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m a r k e t i n g - c o m m u n i c at i o n
m a n a g e m e n t s u p
Marketing de lâinnovation
De la création au lancement de nouveaux produits
emmanuelle Le nagard-assayagDelphine manceau
sophie morin-Delerm
3 e Ă© d i t i o n
© Dunod, 20155 rue Laromiguere, 75005 Paris
www.dunod.comISBN 978-2-10-072240-2
Conseiller Ă©ditorial :Christian Pinson
Mise en page : Belle Page
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Remer ciements VIntro duc tion 1
Partie 1Les enjeux du marketing de lâinnovation
1 Les dilemmes du mar ke ting de lâinno va tion 9
Section 1 Inno va tion et mar ke ting, un mariage dif fi cile 10Section 2 Les sources dâinno va tion et ses pro ces sus dâĂ©mergence 16Section 3 Les dif fĂ© rents degrĂ©s dâinno va tion 26
2 Les consom ma teurs face aux pro duits innovants 37
Section 1 Pour quoi les consom ma teurs sâintĂ©ressent- ils Ă lâinno va tion ? 38Section 2 Lâadop tion dâune inno va tion 48Section 3 la diffusion des innovations 64
Partie 2Le développement des nouveaux produits
3 Le pro ces sus dâinno va tion 89
Section 1 Les Ă©tapes du pro ces sus dâinno va tion en mar ke ting 90Section 2 Les fac teurs influ en çant la dĂ©marche dâinno va tion
des entre prises 102Section 3 Lâorga ni sa tion de lâinno va tion 130
Table des matiĂšres
Marketing de lâinnovation
IV
4 DĂ©velopper lâidĂ©e puis le concept 148
Section 1 LâĂ©mer gence des idĂ©es 149Section 2 Le fil trage des idĂ©es 185Section 3 Le concept 189
5 Ălaborer une offre innovante 198
Section 1 LâĂ©la bo ra tion de lâoffre par lâentre prise 199Section 2 Le rĂŽle des clients dans le developpement
dâune offre innovante 229Section 3 La dĂ©termination du prix 233Section 4 La concep tion du packaging 245
Partie 3La commercialisation des nouveaux produits
6 PrĂ©voir les ventes dâune offre innovante 255
Section 1 La pré vi sion des ventes 256Section 2 Les marchés- tests simu lés 274Section 3 Les marchés- tests fon dés sur des panels 289Section 4 Le lan ce ment sur une zone limi tée 294
7 Lancer lâinnovation sur le marchĂ© 298
Section 1 Les différentes tactiques de lancement 299Section 2
Lâorchestration du lancement dans le temps 305
Section 3 Promouvoir une offre innovante 317Section 4 Le contrĂŽle du lancement 333Section 5 Les lancements internationaux 337
8 Conclusion : Les stratĂ©gies concurrentielles de lâinnovation 345
Section 1 Les effets de lâinnovation sur les marchĂ©s 346Section 2 Les rĂ©actions concurrentielles Ă lâintroduction de nouveaux
produits 351Section 3 Faut-il ĂȘtre le premier Ă innover ? 356Section 4 Le lancement de nouveaux produits suiveurs 369
Index 375
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Remer ciements
Des trois auteurs
Dix ans ont passĂ© depuis la premiĂšre Ă©dition de cet ouvrage. Il a Ă©tĂ© profondĂ©ment transformĂ© dans son contenu et sa structure, traitant davantage de lâinnovation et moins des variantes de produits existants. Durant ces annĂ©es, nous avons enseignĂ© le marketing de lâinnovation, rencontrĂ© des professionnels, Ă©crit des rapports sur lâinnovation et des articles de recherche, montĂ© des programmes de formation pre-miĂšre et continue⊠Nous avons ainsi accumulĂ© les exemples et les rĂ©flexions qui ont nourri ce livre. Il serait trop difficile de citer toutes les personnes qui en ont alimentĂ© le contenu, notamment dans les encadrĂ©s et les paragraphes dâexemples. Mais quâil sâagisse des Ă©tudiants, des intervenants, de collĂšgues, nous souhaitons leur tĂ©moigner notre vive gratitude. Ă lâheure de terminer cette troisiĂšme Ă©dition, nous tenons Ă©galement Ă exprimer nos remerciements Ă Christian Pinson, conseiller Ă©ditorial chez Dunod, qui nous avait encouragĂ©es et accompagnĂ©es pour la premiĂšre Ă©dition.
DâEmmanuelle Le Nagard-Assayag
Mes remerciements vont tout dâabord Ă Delphine Manceau et Ă Sophie Morin-Delerm, mes amies et co-auteures. Delphine et moi avions eu il y a plus de dix ans ce projet dâouvrage, et dâemblĂ©e lâidĂ©e de le faire Ă©voluer sur plusieurs Ă©ditions. Câest avec un trĂšs grand plaisir que nous avons travaillĂ© pour cette nouvelle Ă©dition avec Sophie Morin-Delerm, dont le regard sur lâinnovation sâest rĂ©vĂ©lĂ© trĂšs riche et complĂ©mentaire au nĂŽtre. Ăcrire est une affaire trĂšs personnelle, le faire Ă six mains
Marketing de lâinnovation
VI
peut se révéler trÚs délicat, et il faut une grande complicité et une totale confiance pour que cela fonctionne sans accroc.
Je remercie Ă©galement mes collĂšgues du dĂ©partement Marketing de lâESSEC, qui contribuent tous Ă crĂ©er une atmosphĂšre de travail stimulante et conviviale, particu-liĂšrement Thierry Lardinoit, Pierre Desmet, Bernard Pras, Simon Nyeck, Raphaelle Butori et Jean-Marc Xuereb. Ma gratitude va Ă©galement Ă Vincenzo Esposito Vinzi, Doyen du corps professoral, dont lâinfatigable enthousiasme et le support indĂ©fec-tible quâil apporte Ă ses collĂšgues forcent lâadmiration et rĂ©chauffent le cĆur. Le programme CPI (Conception dâun produit innovant) rĂ©unissant trois institutions de renom que sont lâĂcole Centrale Paris, Strate Design et lâESSEC, est nĂ© Ă lâĂ©poque oĂč paraissait la premiĂšre Ă©dition de ce livre. Le travail sur ce programme, aux cĂŽtĂ©s de lâĂ©quipe pĂ©dagogique composĂ©e de Jean-Claude Charlet et Julien Fayet (coordi-nateurs du programme), ĂlĂ©onore Mounoud (Ăcole Centrale), et FrĂ©dĂ©rique Pain (Strate Design) a sans cesse contribuĂ© Ă faire Ă©voluer et Ă Ă©largir ma vision de lâinno-vation. Quâils en soient ici remerciĂ©s.
Je ne peux terminer ces remerciements sans une pensĂ©e toute particuliĂšre pour ma famille. Mon mari, lecteur toujours attentif et pertinent, est Ă la fois un homme de lettres, dâimages, et un praticien expĂ©rimentĂ© du marketing de lâinnovation. Ma fille YaĂ«l sait si bien Ă©crire. Mon fils NoĂ« possĂšde une insatiable curiositĂ©, entre autres sur les innovations⊠JâespĂšre quâils seront tous trois heureux de voir leur nom figu-rer dans cette troisiĂšme Ă©dition.
Ce livre est dĂ©diĂ© Ă la mĂ©moire de mon pĂšre, de ma mĂšre, et de ma tante ; tous trois mâaccompagnent Ă chaque instant de ma vie.
De Delphine Manceau
Pour ma part, je souhaiterais commencer par remercier Emmanuelle Le Nagard dont la complicitĂ© et lâenthousiasme me sont toujours prĂ©cieux, et particuliĂšrement lors de la rĂ©daction dâun livre. Nous suivons des parcours parallĂšles et communs depuis 25 ans, et cet ouvrage incarne notre belle amitiĂ© personnelle et professionnelle.
Je souhaite Ă©galement exprimer ma gratitude Ă Sophie Morin-Delerm, nous a rejointes pour cette troisiĂšme Ă©dition et a apportĂ© son regard riche, constructif, innovant. Cette nouvelle Ă©dition lui doit beaucoup et ce fut un vrai plaisir de lâintĂ©grer Ă cette belle aven-ture.
Je tiens Ă exprimer ma reconnaissance Ă mes collĂšgues de ESCP Europe avec qui jâai tant de plaisir Ă Ă©changer. Sans pouvoir les nommer tous, je mentionnerais par-ticuliĂšrement FrĂ©dĂ©ric FrĂ©ry, HervĂ© Laroche, Ălisabeth Tissier-Desbordes, BenoĂźt Heilbrunn, Luca Visconti, Fabrizio Zerbini, ValĂ©rie Moatti, Pascal Morand et Frank Bournois. Je souhaite Ă©galement remercier chaleureusement Mariana Dahan et
Remer ciements
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AurĂ©lie HĂ©monnet-Goujot, dont jâai eu lâhonneur de diriger les thĂšses sur le marke-ting de lâinnovation et qui mâont beaucoup stimulĂ©e par leurs rĂ©flexions sur lâinno-vation et le design, ainsi que Carole Charbonnel, dont les travaux sur la co-crĂ©ation nourrissent mes analyses. Jâexprime Ă©galement ma reconnaissance Ă CĂ©line Abecassis-Moedas, Sihem Jouini, Florence Charue-Duboc et Julie Fabbri, pour le grand plaisir Ă travailler ensemble sur lâinnovation et ses ressorts.
Enfin, jâai une pensĂ©e particuliĂšre pour Vincent, qui encourage et supporte (au sens anglais bien-sĂ»r) mes travaux dâĂ©criture, ainsi que Matthieu et Juliette, grands lec-teurs, qui portent un regard vigilant, curieux et enthousiaste sur le monde et ses innovations.
De Sophie Morin-Delerm
Je vais achever ces pages de remerciements en exprimant toute ma gratitude et mon amitiĂ© Ă mes deux co-auteurs, Emmanuelle Le Nagard et Delphine Manceau, qui mâont invitĂ©e Ă partager lâaventure de cette troisiĂšme Ă©dition. Cette collaboration a bien sĂ»r Ă©tĂ© un honneur mais Ă©galement un plaisir : plaisir de partager avec mes collĂšgues et amies de longue date un projet commun, plaisir de travailler sur un sujet passionnant, aux multiples facettes, et qui me tient Ă cĆur. Cette troisiĂšme Ă©dition a abouti grĂące Ă une collaboration harmonieuse et efficace.
Lâouvrage doit aussi beaucoup aux acteurs des innovations quâil relate.
Je remercie Ă©galement tous ceux avec lesquels jâai pu Ă©changer pendant lâĂ©criture de cette nouvelle Ă©dition : amis, collĂšgues, doctorants, Ă©tudiants, auditeurs et profes-sionnels experts. Leur soutien Ă©clairĂ©, amical et scientifique a participĂ© Ă lâamĂ©lio-ration de cet ouvrage.
Enfin, merci Ă Emmanuel, pour son exceptionnelle Ă©rudition et son soutien indĂ©-fectible, Ă FĂ©lix et Ulysse pour la richesse de nos Ă©changes et leur humour, Ă mes parents gĂ©nĂ©reux et prĂ©curseurs ! Alors que lâĂ©criture occulte parfois la vraie vie, leur enthousiasme et leur bienveillance revĂȘtent une double fonction : mâ accompagner sur le chemin de la pensĂ©e et me ramener Ă lâessentiel.
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Intro duc tion
L âinnovation constitue une source de croissance privilĂ©giĂ©e pour les entreprises et les marques. Nous vivons la troisiĂšme rĂ©volution industrielle caractĂ©risĂ©e par
lâomniprĂ©sence dâInternet, des mobiles et des tablettes, le dĂ©veloppement des objets connectĂ©s, le remplacement des biens par des tĂ©lĂ©chargements (journaux, musique, films, logiciels, photos) ou par des services de lâĂ©conomie partagĂ©e. Les entreprises sâinquiĂštent de « lâuberisation » de leur activitĂ© et se doivent dâamĂ©liorer sans cesse lâexpĂ©rience du client. Les attentes des marchĂ©s Ă©voluent de plus en plus rapidement, tandis que de nouvelles technologies Ă©mergent en permanence.
Dans ce contexte, les entreprises sont contraintes dâinnover davantage, mieux, plus vite, Ă moindre coĂ»t, au risque de rester prisonniĂšres de produits et de modĂšles Ă©co-nomiques dĂ©passĂ©s. La faillite de Kodak et le rachat de Nokia ont profondĂ©ment marquĂ© les esprits, montrant quâaucun gĂ©ant nâest Ă lâabri. Google, Apple et Samsung sont citĂ©s en exemple dans tous les secteurs. 3M explique que 34 % de son chiffre dâaffaires provient de produits lancĂ©s depuis moins de trois ans, contre 25% il y a 7 ans.
Selon une Ă©tude mondiale du Boston Consulting Group1, 75 % des cadres diri-geants considĂšrent lâinnovation comme une des trois prioritĂ©s clĂ©s de leur entreprise et 61% y consacrent davantage de budgets quâen 2013.
Dans cet environnement obnubilĂ© par lâinnovation, le marketing doit jouer un rĂŽle central. DĂ©crypteur des attentes des clients, interface entre lâinterne et le marchĂ©, responsable de la commercialisation des biens et services, il est aux avant-postes. Pourtant, les approches classiques du marketing, fondĂ©es sur la comprĂ©hension des besoins non satisfaits du marchĂ©, ne semblent pas toujours adaptĂ©es Ă lâinnovation.
1. Source : Wagner K., Taylor A., Zablit H., Foo E., Innovation in 2014, BCG Perspectives, 2010.
Marketing de lâinnovation
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Dâaucuns critiquent son Ă©coute traditionnelle des clients, reprenant Ă lâenvi la cĂ©lĂšbre phrase attribuĂ©e Ă Henry Ford : « si jâavais demandĂ© Ă mes clients ce quâils dĂ©sirent, ils mâauraient dit âun cheval plus rapideâ ».
En effet, le marketing doit se rĂ©inventer dĂšs que lâon traite dâinnovation. Il ne peut se contenter dâidentifier les insatisfactions exprimĂ©es et doit intĂ©grer le fait que ce nâest pas toujours la demande qui crĂ©e lâoffre, mais parfois lâinverse. Combien de consom-mateurs ont remplacĂ© leur mobile qui fonctionnait trĂšs bien pour acquĂ©rir un smart-phone aux fonctionnalitĂ©s avancĂ©es ? Combien vont acquĂ©rir une montre connectĂ©e alors quâils nâimaginaient pas quelques mois plus tĂŽt pouvoir souhaiter un tel produit ? Combien ont achetĂ© un nouveau vĂȘtement pour suivre la mode ? Lâobsolescence du produit nâest alors pas fonctionnelle, mais psychologique ou sociale. Bien souvent, la nouveautĂ© crĂ©e lâenvie et le besoin, et contribue Ă stimuler la demande sur des marchĂ©s saturĂ©s. Cette logique de marketing de lâoffre existe Ă©galement dans de nombreux services, les loisirs, les activitĂ©s culturelles ou encore le tourisme.
Lâinnovation stimule la demande globale pour des catĂ©gories de produits. Elle permet Ă©galement la diffĂ©renciation entre les marques et les produits Ă travers une expĂ©rience client, une ergonomie, un modĂšle Ă©conomique, des fonctionnalitĂ©s, un mode de distribution renouvelĂ©s. Elle permet de situer la concurrence et la compa-raison des offres sur dâautres critĂšres que le prix. Dans le vocabulaire des Ă©conomis-tes, lâinnovation stimule la « compĂ©titivitĂ© hors prix ». Pour le marketing, elle construit un positionnement spĂ©cifique, plus valorisĂ© par le marchĂ© et susceptible de gĂ©nĂ©rer des marges plus Ă©levĂ©es.
Dans ce contexte, le marketing de lâinnovation est souvent dĂ©criĂ© â particuliĂšre-ment en cette pĂ©riode de prise de conscience aigĂŒe de ressources limitĂ©es -, et ce pour deux raisons : il crĂ©erait des besoins inexistants, encourageant la surconsom-mation ; il serait inefficace parce quâincapable dâanticiper les marchĂ©s de demain1. Ces deux critiques sont quelque peu contradictoires puisquâelles supposent alterna-tivement une grande et une faible efficacitĂ© du marketing de lâinnovation. Dans cet ouvrage, notre propos nâest ni de discuter des pratiques inhĂ©rentes Ă la sociĂ©tĂ© de consommation dans laquelle les entreprises cherchent Ă stimuler la demande vers leurs catĂ©gories de produits ni dâĂ©tablir des jugements de valeurs entre les diffĂ©rents types dâinnovations selon leur degrĂ© de nĂ©cessitĂ© ou leur caractĂšre plus ou moins innovant.
Nous souhaitons Ă©tudier ici les spĂ©cificitĂ©s du marketing de lâinnovation et dĂ©crire les approches, mĂ©thodes, techniques, qui permettent au marketing de favoriser lâĂ©mer-gence et le succĂšs commercial des biens et services innovants. En effet, les techniques classiques du marketing doivent souvent ĂȘtre adaptĂ©es, voire profondĂ©ment transfor-mĂ©es, dĂšs lors quâil sâagit de construire le futur, dâanticiper et dâoptimiser la rĂ©action
1. Sur ces dĂ©bats, voir Le Nagard E. et Manceau D., « Dâinspecteur Gadget au Retour du Jedi : DĂ©rives et trans-formation du marketing de lâinnovation », in M.H. Fosse-Gomez (Ă©d.), Les paradoxes du marketing, Eyrolles, 2011, pp. 85-102.
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du marchĂ© Ă des produits qui nâexistent pas encore, que les clients nâimaginent pas toujours et attendent encore moins⊠Le rĂŽle du marketing est essentiel puisquâil sâagit dâanalyser quelles innovations sont susceptibles dâattirer les clients, de participer Ă leur conception, puis de les lancer avec succĂšs sur le marchĂ©.
TĂąches ĂŽ combien difficiles car dâune part, aucune certitude ne prĂ©vaut en la matiĂšre et, dâautre part, il faut travailler de concert avec des dĂ©partements, internes et externes Ă lâentreprise, dont les mĂ©thodes, le vocabulaire, lâorientation sont par-fois radicalement diffĂ©rents du marketing : la R & D bien sĂ»r, mĂȘme si elle se prĂ©-occupe souvent davantage dâinvention que dâinnovation (voir focus) ; le design, qui rĂ©flĂ©chit Ă lâergonomie et conçoit lâobjet ou le service ; les bureaux dâĂ©tudes et lâingĂ©nierie, qui transforment lâinvention en produit ou service de sĂ©rie ; les usines qui fabriquent ; le contrĂŽle de gestion chargĂ© dâĂ©valuer les coĂ»ts ; la finance chargĂ©e dâĂ©laborer un business-plan en situation de forte incertitude ; les ressources humaines cherchant Ă recruter et Ă motiver des individus susceptibles dâĂȘtre inno-vants ; et le marketing qui doit faire en sorte que le nouveau produit corresponde aux aspirations des clients potentiels et doit Ă©laborer une politique de commercialisation pertinente en vue de favoriser un succĂšs sur le marchĂ©. Lâinnovation exige un dia-logue â souvent difficile â entre des fonctions aux objectifs et aux horizons tempo-rels diffĂ©rents. Plus encore, elle repose de plus en plus sur des collaborations avec des acteurs externes dans le cadre de lâopen innovation en sollicitant des laboratoires de recherche indĂ©pendants, des fournisseurs, voire les clients eux-mĂȘmes pour pro-poser des idĂ©es ou des messages de communication.
c FocusInvention, innovation et nouveau produit
En guise de prĂ©alable, il convient de dĂ©finir les termes invention, innovation et nouveau produit et de les distinguer. Lâinvention relĂšve de la science et de la dĂ©couverte, en opposition aux innova-tions qui ont vocation Ă ĂȘtre commercia-lisĂ©es. Lâinvention est donc lâapanage des chercheurs et des crĂ©ateurs, tandis que lâinnovation a vocation Ă ĂȘtre fabriquĂ©e en sĂ©rie et vendue. Le marketing se prĂ©-occupe dâinnovations et non dâinventions.
Les notions dâinnovation et de nouveau produit sont trĂšs proches. Les dictionnaires les associent, tel Le Robert pour lequel
lâinnovation est Ă la fois lâaction dâinno-ver â qui consiste Ă introduire quelque chose de nouveau â et le rĂ©sultat de cette action. Lâinnovation est donc Ă la fois un rĂ©sultat et une dĂ©marche, tandis que la nouveautĂ© ou le produit nouveau sont seulement le rĂ©sultat. Dans lâensemble de lâouvrage, nous dĂ©signerons les biens et services novateurs commercialisĂ©s par les termes « innovation », « nouveautĂ© » ou « produit nouveau » en employant ces mots de maniĂšre Ă©quivalente. Ă noter Ă©galement, le mot « produit » dĂ©signe Ă la fois des biens et des services et intĂšgre
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Pour analyser la place du marketing dans ce processus et prĂ©senter les approches et les mĂ©thodes du marketing de lâinnovation, nous Ă©tudierons tous les types dâinno-vations, des plus rĂ©volutionnaires aux « simples » nouveaux produits qui renou-vellent les gammes. En rĂ©alitĂ©, nous dĂ©fendons une vision doublement large de lâinnovation, large par lâorigine de lâinnovation elle-mĂȘme (technologie, usage, modĂšle Ă©conomique) et large par le degrĂ© dâĂ©volution par rapport aux produits antĂ©-rieurs. Câest le premier parti pris de cet ouvrage. Nous Ă©voquons donc conjointement les biens et services perçus comme trĂšs novateurs par le marchĂ© et ceux qui font figure dâinnovations incrĂ©mentales. Nous dĂ©taillerons les spĂ©cificitĂ©s des innovations radicales lorsquâil y a lieu. Mais nous sommes convaincues que la capacitĂ© dâinnova-tion des entreprises se construit en multipliant les innovations, quâelles soient radi-cales ou incrĂ©mentales, les unes nourrissant et entretenant les autres dans une Ă©conomie de la quantitĂ© qui permet de construire un savoir-faire et une compĂ©tence organisationnelle oĂč le marketing joue un rĂŽle essentiel1.
Notre deuxiĂšme parti-pris est de traiter conjointement tous les types de secteurs, les biens tangibles comme les services, les activitĂ©s Ă destination des particuliers et celles qui sâadressent aux entreprises. LĂ encore, les grandes mĂ©thodes pour innover sont souvent communes. Le transfert dâapproches dâun secteur Ă lâautre est source de fertilisation croisĂ©e. On assiste dâailleurs depuis quelques annĂ©es au rapproche-ment entre secteurs : une entreprise du web comme Google rachĂšte le fabricant de thermostat Nest ou se lance dans lâautomobile ; les montres permettent de se connecter sur Internet et sur Facebook. De telles Ă©volutions montrent que les approches sectorielles de lâinnovation ont fait long feu. Lorsque le propos sây prĂȘtera, nous dĂ©taillerons toutefois les spĂ©cificitĂ©s de certains secteurs.
TroisiÚme parti pris, cet ouvrage est destiné aux spécialistes du marketing, actuels et futurs, chargés de développer ou de lancer des nouveaux biens et services, mais
1. Sur cette question de la complĂ©mentaritĂ© entre innovation radicale et incrĂ©mentale, voir par exemple Morand P. et Manceau D., Pour une nouvelle vision de lâinnovation, La Documentation Française, 2009.
donc lâensemble des secteurs traitĂ©s dans cet ouvrage.
Prenons lâexemple de la souris micro-informatique pour illustrer la distinction entre invention et innovation. Lâinvention fut faite en 1963 au PARC de Xerox par Douglas Engelbart du Stanford Research Institute. Elle Ă©tait alors en bois avec deux roues en mĂ©tal. Plus tard, elle fut transformĂ©e en innovation et commer-cialisĂ©e avec quelques stations de travail
puis avec les premiers PC. Elle ne connut un vĂ©ritable succĂšs commercial quâavec lâapparition du Macintosh en 1984. Depuis lors, de nouveaux types de sou-ris sont apparus, comme les souris sans fil, les souris optiques ou les souris pour gamers, et le design a beaucoup Ă©voluĂ©, dans le sens dâune plus grande ergono-mie. Une invention peut ainsi donner lieu Ă plusieurs gĂ©nĂ©rations dâinnova-tions.
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aussi aux autres fonctions impliquĂ©es dans le processus dâinnovation et qui doivent collaborer avec le marketing. Nous nous adressons Ă tous les responsables de lâen-treprise travaillant sur des projets innovants en exposant le rĂŽle et les mĂ©thodes du marketing en la matiĂšre. En analysant les approches adoptĂ©es dans diffĂ©rentes entre-prises et dans les sociĂ©tĂ©s dâĂ©tudes, en utilisant les travaux rĂ©alisĂ©s par les chercheurs en marketing et en management, nous dressons un Ă©tat des lieux sur les connaissan-ces actuelles en la matiĂšre.
Pour ce faire, nous avons construit cet ouvrage autour de trois parties et huit cha-pitres.
La premiĂšre partie est consacrĂ©e aux enjeux du marketing de lâinnovation, pour lâentreprise et pour le marchĂ©. Dans le premier chapitre, nous Ă©tudions les dilemmes auxquels sont soumises les entreprises pour construire leur capacitĂ© dâinnovation et un marketing pertinent en la matiĂšre. Le deuxiĂšme chapitre Ă©tudie la maniĂšre dont consommateurs et entreprises clientes perçoivent et agissent face Ă lâinnovation.
La deuxiĂšme partie est consacrĂ©e au processus de dĂ©veloppement des innovations. AprĂšs avoir analysĂ©, dans le chapitre 3, les Ă©tapes et les choix organisationnels aux-quels sont confrontĂ©es les entreprises et identifiĂ© les nouvelles pratiques en la matiĂšre (open innovation, crowdsourcing, innovation frugaleâŠ), nous analysons dâabord les Ă©tapes amont du processus, depuis lâidĂ©e jusquâau concept (chapitre 4), puis lâĂ©laboration de lâoffre innovante (chapitre 5).
La troisiĂšme partie est consacrĂ©e Ă la mise sur le marchĂ©. Il faut dâabord prĂ©voir les ventes, Ă©ventuellement au moyen de marchĂ©s-tests (chapitre 6), avant de procĂ©-der au lancement (chapitre 7).
En conclusion, le chapitre 8 porte sur la dynamique concurrentielle de lâinnovation avec ses effets sur la catĂ©gorie de produits dans son ensemble puis sur la position concurrentielle des entreprises.