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Orthop Traumatol (1994) 4 : 149-154 ORTHOPI DIE TRAUMATOLOGIE © Springer-Verlag 1994 Attitude diagnostique et th rapeutique en pr6sence d'un poignet traumatique aigu Diagnosis and treatment of wrist injuries Ph. Voche 1, A. Blum 2, F. Dap 1 et M. Merle 1 l Service de Chirurgie Plastique et Reconstructrice de l'Appareil Locomoteur, H6pital Jeanne d'Arc, C.H.R.U. Nancy, F-54201 Dommartin Lbs Toul Cedex 2 Service de Radiologie Centrale, H6pital de Brabois, C.H.R.U. Nancy, F-54500 Vandoeuvre L6s Nancy Summary: Acute ligamentous tears of the wrist are frequently underestima- ted, even for partial or small bones fractures. In such cases, plan X-rays are often normal but it does not corres- pond to a normal wrist. According to the findings of a precise clinical exami- nation, dynamic X-rays, an arthrogra- hy, a CT scan or an arthroscopy will complete the diagnosis. If correct and coherent diagnosis is conducted in the days following the injury, an adapted treatment could be done. Such an atti- tude avoids evolution to chronic insta- bility of more inconstant therapeutic and results. Key words: Wrist injuries -- Liga- ments -- Arthrography -- CT scan -- Arthroscopy R~sum~ : Les auteurs rappellent la frd- quente sous-estimation des Idsions liga- mentaires intracarpiennes lors des traumatismes aigus du poignet. II en est de m6me de certaines 16sions osseuses. Des radiographies standards normales ne doivent pas conclure d la Correspondance : Ph. Voche Code M6ary : 3651.0 b~gninitd. C'est pourquoi un examen clinique prdcis doit 6tre rdalisd. Au moindre doute il sera compldtd par des radiographies dynamiques, une arthro- graphie, un arthro-scanner, voire par une arthroscopie. Seule une ddmarche diagnostique prdcise, rdalisde dans les jours suivants le traumatisme, permet d'adapter le geste th6rapeutique g~ la ldsion. Ainsi sera dvitY l'dvolution vers l'instabilitd chronique de traitement difficile et de rdsultat plus aldatoire. Mots-cl~s : Traumatismes du poignet -- Ligaments -- Arthrographie -- Tomodensitomgtrie -- Arthroscopie L'intdr~t d'une conduite ~ tenir efficace devant un poignet traumatique aigu repose essentiellement sur le diagnostic prdcoce des 16sions ligamentaires g6nd- ratrices d'instabilit6. En phase aiguE il est rare que ces ldsions puissent atre affirmdes par un bilan radiographique standard. C'est pourquoi un examen clinique pr6cis permet d'orienter au mieux les examens paracliniques. Les circonstances traumatiques L'hyperextension est le mdcanisme 16sionnel de base sur lequel se surajou- tent des composantes d'inclinaison radiale ou ulnaire et des composantes de torsion axiale (supination intracar- pienne). L'inclinaison radiale accroit le risque de 16sions du scapho'ide. L'incli- naison ulnaire induit plus volontiers des 16sions ligamentaires pures [17-19], en augmentant la compression entre tri- quetrum et hamatum. Mayfield, John- son, Kilcoyne et Wagner [21-24, 42] ont montr6 l'existence de zones anato- miques vuln6rables qui sont l'extr6mit6 distale du radius et les structures pdrilu- naires. Ces derni~res ont 6t6 regroup6es par Mayfield en quatre stades 16sion- nels progressifs [21] (fig. 1). Fig. 1. Stades 16sionnels selon Mayfield

Attitude diagnostique et thérapeutique en présence d'un poignet traumatique aigu

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Page 1: Attitude diagnostique et thérapeutique en présence d'un poignet traumatique aigu

Orthop Traumatol (1994) 4 : 149-154 ORTHOPI DIE

TRAUMATOLOGIE © Springer-Verlag 1994

Attitude diagnostique et th rapeutique en pr6sence d'un poignet traumatique aigu

Diagnosis and treatment of wrist injuries

Ph. Voche 1, A. Blum 2, F. Dap 1 et M. Merle 1

l Service de Chirurgie Plastique et Reconstructrice de l'Appareil Locomoteur, H6pital Jeanne d'Arc, C.H.R.U. Nancy, F-54201 Dommartin Lbs Toul Cedex 2 Service de Radiologie Centrale, H6pital de Brabois, C.H.R.U. Nancy, F-54500 Vandoeuvre L6s Nancy

Summary: Acute ligamentous tears o f the wrist are frequently underestima- ted, even f o r par t ia l or small bones fractures. In such cases, plan X-rays are often normal but it does not corres- pond to a normal wrist. According to the findings o f a precise clinical exami- nation, dynamic X-rays, an arthrogra- hy, a CT scan or an arthroscopy will complete the diagnosis. I f correct and coherent diagnosis is conducted in the days fol lowing the injury, an adapted treatment could be done. Such an atti- tude avoids evolution to chronic insta- bility o f more inconstant therapeutic and results.

Key words: Wrist injuries - - Liga- ments - - Arthrography - - CT scan - - Arthroscopy

R~sum~ : Les auteurs rappellent la frd- quente sous-estimation des Idsions liga- men ta i res in t racarp iennes lors des traumatismes aigus du poignet. II en es t de m 6 m e de c e r t a i n e s 16sions osseuses. Des radiographies standards normales ne doivent pas conclure d la

Correspondance : Ph. Voche

Code M6ary : 3651.0

b~gninitd. C'est pourquoi un examen clinique prdcis doit 6tre rdalisd. Au moindre doute il sera compldtd par des radiographies dynamiques, une arthro- graphie, un arthro-scanner, voire par une arthroscopie. Seule une ddmarche diagnostique prdcise, rdalisde dans les jours suivants le traumatisme, permet d 'adapter le geste th6rapeutique g~ la ldsion. Ainsi sera dvitY l'dvolution vers l ' instabili td chronique de trai tement difficile et de rdsultat plus aldatoire.

Mots-cl~s : Traumatismes du poignet - - L i g a m e n t s - - A r t h r o g r a p h i e - - Tomodens i tomgtr ie - - Ar throscopie

L'intdr~t d'une conduite ~ tenir efficace devant un poignet traumatique aigu repose essentiellement sur le diagnostic prdcoce des 16sions ligamentaires g6nd- ratrices d'instabilit6. En phase aiguE il est rare que ces ldsions puissent atre affirmdes par un bilan radiographique standard. C'est pourquoi un examen clinique pr6cis permet d 'orienter au mieux les examens parac l in iques .

Les circonstances traumatiques

L'hyperextens ion est le mdcanisme 16sionnel de base sur lequel se surajou- tent des composantes d ' incl inaison

radiale ou ulnaire et des composantes de torsion axiale (supination intracar- pienne). L'inclinaison radiale accroit le risque de 16sions du scapho'ide. L'incli- naison ulnaire induit plus volontiers des 16sions ligamentaires pures [17-19], en augmentant la compression entre tri- quetrum et hamatum. Mayfield, John- son, Kilcoyne et Wagner [21-24, 42] ont montr6 l'existence de zones anato- miques vuln6rables qui sont l'extr6mit6 distale du radius et les structures pdrilu- naires. Ces derni~res ont 6t6 regroup6es par Mayfield en quatre stades 16sion- nels progressifs [21] (fig. 1).

Fig. 1. Stades 16sionnels selon Mayfield

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Fig. 2a, b. Fracture du pisiforme, a Clich6 de face. b Incidence de Garraud visualisant l'interligne piso- triqu4tral

D~marche diagnostique en urgence

L'interrogatoire du patient recherche la notion de chute sur la main en hyperex- tension, le caracthre violent ou non du traumatisme, la notion de craquement ou de ressaut et les antdctdents traumatiques.

Examen clinique

D i f f i c i l e en u r g e n c e en r a i s o n de l 'oedbme et de la douleur, un examen

dttai116 recherche les 616ments spdci- fiques suivants [3, 7, 11, 20] :

Les d t fo rmat ions caractdrist iques des fractures de l 'extrdmit6 distale du radius.

Une zone douloureuse 61ective ou un point douloureux exquis h la palpa- t ion de : la t a b a t i h r e a n a t o m i q u e , l ' in ter l igne scapho-lunaire et l ' in ter- ligne triqudtro-lunaire h la face dorsale du poignet, une douleur h la raise en compress ion de la colonne du pouce.

La palpation des reliefs osseux suivants est systtmatique : pisiforme, crochet de l 'hamatum, tubercule palmaire du sca- pho~de et du trapeze, tubercule dorsal du triquetrum, face mtdiale du trique- trum dans la tabatibre ulnaire, styloide rad ia le , t~te u lna i r e et a r t i cu l a t i on radio-ulnaire distale. De m~me pour les trajets tendineux suivants : long abduc- teur et court extenseur du pouce, long extenseur du pouce, f l tchisseur radial du carpe, fltchisseur et extenseur ulnai- re du carpe.

- Deux manoeuvres diagnostiques peuvent ~tre r tal is tes (Ces manoeuvres seront dtcrites avec les 16sions corres- pondantes) : la manoeuvre de Watson 6vocatr ice d 'une 16sion l igamenta i re in te rosseuse scapho- luna i re [43], la manoeuvre de Kleinman (Communica- tion personnelle) qui serait plus spdci- f ique que le "shuck- tes t" de Reagan [33] pour les i n s t ab i l i t t s t r i qu t t ro - lunaires. Quant au test de compression lattrale de Linscheid, il est peu sptci- fique pour lui accorder une valeur dia- gnostique [17].

Examen radiographique

Le bilan standard comporte une face, un profil strict et deux incidences obliques de 3/4. Lorsque ce brian est n4gat i f l 'investigation radiographique est pour- suivie h l 'aide de clichts dynamiques : une face en inclinaison radiale, une face en inclinaison ulnaire et une face en supination poing ferret [9, 37]. Selon la clinique, des incidences sptcifiques sont demanddes : incidence de Garraud [4] pour le pisiforme, incidence de Papilion et D u p u y [33] p o u r le c r o c h e t de l ' h a m a t u m (fig. 2) et inc idences de Kapandji [16] pour le traphze.

* Au t e r m e de ce t te p r e m i h r e approche radio-clinique, soit le bilan a mis en 6vidence une 16sion osseuse ou ligamentaire, soit aucun diagnostic de cer t i tude n ' a 4t6 r4alis4. Dans cet te situation, une "immobilisation d'dpreu- ve" ne dolt ~tre considtrde qu 'h titre antalgique. La d tmarche diagnostique doit ~tre poursuivie car les 16sions liga- m e n t a i r e s son t au m i e u x r d p a r t e s durant la phase des trois semaines ini- tiales post-traumatiques.

Page 3: Attitude diagnostique et thérapeutique en présence d'un poignet traumatique aigu

Ph. Voche et coll. : Traumatismes du poignet 151

Autres examens compldmentaires

Arthrographie. Cet examen prend toute sa valeur lorsque les signes cliniques sont 6vocateurs d'une 16sion ligamen- taire. Coupl6e ~ l'examen tomodensito- mdtrique elle permet au mieux de r6ali- ser des coupes 6tag6es des ligaments interosseux qui peuvent prdciser le sit- ge de la rupture et parfois le caract6re partiel ou complet de celle-ci (fig. 4).

Examen tomodensitomdtrique. Examen capital au diagnostic des fractures par- tielles des os du carpe (fig. 3).

Rdsonance magndt ique nucl6aire. Durant les trois premieres semaines cet examen est thdoriquement le plus per- formant pour le diagnostic des 16sions osseuses. N6anmoins il ne peut 6tre propos6 de manibre routinibre dans de telles circonstances.

Arthroscopie du poignet [8, 34, 43]. Cet examen permet d'explorer les com- partiments radiocarpien et m6diocar- pien, d'apprdcier l'6tat des structures chondrales et ligamentaires. L'usage du palpateur est capital pour tester la com- p6tence m6canique des l igaments.

La scintigraphie au technetium n 'a aucune indication en pathologie trau- matique fraiche.

A s p e c t s 1 6 s i o n n e l s e t t h 6 r a p e u t i q u e s

Les ldsions osseuses

Les fractures de l'extrdmitd distale du radius. De diagnostic clinique et radio- logique ais6, les options thdrapeutiques qui varient selon les 6coles ne seront pas discut6es.

Les f rac tures du scapho't'de. La d6marche th6rapeutique repose sur le caract6re d6plac6 ou non de fracture. Si le traitement orthop6dique est adapt6 aux fractures non d6plac6es, l'ostdosyn- thbse (par vissage de pr6fdrence) des fractures ddplacdes dolt ~tre la r6gle.

Les f rac tures des os du carpe gt l'exclusion des fractures du scapho'f

de. Par ordre de fr6quence citons : - Le triquetrum : 10 ~ 12 % des

fractures des os du carpe. On distingue les fractures du corps dont le trait est souvent sagittal et les fractures du tubercule dorsal qui correspondent ti 1' arrachement osseux des insertions des ligaments scapho-triqudtral et radio-tri- qu6tral dorsaux.

- Le lunatum : on distingue les frac- tures parcellaires des cornes, des frac- tures du corps rdsultant d'une compres- sion entre radius et capitatum.

- Le capitatum : les fracture-luxa- tions du col (syndrome de Fenton) s'intbgrent dans le cadre des fracture- luxat ions t ransscapho-p6r i lunai re .

- L'hamatum : la fracture de l'apo- physe unciforme est la plus fr6quente. Les fractures du sommet sont obser- vdes dans le cadre des fracture-luxa- tions p6rilunaires.

- Le trap6ze et le trap6zol'de : les fractures du trap6ze sont rares mais ne doivent pas etre n6gligdes en raison des cons6quences possibles sur l'interligne trap6zo-m6tacarpien et la colonne du pouce.

- Le pisiforme : les fractures rdsul- tent d 'un choc direct plus ou moins associ6 g un arrachement par contraction du fldchisseur ulnaire du carpe. L'dvolu- tion frdquente vers l'arthrose piso-tri- qu6trale peut justifier l'ex6rese du pisi- forme. Les luxations et subluxations du pisiforme sont tr6s rares [6, 13, 14].

Les Idsions ligamentaires

Rupture du ligament interosseux sca- pho-lunaire [29] :

a) Diagnostic : Cette 16sion frdquen- te est rarement diagnostiqu6e en urgen- ce. Elle doit etre recherch6e systdmati- quement en cas de fracture marginale lat6rale du radius et en cas de douleur 61ective h la pression de l ' interligne scapho-lunaire.

- La manoeuvre de Watson [43] consiste ~ porter le poignet d'une posi- tion d'extension-inclinaison ulnaire une position de f lexion-incl inaison radiale, pouce de l ' examina teu r appuyant sur le p61e distal du scapho~- de. Cette manoeuvre cherche ~ repro- duire soit la douleur cr66e par la butde

du scaphoide sur la marge dorsale du radius en cas d'int6grit6 ligamentaire, soit ~ provoquer la subluxation dorsale palpable du p61e proximal du scapho'fde (fig. 5) en cas de rupture ligamentaire.

- Le bilan radiographique standard et dynamique retrouve exceptionnelle- ment en urgence le tableau radioto- gique sp6cifique observ6 en phase chronique [27, 38, 39].

b) Le m6canisme 16sionnel pro- voque une rupture ligamentaire pro- gressant de palmaire en dorsal [24]. Ainsi, selon l'importance du traumatis- me la gradation 16sionnelle suivante peut ~tre observ6e : simple distension ligamentaire, rupture partielle palmaire, rupture sub-totale avec instabilit6 dyna- mique scapho-lunaire, rupture complbte avec instabilit6 statique vraie.

c) TMrapeutique : La simple disten- sion l igamenta i re b6n6ficie d ' une immobilisation pl~tr6e durant quatre semaines, poignet en ldg~re flexion et inclinaison radiale de faqon fi rappro- cher la face palmaire des deux os.

Les 16sions palmaires partielles et les ruptures sans instabilit6 franche, c'est ~ dire sans marche d'escalier ni d6calage de l'interligne scapho-lunaire (constatations arthroscopiques), bdn6fi- cient d'un brochage scapho-lunaire per- cutan6 (r6alis~ sous contr61e scopique). Les ruptures completes avec d6sinser- tion ligamentaire franche sont justi- flames d'une r6insertion directe [28] (fig. 6). L 'abord est r6alis6 par une incision dorsale courbe centr6e sur l'interligne radiocarpien. Le ligament interosseux est g6n6ralement rompu sur son versant scaphol'dien avec attache-

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Fig. 5. Manoeuvre de Watson

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Fig. 6. Aspect arthroscopique d'une lesion fraiche du ligament interosseux scapho-lunaire, justifiable d'une rEinsertion directe

ment d 'un f ragment cart i lagineux. Aprbs rEalisation des trous transosseux, les ills de rEinsertion ligamentaire sont laissEs en attente. Le brochage scapho- lunaire est effectu6 en veillant ?~ rEduire complbtement la subluxation dorsale du p61e proximal du scaphoide. Puis les ills sont nouEs. L'immobilisation plY- tree est systEmatique pour 8 semaines.

Tableau 1. Algorythme dEcisionnel diagnostique et thdrapeutique

Examen clinique d'urgence + bitan radiographique standard

f Diagnostic de 1

certitude

Traitement

J

Ar rosc her

--> LEsions ligamentaires

Arthroseopie th&apeutique ] ou de complement /

diagnostique ]

Pas de diagnostic precis ]

Examen clinique ddtaillE + bilan radiographique dynamique

Examens complEmentaires :

Scanner --> LEsions osseuses R.M.N.

Diagnostic

Arthroseopie

Traitement

Rupture du ligament triqugtro-lunaire interosseux [34, 39]. Cliniquement une douleur ~ la pression de l 'inter-

j j l

/ 1

Fig. 7. "Shear test" de Kleinman. 1 Bloc piso-tri- quEtral tenu entre pouce et index. 2 Pouce contro- lateral de l'examinateur appuyd sur la face dorsa- le du lunatum

ligne triquttro-lunaire dorsal conduit pratiquer le "shear-test" de Kleinman. Coude pose sur la table, avant-bras 5 la verticale en position neutre de rota- tion, le pisiforme et le triquetrum sont saisis d'une main entre pouce et index, l'autre main bloquant le lunatum 5 sa face dorsale. Le bloc piso-triqudtral est mobilis6 de palmaire en dorsal pour p rovoque r le c i sa i l l ement et dEclencher la douleur (fig. 7). Le bilan radiographique est le plus souvent normal. Le seul signe franc est la prE- sence d 'un d tc roch4 de l ' a rc 1 de Gilula [9] (ligne correspondant au bord suptrieur des os de la premihre rangte), dEcroch6 major6 en inclinai- son radiale. Le diagnostic de certitude est apport4 par l ' a r t h r o s c o p i e ou l 'ar thrographie. En phase aiguE, le traitement repose sur le brochage per- cutan4 (sous contrtle scopique), effec- tual poignet en 16ghre extension et inclinaison ulnaire (position de rap- prochement maximum des deux os). L'immobilisation plfttrte compltmen- taire est de 8 semaines.

Ldsions du ligament triangulaire. L'arthroscopie distingue les lesions trau- matiques fraiches des ldsions dtgdntra- tives chroniques. Palmer a propose une classification de l ' ensemble de ces lesions [31]. La classe 1 concerne les lesions traumatiques subdivistes en 4 groupes (tableau 2). Les lesions de type 1 D sont rtinstrables par brochage sous arthroscopie. Les lesions de type 1 B peuvent 4tre rtinsErtes sous arthroscopie

l'aide d'une instrumentation sptcifique comme le prdconise Osterman [28].

Luxations pdrilunaires [10,11]. Ces lesions gravissimes doivent ~tre traitdes chirurgicalement. Si le diagnostic radio- logique est 6vident face 5 une lesion franche, il peut ~tre mEconnu en cas de reduction spontande. L'analyse de la position du lunatum et celle de l'aligne- ment radius-lunatum-capitatum dolt ~tre trts attentive [9, 17]. La discussion reste ouverte entre abord dorsal isol6 ou double abord. Ce dernier a l'avantage d'assurer un contrtle complet des struc- tures osseuses et capsulo-ligamentaires.

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Ph. Voche et coll. : Traumatismes du poignet

j J J

Fig. 8. Subluxation dorsale de la t~te de l'ulna chez un homme de 22 ans. Vue tomodensitom6trique en coupe transversale

- Le ler temps de r6duction consiste r6axer le lunatum qui pr6sente non

seulement une bascule en flexion dot- sale ou palmaire mais aussi une transla- tion ulnaire. Ce dernier d6placement est difficile ~ corriger. C 'es t pourquoi il peut ~tre n6cessaire d'effectuer un bro- chage radio-lunaire de centrage. Si un abord palmaire a 6t6 effectual, les struc- tures capsulo-ligamentaires sont r6ins6- r6es soit en trans-osseux, soit sutur6es bord ~ bord selon le si~ge de la rupture.

- En 2brae temps est effectual le bro- chage scapho-lunaire puis le brochage triqudtro-lunaire. Selon l 'aspect de la ldsion ligamentaire, le ligament interos- seux scapho-lunaire est r6ins6r6 sur sa berge d'arrachement.

- Le 3bme temps consiste ~ vdrifier la stabilit6 de la rang6e distale par rap- port ~ la rang6e proximale. Si besoin la stabilisation est compl6t6e par un bro- chage scaphoi 'de-capitatum et/ou tri- quetrum-hamatum.

Les broches sont laissdes en place 8 semaines, associ6es fi une immobilisa- tion pl~tr6e antdbrachio-palmaire. Les fracture-luxations p6rilunaires qui rdsul- tent d 'un m6canisme identique sont trai- t6es par synth6se du scaphol'de et bro-

chage triquetro-lunaire. L' immobilisa- tion pl~tr6e est alors de 12 semaines. Ldsions de l'articulation radio-ulnaire

distale [2]. Les luxations et subluxa- tions de l'articulation radio-ulnaire dis- tale sont souvent m6connues en urgen- ce en dehors de la classique fracture de Ga leazz i . P o u r des r a i sons ana to - miques, 1' articulation radio-ulnaire dis- tale pr6sente un fort potentiel d'instabi- lit6 [31]. En position interm6diaire de prono-supination, la cavit6 sigmoi'de du radius s'articule avec 60 % de la pattie centrale de la surface articulaire de la t~te ulnaire. Par con t re lorsque les mouvements de pronation et de supina- tion s'effectuent ~ l'extr~me, seulement 10 % des surfaces respectives sont en contact. Les seuls 616ments solides de s tab i l i sa t ion sont cons t i tu6s par le fibrocartilage triangulaire et par le ten- don de l 'extenseur ulnaire du carpe [30, 31].

Les luxations et subluxations peu- vent 0tre dorsales ou palmaires. Lors- qu'elles sont dorsales, elles sont majo- r6es par les mouvements de pronation et r6duites par les mouvements de supi- nation et inversement pour les 16sions d6placement palmaire (fig. 8).

Tableau 2. Classification selon Palmer des 16sions traumatiques du fibrocar- tilage triangulaire

Classe 1 A : perforation centrale isol6e

Classe 1 B : avulsion ulnaire avec ou sans fracture de I'extr6mit6 distale de 1' ulna

Classe 1 C : avulsion distale (16sions du ligament ulno-triqu~tral et/ou du ligament ulno-lunaire)

Classe 1 D : avulsion radiale avec ou sans fracture de la cavit6 sigmoide

153

- L 'examen clinique de l 'art icula- tion s'effectue coude fl6chi pos6 sur la table, avant-bras vertical, face dorsale du poignet en regard de l 'examinateur. L ' instabi l i t6 est test6e en imprimant des mouvements de translation palmai- re et dorsale ~ la t~te de l 'ulna qui est p inc6e entre le pouce et l ' i n d e x de l 'examinateur, l 'autre main maintenant le radius.

- Seules les luxations completes ont une traduction radiologique franche : 61argissement de l 'espace interosseux et perte du chevauchement partiel entre t~te de l ' u lna et cavit6 sigmo~de du radius sur l ' incidence de face, d6saxa- tion de la t~te ulnaire sur le clich6 de profil. Le pibge radiologique est r6alis6 par un clich6 non strictement de profil qui donne une fausse image de d6saxa- tion. C 'es t pourquoi au moindre doute un examen tomodens i tom6t r ique en coupes transversales doit ~tre effectu6 dans les trois positions suivantes : pro- nation extreme, rotation neutre, supina- tion extrame [26].

En phase aigu~, les luxations et sub- luxations de l'articulation radio-ulnaire distale sont traitdes orthopddiquement par immobilisation pl~tr6e brachio-pal- maire durant 6 semaines, coude fl6chi 90 °, po igne t en pos i t i on neut re de f lexion-extension et d ' incl inaison, et position maximale de pronation ou de sup ina t ion se lon le d6p lacemen t . Lorsque la luxation ne peut atre r6duite orthop6diquement, il faut r6aliser soit un b rochage radio-ulnaire t ransversal l ' a i d e d ' u n e ou deux b r o ch es de 10/10~me mm introduites juste en proxi- mal de l'articulation radio-ulnaire dista- le, soit r6aliser un abord chimrgical [12]. L'abord dorso-m6dial permet d'exposer parfaitement l'articulation et d'effectuer la r6paration des 616ments 16s6s.

Autres ldsions ligamentaires. Beaucoup plus rares, eiles font encore l 'objet de controverses sur le plan physiopatholo- gique, d iagnos t i c et th6rapeut ique . Nous ne les discuterons pas.

Ldsions tendineuses

Les 16sions tendineuses traumatiques du poignet concernent essentiellement le

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tendon du muscle extenseur ulnaire du carpe. I1 s'agit de subluxations qui sur- viennent chez le sujet sportif au cours d 'un mouvement de supination forcre de l'avant-bras, subluxations lides ~ la rupture de la clcison ulnaire du 66me compartiment des extenseurs [38]. La symptomatologie est marqure par une sensation de ressaut lors des mouve- ments de supination, ressaut major6 par la flexion du poignet. Le traitement est chirurgical, selon la technique de Bur- khart [5] qui reconstitue une poulie de rrflexion tendineuse ~ l'aide d'une lan- guette de l igament rr t inaculaire des extenseurs.

Conclusion

Face a un poignet traumatique aigu, douloureux et impotent, le diagnostic est ais6 en cas de 16sion osseuse. I1 en est tout autrement en cas de bilan radio- graphique normal . L 'a t t en t i sme et l ' i m m o b i l i s a t i o n pl~trre d' 6preuve n'ont plus cours. Un examen clinique prrcis, un bilan radiographique dyna- mique doivent au minimum ~tre rdalisrs h la recherche d'une 16sion ligamentai- re. Le diagnostic drfinitif est souvent drtermin6 grace aux examens compld- mentaires performant que sont l'arthro- graphie et la t o m o d e n s i t o m r t r i e . L'arthroscopie du poignet associe dans un nombre non nrgligeable de cas 1' acte diagnost ique ~t l 'acte thrrapeutique.

Remerciement. Les auteurs tiennent 5 remercier Madame Claire Witt Deguillaume pour l'illustra- tion des figures 5 et 7.

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