Assoun - Freudisme Et Indiffrentisme Politique

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  • 8/8/2019 Assoun - Freudisme Et Indiffrentisme Politique

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    Paul-Laurent AssounFREUDISME ET INDIFFRENTISMEPOLITIQUE: OBJET DE L'IDAL ET OBJETDE LA DMOCRATIE

    Le freudisme nous dispose-t-il quelque position dtermine envers la ou le (1)politique ?Nous formulons ainsi la question pour faire droit une autre, moins nuance: peut-oninfrer de exprience freudienne non seulement une explication du politique ou des lumiressur le mcanisme sociopolitique, mais bien une position politique? C'est ici les relations deFreud la politique qu'il convient de (r)interroger (2). Pourtant, elles nous intressent pourtout autre chose qu'un aspect de la doxa de Freud : comme point de dpart pour formuler de lafaon la plus radicale la question du ra pport du freudisme mm e l'entendem ent politique.On sait que la position de Freud envers la politique se dploie autour de deux ples : undsir originaire infantile l'endroit de la politique et un abstentionnisme ultrieur l'gard de la chose politique . Faire de la politique , c'est cela qu'et aim faire Freud si... il n'avait eu fonder lapsychanalyse! C'est ce qui se manifeste dans son ambition politique des signes prcis etsomme toute conventionnels (3).Se tenir loign de la politique, c'est ce qu'a fait Freud ensuite : le fait qu'il ait attendu sasoixante-quatrime anne pour devenir citoyen de Vienne rsume ce comportement.Freud dfinit une position d'abstinence compromis entre dsir et abstention enversla politique: en consommer le moins possible, abstinence dchire rgulirement par des

    HERMS 5-6, 1989 345

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    P A U L - L A U R E N T A S S O U Ntentations d'en parler quand mme ce qu'exprime symboliquement son tude sur Wilson,trange adieu de la psychanalyse la politique, vritable critique de l'illusion politique.

    I. Une politique couleur chairQuelle position cela donne-t-il ? Rappelons-en les deux formules-cls, d'une transluciditcrypte dont Freud avait le secret. A Eastman qui lui demande : Qu'tes-vous politiquement ? , il rpond avec aplomb : Politiquem ent, je ne suis rien. Au milieu d'un e discussion politique anime o, raconte Jones, il se vit accus de n'tre ni blanc, ni rouge, ni

    fasciste ni socialiste, il rpliqua en souriant : "Non, chacun doit tre couleur chair" ou encore:"O n devrait tre couleur de chair" (4) .Ngligeons pour l'instant le conditionnel: on trouve chez Freud une revendication denon-tre, voire de non-sens politique. Quitte se disqualifier c'est une faute en notre tempsd'tre hors de la politique , Freud se qualifie du politique. Mais cette nullification va depair avec un impratif: contre l'ultimatum proprement politique d'afficher une couleur surson blason, il revendique bien autre chose qu'un idal dcolor, soit un retour ce qui acouleur... d'homm e point ncessairement hu ma nis te , au reste.Com ment cela est-il donc recevoir ? Freud ne se leurre pas : devenir couleur chair, rien nedevrait aller plus de soi (il suffit de renoncer tout maquillage), mais rien n'est plus difficile:c'est pourquoi somme toute ce qui devrait tre un truisme passe pour un paradoxe, voire uneprovocation.Est-ce l un neutralisme politique ? On peut objecter que Freud a donn des signesprcis et non contradictoires d'engagement (5). Parlons plutt d' indiffrentisme . Termesomme toute remarquable ; tandis que indiffrence se distingue par sa ngativit, le suffixey rajoute un caractre do ctrinaire. Si l'indiffrence est cet tat men tal qui ne con tiendrait niplaisir, ni douleur, ni un mlange de l'un et de l'autre (6), l'indiffrentisme serait le parti pris...de n'en avoir pas.Libert d'indiffrence prise en son sens rigoureux, selon laquelle rien ne nous ncessitepour l'un ou l'autre parti (7).Freud n'tait pas neutre, puisqu'il prenait le chemin des bureaux de vote, parat-il, quandun ca ndidat libral au sens de l'poqu e , se prsentait dans sa circonscription. M ais ilprsente cette dmarche comme contingente : non que son choix ne soit ferme et raisonn, maisil se dcoupe sur le fond d'une non-ncessit. C'est un vnement, jamais une ncessit deprincipe.L'indiffrentisme n'est donc pas abstentionnisme paresseux ou irraisonn: c'est unecertaine position d u po litique. Celle-ci se laisse valuer partir de ce qu'il en est de la politique ,d'tre de l 'ordre de la croyance. L'indiffrentisme est une certaine position envers la foi, en34 6

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    Freudisme et indiffrentisme politiquemme temps qu'un refus de s'infoder une certaine problmatique de la croyance. Le croyantest de parti pris, il ordonne le sens partir de l'adhsion un objet substantiel. C'est ce quesollicite la politique et commande l'entendement politique : tre pour ou contre.L'indiffrentism e ne signifie pas rsiliation de la foi, mais dcision d e sortir du ch antag e la foi que contient la politique. Freud sait bien que l'ignorer, ce n'est pas possible. Ce qu'ilfaut, c'est la traiter comme un rel, cette part d'Anank qu'il ne faut ni nier, ni fuir et surtoutpas... idaliser.Le problme c'est que, justement, le politique touche l'idal cela, Freud le sait par sathorie de l'idalisation (8). Il faut don c croire que son savoir de l'inconscient le met en me surede professer cette sagesse anti-idaliste l'usage de la raison politique. C'est ce titre unanti-Wilson : il ne place dans la politique ni m e ni foi. C'est seulem ent le lieu o le gchis cotele plus cher. L ieu lectif du menson ge, mais aussi sans contradiction , lieu o le rel fait loi de lafaon la plus crue.La politique est donc le lieu o l'cart de l'idal et du rel est le plus pathtique men t actif,en ce sens qu'elle vit de leur confusion tout en en exigeant la disjonction.En affichant cet indiffrentisme , Freud re nd pen sable une vritable thse : l'objet de lapolitique est vide, et c'est cet objet qui reproduit l'illusion et soutient les croyances ditespolitiques.Le freudisme donne vue sur ce vide, pourrait-on dire, en ce sens qu'il le met nu. Ceque F reud voque travers son non-tre politique , c'est celui de l'objet. Manire desuggrer: je sais qu'il est vide. Ce n'est pas prtexte s'en vader. C'est au contraire leraliser totalement. Position en ce sens cynique cela prs que le cynisme politiqueconsiste enrober la ralit de la domination par le discours de l'idal. Pour dterminer uneposition de citoyen co ntre les pouvoirs que Fre ud accrdite (9), il faut tre pass par cettevision du vide de l'objet. C'est pourquoi l'tat n'est pas pour Freud le royaume de Dieu surterre, mais l'instance qui triche sur la qualit des allumettes... (10)Voil le vrai dfi la politiq ue : l'abord er e n un lieu qui n'est pas celui de la foi, inventer unindiffrentisme vigilant la hauteur de son cynisme.

    II . L'indiffrence impossible au politiqueL'indiffrentisme est donc paradoxalement rponse la question de savoir comment il estimpossible de rester indiffrent la politique ou, m ieux, pourq uoi la politique n e nous laisse pastranquille ; pourquoi, non contente de grer notre ralit, elle interpelle notre foi. C'est du pointde vue d'un indiffrentisme ainsi conu que la question de la croyance politique se pose de lafaon la plus incontournable.C'est pa r l que je renco ntre la formule trange d e Lacan, pe ut-tre la plus rvlatrice de sa

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    P A U L - L A U R E N T A S S O U Npropre position l'endroit du politique : C'est le dfi lanc da ns sa confrence sur la science etla vrit : Qu i d'en tre vous crira un essai, digne de Lam ennais, sur l'indiffrence en matirede politique? (11) C'est dans ce contexte qu'il voque l'agnosticisme politique de Freud qu'il relate l'ordre capitaliste .On remarquera le dfi, lanc en 1965 : c'est cela qu'il nous faudrait : une rcriture deYEssai sur l'indiffrence en matire de religion de Lamennais dans l 'ordre politique. Onreconnat la mtaphore qui positionne la matire politique en ce lieu d'un trait imaginairedont pourtant, faut-il comprendre, la psychanalyse pressent l'opportunit, sinon la ncessit.A dfaut de relever le dfi de Lacan, rappelons ce que le Trait de Lamennais comprenaitpou r voir s'esquisser, ft-ce com me mirage, YEssai sur Vindiffrence en m atire de politique, dontil passait commande. Manire de prciser cet indiffrentisme prmdit qui serait l'enversdu freudisme. Trait alors intempestif les acteurs de mai 68 ne semblaient pas prcismentindiffrents en matire politique , quoiq ue dans l'aprs-cou p, la signification de l'vnementsemble avoir mis nu les profondeurs que pouvait prendre l'indiffrence en la matire,mesures par la dsillusion, entendons le retour du rel.Qu'on ne s'y trompe pas: le but de Lamennais est de rfuter le systme de l'indif-frence (12). C'est donc un systme d'apologtique, mais qui porte, moins que sur l'athisme,sur cette croyance que l'athisme accrdite entendre littralement. L'indiffrence, c'estcette foi athe qu'est la tolrance ou mieux le tolrantisme.Il y a trois systmes d'indiffrence (13) : celui qui rduit la religion une fiction ncessaireau peuple (14) ; celui qui la rduit une foi gnrale mais sans connaissance des modes du culte c'est la religion naturelle (15) ; enfin, celui qui admet la rvlation, mais laisse la librepense le soin de l'interprter soit le protestantism e (16).Lacan donc nous recommande une critique de la position indiffrentiste. La politique sesoutient, faut-il comprendre, d'une foi qui se rcuse, qui fait l'impasse sur l'Autre.Le machiavlisme qui, remarquons-le, sert de mtaphore au religieux chez Lamennais se caractrise par cette position : peu me chaut la politique, elle est faite pour que l'Autre ycroie, que le peuple se prenne pour lui-mme.Le naturalisme positionne la politique comme ce Bien gnrique du politique en gnral :c'est, disons-le, l'humanisme.

    Le protestantisme enfin, c'est dans l'ordre p olitique l'ide que le texte prime l'autorit, quel'glise entendons le Parti est inutile.Aucune de ces positions n'est tenable : je ne peux pas croire pour de rire , l'Autre metient par la religion du peuple ; je ne peux m e fier une religion naturelle , je dois tre d'un ecertaine couleur; enfin, le Parti tient l'entendement politique. On retrouve le syndromefreudien: un individualisme, un agnosticisme et au centre une politique couleur chair.Celle-ci a fait son d euil, est-il besoin de le dire, d e toute croyance apolog tique en la consistancede l'Autre (17): il n'empche qu'elle cherche penser ce qui, dans le sujet, ne peut resterindiffrent... l'Autre. Freud invente en ce sens une forme indite d'indiffrentisme...34 8

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    Freudisme et indiffrentisme politiqueA . L'illusion politique: de la foi l'idal

    No us pouvon s revenir par l la position freudienne. Cette forme subtile d'indiffrentismepolitique s'taie, au plan de la thorie, sur un rseau de considrations dont il claire lacohrence.D'u ne part, la politique, c omm e la religion, renvoie l'illusion puisqu'elle travaille dans laWunscherfllung et ce rapport l'Autre. La question se pose alors de l'avenir de l'illusionpolitique qui, elle, tient au rel de l'homme. Cela claire, on le verra, l'engagement prcis deFreud dans la Socit des Nations.D'autre part, il s'agit de rendre compte de cette prise de la croyance dans la pratiquesociale, de sorte que le lien soit possible : c'est la fonction princeps de la thmatique de Y idal.L'idal sou tient en ce sens la foi du group e et l'attache la ralit sociale.Cela claire enfin la mise en perspective du social dans le malaise de la civilisation et le titreauquel la politique y est intresse. Nous avons suggr ailleurs que cela inviterait unerelecture de la postmodernit sociopolitique (18).C'est, en l'occurrence, le maillon central qui nous intressera.Pour situer cet objet du politique, il faut faire retour ce schma mtapsychologique dusocial que Fre ud livre dans Psychologie de s masses et analyse du moi ouvrage-charnire entrela rfrence au me urtre originaire du pre comm e condition sym bolique du lien social (Totem ettabou) et le diagnostic relatif au Malaise dans la civilisation, sur les mauvais alliages de lapulsion de mort. Il est relev que le social travaille dans l'idalisation ce qui suppose deressusciter le pre immol aux fins de l'idaliser, l'idal faisant du mme coup cran, faut-ilcomprendre, au travail de sape de la pulsion de mort.Freud aborde le lien au niveau de ces foules artificielles dont la cohrence est assurepar une contrainte extrieure le prototype en tant (nous sommes en 1921) l'glise etl'Arme. Un e telle foule primaire est une som me d'individus qui ont mis un seul et mme objet la place de leur idal du moi et se sont en consquence, dans leur moi, identifis les uns auxautres (19).Pas moyen donc dfaire lien sans faire passe r son narcissisme dans un-objet e xtrieur qu isert alors de support collectif l'idal du moi, en une vritable autogestion narcissique. Cetteversion inconsciente du contrat social est ce qui rend possible l'identification rciproque.Sans tirer ici toutes les consquences d'un modle dont nous avons cherch depuis quelquesannes montrer la porte (20), contentons-nous de pointer, dans ce schma, qui met l'accentsur la clause d'idalisation , une trange lacune qui exprime la leon freudienne relative aunexus du social et au politique.Qu'on consulte en effet ce schma du chapitre VIII

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    P A U L - L A U R E N T A S S O U NIdal du Moi Moi Objet

    ^

    ^ O b j e t^ ~ "extrieur

    - "

    et l'on s'avisera que tous les termes en sont soigneusement relis : a) les idaux du moi partransfert l'objet extrieur idalis support de l'idalisation, le leader ; b) les idauxdu moi entre eux, par l'idal du moi collectif; c) les moi entre eux par identification tandisqu'au plan intrapsychique, le sujet s'articule ses trois instances moi, idal du moi et objet(libidinal).Il n'est qu 'une ligne vide : c'est justement celle de l'objet collectif. Paradoxe flagrant si l'ons'avise que toute tho rie prfreudienne du lien collectif se donne un objet collectif. L'originalitdu schma nous semble tre, en dernire instance, de faire l'conomie d'un tel objet collectif.Tel est le statut moderne du lien social qu'il se cre, par-dessus l'objet en quelque sorte, dansune dialectique de l'idalisation.En contraste avec toute thorie qui ferait surgir l'objet du dsir social, Freud suggre quel'objet social n'est ni plus ni moins qu'un gain de plaisir qui s'ajoute tel une prime, et enquelqu e sorte, par-dessus le march , au travail de l'idalisation. C e n'est pas e n r duirel'importance, tant le lien social se soutient activement et jalousement de cette prime : maisjustement, il n'a pas de substance. Peut-tre tient-on l, en creux, l'effet de toute idologie des'employer donner substance un tel objet. D'o sa forme ftichiste: Je sais bien que l'objetest vide, mais quand mme... je le remplis par mon texte. Cela du mme coup dconnecte le social du politique. Car l'objet social, s'il est prouvcomme cause relle du dsir, revient une dissolution du politique comme tel ce qui nous

    donne la formule du totalitarisme.Il semblerait a contrario que la position dm ocratique consiste assumer cette d sharmon iedu social et du politique, en tirant les consquences symboliques de cette vacuit d'objet.J'en viens par l ma propre thse, extrapole de l'attitude freudienne: ce que Freuddfinit ainsi, n'est-ce pas ni plus ni moins que l'nonc fondateur de la dmocratie ? Bien placpou r savoir la port e de la fascination de l'objet social, Freud rin troduit p ourta nt c ette volontde couper le lien du dsir la politique. En cela, il contraste avec toute dsirologie politique,qui, on le sait, a fleuri depuis.Pour l'inconscient, la position dmocratique serait justement cette dcision d'assumer 35 0

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    Freudisme et indiffrentisme politiquecomme symbolique le vide de l'objet. Ce t indiffrentisme serait comme le corrlat thique dela position dmocratique dans l'ordre politique.

    Cela nous amne ce qu'il en est de l'objet de la dmocratie .B. L'objet introuvable de la dmocratie

    La dmocratie pose un problme singulier, voire une nigme la pense politique, quipourtant se structure tout entire autour d'elle. Il est impossible de la dfinir. Certes, elle a saplace de choix dans l'laboration typ ologique des rgimes depuis l'Antiquit ; certes, elle necesse de se spcifier en un e squence sociopolitique reprable dans la modern it de Rousseau Tocqueville. Pourtant, tout se passe comme si le vu qu'elle nomme si intensment etindispensablement laissait hors de lui-mme un im pond rable. C'est l que s'engouffrent lesredoutables dissipations rhtoriques qui, voquant et invoquant la dmocratie hors propos, endistord le conten u. Il y a certes du sacr dans le terme , mais l'histoire d e ses usages est celle deses profanations.Il n'entre pas dans notre propos de proposer la bonne dfinition, mais d'ouvrir uneperspective gnalogique sur la notion susceptible peut-tre d'clairer en retour les racinesde l'quivocit laquelle elle est non fortuitement lie. S'il appartient au destin de la dmoc ratie d'entreten ir cette quivoque, c'est qu'elle n'est pas seulement thme de laphilosophie politique, m ais ce point aveugle autour duqu el celle-ci se structure. C 'est partir decelui-ci qu'elle se prsuppose et exprimente la contradiction fconde de son propre objet.Et cela tient au fait que la dmocratie se distingue d'tre sans objet. Cela n'est pas entendre au sens o elle serait dnue de sens elle est tout au contraire ce par quoi le sensadvient au politique. Mm e dnie et mutile, la dmocratie est ce qui confronte o bstinme nt lepolitique son propre sens. Peut-tre cela claire-t-il l'ambigut de telles philosophiespolitiques qui travaillent si intensment dans l'lment de la dmocratie et y impliquent sipleinement leurs logos que, tel Spinoza, ils n'prouvent pas le besoin d'noncer de choixexplicite en faveur de la dmo cratie de rallonger leur pense d e quelqu e profession d e foi !C'et t sacrifier son rapport soi que de penser hors la dmocratie.Mais voici le paradoxe que nous voudrions laborer: la dmocratie se distingue de cequ'elle n'a pas d'objet autre que celui qui en exige la ralisation. Autrement dit : elle ne ralisepas un bien hors d'elle-mme, mais consiste dans l'exigence p ure d e faire venir l'tre un soiqui est soi-mme son propre objet.Sous une forme aussi crypte , c'est en effet au secret de la pense d moc ratique quenous cherchons faire droit. Celui-ci s'claire d'un retour l'origine d'un moment la foisrecens et mconnu du concept : celui qui, au seuil de la modernit politique, a li son destin celui de la pense puritaine. On y a, nous semble-t-il, trop entendu la thse d'un conditionnement idologique comme si le puritanisme donnait son style idologique au concept de

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    P A U L - L A U R E N T A S S O U Ndmo cratie. C'est quelque chose d'au treme nt radical qui est l'uvre : la dmocratie est bien unconcept puritain, en ce sens bien prcis qu'elle comporte ncessairement dans son laborationun moment puritain. Or, celui-ci rvle justement un certain rapport l'objet interdit, rapport& absence donc qui pourrait bien clairer le drame et la grandeur des avatars du concept dedmocratie. Ce dtour gnalogique pourrait en retour renouveler l'clairage d'une question,elle bien historique : celle de l'interprtation du parad igme qui, autour de la rvolutionanglaise , a donn lieu au dbat dcisif sur les droits politiques et la libert qui a orient lapense politique moderne de faon dterminante.On verra ce qui a manqu ce dbat pour donner accs la vraie dimension du problme.

    III. L'objet secret de la dmocratie: interdit et propritNous articulerons donc notre propre gnalogie de l'objet secret de la dmocratie celle de l'individualisme possessif, ce Possesive individualism dont C.B. Macpherson (21) apingle magistralement le contexte, l'ore de la dmocratie moderne. Ce sera du mme coupl'occasion de reprer ce qui manque cette enqu te, moins sur le plan historique que sur le plangnalogique et chronique.C'est bien, en effet, sur la base d'une thorie de la proprit religieuse et mtaphysique(puritaine) que se forge une doctrine de la proprit p olitique (dmocratique). On sait que

    Ma cpherson y ajoute le relais d'une thorie de la proprit rfre au march . Ce qui nous paratmriter approfondissement, c'est ce lien, l'intrieur du concept de proprit mme, de ladimension mtaphysico-religieuse et de la dimension sociopolitique. Car, certes, pour que leproblm e prop rem ent politique soit pos en term es de propri t , il faut qu'il y ait des propritaires dans l'ordre socio-conomique. Il est vrai qu'il y a l, au berceau de ladmocratie, un point de vue de propritaire . Mais proprit de quoi} D'un certain bien ,certes, matriel qui se mtaphoriserait en bien politique . Encore faut-il reprer P objet non pas tant immatriel que symbolique qui structure matriellement cette mtaphore.Autrement dit, l'invention de la dmocratie s'opre bien en rfrence un point de vue depropritaire , mais le geste dcisif est justement de supposer que la proprit de droits juridico-politiques a valeur de bien symbolique.Une interprtation nave du processus idologique se contenterait de suggrer qu'ilsuffisait de sublim er la notion defacto de proprit conomique en catgorie de jure de propritpolitique. Ce n'est pas faux, mais insuffisant : il faut prendre en compte une clause symbolique,celle qui constitue l'vnement de l'histoire des ides politiques proprement dite.Le mom ent dcisif parce q ue le plus symp tomatique d e ce procs est le dbat sur le droit desuffrage censitaire qui opposa les Niveleurs aux partisans de Cromwell.L'extension du droit de suffrage universel ou censitaire est en effet lie un problme352

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    Freudisme et indiffrentisme politiquede fond : la conception de la proprit prive. Macpherson a bien remarqu la contradiction dela position des Niveleurs , cette bran che radicale du p uritanisme et com ment ils s'enaccommodaient : d'une part, il s'agit d'affirmer l'universalit par dfinition sans rserve nilimite des droits civils et religieux ; d'autre part, il faut limiter l'exercice effectif du droit devote aux citoyens actifs et autonom es sur le plan conom ique donc en exclure les serviteurs etles indigents (22). C'est que ceux-ci sont, par leur condition mme, dpendants d'une volonttrangre argument q u'on retrouve ra plus tard dans l'histoire du suffrage.Il est certes loisible d'expliquer cette double position par le reflet d'une certaineconception de la produ ction des biens, corrlative de la place des Niveleurs dans le processus d eproduction et distinctive de celle des Indpendants (Cromwell, Ireton) (23). L'acuit dudbat met pourtant une autre question nu: pourquoi, en ce moment o la pensedm ocratique p erce sa coquille, l'affirmation la plus rsolument radicale du droit politique en sa capacit de dploieme nt positif est-elle voue cette clause de la limitation ? Il y a certesun postulat anthropologique que M acpherson cerne bien conception du rapport de laproprit et de la libert, lie une conception de l'essence de la communaut sociale et de lavocation thologique de l'homme (24), elle-mme sublimation d'une situation socio-conomique relle. Mais, sauf retomber dans les ornires de l'idologie-mensonge, on ne sauraitsupposer que le sujet, si avis soit-il de la dfense de ses intrts et de l'idologie susceptiblede les faire valoir le mieux, se rduise rpter, dans l'ordre de la pense, ce qu'il est de facto.Sans ngliger le contexte matriel, il convient de se laisser en quelque sorte ressaisir parl'audace de ce geste qui fait dpendre l'exercice d'un droit au grand jour d'une clause secrte,d'ordre anthropologique.Ainsi: qu'y aurait-il donc craindre de cette non-limitation? Les puritains dmocratesreflteraient-ils, comme il nous est suggr, la crainte librale de ces classes d'exclus ? Cela nesaurait nous clairer sur ce qui les motive, positivement et pas seulement ractivement serappo rter leur universel . Prop rit avec et pa r cette restriction .L commence l'ambigut : on l'a vu, cette restriction du droit de vote n'est pas qu'unesimple mesure technique, ce n'est surtout pas une rserve par rapport cet universel des exceptions irrationnelles. C'est justement afin de garantir une authentique universalitde l'exercice de droit de vote et de la libert politique qu'il ne faut pas que serviteurs et indigentsdisposent d u droit de vote. En se plaant du p oint d e vue des Niveleurs, ce qui est foncirement craindre, ce qui serait mortel l'universel politique, c'est d'accrditer cette extension desagents non libres, actuellement.Disons-le de faon qui fasse droit ce raisonnement de l'intrieur, au lieu de l'aborder parun diagnostic trop htif qui en fausserait le contenu signifiant: qu'un seul non-libre non-propritaire ait droit de vote (indigent, serviteur), et le sens de libert politique qui adhre l'acte du citoyen serait compromis et comme annul. Qu'est-ce donc qui fait de l'lvation dusans-proprit au rang de citoyen un vritable pch contre la raison politique ? Quel dangerintrinsque contient l'indigent? Il ne s'agit pas en effet, par un cynisme inconsquent,

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    P A U L - L A U R E N T A S S O U Nd'aggraver encore la non-proprit conomique par un dnuement et une indigence politique,mais de tirer les consquences politiques du dnuement mtaphysique corrlatif de l'indigenceconomique.Car, sur le plan moral, pauvret n'est pas vice les Niveleurs en conviennent sansambages : mais sur le plan politique, il n'y a de vice plus canoniqu e qu e la pauvret, com me effetde la non-proprit !Pour dnouer cette contradiction, sans renvoyer tout de suite la cause externe l'idologie elle-mme, il faut en arriver l'hypothse suivante, tire des postulats puritainsmmes : ce qui prive le non-propritaire de jure de droit l'identit politique, ce n'est pas tantqu'il manque de biens matriels, c'est qu'il n'est pas capable de s'interdire quelque chose quisoit sien.Ceci est lire l'envers, ce qui en acc entue le para doxe mais aussi la valeur de vrit : trepropritaire, c'est possder assez pour s'interdire ce qu'on possde et jouir proportionnellementd'une libert qui soit sienne.Sans se laisser dcourager par le paradoxe provocateur d'un tel raisonnement qui nous estimpos par la dconstruction de l'idologie natale de la dmocratie, voyons comment il selgitime.Qui vit sans bien lui-mme si lmentaire soit-il, et on sait la frugalit puritaine ,expos au b esoin, la loi de la chose (qu'il n'a pas) et du matre (qui dispose de la chose et de salibert) ne saurait se motiver la libert. Celle-ci suppose la sparation du monde, amnagselon la loi de l'huis, c'est--dire de cette proprit ce n'est pas un hasard si les Niveleursmettaient l'accent, dans leur logique censitaire, sur les biens immeubles . Paradoxalement,celui qui possde tro p on connat aussi l'antiploutocratisme puritain s'expose aux dangersde l'indigence absolue : vivre sous la loi des choses qui disposent de lui plus qu'il n'e n dispose.De tels sujets l'indigent dans la ralit et le riche sur le plan virtuel sont incapables des'interdire la chose.

    IV. Le dsir puritain de la dmocratieOn le sait, l'conomie psychique du puritain, si symptomatique un puritain est mme,littralement, u n symptme vivant tourn e autou r d'un interdit. Mais cet interdit n'est passeulement d'ordre moral : il est principe de libert politique . Seul est un dm ocrate celui quipossde suffisamment pour se frustrer de quelque chose. C'est cette frustration qui dicte lalogique de la communaut.Le thme de la sensualit, symptme de l'oisivet, prend toute sa valeur fantasmatique etpolitique. N'a pas d'aptitude la libert et au bien en quelque sorte contractuel avecd'autres sujets citoyens, celui qui ne se rappo rte pa s quelque chose soi .

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    Freudisme et indiffrentisme politiqueCela veut donc dire que Xobjet de la proprit (matrielle) fait signe, tel un vecteur symbolique vers Xobjet de Vinterdit (thique) : tel est l'vnement proprement politique qu i

    lie la dmocratie, en son concept moderne, une logique puritaine.L'impratif en serait : Sache t'interdire ce que tu possdes ! Ce n'est paradoxal etpresque inintelligible, bien y regarder, que parce que l'on considre le bien possd commel'incarnation de l'objet: or, ce qui intresse les puritains, c'est cet objet immatriel de prixinestimable par lequel le .r e p re n d effet m atriel. Je ne possde effectivement que ce que je saism'interdire... mon propre compte. Et c'est par l justement que je peux me rapporter au liensocial comme politique.Le non-propritaire a plus vocation de libertin licence de celui qui dpense ce qu'il nepossde pas (25) que d'homme libre c'est seulement en ce sens qu'on peut parler deconception librale en l'occurrence. Il ne peut donc faire lien qu'illgitime. C'est pou rquoi, travers l'indigent, se trouve exclu l'objet de la satisfaction immdiate. Le pch du pauvreabsolu , du sans-biens, ce n'est pas qu'il puisse trop se perm ettre, c'est bien qu 'il ne puisse riens'interdire. Le privilge du propritaire-citoyen, ce n'est pas de tout se permettre, c'est des'interaire oon escient.On voit l'ironie de l'adjectif possessif . C'est le non-pro pritaire qui est trop possessif , puisqu'il est attach l'objet de son besoin pour le pire plus que pour le meilleur. La cause censitaire cre en revanche e ntre prop ritaires un e ap titude p ropre me nt trans-frentielle. Ce qui le lie, c'est non ce qu'il possde matriellement, mais ce manque dont sestructure sa possession : et c'est ainsi par l que le lien politique se forge. C'est l'objet du contratdit social .Ce n'est sans doute pas un hasard si le fascisme se nourrit en revanche du marasme.Celui-ci est principe de dpolitisation.Il y a donc bien, au cur de la dmocratie, in statu nascendi, un dsir puritain.On p eut le dire a contrario : tous les rgimes politiques autres q ue la dmocratie telle quenous en cernons les modalits se distinguent rsolument par leur volont de rpondre laquestion de l'tre du dsir politique, d'e n identifier et matrialiser l'objet ici et maintenan t cequi culmine probablement dans le fascisme, qui dissout le politique dans le social commeprincipe d e l'tre vivant. Rien ne parle plus immd iatement au dsir social : c'est rigoureusementpourquoi le fascisme est principe de mort de la politique mme.Si donc la dmoc ratie n'a pas d'objet autre q ue cet objet vide de l'interdit, le dm ocrate estcet tre trange qui est en po sition de faiblesse : il ne peut exhiber d'objet de jouissance et c'estpourquoi aussi il est si facile de tourner en drision le discours tant son lien d'objet estdrisoire. Fonder un dsir politique sur un interdit, quelle drision en effet ! Il n'y a pas l dequoi, au sens le plus littral, exciter les masses . O n ne s'tonne ra pas d s lors que ladmocratie tourne si communment la dmagogie, tentation de montrer, d'exhiber aux foulesl'objet de la privation duqu el vit la dmocratie en fonction de quoi, trange critre, elle peuttre dite vraie .

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    P A U L - L A U R E N T A S S O U NLe dmocrate, donc, manque comme son objet. Comme pur , tel le juste , il n'existepas. Tout au plus peut-on en situer l'idal du ct d'une dmagogie freine qui ne joue pas

    trop des prestiges d'un objet vivant, ne fait pas trop croire aux foules la ralit de leur dsir,bref ne fasse pas trop de dgts.Cet idal, si originaire, date, pourrait-on dire. On exige de la dmocratie moderne qu'ellerompe avec ce sombre idal puritain, pour toucher les masses. L' individualisme possessif ,ds Locke (26) abjure ses racines puritaines : quand Tocqueville le retrouvera au milieu duXIXe sicle, il sera li ses yeux une passion matrielle de l'galit. Il pointera surtout cettefonction nouvelle de l'tat de la dmocratie moderne, intendant des plaisirs individuels (27).Bref, la politique est passe du ct d e la jouissance, la dmo cratie n'en tant q u'un e variante ce que, par une ironie de l'histoire, le suffrage dit universel est venu instituer.Le rigorisme de faade des hommes politiques est dsormais systmatiquement tourn endrision, comme vengeance contre le rien de frustration qu'ils imposent encore aux masses(encore se disent-ils fermement dcids se moderniser, ce qui nous permet un dispositif quisaborderait la politique au nom d'une autogestion de la jouissance sociale).Il n'en reste pas moins que cet idal reste la marque de ce sujet politique qu'est ledmocrate. On l'y reconnat comme signe qu'il a encore rapport la loi. Point ici d'loge, mmelarv, du puritanisme politique : seulement constat d'un rquisit structurel. Que ce rapport laloi de soi et de l'Autre se rcuse et l'on se retrouve hors de ce concept de politique tel que lestructure l'objet de la dmocratie.On comprend en quoi Freud, sa manire, reconduit cette forme puritaine du rapport aupolitique lui qui prn e l'occasion le maintien d e dsirs insatisfaits (28) mais don nepar sa thorie, vue sur un tel rapport.

    V. L'avenir de l'illusion politiqueN'a-t-on p as, de cet objet vide de la dmoc ratie, vue sur le sens de l'apophtegm e freudien :il faut tenter, en politique, d'tre couleur chair . Ce n'est pas l rfrence quelque thrismeidaliste. C'est la revendication d 'une politique, faut-il dire, visage humain, en ce qu'elle inclutla dfiance foncire envers cette figure du politique qui prtendrait apporter rponse au dsir en chair et en os .C'est en renonant son dsir de pouvoir que Freud a infirm son idal politique, sereportant vers un savoir des impasses du dsir humain fait anthropologique fondamental. Sila psychanalyse est cette science de ce qui manque l'homme bien plus que de l'Homme,elle a du mme coup vocation prendre distance de toute politique d u dsir y compris cellequi consiste faire du dsir un enjeu politique.Il y a l comme symtrie d e ces stratgies, rfres ces mtiers que Freud dit

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    Freudisme et indiffrentisme politique impossibles parce q u'ils sont contraints d e recon natre le caractre dficitaire de leurstechniques et de leurs objets : soit l'enseigneme nt, la politique et la psychanalyse (29). Il n'y a pasl qu'impondrable, mais bien prcarit objectale.On sait le destin funeste de telles pratiques: que le matre croie rsorber par ledsir-de-savoir l'objet de la pulsion de savoir ; que le politique croie mater par son dsir depouvoir l'objet de la pulsion sociale ; que, enfin, le psychanalyste se prenne pour prtre (del'Inconscient) : il y a chaque fois atteinte au caractre lacunaire de l'objet et c'est de l qu'ilfaut chaque fois repartir.Mais c'est aussi par l que la politique touc he la psychanalyse non par l'inconscient desmatres, comm e on nou s le suggre, mme du ct de certains analystes, mais par le fait que ledsir intresse la politique, qui y taye sa vrit et son pouvoir.La dmo cratie est ce qui, l'intrieur de la raison politique, suggre la rupt ure de ce lien.Le totalitarisme pourrait bien reposer sur cette amphibologie ; politisation du dsir. C'est encomprenant ce qui manque au politique que l'on rend praticable la dmocratie. Le corps alorscesse d'tre signe d'un dsir politique pour rmerger, erratiquement, pour ce qu'il est: couleur chair , sans ftiche protec teur. D'o son cot inconscient. Qui , de plus, nou sgarantira que la peau n'est pas l'ultime ftiche et qu'il ne faut pas encore corcher le sujet pourdiscerner quelque couleur cache ? C'est ce q ui assure l'idologie politique un bel avenir...C'est peut-tre en ce sens qu'il faut attendre finalement le constat dsabus de Reich que : Freud n'attendait rien de la politique (30). Lui, on le sait, en attendait tout, c'est--dire larforme de la constitution anthropologique. N'en attendre rien , c'est refuser de l'aborderdans le cadre d'un messianisme ou d'une eschatologie qui se structurent justement en attente de la ralisation d u Bien sur terre. C'est la resituer dans le cadre de ce malaise de lacivilisation qui rend possible une position critique singulirement radicale.

    N O T E S1. Nous avons cherch fonder cette diffrence d'article en catgorie d'analyse in Wittgenstein et le politique, Publications du Centrede philosophie du droit, facult de D roit, Louvain-la-Neuve, 1988, pp . 55-78. Tandis que la politique renverrait une doctrine

    fonde sur un e philosophie de l'histoire (do nt le modle hglien est le prototype), le politique se dfinirait comm e engagemen tdans le rel, non connecte une philosophie de l'histoire, puisque s'appuyant prcisment sur leur disharmonie.2. Ce que nous avons fait dans no tre contribu tion Freu d et la politique Pouvoirs n 11 (P.U.F., 1983), reprise dans L'entendementfreudien, Logos etAnank (Gallimard, 1984), ch. VI, o elle est situe dans l'ensemble de la position freudienne sur la connaissanceet l 'histoire. Nous nous permettons d'y renvoyer comme un pralable de la problmatique de la prsente contribution.3. Qu'on pense l'ambition de Freud de s'orienter vers le droit et de devenir ministre, sa fascination pour les grands hommes del'histoire politique. Sur l'ensemble de ces points, cf. L'entendement freudien, o se trouvent commentes les indications d'ErnstJones sur ce point {op. cit., pp. 234-29).4. Sur le contexte de ces deux noncs majeurs, cf. L'entendement freudien, p p. 231-261. Le premier est adress Eastman, le secondest rapport par Jones: La vie et l 'uvre de Sigmund Freud , t. II, p. 414 sur information de Joan Rivire.

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    P A U L - L A U R E N T A S S O U N5. Du c t du libralisme au sens de l'poque, com me attitude d e libre pense face l'interdit d e penser, explicite ou subtil, celuide l'glise ou de l'tat (art. cit.).6. Article Indiffrence du Vocabulaire technique et critique de la philosophie d'Andr Lalande, librairie Flix Aloan, 1926, 1.1,p. 362.7. Dfinition de Leibniz (Thodice, I, ch. XLVI) cite par L alande, ibid.8. Cf. sur ce point L'entendement freudien, 2 e partie.9. Sur l'affinit avec la positio n d'Alain, cf. Freud et la politique, op. cit., p. 244 sqq.

    10. Nous faisons allusion aux rflexions sarcastiques que fait le grand fumeur qu'tait Freud sur la qualit des allumettes... comme symptme d u mon opole d' tat et des services qu'il rend l'individu (d'aprs Joseph Wo rtis). C'est aussi l 'tat qui abuse de sesprrogatives de la faon la plus cynique pendan t l 'tat de guerre ;cf. l'essai : Considrations sur la guerre et la mort et le contextedu pacifisme de Freud dans la prsentation dans le mme numro de la correspondance Freud/Einstein.11. La science et la vrit. Leon d'ouverture du sminaire de l'anne 1965-1966 l'cole normale suprieure de la rue d'Ulm, le

    1 er dcembre 1965 (in crits, Seuil, 1966, p. 858).12. Essai sur l'indiffrence en matire de religion, par M. l'abb Flicit de Lamennais (Ournachon-Molin et H. Seguin, 1820) : Nousaurons atteint notre bu t si nous dmontro ns que l'indiffrence en matire de religion, qu'on prconise comm e le dernier effort de laraison et le plus prcieux bienfait de la philosophie, est aussi absurde d ans ses principes que funeste dan s ses effets (in troduction,p. 31). Il s'agit de rfuter les deux principes de l'indiffrence: Que nous n'avons aucun intrt nous assurer de la vrit de lareligion, ou qu'il est impossible de dcouvrir la vrit qu'il nous importe de connatre. 13. Cf . ch. I, ... Exposition des trois systmes auxquels se rduit l ' indiffrence dogm atique , p. 35 sqq. Lamennais soutient au mmeendroit : A l'gard de la socit, il n'y a point de d octrine indiffrente en religion, en morale, en politique et que l'indiffrence,considre comm e un tat perma nent d e l'me, est oppose la nature de l'hom me et destructive de son tre (p. 37).14. Cf . ch. II : Considrations sur le premier prin cipe d'indiffrence, o u sur la doctrine de ceux qu i, ne voyant dans la religion q u'uneinstitution politique, ne la croient ncessaire que pour le peuple (p. 56), ce qui revient une confusion de l'ordre politique etde l'ord re religieux . Le systme repose sur la fausset d e la religion, et sa ncessit pour le maintien de l'ord re social (ch. ,p. 88).15. Cf. ch. IV : Considrations sur le second systme d'indiffrence o u sur la doctrine de ceux qui, tenant pou r douteu se la vrit detoutes les religions positives, croient que chacu n d oit suivre celle o il est n, et ne reconnaissent de religion incon testablement vraieque la religion naturelle (p. 101). Il est fait l rfrence explicite Rousseau.16. Cf. ch. VI : Considrations sur le troisime systme d'indiffrence, ou sur la doctrine de ceux qui ad mettent u ne religion rvle,de manire nanmoins qu'il soit permis de rejeter les vrits qu'elle enseigne, l 'exception de quelques articles fondamentaux (p. 172), ce qui est illustr par la Rformation. On trouve l'expression intressante de religion exprimentale (p. 178).17. Sur ce problme de l'apologtique et de la consistance de l'Autre, nous renvoyons notre article Sujet inconscient et sujet del'assentiment : l ' impossible grammaire de l'assentiment , in Littoral, 1989. On jugera notamment de la consonance de la positionde Lamennais celle de Newman.18. Cf. Le dsir de rglem ent. thiqu e et science administrative , in Psychologie et science administrative, Cahiers du centre d'tudesjuridiques de l'universit de Picardie, 1985, Presses Universitaires de France.19. Psychologie collective et analyse du moi, G.W. Le schma se trouve reprod uit au chap. VH I (trad. fr. in Essais de psychanalyse, Payot.20 . Cf. Marx et la rptition historique (P.U.F., 1978), L'entendement freudien, op. cit., ch. V, La fonction d'idal, p . 183 sqq. Voiraussi notre contribution Le sym ptme social et les destins de l'idalisation in Actes du colloque Cham p social et inconscient ,16-17 juin 1983, CNRS , Centre d'tu des sociologiques, pp. 18-22.21 . The political theory of possessive individualism (1962). Nous citons d'aprs la traduction franaise La thorie politique del'individualisme possessif de Hobbes Locke, Gallimard, 1971.

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    Freudisme et indiffrentisme politique22. Op. cit., ch. II, p. 120 sqq.23 . Op. cit., p. 164 sqq.24 . Op. at., p. 152 sqq.25 . On comprendrait mieux ainsi l 'entreprise d'inversion de cette logique conomique amorce par Georges Bataille (La part maudite).26 . Ce qui est bien vu par Macpherson, op. cit., ch. IV, p. 214 sqq.27 . Qu'on songe la fameuse prophtie qui conclut la dernire partie de De L dmoaatie en Amrique (1840), celui d'un tatsurplombant de son autorit tutlaire une masse d' atomes tendant au bonheur . Sur cette thorie de la souverainetdouce , nous renvoyons notre tude Tocq ueville et la lgitimation de la modernit , in Analyses et rflexions sur Tocqueville,De la dmocratie en Amrique, ditions Ellipses/Marketing, 1986.28 . Freud fait rgulirement allusion, ds sa correspon dance avec Martha Bernay, cette aptitude la frustration de la satisfaction debesoins sur lesquels d'autres se ruent, comme u ne forme subtile de supriorit (sauf suggrer que cela revient faire de ncessitvertu).29 . Analyse termine et analyse interminable , G.W. XVI.30 . Rponse au reprse ntant des Archives Freud, le 18 octobre 1952 la question relative ce que pensait Fre ud d e la politique inReich parle de Freud, p. 63.

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