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Article original Aspects généraux et réglementaires de la matériovigilance des stimulateurs et des défibrillateurs cardiaques Postmarketing surveilance in patients with cardiac pace-makers or automatic implantable defibrillators L. Fauchier a, *, H. de Bouët du Portal b , C. Giraudeau, S. Froger b , P. Cosnay a , D. Babuty a a Service de cardiologie B et laboratoire d’électrophysiologie cardiaque, centre hospitalier universitaire Trousseau, 37044 Tours cedex, France b Service de pharmacie, centre hospitalier universitaire Trousseau, Tours, France Disponible sur internet le 28 novembre 2004 Résumé Cette revue contient d’une part un rappel purement réglementaire sur la matériovigilance des stimulateurs et défibrillateurs cardiaques en France et d’autre part une évaluation des informations dont nous disposons sur les caractéristiques et des tendances concernant les incidents et accidents survenus dans le domaine des stimulateurs et défibrillateurs cardiaques ces dernières années. Les agences de santé sont chargées de réunir les données de sécurité et d’efficacité des matériels médicaux, mais les constructeurs, les médecins et les patients ont également leur rôle à jouer dans ce domaine. L’appréciation de la nécessité de signaler n’est techniquement pas simple, le non-signalement d’incidents graves pouvant avoir en outre des conséquences pénales lourdes. En cas de doute, il faut garder à l’esprit l’objectif de la matériovigilance, système d’assurance collective contre les risques liés à l’utilisation des dispositifs médicaux. Les avis touchent plus souvent des patients porteurs de stimulateur cardiaque, mais les défibrillateurs ont au total un risque 2,5 fois plus élevé d’être affectés par un processus de rappel que les stimulateurs cardiaques. Le nombre total d’alerte semble clairement avoir augmenté au cours des dix dernières années, en particulier en ce qui concerne des anomalies de circuit électrique. Cette augmentation du nombre d’alerte est probablement à rattacher à l’expansion des indica- tions de stimulateurs et défibrillateurs cardiaques automatiques, à leur plus grande sophistication mais aussi aux modifications de réglemen- tation et à l’attention plus soutenue portée à ces problèmes de dysfonctionnement. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract This article includes an overview of the actual French control and regulation system of the safety alerts involving pacemakers and implan- table cardioverter-defibrillator and an evaluation of the general information and trends about the characteristics of the reported incidents obtained in the last years in that field. The national security agencies have the mission to collect the data on safety and efficacy of medical devices but manufacturers, physicians and patients also have a role to play. The technical appreciation of the necessity of a notification is not easy in some cases but the lack of notification of a severe incident may lead to heavy penal consequences. If doubtful cases, one should keep in mind the spirit of these safety systems : a collective insurance against the risks related to the use of medical devices. In the 10 last years, the annual advisory rate was increased. The pacemakers were recalled more frequently than implantable cardioverter-defibrillators in absolute value but less frequently in relative value (advisories per 100 person-years). This increase may be related to the growing number of device implants and expanding indications for device therapy, to the increasing sophistication of the devices and to the modifications in the regulation aspects of these problems with a closer attention of users and physicians to the several types of malfunctions. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Fauchier). Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 54 (2005) 38–43 http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/ 0003-3928/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2004.11.004

Aspects généraux et réglementaires de la matériovigilance des stimulateurs et des défibrillateurs cardiaques

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Aspects généraux et réglementaires de la matériovigilancedes stimulateurs et des défibrillateurs cardiaques

Postmarketing surveilance in patients with cardiac pace-makers orautomatic implantable defibrillators

L. Fauchier a,*, H. de Bouët du Portal b, C. Giraudeau, S. Froger b,P. Cosnay a, D. Babuty a

a Service de cardiologie B et laboratoire d’électrophysiologie cardiaque, centre hospitalier universitaire Trousseau, 37044 Tours cedex, Franceb Service de pharmacie, centre hospitalier universitaire Trousseau, Tours, France

Disponible sur internet le 28 novembre 2004

Résumé

Cette revue contient d’une part un rappel purement réglementaire sur la matériovigilance des stimulateurs et défibrillateurs cardiaques enFrance et d’autre part une évaluation des informations dont nous disposons sur les caractéristiques et des tendances concernant les incidents etaccidents survenus dans le domaine des stimulateurs et défibrillateurs cardiaques ces dernières années. Les agences de santé sont chargées deréunir les données de sécurité et d’efficacité des matériels médicaux, mais les constructeurs, les médecins et les patients ont également leurrôle à jouer dans ce domaine. L’appréciation de la nécessité de signaler n’est techniquement pas simple, le non-signalement d’incidents gravespouvant avoir en outre des conséquences pénales lourdes. En cas de doute, il faut garder à l’esprit l’objectif de la matériovigilance, systèmed’assurance collective contre les risques liés à l’utilisation des dispositifs médicaux. Les avis touchent plus souvent des patients porteurs destimulateur cardiaque, mais les défibrillateurs ont au total un risque 2,5 fois plus élevé d’être affectés par un processus de rappel que lesstimulateurs cardiaques. Le nombre total d’alerte semble clairement avoir augmenté au cours des dix dernières années, en particulier en ce quiconcerne des anomalies de circuit électrique. Cette augmentation du nombre d’alerte est probablement à rattacher à l’expansion des indica-tions de stimulateurs et défibrillateurs cardiaques automatiques, à leur plus grande sophistication mais aussi aux modifications de réglemen-tation et à l’attention plus soutenue portée à ces problèmes de dysfonctionnement.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

This article includes an overview of the actual French control and regulation system of the safety alerts involving pacemakers and implan-table cardioverter-defibrillator and an evaluation of the general information and trends about the characteristics of the reported incidentsobtained in the last years in that field. The national security agencies have the mission to collect the data on safety and efficacy of medicaldevices but manufacturers, physicians and patients also have a role to play. The technical appreciation of the necessity of a notification is noteasy in some cases but the lack of notification of a severe incident may lead to heavy penal consequences. If doubtful cases, one should keepin mind the spirit of these safety systems : a collective insurance against the risks related to the use of medical devices. In the 10 last years, theannual advisory rate was increased. The pacemakers were recalled more frequently than implantable cardioverter-defibrillators in absolutevalue but less frequently in relative value (advisories per 100 person-years). This increase may be related to the growing number of deviceimplants and expanding indications for device therapy, to the increasing sophistication of the devices and to the modifications in the regulationaspects of these problems with a closer attention of users and physicians to the several types of malfunctions.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (L. Fauchier).

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 54 (2005) 38–43

http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/

0003-3928/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.ancard.2004.11.004

Mots clés : Matériovigilance ; Défibrillateur cardiaque implantable ; Stimulateur cardiaque

Keywords: Safety; Implantable cardioverter defibrillator; Pacemaker

Depuis une vingtaine d’années, il y a une augmentationmarquée du nombre de pacemakers permanents et de défi-brillateurs cardiaques automatiques implantés. Aux États-Unis, le nombre de patient avec un stimulateur cardiaque aaugmenté de 22 % dans les années 1990 et celui des porteursde défibrillateur cardiaque implantable a été multiplié par 11[1]. Malgré cette augmentation, les données récentes de larecherche clinique ont plutôt augmenté les indications, quece soit pour les défibrillateurs à titre prophylactique [2,3] oupour les stimulateurs cardiaques, avec de nouvelles indica-tions comme l’insuffisance cardiaque congestive avec asyn-chronisme [4–6]. Toutes ces avancées ont, au total, résulté enune augmentation du nombre de patients concernés par lesprothèses cardiaques implantées et dans l’utilisation de maté-riel plus sophistiqué avec un bénéfice incontestable pour l’aug-mentation de la survie ou de la qualité de vie. Néanmoins,ceci a également impliqué, du fait de la sophistication desmatériels, une augmentation du nombre potentiel de pannes.

Il y a depuis quelques années une surveillance des inci-dents et risques d’incidents des matériels implantés par lesagences de santé, la Food and Drug Administration aux États-Unis [7,8] et l’Agence française de sécurité sanitaire des pro-duits de santé (Afssaps) en France [9]. Il est bien difficiled’envisager dans ce domaine des études préalables de misesur le marché aussi imposantes que celle des médicaments.Une procédure médicale facilitée pour rapporter les évène-ments indésirables auprès du fabricant et conjointement auxagences de sécurité sanitaire est donc indispensable, et il y aégalement la nécessité d’une organisation permettant au cons-tructeur de rapporter les évènements indésirables auprès desagences de sécurité. Aux États-Unis, la législation a éliminéle suivi systématique obligatoire du matériel par le construc-teur, qui est remplacé par des systèmes de registre post-implantation avec des données de sécurité au long cours, aprèsl’autorisation d’utilisation généralisée du matériel. Nous fai-sons ici d’une part un rappel purement réglementaire sur cesujet et d’autre part une évaluation des informations dont nousdisposons sur les caractéristiques et des tendances concer-nant les incidents et accidents survenus dans le domaine desstimulateurs et défibrillateurs cardiaques ces dernières années.

1. Organisation de la matériovigilance en France

La matériovigilance, définie à l’article R. 665-48 du Codede la santé publique a pour objet la surveillance des incidentsou des risques d’incidents résultant de l’utilisation des dispo-sitifs médicaux qui sont eux-mêmes définis à l’articleL.5211-1. Elle s’exerce sur les dispositifs médicaux après leurmise sur le marché, en dehors de ceux faisant l’objet d’inves-tigations cliniques. Officiellement, la matériovigilance com-

porte ainsi le signalement et l’enregistrement des incidentsou des risques d’incidents, l’évaluation et l’exploitation deces informations dans un but de prévention. Elle comporteégalement la réalisation de toutes études ou travaux concer-nant la sécurité d’utilisation des dispositifs médicaux et laréalisation et le suivi des actions correctives décidées. Cecitrouve son origine dans les directives européennes relativesaux dispositifs médicaux, et la transposition en droit nationalde ces directives définit l’organisation retenue par la Francepour son système de matériovigilance [9]. Il a été institué unsystème national de matériovigilance qui comprend (Fig. 1) :• à l’échelon national :

C l’Agence française de sécurité sanitaire des produits desanté (Afssaps) ;

C la Commission nationale de matériovigilance ;C les commissions techniques.

• à l’échelon local : les correspondants locaux de matério-vigilance désignés dans chaque établissement de santé,association distribuant des matériels et chez chaquefabricant/fournisseur de dispositifs médicaux, et dont lescoordonnées sont communiquées à l’Afssaps.

1.1. Modalités de signalement

La survenue d’un incident ou risque d’incident lors de l’uti-lisation d’un dispositif médical en général doit conduire ledéclarant à s’interroger sur les mesures à prendre. Celles-ciont trois objectifs :• éviter que l’incident ne se produise ou faire cesser l’inci-

dent qui se produit, dans l’intérêt de ceux qui pourraienten être ou qui en sont les victimes ;

Fig. 1. Organisation de la matériovigilance en France. La matériovigilanceascendante se fait de l’ensemble des déclarants possibles vers l’Afssaps viale correspondant local. La matériovigilance descendante se fait de l’Afssapsvers le correspondant local et les usagers afin de répercuter les informationset les conduites à tenir.

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• éviter que l’incident ou risque d’incident ne se reproduiselocalement avec le même dispositif médical ou avec undispositif médical du même type ;

• faciliter ultérieurement la conduite de l’évaluation de l’inci-dent ou risque d’incident par l’Afssaps.Les mesures conservatoires à prendre localement sont

extrêmement variables selon la nature des incidents ou ris-ques d’incidents. Il convient au minimum :• de suspendre l’utilisation de l’équipement dans le cas où

la poursuite de son utilisation pourrait s’avérer dange-reuse. Ceci permet en outre l’expertise ultérieure du dis-positif par le fabricant ou un expert indépendant, dans l’étatoù était le dispositif au moment de l’incident, et d’accéderà des paramètres de fonctionnement enregistrés informa-tiquement ;

• de récupérer les consommables impliqués dans un inci-dent, et si possible, leur emballage ;

• d’organiser le rappel dans l’établissement d’un ou plu-sieurs lots si la nature de l’incident fait craindre que tousles dispositifs du (des) lot(s) sont dangereux ;

• de conserver en l’état les prothèses ayant fait l’objet d’uneexplantation dans des conditions de conservation aptes àen permettre l’expertise ;

• de procéder à l’information des personnels concernés afinde faire cesser l’incident ou éviter qu’il ne se reproduise.Les mesures conservatoires prises localement ne doivent

pas constituer un obstacle à la conduite de l’évaluation parl’Afssaps. A contrario l’absence de telles mesures ne doit pasmettre en péril la santé d’un patient, d’un utilisateur ou d’untiers. Il convient donc d’agir avec discernement selon les cir-constances locales. Les modalités de signalement sont diffé-rentes selon qu’il s’agisse d’un incident grave ou d’un inci-dent non grave.

Le formulaire de déclaration Cerfa, publié au Journal Offi-ciel de la RF du 8 juillet 2000, comporte au verso un organi-gramme d’aide au signalement permettant d’apprécier la gra-vité de l’incident et le rôle du dispositif médical dans lasurvenue de l’incident (Fig. 2).

1.2. Que doit-on déclarer ?

Donnent lieu à un signalement obligatoirement et sans délai(dans la journée) les incidents ou risques d’incidents ayantentraîné ou susceptibles d’entraîner la mort ou la dégradationgrave de l’état de santé d’un patient (menace du pronosticvital, prolongation d’hospitalisation, nécessité d’interven-tion ou de ré-intervention médicale ou chirurgicale, incapa-cité importante).

Donnent lieu facultativement à un signalement (dans lasemaine) les incidents suivants :• réaction nocive et non voulue lors de l’utilisation d’un dis-

positif médical ;• dysfonctionnement ou altération des caractéristiques ou des

performances d’un dispositif médical ;• toute indication erronée, omission et insuffisance pour

l’usage dans la notice d’instruction ou le mode d’emploi.

Les alertes récentes peuvent être consultées sur le site inter-net http ://afssaps.sante.fr et celles des années précédentes(depuis 1990) peuvent être consultées surhttp ://www.hosmat.com/som11.html.

1.3. Qui doit déclarer ?

Toute personne, fabricant, utilisateur ou tiers faisant laconstatation ou ayant connaissance d’incidents ou de risquesd’incidents mettant en cause un dispositif médical. Sont consi-dérés comme des tiers, les personnes qui ne sont ni des fabri-cants ou des utilisateurs, ni des patients. Entrent notammentdans cette catégorie, lorsqu’ils ont connaissance d’incidentsou de risques d’incidents, les responsables de la mise sur lemarché et les distributeurs de dispositifs médicaux. L’articleL.5212-2 du Code de la santé publique précise en outre que« le fait, pour le fabricant, les utilisateurs d’un dispositif etles tiers ayant eu connaissance d’un incident ou d’un risqued’incident mettant en cause un dispositif médical ayantentraîné ou susceptible d’entraîner la mort ou la dégradationgrave de l’état de santé d’un patient, d’un utilisateur ou d’untiers, de s’abstenir de le signaler sans délai à l’Afssaps estpuni d’un emprisonnement de quatre ans et d’une amende de75 000 Q ou de l’une de ces deux peines seulement ».

1.4. Comment déclarer ?

Les signalements doivent être faits auprès du correspon-dant local de matériovigilance lorsque ces signalements sonteffectués par des membres des professions de santé qui exer-cent leurs fonctions dans un établissement de santé ou direc-tement auprès du directeur général de l’Afssaps dans les autrescas, en particulier lorsque les signalements sont effectués parles professionnels de santé exerçant à titre libéral et par lesfabricants et leurs mandataires.

Le correspondant local de matériovigilance transmet lessignalements à l’Afssaps. Dans tous les cas, la déclarationdoit être faite à l’Afssaps à l’aide du formulaire Cerfa,complété, pour certains dispositifs médicaux, par unquestionnaire-type approprié au dispositif médical incri-miné. Dans les établissements de santé et dans les associa-tions distribuant des dispositifs médicaux à domicile, il estrecommandé de mettre à la disposition des utilisateurs de dis-positifs médicaux des formulaires de signalement à usageinterne, afin de réserver le formulaire Cerfa au correspondantlocal de matériovigilance pour signalement à l’Afssaps.

Le recto du formulaire permet d’identifier l’émetteur dusignalement (le correspondant local de matériovigilance pourles établissements de santé et les associations distribuant desdispositifs médicaux à domicile) et le dispositif médical impli-qué dans l’incident ou le risque d’incident. Une rubrique estconsacrée à la description de l’incident ou du risque d’inci-dent. Chaque rubrique doit être remplie de façon claire et lisi-ble pour une compréhension synthétique des circonstancesdes faits, des conséquences cliniques et de leur gravité, ainsique des mesures conservatoires entreprises localement. Au

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verso figure l’arbre décisionnel pour guider l’émetteur dusignalement et le correspondant local de matériovigilance.Un certain nombre de questions posées conduisent à troissituations de signalement : déclaration obligatoire, déclara-tion facultative ou pas de déclaration. Selon le cheminement,chacune des situations est identifiée par une lettre que le décla-rant doit reporter au recto du formulaire. Des questionnaires-types déclarant permettent d’apporter pour certains disposi-tifs les éléments complémentaires, nécessaires à l’évaluationde l’incident et ne figurant pas sur le formulaire.

2. Matériovigilance des stimulateurs et défibrillateurscardiaques : les problèmes observés ces dernièresannées et les grandes tendances

En France, entre 1996 et 2000, le nombre d’incidents detout type déclarés dans le cadre de la matériovigilance en

général a été multiplié environ par 5, avec proportionnelle-ment une croissance paraissant similaire entre la matériovi-gilance ascendante et la matériovigilance descendante (Fig. 3).En moyenne, 40 à 50 % de ces incidents ont été considéréscomme graves mais seulement 1 % ont été responsable dedécès. Les implants cardiovasculaires dans leur ensemble ontété concerné dans environ 2 % de ces déclarations et lesimplants actifs dont font partie les stimulateurs dans environ4 % des cas. Le Tableau 1 récapitule les causes des signale-ments pour l’ensemble des dispositifs médicaux : les quatremotifs principaux sont par ordre de fréquence une causeinconnue, un défaut de fabrication, une utilisation inadé-quate du matériel ou une panne de matériel. Dans 70 % descas, aucune mesure n’a été prise, mais dans 13 % des cas il ya eu une modification de conception ou de production de pro-duit, dans 7 % une interdiction ou une restriction d’utilisa-tion, dans 5 % une réparation ou une mise à niveau et dans

Fig. 2. Aide à la déclaration des incidents de matériovigilance au verso du formulaire Cerfa de déclaration obligatoire.

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4 % il y a eu un rappel du matériel concerné [9]. Un cas par-ticulier illustrant la complexité des mesures à prendre a étécelui de la prise en charge des patients avec sondes atrialesAccufix comportant un guide de rétention permanent en Jayant tendance à se fracturer ou à sortir du revêtement de lasonde avec risque de plaie de l’oreillette. Un algorithme afinalement été proposé pour mettre en balance le risque et lacomplexité de la procédure d’extraction de sonde et le risquede rupture spontanée au total assez bas, en fonction de l’aspectradiologique au cas par cas du positionnement de la sonde etde son état [10].

Plusieurs registres et bases de données ont surveillé lesdonnées de sécurité et d’efficacité des stimulateurs et défi-brillateurs cardiaques. Depuis 1975, une somme de pannesont pu être répertoriées chez tous les constructeurs pour desstimulateurs variés résultant, au total, en plusieurs milliers dedysfonctionnement plus ou moins sévères, exceptionnelle-ment mortels [11–15]. Dans certains cas, les constructeurspeuvent se trouver informé au niveau international de l’exis-tence de matériel qui ont un risque plus élevé de dysfonction-nement et ils peuvent envisager des procédures d’alerte ou derappel auprès des usagers pour les tenir informés.

Entre 1990 et 2000, une cinquantaine d’alertes a ainsi étéémise, concernant environ 400 000 pacemaker et 110 000 défi-

brillateurs cardiaques [1]. Ces avis touchent plus souvent despatients porteurs de stimulateur cardiaque, mais les défibrilla-teurs ont au total un risque 2,5 fois plus élevé d’être affectéspar un processus de rappel que les stimulateurs cardiaques(Fig. 4). Le nombre total d’alerte semble clairement avoiraugmenté au cours des dix dernières années, en particulier ence qui concerne des anomalies de circuit électrique et plusrarement pour des anomalies de pile ou de logiciel [16]. Cetteaugmentation du nombre d’alerte est probablement à ratta-cher aux modifications de réglementation et à l’attention plussoutenue à ces problèmes de dysfonctionnement. De plus, lesavancées technologiques peuvent permettre de mieux déce-ler certaines pannes, telles que les mesures quotidiennes etautomatiques d’impédance de sonde ou les alarmes sousforme de signal sonore signalant au patient d’éventuels dys-fonctionnements avant que ne surviennent des complicationsgraves.

Une distinction importante doit être faite entre un dysfonc-tionnement et un risque de dysfonctionnement. En fait, si lerisque de dysfonctionnement est, au total, assez fréquent, lesdysfonctionnements effectifs restent relativement rares. Il estbien difficile, au total, de savoir si la fiabilité du matériel s’estréellement modifiée au cours des dernières années, compte

Fig. 3. Augmentation des incidents de matériovigilance au cours des derniè-res années. Matériovigilance ascendante du Centre hospitalier universitairede Tours (tout matériel médical) vers l’Afssaps et matériovigilance descen-dante de l’Afssaps vers l’ensemble des correspondants locaux.

Tableau 1Causes des signalements pour l’ensemble des dispositifs médicaux. Bilan du système national de matériovigilance 1996–1999 disponible auprès de l’Agencefrançaise de sécurité sanitaire des produits de santé.

CAUSES1996 1997 1998 1999 TOTAL

% % % % %Défaut de conception 13,6 11.5 9.3 9.4 10.4Défaut de fabrication 11,3 18,1 20,6 16,0 17,8Autres lié au fabricant 12,0 5,3 1,3 0,6 5,5Défaut dispens/exploit 3,8 5,2 5,6 5,0 5,1Utilisation inadéquate 15,2 17,2 15,6 13,8 15,6Inhérentes à technique 9,4 6,5 5,4 5,4 6,2Causes exterieures 3,1 2,2 2,4 3,0 2,5Pannes 5,1 9,8 14,8 22,0 14,0Non retrouvée 20,2 19,8 22,2 21,3 21,1Insuff de normes 0,5 0,2 0,3 0,2 0,3Autres 5,9 4,3 2,4 3,5 3,6

Fig. 4. Évaluation du nombre d’incidents déclarés chez les patients porteursde stimulateur cardiaque ou de défibrillateur ventriculaire automatique entre1990 et 2000. Le nombre brut d’incidents et plus élevés pour les stimula-teurs cardiaques mais le nombre d’incidents rapportés au nombre d’appa-reils implantés est plus élevé pour les défibrillateurs [1].

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tenu par ailleurs de la sophistication plus importante du maté-riel et du nombre de pannes ou de risques de pannes limitéesou peu sévères. L’émergence des nouvelles technologies com-plique encore plus cette évaluation, puisque la plupart n’ontpas été évaluées sur de longues périodes et qu’il est difficilede recréer un risque d’usure en temps réel avant l’utilisationeffective des appareils [1].

D’autres éléments technologiques vont probablement chan-ger la manière de suivre les patients. Le monitorage trans-téléphonique paraît être une technique relativement fiable per-mettant un suivi quasiment permanent du patient, et uneinformation continue possible du médecin par connexioninternet. Il est probable que ceci bénéficie à la plupart despatients même si cela représentera une charge de temps médi-cal à évaluer pour laquelle la procédure de remboursementdoit également être précisée.

Il existe un coût non négligeable associé à l’ensemble deces pannes détectées. Il avait été évalué aux États-Unis que lesurcoût dû aux alertes concernant les pacemakers était éva-lué à 212 millions de dollars chez les 410 000 patients concer-nés, en prenant en compte les consultations de contrôle, lareprogrammation, le remplacement éventuel et les honorai-res du médecin. Ce coût était porté à 660 millions de dollarspour les 110 000 patients porteurs de défibrillateurs ventricu-laires automatiques pour lesquels une alerte de fonctionne-ment avait été rapportée [1].

En conclusion, l’expansion des indications de stimula-teurs cardiaques et de défibrillateurs cardiaques automati-ques ainsi que l’augmentation de leur sophistication ont deseffets importants pour les données de matériovigilance et lasécurité du patient. Les agences de santé sont chargées deréunir les données de sécurité et d’efficacité des matérielsmédicaux, mais les constructeurs, les médecins et les patientsont également leur rôle à jouer dans ce domaine. L’apprécia-tion de la nécessité de signaler n’est techniquement pas sim-ple, le non-signalement d’incidents graves pouvant avoir enoutre des conséquences pénales lourdes. Les conduites à tenirau décours sont parfois difficiles à établir [17]). En cas dedoute, il faut garder à l’esprit l’objectif de la matériovigi-lance, système d’assurance collective contre les risques liés àl’utilisation des dispositifs médicaux.

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