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C’est au Pouvoir législatif que la Constitution de 1987 accorde la prééminence dans le régime politique. Non seulement le Parlement bicaméral conserve ses attributions législatives traditionnelles, il se voit accorder de nouvelles prérogatives dans sa fonction de surveillance du gouvernement. En somme, il a tous les avantages du régime parlementaire : questionner, interpeller les ministres, faire et défaire les gouvernements sans le principal frein : la dissolution.
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1
Au président de la République
Rapport sur la question constitutionnelle préparé par
Claude Moïse et Cary Hector
Chapitre premier: Constitution, constitutionnalisme et organisation des pouvoirs
publics
1. La Constitution– qu’est-ce à dire?
2. Constitutionnalisme et ordre libéral–démocratique
Chapitre 2 : Comprendre la Constitution de 1987
1. Les Enjeux de la production de la Constitution
2. La révolution institutionnelle
2.1 Un régime politique inédit: l’anti-présidentialisme
2.1.1 redéfinition du pouvoir exécutif
2.1.2 la puissance parlementaire
2.1.3 un régime d’assemblée (?)
2.1.4 le système des partis…
2.2 La conciliation, une idée neuve en politique haïtienne
Chapitre 3 : Entre la réalité politique et l’idéalisme démocratique:
un itinéraire chaotique (1987-2006)
1. 1987-1990: la perturbation des dispositions transitoires
2. 1991-1994: mauvais départ, coup d’État et débâcle institutionnelle
3. 1994-2000: une restauration manquée
4. les impasses électorales
[Tableau: Le Point sur la Constitution de 1987]
Chapitre 4 : Le Problématique de la Révision nécessaire de la Constitution de
1987
2
1. Révision et Amendements constitutionnels: acquis et perspectives en
Droit Constitutionnel
2. La tradition haïtienne jusqu’en 1987
3. Le casse-tête de la Constitution de 1987
3.1 Le cas du Titre XIII
Tableau de positionnement sur le Titre XIII
Chapitre 5 : Le dilemme constitutionnel ou la normalisation/institutionnalisation
du régime politique issu de la Constitution de 1987
1. Champs de Travail ‘’hors-dilemme’’
1.1 les redressements…
1.2 les lois d’application…
1.3 les institutions manquantes
2. Champs de problèmes structurels
2.1 le champ principal: le régime politique mi-présidentiel mi-
parlementaire et ses dysfonctionnements
2.2 le dysfonctionnement majeur…
2.3 dysfonctionnements induits
2.3.1 le processus de formation du gouvernement
2.3.2 le processus de nomination des Juges
2.3.3 la vacance présidentielle
3. Champs de ‘’problèmes spéciaux’’
3.1 Cour constitutionnelle? Tribunal Constitutionnel?
3.2 La demande de la double nationalité
Tableau de positionnement sur la double nationalité
3.3 La Décentralisation
3.4 Le dossier des Forces armées et la demande d’une nouvelle
Force Publique
CONCLUSION
Que faire? Recommandations
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
3
ANNEXES
LIMINAIRE
Depuis que le débat constitutionnel a été rouvert en l’année 2006, le questionnement qui
revient le plus souvent porte sur l’intention des promoteurs d’éventuels amendements et
sur les enjeux de l’opération. De fait, le président Préval, persuadé de la nécessité de
revisiter la Charte fondamentale, n’a pas attendu d’entrer en fonction pour consulter des
spécialistes et entreprendre des démarches auprès des forces politiques à cette fin. De ses
rencontres avec des associations et personnalités de la diaspora à l’occasion de ses
tournées à l’étranger, il a senti le besoin de chercher à répondre aux aspirations des
compatriotes expatriés à jouer un rôle à part entière dans la relance du processus de
développement national. Il lui a été renvoyé l’interdiction constitutionnelle de la double
nationalité comme un obstacle à leur participation. Ce qui nécessiterait un examen des
modalités d’amendements dont on connaît la complexité et les difficultés.
Au pays même, le problème ne s’est pas vraiment posé et dans le débat électoral et dans
l’évaluation conjoncturelle des questions nationales que le nouveau pouvoir aurait à
affronter. Il n’en reste pas moins que, de la pression de la diaspora à l’évaluation du
potentiel de confusion et de conflit de nombreuses clauses de la Constitution de 1987, le
chef de l’État a estimé nécessaire de profiter de la commémoration du 20ème anniversaire
pour convier à une réflexion approfondie sur la question constitutionnelle et soumettre la
Charte à un examen rigoureux.
Avant toute chose il convient, dans l’esprit du chef de l’État, d’aborder cette démarche
sous l’angle global de la vocation de la Constitution comme document premier de
référence dans la relance du processus de démocratisation. Dans la circonstance, il
importe de faire preuve de rigueur et de sérénité certes, mais surtout d’esprit d’ouverture -
condition nécessaire à la réussite de l’opération. Assumant sa responsabilité
4
constitutionnelle de garantir un fonctionnement harmonieux et durable des institutions
de l’État (article 136), le président de la République invite à tirer les enseignements des
péripéties de l’histoire constitutionnelle des vingt dernières années.
Il importe alors :
- D’assurer les meilleures conditions de l’instauration de l’État de droit et de la
gouvernabilité
- De vérifier dans quelle mesure les prescrits constitutionnels peuvent par leurs
formulations ou par l’articulation des pouvoirs créer des difficultés
- D’expliciter le dilemme constitutionnel et offrir des éléments de réflexion aux
acteurs sociaux et politiques pour une prise de conscience de la nécessité d’une
réforme minutieusement préparée.
L’opération enclenchée au mois de juin 2006 a donc pour but de solliciter l’attention des
forces vives du pays sur ce qu’il faut appeler le dilemme constitutionnel. Une analyse
sommaire du texte révèle qu’en dépit du principe de responsabilité défini à l’article 136 le
chef de l’État ne dispose pas d’instruments nécessaires pour faire face aux blocages
éventuels et à ce qu’en langage constitutionnaliste on appelle «l’état de nécessité».
De juin à septembre 2006, à l’initiative du président de la République, plusieurs
rencontres de réflexion et de sensibilisation ont été organisées avec des représentants de
différents secteurs sociaux, politiques et institutionnels, notamment les dirigeants de
partis politiques représentés au Parlement et des groupes de parlementaires. À l’approche
du 29 mars 2007 marquant le 20ème anniversaire de la ratification populaire de la
Constitution, un plan élargissant la consultation à de larges secteurs a été élaboré. En
fait, il s’agissait d’une invitation pressante à la réflexion sur la question constitutionnelle.
Ainsi les 1, 2 et 3 mars 2007 sept séances distinctes comprenant un exposé suivi de débats
ont été réalisées avec des membres du gouvernement, des dirigeants de partis politiques,
des parlementaires, des juges de la Cour de cassation et du Bâtonnier a.i. de l’Ordre des
avocats de Port-au-Prince, des représentants d’organisations syndicales, de ceux
5
d’organismes de droits humains, du secteur des universités et des étudiants, de celui des
organisations patronales et d’associations professionnelles.
Ces activités ont stimulé des interventions dans la presse, dans divers centres de réflexion
au pays et en diaspora. Plusieurs intervenants ont réagi en faisant parvenir au secrétariat
général de la présidence leurs analyses, points de vue et prises de position. Une première
phase de sensibilisation s’est donc achevée. Suite à toutes les démarches de consultation
précédant le 20ème anniversaire et aux séances de réflexion du mois de mars organisées au
palais, prenant en compte les réactions diverses et les contributions écrites parvenues à la
présidence, le président de la République a confié à un comité de travail le mandat de
1) procéder à un examen détaillé de la Charte de 1987 en vue de repérer les vides, les
incohérences, les défauts mécaniques de la machine et de définir le dilemme
constitutionnel
2) relever, classer et analyser les différentes contributions au débat constitutionnel en vue
de situer les grandes tendances
3) consulter, au besoin, des experts pour un approfondissement de la question
constitutionnelle
4) rédiger et présenter au président de la République un rapport contenant une analyse
complète de la constitution, les grandes orientations de l’opinion à ce sujet, les
propositions recueillies et les recommandations du comité.
Suite à une rencontre de mise au point avec le président René PRÉVAL, le comité s’est
mis en situation de concevoir, d’organiser et de rédiger le rapport dans le temps imparti à
cet effet (mai-juin). Le contenu du rapport est organisé comme suit :
Le premier chapitre offre une synthèse ad hoc de données générales relatives à la
problématique constitutionnelle comme telle afin de replacer notre démarche
6
dans l’univers contemporain du droit constitutionnel, du constitutionnalisme et de
l’organisation des pouvoirs publics.
Le chapitre deux constitue un rappel nécessaire non seulement de la genèse de la
constitution de 1987 et de ses enjeux mais aussi et surtout de la révolution
institutionnelle qu’elle a entreprise en élaborant un régime politique inédit dans
notre histoire constitutionnelle : un régime semi présidentiel et semi-
parlementaire, accompagné de certaines innovations, elles-aussi inédites.
Le chapitre trois fait le constat de la mise en œuvre de la Constitution à travers un
itinéraire chaotique de 1987 à 2006. Quatre périodes de crise et de redémarrage
auront imprégné cet itinéraire : 1987-1990 ; 1991-1994 ; 1994-2000; 2004-2006. A quoi
s’ajoutent les impasses électorales qui jalonnent l’ensemble de la période.
Le chapitre quatre aborde la question de la révision constitutionnelle sous deux
angles : « technique–constitutionnel » et « politique-institutionnel ». Dans la
première approche, il s’agit du casse-tête échafaudé par le titre XIII au sujet de la
procédure d’amendement de la charte de 1987. L’autre approche renvoie aux
questions de fond de la révision constitutionnelle éventuelle.
Le chapitre cinq traite de ces questions sous la rubrique du « dilemme
constitutionnel ». Nous touchons ici au cœur de la normalisation-
institutionnalisation du régime politique qui doit concrétiser l’ordre libéral-
démocratique consacré par la Constitution de 1987. Celle-ci ne saurait être
complète en l’absence des corrections, redressements ou éliminations des
dysfonctionnements identifiés. « Structurels », « induits » ou spéciaux, les
problèmes signalés commandent des solutions adéquates, consensuelles et
élaborées en connaissance de cause.
7
La conclusion établit une brève synthèse de nos constats ainsi que les prémisses
des recommandations qu’il nous incombe de formuler dans les limites de notre
mandat.
Un mot sur notre méthode de travail : Nous avons commencé par faire le point
sur les résultats des débats engagés à l’occasion du 20ème anniversaire de la
Constitution en référant à nos notes et aux nombreuses réactions écrites parvenues
au secrétariat général de la Présidence. Il nous a semblé par ailleurs qu’un retour
en arrière sur ce qui a été dit et fait dix ans plus tôt serait éclairant pour notre
travail. De fait, si les débats de 1997 n’ont pas eu la même intensité que ceux de
2007, ils ont révélé néanmoins le même dilemme constitutionnel qu’entraine
l’application de la Charte. Nous avons ensuite consulté diverses sources (travaux
d’experts, journaux, sites internet, etc.), échangé avec des citoyens concernés,
spécialistes ou non, puis compilé le plus de textes possible produits sur la
Constitution de 1987 qui a, du reste, déjà généré une substantielle littérature. Notre
plan et la rédaction du travail, inspirés du mandat qui nous est confié, procèdent
en partie des travaux de l’un des rédacteurs, Claude Moïse, notamment ses
différentes communications de circonstance et Une Constitution dans la
tourmente (1994). Nous avons pensé enfin à proposer à l’attention de notre
mandant, outre les indications bibliographiques, une sélection de textes
d’intervention susceptibles de rendre compte de l’éventail des positions sur la
question constitutionnelle aujourd’hui.
____________________ ___________________
Claude Moise Cary Hector
Historien Politologue
8
Chapitre premier
Constitution, constitutionnalisme et organisation des pouvoirs publics
En regard de nos 22 constitutions écrites de 1805 à 1987, il pourrait sembler saugrenu de
se demander: pourquoi une Constitution? Et d’abord: qu’est-ce qu’une Constitution?
Inutile de remonter aux origines des Constitutions en général et, singulièrement, à la
genèse et à la modernité des Constitutions écrites au cours des 18ème et 19ème siècles.
D’emblée, le constat s’impose, à savoir qu’une seule et même constante – évolutive certes
– les traverse toutes et leur sert de soubassement justificatif : la réglementation et
l’organisation du pouvoir politique et de sa dynamique, d’une part, entre les détenteurs du
pouvoir (les gouvernants) d’autre part, vis-à-vis des gouvernés (la communauté des
citoyens). A titre d’illustration dans le cas d’Haïti: une fois la distinction d’époque ou de
conjoncture nationale mise de côté, sur quelle autre base organique substantielle – sinon
celle du pouvoir – mettre en relation nos trois Constitutions les plus durables: celle de
1816 (27 ans), celle de 1889 (29 ans) et celle de 1987 (20 ans), pourtant l’une aussi différente
et distante de l’autre? Certes, des typologies ad hoc peuvent caser les Constitutions selon
des catégories analytiques plus ou moins englobantes (libéral / autocratique; réformiste /
révolutionnaire; réactionnaire / dictatorial, etc.). Toutefois, demeure irréductible leur
appartenance à une même motivation de fond et sur la longue durée, i.e. celle de la
pérennisation institutionnelle du pouvoir.
Dès lors, il est légitime, d’entrée de jeu, de rappeler en substance la nature historique du
document dénommé Constitution ainsi que son articulation au cadre institutionnel – le
Constitutionnalisme – qui le précède historiquement mais auquel il demeure intimement
lié, notamment en régime libéral – démocratique.
1. La Constitution – qu’est-ce à dire?
9
Pour aller à l’essentiel, constatons avec Gosselin et Filion (2007) que ‘’la constitution
établit un noyau de référents préalables (explicites ou implicites) qui déterminent la
structure des pouvoirs exercés par l’État et ses représentants publics. Elle cerne les
limites du cadre dans lequel se déroule la vie politique dans une société. C’est la loi des
lois ayant préséance sur les autres lois et règles instituées par les instances étatiques,
servant de par ce statut à encadrer le pouvoir politique, à faire exister l’État en tant
qu’entité supérieure indépendante des détenteurs particuliers du pouvoir.‘’
Complétons cette définition avec cette hypothèse de Mirlande Manigat (2000): ‘’(…) toute
Constitution a sa raison d’être parce qu’elle se rapporte à une réalité sociopolitique
organisée dont elle reflète ou pas les contours et les aspirations et sur laquelle elle agit.
Elle établit un enchaînement de rapports entre divers éléments de cette société, entre les
hommes pris individuellement (liberté, droits fondamentaux). De même elle véhicule un
certain nombre de symboles (langues, drapeau, hymne national). Enfin, elle fait la part,
en un dosage varié selon les époques, des impulsions internes et des emprunts extérieurs,
en terme de principes de base et de mécanismes institutionnels’’.
Baptisée ici et là Loi-mère, Loi fondamentale, Instrument de gouvernement, etc.,
la Constitution peut-être appréhendée, selon la tradition du droit constitutionnel, au sens
matériel et au sens formel ou organique. Dans le premier cas, il s’agit de son contenu, i.e.
«de toutes les règles relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir». Dans le second
cas, il s’agit des règles qui, «soit ont reçu une forme distincte, (…) soit ont été édictées ou
ne peuvent être révisées que par un organe spécifique (…), soit ont été édictées ou ne
peuvent être révisées que selon une procédure spécifique» (Pactet, 1997). A l’évidence,
l’approche formelle commande la problématique de la révision constitutionnelle. D’elle
découle la distinction courante entre Constitution souple (révision par les organes et selon
les procédures servant à l’adoption des lois ordinaires) et Constitution rigide, i.e. ne
pouvant être révisée que par un organe distinct et selon une procédure différente de celle
utilisée pour les lois ordinaires. En ce sens, toutes les Constitutions (écrites) sont plus ou
moins rigides, selon leurs modalités respectives de révision.
10
Cela dit, les considérations précédentes nous permettent de consigner
immédiatement qu’une Constitution n’est pas donnée une fois pour toutes. Comme le
rappelle Pactet, «les constitutions sont matière vivante : elles naissent, vivent, subissent
les déformations de la vie politique, sont l’objet de révisions plus ou moins importantes, et
peuvent disparaître». Notre propre histoire constitutionnelle en témoigne de manière
saisissante. Elle témoigne aussi d’une autre quête, incertaine depuis notre accession à la
souveraineté nationale et encore insatisfaite pleinement jusqu’à ce jour, à savoir
l’articulation durable de la donnée constitutionnelle à la raison constitutionnaliste,
entendue comme l’observance et le respect renouvelé des règles du jeu (démocratique) et
de l’État de droit dans la pratique du pouvoir politique. En d’autres termes, l’existence
d’une constitution écrite n’est pas identique ou assimilable d’emblée à l’enracinement du
constitutionnalisme, tel que légué historiquement.
2. Constitutionnalisme et ordre libéral – démocratique
On connaît la célèbre formule de Montesquieu dans L’Esprit des lois : «le pouvoir arrête
le pouvoir’». Cette formule est au cœur de la doctrine de la ‘’séparation des pouvoirs’’ qui
constitue le fondement du Constitutionnalisme moderne depuis la fin du 18ème siècle.
L’État constitutionnel qui y prend sa source repose sur le principe du partage du pouvoir.
Ce partage existe quand divers détenteurs indépendants/autonomes ou organes étatiques
sont partie prenante de l’exercice du pouvoir politique ou de la formation de la volonté
étatique. Parce que partagé, l’exercice du pouvoir politique est nécessairement soumis à
des contrôles. Enfin, historiquement, cette doctrine de la ‘’séparation des pouvoirs’’ aura
servi de levier au libéralisme politique émergent pour limiter voire tenir en échec
l’absolutisme monarchique ou de droit divin. D’où la constitution progressive de
nouvelles formes de gouvernement (monarchie constitutionnelle, parlementarisme,
présidentialisme) comme conséquence directe des luttes et mouvements
constitutionnalistes.
Le politologue et constitutionnaliste germano – américain, Karl Löwenstein (1959,
2000), à qui nous empruntons les éléments de ce rappel à vol d’oiseau, fait remarquer à
juste titre qu’à l’époque contemporaine (au plus tard depuis la fin de la 2ème guerre
11
mondiale), la formulation ‘’classique’’ de la séparation des pouvoirs s’avère ‘’dépassée’’ et
éloignée de la réalité des transformations survenues au sein des régimes politiques qui en
ont émané. Il propose plutôt de mettre l’accent sur la répartition et la distribution des
fonctions étatiques parmi différents organes de l’État. Il s’agit en somme d’une
formulation qui traduit la nécessité de l’exercice partagé et mutuellement contrôlé du
pouvoir politique. Intégration, Autonomie, Coopération, telles sont les principales
techniques d’exercice et de contrôle du pouvoir politique. Celles-ci ont pour ancrage
décisif la capacité de mettre en valeur et d’imposer la responsabilité politique comme
acquis du constitutionnalisme moderne (par exemple, le «vote de défiance constructif»
prévu dans la Constitution de la République Fédérale d’Allemagne). Vu sous cet angle, le
Constitutionnalisme sert à promouvoir positivement le déroulement du processus
politique et non à y faire obstacle unilatéralement (obstructions, abus de pouvoir, etc.).
Il est vrai que nombre de politologues et de juristes attirent l’attention sur un autre aspect
non moins important du constitutionalisme : La seule existence d'une constitution ne
porte pas en germe les éléments de solution aux problèmes sociaux et politiques auxquels
la production de cette constitution est censée répondre. Document juridique, une
constitution est tout autant un fait politique, le produit de rapports de forces
épisodiquement réajustés, remis en question, reconstitués. Son histoire participe de la
dynamique sociopolitique. D’où le rappel fréquent à prendre en compte cet autre aspect
de la réalité constitutionnelle sous forme de mise en garde contre l'idéalisme des juristes.
Selon Octavio Paz, on retrouve pour toute l’Amérique latine, ce « divorce entre la réalité
légale et la réalité politique.»
Dans Questions haïtiennes1. Frédéric Marcelin s'amuse à relever, par exemple, les
grossières contradictions entre les textes légaux et les pratiques politiques. Il donne en
exemple le statut des étrangers que les dispositions constitutionnelles et légales
établissent en vue de protéger les intérêts nationaux mais qui «aboutissent, dans la
pratique des relations de pays dominants à pays dominés, à la surprotection des étrangers
et à la non protection des Haïtiens. L'auteur parle du «choc comique du rêve et de la
réalité», c'est-à-dire celui de la constitution idéale qui garantit toutes les libertés civiles et
1 Questions haïtiennes, Paris Kugelmann, 1891, p. 106 et suiv.
12
de la réalité politique où l'on assiste impuissant à la confiscation de tous les pouvoirs par
le despote.»
Signalons enfin l’observation du constitutionnaliste français, Maurice Duverger,
déplorant que «trop souvent... les constitutions écrites sont l'œuvre de réformateurs en
chambre, plus soucieux d'un subtil agencement théorique que d'une efficacité pratique.
Les institutions qu'elles créent sont des architectures harmonieuses mais artificielles qui
ne correspondent pas aux besoins réels du pays qu'il s'agit de «constituer. »2
L’on aura compris qu’il s’agit là de quelques grands paramètres d’identification et
d’orientation du constitutionnalisme. Leur traduction en pratiques concrètes de régimes
politiques spécifiques a varié à travers le temps et l’espace, pour des raisons de parenté,
de proximité, d’interpénétration ou au contraire de différenciation historique, culturelle,
idéologique et politique. Il en est ainsi notamment des diverses variantes du
parlementarisme et du présidentialisme à partir de la matrice-souche originaire
respectivement de la Grande-Bretagne et des États-Unis d’Amérique.
Surgissant au confluent des révolutions américaine et française, Haïti n’aura pas su
ou pu échapper à la tension infructueuse (et renouvelée) entre, d’une part, la quête /
conquête du pouvoir et son affirmation formelle (Constitutions) et, d’autre part,
l’enracinement de ce pouvoir par la pratique partagée de son exercice consensuel et
responsable (constitutionnalisme). L’Empire, la Monarchie et la République
présidentielle velléitaire – autoritaire se sont partagé notre 19ème siècle incertain. Au
tournant du 20ème siècle, celle-ci se désagrège pour être ensuite prise sous tutelle par
l’Occupation américaine qui lui imposera la Constitution de 1918 jusqu’en 1932. De 1935 à
1946 s’étale le ‘’despotisme présidentiel’’ (C. Moïse) avec ses formes assumées et
imposées de diktats répressifs voire sectaires et caricaturaux. Interviennent onze ans
(1946-1957) de présidentialisme hybride (libéral – autoritaire – dictatorial), singulièrement
taraudé par la question de la pérennité du pouvoir. Puis l’autocratie sanguinaire sans fard
et la présidence à vie pendant 29 ans jusqu’à la nouvelle éclaircie de 1986. La Constitution
de 1987 fait certes le choix transparent et tranché du pouvoir libéral-démocratique mais
2 Les Constitutions de la France, Paris P.U.F., 1964
13
enferme ce dernier dans une pratique hybride incertaine mi-présidentielle mi-
parlementaire. D’où le malaise constitutionnaliste de 1987 à nos jours, avec ses crises
latentes et récurrentes.
Chapitre 2
Comprendre la Constitution de 1987
« Pour saisir dans son esprit le droit constitutionnel d’un pays, il faut avant
tout déterminer les circonstances historiques dans lesquelles sont nées ses
prescriptions, l’intention de leurs auteurs et les déformations auxquelles a donné
lieu leur mise en pratique.» (Mirkine-Guetzevitch, Bernard : Les Constitutions
des Nations américaines)
L’histoire des constitutions haïtiennes est riche en enseignements. La Charte de
1987 ne le cède en rien à celles qui, prenant naissance dans de grandes conjonctures de
crise, ont connu une existence tumultueuse. On serait tenté de dire qu’à sa vingtième
année d’existence elle résiste bien aux convulsions sociopolitiques, à l’instar de l’une de
14
ses devancières, celle de 1889. Cette référence n’indique pas notre intention
d’entreprendre une histoire comparée de nos constitutions, mais elle annonce que
l’évocation de précédents historiques nous sera parfois nécessaire pour éclairer le
constitutionnalisme haïtien aujourd’hui.
Il y a plusieurs angles sous lesquels on peut aborder l'étude d'une constitution. On peut
en faire l'histoire, c.-à-d. rechercher les origines et les circonstances de sa production,
suivre son développement et les péripéties de son existence jusqu'à sa mort. On peut
l'examiner comme un fait politique majeur dans une conjoncture historique, c.-à-d.
comprendre et interpréter les enjeux qui accompagnent le processus de sa production et
le jeu des intérêts des différents acteurs qui y sont associés. On peut tout simplement
décrire ses éléments constitutifs, en démonter le mécanisme et mettre au jour sa logique
interne. Toutes ces approches ont déjà été faites par plusieurs auteurs dans différents
essais sur les constitutions haïtiennes. Elles ne s'excluent pas l'une l'autre. Ici, il est
encore question de tout cela, mais à une échelle beaucoup plus réduite. Il faut donc situer
la Constitution de 1987 dans le contexte de l’histoire, suivre sa trajectoire depuis sa
promulgation et procéder à un travail d'explication du contenu de la Charte de 1987 de
telle sorte que par la clarification de ses mécanismes internes on ait ici l'occasion de
réfléchir sur cet important phénomène politique qui a marqué la conjoncture de crise
sociale et politique dans laquelle se débat notre pays depuis 1986.
Des auteurs, essayistes, juristes, constitutionnalistes et politiques ont examiné la
constitution en vigueur sous plusieurs angles. Témoin de l’intérêt qu’elle suscite : les
nombreuses analyses auxquelles elle a donné lieu certes, mais aussi les interprétations
multiples et passionnées et les combats politiques qui en ont fait un phénomène
marquant de notre histoire politique immédiate, celle qui commence avec la chute de la
dictature en 1986 et qui se prolonge encore à travers les avatars des luttes politiques. Et
l’on n’aura pas fini de la solliciter si on la considère comme le principal instrument d’une
normalisation institutionnelle efficace, comme le modèle opérationnel exemplaire pour
l’instauration de l’État de droit et de la démocratie dite participative.
La Constitution de 1987 a été adoptée il y a vingt ans, mais – il est important de le
rappeler – cela ne correspond pas à vingt ans d’application continue. Elle a connu
15
beaucoup d’épreuves à travers les rebondissements des crises de conjoncture successives
à la chute de la dictature, servant tantôt d’instrument des luttes infernales de pouvoir,
tantôt de recours par excellence aux défenseurs des droits fondamentaux. Quel que soit
l’état dans lequel elle subsiste aujourd’hui, la Charte de 1987 constitue l’arme principale
des combattants de la démocratie en Haïti. C’est elle qui définit l’organisation de l’État,
fixe un cadre à la vie politique dont il établit le rythme. Quoi qu’on en dise, elle n’est pas
un décor mais une donnée concrète de l’histoire récente et de la vie politique actuelle. Par
le fait de son existence, même et surtout avec ses failles, ses points d’ombre, ses
dispositions utopiques et ses imperfections, elle pose des problèmes concrets
d’aménagement et de légitimation des pouvoirs. On comprend dès lors que, vue d’un
certain angle, historique et politique, la mise en contexte constitutionnel du régime de
droit démocratique en Haïti appelle divers ordres de considération se rapportant à la fois
au contenu même de la Constitution, aux péripéties de son application, aux enjeux qui
ont accompagné le processus de sa production et au jeu des acteurs qui y sont associés.
1 -Les Enjeux de la production de la Constitution
Avec le départ de Duvalier le 7 février 1986 il n’y a pas que des problèmes pratiques
de succession à régler. Sur ce point des avancées sont faites. Le Conseil National de
Gouvernement (CNG), fruit d’un compromis politique, assure la gestion provisoire de
l’État en attendant la reconstitution d’un gouvernement définitif. Pressé par les forces
politiques, il établira en juin 1986 un calendrier de mesures échelonnées sur dix-huit mois
dont le vote d’une nouvelle constitution et des élections générales constituent les
principales étapes. À l’exception des radicaux de gauche qui préconisent le nettoyage de
la scène politique avant de procéder à la normalisation, il est admis que cette
reconstitution doit être entreprise sans délai et ne peut se faire sur la base des créations
constitutionnelles successives imposées par les Duvalier.
Ce problème ne relève pas de la spéculation théorique mais d’un impératif
conjoncturel auquel on répond en fonction des dispositifs de forces sur l’échiquier
politique. Les exemples historiques abondent qui montrent bien la place de la production
constitutionnelle dans les luttes de pouvoir en Haïti. Dans l’histoire politique
16
contemporaine de 1930 à 1956, les mouvements de contestation qui ont abouti au
renversement d’un président ont tous été ponctués par une réforme constitutionnelle :
1932, 1946, 1950, 1957. Ce qui est spécifique à 1986 et qui va au-delà d’un simple
renversement de gouvernement, c’est l’ampleur de la crise de l’État en conjugaison avec
un vaste mouvement social porteur de multiples revendications. Le nouveau projet
démocratique qui s’en inspire est sans doute confus, mais il sature à ce point le paysage
que l’Assemblée constituante de 1986 dont l’origine démocratique est contestée ne
pourrait contourner ses exigences.
Paradoxalement, c’est dans un climat serein sinon dans l’indifférence populaire
que se déroulèrent les travaux de la Constituante (décembre 1986-mars 1987). Pendant
cette période tourmentée on n’a pas enregistré de mouvements de foule vers celle-ci. Les
citoyens furent d’ailleurs peu nombreux (quatre pour cent) à se déplacer pour l’élection
des constituants en novembre 1986. Toutefois le militantisme d’organisations de la société
civile et du mouvement démocratique a submergé l’assemblée qui résonna de la
revendication de «changer l’État». Il fallait élaborer un nouveau régime politique qui en
finisse avec le présidentialisme haïtien. Ce qui faisait recette cependant dans les milieux
populaires, c’était l’anti duvaliérisme, le déchoucage des macoutes. Il a fallu attendre la
toute fin des travaux pour voir se manifester une certaine ferveur constitutionnelle dans
une grande partie de la population, et ce, grâce à l’introduction de l’article 291 qui, à
l’évidence, visait à écarter les ténors duvaliéristes des prochaines compétitions électorales.
Le référendum de ratification le 29 mars était jour de fête, un moment d’enthousiasme
collectif dans une ambiance de défi aux duvaliéristes et aux militaires.
Le ton est ainsi donné. Il faut barrer la route non seulement aux duvaliéristes, mais
encore à tous les politiciens traditionnels, suppôts de la dictature ou adversaires du
changement. La Constitution est brandie comme un étendard et le Conseil Électoral
Provisoire (CEP) présenté comme le rempart à leur opposer, comme l’avant-garde
institutionnelle du mouvement démocratique. Le mouvement d’opinion est à ce point
irrésistible que le Conseil National de Gouvernement (CNG), hostile à ce secteur, n’ose
pas rejeter l’œuvre des constituants. En dépit de son mauvais vouloir, il doit se résigner à
promulguer la Charte. Le gouvernement provisoire, dominé par les militaires, va affronter
les forces du mouvement démocratique sur les premières mesures d’application de la
Constitution se rapportant aux élections.
17
L’enjeu principal se situe donc entre la continuité et le changement, entre le
maintien de la tradition et l’exigence d’une réforme radicale de l’État. À première vue, les
différents courants passent à travers deux grands blocs antagonistes qui recoupent deux
grandes visions de l’Haïti post dictatoriale. En arrière-plan cependant, dans chaque camp
grouillent des groupes et des forces aux intérêts divers, enchevêtrés, confus, inavoués
pour lesquels la conquête du pouvoir d’État est un enjeu capital. Dans ce contexte, la
Constitution de 1987 marque une rupture et fait problème, en ce sens qu’elle modifie les
rapports entre les différents pouvoirs, crée de nouvelles institutions, redéfinit les règles du
jeu et tout un nouveau mode d’accès à la direction de l’État dont il faudra désormais tenir
compte. Les acteurs, quelles que soient leurs intentions et leurs motivations, sont obligés
de se positionner par rapport au texte et à la forme institutionnelle du nouvel État, quitte
à le caricaturer et à le manipuler pour n’en faire qu’un instrument de leur pouvoir. On
peut facilement imaginer que la réforme radicale de l’État, pour peu qu’elle soit vraiment
assumée, s’annonce longue, complexe et coûteuse.
2 - La révolution institutionnelle
C’est dans ce contexte que se situent concrètement et le problème de la réforme
constitutionnelle et celui plus large de la normalisation post-dictatoriale que la société
haïtienne peine à instaurer.
En confirmant les exigences de l’époque, le nouveau régime constitutionnel, en rupture
avec la tradition haïtienne vise non seulement à dresser un rempart contre la résurgence
institutionnelle du duvaliérisme, à faire échec au courant présidentialiste traditionnel,
mais encore à créer un cadre de décentralisation et de participation pour mettre le pouvoir
à la portée des citoyens. D’où les principes directeurs suivants qui, à notre avis, ont
présidé à l'élaboration de la nouvelle charte :
1) Rendre concrète l'expression de la souveraineté populaire par la création
d'assemblées élues à tous les niveaux de pouvoir, de la section communale à l'État
central.
18
2) Repenser le Pouvoir Exécutif désormais constitué de deux paliers, le président
de la République et le gouvernement dirigé par le Premier ministre.
3) Transférer certains pouvoirs habituellement détenus par l'Exécutif à d'autres
instances ou à des organismes indépendants.
4) Redéfinir certaines attributions du président de la République de telle sorte qu'il
les partage, tantôt avec le gouvernement, tantôt avec le Sénat, tantôt avec l'Assemblée
Nationale et parfois avec les assemblées territoriales.
5) Élargir les champs de compétence du Parlement dont le contrôle sur le Pouvoir
Exécutif est renforcé.
6) Réaffirmer l'autonomie des collectivités territoriales et les prémunir contre toute
tentation dominatrice du pouvoir central.
Des institutions créées ou remodelées sur cette base prend naissance un nouveau
régime politique que le pays enfoncé depuis plus de vingt ans d'une interminable crise de
transition ne parvient pas encore à instituer.
2.1 – Un régime politique inédit : l’anti présidentialisme.
Si elle n’innove pas au chapitre des droits, la Constitution les élargit
considérablement au domaine social. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est le nouveau régime
politique qu’elle induit, les nouvelles règles qu’elle impose dans la logique de la victoire
contre la dictature. C’est bien là la question de fond de la nouvelle Charte comme cela l’a
été tout au cours de notre histoire, depuis 1804. La succession des régimes
constitutionnels et les nombreuses corrections de circonstance qu’on y apporte
témoignent de la recherche inlassable de formes institutionnelles d’équilibre entre les
forces politiques. Mais, à bien des égards, on aboutit à deux grandes variantes du régime
présidentiel. On peut parler aujourd’hui de révolution institutionnelle lorsque l’on
considère les innovations de la Charte de 1987. Celles-ci projettent un régime politique
tout à fait inédit en Haïti, dont on retient de manière globale et diffuse les éléments les
plus frappants, comme par exemple le Premier ministre, le CEP, les CASEC. On doit
noter toutefois que l’opinion publique a fini par se familiariser avec ces nouvelles
19
créations, comme avec la présence des partis politiques, non par appropriation éprouvée
de la nouvelle mécanique des pouvoirs mais à force de tribulations et d’avatars.
2.1.1 – Redéfinition du pouvoir exécutif
À bien considérer ce régime politique, œuvre d’une époque d’exaltation
antidictatoriale dont les constituants ont naturellement été imprégnés3, on se rend compte
que la cible principale est le président de la République. Jadis omnipotent, celui-ci est
maintenant dessaisi des pouvoirs combinés traditionnels de chef de l’État et de chef du
gouvernement. Il n’est plus le pivot du régime politique. Au niveau de l’Exécutif, la
redistribution des attributions entre le président et le Premier ministre et le mode de
formation du gouvernement procèdent de la logique du régime parlementaire, ou plutôt
semi parlementaire, sans les contreparties habituelles dont est dotée la fonction du chef
de l’État. Par exemple, l’article 136 charge ce dernier de veiller «au respect et à l’exécution
de la Constitution et à la stabilité des institutions», d’assurer «le fonctionnement régulier
des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.» Sans le dire expressément, il fait de
lui un arbitre. Cette clause empruntée, presque mot pour mot, à la Constitution française
actuellement en vigueur (article 5) n’est pas complétée par des dispositions qui auraient
permis au chef de l’État haïtien de remplir sa mission à l’égal de son émule français : le
pouvoir de dissolution du Parlement et le recours au Conseil constitutionnel par exemple.
2.1.2 – La puissance parlementaire
C’est au Pouvoir législatif que la Constitution de 1987 accorde la prééminence dans
le régime politique. Non seulement le Parlement bicaméral conserve ses attributions
législatives traditionnelles, il se voit accorder de nouvelles prérogatives dans sa fonction
de surveillance du gouvernement. En somme, il a tous les avantages du régime
parlementaire : questionner, interpeller les ministres, faire et défaire les gouvernements
sans le principal frein : la dissolution. En complément, le Sénat est doté de pouvoirs
3 Voir Dr Georges Michel : La Constitution de 1987 : Souvenirs d’un Constituant. Les Presses de l’imprimerie
Natal, Port-au-Prince, 1992.
20
immenses comparables à ceux du Sénat américain. Par contre, les pouvoirs du président
haïtien sont loin d’être aussi étendus que ceux de son collègue des États-Unis.
En plus de la puissance parlementaire qui en impose à l’Exécutif, il faut prendre
en compte les institutions indépendantes qui héritent de certaines attributions autrefois
réservées à l’Exécutif. Parmi elles le Conseil Électoral Permanent (CEP) occupe une place
privilégiée. Chargé de toutes les opérations électorales sur le territoire de la République,
il se retrouve au cœur d’une zone sensible du pouvoir d’État. Il faut également considérer
l’architecture des collectivités territoriales articulées en quatre niveaux d’autonomie
relative de la base au sommet de l’État (des CASEC/ASEC au Conseil
interdépartemental) et détentrices de prérogatives propres comme la participation à la
nomination des juges et à la formation du CEP.
2.1.3 – Un régime hybride
Le nouveau régime s’apparente à un régime d’assemblée par la large place faite
aux assemblées élues considérées comme les moteurs de la démocratisation du système
politique et comme cadre institutionnel de son fonctionnement. Somme toute, c’est un
régime constitutionnel hybride qui combine des éléments divers des régimes américain et
français avec des ingrédients de la démocratie dite participative tout en puisant dans la
doctrine constitutionnelle haïtienne. Ce qui ne va pas sans conséquence dans une société
fortement ancrée dans des traditions autoritaires et périodiquement traversée par des
éruptions anarchiques.
Plusieurs autres dispositions peuvent être citées qui témoignent de la part des
constituants de 1987 de la volonté de tenir compte des leçons de l’histoire. Par exemple,
l’interdiction de modifier la Constitution par voie de référendum est sans nul doute le
résultat de méditation sur l’usage que dans le passé on a fait de cet instrument,
notamment sous l’occupation américaine en 1918, sous la présidence de Vincent en 1935,
au cours du règne des Duvalier en 1964, 1971 et 1985. Cette interdiction est par ailleurs
assortie d’une procédure d’amendements parsemée d’obstacles pratiquement
infranchissables.
Malgré toutes les précautions et le rempart érigé contre le présidentialisme, le
président de la République, élu au suffrage universel, n’apparaît pas comme une fonction
21
purement honorifique. La Charte lui reconnaît des compétences et des privilèges :
nomination à certaines fonctions, participation au choix des ministres, présidence du
Conseil des ministres, droit d’objection, promulgation des lois, etc. Il doit cependant les
exercer en tenant compte des obligations de partage avec d’autres instances qui tirent leur
légitimité soit du suffrage populaire (le Sénat, les collectivités territoriales), soit d’une
procédure échappant au pouvoir discrétionnaire qu’il détenait avant 1987 (la formation du
gouvernement). Sans être comme jadis le pivot du régime, il est quand même en relation
fonctionnelle avec toutes les institutions : le gouvernement, les Chambres législatives, les
instances du pouvoir judiciaire, les collectivités territoriales, les organismes autonomes.
Le schéma organisationnel ci-dessous suggère l’architecture du nouveau régime où l’on
voit s’emboîter de bas en haut les niveaux de pouvoir
Autre point – qui n’est pas un détail – le président de la République est le seul élu au
suffrage universel à l’échelle nationale. Réalise-t-on l’inconséquence de ceux qui
combattent le présidentialisme et qui ne s’aperçoivent même pas qu’ils ont mis en place
un instrument qui fait de ce personnage le seul élu qui puisse revendiquer une légitimité
populaire totale?
On examinera plus loin les implications politiques et organisationnelles, les
dysfonctionnements induits du nouveau régime politique. Signalons tout de suite que
l’extension et le renforcement des pouvoirs des institutions indépendantes et des
collectivités territoriales sont susceptibles de modifier considérablement les données de la
lutte politique.
22
Conseil
départemental
Tribunaux
spéciaux
Tribunaux de
1ère
instance
Cour d’appel
1- Section
communale 2- Commune 3- Arrondissement 4 - Département 5- État central
L’ORGANISATION DES POUVOIRS
DANS LA CONSTITUTION DE 1987
POUVOIR EXÉCUTIF POUVOIR JUDICIAIRE POUVOIR LÉGISLATIF
Chambre des députés Sénat Président de la République Cour de cassation
GOUVERNEMENT
Premier ministre
Ministres
Secrétaires d’État
Assemblée nationale
Commissions
parlementaires
INSTITUTIONS INDÉPENDANTES
1. Conseil électoral permanent
2. Cour supérieure des Comptes
et du Contentieux administratif
3. Commission de conciliation
4. Protection du citoyen
5. Université, académie
6. Institut national de la réforme
agraire
Commissions
parlementaires
Commissions
parlementaires
Conseil
interdépartemental
Délégué départemental
Assemblée
départementale
Vice Délégué Arrondissement
Conseil
municipal
Commune Assemblée
municipale
CASEC
Conseil
d’administration
Section
communale ASEC
Assemblée
Tribunaux
de paix
COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES
Niveaux de
pouvoir
1-
2-
4-
3-
5-
23
2.1.4 Le système des partis, rouage essentiel du régime politique
La place éminente accordée aux partis dans le régime politique est une
innovation de la Constitution de 1987. Leur reconnaissance légale date de 1946. Mais
il n’était question que de la reconnaissance constitutionnelle d'un droit; on
n’envisagea point de les intégrer au fonctionnement du système. En 1985, en pleine
période de contestation, Jean-Claude Duvalier dut leur concéder une place dans ses
réformes. Ce qui témoignait du chemin parcouru dans le combat anti-duvaliériste
pour le pluralisme politique.
Dans la Constitution de 1987, les partis politiques sont reconnus comme un
rouage du nouveau régime. Non seulement ils contribuent à l'expression du
suffrage (article 31.1), mais encore, ils sont appelés à jouer un rôle majeur dans la
formation du gouvernement (art. 137) et conséquemment à marquer les travaux
parlementaires. Rien n’interdit qu’ils imprègnent l'orientation des activités des
conseils et assemblées des communes et des départements dans la mesure, bien
entendu, où ils existent effectivement. Dans les récentes «lois électorales», des
dispositions portant sur les conditions d’éligibilité à la présidence et au Parlement,
sur les modalités d’acceptation des candidatures, sur le contrôle du processus
électoral, favorisent très nettement les partis ou regroupements politiques au
détriment des candidats indépendants. Le but visé est de minimiser les effets de la
prolifération incontrôlée des candidatures, phénomène connu en période de crise de
conjoncture.
Sans doute, l’enracinement des partis dans la société politique n'est pas
encore acquis. Notre histoire révèle que sous ce vocable, nous n’avions eu à faire -
sauf quelques rares exceptions - qu'à des forces électorales autour d'une
personnalité émergeant en période de crise de succession et disparaissant sans
laisser de trace après l’avènement d’un nouveau président. Mais les choses
changent et on s’habitue aux étiquettes dans les compétitions électorales. Les
dernières, celles de 2006-2007, laissent entrevoir, en dépit du faible degré
d’enracinement des partis, que ces derniers peuvent à la longue marquer la vie
politique, notamment par leur rôle moteur au sein du Corps législatif via les
groupes parlementaires étiquetés.
24
Si institutionnellement c’est le Parlement qui détient les pouvoirs (ceux de légiférer,
de donner l’investiture au gouvernement et de le contrôler), ce sont les partis politiques
qui mènent. Les partis dominants peuvent ainsi combiner tous les pouvoirs par leurs
représentants dans les Chambres ou ailleurs. Le régime est conçu et aménagé de telle
façon qu’un parti majoritaire dans les deux chambres et dans les collectivités territoriales
dispose de tous les leviers de pouvoir et des instruments constitutionnels pour appliquer
sa propre politique. Sans contrepartie ni possibilité de recours sauf par la rue. Les lois
qu’il fera voter, les règlements et mesures qu’il fera prendre conformément aux
procédures sont d’application stricte, quel que soit leur degré de légitimité ou de
scélératesse. La situation extrême d’un parti largement dominant faisant élire le président
de la République et donnant naissance à un Parlement monocolore est également
envisageable. Dans ce cas, sa puissance est sans limite. Outre le monopole de la
législation et de la formation du gouvernement, le Sénat qu’il contrôle a le pouvoir de
nommer directement les membres de la CSPC/CA, indirectement ceux de la Cour de
cassation, jouit du privilège de confirmer ou de rejeter la nomination des ambassadeurs et
consuls généraux de même que celle des commandants en chef de l’armée et de la police.
Enfin, par le biais des collectivités territoriales, ce parti dominant se situe à l’origine de la
formation du CEP, de la nomination des juges à tous les niveaux. Telle est la logique du
nouveau régime politique.
Tout cela semble bien théorique, mais pas tant que cela. La courte histoire des
rapports de pouvoir issus du régime constitutionnel de 1987 comporte bien des
enseignements sur la capacité de blocage des Chambres, sur l’utilisation des
incohérences et vides constitutionnels dans les luttes de pouvoir. Référons-nous à tout ce
qui s’est produit depuis 1991 au sein du Parlement et dans l’exercice du Pouvoir exécutif.
Par exemple, la crise de 1997-2000 n’invalide pas la théorie. Elle a montré à quel
point l’utilisation de la puissance parlementaire par un parti pouvait être stérile et
paralysante. L’expérience 2000/2004 d’un Parlement à 100% lavalas n’infirme pas non plus
la théorie. Si on l’avait laissée aller sans une remise en question tenace de la légitimité des
élus (mal élus), on ne sait pas ce que cela aurait donné : dictature légale d’un parti
25
omnipotent occupant tous les espaces de pouvoir, gabegie administrative ou corruption
débridée. Comme l’énergie lavalas a été accaparée par la recherche de la légitimité mise
en cause par des forces extra-institutionnelles (communauté internationale, classe
politique et société civile), le parti aristidien n’a pas réussi la normalisation souhaitée et a
lamentablement échoué.
2.2 - La Conciliation, une idée neuve en politique haïtienne
Les constituants devaient bien se douter du potentiel conflictuel de ce maillage
institutionnel qu’ils venaient de tisser. Aussi s’empressèrent-ils de le compléter par une
Commission de Conciliation (CC) composée des représentants du Gouvernement, du
Parlement, de la Cour de Cassation et du CEP et «appelée à trancher les différends qui
opposent le Pouvoir exécutif et le Pouvoir législatif ou les deux branches du Pouvoir
législatif» (article 206). Cette nouvelle institution répond à une évidente nécessité, celle de
prévenir le blocage de la mécanique du pouvoir. En lieu et place de la dissolution du
Parlement, elle met à la disposition des pouvoirs politiques un mode de résolution des
conflits qui soit en même temps un espace de négociations et de compromis. Les articles
111-5, 111-6, 111-7 qui en indiquent le fonctionnement par étapes font apparaître la Cour de
Cassation dans un rôle d’arbitre ultime. Toutefois, on doit se demander comment
concilier ces clauses avec l’article 136 précédemment cité qui, exprimé en termes de
généralité, inciterait le chef de l’État à l’invoquer dans toute situation menaçante pour la
«stabilité des institutions … le fonctionnement régulier des pouvoirs publics … ainsi que
la continuité de l’État.» L’arbitrage de la Cour de Cassation dans cette circonstance est
forcément politique.
L’idée d’une commission de conciliation est très intéressante. Elle nous apparaît
essentiellement volontariste cependant. Le fonctionnement effectif et les résultats
équitables attendus d’une telle institution présupposent de la part des détenteurs des
pouvoirs le sens aigu de l’État, le respect des institutions et une bonne intelligence
politique, en fait une culture démocratique assez poussée. Au regard de l’histoire, rien
n’est moins sûr.
La CC n’a pu être mise en situation de fonctionnement. Telle que conçue, elle n’a
pas encore passé l’épreuve des conflits. On a bien tenté en 1992, par une sorte de forcing
26
interprétatif, de la mettre au jour pour qu’elle légitime des décisions politiques contestées.
On est bien en droit de se demander, compte tenu des traditions politiques haïtiennes, si
l’on n’a pas erré en confiant au plus haut tribunal du pays la mission d’arbitrer des conflits
politiques. On se souviendra de la procédure plus que douteuse par laquelle celui-ci a été
appelé à arbitrer le conflit opposant l’Assemblée nationale et le gouvernement issu du
coup d’État de 1991 au sujet de l’Accord du 23 février 1992. La Cour a rendu un arrêt
favorable au gouvernement le 27 mars 1992 dans un tel climat de confrontation politique
que l’on pouvait raisonnablement douter qu’elle ait pu travailler dans la sérénité, à l’abri
de pressions indues. Un de ses membres, le juge Clausel Débrosse, en a contesté le bien-
fondé en récusant la prétention du tribunal à bénéficier tout ensemble des dispositions
des articles 111-5, 111-6, 111-7 et 183 de la Constitution en vigueur4 sur les attributions et le
processus de prise de décision de la Commission de Conciliation et de la Cour de
Cassation. Au fait, l’Exécutif s’était servi du plus haut tribunal pour contrer ses
adversaires. Dans cet ordre d’idée, il eût été surprenant qu’au cours de notre turbulente
histoire politique l’on ne fût pas tenté d’amener les tribunaux à se prononcer sur le bien-
fondé des positions des parties en conflit ou de les manipuler à cette fin par tous les
moyens possibles. Seulement voilà, dans les moments de crise aiguë, on le fit de façon
expéditive sous pression des détenteurs de la force. Citons un cas extrême, celui de la
mise soudaine à la retraite de deux juges en Cassation le 13 décembre 1990 en vue
d’infirmer l’action du plus haut tribunal dont on appréhendait la décision dans l’affaire
Leslie Manigat.5 On peut se rappeler également les tentatives de parlementaires d’en
appeler directement à la Cour de Cassation dans la chaîne des réactions provoquées par le
rappel du président de la République de la fin du mandat de la 46e législature le 11 janvier
1999.
Au niveau de l’Exécutif, rien n’est prévu en cas de blocage qui pourrait se produire
lorsque le président de la République et le Premier ministre, à plus forte raison la majorité
parlementaire, sont issus de formations politiques différentes. Malgré les immenses
pouvoirs conférés au Parlement, celui-ci ne pourrait empêcher le chef de l’État de se livrer
à une sorte de guérilla en utilisant ses prérogatives constitutionnelles (droit d’objection,
4 Lire dans Le Nouvelliste du 31 mars 1992 les «Réserves du juge en Cassation Clausel Débrosse»
5 Lire le récit de Gaétan Mentor dans Ertha Hysope, Port-au-Prince, 2001, pp 124-134.
27
promulgation des lois, choix des ministres, présidence du Conseil des ministres, etc.) En
revanche, les Chambres législatives peuvent pousser leur avantage jusqu’à enrayer la
mécanique du pouvoir comme on l’a vu au cours de l’année 1998-1999 à la suite de la
démission du Premier ministre Rosny Smarth. Celui-ci avait du reste, à son interprétation
personnelle de la Constitution et de son propre chef, cessé de liquider les affaires
courantes, en sorte que, faute de pouvoir faire accepter par le Parlement les Premiers
ministres qu’il avait désignés, le président Préval s’est retrouvé dans la situation
constitutionnellement indésirable de chef de l’État et de chef de gouvernement pendant
plus d’une année. Il est vrai que nous n’étions pas à un paradoxe près. La crise nous a fait
connaître des situations où, pendant le coup d’État de 1991-1994, le président en titre
(Aristide) gérait les affaires étrangères de l’extérieur et les chefs du gouvernement
successifs (Honorat, Bazin, Malval) les affaires intérieures avec des fortunes diverses.
28
Chapitre 3
Entre la réalité politique et l’idéalisme démocratique : un itinéraire chaotique
On peut penser que dans une période d’intense ébullition sociale et de tourmente
post dictatoriale ce nouveau régime politique doit passer par de rudes épreuves. À l’aube
de son existence, les difficultés commencent à s’accumuler pour la Charte de 1987 dont la
mise en application revient à ceux-là même, le gouvernement provisoire d’essence
militaire, qui ont été parmi ses plus acharnés adversaires. Comme elle portait une clause
d’entrée en vigueur immédiate (article 298) elle s’exposait à toutes sortes de tracasseries
d’interprétation et d’accommodations indésirables. C’est d’abord tout le chapitre des
dispositions transitoires qui va écoper. À la longue, les failles et les faiblesses du texte
seront mises à nu au gré des luttes acharnées que se livrent les forces politiques. À travers
son histoire tourmentée apparaissent nettement les difficultés de la démocratisation du
système politique haïtien ou plus simplement de la normalisation politique du pays après
la dictature. On peut distinguer quatre grandes périodes de son histoire : 1987-1990 ; 1991-
1994 ; 1994-2001; 2004-2006. Cette dernière en voie d’achèvement n’a pas propulsé la
Constitution au cœur de la conjoncture.
1- 1987-1990 : La perturbation des dispositions transitoires
Le CNG n’allait pas se laisser impressionner par l’allégresse constitutionnelle des
démocrates et se plier sans rechigner aux injonctions de la Charte dans ses clauses
principales aussi bien que dans ses dispositions transitoires et finales. Reportons-nous au
retard indu dans la promulgation de la Charte (article 298), aux violations flagrantes des
droits des citoyens, aux accrochages multiples au sujet de la mise en place de l’appareil
électoral, à la grande controverse autour du décret électoral de 1987. Dès le mois de juin
29
de cette année-là, on assiste à un véritable harcèlement de la classe politique par le CNG.
Est particulièrement visée toute la mouvance démocratique. La bataille électorale fait
suite aux affrontements violents de l’été connus sous le nom de rache manyòk. Marquée
par une campagne de terreur éprouvante, la confrontation avec les duvaliéristes alliés aux
militaires culminera le 29 novembre 1987 dans le naufrage sanglant des premières
élections générales destinées à constituer le premier gouvernement constitutionnel post
dictatorial. Conséquences : le CEP formé en vertu de l’article 289 est renvoyé. De
nouvelles élections sont convoquées par le gouvernement provisoire avec un appareil
électoral nouveau. Le président sorti des urnes prête serment le 7 février 1988.
L’apparence est sauve. L’article 285 est respecté. Un gouvernement définitif est constitué,
mais il sera vite emporté le 20 juin 1988 par le coup d’État du général Henri Namphy qui
s’empresse de mettre en veilleuse la Constitution. Moins de trois mois plus tard, celui-ci
est renversé par le général Prosper Avril.
Il va sans dire qu’au cours de cette période la question de la normalisation
institutionnelle du pays reste au premier plan des préoccupations des acteurs politiques,
du moins en apparence, mais cette fois sans un calendrier de transition comparable à
celui du CNG. Le rétablissement de la Constitution devient la revendication principale du
mouvement démocratique dominant. Le général Prosper Avril, président de facto, finira
par y céder en 1989. Toutefois le décret de remise en vigueur de la Constitution en
suspend 36 articles dont ceux des dispositions transitoires du reste devenues caduques.
Dès lors, la relance du processus de normalisation appelle des accommodements qui ne
peuvent être que politiques même si les dispositions constitutionnelles transitoires
peuvent être utilisées comme base de négociation. Ces accommodements porteront
forcément la marque des rapports de force au sein de la classe politique.
On doit noter que la nécessaire normalisation ne préoccupe pas que les Haïtiens.
Les puissances tutrices y sont directement intéressées. Leur intervention dans ce sens est
vigoureusement persuasive en 1990. Sous la pression conjuguée de forces internes et
externes, le gouvernement du général Avril, qui s’est fourvoyé dans la répression, est
emporté et remplacé en mars 1990 par un gouvernement provisoire civil présidé par Mme
Ertha Trouillot, ci-devant juge en Cassation. Des dispositions énergiques sont prises pour
que ce gouvernement s’acquitte de sa mission principale : la réussite de l’organisation des
élections. Tant bien que mal il y est arrivé en décembre 1990 et janvier 1991. Le Parlement
30
est formé et le président élu prête serment le 7 février 1991. Mais, il manque une pièce à la
mécanique : les assemblées locales ne sont pas formées.
2 – 1991-1994 : Mauvais départ, coup d’État et débâcle institutionnelle
Les huit premiers mois de la présidence d’Aristide n’auront été qu’une parenthèse
dans cette difficile normalisation. La nette victoire du mouvement lavalas ne met pas fin
d’ailleurs aux incertitudes politiques. Les nouveaux dirigeants, parlementaires et
membres du gouvernement, sont exposés aux exigences de leur propre projet
démocratique inscrit dans le cadre constitutionnel. Aux prises avec la réalité implacable,
ils improvisent, bricolent, tordent les textes. Ainsi en viennent-ils à proposer et à voter des
lois jurant avec les clauses constitutionnelles. La loi du 7 mars 1991 sur les réformes dans
l’administration par exemple invoquant une disposition transitoire caduque (article 295)
s’intitule loi d’interprétation comme s’il était dans les attributions du Pouvoir législatif
d’interpréter une clause constitutionnelle. Elle a été l’occasion d’un premier accrochage
entre l’Exécutif et le Sénat qui s’opposa par voie de résolution, le 14 mars, aux
nominations opérées par le chef de l’État à la Cour de Cassation et dans la diplomatie au
mépris des prérogatives constitutionnelles du Grand Corps. Sous la pression de l’Exécutif,
une nouvelle loi d’interprétation de celle du 7 mars fut votée le 19 avril de manière à
restituer au Sénat ses privilèges dans le processus de nomination à certaines fonctions.
En somme, ces cas sont évoqués pour rendre compte d’un mauvais départ et de la
confusion régnant chez des dirigeants nantis de la mission d’instaurer l’État de droit. Une
telle mission nécessiterait une attention scrupuleuse aux prescrits constitutionnels et une
vision aiguë des complexités politiques et institutionnelles découlant des soubresauts de
la transition et des pesanteurs de la tradition. On proclame l’avènement de l’État de droit
qui a ses contraintes tandis qu’on s’installe dans une posture révolutionnaire qui fait fi de
ces contraintes. On recourt alors à des expédients pour surmonter les difficultés, on fait
peu de cas des impositions constitutionnelles. L’institution judiciaire est particulièrement
ciblée : arrestation arbitraire de magistrats, instrumentation politique de la Justice (le cas
de Mme Trouillot, le procès de Roger Lafontant dans une ambiance survoltée). Plusieurs
autres exemples pourraient être cités. Rappelons par ailleurs les démêlés de l’Exécutif
avec le Parlement à la suite de la convocation du Premier ministre par la Chambre des
31
députés le 13 août 1991. Les rapports se sont rapidement détériorés. Les partisans du
gouvernement menacent d’incendier l’édifice du Parlement, s’en prennent violemment à
des parlementaires ; des locaux de partis politiques (FNCD et KID) sont saccagés, etc. Le
bureau du Sénat dénonce de tels procédés qu’il considère «comme des violations des
articles 114, 114-1, 129-2 de la Constitution et comme de véritables entraves à l’instauration
d’un État de droit.» (Déclaration du 13 août 1991)
Le renversement du gouvernement par les militaires le 30 septembre va pour sa
part désorganiser totalement le dispositif institutionnel qu’à grand peine on essayait de
mettre en place. Il s’agit ni plus ni moins d’une rupture de l’ordre constitutionnel. Ce qui
est remarquable, c’est l’acharnement pathétique des putschistes à trouver un habillage
constitutionnel à leur coup de force. L’Exécutif est renvoyé, mais contrairement à la
tradition, pas les Chambres législatives. Soumises cependant à de fortes pressions, celles-
ci sont sommées d’utiliser les provisions constitutionnelles pour remplacer l’Exécutif.
Dans la foulée, des mesures sont prises (nouvelles nominations à la Cour de cassation par
exemple) en vue d’une rapide institutionnalisation du nouvel ordre des choses. Toutefois,
la résistance intérieure et le nouvel environnement international aidant, le coup d’État ne
sera jamais consommé.
Il se réduit pendant trois ans à une période d’instabilités, de répressions et
d’incohérences constitutionnelles. Des élections présidentielles en vertu de l’article 149
invoqué par les putschistes ne pouvant être organisées, les présidents du Sénat et de la
Chambre des députés prolongent, par un simple communiqué en date du 6 janvier 1992, le
mandat du président provisoire jusqu’à l’installation d’un gouvernement définitif. Le
Parlement reste en place, mais il est pratiquement inopérant. Les assemblées locales ne
sont pas constituées. Le renouvellement du tiers du Sénat prévu pour 1992 est réalisé
dans des conditions confuses, depuis la formation d’un CEP dit Conseil Électoral
Permanent d’exception jusqu’aux élections scabreuses de neuf sénateurs. En plus du
président constitutionnel en exil, mais accepté internationalement comme le chef légitime
de l’État, le Pouvoir exécutif contrôlé par les militaires passe par des transformations
successives qui donnent : 1) un président provisoire (Joseph Nérette) et un Premier
ministre (Jean-Jacques Honorat), 2) un Premier ministre sans président (Marc Bazin), 3)
un Conseil des ministres sans Premier ministre à la suite de la démission de Bazin, 4) un
Premier ministre investi en vertu de l’Accord de Governors Island (Robert Malval)
32
gouvernant de concert avec le président en exil sous la surveillance ombrageuse des
putschistes encore en place 5) un président sans Premier ministre (Jean Jonnassaint).
Tout cela enrobé de prétentions constitutionnelles.
3 – 1994-2000 : Une restauration manquée
Le coup d’État prend fin en septembre 1994 avec l’intervention militaire
américaine. La normalisation institutionnelle ne peut être complétée. Le retour du
président constitutionnel en octobre coïncide avec la fin du mandat de la 45e législature.
Les députés se sont séparés en février 1995, mais les deux tours des élections législatives
n’auront lieu que de juin à septembre. Dans l’intervalle, le président s’arroge le droit de
légiférer par décrets jusqu’à l’entrée en fonction de la 46e législature (octobre 1995). Ce qui
est incompatible avec son statut constitutionnel. On comprend dès lors le genre de
confusion qui perdure au plan de la légalité constitutionnelle. Les gouvernements se
succèdent et changent de nature (de provisoire à définitif en passant par les usurpateurs)
sans réussir à faire fonctionner pleinement les institutions ni à respecter les échéances
constitutionnelles.
Depuis la restauration du gouvernement légal en 1994 on a connu :
- des gouvernements sans parlement, de février à octobre 1995
- une période de gouvernement sans Premier ministre, d’octobre 97 à janvier 1999
- un Premier ministre ratifié par les deux Chambres (décembre 98) mais dont la
déclaration de politique générale n’a pas reçu la sanction du Parlement, le mandat de la
Chambre des députés ayant pris fin le 11 janvier 1999
- un Sénat se délitant peu à peu (1/3 en 1996, un autre en 1998), les élections pour le
renouvellement par tiers n’ayant pu être organisées
La 46e législature inaugurée en octobre 1995, soit 10 mois après la date
constitutionnelle, s’est dispersée dans la controverse lorsque le président de la République
a déclaré constater la caducité de son mandat le 11 janvier 1999. En réalité son temps de
vie utile n’est pas allé au-delà de la crise électorale d’avril 1997 relayée par la crise
gouvernementale d’octobre de la même année. Le Parlement n’a semblé être qu’un
champ de bataille. Il était non fonctionnel. Les protagonistes ont utilisé toutes les armes à
leur disposition pour promouvoir leurs intérêts ou pour se faire la guerre : grève du
33
quorum, manœuvres dilatoires, abandon de postes, blocage de la nomination d’un
gouvernement, utilisation des vides constitutionnels, capitalisation sur la faiblesse de
l’État, manipulation de groupes extraparlementaires, etc. Dans ce contexte, la mission
principale du Parlement, le vote des lois, est escamotée. Le bilan législatif de ce nouvel
État de la Constitution de 1987 est particulièrement pauvre. Des institutions sont créées,
mais elles fonctionnent au petit bonheur. Un exemple criant : la Constitution proclame
l’autonomie de l’Université, mais l’organisation, le mode de fonctionnement de celle-ci ne
sont régis par aucune loi. Les nombreux conflits qui surgissent dans ce secteur ne sont
balisés que par les rapports de force.
Pour compléter le bilan d’une restauration manquée, signalons que les assemblées
locales, le Conseil Électoral Permanent, la Commission de Conciliation n’ont pu être mis
en place non plus, que le mode de nomination des juges n’a été respecté en aucun cas,
sauf peut-être pour certains magistrats de la Cour de Cassation. En l’année 2002, le Sénat
est amputé d’un tiers de ses membres et la Chambre basse de quelques députés pour
raisons diverses. Mais les vacances ne sont pas comblées à cause de l’incapacité des
autorités d’organiser des élections partielles dans un contexte de paralysie politique.
4 – Les impasses électorales
La faillite électorale est la grande affaire du nouveau régime politique induit de la
Constitution de 1987. Jugeons-en : avortement sanglant en novembre 1987 ; élection au
pas de charge avec force manipulations et boycottage général en janvier 1988 ; nouvelle
organisation sous la forte poussée de la communauté internationale, dans une ambiance
plébiscitaire pour la présidentielle de décembre 1990 et un désintérêt croissant pour le 2e
tour des législatives en janvier 1991 ; rétablissement du gouvernement légal en 1994, mais
des opérations électorales contestées en 1995 qui se soldent par la non participation de
l’opposition au 2e tour ; avortement des élections partielles en 1997 sous un gouvernement
légal ; déraillement du processus électoral en mai 2000. Toutes les élections depuis 1987, y
compris celles de 2006-2007 ont été exceptionnelles en ce sens qu’elles ne découlèrent pas
du rythme normal imposé par la Constitution, mais de la recherche de solution à des
crises politiques successives. On doit ajouter à ces échecs répétés des échéances
électorales partielles ou totales contournées par des manœuvres (pendant les coups
34
d’État) ou bien ignorées par la force des choses, ou encore reportées indûment au point
de casser le rythme constitutionnel du renouvellement des Chambres (depuis la
restauration). On voit par là que les gouvernements constitutionnels définitifs depuis 1994
ne font pas exception à la règle.
Au cœur de toutes les péripéties, l’une des plus importantes conquêtes
constitutionnelles : le CEP. Non seulement, on n’a jamais pu créer cette institution
conformément à la Constitution, mais les Conseils électoraux provisoires (plus de 10) se
sont succédé au rythme de l’instabilité persistante de la période de transition. Ils ont été
mis en place, sauf le premier, en dehors des normes établies dans les dispositions
transitoires. Aucun d’eux, même le premier, n’a été à l’abri des retombées des luttes de
pouvoir. Au fait, c’est tout le processus électoral lui-même qui a été pris dans cet itinéraire
chaotique que nous venons de décrire : la formation des CEP, l’élaboration des lois
électorales, la mise en place de l’appareil, les méthodes de calcul utilisée pour la
proclamation des résultats. Tous les responsables électoraux de 1990 à 2006 ont buté sur
ce problème capital inhérent à l’interprétation difficile de clauses constitutionnelles
imprécises ou ambigües.
Les «lois électorales» successives se sont contentées, pour la plupart, de
reproduire ces clauses à quelques mots près. Trois formulations sont utilisées
respectivement dans le calcul des majorités pour les députés, les sénateurs et le président
de la République:
- le député est élu pour une durée de quatre ans à la majorité absolue des suffrages
exprimés6 dans les assemblées électorales (articles 51 de la loi électorale et 90-1 de la
Constitution)
- à la majorité absolue, le sénateur ... est élu au suffrage universel exprimé dans la
circonscription électorale... (Article 53 ; article 94-2)
- le président de la République est élu au suffrage universel à la majorité absolue
des votants (article 57; article 134)
Quelle est la différence entre suffrages exprimés, suffrage universel exprimé et
votants?
6 Les soulignements sont de nous
35
En 1990 par exemple, les articles 111 et 112 du décret électoral en définissant la
notion de votes valides ne dissipe pas les ambiguïtés constitutionnelles par rapport au
calcul de la majorité absolue. Les bulletins blancs et les bulletins illisibles ne sont pas
valides. Dans un communiqué de presse émis la veille des élections du 16 décembre, le
CEP croit devoir apporter les précisions suivantes : «... les élections du président de la
République, des sénateurs et des députés exigent la majorité absolue des votes. Cette
majorité absolue est calculée sur la base du total des votants, c’est-à-dire du total des
bulletins effectivement introduits dans les urnes correspondant à chacune de ces
élections. »7 Un rapport de l’ONUVEH, organisme de surveillance des élections mis en
place par les Nations Unies, signale que le CEP a malgré tout décidé de ne comptabiliser
pour les élections des députés et du président de la République que « les seuls votes émis
en faveur des candidats, à l’exclusion des votes blancs et nuls. » Si ce procédé n’a pas eu
d’effet sur l’élection présidentielle à cause de la majorité écrasante obtenue par M.
Aristide, il a certainement eu un impact sur l’élection d’un certain nombre de députés
passant d’une majorité relative occulte à une majorité absolue.
On le voit, ce problème du calcul de la majorité absolue est d’importance. Il a des
incidences constitutionnelles et politiques. Si l’on considère qu’il est juste d’écarter les
bulletins blancs et les bulletins illisibles dans le décompte des votes obtenus par les
candidats, il est impérieux de clarifier les clauses constitutionnelles afférentes. Mais, il
n’est pas acceptable que le CEP s’arroge le droit d’interpréter la volonté de l’électeur et
celle du constituant qui fait de la majorité absolue des votants dans un cas, des suffrages
exprimés dans l’autre une condition essentielle pour être élu. La «loi électorale » de 1995
introduira le bulletin blanc dans la catégorie des votes valides (articles 108 et 109), mais
elle ne dissipera pas la confusion entourant le calcul de la majorité selon les clauses
constitutionnelles qu’elle reproduit. Cette question du dépouillement et de la méthode de
calcul constituera un point fort de la crise électorale de 1997. Les auteurs de la «loi
électorale » de 1999 à leur tour excluront les bulletins blancs et les bulletins illisibles des
votes valides (article 153). Ils croient résoudre le problème en définissant la majorité
absolue par les 50%+1 des votes valides (articles 53 et 64). Ce faisant ils s’arrogent le droit
d’interpréter la Constitution, ce qui n’est absolument pas dans les attributions du CEP, au
demeurant une institution de circonstance.
7 Rf : Les Nations Unies et Haïti, op. cit., p. 176
36
On pouvait admettre que le règlement de la question électorale sur la base d’un
accord politique bien ficelé permettrait de sortir de la crise. C’est un point important et
non des moindres dans la mesure où l’on visait effectivement à créer les conditions
politiques, techniques, sécuritaires garantissant des élections fiables. À court terme, il
fallait faire fonctionner l’État dans des conditions de légalité constitutionnelle minimale,
préalable à la restauration de l’État de droit. Mais on sait que la persistance et
l’aggravation des crises politiques ont finalement entraîné une deuxième intervention
militaire en dix ans. C’est en grande partie à la détermination de la communauté
internationale que nous devons la relance du processus de
normalisation/institutionnalisation confirmée en l’année 2006. Il est encore trop tôt pour
affirmer que cet objectif sera pleinement atteint. On ne sait pas ce que réservent les
prochaines conjonctures électorales : renouvellement du tiers du Sénat fin 2007; du
deuxième tiers et de la Chambre des députés fin 2009. On en est encore dans l’attente des
élections indirectes pour parachever la formation des collectivités territoriales qui doivent
ouvrir la voie à la constitution du Conseil électoral permanent. C’est sans doute cette
perception qu’exprime le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en
Haïti, M. Edmond Mulet, lorsqu’il a déclaré en Argentine le 30 juin dernier : «Je pense
que nous devrions rester au moins jusqu’aux prochaines élections nationales qui se
dérouleront dans quatre ans en vue de permettre au nouveau gouvernement d’avancer
dans des conditions normales». Signalons en passant que la présence même de la force
militaire internationale est nettement inconstitutionnelle.
Nous croyons que ce qui a été obtenu est fragile, que tôt ou tard on affrontera des
difficultés qui mettront à mal le processus d’institutionnalisation si on n’entreprend pas
dans le même mouvement de pensée de soumettre la Charte fondamentale à un examen
critique en profondeur et d’envisager courageusement la problématique de la révision
nécessaire.
37
LLee PPooiinntt ssuurr llaa CCoonnssttiittuuttiioonn ddee 11998877 ((CC.. HHEECCTTOORR eett CC.. MMOOIISSEE)) (Synthèse d’opinions Juin 2007)
AAUUTTEEUURR
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DDEE LLAA CCOONNSSTTIITTUUTTIIOONN
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SSUUGGGGEESSTTIIOONNSS DDEE
SSOOLLUUTTIIOONNSS
VVOOIIEESS EETT MMOOYYEENNSS
SSUUGGGGÉÉRRÉÉSS
ALEXIS, Jacques Édouard Premier Ministre 28 avril 2007 Allocution/FIU Floride
Innovations importantes dans le nouveau régime politique.
..Architecture institutionnelle
d’emprunt pas toujours compatible avec nos capacités, moyens et pratiques.
..Déséquilibre entre pouvoir
exécutif et pouvoir législatif
..Complexité des modalités de
révision de la Constitution
..Nombre élevé d’élections directes
et indirectes.
Approche pragmatique en lieu et place des procédures d’amendement actuelles.
..Large débat national sur la
constitution. ..Consensus national sur
amendements désirables
BAJEUX, Jean-Claude Directeur CEDH Coordonnateur CCAJ
08 avril 2007 26 mars 2007
Puissance virtuelle d’imposition et d’attraction Projection dans la modernité (droits et libertés pour tous) Malgré les nombreuses violations, cette Constitution est là, en tout Honneur et Respect. Personne n’a pu la mettre de côté.
S’attacher sans faiblir au processus prévu dans la Constitution (art. 282 à 282-4)
.. Prendre le temps d’arriver , au
moyen de débats organisés dans tout le pays avec toutes les organisations qui le désirent, à une entente sur l’identification et l’ampleur des amendements nécessaires.
.. Réflexion Nationale
CODECO d’Haïti (Coalition pour la Défense de la Constitution), New Jersey
Association en Diaspora
26 mars 2007 Pas explicite comme tel dans le texte.
Nationalité, Citoyenneté, Collectivités Territoriales, Pouvoir législatif, Pouvoir Exécutif, Pouvoir Judiciaire, Conseil Électoral, etc.
Toute une série d’articles correspondants à «supprimer ou à réviser»
Débats à l’Assemblée Nationale en vue d’amendements, suppression, révision.
FRANÇOIS, Lyn Maître de conférences, Limoges, France
15 février 2005 Alter Presse
Pas explicite comme tel dans le texte.
.Régime constitutionnel haïtien: un «régime d’Assemblée»
-rôle réduit du chef de l’Exécutif; -pouvoirs exorbitants au parlement
.Nécessité d’un rééquilibrage des
38
pouvoirs -Droit de dissolution du Parlement par le chef de l’État - Adoption du référendum
39
LLee PPooiinntt ssuurr llaa CCoonnssttiittuuttiioonn ddee 11998877 ((CC.. HHEECCTTOORR eett CC.. MMOOIISSEE)) (Synthèse d’opinions Juin 2007)
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SSUUGGGGÉÉRRÉÉSS
LAFONTANT JOSEPH, André Spécialiste. Collectivités Territoriales/Décentralisation
Gride .org (2007) Le Matin, 26 mars 2007
Apport fondamental: «fin du régime d’exclusion sociale, politique et économique de la grande majorité de la population par l’exigence de son implication dans la gestion de la chose publique, des affaires de la Section communale jusqu’aux grandes décisions affectant l’avenir de la nation»
Problèmes perçus ou soulevés en général (liés à la Décentralisation ):
- dispersion et répétition des élections
- opportunité des trois niveaux de Collectivités
- Pays pas prêt pour la décentralisation
- Conseil Électoral permanent .
.Initier tout de suite le processus de réflexion et de dialogue pour analyser la Constitution de 1987. .Identifier et discuter les différentes lacunes perçues.
. se mettre d’accord sur les problèmes et les correctifs à y apporter.
-Forums thématiques, sectoriels et régionaux.
-Pas de «course effrénée» -Parvenir jusqu'à fin 48ème législature (période prévue par la Constitution pour amendements).
MANIGAT, Mirlande Politologue/Constitutionaliste 1995 / Plaidoyer pour une nouvelle Constitution. 2000/Traité du Droit Constitutionnel, 2 vols. 2007 / Interviews Le Matin et Radio Classique Inter.
«Chère à mon cœur». Problèmes innombrables mais «c’est le dernier mot du droit, c’est celle-là que nous avons». Je ne la sacralise pas. Je la respecte, mais la considère comme un instrument juridique. Il ne faut pas la mettre sur un piédestal, il ne faut pas la considérer comme un monument intouchable».
-Problèmes de structuration
(longueur, écriture, orthographe
etc.).
-Problèmes de fond: .Échafaudage des collectivités territoriales construit contre l’État .Équilibres des pouvoirs (régime politique «mi présidentiel mi parlementaire») .amendements constitutionnels; deux points essentiels: la double nationalité et les forces armées- Lois d’application de la Constitution (environ une cinquantaine)
NNOOUUVVEELLLLEE
CCOONNSSTTIITTUUTTIIOONN Assemblée Constituante
« le moment n’est pas propice »
MICHEL, Georges, Dr. Spécialiste. Les Constitutions Haïtiennes- Ancien constituant de 1987
28 avril 2007 «La Constitution de 1987: le «Point». Florida International University
.Longévité de la Constitution Haïtienne (20 ans) .Limitation du pouvoir présidentiel .S’inscrit dans la lignée des Constitutions libérales de 1843, 1867,
Faiblesses supposées .Pouvoirs exorbitants au Parlement. Rien n’est plus faux» Pas de droit de dissolution du Parlement par le président. C’est la
Pas d’urgence à amender la Constitution- «Toucher inconsidérément à cette constitution serait ouvrir une boite de Pandore
Si nécessaire d’amender, le faire dans la sérénité» Nous hâter avec lenteur . Suivre rigoureusement la procédure tracée par
40
1889, 1932, 1946. norme dans toutes les constitutions libérales haïtiennes». Droit de dissolution «toujours mal vu dans notre tradition politique» N.B. Lois d’application à voter environ une trentaine.-
et lancer immanquablement le pays dans un nouveau cycle d’instabilité et de violence qui pourrait durer encore 70 ans.»
la Constitution.
41
LLee PPooiinntt ssuurr llaa CCoonnssttiittuuttiioonn ddee 11998877 ((CC.. HHEECCTTOORR eett CC.. MMOOIISSEE)) (Synthèse d’opinions Juin 2007)
AAUUTTEEUURR SSTTAATTUUTT DDAATTEE//SSOOUURRCCEE AAPPPPRRÉÉCCIIAATTIIOONN GGLLOOBBAALLEE
DDEE LLAA CCOONNSSTTIITTUUTTIIOONN
PPRROOBBLLÈÈMMEESS MMAAJJEEUURRSS
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SSOOLLUUTTIIOONNSS VVOOIIEESS EETT MMOOYYEENNSS
SSUUGGGGÉÉRRÉÉSS
MOISE, Claude Historien/Constitutionnaliste 2007 / «Réflexions sur la question constitutionnelle 2006/ «Mémorandum au Président R. Préval». 2002 / «La Constitution de 1987: outil de démocratisation ou instrument de lutte politique» 1990 / Constitutions et Luttes de pouvoir en Haïti, chap. x.
La Constitution de 1987 marque une rupture et fait problème: «modifie les rapports entre les différents pouvoirs, crée de nouvelles institutions, redéfinit les règles de jeu et tout un nouveau mode d’accès à la direction de l’État dont il faudra désormais tenir compte».
- Régime politique inédit
- Puissance parlementaire
- Présidentialisme restreint
- Institutions indépendantes
- Décentralisation, etc.
- Déséquilibre entre pouvoir Exécutif et Pouvoir Législatif.
- Affaiblissement unilatéral du pouvoir président versus pouvoir parlementaire quasi absolu
- Mode de nomination des juges
- Processus de formation du gouvernement
- Nombre élevé d’élections directes et indirectes
- Problèmes spéciaux: Forces armées, Double Nationalité, Conseil constitutionnel, etc.
RRéévviissiioonn ccoonnssttiittuuttiioonnnneellllee
uurrggeennttee - Commission d’experts
en vue de réforme constitutionnelle-
- Consensus politique national (Société civile, Partis politiques, Barreau des avocats, etc.)
- Convocation de l’Assemblée Nationale par étude et adoption des amendements proposés.-
PIERRE, Webster Ancien Ministre «Chef de file du mouvement pour la paix et la concorde»
28 mars 2007 Presse «La Constitution actuelle encourage la haine, la discorde et la prééminence d’un individu par rapport aux autres».
Personnalisation du pouvoir.- -République fédérale de type parlementaire.- -Assemblée fédérale de 84 députés issus des 42 états (aujourd’hui: arrondissements); 9 ministres assumant tour à tour la présidence du Conseil des ministres comme chef de gouvernement -Chaque état dispose d’un parlement de 12 députés et d’un gouvernement de 7 ministres.
VOLTAIRE, Jean-Michel Avocat 2007 DEBANASYONAL@ yahoogroups.com
Constitution «La plus difficile à amender au monde».
-Procédure de révision «arbitraire et préjudiciable» (restriction temporelle) -Problèmes structurels et fondamentaux: vacance présidentielle, contrôle déséquilibre entre les 3 pouvoirs, judiciaire,
-Consensus politique pour pouvoir réviser le document.
Commission
constitutionnelle (gouvernement, parlement, société civile). Proposition de révision constitutionnelle par la Commission.
42
indépendant etc. Soumission et adoption au parlement par vote 2/3des voix Referendum populaire.
43
Chapitre 4
La Problématique de la Révision nécessaire de la Constitution de 1987
1. Révision et Amendements constitutionnels : acquis et perspectives en Droit
Constitutionnel
Le consensus contemporain est largement universel quant à la légitimité de la démarche de
révision d’une Constitution, à la fois dans son principe même et selon des circonstances et
modalités, au demeurant prévus par la Charte elle-même. En termes presqu’identiques, la
plupart des auteurs (constitutionnalistes ou politologues) confirment ce consensus.
Ainsi par exemple, Pactet (1997):
(…) la constitution n’est plus de nos jours considérée comme un texte sacré et intangible,
même dans les Etats pluralistes, héritiers de la philosophie des Lumières. Bien au
contraire, nombreux sont ceux qui estiment qu’en adaptant la constitution à l’évolution
de la situation politique par des révisions non pas fréquentes mais suffisamment
espacées, on accroît considérablement ses chances de durée (…).
Ou encore Gosselin et Filion (2007):
Quoique la constitution d’un pays s’accompagne d’une aura de stabilité et de
prestige qui la place au-dessus des législations courantes, il n’apparaît pas en revanche
souhaitable, voire seulement possible, de la figer dans un état de permanence quasi
absolue. Pareille perspective la rendrait par trop imperméable à toute pression du milieu,
la confinant du même coup à une dimension purement statique, peu propice à
l’évolution.
Ou enfin Mirlande Manigat dans son ouvrage récent sur le Parlement Haïtien (2007):
Le principe établi et organisé par le Droit constitutionnel est qu’une Charte n’est pas
une Bible intouchable et en tant qu’expression des aspirations et des possibilités d’un
44
moment conjoncturel, elle est appelée à s’adapter à de nouvelles situations. Aussi, toutes
les constitutions prévoient les modalités de leur révision en tenant compte des
contingences.
Il n’est pas sans intérêt de signaler qu’en mai 2006, le ‘’Center for Latin American Studies
Program’’ de la Georgetown University a publié la version récemment actualisée de son
‘’Étude constitutionnelle comparée’’ pour 20 pays des Amériques, y compris Cuba et les
États-Unis, à l’exception d’Haïti. Cette ‘’exception’’ s’expliquerait sans doute par le fait que
‘’les vingt constitutions prises en compte correspondent à des régimes politiques qu’on peut
qualifier de ‘’présidentiels’’. Néanmoins, la présentation de l’étude attire l’attention sur le
constat que ‘’les amendements et les réformes des constitutions représentent des défis
majeurs’’. Or, toutes ces constitutions comportent des dispositions se référant aux
amendements, aux procédures d’amendements, aux organes appropriés d’amendements,
etc.
Cela dit, le principe de l’amendement (ou de la révision) étant acquis, il saute aux
yeux que prédomine une diversité complexe de situations quant à l’objet même de
l’amendement ou de la révision (interdictions et limitations)-(ainsi par exemple l’article 284-
4 de la Constitution de 1987: Interdiction de porter atteinte au caractère démocratique et
républicain de l’État); diversité aussi quant à la mise en œuvre: les organes, les procédures,
etc.
2. La tradition haïtienne jusqu’en 1987
L’on pourrait induire de notre prolixité constitutionnelle qu’elle impliquerait ipso
facto une boulimie correspondante d’amendements ou de révisions de 1805 à 1987. En fait,
il a été amplement démontré que ‘’les rivalités de clan, les luttes interminables pour la
conquête du pouvoir d’État, l’instabilité chronique qui en résulte’’ ont plutôt concerné
‘’cette recherche éperdue d’équilibre des forces au sein des classes dirigeantes et (…) leur
incapacité à établir un consensus politique durable’’ (C. Moïse, 1990). Paradoxalement, sur
la question spécifique des révisions ou amendements constitutionnels, le constat est celui
d’une tendance historique inversement proportionnelle à la prolifération des Constitutions.
Mirlande Manigat en suggère une explication: ‘’(…) Ce qu’il faut retenir c’est qu’il s’est
45
avéré plus commode de fabriquer une Charte nouvelle que de modifier celle qui existe’’.
Pourquoi? La réponse est à rechercher dans les dispositions relatives à la révision des
Constitutions.
En effet, à partir de 1806 toutes nos chartes républicaines y ont consacré une section
spéciale, reproduite de manière quasi rituelle. Seulement, ainsi que le Dr. Georges Michel
en a fait la démonstration dans son fascicule de 1986 (Autour des Constitutions
républicaines Haïtiennes), le contenu des modalités de révision a varié significativement,
sinon d’une constitution à l’autre, mais par périodes de conjoncture, avec trois
préoccupations principales: le ‘’Mode d’Introduction et Disposition suspensive éventuelle,
l’Exécution et la Majorité’’
Pour sa part, Mirlande Manigat conclut que ‘’même avant la Constitution de 1987, les
dirigeants n’ont pas vraiment abusé de l’instrument de l’amendement’’. Le bilan, selon elle :
sur les 22 Constitutions, celle de 1889 n’a jamais été amendée; seulement six autres auraient
fait l’objet d’amendements entre 1846 et 1985, dont les trois de Duvalier. Il serait
réconfortant d’en déduire que les détenteurs du pouvoir auraient prêté une oreille attentive à
cet avertissement de Louis Joseph Janvier en 1886: ‘’S’il est bon qu’une Constitution
ressemble à une armure qui se relâche et se resserre à volonté pour mouler la taille de celui
qui la porte, pourtant elle ne doit pas subir toutes les oscillations des consciences, toutes les
fluctuations de l’opinion. A la modifier chaque jour, on lui retire tout prestige, toute autorité
en même temps que toute fixité de principes’’.
Aujourd’hui, l’on sait suffisamment que la rareté relative des révisions ou
amendements constitutionnels a obéi plutôt à l’âpreté surdéterminante des luttes pour le
pouvoir qu’à une dominance ou maturation progressive de l’esprit constitutionnaliste chez
les détenteurs, en majorité éphémères, de l’appareil politique et constitutionnel.
Emblématique en ce sens demeure la conjoncture de 1986 qui, à la faveur du renversement
de la longue dictature des Duvalier, provoquera le mouvement de balancier extrême dont est
issue la Constitution de 1987.
3. Le casse-tête de la Constitution de 1987 et ses implications
46
Ce casse-tête doit s’entendre ici sur un plan technique-constitutionnel: celui à
proprement parler de la procédure de révision ou d’amendement. C’est sur le plan
politique-institutionnel, i.e. celui de la normalisation et de l’institutionnalisation du régime
politique institué par la Constitution de 1987, que se pose véritablement, dans toute son
acuité, ce que nous appelons ‘’le dilemme constitutionnel’’. En effet, il s’agit précisément,
à la lumière de nos vingt dernières années d’existence normative-constitutionnelle
laborieuse et en dents de scie, de mettre à l’ordre du jour la stabilisation des institutions
(voire leur simple mise en application), la consolidation de l’Etat de droit ainsi que, de
manière spécifique, celle du régime libéral-démocratique dont nous avons fait le choix en
1987.
En conséquence, cette section s’adonnera seulement à un bref rappel de l’aspect
technique-institutionnel du casse-tête afin de le dissocier analytiquement de l’aspect
politique-institutionnel, beaucoup plus vaste, et requérant, de ce fait, un traitement sui
generis.
Clarifions d’abord un flottement conceptuel, auquel n’échappent pas nos principales
références haïtiennes qui font autorité en la matière: ‘’Amendement’’ ou ‘’Révision’’?
La source de ce flottement vient tout droit de la Constitution de 1987 qui, en son
Titre XIII, se réfère aux ‘’Amendements à la Constitution’’, dans le cadre défini par les
Articles 282 à 284-4. Certes, Mirlande Manigat (2000) nous assure: ‘’En fait, il n’y a pas de
différence juridique et procédurale fondamentale entre les deux appellations, même si la
révision semble impliquer des transformations plus importantes, alors que l’amendement
paraît plus technique ou cosmétique, une ‘’réformette’’. Plus loin, s’agissant de la
procédure, elle utilise la formule: ‘’La procédure de la révision ou de l’amendement (…)’’.
A la fin du chapitre 5 (T.I) consacré à la ‘’Procédure de l’Amendement dans la Constitution
de 1987’’, elle nous remet en mémoire la COPEREC (Commission permanente de révision
constitutionnelle) établie en 1997 par 32 députés, sur l’initiative de leurs collègues Vasco
Thernelan, Ainé Constant et Alix Fils-Aimé.
Autre interprétation du juriste Monferrier Dorval (1998): ‘’Il semble que les
constituants [de 1987] veuillent une Constitution immuable, parce qu’ils parlent
d’amendement et non de révision’’. Ce qui serait contraire, selon lui, au principe de la
47
souveraineté populaire exprimée à travers le référendum du 29 mars 1987. Puis, de citer
l’article 28 de la Déclaration française des droits de 1793: ‘’Un peuple a toujours le droit de
revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses
lois les générations futures’’.
Enfin signalons que le Dr. Georges Michel, dans le fascicule déjà mentionné de 1986,
s’est longuement étendu sur la question de la ‘’Révision de la Constitution’’, notamment
dans ses ‘’Recommandations pour la Nouvelle Constitution de la République’’ (section D).
Par contre, plus récemment, lors d’une intervention à la Florida International University (28
avril 2007), il s’en est tenu à la notion ‘’d’amendement’’, telle que mentionnée par la
Constitution de 1987.
Nous ferons usage ici des deux appellations, étant entendu que la ‘’révision’’ se
révèle plus englobante que ‘’l’amendement’’. L’une et l’autre n’étant pas équivalente en
termes de contenu et d’implications, il s’agira, au besoin, d’en spécifier la portée et les
applications.
3.1. Le cas du Titre XIII de la Constitution de 1987
Amplement connus et débattus, les articles 282 à 282-4 du Titre XIII sont habituellement
déclinés expressément dans la plupart des prises de position pour ou contre
‘’l’amendement’’ ou ‘’la révision’’ de la Constitution de 1987.
Au vu de la finalité en principe ouverte et non obstructive d’une clause
constitutionnelle de ‘’révision/amendement’’, il y a lieu de s’interroger sur la difficulté
extrême, sinon l’impossibilité pratique, de concrétiser avec succès la démarche, visiblement
tatillonne et labyrinthique, prévue par le Titre XIII. A quoi il convient d’ajouter les
chevauchements et enchevêtrements des principes, voies et moyens (initiative, délais,
organes qualifiés, majorités requises, etc.) auxquels il faut recourir pour sa mise en œuvre.
M. Manigat (1995, 2000, 2007) et C. Moïse (2002, 2004, 2006, 2007) offrent chacun une
illustration saisissante, avec hypothèse de scénario, de ce qui s’apparente à une épreuve de
‘’mât suifé’’ pour réaliser ‘’l’amendement’’ ou la révision’’ de la Constitution. Les deux
auteurs parviennent à la conclusion de son impossibilité pratique, à l’instar de Monferrier
48
Dorval qui en épingle ‘’la procédure excessivement rigide et compliquée’’. (La ‘’rigidité’’ en
question connote ici une raideur ou une inflexibilité de nature, et ne renvoie pas à la
démarche en principe rigoriste et étapiste associée en général à la révision des constitutions
écrites, par contraste avec celle dite ‘’souple’’ des constitutions coutumières).
Cette impossibilité pratique de mise en œuvre du Titre XIII comporte une
implication sans doute imprévue par ses concepteurs: elle vient renforcer le passif de
‘’l’inanité fonctionnelle’’ (M. Manigat) de la Constitution de 1987. En d’autres termes, elle
installe, à travers son modus operandi, sinon un cercle vicieux, à tout le moins un nœud
gordien de fonctionnement qui consacre objectivement une certaine ‘’immuabilité
institutionnelle’’ incompatible ou en contradiction avec la nature dynamique du processus
politique (ajustements, redressements, réformes, projections, anticipations, etc.). Dès lors,
n’y a-t-il pas d’emblée un risque prévisible d’impasse, même ‘’purement’’ technique, à cause
de la surenchère d’inconnues inscrites dans le processus?
Ci-après nous publions un tableau ad hoc indicatif d’un certain éventail du
positionnement en faveur ou contre la procédure du Titre XIII. Deux précautions
méthodologiques à ce sujet. D’une part, ce Tableau ne saurait prétendre à aucune
représentativité nationale : il esquisse quelques tendances fortes, compte tenu de la
visibilité professionnelle et sociopolitique des intervenants; même si la ligne de partage
semble a priori osciller entre 50/50 et 55/45 (contre), elle ne nous autorise point à en tirer
une quelconque conclusion engageante sur l’opinion nationale élargie, laquelle reste à
explorer éventuellement.
Par ailleurs, nous ne saurions trop insister sur l’aspect technique-constitutionnel de
ce constat. Il demande à être complété par des considérations substantielles sur le plan
politique-institutionnel; celui-ci constitue la réalité concrète-dynamique (le déploiement des
institutions, le fonctionnement du régime politique, etc.) sous-jacente à l’appareillage
instrumental de la Constitution. Ces considérations seront déterminantes pour cerner,
fonder et organiser toute démarche de ‘’révision’’ / ‘’amendement’’ de la Constitution.
49
3.2 Mise en perspective de quelques clauses problèmes :
imprécisions, vides et incohérences
3.2.1 La mission du chef de l’État : article 136
Arbitre et gardien de la Constitution, chargé d’assurer la continuité de l’État et le
fonctionnement normal des institutions, le chef de l’État ne bénéficie d’aucune provision
constitutionnelle explicite pour cette tâche. Sur le plan strictement constitutionnel, le
président ne peut invoquer l’article 136, pour obliger le Parlement, le Premier ministre,
le CEP à se conformer à ses vues. Ainsi, le refus répété d’une des deux branches du
Corps législatif d’entériner les décisions du chef de l’État (investiture du Premier
ministre par exemple) ou la grève parlementaire du quorum peuvent perturber le
fonctionnement de l’État. Il devrait disposer de moyens d’action et d’intervention
suffisants et clairement définis en cas de force majeure - ce que dans le
constitutionnalisme on désigne par «l’état de nécessité», distinct de l’état de siège.
Quitte à lui imposer dans ces circonstances de consulter les présidents des Chambres, le
Premier ministre et le Conseil constitutionnel dont les analystes, spécialistes et
observateurs réclament à juste titre la création.
Par ailleurs, le droit d’objection du chef de l’État aux lois votées, tel qu’aménagé aux
articles 121 à 121-6, peut être réduit à peu de chose si l’on considère que la majorité
requise n’est pas qualifiée. Élu au suffrage universel, dépositaire de la souveraineté
nationale conjointement avec le parlement, il devrait bénéficier d’un droit d’objection
plus étendu vis-à-vis des actes du Pouvoir législatif, particulièrement de ceux du Sénat
qui se voit attribuer des pouvoirs d’une ampleur considérable.
3.2.2 Modalités d’application du mandat présidentiel : articles 134-1, 134-2
L’article 134-1 stipule que la période de cinq ans du mandat présidentiel «commence et
se terminera le 7 février suivant la date des élections. » Tout se passe comme si le scrutin
présidentiel devrait immuablement être tenu à la date fixée à l’article 134-2, soit le
dernier dimanche de novembre de la cinquième année du mandat. Le dernier scrutin
50
présidentiel eut lieu le 7 février 2006 précisément à la date où le président élu devait
prêter serment.
3.2.3 Règlement de la vacance présidentielle : article 149
Les clauses précédentes ne règlent pas plus le cas prévu à l’article 149 qui oblige à
combler une vacance présidentielle dans les 90 jours au plus tard. Que se passerait-il en
effet si un président était élu en avril en vertu de l’article 149 ? Devrait-il attendre le 7
février de l’année prochaine pour entrer en fonction ? L’article 149 a omis d’apporter les
précisions nécessaires, contrairement aux constitutions antérieures qui prévoyaient des
clauses appropriées.
Comme dans la plupart des constitutions précédentes il faudrait compléter par une
clause qui établit qu’au cas où un président est élu pour combler une vacance
présidentielle, il entre en fonction dès son élection et son mandat est censé avoir
commencé le 7 février précédent la date de son élection.
Ce même article 149, pas plus que le 148 sur l’empêchement temporaire, ne précise pas
dans quelle situation il y a vacance. Il indique «pour quelque cause que ce soit », mais
cette expression qui ratisse large peut donner lieu à des interprétations intéressées. S’il
est facile de comprendre que le décès et la démission entrent dans cette catégorie, peut-
on en dire autant d’un coup d’État, et même d’autres situations susceptibles d’entraîner
une vacance comme l’incapacité physique ou mentale ?
3.2.4 Règlement de la démission du Premier ministre : article 165
L’article 165 : «En cas de démission du Premier ministre, le gouvernement reste en place
jusqu’à la nomination de son successeur pour expédier les affaires courantes.» Qu’arrive-
t-il en cas de vacance du poste du Premier ministre pour des raisons autres que la
démission (abandon, décès, incapacité physique par exemple), vacance qui pourrait se
prolonger indument? Le cas de Rosny Smarth, Premier ministre démissionnaire, qui
avait cessé de liquider les affaires courantes, avait donné lieu à une situation insolite où
51
le chef de l’État fut réduit à remplir de facto la fonction de chef de gouvernement.
Aucune disposition n’est prévue par la Constitution.
3.2.5 Durée des mandats parlementaires : articles 92.1 et 92.2 et modalités de travail
Ces articles fixent le nombre et les dates des sessions pour une législature sans indiquer
ce qui pourrait advenir au cas où – cela s’est produit plusieurs fois – les Chambres
n’étaient pas constituées selon le calendrier constitutionnel. Reportons-nous à la crise
institutionnelle de 1998-1999.
Pour ce qui concerne la répartition des deux sessions annuelles, il serait profitable de
laisser vacante la période d’été où la pratique des fêtes patronales mobilise les
parlementaires. Au lieu de juin à septembre, la deuxième session pourrait être fixée de
début septembre à début décembre et la première de mi-janvier à mi-avril.
Pour ce qui est de la durée du mandat des députés répartie sur 4 ans en huit sessions, on
pourra prendre en considération le cas où le scrutin du renouvellement n’a pas lieu en
décembre à la fin de la dernière session de la législature comme cela s’est produit en
1995 et en 2006. Dans cette éventualité, les députés entreraient en fonction dès leur
élection et leur mandat est censé avoir commencé à la mi-janvier précédant la date de
leur élection.
Par ailleurs, aucun délai n’est imposé aux Chambres pour disposer des projets de loi; des
modalités de travail parlementaire pour chaque session ne sont pas prescrites. Les
chambres étant souveraines dans l’établissement de leur règlement, seule la Constitution
pourrait imposer des délais obligatoires pour disposer des projets de loi et régler la
question du quorum. On devrait permettre au Corps législatif de se réunir de plein droit
dans des circonstances exceptionnelles sans qu’il soit soumis à la règle de convocation à
l’extraordinaire par l’Exécutif. La réglementation de la participation des députés et des
sénateurs aux travaux de leur chambre respective devrait faire l’objet d’une clause
constitutionnelle.
3.2.5 La formation du Conseil électoral permanent
52
Contradiction entre les articles 9, 9-1 d’une part et l’article 192 d’autre part, des clauses non
harmonisées. L’un réfère à la loi pour déterminer les modalités de la division et de
l’organisation du territoire (nombre, limite des départements), l’autre fixe à neuf le nombre
des membres du CEP, soit un représentant par département selon une interprétation
raisonnable de l’article 192. En effet, au moment du vote de la Charte, il y avait 9
départements. L’article 192, apparemment basé sur ce fait, stipule que le CEP «comprend
neuf membres choisis sur une liste de trois noms proposés par chacune des assemblées
départementales.» Il ajoute que «les organes suscités veillent autant que possible à ce que
chacun des départements soit représenté.» Or, il existe un 10ème département (Les Nippes)
créé en bonne et due forme en vertu des articles 9 et 9-1 qui n’est nullement limitatif en ce
qui concerne la division et l’organisation du territoire. Il n’est donc pas interdit d’en créer de
nouveaux.
Si on ne peut pas dire qu’il existe là une difficulté constitutionnelle insurmontable, force est
de reconnaître que cette formulation est susceptible de générer des tiraillements d’ordre
politique. L’application de cet article selon une interprétation stricte qui ne tiendrait pas
compte des réalités régionales donnerait lieu à des controverses sinon à des frictions entre
différents départements. Ce faisant, on multiplierait les risques de tiraillements. Il faut donc
clarifier et simplifier et, au besoin, trouver un autre mode de sélection.
53
33..22.. TTaabblleeaauu iinnddiiccaattiiff ddee ppoossiittiioonnnneemmeenntt ssuurr llee ttiittrree XXIIIIII
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AAUUTTRREE ((SS)) PPOOSSIITTIIOONNNNEEMMEENNTT
((SS))
1- BAJEUX, Jean-Claude 26 mars 2007 CCAJ ++
« Réflexion Nationale »
‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ 18 novembre 2005 Mémorandum Cl. Moïse 18/05/2007
- après consultation auprès de plusieurs personnes, « se résigner à mettre de côté, à cause des délais qu’il implique le processus proposé par la C de 1987
Avant-projet par un groupe de consultants sous égide comité des sages puis convocation Assemblée Nationale en Assemblée Constituante.
2- DORVAL, Monferrier
28/29-04-1997 Colloque MICIVIH PNUD–U
Quisqueya
++ « impossibilité pratique » d’amender la Constitution selon procédure
Révision scientifique, technique et sereine de la Constitution de 1987
3- GOURGUES, Gérard 7 mars 2007 Presse -- « La Constitution de 1987 … ferme pratiquement la porte à tout amendement ».
Proposition de Forum National pour analyser la Constitution et faire des recommandations à l’exécutif et au Parlement
________ Modification Constitution nécessaire
4- LAFONTANT JOSEPH, André
2007 Presse
++ respecter scrupuleusement le processus d’amendement de la constitution de 1987
54
Tableau Indicatif du positionnement sur le titre XIII (suite)
AAUUTTEEUURR DDAATTEE ((SS)) DDuu
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5- MANIGAT, Mirlande 2007 2000 1995
Ouvrages .Sur le Parlement H. .Traité de Dt. Const. (2T) .Plaidoyer pour une nouvelle Constitution
--
« Rien contre la procédure d’amendement, à condition de la respecter ».
-- Procédure « la plus exigeante « de
notre histoire.
Impossibilité pratique de mise en œuvre.
Plaidoyer pour Nouvelle
Constitution, »avec plus de raisons et plus de force » (qu’en 1995)
29 mars 2007 6 avril 2007
Interview Le Matin Interview Radio Classique Inter
6- MAYARD PAUL, Constantin
7 mars 2007 Presse
++ «Procédure d’amendement claire et précise »
Négociations entre tous les secteurs de la vie nationale. Soumettre les propositions à une Assemblée constituante.
MICHEL, Georges Dr. 28 avril 2007 Florida Int. University
++ à «suivre rigoureusement »
Si amendement nécessaire, le faire dans la sérénité.
__ Recherche consensus sur propositions d’amendement
‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ ‘’ 29 mars 2006 Alter-Presse (Conférence Office Protecteur du Citoyen)
Implicite Pas d’amendement immédiat. Rien contre l’amendement mais débat nécessaire sur l’orientation qu’on va lui donner.-
9- NOISIN, Louis 2007 Texte « Tranches de vie »
-- « Procédure compliquée »
« Amender, réformer, modifier ou
simplement refaire une nouvelle
loi-mère… »
« La plus vite possible avant qu’il ne soit trop tard »
55
10- VOLTAIRE, Jean-Michel
2007 Texte : »Consensus Politique nécessaire à la révision de la Constitution Haïtienne »
-- Procédure restrictive, Constitution Haïtienne : « Le document le plus difficile à amender au monde »
Consensus Politique pour
amendement
______ .. ______ Création d’une Commission constitutionnelle – Proposition de révision constitutionnelle par la Commission. Soumission de la proposition au Parlement pour adoption par 2/3 des voix. Rectification de la proposition de révision par référendum.
56
Chapitre 5
Le dilemme constitutionnel ou la normalisation / institutionnalisation du régime politique issu de la
Constitution de 1987
A ce stade, nous n’avons pas prétendu « résoudre » le casse-tête technique-
constitutionnel de la procédure d’amendement du Titre XIII mais seulement l’énoncer
comme prise de conscience et mise en évidence de la difficulté intrinsèque de cette
démarche, ne serait-ce qu’à son propre niveau. Or, à ce dernier, sa caractéristique
essentielle demeure instrumentale, tout en faisant sérieusement problème comme telle, à
cause de son modus operandi voué à l’impasse fonctionnelle. Pour restituer toute son
ampleur comme problématique, il convient maintenant d’identifier ses champs
d’application possibles (ou appréhendés) en termes de contenu pratique empirique,
concret. Ce qui renvoie au versant politique-institutionnel évoqué précédemment, formulé
ici comme « dilemme constitutionnel ». Qu’en est-il ?
Nous procéderons comme suit : dans un premier temps, signaler des champs pour
ainsi dire « hors-dilemme », lesquels devront toutefois être légitimement inclus dans toute
démarche substantielle de révision / amendement ; puis, nous entreprendrons de
circonscrire le principal champ de problèmes structurels au cœur du «dilemme
constitutionnel » : à savoir, notre régime politique mi-présidentiel mi-parlementaire ; à ce
champ se greffent les modalités, elles-mêmes problématiques, de fonctionnement
proprement dit du régime (normalisation et institutionnalisation). Enfin, nous faisons état
de quelques « problèmes spéciaux » dont l’évocation constante et récurrente fait ressortir
l’importance (sinon l’incidence) sur la stabilisation du processus politique et sa
configuration dans un avenir prévisible.
1. Champs de travail « hors-dilemme »
57
1.1 Les redressements liés aux failles, incohérences, maladresses (grammaticales, langagières
syntaxiques), etc.
Déjà Louis Joseph Janvier (1886) nous prévenait sans détours : « Une constitution
doit être claire, courte, précise, pour éviter les équivoques, les contradictions ». On n’aura
aucune peine à établir que, presque cent ans plus tard, les Constituants de 1987 – malgré le
bénéfice de l’héritage constitutionnel quasi bicentenaire – n’ont pas tiré profit du précepte
didactique de Janvier. Il ne s’agira pas d’ailleurs de réinventer la roue : plus d’un auront
déjà décortiqué en ce sens la Constitution de 1987. (A titre d’illustration : le chapitre 2 du
Plaidoyer de M. Manigat (1995), spécifiquement la section 2.3 intitulée « Le langage de la
Constitution »).
1.2. Les lois d’application
On se heurte souvent à l’observation, sous le mode sévère ou comme boutade :
Commençons d’abord par « appliquer la Constitution » ! Vrai et faux à la fois. Vrai, parce
que depuis 1987, elle a été d’application inégale, voire biaisée ou délibérément à contresens,
le rapport de forces conjoncturel (i.e non constitutionnaliste) l’ayant favorisé ou imposé.
D’où le résultat net : la non-application de la Constitution ! Mais, raisonnement faux
également, pour la raison suivante : la plupart du temps, i.e depuis 20 ans, la Constitution
n’était pas appliquée ou « applicable » par défaut, i.e parce que « faisaient défaut » les
nombreuses lois d’application prévues ici et là mais non disponibles, celles-ci n’ayant pas
été ou pu être votées par les 44e, 45e, 46e, et 47e Législatures, elles-mêmes devenues
« inopérantes pour diverses raisons ». (Voir Moïse, 2007). La 48e Législature pourra-t-elle
mieux faire jusqu’à 2010 parce que jouissant d’une légitimité incontestée, quoiqu’ encore
fragile sur le plan institutionnel interne ?
Il y a lieu, en effet, de procéder à un inventaire systématique des lois d’application à
pourvoir : nous en avons relevé près d’une soixantaine ; selon d’autres sources, elles se
situeraient entre 30 et 50 et davantage (Mirlande Manigat, GREY, CODECO). En tout état
de cause la 48e législature ne pourrait-elle pas s’atteler sans tarder à la tâche de combler
progressivement ce vide législatif, ce qui constituerait un apport décisif au renforcement
direct de l’armature constitutionnelle existante ?
58
1.3 Les institutions manquantes
Dans le même ordre d’idées que précédemment se situent les « Institutions
indépendantes » non encore en existence mais indispensables, selon la lettre de la
Constitution, au fonctionnement intégral du régime politique établi par elle. Pour
mémoire : la Commission de Conciliation – appelée à « trancher les différends qui opposent
le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ou les deux (2) branches du pouvoir législatif »
(Art. 206) ; le Conseil Électoral Permanent, devant être formé selon les dispositions de
l’article 192 ; l’Académie Haïtienne (art. 213), devant être instituée « en vue de fixer la langue
créole et de permettre son développement scientifique et harmonieux ». Sans compter les
institutions délibérantes (ASEC, CASEC, Assemblée Municipale, Conseil Municipal,
Assemblée Départementale et Conseil Départemental ) dont la mise en place progressive –
liée aux résultats des dernières élections locales – déterminera le fonctionnement effectif des
Collectivités Territoriales (comme gouvernement local), mais aussi leur articulation
spécifique avec le gouvernement central : on pense ici notamment à l’échafaudage à plus
d’un titre complexe de la Décentralisation et, singulièrement, à ses multiples niveaux
d’articulation avec les rouages administratifs centraux.
2. Champs de problèmes structurels
2.1 : le champ principal : le régime politique mi-présidentiel mi-parlementaire et ses dysfonctionnements
Évitons d’emblée un malentendu possible : le choix de ce régime étant
historiquement daté, consacré et formalisé, cette rubrique ne le remet pas en question
comme tel ; c’est une donnée. Une tout autre approche interrogative-critique concerne les
considérations et préoccupations suscitées par sa mise en œuvre institutionnelle et ses
implications pratiques en termes d’exercice du pouvoir, d’efficience gouvernementale ou de
son incidence sur le projet démocratique, etc.
2.1.1 Il n’y a pas lieu de s’appesantir outre mesure sur les origines et conditionnements
conjoncturels de ce choix de régime en 1986-1987 ; pratiquement tout un chacun en fait état
59
et s’y réfère (souvent pour en conforter la défense « sacro-sainte » et quasi mythique). A ce
titre, demeure d’actualité le témoignage maintes fois cité du Dr. Georges Michel (La
Constitution de 1987 : Souvenir d’un Constituant, 1992), et dans cette même veine plus
récemment : J-C Bajeux (2007), H. Hérard (2007), etc.
2.1.2 Reste la motivation dominante et déterminante de ce choix : le présidentialisme
« minimaliste », si ce n’est « l’anti présidentialisme » (C. Moïse, 2002), afin de faire barrage à
notre tradition bien ancrée d’autoritarisme présidentiel, surtout après les 29 ans de la
dictature présidentielle autocratique des Duvalier. Dans le même mouvement : le
rétablissement de la puissance, sinon de la toute-puissance, parlementaire comme
« contrepoids ». La construction de ce régime hydride concerne les chapitres II et III du
Titre V, auquel s’ajoute l’article 175 du chapitre IV du même Titre (nomination des Juges) ;
également le chapitre V (De la Haute Cour de Justice), puis le Titre VI (Des Institutions
Indépendantes), notamment l’article 192 pour le CEP, l’article 200-6 du chapitre II pur la
CSCCA, l’article 206 du chapitre III pour la Commission de Conciliation et l’article 207-1 du
chapitre IV (Protection du Citoyen). A quoi il faut bien entendu ajouter les articles 81, 83,
85, 97-2, 87-3 du chapitre I (Titre V) sur les Collectivités Territoriales et relatifs à leur
insertion fonctionnelle dans l’organisation gouvernementale. Au total, plus de 150 articles,
soit environ 52% du contenu de la Charte directement ou indirectement en prise sur la mise
en place du régime et de son fonctionnement. C’est dire le poids hautement symbolique de
l’identification entre la Constitution de 1987 et le régime politique qu’elle entend
institutionnaliser.
2.1.3 Quoi qu’il en soit, s’inspirant en bonne partie de la Constitution française de 1958
(Ve République), les Constituants de 1987 ont tendu à infléchir pour de bon notre trajectoire
historique à dominance présidentialiste en la « tempérant » avec une dose de
parlementarisme éloignée du modèle dit de Westminster (Grande Bretagne) et de ses
variantes européennes ou asiatiques. D’où notre régime mixte, « bâtard » selon certains, qui
ne constitue pas en fait un choix tranché mais se révèle plutôt un pari ouvert, d’emblée
incertain, parce qu’initiant une dynamique d’interaction politique tout à fait nouvelle. Avec
quelles conséquences et implications ? Un constat lapidaire « Nous n’avons pas les
60
avantages des deux, mais les défauts des deux (…) (M. Manigat, 2007). En d’autres termes,
la viabilité du nouveau régime serait-elle irrémédiablement compromise ?
2.1.4 Les quelque vingt ans de la mise en œuvre inégale et discontinue du régime (en
somme, toujours en conjoncture de « redémarrage constitutionnel » : 1998, 1990-1991, 1995-
1999, 2000-2004 puis 2006-2010) ont malgré tout permis d’identifier un éventail de
dysfonctionnements structurels. Autour de ces derniers s’est progressivement construit un
consensus d’opinion informée largement acquis. Toutefois, à noter également l’expression
d’interprétations plus distantes, voire dissidentes. Dans le premier cas, la question de la
nécessaire révision constitutionnelle s’impose d’évidence. Dans le second cas, les
dysfonctionnements sont perçus comme des «mésajustements» on des failles qu’il sera
possible de redresser ou corriger par des amendements appropriés (selon la procédure
prévue) ou même le cas échéant par les lois d’application à venir. De quels
dysfonctionnements s’agit-il ? Nous nous contenterons ici d’un énoncé succinct et indicatif,
sous peine de devoir dupliquer l’argumentation étayée de nos principaux auteurs de
référence que nous reprenons en synthèse dans le tableau ad hoc d’accompagnement
illustratif (Voir « Le Point sur la Constitution de 1987 »).
2.2 Le dysfonctionnement majeur : le déséquilibre fonctionnel entre Pouvoir
Exécutif et Pouvoir Législatif
En plus d’être désormais bicéphale (article 133) – sans être symétriquement partagé –
le Pouvoir exécutif, dans son enveloppe présidentielle, se voit non seulement réduit dans les
attributions du présidentialisme «classique » mais aussi et surtout privé d’un levier préventif
ou correctif – le droit de dissolution (article 111-8) – face à la toute-puissance parlementaire.
Le Pouvoir législatif, par contre, jouit désormais non seulement d’attributions étendues en
plus de sa fonction globale de légiférer (article 111) mais aussi et surtout du droit
d’interpellation du gouvernement pouvant être sanctionné par un vote de censure (articles
129-2 à 129-6). C’est pourquoi on a parlé de « pouvoirs exorbitants » du Parlement, voire de
« l’inégalité des armes » entre l’Exécutif et le Parlement (FRANÇOIS, L. 2005). D’autres –
par exemple, le Dr. G. Michel – s’inscrivent en faux contre cette vision et soulignent
notamment le caractère limité du droit d’interpellation suivi de censure (une fois l’an) et «
61
la norme » de l’interdiction du droit de dissolution dans la tradition constitutionnelle
haïtienne. « Cette interdiction est en Haïti un garde-fou de taille contre l’arbitraire
présidentiel » (Dr. Michel, 2007).
Il faut dire que le régime présidentiel traditionnel haïtien n’a pas vraiment intégré la
dissolution comme recours constitutionnel pour surmonter une crise politico-
institutionnelle. En une seule occasion au cours de notre histoire, un président de la
République a procédé à une dissolution dans l’exercice de son droit constitutionnel. C’était
le 3 juin 1863. Le président Fabre N. Geffrard, bénéficiant d’un droit constitutionnel
discrétionnaire (article 83 de la Constitution de 1846) dissout la Chambre des représentants.
Seulement quatre constitutions plus celles promulguées sous Duvalier ont prévu
explicitement la dissolution (1846, 1874, 1879, 1888). Les dissolutions n’ont été généralement
que des coups de force ou des actes révolutionnaires à l’occasion des renversements de
présidents. Cela a commencé avec le Sénat de 1806 phagocyté par le président Pétion. Au 20e
siècle, on a connu plusieurs dissolutions inconstitutionnelles (deux fois sous l’occupation
américaine en 1916 et en 1917, une fois par le président Vincent en 1935 et par Duvalier en
1961) et de parlements emportés dans les tourmentes de fin de règne (1946, 1950, 1957, 1986).
A titre d’illustration et comme élément de réflexion, voici comment la Constitution de 1957,
en son article 60, alinéas 2 à 6, aménage l’exercice du droit de dissolution :
«Le Président de la république peut ajourner le Corps Législatif en cas de conflit entre les deux pouvoirs, mais l’ajournement ne peut être de plus d’un mois ni de moins de quinze jours ; et pas plus de deux ajournements ne peuvent avoir lieu dans le cours d’une même session. Le temps de l’ajournement ne sera pas imputé sur la durée constitutionnelle de la session. A la suite de deux crises ministérielles provoquées par un vote de blâme du parlement, si après l’épuisement des deux ajournements prévus, au cours de la même session, le conflit persiste entre les deux pouvoirs et paralyse toutes activités exécutives, le décret de dissolution sera pris par l’Exécutif après avis du Conseil des secrétaires d’Etat. Le même décret ordonnera de nouvelles élections qui auront lieu dans un délai de trois mois. La publication de ce décret entrainera le renvoi immédiat de tous les membres du cabinet ministériel qui ne pourront, en aucun cas, faire partie de la prochaine composition gouvernementale. Tout décret de dissolution du parlement pris en dehors de la forme prescrite dans le présent article demeure nul et inopérant.»
62
Quoi qu’il en soit, le problème demeure entier quant au « rééquilibrage » possible ou
souhaitable. Comment y parvenir sans un amendement négocié avec le Parlement ou sans
l’hypothèse radicale d’un changement de Constitution, porteur ipso facto d’un changement
de régime ?
D’autres dysfonctionnements connexes se rattachent au déséquilibre premier entre les
Pouvoirs exécutif et législatif (ou en découlent). Au demeurant, ils servent à le renforcer.
Mentionnons pour mémoire, sans souci d’exhaustivité :
Le processus de formation du gouvernement
Le processus de nomination des Juges
La vacance présidentielle
Le rôle de la Cour de Cassation comme arbitre ultime de conflits de pouvoir entre Exécutif
et Législatif
le contrôle de la Constitutionnalité des lois par la Cour de Cassation, etc.
2.3. Dysfonctionnements induits
Au dysfonctionnement majeur étayé au point 2.2 sont reliés d’autres, induits par
implication directe ou indirecte. Dans l’une ou l’autre occurrence, ils contribuent à le
renforcer sinon à l’aggraver. On n’en mentionnera ici que les plus saillants, en indiquant
l’article ou les articles concernés, suivis d’un bref énoncé signalétique du
dysfonctionnement perçu.
2.3.1. Le processus de formation du gouvernement
Principal article impliqué : 137. On a déjà décrit ce processus comme un véritable
« parcours à obstacles » (C. Moïse, 2007). En effet, plusieurs éléments d’interaction
conflictuelle (potentielle ou actuelle) entrent en jeu. Dans le cas où le Président de la
République, pour exercer sa prérogative de nomination du Premier Ministre, ne pourrait pas
le faire d’emblée « parmi les membres du parti ayant la majorité au Parlement », faute
63
d’existence de cette majorité, il devra se soumettre à l’obligation de « consultation » avec les
présidents des deux chambres. Quelle est la nature de cette consultation? Informelle?
Consensuelle? La Constitution ne l’explicite pas. Quoi qu’il en soit : « Dans les deux cas
(2) [i.e avec ou sans consultation], le choix doit être ratifié par le parlement ». Il s’agira
d’une ratification par la majorité simple de chacune des deux chambres. Or, rien n’est
garanti à ce stade car, pour entrer en fonction, le Premier ministre, choisi et ratifié en vertu
de l’article 137, devra avoir obtenu un vote de confiance « au scrutin public et à la majorité
absolue de chacune des deux (2) chambres « (article 158). En cas d’échec, « La procédure
recommence », i.e successivement, selon 137 et 158.
À l’imitation de la France, les constituants haïtiens de 1987 ont créé un régime
politique où, pour mettre en place le pouvoir exécutif, il faut passer par deux élections
(présidentielle et législatives) et quatre tours de scrutin. Ils y ont ajouté une modalité de
formation gouvernementale comprenant le choix d’un Premier ministre en deux temps
devant deux assemblées séparées et souveraines. En quoi ce régime issu de la Constitution
de 1987 peut-il constituer un obstacle à la recherche de solution aux problèmes aigus de
notre société? En quoi peut-il entraver le processus d’instauration de la démocratie, la mise
en marche de mécanisme de fonctionnement efficace de la démocratie? Le logiciel de ce
régime est-il compatible avec les besoins sociaux et politiques du pays?
L’expérience récente (1997) a établi que des blocages de nomination « en amont » (i.e
avant l’application de l’article 158) pouvaient durablement enrayer le processus pour cause
de confrontation « politique », « idéologique » ou autre, une majorité parlementaire »
« présidentielle » n’étant pas disponible d’emblée. Pourquoi devrait-il en être ainsi? N’est-
ce pas dans tous les cas privilégier la haute main du Parlement, alors que le régime politique
ne se veut ni d’appartenance ni de filiation parlementaire stricte? Dès lors semblerait se
justifier le rapprochement avec un « régime d’assemblée », ce qui constituerait une dérive
organique suscitée par le comportement pratique des forces politiques en action.
2.3.2 Le processus de nomination des Juges
Article 175. Le Président de la République nomme les représentants du Pouvoir
judiciaire – une tradition léguée par notre héritage constitutionnel depuis 1805, à l’exception
64
de la Constitution de 1843 (M. Manigat, 2000). Toutefois – et là gît une nouvelle source
d’interaction conflictuelle -, à partir de la Constitution de 1987, le Président de la
République « partage » cette prérogative avec le Sénat, l’Assemblée départementale et les
Assemblées communales. En effet, ces instances, lui soumettent, pour son choix définitif,
une liste correspondante de personnes, respectivement pour la Cour de Cassation, les cours
d’Appel et les Tribunaux de Première Instance, puis les Tribunaux de Paix.
Or, d’une part, sauf à s’en tenir à des balises d’opportunité politique discrétionnaire,
il ne ressort pas de l’article 175 que le Président se doive de « respecter » les choix de départ
qui lui auront été proposés. D’autre part, en ce qui concerne les Assemblées issues des
Collectivités Territoriales, elles n‘auront pas vu le jour depuis 1987 et commencent à peine à
pouvoir prendre corps à l’issue des récentes élections locales. La loi peut atténuer les effets
de telles dispositions par l’intermédiation d’une instance quelconque (Le Conseil supérieur
de la magistrature, par exemple) dans l’examen de la qualité des personnes proposées pour
occuper les postes de juge aux différents niveaux. Toujours est-il qu’elle ne pourra pas
enlever aux assemblées leur prérogative constitutionnelle. Dans quelle mesure, celles-ci
pourront être soustraites aux divers jeux d’influence et aux interférences politiques
susceptibles d’affecter la sérénité, la rigueur et même l’indépendance du magistrat dans
l’exercice de sa fonction?
Cela dit, le biais de dysfonctionnement par imbrication peut être activé ici aussi,
dans les rapports entre l’Exécutif et le Judiciaire. Nous viennent à l’esprit deux situations
de référence de premier ordre :
Selon l’article 185, le président et le vice-président de la Cour de Cassation sont appelés à
siéger respectivement comme vice-président et secrétaire de la Haute Cour de Justice
devant se prononcer sur la mise en accusation du Président de la République aux termes de
l’article 186-a. Or, l’un et l’autre auront été nommés par ce dernier sur la liste de « trois (3)
personnes par siège » soumise par le Sénat (art. 175). De toute évidence : un cas flagrant de
conflit d’intérêt au détriment de la « séparation des pouvoirs » bien comprise.
65
Selon l’article 206-a, le président de la Cour de Cassation est appelé à siéger comme
président de la Commission de conciliation devant « trancher les différends qui opposent le
pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ou les deux (2) branches du pouvoir législatif »
(article 206). De plus, en cas d’échec de cette Commission, elle en réfère à la Cour de
Cassation dont « la décision est finale et s’impose aux hautes parties » (articles 111-7).
Dans l’une et l’autre situation, les frontières d’indépendance du Pouvoir Judiciaire se
trouvent exposées à un effet de brouillage latent, suscité par la mécanique sous-jacente
d’interaction politique en attente avec le Pouvoir Exécutif.
2.3.3 La vacance présidentielle
Article 149. L’hypothèse de la vacance présidentielle, « pour quelque cause que ce
soit », (sauf « l’empêchement » ou « l’impossibilité temporaire » de l’article 148) fait
intervenir le Pouvoir Judicaire via la Cour de Cassation dans l’exercice du pouvoir exécutif
présidentiel, selon l’ordre de nomination prévu dans la circonstance. Ainsi, en principe, les
membres de la plus haute instance judiciaire, notamment le président de la Cour de
Cassation, sont mus en détenteurs potentiels du pouvoir exécutif (ne serait-ce que pour le
temps limité de la vacance présidentielle – en l’absence d’une crise de pouvoir caractérisée à
l’instar de 1991 / 1994; 2004/2006-). Ne s’ensuit-il pas que le rôle d’arbitre, aussi bien en
première qu’en dernière instance (articles 206 et 111-7), puisse être affecté par un « biais
prudentiel » indu face au pouvoir Exécutif (Président de la République) ? Notre
interrogation n’insinue pas une propension imparable vers ce biais; elle attire l’attention sur
une source de dysfonctionnement inscrite dans cette disposition constitutionnelle
d’anticipation, par ailleurs tout à fait légitime et usuelle.
3. Champs de « problèmes spéciaux » Disons tout de suite qu’il ne s’agit pas de problèmes « extraconstitutionnels»; ils sont
bel et bien ancrés dans l’armature constitutionnelle de 1987 mais, à la différence des
problèmes étiquetés « structurels » ou « induits » et à l’exception du champ de la
Décentralisation, leur traitement n’exige pas une articulation explicite au dilemme
constitutionnel » mis en lumière dans le cadre de ce rapport. Toutefois, dans une démarche
66
éventuelle de réforme constitutionnelle, ils devront d’emblée être partie intégrante de
l’éventail des propositions d’amendement ou de révision. Leur prise en compte est d’autant
plus légitime et, à bien des égards, quasi impérative que leur évocation est récurrente et
constante depuis les 10 – 15 dernières années.
Pour l’essentiel, à notre avis, incompressible, il s’agit des problèmes suivants (sans
hiérarchie d’énumération) :
La création d’une Cour constitutionnelle ou d’un Tribunal Constitutionnel;
La demande de la double nationalité;
La Décentralisation;
La question des Forces Armées
33..11 CCoouurr CCoonnssttiittuuttiioonnnneellllee?? TTrriibbuunnaall CCoonnssttiittuuttiioonnnneell ??
AArrttiiccllee 118833. Cet article confie à la Cour de Cassation le soin de se prononcer «en sections
réunies sur l’inconstitutionnalité des lois», notamment «à l’occasion d’un litige et sur le
renvoi qui lui en est fait». A travers cette disposition, la charte de 1987 se situe certes dans
notre tradition constitutionnelle établie depuis 1843 (avec des interruptions) et à coup sûr
depuis 1918 à l’exception de 1983 (M. Manigat, 2000). Elle rejoint également le courant
prédominant en Amérique latine, mais non pas à l’échelle mondiale où seulement 32% des
constitutions ont recours à la cour suprême (Horowitz, 2006).
Il y a lieu, dans ce domaine, de prendre en compte (par le truchement d’un bilan
rétrospectif approprié) l’expérience accumulée au cours des années 1992, 1999 et 2005. Celle
–ci fait émerger, à première vue, un constat de frilosité sinon de forfaiture institutionnelle de
la Cour de Cassation quant à sa gestion des demandes en inconstitutionnalité surgies en
période de crise politique. A quoi il conviendrait d’ajouter les situations de référence
évoquées précédemment (articles 185 et 206-a), lesquelles mettent en évidence les effets
contraignants et contreproductifs de l’interaction appréhendée de la Cour avec les pouvoirs
exécutif et législatif.
67
En tirer les conséquences signifie: remettre à plat la démarche instituée par l’article
183. En d’autres termes, examiner avec soin l’opportunité d’une formule alternative qui par
sa composition, son mandat, ses modalités de fonctionnement, etc., garantirait
l’indépendance et la crédibilité de l’organe voué au contrôle de constitutionnalité. Ce n’est
pas ici le lieu d’en supputer la configuration précise et détaillée. Toutefois, notre expérience
historique récente suggère fortement une nouvelle orientation qui conforterait
l’établissement d’un pouvoir de révision judiciaire rigoureusement institué et organisé,
articulé dans la transparence à la hiérarchie judiciaire existante et surtout prémuni contre
les interactions politiques paralysantes ou contreproductives. L’État de droit à consolider
s’en ressentirait à coup sûr, et le fonctionnement attendu des institutions serait à terme
renforcé.
Il est impérieux qu’une institution de vérification de la constitutionnalité des lois soit
créée. Elle servirait à prévenir l’application de lois, et de mesures gouvernementales, jugées
attentatoires aux libertés citoyennes et aux droits fondamentaux, voire même de règlements
intérieurs parlementaires abusifs outrepassant les prérogatives du Corps législatif. Dans le
cas de figure d’un Parlement monocolore en étroite imbrication avec le Pouvoir exécutif issu
d’un parti dominant, ces hypothèses ne sont pas vaines. Elles le sont d’autant moins que
nulle part dans le cadre du fonctionnement du régime la Constitution n’aménage des
clauses spécifiques protégeant les minorités ou les droits de l’opposition.
Nous devons rappeler que la puissance législative n’a pas de contrepartie. Les lois
votées ne sont pas contrôlées, le droit d’objection présidentiel ne constituant pas
véritablement un contrepoids. Une loi inconstitutionnelle peut avoir amplement le temps de
produire les effets recherchés avant d’être rappelée. En effet, les procédures établies par la
Constitution pour ce faire (directement ou indirectement, articles 183 et 111-5,6,7) sont
contraignantes et laborieuses. De plus, on peut à juste titre redouter qu’à la faveur d’une
majorité homogène et disciplinée l’Exécutif et le Législatif soient de connivence, dans des
situations exceptionnelles ou non, pour produire des actes législatifs constitutionnellement
douteux. En vérité, le seul recours possible contre l’excès de pouvoir et la précipitation dans
la commission des actes des pouvoirs de l’État est le Conseil constitutionnel qui serait
appelé à établir sans délai la validité d’une loi.
68
33..22.. LLaa ddeemmaannddee ddee llaa ddoouubbllee nnaattiioonnaalliittéé
AArrttiiccllee 1155 pprriinncciippaalleemmeenntt ccoonncceerrnnéé. Sont également concernés: 11, 13, 18. Le
bouillonnement d’idées autour de ce «problème spécial» remonte, on le sait, à la période
initiale des débats sur la Constitution de 1987. C’est dire qu’au cours des vingt dernières
années, il n’a jamais cessé d’être au cœur des différentes conjonctures de mise en œuvre, de
crise ou de redémarrage de l’échafaudage constitutionnel du nouveau régime politique de
1987. Aucun autre «problème spécial» n’aura suscité, tant en Haïti qu’en diaspora, un
éventail aussi divers et complexe de prises de position intéressées: passionnées ou sereines,
constructives ou défensives, tranchées ou modérées, etc., jamais indifférentes!
L’animosité des débuts ayant cédé la place à la recherche de convergences positives,
la question se pose aujourd’hui ouvertement, avec ses implications à court, moyen et long
terme. Au demeurant, la loi du 12 Août 2002 en aura constitué un premier traitement,
quoique partiel et circonstancié, en tout cas «un grand pas dans la bonne direction» (E.
Pierre, 2005). Désormais, l’enjeu politique ne tourne pas autour de la «légitimité» de la
demande, mais plutôt autour des conditions et modalités réalistes, consensuelles et
institutionnelles de sa mise en œuvre. Cette perspective ressort clairement du tableau de
positionnement qui accompagne cette section – encore une fois: un échantillon seulement
indicatif et illustratif de la démarche.
Celle-ci est confortée par un ensemble de données cumulatives de type historique,
sociologique et économique. Leur interaction les transforme et propulse en autant
d’arguments fortement crédibles et promotionnels à l’appui d’un traitement positif de la
demande de double nationalité. Mentionnons, entre autres:
le poids démographique de la diaspora (près d’un quart de la population intérieure
d’Haïti) avec des assises stratégiques en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada);
69
l’effet de levier décisif de ses transferts financiers (à hauteur de 1,6 milliard de dollars
américains en 2006) ;
la solidarité politique active avec le pays d’origine, particulièrement au cours des
vingt dernières années et en période de crise;
les exemples récents et persuasifs de pays à forte dynamique migratoire (Philippines,
Mexique, R. Dominicaine, etc.) dans la mise en place de politiques ou d’accords de
double nationalité en faveur de leurs ressortissants expatriés et au bénéfice du pays
d’origine.
Enfin, il n’est pas superflu de mentionner ce que plusieurs juristes ont déjà analysé et
qu’il faut prendre en considération comme argument : la double nationalité de fait dont
bénéficient non seulement des Haïtiens d’origine qui ont acquis une autre nationalité,
mais des étrangers qui ayant acquis la nationalité haïtienne ne perdent pas leur
nationalité d’origine. Nous abondons dans le sens des analystes et observateurs qui
mettent l’accent sur les principes d’orientation suivants en vue d’un traitement adéquat et
serein de la question de la double nationalité:
Élaboration d’un code de la nationalité;
Modulation de la législation sur la double nationalité en tenant compte des
catégories de ressortissants concernés;
Établir distinctement les conditions d’éligibilité à des postes électifs en Haïti;
Insérer le traitement de la double nationalité dans une stratégie de développement
national;
Rechercher des accords bilatéraux appropriés.
Une démarche d’amendement / révision englobant le traitement de la double
nationalité entraînera des reformulations, adaptations, suppressions ou ajouts dans
différents domaines connexes, par nécessité d’articulation directe ou indirecte. A titre
d’illustration : Titre II, Titre III, chap. I, art. 18; chap. II, Section H, art. 36, Section J, art.
41 et art. 41-1; chap. III, art. 52 à 52-3; Titre IV, art. 53 à 56. Sur la question de l’éligibilité
70
aux postes électifs, les articles concernés devront être revus en connaissance de cause :
articles 70, 79, 91, 96, 135, 157.
3.3 Collectivités territoriales et décentralisation.
La restructuration des pouvoirs locaux et régionaux et la promotion de la
décentralisation représentent une conquête majeure dans la lutte pour la démocratisation en
Haïti. Les articles 61 à 87-5 couvrent les organes des collectivités territoriales de la section
communale au département. La commune nous apparaît comme le pivot de la gestion et de
l’animation de ces collectivités. La Constitution, après avoir défini les modalités de
formation du Casec et du Conseil municipal, dont l’élection au suffrage universel direct,
laisse à la loi le soin de régler le mode de fonctionnement des assemblées qui les assistent. Il
est paradoxal que les lois ou décrets élaborés à cet effet fassent des Asec le point de départ
de la formation des assemblées territoriales, donc de toute l’architecture du régime. Au
point qu’en partant de l’Asec on aboutit aux assemblées municipale et départementale en
court-circuitant le Casec et le Conseil municipal, deux entités principales qui assurent la
gestion des sections communales et des communes.
Notons que la décentralisation, même lorsqu’elle se justifie par le désir de rapprocher
les citoyens des centres de pouvoir locaux et par une offre institutionnelle de participation,
ne paraît pas tenir compte des réalités et des contraintes. Le surnombre des institutions
(Asec, Casec, assemblées municipales, départementales, assemblée interdépartementale), la
dissociation des pouvoirs au sein des collectivités territoriales entretiennent la confusion et
posent des problèmes de coûts et de compétences. L’idée de décentralisation est viable,
mais elle risque d’être dévaluée si les fonctions ne sont pas bien définies et les conditions
d’application non maîtrisées. Lors même qu’elles le seraient clairement et adéquatement, le
surnombre et la dispersion des pouvoirs sont de nature à compromettre l’efficacité de la
gestion des communautés. La pauvreté des ressources matérielles et humaines,
l’impréparation des cadres, la pesanteur des traditions de clientèle ne peuvent qu’aggraver
les difficultés. Une simplification des structures de la décentralisation pourrait être un
objectif important dans une démarche de révision constitutionnelle.
71
3-4 La question de l’armée
La démobilisation générale de l’armée s’est opérée au terme des trois ans de lutte qui
ont mis en échec le gouvernement du coup d’État militaire de 1991 et abouti, à la faveur de
l’intervention militaire étrangère, à la restauration complète, le 15 octobre 1994, du pouvoir
issu des élections de 1990-1991. Du 28 octobre 1994 au 28 avril 1995, le président Aristide a
procédé par étape à la liquidation institutionnelle de fait des Forces armées. Reste en
activité de service la Police, l’un des deux corps de la Force publique prévue au titre XI de la
Constitution. Pas moins de 17 articles (264 à 268 -3) portent sur les Forces armées. L’armée
est chargée de la défense du territoire à l’exclusion de toute fonction de police. Cependant,
la responsabilité de la politique de défense nationale appartient conjointement au chef de
l’État et au Premier ministre.
Dans une certaines mesure, l’armée par son statut et ses règlements internes,
fonctionne comme une institution indépendante : organisation générale de l’institution,
exercice du commandement, conditions d’engagement, promotions, révocations, mises à la
retraite échappent au pouvoir présidentiel. Nulle part il n’est indiqué que le mode de
fonctionnement et l’organisation de l’armée sont réglés par la loi comme c’est le cas pour la
Police (article 269-1 de la Constitution.). Le Parlement n’aurait donc rien à y voir. Le libellé
de la clause ci-dessous est sans équivoque :
Article 267-2 :« La carrière militaire est une profession. Elle est
hiérarchisée. Les conditions d’engagement, les grades, promotions,
révocations, mises à la retraite, sont déterminées par les règlements internes
des forces armées d’Haïti»
Même si le pouvoir règlementaire n’appartient qu’au Premier ministre (article 159 de
la Constitution), quelques clauses constitutionnelles supplémentaires sont censées protéger
le militaire contre l’arbitraire et les manipulations de l’exécutif. Par exemple :
72
Article 267-3, 2ème alinéa : « Il (le militaire) ne peut être l’objet d’aucune
révocation, mise en disponibilité, à la réforme, à la retraite anticipée qu’avec
son consentement »
Et même lui donner les moyens d’une puissance autonome vis-à-vis du pouvoir civil.
Comment interpréter la clause suivante :
Article 268-3 : « Les Forces armées ont le monopole de la fabrication, de
l’importation, de l’exportation, de l’utilisation et de la détention des armes de
guerre et de leurs munitions ainsi que du matériel de guerre.»
Dans la logique du nouveau régime politique (création d’institutions indépendantes),
le souci est ici manifeste de soustraire les forces armées à l’influence directe ou à la
domination d’un despote exerçant le pouvoir à des fins personnelles. Mais comme pour le
Parlement, il se pose le problème du détournement de l’esprit de ces clauses vers un strict
formalisme propre à servir des causes inavouables. Lorsqu’il s’agit d’une institution qui a le
monopole des armes, qui a cumulé tout au long de l’histoire des fonctions de police et
d’armée, qui s’est spécialisé dans la répression sans aucun égard pour la vie et la dignité des
individus, il faut redouter la manipulation de ces clauses constitutionnelles qui fondent la
prétention des militaires à une forme d’inamovibilité. C’est d’autant plus redoutable pour un
régime démocratique que la double fonction de police et d’armée concentre en un seul lieu
stable l’information sensible et les secrets d’État.
Il n'en reste pas moins que la question touche à deux aspects essentiels : la
souveraineté de l'État et la sécurité publique sous tous ses aspects - y compris la nécessité
de prendre en compte les exigences d’une politique sécuritaire aux dimensions supra
nationales - Son approche doit être globale et porter forcément sur la conception et
l’élaboration d’une politique sécuritaire nationale. Dans cette perspective, il est important
d'explorer des avenues de solutions qui n’excluent pas un réexamen des clauses de la
Constitution portant sur les forces armées. La question n'est pas : faut-il abolir l'armée,
mais comment la réaménager pour qu'elle réponde aux tâches de sécurité, de sauvegarde de
73
la souveraineté nationale, d’assistance des populations en cas de désastre national et que
son organisation corresponde à notre capacité de dépenser?
74
Tableau Positionnement sur la double nationalité
AAUUTTEEUURR SSOOUURRCCEE CCOONNSSTTAATTSS//OOBBSSEERRVVAATTIIOONNSS PPRROOPPOOSSIITTIIOONNSS //RREECCOOMMMMAANNDDAATTIIOONNSS
ACHILLE, Théodore Ouvrage: Les Haïtiens et la double Nationalité H, 2007.
-Poids de l’émigration haïtienne et son apport à l’économie nationale (plus d’un milliard de dollars) - Convention 2 sept. 1906 entre Grande Bretagne et Haïti : application limitée de la double nationalité. - Convention 22 mars 1902 (sanctionnée par ch. législ. hait. le 11 août 1903) entre Etats-Unis d’Amérique et Haïti. - Constitution de 1903, art. 18: octroi de la double nationalité par convention bilatérale ou multilatérale. - Double nationalité : fait juridique et fait social admis dans la plupart des Etats de droit et de baisse démographie.
- Nécessité d’un «Code de la nationalité haïtienne». - «Nécessaire et impérieux» de réorganiser le sens de l’article 15 de la Constitution de 1987» en rejetant la force trompeuse de certains arguments» (re: fausse interprétation de la renonciation en matière de nationalité») - Accords bilatéraux souhaitables.
BAYARD, Alice Texte: «De la nécessité d’un code de la Nationalité Haïtienne», Le Matin, décembre 2005.
- Loi sur les règles relatives à la nationalité haïtienne se fait encore attendre ( art. 10 de la Constitution) - En dépit de l’article 15 de la Constitution de 1987, la double nationalité est légalement tolérée en Haïti (Ex. Etranger (e) marié (e) à un conjoint de nationalité haïtienne). - Haïtiens naturalisés restent attachés en Haïti. - Proposition de nationalité unique tout à fait contreproductive, compte tenu du processus de mondialisation.
- Elaboration nécessaire d’un code de nationalité.
- Trouver des solutions justes à la question de la
nationalité «en tenant compte des changements survenus
en Haïti, du démembrement de la Société Haïtienne, des
mutations de l’environnement mondial et de l’évolution du
droit international sur la nationalité».
- Plus grande ouverture d’esprit basée sur des valeurs d’égalité et de fraternité, d’efficience et d’efficacité.
BERNARDIN, Raymond, Dr. Ouvrage : La nationalité haïtienne, Consultations et lois de 1804 à 1987, 2001
- Constitution de 1987, art. 15: «Coup de grâce à la double nationalité» - Revue historique de la question depuis 1830.
- «Nécessité d’apporter une correction positive à cette anomalie rétrograde, injuste et inopportune de la Constitution de 1987».
DORE, Guichard Texte “Faut-il admettre la double nationalité en Haïti?». Centre de formation et d’Insertion par
Sur la question de la double nationalité: deux visions de société et deux projets différents «courant conservateur-
- Inscrire la double nationalité dans une stratégie nationale de développement.
75
l’Economique. célébration du passé, exclusion, nationalisme primaire, etc. – double nationalité» aventure dangereuse»; courant moderniste – ouverture, inclusion, participation, etc. – double nationalité: opportunité et non une menace .
- Faire un choix «entre la raison et l’irrationnel, entre le pragmatique et le folklorisme» - Mettre à plat articles de la Constitution pour prendre en compte la nouvelle configuration sociologique du pays réel et du pays élargi». - Modifier la loi-mère «après ententes et discussions»
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Tableau Positionnement sur la double nationalité
AAUUTTEEUURR SSOOUURRCCEE CCOONNSSTTAATTSS//OOBBSSEERRVVAATTIIOONNSS PPRROOPPOOSSIITTIIOONNSS //RREECCOOMMMMAANNDDAATTIIOONNSS
MANIGAT, Mirlande - Ouvrage : Traité de Droit Constitutionnel, Vol I, 2000. - Interview le Matin, 29 mars 2007. - Interview Radio Classique inter, Orlando, 6 avril 2007
«Un sujet délicat de controverse actuelle». «Une des
questions contentieuses qui divise les Haïtiens de
l’intérieur (et de l’extérieur)».
Importance démographique de la diaspora. - Formulation «lapidaire» de l’article 15 de la Constitution de 1987. - Avec «apaisement de l’animosité intérieur/ extérieur», «conditions psychologiques permissives pour un réexamen constitutionnel à cet égard».
Distinguer trois choses: - 1) la double nationalité;
- 2) les conditions d’éligibilité aux différentes fonctions;
- 3)la possibilité de représentation des Haïtiens de l’extérieur
MICHEL, Dr. Georges Texte : La Constitution de 1987 : Le Point », FIU, 28 avril 2007.
Amendement Constitutionnel sur double nationalité « loin d’être acquis ». Article 15 pourrait être maintenu dans sa rédaction actuelle « encore pour très longtemps ».
Problème de la double nationalité «peut être réglé par un simple changement de l’attitude administrative un gouvernement haïtien face à l’espèce». «On n’admet pas mais on ignore». Don’t ask don’t tell.» “Ce n’est qu’une attitude administrative parmi d’autres». « Ses effets sont exactement les mêmes qu’une abrogation formelle de l’article 15»
PIERRE, Ericq Texte : « La double nationalité et Nous », Le Matin, 13, 14-17 oct. 2005
La formulation « n’avoir jamais renoncé à sa nationalité » prête à confusion. - « L’Haïtien naturalisé sent au fond de lui même qu’il n’a jamais cessé d’être haïtien ». - Loi du 12 août 2002 : « grand pas dans la bonne direction ».
- Moment venu de revisiter cette proposition de la Constitution de 1987 (article 15). - «La question de la double nationalité» ne doit pas être escamotée». - La résoudre de façon exhaustive et transparente au bénéfice du pays tout entier». - «Résoudre ce problème ne devra pas être considéré comme une faveur faite à la diaspora».
ROY FOMBRUN, Odette Texte : Nationalité de fait, Nationalité d’origine ») Le Matin, 25 et 31 juillet 2006
« Tous les haïtiens ayant une autre nationalité
n’aspirent pas à recouvrer la nationalité
« le gouvernement haïtien devrait moduler la reconnaissance de la double nationalité». « Le gouvernement devrait:
a) Chercher à faire reconnaître la double nationalité (et définir les conditions d’éligibilité à des postes électifs en Haïti);
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haïtienne… ».
« Quelques rares membres de la diaspora – surtout parmi les moins jeunes aspirent à briguer une fonction publique.
b) Faire adopter des lois fixant le statut des visiteurs – y compris ceux d’origine haïtienne;
c) Fixer le statut et les procédures pour les Haïtiens vivant en terres étrangères».
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Synthèse et recommandations
1 - Vingt ans après sa promulgation, la Constitution de 1987 demeure le principal document
de référence des aspirations sociales et politiques portées par le mouvement démocratique
des années 80 et 90. Au chapitre des droits, des avancées importantes ont été faites. Les
nombreuses et généreuses clauses s’y rapportant de même que les nouvelles créations
institutionnelles et juridictionnelles s’efforcent de répondre aux demandes de liberté, de
justice et de participation à la chose publique du peuple haïtien. Certes, certaines d’entre
elles restent encore à l’état de vœux. Mais ce n’est pas parce que leurs conditions
d’application ne sont pas réunies qu’elles n’ont pas leur place dans la Charte.
2 - Nous avons considéré, par rapport à la situation nationale (historique et conjoncturelle),
que le contexte constitutionnel d’instauration de l’État de droit démocratique appelle deux
ordres de considérations. L’un se rapporte au contenu même de la Charte, l’autre au
conditionnement politique de son application. L’analyse du texte nous a amenés à prendre
en considération deux ordres de difficulté relevant l’un de la structuration même du régime
politique, l’autre des formulations diverses éparpillées dans le document comme pour tenter
de boucher les trous par où pourraient passer des dirigeants mal intentionnés. Il en est
résulté un régime hybride, difficile d’application, porteur en germes des éléments d’auto
destruction.
3 - Dans le processus de normalisation et de ré-institutionnalisation de l’État, des
dispositions spéciales et extraordinaires ont déjà été prises : gouvernements intérimaires,
calendriers, décrets électoraux et CEP remaniés par voie de consensus, nonobstant les
prescrits constitutionnels. Par exemple, le dernier dispositif de gouvernement intérimaire
(2004-2006) ne procéda point de dispositions constitutionnelles spéciales en dépit de la
démission officialisée du président Aristide, mais d’un compromis politique qui déboucha
sur l’Accord du 4 avril 2004. Il serait donc logique de pousser à la recherche d’un accord
national pour procéder à des amendements constitutionnels dont tout le monde ou presque
admet l’impératif. La révision s’impose d’abord comme une exigence de clarification en vue
de la gestion efficace de l’État, compte tenu de l’impact des conflits de compétence et des
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vides institutionnels sur la crise politique, même si on est porté à considérer les luttes de
faction au sein de l’appareil d’État comme la cause première de la déstabilisation
gouvernementale et des dysfonctionnements institutionnels.
4 - Nous sommes donc allés à la question de fond, celle du régime politique lui-même dans
sa nouveauté, l’organisation des pouvoirs, la création de nouvelles institutions, les
procédures établies, les contraintes, etc. Les points critiques sur lesquels a achoppé la mise
en place du régime politique sont apparus avec les vicissitudes politiques des dernières
années. L’instabilité et le dysfonctionnement des institutions de l’État sont certainement
tributaires du flou de certains pouvoirs, de conflits de procédure, mais aussi de la défiance
constitutionnelle vis-à-vis du présidentialisme traditionnel. De la répartition des
compétences et des pouvoirs il résulte plusieurs puissances parallèles: d’un côté le
Parlement assuré d’une immunité absolue, de l’autre le Pouvoir exécutif dont les deux
branches exercent des attributions qui imposent une étroite collaboration, mais excluent la
subordination de l’une à l’autre; il faut ajouter le CEP, puissance indépendante, qui n’a de
compte à rendre à personne.
5 - De l'avis de plusieurs analystes, juristes et constitutionnalistes, il existe globalement un
problème central d’applicabilité de la Constitution. Rigide, assortie de formulations
imprécises, approximatives et parfois contradictoires, elle laisse peu de place à
l'interprétation et pas assez de marge de manœuvre au législateur qui pourrait être appelé à
intervenir pour combler des lacunes. Dans cet ordre d'idées, nous avons relevé d’autres
points tout aussi critiques portant sur l’absence d’une institution de recours pour le contrôle
de la constitutionnalité des lois, le système de sélection des juges, l’association de la Cour
de Cassation au jeu politique, la multiplicité des structures au niveau des collectivités
territoriales, la variété des mandats du CEP, etc.
6 - Le régime présidentiel fait partie de la culture politique d’Haïti, il ne constitue pas en soi
un obstacle à la démocratie. Dans une perspective historique, il est juste de rappeler que ce
que nous appelons l’État traditionnel, présidentialiste tyrannique, n’a pas toujours été, à
tout moment de l’évolution historique, un État arbitraire, despotique, dépourvu de toute
80
espèce de légalité à opposer à un État de droit démocratique idéal dont nous serions la
première génération à promouvoir l’avènement. Il existe une riche histoire du
constitutionnalisme haïtien. Du reste, à quelques exceptions près, les Constitutions
haïtiennes établissent des contrepouvoirs qui tempèrent le pouvoir présidentiel. Ce qui fait
problème, c’est la faiblesse des classes dirigeantes, l’état général du pays.
7 - L’État de droit ne se décrète pas. Il ne s’instaure pas du seul fait de l’existence d’un
régime constitutionnel porteur des valeurs démocratiques. Mais quelle que soit sa force ou
sa faiblesse il faut, pour être effectivement performant, que ce régime gagne la confiance
populaire. Le peuple ne se fie pas spontanément à des institutions, à un régime qui n’ont
pas encore fait la preuve de leur validité et de leur solidité. Le nouveau régime politique de
la Constitution de 1987 où les partis constituent un rouage essentiel n’est pas encore
enraciné dans les mœurs, par conséquent n’a pas encore acquis la force sociétale et la
légitimité politique qui justifieraient la substitution du régime parlementaire classique au
régime présidentiel.
8 - Ce qui est en question actuellement, c’est la mise en place institutionnelle des
contrepoids par la dynamisation et l’efficacité du travail parlementaire et des pouvoirs
locaux, par le renforcement du pouvoir judiciaire, par la vitalisation de la société civile. Il
faut viser l’efficacité et le dynamisme que peut procurer un gouvernement cohésif au
sommet de l’État dont le pouvoir serait surveillé et tempéré par le vis-à-vis parlementaire et
la multiplication des initiatives du mouvement associatif. Ce n’est donc pas le
chambardement total qui est ici visé, mais la nécessité de corriger les défauts mécaniques
de la machine pour qu’elle fonctionne correctement et efficacement.
9 - D’aucuns trouvent le régime politique de la Constitution de 1987 idéaliste, sans
commune mesure avec l’histoire et la réalité sociopolitiques du pays, à cause de la profusion
et de la dispersion des lieux de pouvoir. Le système électoral, lourd et coûteux, ferait peser
une hypothèque sur la gouvernabilité durable à laquelle aspire le pays. Les élections
fréquentes, directes ou indirectes, sont susceptibles d’affecter la stabilité politique.
81
10 - Penser la mise en application de la Constitution, même correctement révisée et
simplifiée, est un exercice impérieux et responsable. Cela veut dire pour nous qu’il faut
élaborer une stratégie qui tienne compte des ressources financières et humaines, du niveau
de préparation de la population, de la situation des partis (force et faiblesses), de l’état des
institutions traditionnelles (justice, police, etc.), des conditions de fonctionnement des
communes et de la vie rurale. L’établissement d’un état des lieux, au lendemain du vote de
la Constitution et tout au long des péripéties des vingt dernières années, aurait sans doute
permis de se rendre compte de ce qui est possible et nécessaire tout de suite, de ce qui peut
être différé et programmé selon un calendrier, de ce qui devait être corrigé sans délai,
compte tenu des risques de blocage. Un tel exercice aurait débouché sur des propositions à
inscrire à l’agenda d’un dialogue national, d’une concertation nationale. Cela n’a pas eu
lieu, mais un tel exercice demeure une exigence de responsabilité et de clairvoyance quelle
que soit la formule adoptée pour réformer notre régime politique.
11 - La modernisation effective de notre système politique, la garantie de l'instauration d'un
État de droit démocratique et fonctionnel, la gouvernabilité du pays, la restauration de
l'autorité de l'État - autant de conditions nécessaires au développement économique et au
progrès social - imposent la clarification des normes constitutionnelles, la simplification du
régime politique et le fonctionnement régulier des institutions.
Le défi est de taille pour les élus et pour toute notre société s’il faut ajouter à ces exigences
de clarification tout le toilettage dont a besoin le texte constitutionnel. Mais il s’agira avant
tout de concilier la nécessité d’une réforme incontournable sinon urgente et la sérénité que
commande l’opération. Le principe même de la révision constitutionnelle est si strict,
l’élaboration si délicate qu’elle impose de s’abstenir de toute initiative précipitée. Mais,
nous venons de le voir, l’exigence pratique de fonctionnalité du régime et de gouvernabilité
du pays est telle que le déclenchement du processus de révision ne saurait attendre
indéfiniment. En suivant les procédures établies aux articles 282 à 284-4, c,est seulement à la
dernière session de la 48ème législature que pourrait être mis en branle le processus
d’amendement. Si les résultats sont positifs, les clauses amendées ne pourront entrer en
vigueur que sous la présidence du successeur de l’actuel chef de l’État.
82
12 - Nous ne sous-estimons pas les difficultés techniques et politiques d’une telle opération.
Toute annonce de projet de réforme ou d’amendements à la Charte déclenche des
résistances lors même que les démarches ont lieu dans le cadre des prérogatives
constitutionnelles du chef de l’État et qu’elles se poursuivent, selon l’opinion majoritaire
constatée, conformément au titre XIII de la Charte (articles 282 à 284-4). Il faut, d’une part,
éviter les conflits et les affrontements stériles alimentés par la confrontation des grands
principes et d’autre part, être conscient que la méfiance latente devient manifeste si on ne
sait pas présenter la question et mobiliser l’opinion sans laisser l’impression que l’opération
est dirigée contre telle catégorie ou tel individu ou en faveur de telle catégorie ou tel
individu. Les dérives et cabales peuvent surgir à tout moment. Le front du refus s’attachera
à déformer la réalité. D’où le maintien nécessaire par le chef de l’État d’une ligne ferme de
transparence et d’une vigilance de communication alimentée par le souci de porter le débat
dans tous les coins du pays et de parvenir au consensus le plus large possible autour d’un
projet de révision constitutionnelle clair et précis. Nos recommandations s’inscrivent dans
ce sens.
Recommandations
Nous recommandons la création conjointe Exécutif / Parlement d’une Commission
constitutionnelle d’experts, chargée de préparer le projet de révision à soumettre aux
mandants dans un délai raisonnable, déterminé à partir de son chronogramme convenu
d’opérations.
La révision envisagée sera ordonnée autour des problèmes majeurs, structurels et récurrents, qui conditionnent la viabilité du régime politique et dont la solution consensuelle permettrait d’en conforter les perspectives de consolidation à moyen - long terme. Le rapport a identifié l’essentiel de ces problèmes au chapitre 5 mais il revient à la Commission de les compléter et de les articuler selon son jugement.
83
Nous recommandons de placer formellement le projet de révision constitutionnelle
sous l’égide du titre XIII (articles 282 à 284-4) (même si le rapport [chapitre 3] a largement
argumenté et fait valoir ses incertitudes opérationnelles liées aux différents aléas de son
déploiement). En effet, la procédure prévue ne saurait être elle-même amendée – à moins
de changer de Constitution.
Toutefois, il est possible de pallier à ces incertitudes opérationnelles ou d’en atténuer les
effets par la mise en place d’un modus operandi politique et institutionnel à négocier avec le
Parlement via les partis politiques qui y sont représentés et en ayant recours aux bons
offices de la Convention des partis politiques. Il s’agirait d’un pacte constitutionnaliste de
gouvernabilité engageant la 48ème Législature et les partis politiques comme rouage
incontournable du régime politique en vigueur.
Sur la base du projet de révision établi par la Commission et selon des modalités à
convenir par les représentants de l’Exécutif et du Parlement, nous recommandons qu’une
large consultation soit engagée auprès de toutes les forces vives du pays en mettant en
œuvre différents voies et moyens (auditions, cahiers de charges, mémorandums, etc.).
L’examen des principales tendances dégagées au cours de cette consultation devra
permettre au Parlement d’harmoniser la convergence du projet de révision par rapport à
l’opinion nationale représentative.
84
Indications bibliographiques
1. Ouvrages ACHILLE, Théodore E. Les Haïtiens et la Double Nationalité, Montréal,
les Editions du Marais, 2007.
BERNARDIN, Raymond, Dr. La Nationalité Haïtienne. Constitutions et Lois de
1804 à 1987. Port-au-Prince, L’Imprimeur II, 2001. Constitution de la République d’Haïti 29 mars 1987, Port-au-Prince, CEDH, 2002. DESHOMMES, Fritz, Décentralisation et Collectivités Territoriales en
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WAH, Tatiana K. A la Recherche d’un Consensus après 200 ans
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2. Autres Textes de référence (ronéotés, internet, etc.)
87
ALCINDOR, Christian, ‘’Un amendement à la Constitution de 1987 s’impose’’. (Sur la nationalité haïtienne), juillet 2006.
ALEXIS, Jacques Edouard, Premier Ministre, ‘’Allocution’’ (Symposium à
Miami sur la réforme Constitutionnelle, Florida International University’s African New World Studies, 28 avril 2007.
BAJEUX, Jean-Claude, ‘’La Puissance Virtuelle d’une Constitution’’, CEDH, 8 avril 2007. ‘’ ‘’ ‘’Vingt ans après, Honneur et Respect à la
Constitution du 29 mars 1987’’, CCAJ, 26 mars 2007.
‘’ ‘’ ‘’Mémorandum’’ à Claude Moïse, re: Révision
Constitutionnelle, 18 novembre 2005, (Date du Mémorandum: 5/18/2007).
BAYARD, Alice, ‘’De la nécessité d’un code de la Nationalité
Haïtienne’’, 24 novembre 2005. CANTAVE, Tony, ‘’Le projet constitutionnel de décentralisation: une
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CODECO d’Haïti (Coalition pour la Défense de la Constitution), ‘’Projet
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DORE, Guichard, ‘’Faut-il admettre la double nationalité en Haïti’’,
Centre de Formation et d’Insertion par l’Economique, (s.d.) [email protected]
FRANÇOIS, Lyn, ‘’Brèves observations sur le régime constitutionnel
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LAFONTANT, Joseph, André, ‘’Changer ou Amender la Constitution de 1987’’ ?
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88
LISSADE, Guerdy ‘’Quelques points de réflexion dans le cadre d’une
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d’Haïti (propos d’historien), Bordeaux, mai 1993. MANIGAT, Mirlande, Interview avec Le Matin, 29 mars 2007. .Interview avec Radio classique inter, Orlando, 6 avril 2007. MICHEL, Georges, Dr., ‘’La Constitution de 1987: le Point’’ (Perspective
d’un Constituant de 1987), Florida International University, 28 avril 2007.
MOISE, Claude, ‘’Réflexion sur la question constitutionnelle
aujourd’hui’’ (Texte d’introduction), Palais National, 2007.
‘’ ‘’ ‘’Mémorandum soumis au Président René Préval’’,
17 juin 2006. ‘’ ‘’ ‘’La Constitution de 1987, un anniversaire à ne pas
oublier’’, Editorial, le Matin, 26 mars 2004. MOISE, Serge, H., ‘’Constitution, quand tu nous tiens…!’’ (2007)
[email protected] NOISIN, Louis ‘’Tranches de vie. Autour de la question
d’amendement à la Constitution de 1987’’. (2007). PERRIN, Jude, ‘’Dessiner le paysage politique de l’avenir : Pour un
Conseil de Réformes Institutionnelles’’ (s.d.) PHANORD, Chesnel, ‘’Révision Constitutionnelle pour la Réforme
d’Haïti’’, New Jersey, 22 mars 2007. PIERRE, Ericq, ‘’La double nationalité et Nous’’, Le Matin, 13, 14-
17. Oct. 2005. PIERRE, Louis Naud, ‘’L’affaire Siméus et les autres : quelques
précisions’’, 15 et 19 oct. 2005. PIERRE, Webster, ‘’Pour une république fédérale d’Haïti, 28 mars
2007. ROY FOMBRUN, Odette, ‘’Nationalité de fait, Nationalité d’origine’’, (Le
Matin, 25 et 31 juillet 2006.
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SAURAY, Eric, ‘’Haïti: les transmutations du régime politique
instauré par la Constitution de 1987’’, Alter Presse, 10 Février 2007.
SAINT-GERARD, Yves, ‘’Naître quelque part entre Mal-être et Double
nationalité’’ (s.d.). SAINT-PAUL, Fritz Robert, ‘’L’idée d’un éventuel amendement de la
constitution’’, (s.d.). VOLTAIRE, Jean-Michel, ‘’Consensus Politique nécessaire à la révision de la
Constitution Haïtienne’’, (s.d.) [email protected]
90
ANNEXE
Textes ou Extraits de Textes de référence N.B La plupart de ces textes sont déjà répertoriés dans la Bibliographie : ils sont signalés (en
tout ou en partie) ici à titre de référence thématique.
1) Historique, Genèse de la constitution de 1987
Hérard, Huguette « Les 20 ans d’une constitution bafouée »(2007)
Manigat F., Leslie « Le destin Constitutionnel de la République
D’Haïti (propos d’historien) », Institut d’Etudes
politiques de Bordeaux, mai 1993.
2) Textes d’interprétation d’ensemble de la Constitution de 1987 (Amendements, Révision,
etc.)
Alexis, Jacques Edouard « 20ème
anniversaire (FID) »
CCAJ (commission Citoyenne pour l’application de la justice), « Vingt ans après
Honneur et Respect à la constitution du 29 mars
1987 »,26 mars 1987.
Chambre des députés « Septembre 2003 »
Delpé, Turneb « La conférence Nationale et la constitution du
29 mars 1987 ».
Fleurimond, Wiener K., « La constitution Haïtienne de 1987, vingt ans
Plus tard ( n.d)
François, Lyn, « Brèves observations sur le régime
Constitutionnel Haïtien », Alter Presse, 15
Février 2005.
Greh « Le Greh face à la question constitutionnelle »
Lafontant Joseph, André « Changer ou Amender la constitution de
1987»? 2007.
Laroche, Marc-Léo, « Les tars originelles de la constitution d’Haïti ».
91
Michel, Dr. Georges, «La constitution de1987 : le point » (perspective
d’un constituant de 1987) ,28 Avril 2007.
Noisin, Louis, «Tranches de vie. Autour de la question d’amen-
dement à la constitution de 1987 »(2007).
Pharel, Kesner « La force de frappe de la diaspora ».
Pierre, Webster, «Pour une République fédérale d’Haïti»28 mars
2007.
St Paul, F. Robert « L’idée d’un éventuel amendement de la
Constitution ».
Voltaire, Jean-Michel, « Consensus Politique nécessaire à la révision de
la Constitution haïtienne » (s.d.)
3) Textes d’interprétation spécifique de la constitution de 1987
3.1. Sur la double nationalité
Alcindor, Christian, « Un amendement à la Constitution de 1987
s’impose », Montréal, 6 juillet 2006.
Achille, Théodore, «Nationalité versus Double nationalité Haïtienne :
Une préoccupation de la diaspora haïtienne »(2007).
Bayard, Alice, « De la nécessité d’un code de la Nationalité
Haïtienne »,24 novembre 2005.
Doré, Guichard, « Faut-il admettre la double nationalité en
Haïti (voir bibliographie)
Pierre, Ericq, « La double nationalité et nous », Oct.2005.
Roy Fombrun, Odette, « Nationalité de fait, Nationalité d’origine»,
juillet 2006
3.2. Sur la Décentralisation
92
Cantave,Tony, « Le projet constitutionnel de décentralisa-
tion :une co-administration et une co-gestion de la
République »,GRIEAL,16oct.2006.