level.
CONCLUSION
The study of multiple cases we are developing and the cross-sectional
analysis of the different variables studied will surely point out the connexions
between the school ethos and the behaviour and attitude of pupils towards
school, as we intended. The results of the case studies already concluded, offer
some guiding lines for the current stage of the research:
● there is likely to be a link between a cohesive school ethos and more adequate behaviours and attitudes in pupils;
● there is likely to be a link between a proactive and preventive disciplinary environment and less frequent occurrence of
undisciplined behaviour;
● there is likely to be a link between inconsistent disciplinary action and/or disciplinary action based on punishment and control and more
frequent occurrence of undisciplined behaviour in pupils.
Managing and handling indiscipline in schools 95
We are a team of researchers3 conducting a collective effort to bring about
a better understanding of the phenomenon of indiscipline in Portuguese
schools based on consistent and thorough studies, methodologically grounded
in mixed character approaches (combining qualitative and quantitative
techniques).
3 The team is made up of researchers Isabel Freire and João Amado (scientific coordinators), Ana Sousa Ferreira (statistics consultant) and the teachers/researchers: Ana Luciano, Carla Santos, Elisabete Ferreira, Emília Silva, Maria da Conceição Prata, Natividade Rodrigues, Sónia Gonçalves and Sibila Henriques.
International Journal of Violence and School – 8 – Juin 2009 96
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