Blessures Des Membres Et Du Rachis

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    bouteille de gaz...). Les éclats de nouvelle génération provien-nent de munitions destinées à la fragmentation. Leur dispersionest étudiée pour un maximum d’efficacité. Ils sont de petitetaille, réguliers (fragments de grenade quadrillée, billes métalli-

    ques de mine unidirectionnelle), homogènes, parfois perfides,radiotransparents et déjà préformés au sein de la munition. Ilssont projetés par un explosif puissant afin de produire unpolycriblage important par son étendue et sa densité.

    Mines modernes

    Elles appartiennent à ce type de munition (Fig. 1). Elles sontde plus en plus employées dans les conflits récents malgré unetentative d’interdiction par un traité international. Ces sous-munitions sont souvent dispersées par voie aérienne afin decouvrir de grands espaces. Le but n’est pas de tuer mais demutiler et de mettre hors de combat le plus grand nombre depersonnes, ralentissant les combattants et saturant les structuresde soins. Des lésions associées par effet de souffle augmententla gravité des blessures par rapport aux éclats isolés. Outre le

    polycriblage quasi constant, on observe fréquemment devéritables « pétalisations » de l’extrémité distale des membres(Fig. 2), équivalant à des amputations traumatiques.   [1] Lesmines méritent donc en raison de toutes ces spécificités d’êtredifférenciées des autres éclats.

    BallesElles sont les projectiles issus de l’armement individuel de

    poing ou d’épaule. Leur proportion est peu importante parrapport aux éclats dans les conflits classiques. Leur fréquencereste importante dans les « combats de rue » et autres guérillas...Ces projectiles sont classés selon leur poids, leur calibre, leurstructure interne (blindée ou non, pleine ou creuse, explosive  {)et leur vitesse initiale. Il est classique de distinguer les projectilesd’armes de poing de faible vitesse et de calibre important, et les

    armes d’épaule de petit calibre (5,56 mm) à haute vitesse. Lesarmes d’épaule de chasse représentent une catégorie particulièreparfois utilisée lors des violences urbaines, source de polycri-blage (chevrotine).

    Effets des projectiles « in vitro »   (Fig. 3)

    Objet de passions et de mythes infondés,   [2] l’étude de labalistique a parfois débouché sur des gestes thérapeutiquesinadéquats. Il faut donc d’emblée bannir certaines théories :celle du projectile stérilisé par la chaleur du  canon du fusil... ;celle de l’onde de choc délabrante des projectiles à hautevélocité qui imposait un parage « carcinologique » ... C’est ainsique, basés sur ces dogmes infondés, des parages de plaie ont puêtre soit insuffisants, soit au contraire trop extensifs.

    Le trajet et le comportement du projectile au sein des tissusdépendent de nombreux paramètres. Si les caractéristiques des

    balles (forme, poids, structure, vitesse initiale) sont connues,elles sont très aléatoires pour les éclats. L’autre paramètre àprendre en compte est le comportement mécanique des projec-tiles et leur effet physique au sein des tissus traversés.

    De façon théorique, un projectile possède un trajet d’entréerectiligne appelé   neck. Son freinage par déstabilisation oufragmentation libère une énergie variable qui produit une cavitépar cutting , par  stretching  et par  blast . Cette cavité comporte unepartie définitive faite d’attrition tissulaire et une partie tempo-raire, débordant la première, inconstante et variable, résultantde l’augmentation des pressions. Cette cavitation temporaire estdirectement fonction de la déformation du projectile qui libèrealors son énergie et non pas de la mythique onde de choc. Ilfaut donc, sur le plan énergétique, distinguer les projectiles à

    basse vélocité et ceux à haute vélocité. La haute vitesse permetde propulser de façon stable de petits projectiles instables audépart de par leur composition, libérant à l’impact lors dufreinage une très importante énergie cinétique (E = 1/2 mv2).

    Figure 1.   Différents types de mines antipersonnel.

    Figure 2.   « Pétalisation » du membre inférieur.

    A

    B

    C

    Neck = 15 cm

    D

    E

    Figure 3.   Trajet du projectile in vitro.A. Projectile à basse vélocité sans bascule.B. Projectile à haute vélocité avec fragmentation.C. Projectile non blindé avec « champignonnage ».D. Projectile à haute vélocité n’ayant pas fragmenté.E. Polycriblage par plombs de chasse.

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    Les projectiles à basse vélocité se retrouvent plutôt dans lesarmes de poing, donnant des trajets tissulaires relativementrectilignes et filiformes. Afin d’augmenter leur pouvoir vulné-rant, la structure de ces projectiles peut être rendue déformablelors de l’impact par différents procédés : pointe creuse, extrémitémoins dure et non blindée, etc. Ceci provoque le « champi-

    gnonnage » de la balle, qui augmente son diamètre et la ralentitbrutalement. Elle transfère alors beaucoup d’énergie de façonbrutale et provoque une cavitation. Il est à noter que cesprojectiles sont surtout utilisés pour la chasse ou par les forcesde police. La convention de La Haye interdit leur usage pour lesconflits armés car ils ne sont pas blindés.

    Les projectiles à haute vélocité sont surtout utilisés dans lesarmes d’épaule de guerre. Ces projectiles sont blindés. Cepen-dant, ils ne donnent pas de trajets rectilignes filiformes du faitde leur instabilité (effet recherché lors de leur fabrication).Lorsqu’ils rencontrent un obstacle dur, en particulier l’os, leurvitesse chute brutalement. Ils basculent, voire se fragmentent.  [3]

    Ceci est à l’origine d’une cavitation permanente et une impor-tante cavitation temporaire par libération brutale de leurénergie.

    Les projectiles utilisés pour la chasse sont soit des « plombsde chasse » de taille  variable provoquant un polycriblage (Fig. 4)plus ou moins profond, soit des projectiles à haute vitesse dotésd’une forte capacité de fragmentation. Ces munitions provo-quent des blessures complexes avec de grandes cavités d’attri-tion tissulaire.

    Effets des projectiles sur le corps humain(Fig. 5)

    Le corps humain est hétérogène, mosaïque de tissus, à lagrande différence des matériaux servant aux études in vitro quisont homogènes (paraffine, Plastilline®). Tous les tissus n’ontpas des comportements similaires. Les muscles, les aponévroses,la peau, les vaisseaux ne réagissent pas de façon identique. Enfonction de leur souplesse, ils peuvent se déformer partiellement

    et absorber une partie de l’énergie du projectile. La fuite desnerfs ou des vaisseaux devant le projectile est un mythe. Les ossont les structures les plus dures et les plus rigides que peuventrencontrer un projectile. Leur souplesse est nulle et toutel’énergie traumatique est brutalement transférée à l’os qui peutêtre littéralement pulvérisé, et très fréquemment dévascularisé.Lors de cette rencontre, l’os va provoquer une déstabilisation duprojectile, voire une fragmentation à l’origine de nombreuxéclats secondaires osseux et métalliques.

    Cavitation et fragmentation sont donc les deux grandesconséquences de l’hétérogénéité du corps humain. En effet, unprojectile blindé instable à haute vitesse se déstabilise, voire sefragmente au contact d’un os malgré son caractère blindé. Si lestissus traversés ne comportent pas de structures déstabilisatrices(tel que l’os) et que leur épaisseur est inférieure au   neck

    théorique du projectile, ce dernier peut ressortir avant d’avoireu le temps de basculer ou de se fragmenter. Il a alors effectuéun trajet filiforme identique à un projectile à basse vitesse,stable et non déformable.

    Ceci doit faire relativiser l’importance de ces notions balisti-ques. D’une part, les études théoriques ont été effectuées sur desmatériaux inertes et homogènes qui ne traduisent qu’imparfai-

    tement la réalité du corps humain, structure composite etmécaniquement hétérogène. D’autre part, le comportementthéorique d’un projectile (longueur du   neck, caractéristiques decavitation) est très dépendant des structures rencontrées. Essayerde prévoir de façon théorique les lésions tissulaires en fonctiond’un projectile est donc très aléatoire...

    C’est donc aidé de ces notions générales de balistique  [4] quele chirurgien doit prendre en charge chaque lésion selon sescaractéristiques propres, recueillies lors de l’examen clinique, etnon pas en fonction du type du projectile suspecté et d’éven-tuelles lésions théoriques. Il convient de traiter une lésion etnon un projectile.

    Examen « type » d’une lésion par projectile

    Examen des orifices

    Il constitue la première étape. Le blessé doit être entièrementdévêtu et toutes les faces des membres doivent être inspectées,sans oublier les plis de flexion et autres points de sortie àdistance potentiellement masqués par des poils ou cheveux, ousitués à l’intérieur d’un orifice naturel. On recherche l’orificed’entrée du projectile, classiquement petit (Fig. 6), et sonéventuel orifice de sortie, habituellement plus large. On doitrechercher systématiquement une autre localisation qui estfréquente (polycriblage). On constate souvent l’atteinte duthorax associée à celle du membre supérieur, l’atteinte du rachiscervical et du plexus brachial pour la ceinture scapulaire, etl’atteinte du pelvis associée à l’atteinte du bassin ou de la

    hanche. Un orifice de grande taille peut avoir été provoqué soitpar une arme de chasse à courte distance, soit par un projectileà haute vélocité déjà déstabilisé par un élément extérieur. Sil’orifice de sortie est de diamètre important, la cavitation est

    Figure 4.   Polycriblage des membres inférieurs.

    A

    B

    C

    D

    Figure 5.   Trajet du projectile selon sa déstabilisation.A. Projectile avec bascule précoce sans neck .B. Projectile avec fragmentation précoce.C. Projectile avec trajet linéaire sans déstabilisation.D. Projectile avec fragmentation précoce provoquée par la déstabilisationdue à la rencontre de l’os.

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    certaine. En revanche, un orifice de sortie punctiforme nerenseigne pas sur une cavitation interne potentielle. On note lenombre et la dimension des orifices d’entrée, orientant soit versun polycriblage, soit sur des impacts isolés. Si le diamètre del’orifice le permet, l’exploration au doigt est utile pour sonderle trajet. Tout stylet ou autre instrument est interdit sous peined’effectuer de faux trajets. Les plaies sont souvent souillées defaçon importante par des débris telluriques, vestimentaires ouautres entraînés par le projectile. L’analyse de l’écoulement parles orifices est importante, permettant souvent de certifierl’existence de certaines lésions (fragment osseux, sang en jet,urine, selles...). Aux membres, on utilise pour hiérarchiser lagravité de ces blessures soit la classification de Cauchoix(franc ophone), s oi t c el le de Gus ti lo (in ternationale)(Encadrés 1 et  2). Il existe également la classification du Comitéinternational de la Croix Rouge (CICR) EXCFVM.  [5]

    Reconstitution mentale du trajetdu projectile

    C’est l’étape suivante. Elle permet d’établir des hypothèseslésionnelles, notamment de suspecter l’atteinte de structuresosseuses, source de déstabilisation du projectile, et l’atteinted’organes vitaux. L’absence d’orifice de sortie compliqueimmédiatement le raisonnement. L’amputation traumatiquereprésente une entité particulière.

    Bilan clinique complet

    Il comporte un examen locorégional du membre concernépar la blessure, avec examen vasculaire et nerveux. On recher-che une ischémie complète ou relative et une paralysie sensiti-vomotrice. Ces examens ne diffèrent pas de ceux de latraumatologie habituelle. Cet article traite essentiellement deslésions des membres, mais leur atteinte est rarement isolée. Lepolycriblage est fréquent, à l’origine de localisations lésionnellesmultiples. L’examen doit donc ensuite être général afin de nepas omettre d’autres blessures. Des lésions associées provoquéespar le souffle d’une explosion (blast ) doivent être recherchées enexaminant les tympans (de la simple hyperémie jusqu’à la

    rupture). Le  blast   par des ruptures alvéolaires pulmonaires peutrapidement mettre en jeu le pronostic vital. Les brûlures sontaussi des lésions associées fréquentes qui alourdissent la prise encharge. La chute des paramètres généraux doit faire rechercherune lésion d’organe associée menaçant le pronostic vital.

    Bilan complémentaire

    Il comporte des radiographies qui montrent les foyers defractures mais aussi les projectiles radio-opaques. Certains sontradiotransparents (éclats de mines antipersonnel en plastique,« bourre » des cartouches de chasse...). La présence d’air sur les

    Encadré 1

    “   Classification de Cauchoix et Duparc• Type I : ouverture punctiforme, plaie peu étendue, sans décollement ni contusion, dont la suture se fait sans tension.• Type II : lésion cutanée qui présente un risque élevé de nécrose secondaire après suture (suture sous tension, lambeaux etdécollements à vitalité incertaine).• Type III : perte de substance cutanée prétibiale non suturable en regard ou à proximité du foyer de fracture.

    Figure 6.   Orifice d’entrée cutané punctiforme.

    Encadré 2

    “   Classification de Gustilo• Type I : ouverture cutanée inférieure à 1 cm. Généralement, l’ouverture se fait de l’intérieur vers l’extérieur. Il existe une petitelésion des parties molles. La fracture est souvent simple, transverse ou oblique courte avec petite comminution.• Type II : ouverture supérieure à 1 cm sans délabrement important, ni perte de substance, ni avulsion. Il existe une légèrecomminution et une contamination modérée.• Type III : délabrement cutanéomusculaire, lésion vasculonerveuse, contamination bactérienne majeure :C   III A : la couverture du foyer de fracture par les parties molles est convenable malgré la dilacération extensive. Il existe une

    comminution importante de la fracture sans tenir compte de la taille de la plaie ;C   III B : la fracture ouverte est associée à une lésion extensive ou à une perte de substance des parties molles avec stripping  du

    périoste et exposition de l’os avec contamination massive et comminution très importante due au traumatisme à haute énergie. Après parage et lavage, l’os reste exposé et il est nécessaire de recourir à un lambeau de voisinage ou à un lambeau libre pour lerecouvrir ;

    C III C : la fracture ouverte est associée à une lésion artérielle qui nécessite une réparation, mis à part le degré important des dégâtsdes parties molles.

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    clichés ne signifie pas toujours une infection anaérobie (Clostri-dium perfringens) car l’air peut provenir directement de lapénétration du projectile. Le bilan initial peut nécessiter desexplorations artérielles en cas d’ischémie. Cependant, les signesd’ischémie sont en général évidents et le diagnostic d’ischémieest fait lors de l’examen clinique initial. L’artériographie estsurtout utile pour évaluer les lésions et préciser la thérapeutique.Dès ce stade du bilan, le chirurgien peut être confronté à unesituation de pénurie de moyens lorsqu’il exerce en situation

    précaire (mission humanitaire, conflits armés...). Il ne doitc om pt er a lo rs q ue s ur s on e xa me n c li ni qu e d éc ri tprécédemment...

    Catégorisation

    Elle apparaît au terme de l’examen du blessé afin de pouvoirorganiser une filière de soins. Dans le cadre du banditisme, ils’agit le plus souvent de blessés isolés, mais parfois un affluxmassif peut arriver, dépassant rapidement la structure de soinsen moyens humains ou matériels. Ceci se rencontre plutôt lorsde crises majeures tels que des conflits armés, guérillas ouattentats terroristes. Afin de pouvoir prendre en charge d’unefaçon la plus efficace possible le maximum de blessés, unsystème de catégorisation est indispensable. Il doit être simple,reproductible et rapide. Il est donc nécessaire de connaître les

    classifications utilisées   [6] par les divers services de santé desarmées (OTAN ou français par exemple) ou le CICR.

    ■ Prise en charge des lésionsdes membres

    Principes thérapeutiques

    RamassageC’est la première étape du traitement. Il ne diffère pas de la

    prise en charge d’un fracas ouvert de membre « classique ». Leblessé est examiné selon les règles énoncées précédemment etcatégorisé si besoin. La plaie exposée par découpe des vêtements

    est recouverte par un pansement stérile posé directement ouaprès une désinfection sommaire, compressif si la plaie esthémorragique. Un garrot peut être soit posé en attente à laracine du membre, soit serré au plus près de la lésion sil’hémorragie n’est pas jugulée par une compression, avec l’heurede pose marquée sur le blessé. Le membre est immobilisé par unmoyen de contention externe provisoire. Antalgie et antibio-thérapie peuvent être débutées dès ce stade selon le degré demédicalisation des secours. La séroprophylaxie antitétanique esteffectuée au moindre doute.

    Parage chirurgicalIl est fondamental. C’est une succession d’étapes obéissant à

    des règles précises et admises.   [7] Le parage, geste souventinsuffisamment considéré par les chirurgiens, ne doit pas être

    négligé et se révèle être un exercice plus délicat qu’il n’y paraît.On procède plan par plan, de la superficie vers la profon-

    deur : la peau et le tissu cellulograisseux sous-cutané mortifiésont excisés jusqu’en zone saine et vascularisée après un lavageet un brossage abondants préalables. Les aponévroses musculai-res déchirées sont débridées et celles qui sont intactes doiventêtre incisées pour prévenir un syndrome de loge. Les hémostasessont faites chemin faisant. Les tendons sont parés avec écono-mie et leurs moignons fixés pour éviter leur rétraction. Lessections nerveuses sont repérées et fixées par un fil, la topogra-phie lésionnelle étant repérée par un   clip  métallique ; en effet,leur réparation est différée car elle serait vouée à l’échec enurgence dans ce milieu potentiellement septique. Néanmoins,une réparation primaire tendineuse ou nerveuse immédiate peutêtre envisagée pour des plaies simples, traitées précocement. Les

    corps étrangers, les débris telluriques et les souillures diversessont enlevés méticuleusement. Le muscle, véritable milieu deculture potentiel, est excisé selon la règle des « quatre C » (pasde contraction, coloration, capacité de saignement, consistance

    « chair de poisson »). Ainsi, on fait la part du vivant par lacontraction sous la pince à disséquer, la contraction sous lebistouri électrique, la non-décoloration par l’eau oxygénée, lesaignement sous le bistouri froid. Seuls les fragments osseuxlibres, dévitalisés, non pédiculés, sont retirés. L’irrigation estabondante au sérum tiède, sans pression excessive pour ne pascréer de faux trajets. En cas de contamination massive, lesdispositifs de lavage hydropulsé à pression régulée sont utiles.L’action mécanique et l’effet de « dilution des germes » sont des

    plus importants car l’effet de réduction temporaire du nombrede bactéries par application simple d’un antiseptique estinsuffisant. L’eau oxygénée est efficace, mais son utilisationdans les larges plaies des parties molles (fesse, cuisse) doit êtreréduite du fait du risque d’embolie gazeuse. La qualité du parageinitial influence notablement le résultat final à long terme.

    Fermeture différée des plaies

    C’est un dogme incontournable afin d’éviter d’«enfermer leloup dans la bergerie ». Le drainage doit être large et peut sefaire par divers moyens (lames, crins, drains  {). Un pansementabsorbant épais et étanche assure une couverture provisoire. Lesvaisseaux et les nerfs doivent être recouverts par rapprochementdes tissus environnants. La fermeture cutanée se fait vers lecinquième jour environ. D’éventuels parages itératifs sonteffectués au préalable en fonction de l’évolution locale (nécroseet surinfection). Le réexamen précoce du pansement à24-48 heures est en effet capital pour dépister une infectionactive, voire une gangrène gazeuse (crépitation « neigeuse »), etévaluer la persistance d’éventuels tissus mortifiés conduisant àun parage secondaire.

    Antibiothérapie

    Elle est systématique. Elle est indispensable mais ne dispensepas du parage chirurgical. Elle doit être la plus précoce possibleet à large spectre. Le groupe des pénicillines est le plus employé,associé au métronidazole. L’érythromycine en cas d’allergie oul’adjonction d’aminoglycoside en cas de contamination majeuresont également proposées, ainsi que la pipéracilline pour son

    action sur Pseudomonas aeruginosa. La durée est variable selon lesprotocoles, mais en général inférieure à 5 jours.

    Immobilisation

    Elle est nécessaire même en dehors de toute fracture, améliorel’antalgie et lutte contre l’infection. Divers types d’attelles(gonflables, plâtrées ou autres) sont utilisables, en évitant lesformes circulaires potentiellement compressives. Le fixateurexterne peut également permettre la cicatrisation des partiesmolles lésées, tout particulièrement autour du pied et de lacheville.

    Fixation des fractures

    Elle est quasi exclusivement extrafocale. Le fixateur externe,

    quel que soit son type, est le moyen d’ostéosynthèse à privilé-gier.  [8] Des broches de type Kirschner intrafocales ou des visisolées peuvent être associées de façon complémentaire pourstabiliser par exemple des fragments instables de grande taille.D’une façon générale, l’ostéosynthèse intrafocale (plaque vissée,enclouage centromédullaire) est formellement déconseillée carce corps étranger majore considérablement le risque de sepsislocal en favorisant l’encapsulation des bactéries sur l’implant(Slime). Des nuances doivent cependant être faites : en effet,l’ostéosynthèse intrafocale est parfois utilisée pour des casspécifiques : balle à faible vitesse, plaies peu souillées sansattrition tissulaire, vues précocement, s’apparentant à desfractures ouvertes de stade I ou II. Si l’enclouage est choisi, ildoit être réalisé sans alésage.   [9] L’apparition de nouveauxmatériels d’ostéosynthèse réactualise l’indication des plaques. Ce

    sont les plaques avec vis verrouillables à prise monocorticale,véritable fixation interne avec un abord minimaliste, quirespectent mieux la biologie locale de l’os plutôt que les plaquestraditionnelles.

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    Exceptions

    Elles confirment la règle. En effet, il peut être tentant dedéroger aux principes exposés précédemment, issus de l’expé-rience des champs de bataille et de la chirurgie exercée ensituation précaire. L’équipe chirurgicale exerçant au sein d’unestructure hospitalière moderne, bien équipée, recevant un blesséisolé et de façon précoce, peut être influencée par ses pratiqueshabituelles de traumatologie usuelle. La fermeture primaireaprès le parage sur des drains aspiratifs ou l’enclouage centro-médullaire pour des fractures ouvertes punctiformes en sont desexemples. Tout est théoriquement possible, mais seule l’expé-rience du chirurgien peut dire si la souillure est trop importantepour interdire la fermeture initiale et la fixation intrafocale. Ilvaut donc mieux pour un chirurgien peu expérimenté,confronté à des lésions d’évaluation difficile, appliquer desprincipes sûrs et validés plutôt que de risquer un sepsis majeur.

    Abstention thérapeutique

    Elle a été proposée et validée   [10] pour de petites plaiessuperficielles atteignant les tissus mous, inférieures à 1 ou 2 cm,sans hématome important, sans contamination bactériennemajeure, loin d’un organe majeur et à distance des articulations.La prise en charge consiste en une antibiothérapie précoce

    poursuivie 4 jours et en un nettoyage superficiel. Le respect deces règles a montré un faible taux de surinfection secondaire.

    Couverture cutanée

    Ce n’est pas un problème immédiat car la fermeture cutanéeest différée. La gestion du recouvrement peut se poser lors de lachirurgie secondaire, à partir du cinquième jour. Les articula-tions et les vaisseaux ne doivent pas être exposés à l’air libre etune couverture transitoire de ces éléments par rapprochementdes parties molles en fin de parage peut parfois suffire. Il est rared’être contraint en urgence à utiliser des lambeaux. L’utilisationde lambeaux en urgence expose à deux grandes complications :l’emprisonnement de l’infection et l’utilisation de lambeauxlocorégionaux reposant sur des axes vasculaires potentiellementlésés et donc peu fiables. Des lambeaux prélevés à distance

    peuvent être utilisés pour éviter ces écueils, associés à un parageextensif pour limiter le sepsis secondaire. Ceci peut sembler trop« agressif » et aléatoire en condition d’exercice précaire.

    Revascularisation

    Elle s’impose parfois devant un membre en ischémie. Lesprojectiles provoquent en effet souvent des plaies des axesvasculaires, parfois étagées en cas de polycriblage. Toutes lesformes lésionnelles sont envisageables : de la simple plaielatérale à la perte de substance importante. Les lésions isolées del’intima sont également possibles, notamment lors des lésionspar   blast . Les sutures directes sont rarement possibles et ungreffon est souvent nécessaire, le plus souvent de type veineuxsaphène inversé.   [11] L’utilisation de greffons synthétiques(polytétrafluoroéthylène) est en théorie possible après parage.

    Leur taux de surinfection est néanmoins nettement supérieur etfait donc préférer les greffons veineux. En cas d’atteinte osseuse,la stabilisation du squelette est un préalable indispensable avanttoute suture vasculaire. Néanmoins, lorsque le temps d’ischémieest dépassé, la pose d’un   shunt   provisoire de type carotidienpeut être employée avant la pose du fixateur externe.   [12] Lepontage peut être soit anatomique, soit extra-anatomique, cedernier étant préféré en cas d’attrition tissulaire importante, cequi permet de placer les sutures vasculaires dans un milieumoins septique et de meilleure trophicité. Le délai maximal de6 à 8 heures d’ischémie avant revascularisation   est  une notionadmise. L’efficacité du lavage vasculaire du membre afin deprévenir un syndrome de revascularisation n’a pas fait la preuvede son efficacité. Les aponévrotomies sont systématiques afin deprévenir tout syndrome des loges après revascularisation

    (syndrome de Cormier et Legrain). L’ischémie peut se révélersecondairement, tout comme les faux anévrismes ou les fistulesartérioveineuses développés à partir de lésions non traitées, d’oùl’importance d’examens cliniques répétés dans le temps.

    AmputationElle reste un geste pratiqué de façon courante, de fréquence

    stable dans les statistiques.   [13] Les fracas avec attrition tissulaire

    majeure, notamment rencontrés dans les « pieds de mines », nerelèvent pas de la chirurgie conservatrice. En urgence, le paragese limite au moignon d’amputation traumatique qu’il convientde laisser ouvert sur des lames de drainage, même si certains  [14]

    ont proposé la fermeture primaire en urgence. Il convient defaire les mêmes réserves que précédemment, cela ne pouvantconcerner que de rares cas bien précis vus tôt, peu souillés etpeu délabrés. On laisse donc, en général, un moignon trauma-tique le plus distal possible et secondairement, à   distance desphénomènes septiques, le niveau définitif et la confection d’unmoignon appareillable sont réalisés. Compte tenu des insuffi-sances des appareillages du membre supérieur, les amputationssont limitées aux indications de nécessité (régularisation, affluxmassif de blessés) et de sauvetage (gangrène, lésions vitalesassociées).

    Lésions du membre supérieur

    ÉpauleC’est la région « charnière » du membre supérieur. Elle reste

    relativement exposée même chez les militaires, malgré lesnouveaux gilets protecteurs qui possèdent des expansionslatérales. Le thorax voire le cou ou l’axe rachidien sont desatteintes associées fréquentes, aggravant le pronostic vital. Unfracas osseux glénohuméral (Fig. 7) est paré selon les principesdéjà énoncés. Les masses musculaires importantes permettent derecouvrir les éléments nobles. L’immobilisation coude au corpsest souvent suffisante mais, en cas de destruction importante,l’exofixation est le meilleur moyen pour limiter les douleurs etfaciliter les soins. Difficiles à positionner, les fiches du fixateur

    externe prennent appui dans l’épine de l’omoplate en arrière etdans la diaphyse humérale au niveau du « V » deltoïdien en bas.Il faut penser aux trajets des nerfs radial et circonflexe afin deles éviter. Si les surfaces articulaires sont conservables, desbroches temporaires peuvent maintenir des fragments libres. Enmilieu hospitalier, en cas de plaie articulaire simple, l’arthros-copie peut être utilisée pour extraire un corps étranger intra-articulaire et procéder au lavage abondant.  [15] Lorsquel’articulation n’est pas conservable, l’arthrodèse secondairepermet de garder un membre supérieur fonctionnel, en particu-lier grâce à l’articulation scapulothoracique. Le taux de pseu-darthrose reste élevé quelle que soit la technique chirurgicaleutilisée (20 %). L’arthroplastie secondaire est  parfois possible.   [16]

    Elle permet d’augmenter la mobilité mais n’apporte pas toujoursl’indolence. La mise en place d’une prothèse s’effectue à

    distance du traumatisme afin de limiter le réveil septique quireste fréquent, ce qui limite donc les indications d’arthroplastie.

    L’atteinte de l’artère axillaire peut mettre en jeu la  vie  du blessépar hémorragie ou ischémie. Elle peut être aussi méconnue car le

    Figure 7.   Fracture comminutive del’extrémité supérieure de la tête humé-rale.

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    réseau anastomotique est riche, notamment par les branchesacromiothoraciques. La conservation des pouls après une lésionimportante sur l’axe axillaire impose son exploration au moindredoute. Bien que la ligature artérielle ne conduise pas toujours àl’amputation, l’usage systématique de la revascularisation a permisde passer d’un taux d’amputation de 43 % durant la SecondeGuerre mondiale à 1,5 % durant la guerre du Viêt-Nam.   [17]

    Diaphyse humérale

    C’est une structure souvent exposée (Fig. 8). L’os très corticalpeut être le siège d’une comminution importante. Les fiches defixation externe doivent être posées dans les zones de Green nerisquant pas de blesser les éléments vasculonerveux qui siègent

    à proximité de l’os, notamment le nerf radial en externe et lesvaisseaux en interne. L’atteinte de l’artère humérale, que ce soiten aval ou en amont de l’artère humérale profonde, provoquesouvent une ischémie du membre.

    Coude

    C’est une articulation superficielle faiblement protégée par lesmasses musculaires. La stabilisation externe est habituellementhumérocubitale. Les trois axes vasculaires peuvent être lésés etnécessiter un geste de revascularisation. La couverture par unlambeau est rapidement nécessaire en cas d’exposition osseuse.La raideur et l’instabilité sont les deux grandes complications àmoyen terme des fracas siégeant dans cette localisation.

    Avant-bras

    Il comporte de nombreuses structures nobles rendant letraitement complexe. Le syndrome des loges est fréquent. Laprésence de deux axes artériels augmente les possibilités deréparation vasculaire. En cas d’amputation, un moignon d’aumoins 10 cm est nécessaire pour un appareillage.

    Main

    Organe hautement fonctionnel, elle doit être parée avecmesure et économie, afin de ne pas trop exposer de structure« noble » sous-jacente. La chirurgie réparatrice est différée, àdistance de toute infection active. Le principe des réparations dela main « tout en un temps » n’est pas applicable dans ce cadre.L’ouverture du canal carpien et des aponévroses musculaires esteffectuée au moindre doute pour éviter toute compression

    secondaire, en particulier après lésions explosives (blast ). Lafixation externe permet d’immobiliser le carpe, fixant le radiusau deuxième métacarpien en utilisant des fiches ou broches detaille adaptée au niveau des rayons digitaux (Fig. 9). La chirurgie

    Figure 8.A. Blessure par plombs de chasse sur la face latérale du bras.B. Radiographie du même bras.C. Même patient après parages multiples, stabilisation osseuse et couver-ture cutanée par greffe.

    Figure 9.A. Blessure par plombs de chasse.B.   Fixation externe et amputation du cinquième rayon (échec de larevascularisation).

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    de réimplantation digitale est rarement possible en urgence,d’autant que les lésions par   blast   sont souvent associées etprovoquent des atteintes vasculaires souvent étendues. Laconservation d’un doigt « banque » est possible en vue d’uneutilisation secondaire. Quant à la couverture cutanée, elle estplutôt confiée aux lambeaux (locaux ou pédiculisés iliaques typeMac Gregor) qu’à la cicatrisation dirigée, source d’adhérences.

    Lésions du membre inférieur

    Hanche (Fig. 10)

    Cette articulation profonde, encadrée par les vaisseauxfémoraux en avant et le nerf sciatique en arrière, est entouréed’importantes masses musculaires (muscles fessiers). Son accèschirurgical est difficile. Elle pose des problèmes thérapeutiquesparticuliers.   [18] Ces plaies s’intègrent dans les complexes plaies

    abdomino-pelvi-fessières, avec des tableaux polymorphespouvant associer ou non une grosse fesse hémorragique, unfracas coxofémoral, une atteinte périnéale, pelvienne ouabdominale hautement septique par l’atteinte du tube digestif 

    terminal. L’attrition des importantes masses musculaires et leurcontamination massive réunissent les conditions idéales d’unsepsis grave, volontiers par germes anaérobies. Le parage necomporte pas de particularité, mais l’immobilisation par attellepelvipédieuse est difficile. La fixation externe, entre le bassin(crête iliaque, ou mieux entre l’épine iliaque antérosupérieure etantéro-inférieure) et le fémur, permet de stabiliser la hanche.L’atteinte du nerf sciatique est très péjorative, d’autant que lesrésultats de la chirurgie nerveuse y sont décevants. Elle pose leproblème des troubles de la sensibilité plantaire et des transfertspalliatifs non réalisables. Les vaisseaux, superficiels et antérieurs,sont vulnérables. Leur atteinte nécessite souvent un contrôled’amont par un abord abdominal sous-péritonéal. La destruc-tion de l’articulation coxofémorale peut être traitée secondaire-ment, selon le capital osseux restant, par une résectionarthroplastique avec coaptation iliotrochantérienne, ou àdistance par une arthrodèse voire une arthroplastie. Aux misesen garde septiques déjà énoncées se rajoute le problème de lastabilité de l’implant prothétique lorsque le capital musculaire,

    notamment fessier après parage, est insuffisant.

    Fémur 

    C’est un os résistant, également entouré d’épaisses massesmusculaires. La rencontre avec un projectile à haute vélocitéprovoque souvent un foyer très comminutif. L’importance desmuscles a l’avantage de permettre de recouvrir l’os, même aprèsun parage important. En revanche, la transfixion des musclespar les fiches de fixateur externe est source d’adhérencesmusculaires ultérieures. Il est recommandé, à cet effet, de placerles fiches sur le côté latéral du fémur, le genou étant fléchi. Sil’artère fémorale profonde peut être liée, l’artère fémoralesuperficielle requiert un geste de revascularisation en casd’atteinte.

    Genou (Fig. 11)

    C’est une articulation superficielle très exposée à sa faceantérieure. En arrière, l’artère poplitée est fréquemment lésée dufait de sa proximité avec la face postérieure du squelette. Soninterruption est synonyme d’amputation secondaire dans 75 %des cas et impose donc un geste de revascularisation en urgence.Le taux d’amputation reste encore de 5 % malgré les progrès dela chirurgie vasculaire.   [19] La couverture secondaire de cettearticulation fait souvent appel aux lambeaux musculaires deproximité. L’arthroplastie peut aussi être utilisée ici, avecnotamment les prothèses contraintes qui suppriment le pro-blème de l’instabilité rencontrée lors des grands defects ostéo-musculaires. Néanmoins, on rencontre de fréquents problèmesen termes de voies d’abord et de nécrose cutanée. En cas de

    doute sur la pénétration articulaire, l’arthroscopie est une aideprécieuse pour faire un bilan articulaire lors des polycriblages(petits éclats ou plombs de chasse) de cette région et réaliser unlavage.

    Figure 10.A. Fracture comminutive par balle de l’extrémité supérieure du fémur.B. Fracture stabilisée par fixateur externe.

    Figure 11.   Fracture de l’extrémité distale du fémur.

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     Jambe

    Elle se caractérise par sa richesse vasculaire (trois axes) et sonsquelette superficiel. Durant la Seconde Guerre mondiale, un

    taux d’amputation de 14 % était observé après ligature d’uneseule artère de jambe contre un taux de 65 % après ligatureconcomitante des artères tibiales antérieures et postérieures. Larevascularisation est indiquée lorsqu’il existe un syndromeischémique sévère, contemporain habituellement d’une occlu-sion des trois axes de jambe. La couverture du foyer nécessitesouvent un geste de couverture par lambeau, en particulier à laface interne. La fixation du squelette s’effectue le plus souventpar fixateur, mais l’enclouage est possible avec les réserves déjàémises. L’évolution des fracas par projectile vers la pseudarth-rose, septique jusqu’à preuve du contraire, est quasiment larègle, et relève d’un traitement codifié qui a pour but d’assécheret de recouvrir le foyer fracturaire stabilisé par fixateur, afin depermettre ou de relancer la consolidation par greffe osseuse(greffe in situ, ou intertibio-péronière, ou transfert osseux).

    Cheville et pied

    Ce sont des articulations très fréquemment atteintes (Fig. 12)car mal protégées et souvent exposées, notamment aux minesantipersonnel. Les lésions sont souvent très contaminées,associant un fracas osseux avec une perte de substance cutanéeétendue. L’effet traumatique provoque une véritable « pétalisa-tion » du pied   et les lésions de  blast   associées sont constantes.Le parage aboutit souvent à des résections plus importantes queprévu initialement. L’amputation reste pour ces lésions encoresouvent la seule possibilité. Tant que le niveau se situe sous legenou, l’appareillage restaure une fonction acceptable. Lastabilisation par fixateur externe utilise un montage en triangu-

    lation, prenant tibia, calcanéum et métatarse. Le polycriblagepose aussi le problème de la pénétration articulaire et du risqued’arthrite torpide. Une entité non rare est le pied de mine ferméoù l’énergie de la déflagration est transmise par le sol (pont de

    bateau, plancher de véhicule) au pied, induisant des atteintessquelettiques sévères et multiples dans une enveloppe cutanéeintacte.

    Lésions du rachis

    Fréquence

    Elle est faible, environ 5 % des blessures de guerre. Ceci

    contraste avec leur gravité importante. Ces lésions aboutissentsouvent à des déficits neurologiques définitifs. Par ailleurs, leslésions associées sont souvent au premier plan, avec engage-ment du pronostic vital. La répartition des lésions montre uneprédominance de la région dorsale.   [20] On retrouve souvent uneatteinte pulmonaire associée en région dorsale, une atteinte desvoies aérodigestives en région cervicale et l’atteinte de grosvaisseaux ou viscères en région lombaire. Le mécanisme lésion-nel n’est pas spécifique, soit direct par le projectile, soit indirectpar des éclats osseux secondaires ou par phénomène decavitation.

    Prise en charge initiale

    Elle doit respecter, comme pour tout traumatisé du rachis,

    l’alignement tête-cou-tronc lors des manœuvres de mobilisation.Ces manœuvres sont indispensables pour examiner le dos dublessé et rechercher tous les orifices lésionnels. On recherche parl’examen clinique l’importance de l’atteinte neurologique et soncaractère incomplet ou non (Brown-Séquard). La plaie esttoujours contaminée. Le saignement est souvent abondant,notamment par lésion du réseau veineux rachidien qui est trèsdéveloppé. Les atteintes vitales (hémorragiques, respiratoires,abdominales) peuvent prédominer.

    Bilan radiologique

    Il évalue l’atteinte osseuse et son caractère instable ou non,comme en traumatologie conventionnelle. Le scanner a uneplace prépondérante, notamment pour apprécier le contenant etle contenu du canal rachidien. L’imagerie par résonancemagnétique, en l’absence d’éclats métalliques, renseigneégalement sur l’œdème et les hématomes centromédullairesassociés.

    Traitement

    Il consiste tout d’abord en un parage des tissus mous. L’axeneurologique est décomprimé par ablation des esquilles osseu-ses, voire laminectomie complémentaire. La dure-mère, aprèsparage économique, est refermée directement ou par   patch, sipossible non prothétique comme de l’aponévrose (fascia lata)par exemple. L’hémostase est effectuée au préalable pour éviterun hématome compressif. La stabilisation, fonction de l’atteinteosseuse, se fait soit de façon orthopédique par corset ou étriers,soit de façon chirurgicale avec instrumentation rachidienne. Encas d’instabilité rachidienne, elle évite l’aggravation des lésionsneurologiques ou une déviation en cal vicieux. La pose dematériel en foyer contaminé expose cependant à l’aggravationou la pérennisation du sepsis.

    Après la phase aiguë

    Une fois la phase aiguë passée, l’atteinte neurologique nerégresse que très rarement. Il se pose alors le problème de lastabilisation définitive du rachis (arthrodèse) et parfois defistules chroniques de liquide céphalorachidien.

    ■ ConclusionLa prise en charge des lésions par projectiles est malheureu-

    sement de plus en plus fréquente. Les caractères spécifiques de

    Figure 12.A. Amputation traumatique de l’avant-pied par mine.B. Amputation traumatique du pied par mine antipersonnel.

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    ces blessures doivent donc être connus de tous les chirurgiens !Traumatisme pluritissulaire, la plaie balistique nécessite souventune prise en charge en urgence, à la fois orthopédique etvasculaire. Le parage précoce et rigoureux associé à l’antibiothé-rapie a quasiment éradiqué la gangrène gazeuse. Le pronosticvital est rarement mis en jeu, en dehors des plaies des racineset des confins. La prise en charge initiale est relativementstandardisée, obéissant à des règles définies et validées, maisdépend également du degré d’équipement de la structure

    hospitalière et de l’afflux de blessés à soigner. La chirurgiesecondaire cherche en premier lieu à éradiquer les processusinfectieux ostéoarticulaires, ce qui autorise la restitution de lacontinuité osseuse, puis à limiter les fréquentes séquellesfonctionnelles par la chirurgie nerveuse et les transferts muscu-laires. Les possibilités modernes de l’orthopédie (arthroplastie,arthroscopie, ostéosynthèses « modernes ») ne doivent pas êtresystématiquement récusées, mais leurs indications doivent êtrejudicieusement pesées car elles peuvent être la source potentiellede complications graves dont le réveil infectieux secondaire.L’expérience est un outil précieux pour le chirurgien prenant encharge ces lésions par projectiles n’obéissant à aucun schémapréétabli. Néanmoins, le praticien inexpérimenté doit éviter deserreurs grossières en respectant les règles énoncées précé-demment.

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    G. Versier, Professeur agrégé du Val de Grâce, chef de service ([email protected]).

    D. Ollat, Assistant des Hôpitaux des Armées.

    Service de chirurgie orthopédique et traumatologie, Hôpital d’instruction des Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France.

    Toute référence à cet article doit porter la mention : Versier G, Ollat D. Blessures des membres et du rachis par projectiles. EMC (Elsevier SAS, Paris), Appareillocomoteur, 14-032-A-10, 2005.

    Disponibles sur www.emc-consulte.com 

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