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Archipel Bulletin hiver 2014-2015 JALMALV Eure et Loir 66 J J Jusqu’ A A A L L La M M Mort A A Accompagner L L La V V Vie Bénévolat : don de soi ?

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JALMALV Eure et Loir N° 66

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Bénévolat :

don de soi ?

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2 Archipel N° 66

LE RENDEZ -

VOUS

DES BENEVOLES

EN FORMATION

PAGE 33

NOTRE DOSSIER

PAGE 9

TEMOIGNAGES

ET FLORILEGES

PAGE 47

JALMALV

AU QUOTIDIEN

VIE PRATIQUE

PAGE 31

444 Affiche Qui contacter ?

555 Sommaire

666 Rubrique petites annonces

777 Éditorial M-F Houguenague

NOTRE DOSSIER

999 Autour du bénévolat : Interview E. Lecocq

131313 Comment devient-on bénévole ? S. Thomas

151515 Le don de soi M. G. Duquesnoy

161616 Autour du bénévolat : Interview B. Isambert

191919 Donner et recevoir C. Schneitter

202020 Il était là É. Confais

20 20 20 Des livres-voyageurs ; donner autrement

212121 Un bénévole passe… M. Letard

222222 Être bénévole D. Desmichelle

JALMALV AU QUOTIDIEN

313131 Les nouveautés de la bibliothèque

323232 Article autour des droits des malades…

LE RENDEZ - VOUS DES BENEVOLES EN FORMATION

333333 Parler le corps ; suite et fin D. Desmichelle

464646 Peut-on rire jusqu’à la fin ? Article

TEMOIGNAGES ET FLORILEGES

474747 Accompagner son patient Dr Nicolas Vaccaro

515151 Les derniers jours de Mme B. M-F Houguenague

525252 Confidences C. Moustey

535353 Arch’citations

545454 Archi-perles

OUVERTURE SUR LE MONDE

555555 Une petite musique de nuit

565656 Abonnement

575757 Remerciements

585858 Les rendez-vous Jalmalv

595959 Clin d’oeil

606060 Jalmalv Eure et Loir en images…

N° 66

OUVERTURE

SUR LE MONDE

PAGE 55

SOMMAIRE

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3 Archipel N° 66

Éditorial

L e bénévolat : un don de soi ? Chaque terme du titre de ce nouveau numéro d'Archipel

mérite de nombreux développements et le point d'interrogation n'est pas de moindre

importance.

Les textes nombreux et variés ne peuvent prétendre à " La" réponse, unique et entière,

mais peuvent, plus modestement se lire comme des approches, des pistes de réflexion et

pourquoi pas, conduire vers d'autres questionnements, soulignant leur pertinence.

Le bénévolat : tant de points à aborder, sur le bénévolat en général, mais plus

particulièrement, pour Jalmalv, sur le bénévolat auprès des personnes en fin de vie ou

confrontées au deuil, bénévolat d'accompagnement ou de structure dans le cadre de

l'association. Selon le dictionnaire le Robert, le bénévole est quelqu'un :

- littéralement : qui fait quelque chose de bonne grâce

- qui fait quelque chose sans obligation et gratuitement

Le bénévole est quelqu'un, par définition, de bienveillant ( de bene : " bien " et volo : "

je veux. ")

L'autre, étranger et pourtant si proche, est celui que rencontre le bénévole qui ne se

nommera pas tel s'il est aux côtés d'un membre de sa famille ou d'un ami souffrant. Cette

altérité particulière est au coeur de la place du bénévole.

Il fait "quelque chose gratuitement" dit la définition commune. Certes, le bénévole n'a

pas de rétribution financière. Est-ce à dire pour autant que ce qu'il fait est gratuit ? Oui, si l'on

suit la première définition qui souligne l'aspect " gracieux " du rôle du bénévole. Ce terme

ancien module avec délicatesse le mystère de la rencontre, cette alchimie énigmatique qui doit

toujours surprendre le bénévole.

Si celui-ci est dans une disposition d'accueil authentique, s'il peut laisser libre un

espace intérieur, il permet à la personne qui souffre de s'ouvrir à sa parole, de la déployer à

l'intérieur de ce lien confiant. Le don, c'est cette disposition personnelle du bénévole, c'est ce

silence intérieur et attentif que l'autre peut mettre en notes par ses

paroles, ses regards ou son propre silence. C'est être à l'écoute de

la personne mais aussi de soi-même, à l'écoute de ce que la

"pensée rêvante" laisse advenir.

Être à l'écoute de soi, c'est travailler dans le temps ses

motivations personnelles, son histoire comme le propose Méla

dans son témoignage, ses émotions, ses empêchements. C'est

reconnaître ses incertitudes, essayer de trouver la forme juste de

celles-ci sans être à la recherche de certitudes. C'est reconnaître

ses limites et les accepter, limites de temps donné, limites quant

aux formes de l'accompagnement, limites de ses "savoir-être ".

Elles évoluent dans le temps et se les cacher ne peut que nuire à la

vérité de la relation, à la préservation de la bonne distance, cet

entre-deux subtil, mouvant et fragile. Le don c'est aussi cette

conscience.

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IA

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E. Poret et M-F Houguenague

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4 Archipel N° 66

Le don, acte gracieux, car accordé sans être dû, sans que rien soit exigé en retour. Bien sûr, si

le bénévole est dans une recherche incoercible d'un comblement narcissique, il ne pourra tisser ce lien

et soutenir une position éthique juste. Pour autant, peut-il prétendre donner "pour rien", sans rien

recevoir ? Est-ce plus juste ? C'est bien le sens de la question posée par le titre de cet éditorial et par le

texte de Stéphanie Thomas. Le "don de soi" n'évoque t-il pas le sacrifice, le fait de se dévouer

entièrement ? Tout donner de soi jusqu'à s'oublier, c'est sans doute, paradoxalement, occuper tout

l'espace de la rencontre et en voulant quitter "la scène", le bénévole risque de ne plus être en mesure

d'écouter le murmure de celui qui souffre, encombré, à son insu, de tout ce qui peut pleurer ou crier en

lui.

Le don, c'est ce que l'on donne mais c'est aussi une qualité, un talent. La qualité du bénévole

ne serait-elle pas de tenir ce délicat équilibre entre donner et recevoir, sans attente et sans demande

particulière ? Le bénévole, s'il est en résonance avec son

monde intérieur, pourra maintenir cette harmonie entre ces

deux pôles, trouver ce creux en lui-même ( bien différent

d'un manque que le bénévole chercherait à combler )

permettant à la personne rencontrée de s'ouvrir à sa propre

intériorité. Le sacrifice n'est donc pas ce que le bénévole doit

rechercher. Les différentes interviews témoignent de ce don

sans sacrifice et éclairent de façon vivante la richesse mais

aussi parfois les difficultés de cet engagement.

Maintenir ou redonner à celui qui souffre son

humanité, n'est-ce pas lui permettre de penser qu'il peut

donner aussi, rendre quelque chose, malgré sa situation. La

rencontre authentique est alors possible. Le don appelle la

réciprocité, le "contre-don" selon Marcel Mauss, sans détour

possible, sinon à nier l'autre dans son être.

En ce sens, il est essentiel pour le bénévole, d'entendre,

dans toute sa profondeur, le "merci" de la personne

accompagnée, et qu'il puisse signifier à celui-ci que ce

moment était important pour lui aussi, le confortant par là

dans sa valeur et sa singularité. Le bénévole doit garder en

lui cette notion d'humanité et ne pas placer celui qu'il

accompagne dans un sentiment de dette. Le don est un

échange.

Cette réciprocité suppose la reconnaissance de l'autre

comme un autre. La vérité de la rencontre est réelle si les

deux personnes peuvent accepter ce don et cette altérité. Cet

échange permet de sauvegarder les frontières entre l'un et

l'autre. En reliant, il sépare, il met une distance indispensable

tout en unissant. A manquer cela, la confusion s'allie à la

violence ou à l'illusion.

Le bénévolat, don de soi ou partage d'une même

humanité ?

Marie-France HOUGUENAGUE

Bénévole accompagnante

L’éditorial par Marie-France HOUGUENAGUE

Tout donner de soi jusqu'à

s'oublier, c'est sans doute,

paradoxalement, occuper tout

l'espace de la rencontre et en

voulant quitter "la scène", le

bénévole risque de ne plus être

en mesure d'écouter le murmure

de celui qui souffre, encombré, à

son insu, de tout ce qui peut

pleurer ou crier en lui.

Marie et Anita, bénévoles

Jalmalv à la Journée Régionale des

Soins Palliatifs de Châteaudun.

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5 Archipel N° 66

NO

TR

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OSSIER

J e ne suis pas bénévole. Je suis en formation.

Ne devient pas bénévole qui veut.

Quand j'ai décidé de suivre la formation pour

intégrer l'association Jalmalv, c'était pour devenir

bénévole, évidemment, donner du temps et de

l'écoute à quelqu'un: rien d'autre.

Je me projetais très bien d'ailleurs. J'avais

trouvé comment gérer mon temps pour en donner

aux autres, il ne s'agissait plus que de suivre une

formation d'un an minimum et de commencer.

Très pragmatique tout ça, un peu facile même,

j'irai même jusqu'à dire naïf, comme s'il suffisait

juste d'être volontaire pour se voir porter le noble

nom de bénévole.

Tout à fait fortuitement et au tout début de ma

formation, j'ai entendu dans une émission télé que

faire du bénévolat n'était pas seulement un acte

généreux. Je fus surprise par cette remarque, je

pensais qu'être bénévole était un engagement

désintéressé, mais en tendant davantage l'oreille,

j'ai entendu qu'on allait y chercher soi-même

quelque chose. « Sûrement...» pensai-je alors.

Suite à cette émission qui m'avait laissée

dubitative, j'ai, au groupe de parole suivant, parlé

de ce que j'avais entendu. Il m'a été expliqué que

devenir bénévole était un échange. On donnait

autant que l'on recevait. J'entendis que l'on ne

pouvait pas seulement donner et encore moins

uniquement recevoir. L'émission télé disait donc

juste.

En février prochain, cela fera deux ans que j'ai

commencé ma formation.

Moi qui ai poussé la porte de Jalmalv avec

mon cahier et mon stylo, prête à noircir les

pages de théorie, de méthodes, de manières de

dire, de manières de faire, j'ai été bien

chamboulée lorsque, dès le début, il a été

clairement énoncé que l'on allait apprendre sur

soi.

« Ah oui ? Sur soi ? Ah... Pourquoi je suis

là ? …. »

Qu'il fallait cheminer, apprendre à se

découvrir soi-même d'abord pour ensuite

pouvoir accompagner les personnes en fin de

vie. J'en ai fait l'expérience très vite.

Quand on ne comprend pas cela on ne

continue pas la formation je crois. Mais quand

on comprend cela, on peut aussi décider de ne

pas devenir bénévole, en effet, je ne vais pas

donner ce que j'ai, je vais donner ce que je suis.

J'ai donc intérêt à être, ...à être, ...être quoi

d'ailleurs ?

Engagée dans la formation de bénévole accompagnante, Stéphanie s’interroge.

Suffit-il d'être volontaire pour se voir porter le noble nom de bénévole ?

Retrouvez la suite de ce

témoignage dans le N°complet

d’Archipel, disponible au local

de l’association ou sur simple

demande :

[email protected]

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6 Archipel N° 66

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OSSIER

Archipel : Tu es bénévole depuis un

certains nombre d'années, peux-tu raconter ton

parcours de bénévole et ce qui a motivé ton

engagement ?

Bérengère Isambert : Je suis bénévole

auprès de personnes hospitalisées à Dreux depuis

très longtemps. J'ai commencé, jeune femme, au

sein de l'aumônerie catholique. Pour plusieurs

raisons, j'ai été obligée d'arrêter. Voulant

reprendre, le hasard m'a fait rencontrer une

personne qui était bénévole à l'association

VMEH (visiteurs en milieu hospitalier ). Elle m'a

sollicitée pour les rejoindre. J'ai fait douze ans de

bénévolat dans cette association. Jacqueline

Auffray qui était bénévole à Jalmalv Dreux et

que je croisais de temps en temps à l'hôpital m'a

présenté Jalmalv à plusieurs reprises. La

troisième fois, je me suis dit pourquoi pas. Mon

souhait alors, était d'approfondir mon

engagement et d'aller vers un bénévolat vraiment

d'accompagnement plutôt que faire de simples

visites. C'est comme cela que je suis arrivée à

Jalmalv, toujours à Dreux.

Ressentais-tu un manque ou une

insatisfaction en étant à VMEH ?

Oui, il me manquait une formation

véritable. Il y a une petite formation à l'écoute à

VMEH mais minime, il y avait des réunions, des

assemblées générales, des congrès mais il n'y

avait pas de vraie réflexion sur l'approche de la

mort. C'est la formation et cette réflexion que je

trouvais intéressantes et utiles en étant membre

de Jalmalv. Bénévole à VMEH, il m'arrivait de

faire des accompagnements et pas seulement des

visites mais tout de même, ce n'était pas la même

démarche. Il n'y avait pas de groupes de parole

par exemple, ce que l'on trouve à Jalmalv.

Et ce passage d'une association à l'autre ne

t'a pas déçue ?

Pas du tout si ce n'est que Jalmalv prend

beaucoup de temps. En plus de l'après-midi que

l'on passe auprès des patients, il y a beaucoup de

choses à côté que l'on ne m'avait pas présentées

ou que je n'ai pas su entendre, par exemple les

CSA, les journées de bénévoles, las actions pour

défendre la loi Léonetti, participer à la journée des

soins palliatifs à l'hôpital... Parfois, je me dis que

si cela devient trop pesant, je vais être obligée

d'arrêter mais je le regretterais franchement.

Ce que tu es entrain d'exprimer, n'est-ce

pas la question des limites dans le don de soi ?

Oui, c'est vrai qu'il faut pouvoir établir des

limites Je me donne dans beaucoup d'autres

choses. Il me faut donc discerner ce que je veux

donner dans chacune de mes actions et savoir dire

stop de temps en temps dans le don de soi; sinon

on risque de ne plus pouvoir vraiment donner.

Parmi ces mots, lesquels te semblent

associés au bénévolat ? Altruisme, solidarité,

sacrifice, générosité, proximité, responsabilité,

effacement, écoute.

La générosité c'est sûr, le sacrifice surtout

pas. Je suis d'accord avec les termes de proximité

et d'effacement mais plus particulièrement avec

celui d'écoute.

Le sacrifice suppose une notion

d'obligation. Il n'y a plus d'élan d'amour. En

donnant tout de soi et avec cette volonté qui force,

on n'est plus dans l'équilibre entre donner et

recevoir. Il me semble que l'on est fermé, on ne

peut plus recevoir. La joie est absente.

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7 Archipel N° 66

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OSSIER

1. Au départ…

L a Bruyère disait qu’il y avait une sorte de

honte à être heureux à la vue de certaines

misères. Heureux de vivre ? ou d’avoir bien

vécu ? d’être bien portant ? avec des liens vivants

et le goût du bonheur sur les lèvres ? Heureux

malgré les blessures et les failles ? Assez heureux

en tout cas pour vivre et ressentir de la

compassion pour l’autre ?

L’identification à celui qui souffre est à la base

de notre compassion. Nous le vivons auprès de

tous ces gens vulnérables ou blessés que chaque

jour nous côtoyons. Mais qu’en est-il avec les

personnes en fin de vie ? Car il est bien difficile,

si ce n’est impossible, de s’identifier à un

mourant, surtout quand, comme pour les

bénévoles ou accompagnants, c’est un inconnu, ni

membre de leur famille ni ami, ni voisin. Qu’est-

ce qui pousse des personnes, de tout âge, de tout

milieu, de toute condition, avec des histoires bien

différentes, à donner à des personnes en fin de vie

de leur temps, de leur énergie, de leur écoute dans

un espace non lucratif, généreux et sans retour

évident au premier abord ?

Nous le savons : est bénévole celui qui le veut

bien. Il veut bien et il est empli d’une bonne

volonté. Mais que quelle « bonne volonté ¹» s’agit

-il ? Nous savons aussi que les bénévoles prennent

une partie de leur formation à s’interroger : ils

réfléchissent sur le sens de ce mouvement

intérieur qui les amène à cet engagement

étrange : accompagner celle-ci ou celui-là qui

va mourir ou vient de vivre un deuil éprouvant.

Engagement étrange car si étranger à la vie

quotidienne, dans un sens. Et puis, les initiales

de Bénévole Accompagnant, c’est BA, comme

bonne action… Bien vouloir, bonne action,

bonne volonté, c’est cela le don ?

Dans ce mouvement intérieur de bonne

volonté évidente et de désir étrange, on retrouve

quelques valeurs « chrétiennes » avec leur

message altruiste : aime l’autre pour toi-

même² ; si l’autre est en peine ou dans la

difficulté, porte-lui secours ; si tu vois celui qui

te croise dans le chagrin, aime-le comme tu

aimerais en retour que l’on t’aime. Cet élan du

cœur, nous l’avons expérimenté au fil de notre

vie, ne serait-ce qu’avec nos enfants.

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8 Archipel N° 66

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OSSIER

Chacun sait aussi qu’il y a des limites à la

capacité à aider ; de plus, certaines « causes »

nous touchent tandis que d’autres nous indiffèrent

ou ne nous sollicitent que peu. Quand l’aide

individuelle ne suffit pas, c’est un collectif

(associations, organismes sociaux, État) qui pallie

aux limites de nos générosités individuelles.

On retrouve donc le bon vieux principe

kantien : ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais

pas qu’il te fasse (on retrouvait ces mots déjà dans

le Talmud) : nous savons qu’à notre époque, cette

éthique est devenue, dans le cadre du « droit

d’ingérence » : ne laisse pas faire à autrui ce que

tu n’aimerais pas qu’il te fasse. C’est pour cela

que les deux piliers de la morale sont le respect et

la bienveillance. Le respect est essentiel mais il

comporte une part de passivité ; la bienveillance

suppose une polarité plus active. Notre morale

commune (chrétienne et kantienne) serait donc ce

qui nous inviterait à donner ? Des bénévoles

donnent peu, certains beaucoup, d’autres

énormément. Ces « enragés du don » ne savent

pas toujours qu’ils sont au cœur d’eux-mêmes : ce

malheur les concerne au premier plan ; c’est pour

cela que leur don risque de ne pas faire sens ; il

peut même les entraîner vers des répétitions

mortifères d’un drame antérieur qu’ils tentent

d’apaiser par leur rage.

Car, pour l’essentiel des actes bénévoles que

nous posons dans la durée et qui nous engagent,

nous sentons souvent qu’il s’agit d’une nécessité.

Pourquoi ? Probablement parce que dans l’acte

même d’écouter, en particulier bénévolement, il y

a deux blessures : celle de celui qui appelle ou

convoque à l’écoute et au don… / et celle de

l’écoutant qui a « besoin » de donner. En effet, la

vulnérabilité de l’autre nous rappelle

inlassablement notre vulnérabilité³.

Celui qui a remisé ses blessures, les a bien

rangées, bien casées, bien pétries et bien

contenues… ne viendra le plus souvent pas

aisément auprès de l’autre ; et il a parfois bien

raison car il a su se « guérir » et il lui faut se

protéger d’une « rechute » éventuelle. Mais

l’autre, celui qui garde assez tranquillement au

creux de son être, quelques blessures encore un

peu vives, sait que c’est de là qu’il écoute

au mieux celles de l’autre.

2. Un appel et parfois une dette.

En soi, pour peu que l’on ait accès à sa

propre vulnérabilité, une émotion appelle,

sans relâche, un sentiment pousse vers

l’autre. Vers cet être qui est comme soi

quand bien même on l’ignore. Cet « être

en soi » partagé (lui qui demande, moi qui

veux donner) appelle à sortir de soi, à quitter ce

centrage narcissique qui, alors même qu’il nous

a construit et nous nourrit, ne saurait suffire au

bonheur. Le rapport à soi comme à l’autre est

toujours expérience et épreuve d’altérité ; par cet

accès à l’autre, nous accédons à nous-même ;

par cette attention à l’autre, nous vivons et

expérimentons un profond appel de sens pour

nous-mêmes. Et le sens nous ouvre le chemin de

la vie symbolique.

Celui qui reste enfermé sur lui souvent se

perd, il prend même le risque de rester « idiot »,

se coupe de son histoire s’il ne la partage pas ;

perdant alors sa mémoire, il n’est plus « fondé »

et il aura alors du mal à définir le sens de son

existence. Car « l’histoire est faite pour

réconcilier les mémoires blessées des

hommes » (Paul Ricœur). C’est donc un principe

vital que de se confronter à l’autre pour donner

sens. Il n’y a pas de bonne relation à soi, à l’être,

à la transcendance, à la mise en sens de

l’existence, sans un « souci pour l’autre ». Cela

aussi fonde la « nécessité » du don.

Être bénévole : don de soi ou épreuve d’être à deux ? Par le Dr D. Desmichelle

Notre morale commune

(chrétienne et kantienne) serait

donc ce qui nous inviterait à

donner ?

Retrouvez tout le texte

du Dr Desmichelle dans le N°

complet d’Archipel.

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9 Archipel N° 66

JA

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Après avoir visionné un film documentaire en lien avec le sujet les personnes présentes

ont pu obtenir des réponses à toutes leurs questions et bénéficier de témoignages.

L a rencontre organisée par l’Espace seniors info-

services de Nogent était animée par les bénévoles de

Jalmalv, salle Simone-Signoret.

Les Droits des malades et la fin de vie

Deux bénévoles de l'association Jalmalv (Jusqu'à la

mort accompagner la vie), Anne-Marie Bruneau et

Marie Letard ont répondu aux questions de la trentaine

de personnes présentes. Parmi elles, Marinette, une

Nogentaise curieuse d'en savoir plus : « Je ne veux pas

finir ma vie grabataire. Je suis venue car je veux savoir

quels sont mes droits. »

Rencontre avec Anne-Marie Bruneau, bénévole

accompagnante au sein de l'association Jalmalv.

Pourquoi menez-vous cette campagne

d'informations ?

- Pour informer le grand public et les professionnels de

la santé sur la loi du 22 avril 2005 dite loi Leonetti, loi

relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Beaucoup de gens ignorent son contenu. L'objectif de

cette réunion est d'informer sur ces droits et les moyens

de les faire respecter. Nous menons cette campagne de

communication depuis 2013 en partenariat avec le

Conseil général par le biais des espaces seniors info-

services du département.

Qu'est-il important de rappeler ?

- La loi dit que toute personne malade dont l'état le

requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un

accompagnement. C'est un droit, quel que soit l'endroit

où l'on se trouve. La loi Leonetti autorise l'utilisation de

médicaments permettant de limiter la souffrance des

patients en fin de vie. Et cela, on ne le fait pas partout.

Il y a encore des médecins qui sont réticents.

Concernant l'acharnement thérapeutique, il est

important de savoir que l'on peut anticiper et exprimer

ses volontés, c'est ce que la loi appelle les "directives

anticipées". Personnellement, j'ai dans mon portefeuille

une lettre dans laquelle je précise que je ne veux pas

que l'on s'acharne dans le cas où je ne serais plus en

mesure d'exprimer mes volontés et que je souhaite

que l'on interrompe les traitements qui me

maintiendraient artificiellement en vie. C'est un

document qui est valable trois ans et que l'on peut

annuler quand on veut.

Quelles sont les activités de l'association

Jalmalv ?

- Cette association de citoyens qui existe depuis 1993

a plusieurs missions. Les bénévoles de Jalmalv

accompagnent les plus vulnérables, personnes âgées,

gravement malades ou en fin de vie. Notre mission

est aussi de faire évoluer les mentalités, de faire en

sorte que la mort ne soit pas un sujet tabou. Dans le

cadre de cette campagne d'information nationale,

nous intervenons aussi auprès des associations et

dans des établissements scolaires. À Nogent, nous

avons rencontré des élèves du lycée Nermont qui se

destinent aux professions du secteur de l'aide aux

personnes. Nous animons également des groupes de

parole avec des familles ou des personnes qui sont

touchées par un deuil. Un des groupes accompagne

les soignants. L'association est toujours en recherche

de bénévoles notamment sur Nogent-le-Rotrou et La

Loupe.

Où intervenez-vous ?

- J'exerce ma mission de bénévole accompagnante

auprès de personnes âgées à l'EHPAD de l'Hôtel-

Dieu à Chartres. C'est humainement très enrichissant.

Tous les bénévoles de l'association Jalmalv sont

formés, notamment à l'écoute. Tous les mois, nous

partageons nos expériences et participons à des

conférences sur différents thèmes. Je me suis engagée

dans l'association car aujourd'hui, j'ai plus de temps.

Je suis infirmière à la retraite.

Jocelyne Legros

L’association Jalmalv

se consacre aux

droits des malades

et à la fin de vie

L’Écho Républicain du 21/11/14

Agence de Nogent-le-Rotrou

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10 Archipel N° 66

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E n 2013, en raison de mon activité

professionnelle, j'ai souhaité suivre une

formation en soins palliatifs.

J’ai opté pour le DU (Diplôme

Universitaire) d'accompagnement et de soins

palliatifs, proposé à l'université Paris Sud, à

l’hôpital Paul Brousse.

Cette formation, que j'ai suivie en 2013-

2014, a été l'occasion d'un cheminement

intérieur auquel je ne m'attendais pas :

l'occasion de relire certains épisodes de mon

vécu professionnel, de réfléchir sur le sens de

ma profession, mais aussi sur la vie, la mort, ce

qui fait l'humain... J'en suis sorti changé

intérieurement : voici une tentative de récit de

cette petite révolution intérieure, de ce chemin

de croissance qu'a été pour moi ce temps de

formation.

J'exerce avec bonheur la médecine générale

depuis 20 ans. Pour moi, l’accompagnement

des patients est le fondement, la

« substantifique moelle » de ma profession,

pour reprendre l'expression de mon illustre

prédécesseur François Rabelais (il était aussi

médecin et originaire de Touraine, comme

moi!).

Les situations de fin de vie de mes patients

ont souvent suscité en moi de grandes

émotions. Elles restent toutes gravées dans ma

mémoire et j'y repense régulièrement. Dans

ces moments, j'ai toujours senti que j'étais à

ma juste place en tant de médecin : un

accompagnant de la personne qui arrive à la

fin de sa vie.

Mais, bien souvent, je sentais mes limites

dans ces situations : limites de mes

compétences techniques ou théoriques liées à

la solitude de l'exercice professionnel du

médecin généraliste. Je sentais que, pour bien

accompagner mes patients dans ces moments

délicats, il me fallait aller plus loin dans la

réflexion et la connaissance de ce qu'est

l'accompagnement d'une personne en fin de

vie.

Il pourrait sembler incongru de parler

d'émotions lors de la pratique de ma

profession ; pourtant, je ne crois pas bon, et

même illusoire, de vouloir supprimer les

émotions qui me traversent, que je le veuille

ou non. Il me faut les intégrer, les accepter,

pour qu'elles ne parasitent pas mon

raisonnement de médecin ; au contraire, elles

peuvent m'aider à accompagner en vérité,

conscient de mes forces, comme de mes

faiblesses.

Le Dr Vaccaro est médecin généraliste en Eure et Loir. Installé en

libéral depuis 20 ans, il témoigne ici d’une expérience singulière et partage

son questionnement autour de l’accompagnement des patients.

Retrouvez la suite dans le N°complet

d’Archipel .

Page 11: Archipel - WordPress.com · 2015-03-01 · Archipel N° 66 5 R J e ne suis pas bénévole.Je suis en formation. Ne devient pas bénévole qui veut. Quand j'ai décidé de suivre la

Échange d’idées ou

d’interrogations en petit groupe

autour d’articles choisis

pour leurs questions d’actualité.

Avec le soutien de

Autour d’un temps associatif, d’un temps

de réflexion et de témoignages des bénévoles

accompagnants, cette journée s’inscrit dans le

cadre d’une formation continue et s’adresse

aussi bien aux bénévoles qu’aux proches ou

adhérents de Jalmalv Eure-et-Loir sensibilisés

aux valeurs de l’association.