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1 Boiral, O. (2006), « La certification ISO 14001 : une perspective néo- institutionnelle », Management International, vol. 10, no. 3, p. 67-79. Résumé L’objectif de l’article est d’analyser, à travers le cas de la mise en œuvre de la norme ISO 14 001 dans des usines canadiennes, la façon dont les organisations intègrent les structures formelles qui résultent de pressions institutionnelles, en examinant plus particulièrement les aspects rituels et cérémoniels de la conformité à ces structures. L’étude montre que l’adoption d’ISO 14 001 répond à un isomorphisme de type coercitif qui se traduit, en interne, par l’adoption d’un système contribuant à apporter plus de rationalité et de rigueur aux pratiques de gestion environnementale. Cependant, la rationalité procédurale de la norme entraîne des effets pervers dont l’intensité varie suivant les cas étudiés: le manque d’implication des employés, la lourdeur bureaucratique du système et le caractère rituel de certaines pratiques en particulier lors des audits. Les résultats de l’étude contribuent à illustrer les aspects symboliques et managériaux des phénomènes institutionnels en montrant les contradictions et les difficultés qu’ils soulèvent pour la gestion des organisations. INTRODUCTION Les normes internationales de gestion ISO ont connu une croissance sans précédent au cours de la dernière décennie. Avec près de 700 000 organisations certifiées dans le monde, le référentiel de qualité ISO 9000 est, de loin, la norme de l’Organisation internationale de normalisation la plus connue (International Organization for Standardization, 2004). Reposant sur des principes de gestion similaires, la norme ISO 14 001, aujourd’hui adoptée par près de 90 000 entreprises dans le monde (International Organization for Standardization, 2004) s’est également rapidement imposée comme un référentiel de base dans le domaine de la gestion environnementale. Pour les organisations certifiées, l’adoption de ce référentiel offre plusieurs avantages. En interne, il permet de structurer les pratiques de gestion environnementale à partir d’un cadre de référence éprouvé et de promouvoir les préoccupations vertes au sein de l’organisation (Bansal et Bogner, 2002; Epstein et Roy, 1998; Jiang et Bansal, 2003; Boiral, 2000). En externe, il représente un moyen d’améliorer l’image et la reconnaissance de l’organisation en démontrant son engagement environnemental auprès de différentes parties prenantes (Bansal et Bogner, 2002; Standards Council of Canada, 2000; Boiral, 2001). Ce souci de reconnaissance externe par la mise en oeuvre de structures et de pratiques considérées comme légitimes est au centre de la théorie néo-institutionnelle (Mizruchi et Fein, 1999; Townley, 2002). Cette théorie, initiée par les articles fondateurs de Meyer et

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Boiral, O. (2006), « La certification ISO 14001 : une perspective néo-institutionnelle », Management International, vol. 10, no. 3, p. 67-79. Résumé L’objectif de l’article est d’analyser, à travers le cas de la mise en œuvre de la norme ISO 14 001 dans des usines canadiennes, la façon dont les organisations intègrent les structures formelles qui résultent de pressions institutionnelles, en examinant plus particulièrement les aspects rituels et cérémoniels de la conformité à ces structures. L’étude montre que l’adoption d’ISO 14 001 répond à un isomorphisme de type coercitif qui se traduit, en interne, par l’adoption d’un système contribuant à apporter plus de rationalité et de rigueur aux pratiques de gestion environnementale. Cependant, la rationalité procédurale de la norme entraîne des effets pervers dont l’intensité varie suivant les cas étudiés: le manque d’implication des employés, la lourdeur bureaucratique du système et le caractère rituel de certaines pratiques en particulier lors des audits. Les résultats de l’étude contribuent à illustrer les aspects symboliques et managériaux des phénomènes institutionnels en montrant les contradictions et les difficultés qu’ils soulèvent pour la gestion des organisations. INTRODUCTION Les normes internationales de gestion ISO ont connu une croissance sans précédent au cours de la dernière décennie. Avec près de 700 000 organisations certifiées dans le monde, le référentiel de qualité ISO 9000 est, de loin, la norme de l’Organisation internationale de normalisation la plus connue (International Organization for Standardization, 2004). Reposant sur des principes de gestion similaires, la norme ISO 14 001, aujourd’hui adoptée par près de 90 000 entreprises dans le monde (International Organization for Standardization, 2004) s’est également rapidement imposée comme un référentiel de base dans le domaine de la gestion environnementale. Pour les organisations certifiées, l’adoption de ce référentiel offre plusieurs avantages. En interne, il permet de structurer les pratiques de gestion environnementale à partir d’un cadre de référence éprouvé et de promouvoir les préoccupations vertes au sein de l’organisation (Bansal et Bogner, 2002; Epstein et Roy, 1998; Jiang et Bansal, 2003; Boiral, 2000). En externe, il représente un moyen d’améliorer l’image et la reconnaissance de l’organisation en démontrant son engagement environnemental auprès de différentes parties prenantes (Bansal et Bogner, 2002; Standards Council of Canada, 2000; Boiral, 2001). Ce souci de reconnaissance externe par la mise en oeuvre de structures et de pratiques considérées comme légitimes est au centre de la théorie néo-institutionnelle (Mizruchi et Fein, 1999; Townley, 2002). Cette théorie, initiée par les articles fondateurs de Meyer et

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Rowan (1977) puis de DiMaggio et Powell (1983), se propose d’analyser les raisons institutionnelles et symboliques qui expliquent l’adoption de pratiques identiques dans les organisations. Selon Meyer et Rowan (1977), les similitudes dans l’adoption de structures formelles et de normes de fonctionnement rationnelles ne sont pas motivées par la recherche d’efficacité. Elles traduisent plutôt des « mythes » et des « cérémonies » plus ou moins dissociés des activités réelles. Cette adoption en surface de nouveaux modèles vise avant tout à mettre l’organisation en phase avec les attentes des autorités publiques et d’un environnement socio-économique dominé par le culte de la raison. DiMaggio et Powell (1983) ont prolongé l’analyse de Meyer et Rowan en proposant le concept « d’isomorphisme » pour traduire le processus d’homogénéisation croissante des organisations. Ce processus serait lié à des pressions sociales et institutionnelles (isomorphisme coercitif), à l’imitation du comportement d’autres organisations (isomorphisme mimétique) ou encore au phénomène de professionnalisation (isomorphisme normatif). Le principal objectif de l’article est de montrer, en utilisant le cadre d’analyse de l’approche néo-institutionnelle, la façon dont des organisations certifiées intègrent, dans leurs activités quotidiennes, les structures formelles proposées par le système ISO 14 001. Portant sur l’analyse de neuf usines canadiennes certifiées, l’étude de cas réalisée expose les motivations, les processus institutionnels et les mécanismes de rationalisation inhérents à la mise en œuvre de la norme. Elle montre également comment cette rationalisation est construite et interprétée à l’intérieur d’organisations dont l’objectif est davantage de répondre à des pressions institutionnelles que de changer en profondeur les pratiques en place. L’analyse du découplage entre les aspects formels de la norme et les pratiques réelles permet de mettre en lumière les effets pervers et les aspects cérémoniels de la certification ISO 14 001. Dans un premier temps, l’article s’attachera à montrer, à partir des principaux travaux sur la question, en quoi la certification ISO 14 001 répond à une quête de légitimité et à un souci de rationalité qui peuvent être attentatoires au bon fonctionnement des organisations. Dans un second temps, la méthodologie suivie dans le cadre de la présente recherche sera rapidement exposée. Enfin, l’analyse des résultats s’articulera autour de trois principaux thèmes qui sont au centre de l’analyse néo-institutionnelle: les aspects institutionnels à l’origine de la mise en œuvre de la norme, ses conséquences sur la rationalisation des pratiques et ses effets pervers liés notamment à l’émergence de comportements cérémoniels. DE LA QUÊTE DE LÉGITIMITÉ À LA CERTIFICATION ENVIRONNEMENTALE Depuis la fin des années 80, l’approche néo-institutionnelle a connu un intérêt croissant en théorie des organisations (Mizruchi et Fein, 1999; Dacin, Goodstein and Scott, 2002). Cette approche été utilisée dans des domaines de recherche très variés, comme l’adoption de nouveaux programmes de management dans les organisations (Kostova et Roth, 2002; Burns et Wholey, 1993), les pratiques d’accréditation des écoles de gestion (Townley,

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2002), ou encore la collaboration inter-organisationnelle (Lawrence, Hardy et Phillips, 2002). Ces travaux ont montré la pertinence de la théorie néo-institutionnelle pour analyser la diffusion de nouvelles pratiques dans des organisations en quête de légitimité et de reconnaissance auprès de diverses parties prenantes (Dacin, Goodstein and Scott, 2002). L’adoption de nouvelles pratiques de gestion environnementale et de gestion de la qualité semble de prime abord se prêter assez bien à ce type d’analyse, en raison des pressions institutionnelles et des effets de modes inhérents à ces domaines. Ainsi, dans son étude de cas sur l’adoption de programmes de qualité totale dans cinq organisations, Zbaracki (1998) a montré la dissociation entre la réalité technique de ces programmes et la rhétorique de succès des dirigeants. Cette rhétorique est surtout motivée par un souci de légitimation face à des pressions institutionnelles qui façonnent des jeux de langage et des discours plus ou moins cérémoniels sur les vertus de la qualité totale. Selon Zbaracki, bien que ces discours soient en quelque sorte surimposés à la réalité, ils ne remettent pas nécessairement en cause la pertinence ni l’efficacité des mesures mises en oeuvre. Cependant, comme le postule la théorie néo-institutionnelle, le souci de légitimité des organisations conduit souvent ces dernières à adopter des pratiques qui sont peu efficientes. Cette hypothèse est notamment vérifiée par l’étude de King et Lenox (2000) sur le développement du programme de gestion responsable (responsible care) dans l’industrie chimique. Après avoir montré que la conformité à ce programme dépendait de pressions institutionnelles de nature coercitive, normative et mimétique, King et Lenox expliquent, à partir des résultats d’une étude quantitative, que les firmes ayant adopté ce système de gestion environnementale n’ont pas davantage réduit leurs émissions polluantes que les autres. Les auteurs concluent qu’en l’absence de sanctions explicites, l’adoption du programme de gestion responsable comme instrument d’autorégulation débouche sur des comportements opportunistes plus que sur des améliorations réelles des performances environnementales. Ce type de constat ne jette pas pour autant le discrédit sur la norme ISO 14 001, qui se substitue peu à peu aux autres systèmes de gestion environnementale normalisés, y compris le programme de gestion responsable. D’une part, la mesure des performances environnementales est un sujet très complexe et fort controversé (Azzone, Brophy. Noci, Welford et Young, 1997). D’autre part, le contexte institutionnel, de même que les propositions et le mécanisme de certification caractérisant le système ISO 14 001 sont assez éloignés de ceux en vigueur dans le cadre du programme de gestion responsable. Cependant, il est improbable que les jeux de langage et les comportements opportunistes décrits dans les approches néo-institutionnelles ne touchent pas les organisations ayant adopté la norme ISO 14 001. En effet, bien qu’aucune étude empirique sur cette question ne permette de valider cette hypothèse, plusieurs éléments suggèrent que la mise en œuvre d’ISO 14 001 pourrait bien représenter, pour les organisations certifiées, une sorte de « mythe rationnel » au sens de Meyer et Rowan (1977). Dans cette optique néo-institutionnelle, le système ISO 14 001 peut être considéré comme une structure formelle plus ou moins dissociée des activités réelles, mise en œuvre en réponse à des pressions institutionnelles dans le souci d’offrir une image rationnelle et légitime de la gestion environnementale de l’organisation. Les pressions institutionnelles pouvant favoriser

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l’émergence d’un tel mythe rationnel sont liées aux aspects sociétaux inhérents aux enjeux environnementaux et aux caractéristiques intrinsèques des systèmes de gestion certifiés ISO. En effet, la gestion environnementale des organisations est soumise à des pressions réglementaires et institutionnelles auxquelles les organisations peuvent difficilement se soustraire sans remette en cause leur légitimité (Bansal et Roth, 2000; Hoffman, 1999; King et Lenox, 2000; Boiral, 2001). Les contraintes externes ne relèvent pas seulement de la réglementation. Elles proviennent également de diverses parties prenantes dont les organisations dépendent pour obtenir des ressources ou pour assurer leur légitimité sociale: clients, citoyens, groupes environnementaux, municipalités, etc. Pour assurer leur légitimité sociale voire leur survie, les organisations vont réagir de façon plus ou moins réactive ou proactive, dépendamment de la sensibilité verte des dirigeants, de l’intensité des contraintes externes ou encore du développement de compétences distinctives dans ce domaine (McKay, 2001; Sharma, 2000; Hart, 1995). Dans ce contexte, le développement des certifications ISO 14 001 peut refléter une forme d’isomorphisme coercitif auquel les organisations se conforment indépendamment de l’utilité intrinsèque de la norme. L’émergence de ce type d’isomorphisme rejoint ici les observations de Pfeffer et Salancik (1978), qui ont montré comment les organisations tentent de répondre aux attentes souvent irréalistes d’institutions dont elles dépendent pour obtenir des ressources. Les bénéfices de cette logique de conformité institutionnelle peuvent également être de nature sociétale et relationnelle. Ainsi, l’obtention de la certification peut contribuer à améliorer l’image de l’organisation, à défendre la légitimité de ses activités ou encore à favoriser des relations de confiance avec les différentes parties prenantes (Bansal et Bogner, 2002; Corbett et Cutler, 2000; Delmas, 2001). En outre, la prise en compte des contraintes réglementaires et l’engagement envers le principe d’amélioration continue que propose le système ISO 14 001 favorise une démarche volontaire et proactive qui encourage une forme « d’autorégulation » (Power, 1997) des organisations. Cependant, comme le postule la théorie néo-institutionnelle, le conformisme des organisations certifiées pourrait également se traduire par une bureaucratisation attentatoire à l’efficience des pratiques de gestion. Certaines approches critiques soutiennent d’ailleurs que le management environnemental des organisations est de plus en plus dominé par des processus bureaucratiques et « amoraux » (Crane, 2000), qui évitent les remises en causes véritables qu’exige la prise en compte des principaux problèmes écologiques (Levy, 1997). Ces processus bureaucratiques sont particulièrement aigus dans la mise en œuvre de la norme ISO 14 001, qui repose sur un système de gestion très formalisé, lequel est l’objet d’audits de conformité (Cascio, 1996; Boiral, 1998). Le processus d’isomorphisme est donc consubstantiel aux normes ISO. L’acronyme ISO vient d’ailleurs du grec « isos » qui signifie ce qui est similaire ou identique à un modèle de référence, en l’occurrence les normes élaborées par l’Organisation internationale de normalisation. La légitimité de ces normes est renforcée par la participation de nombreux experts internationaux et de nombreuses organisations à leur conception et à leur promotion (Bansal et Bogner, 2002). Le développement et la reconnaissance des normes ISO sont également favorisés par un

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réseau complexe d’organisations à travers le monde qui encouragent ou qui contribuent à leur mise en oeuvre: clients, fournisseurs, entreprises certifiées, consultants, organismes de certification et de normalisation, institutions internationales, etc. La confiance dans ce type de normes et les avantages qu’elles procurent sont cependant très relatifs, comme le montre une étude réalisée auprès d’une quarantaine d’organisations allemandes certifiées ISO 9000 (Walgenbach, 2001). La relative méfiance à l’endroit de ce système de gestion découlerait d’un manque de confiance dans les auditeurs, dans le processus de certification ou encore dans les améliorations internes consécutives à la mise en œuvre de la norme. Selon les responsables qualité interrogés par Walgenbach, la certification ISO 9000 a néanmoins apporté des bénéfices inattendus à l’intérieur des organisations, notamment au niveau de la clarification des processus, de la structuration des pratiques et de la gestion des connaissances. Les bénéfices évoqués dans l’étude de Walgenbach concernent moins des performances ou des comportements concrets que des aspects administratifs et procéduriers. L’importance accordée à ces aspects dans les normes ISO et dans de nombreuses organisations reflète bien le culte de la raison que soulignent Meyer et Rowan (1977). Ainsi, les référentiels ISO 9000 ou ISO 14001 véhiculent une image de rigueur, d’objectivité, de précision et de contrôle empruntée aux sciences exactes. Cette image de rationalité contribue à légitimer l’utilisation de ces normes, en donnant une apparence scientifique à des pratiques qui reposent sur des comportements humains. Comme le montrent les recherches de Gusdorf (1960) sur l’histoire des sciences humaines, ce type de transfert épistémologique des sciences dures vers des sciences sociales est très courant, car il permet de donner une légitimité à des disciplines ou à des pratiques nouvellement constituées. Apparues à la fin des années 80 avec le référentiel ISO 9000, les normes ISO sur les systèmes de gestion reproduisent en fait la même logique de précision et de vérification que les normes de produits, beaucoup plus anciennes, et qui se prêtent mieux à l’application de critères scientifiques. Ainsi, les comportements organisationnels sont envisagés de façon très prescriptive et procédurière, à l’image d’une sorte de « technologie managériale » (Mouritsen, Ernst et Jorgensen, 2000). Cette vision très ordonnée, mécaniste et systématique de l’organisation s’inscrit clairement dans un paradigme fonctionnaliste. Ce paradigme tend à favoriser la rigueur formelle des pratiques de gestion et à ignorer les contradictions, les conflits, et la subjectivité des individus, dont les manifestations sont peu légitimes en regard des critères scientifiques habituels (Burrell et Morgan, 1979). Le principe « écrire ce qu’on fait, faire ce qu’on écrit », qui est au cœur du processus de mise en œuvre des normes ISO 9000 et ISO 14 001, traduit bien cette conception rationaliste et positiviste du management (Cochoy, Garel et Terssac, 1998). Si la documentation exigée par ces normes favorise une certaine rigueur, elle peut également favoriser l’irruption de la « cage de fer » décrite par Weber (1968), en rendant l’organisation plus rigide et plus bureaucratique (Mispelblom, 1995; Seddon, 1997; Boiral, 2003). Le développement rapide des normes ISO 9000 et ISO 14 001 participe ainsi au processus de rationalisation et de bureaucratisation des organisations, que Weber considérait comme une des tendances dominantes des sociétés industrialisées. Selon DiMaggio et Powell (1983), ce

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processus est au cœur même du phénomène d’isomorphisme, bien qu’il ne contribue pas nécessairement à rendre les organisations plus efficientes :

« Organizations are still becoming more homogeneous, and bureaucracy remains the common organizational form. Today, however, structural change in organizations seems less and less driven by competitive or by the need for efficiency. Instead, we will contend, bureaucratization and other forms of organizational change occur as the result of process that make organizations more similar without necessarily making them more efficient » (DiMaggio et Powell, op.cit. p. 147).

Ce risque de découplage entre la recherche de légitimité institutionnelle par le développement de mythes rationnels et celui de leur efficience interne est particulièrement aigu dans le cas des normes de gestion ISO (Boiral, 2003). En effet, malgré les pressions croissantes en faveur de l’adoption d’ISO 9000 ou d’ISO 14 001, les bénéfices internes d’une telle démarche demeurent incertains et controversés. Les recherches sur les implications d’ISO 9000 au niveau de la qualité, de l’amélioration des performances ou de la compétitivité ont donné des résultats contradictoires et peu concluants (Docking et Dowen. 1999; Simmons et White, 1999). À quelques exceptions près (Walgenbach, 2001; Cochoy, Garel et Terssac, 1998), ces études reposent sur des questionnaires postaux ou des enquêtes téléphoniques qui ne permettent pas de comprendre en profondeur les implications de ces normes, ni la façon dont elles sont réellement intégrées dans les organisations. La même remarque s’applique à la plupart des enquêtes sur ISO 14 001. Ces dernières sont encore peu nombreuses et visent surtout à analyser le profil des entreprises certifiées (International Organization for Standardization, 2004; Corbett et Kirsch, 2001), les motivations de l’implantation de la norme 14 001 (Standards Council of Canada, 2000; Welch, Mori et Aoyagi-Usui, 2002), son impact sur la compétitivité (Delmas, 2001) ou encore sur la gestion de la qualité (Corbett et Cutler, 2000). Les quelques études qualitatives réalisées sur la mise en œuvre d’ISO 14 001 ont souligné en particulier l’importance de la mobilisation des employés dans le processus d’amélioration continue, les lourdeurs bureaucratiques associées à la certification, et le rôle de la norme dans la coordination des activités environnementales (Kitazawa et Sarkis, 2000; Reverdy, 2000; Boiral et Sala, 1998; Boiral, 2000). Ces différents travaux ont permis de mieux comprendre les motivations et les enjeux stratégiques liés à la mise en œuvre du système ISO 14 001. Cependant, ils ne permettent pas de savoir dans quelle mesure cette norme représente un mythe rationnel ni comment ce mythe, s’il existe, peut être vécu et géré à l’intérieur des organisations certifiées. De façon plus générale, l’étude empirique des comportements d’ajustement, d’évitement ou encore de résistance face aux contraintes institutionnelles demeure un champ relativement peu exploré (Mizruchi et Fein, 1999; Townley, 2002; Walgenbach, 2001). Bien que le découplage entre les structures formelles héritées de ces pressions institutionnelles et les activités quotidiennes des organisations constitue une hypothèse évoquée notamment par Meyer et Rowan (1977), les perceptions et les manifestations de cette dissociation demeurent jusqu’à présent peu étudiées (Walgenbach, 2001).

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Pour analyser ces phénomènes dans le cadre de la norme ISO 14 001, une étude de cas a été réalisée dans neuf usines canadiennes certifiées. MÉTHODOLOGIE L’objectif de l’étude était d’analyser, à travers le cas de la mise en œuvre du système ISO 14 001 dans des usines canadiennes, la façon dont les organisations intègrent, dans leurs activités quotidiennes, les structures formelles qui résultent de pressions institutionnelles, en analysant plus particulièrement les aspects rituels et cérémoniels de l’adhésion à ce système. En raison de son caractère inductif, empirique et qualitatif qui favorise l’exploration de nouvelles idées ou de nouvelles théories (Eisenhardt et Bourgeois, 1988), la méthode des cas est apparue comme la démarche la plus pertinente pour répondre à cet objectif de recherche. Si la validité externe de cette méthode est limitée, la généralisation des résultats ne constitue pas son objectif premier (Maxwell, 1996; Ensenhardt, 1989). Dans le cadre de la présente étude, la population d’enquête est constituée des organisations canadiennes certifiées ISO 14 001. Afin de s’assurer que les données recueillies reflètent une expérience significative et non des jugements a priori sur la norme, seules les organisations certifiées depuis 2 ans ou plus ont été considérées. Ces organisations ont pu être identifiées et contactées à partir de listes établies par des organismes de certification et précisant notamment la date de certification. Au total, l’étude s’est limitée à neuf cas. Bien qu’il eût été possible d’élargir l’échantillon, il est apparu, au fil de l’enquête, qu’il y avait de moins en moins d’idées ou de problématiques nouvelles émergeant du terrain. Le tableau 1 ci-après résume le profil général de ces cas.

Insérer ici tableau 1 La collecte des données a reposé, pour l’essentiel, sur des visites de sites, des entretiens individuels et des documents internes sur le système de gestion environnementale des organisations. Cette collecte s’est déroulée en trois phases, durant chacune environ une demi-journée à une journée. Dans un premier temps, une visite guidée des installations certifiées a été organisée avec le responsable de la fonction environnement. Cette visite fut généralement suivie d’un entretien approfondi avec le responsable de la fonction environnement. La durée de ce premier entretien a été en moyenne d’environ 2 heures. Les questions posées ont porté sur les principales dimensions du système de gestion environnementale: le contexte de la certification, les pressions institutionnelles, l’engagement de la haute direction, la politique environnementale, les aspects environnementaux, les objectifs et cibles, les contraintes réglementaires, les programmes mis en œuvre, la répartition des responsabilités, la formation et l’information du personnel, la documentation du système, les performances environnementales, les pratiques de contrôle et d’audit. Lors de cette rencontre préliminaire, divers documents internes sur le système de gestion

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environnementale ont été collectés: politique environnementale, rapport environnement, procédures, données sur les rejets de contaminants, manuels de formation, rapports d’audits, etc. Dans un second temps, des entretiens ont été réalisés avec les individus directement impliqués dans la gestion environnementale de l’organisation ou dans la mise en œuvre du système ISO 14 001. Dans la plupart des organisations étudiées, tous les techniciens de la fonction environnement ont été rencontrés, sauf dans les usines de grande taille, comme les cas 6 et 7, dans lesquels une dizaine de personnes pouvaient travailler au sein de cette fonction. La durée moyenne de ces entretiens semi-directifs a été d’environ 1 heure à 1 heure 30. Les questions posées ont porté principalement sur la mise en œuvre du système ISO 14 001 : motivations des dirigeants, consultation des employés, intégration des prescriptions de la norme dans la gestion quotidienne, résistances au changement, etc. Ces entretiens ont également permis de compléter ou de vérifier les informations obtenues dans le cadre de l’entrevue avec le responsable de la fonction environnement. Dans un dernier temps, des entretiens avec des employés et des gestionnaires qui n’appartenaient pas directement ou indirectement à la fonction environnement ont été réalisés. Il a généralement été possible d’obtenir, lors de cette dernière phase de l’étude empirique, des opinions plus nuancées sur la norme ISO 14 001. Les questions ont porté essentiellement sur la connaissance du système de gestion environnementale et sur les implications concrètes de sa mise en œuvre : mobilisation des employés, changements dans les pratiques, perception des bénéfices de la norme, connaissance de la politique et des objectifs environnementaux, consultation de la documentation, respect des procédures, mise à jour du système, comportements lors des opérations d’audit et de certification, perceptions relatives aux pressions institutionnelles, etc. Les entretiens réalisés ont tous été enregistrés et retranscrits mot à mot sur traitement de texte. Ces enregistrements ont été faits sous couvert de l’anonymat. Au total, 82 entretiens avec des personnes différentes ont été réalisés (voir tableau 1), dont 31 avec des gestionnaires, 25 avec des représentants de la fonction environnement, et 26 avec des travailleurs, essentiellement des opérateurs de procédé. L’analyse des données a été faite à partir du regroupement et de la comparaison de plusieurs sources d’informations: transcriptions d’entretiens, documents sur le système de gestion environnementale, données sur les performances environnementales, notes sur les visites de site, etc. Cependant, la transcription écrite des entretiens a été la principale source utilisée. Le processus d’analyse a reposé sur une démarche de catégorisation, de regroupement et de comparaison des informations en fonction de concepts ou de thèmes émergeant de l’interprétation des résultats. Pour faciliter ce processus de catégorisation, qui est au centre de la grounded theory (Strauss et Corbin, 1990), le logiciel d’analyse qualitative NUD*IST Vivo a été utilisé. ADOPTER ISO 14 001 : UN ISOMORPHISME DE TYPE COERCITIF

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Bien qu’elle repose sur des prescriptions techniques destinées à faciliter l’intégration des préoccupations environnementales dans la gestion quotidienne et à promouvoir une logique dite d’amélioration continue, la mise en œuvre de la norme ISO 14 001 répond également à des pressions institutionnelles externes dont la nature et le rôle sont encore mal élucidés. Selon la théorie néo-institutionnelle, ces pressions conduisent à l’adoption de structures rationnelles qui visent surtout à assurer la légitimité externe de l’organisation. Pour analyser dans quelle mesure cette hypothèse s’applique dans le cadre des organisations étudiées, il convient d’examiner, dans un premier temps, les motivations qui ont conduit à l’adoption de la norme. La plupart des entretiens réalisés montre que les parties prenantes habituellement associées aux problèmes environnementaux des organisations (gouvernements, groupes environnementaux, associations écologistes, banques, assurances, concurrents) ont joué un rôle assez secondaire dans l’implantation de la norme. Malgré l’existence de contraintes réglementaires sévères et de rapports parfois tendus avec certains groupes environnementaux, la légitimité des organisations certifiées par rapport au gouvernement ou aux associations écologistes par exemple, n’est que très rarement mentionnée par les répondants. Cette situation semble liée, d’une part, à l’absence de mesures concrètes d’encouragement à la certification et, d’autre part, au fait que les organisations étudiées entretenaient déjà d’assez bonnes relations avec les autorités en charge de l’application des règlements. En fait, dans la plupart des cas étudiés, les pressions les plus fortes en faveur de l’adoption de la norme provenaient non pas d’acteurs externes mais du siège social des organisations. À la question ouverte sur les principales raisons à l’origine de la mise en œuvre d’ISO 14 001, la majorité des gestionnaires et des responsables environnementaux interrogés ont spontanément répondu que c’était à la demande plus ou moins expresse du siège social :

- « Le siège social a demandé que toutes les usines seraient ISO 14 001 en décembre 2001, mais nous avons décidé d’obtenir la certification en seulement sept mois. Ce n’était pas une exigence de la corporation d’aller aussi rapidement, mais c’était notre volonté de répondre au plus vite » (un responsable environnement, cas 3);

- « L’engagement qui a été demandé par la compagnie est de développer un système de gestion environnemental compatible avec ISO 14 001. Donc, toutes les usines, les scieries, les installations forestières, devaient mettre en œuvre un système de gestion basé sur cette norme. Mais il n’y avait aucune obligation formelle d’être certifié ISO 14 001 » (un responsable environnement, cas 5);

- « Lorsque le siège social a commencé à parler d’ISO 14 001, on était déjà prêt. Cela n’a donc pas été imposé parce que nous étions heureux de voir que la compagnie avait l’intention d’aller dans ce sens » (un responsable environnement, cas 8).

Les deux autres formes d’isomorphismes évoqués notamment par DiMaggio et Powell (1983), soit les isomorphismes mimétique et normatif, ne semblent pas avoir joué des rôles significatifs dans les décisions d’adopter la norme. En d’autres termes, selon les répondants des usines étudiées, ce ne sont pas l’imitation des concurrents ou les

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phénomènes de professionnalisation associés à la certification ISO qui ont motivé l’adoption d’ISO 14 001 mais bien les pressions externes, plus spécifiquement celles provenant du siège social. De façon similaire, à l’exception du cas 4, les besoins organisationnels internes des usines ne semblent pas avoir été des facteurs très significatifs dans l’adoption de la norme. Le rôle moteur des pressions corporatives dans ce processus s’explique essentiellement par fait que les cas étudiés appartiennent tous, à l’image de la plupart des organisations canadiennes certifiées avant les années 2000-2001, à des groupes industriels soucieux de leur image globale et de démontrer une prise en compte rationnelle des questions environnementales. Ces pressions corporatives pour l’adoption d’ISO 14 001 ont été perçues de façon plus ou moins coercitive dans les organisations étudiées. Dans le cas 1, la décision a été vécue comme une contrainte imposée par le siège social d’un grand constructeur européen qui venait de racheter l’usine. Dans le cas 8, l’usine venait également d’être rachetée lorsque la norme ISO 14 001 a été demandée par le nouvel acquéreur. Cependant, un effort pour se rapprocher des exigences de la norme ayant déjà été entrepris, cette décision a été perçue de façon très positive dans l’organisation. Dans les cas 2, 3, 5, 6, 7, et 9, les dirigeants se sont également déclarés assez en accord avec la mise en œuvre de la norme, bien que les avantages internes d’une telle démarche soient loin de faire l’unanimité. En fait, n’ayant généralement pas réellement eu le choix d’adopter ou non la norme, les dirigeants considèrent généralement qu’ISO 14 001 représente une nécessité et, de façon plus accessoire, une opportunité pour apporter certains changements dans le système de gestion environnementale. L’amélioration des performances environnementales est par exemple assez souvent évoquée, mais nombre de répondants demeurent sceptiques à ce sujet. Si la mise en œuvre de la norme débouche sur divers objectifs internes, y compris en termes de performances, ces objectifs n’ont pas joué un rôle déterminant dans la décision initiale d’adopter la norme. Les organisations demeurent dans l’ensemble surtout préoccupées par leur image et leur légitimité, tant auprès du siège social que de la collectivité. Cette préoccupation est particulièrement vive dans le cas 2, où le souci de légitimité externe se confond avec celui pour la survie de l’usine. En effet, la pérennité de l’organisation est menacée par un programme de remplacement des anciennes alumineries du groupe, lesquelles sont aussi les plus polluantes. De fait, pour la majorité des répondants interrogés, la réussite de la mise en œuvre d’ISO 14 001 représente un moyen de démontrer aux décideurs que l’usine demeure performante et que ses pratiques sont conformes aux attentes du siège social. Ce souci de légitimité s’étend également, pour des raisons assez semblables, aux populations locales. En effet, le cas 2 est situé à proximité immédiate d’une zone urbaine assez dense et sensible aux impacts des émissions atmosphériques de l’aluminerie, notamment aux rejets de HAP, un produit potentiellement cancérigène. Bien qu’elle soit, depuis une soixantaine d’années, un des principaux employeurs de la région, l’usine est donc l’objet de pressions sociétales constantes, qui menacent sa légitimité voire sa survie. Dans ce contexte, la certification ISO 14 001 représente une sorte de certificat de bonne conduite pour rassurer la population et les autorités. Dans le cas 9, la décision d’adopter la norme coïncide avec l’occurrence d’une crise environnementale très médiatisée dans une des exploitations minières du groupe située en Afrique. Comme le résume de façon lapidaire un des employés interrogés, « ISO, c’est un moyen de sauver la face, c’est une couverture ».

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Cette préoccupation pour l’image de l’organisation et son intégration dans la communauté avoisinante transparaît également, avec un peu moins d’acuité, dans les autres cas étudiés, plus particulièrement les usines de pâtes et papiers (cas 5, 6 et 7) dont les impacts environnementaux sont assez significatifs. La certification représente ainsi un moyen de rendre plus crédible auprès de la collectivité l’engagement environnemental des organisations :

- « La certification ISO 14 001, s’est surtout pour de l’image verte de l’usine. Étant donné que l’usine est située à l’intérieur de la ville, il est important de dégager une image qui montre qu’on gère bien l’environnement » (un employé, cas 2);

- « On a un rôle à jouer dans la société. On veut être un exemple de bon citoyen corporatif parce qu’on est un point de mire au niveau régional. Je crois que l’industrie des pâtes et papiers a quelque chose à démontrer au niveau de l’environnement, parce que l’opinion publique n’est pas des plus favorables à ce niveau. L’adoption d’une norme comme ISO 14 001 montre qu’on s’en va dans la bonne direction » (un gestionnaire, cas 7);

- « Avec l’enseigne ISO, on montre à l’extérieur qu’on respecte l’environnement. Je ne sais pas si le public comprend ce que ces trois lettres veulent dire, mais je suis certain que c’est un plus » (un gestionnaire, cas 9).

Cependant, cet engagement semble assez symbolique puisque, comme l’ont reconnu plusieurs répondants, le public ignore généralement ce que signifie ISO 14 001 et qu’aucune demande explicite en faveur de son adoption ne semble avoir été formulée par la population. Ce type de demande tend toutefois à émerger au niveau commercial. Si aucun client n’a apparemment fait de la certification ISO 14 001 une condition préalable à l’obtention de nouveaux contrats, une large majorité de répondants considère que la certification constitue dès à présent un atout marketing, notamment auprès des clients internationaux. En effet, la plupart des cas étudiés exportent la plus grande partie de leur production. Or, selon plusieurs répondants, les questions environnementales constituent de plus un plus un critère de sélection des fournisseurs sur les marchés internationaux, même si cet aspect ne joue pas un rôle déterminant. C’est le cas en particulier dans le secteur de l’aluminium (cas 2) et dans celui de l’équipement automobile (cas 3). Certains clients de ces secteurs, en particulier des grands constructeurs automobiles, comme General Motors et Ford, ont commencé à demander à des fournisseurs la mise en œuvre de la norme. De même, dans le secteur des pâtes et papiers (cas 5, 6 et 7), quelques clients, notamment européens, ont formulé des demandes dans le même sens. S’il serait très exagéré d’affirmer que le système ISO 14 001 représente aujourd’hui, au même titre qu’ISO 9000, une sorte de passeport pour accéder à certains marchés, plusieurs gestionnaires anticipent sérieusement le développement d’une telle tendance dans les années à venir :

- « Depuis quelques années, on entend que des constructeurs automobiles veulent exiger cette norme de la part de leur fournisseur. Mais, d’après moi, ce n’est pas encore vraiment le cas aujourd’hui » (un gestionnaire, cas 3);

- « Par rapport à nos clients, il n’y a pas eu, à ma connaissance, de refus d’achat de papier parce qu’une entreprise n’était pas ISO 14 001, mais les clients apprécient qu’on soit certifié » (un gestionnaire, cas 7);

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- « ISO 14 001 a un certain impact commercial, parce qu’on a des clients européens qui sont plus en avance à ce niveau » (un gestionnaire, cas 8).

D’autres motivations ont également été évoquées par les répondants, comme le développement d’un avantage compétitif, l’amélioration des performances environnementales ou encore la satisfaction des employés. Les propos à ce sujet sont cependant moins nombreux et mal étayés. Il ressort clairement du discours des répondants que les raisons à l’origine de la mise en œuvre de la norme sont, pour l’essentiel, des pressions institutionnelles plus ou moins explicites émanant du siège social et, de façon plus diffuse, de certaines parties prenantes. Ainsi, les organisations étudiées adoptent la norme d’abord et avant tout pour affirmer leur légitimité et leur engagement environnemental auprès de la haute direction, du public et de certains clients. Ces motivations correspondent donc à un isomorphisme de type coercitif (DiMaggio et Powell, 1983). RATIONNALISER LA GESTION ENVIRONNEMENTALE L’apparence rationnelle des pratiques et des structures organisationnelles est au centre des processus de légitimation décrits par les approches néo-institutionnelles (Townley, 2002; DiMaggio et Powell, 1983; Meyer et Rowan, 1977). Pour assurer leur légitimité, les organisations doivent incorporer des concepts et des structures qui se veulent rationnelles et conformes aux normes véhiculées par la société. Ce souci de rationalité transparaît clairement dans les cas étudiés. Ainsi, quelles que soient l’efficacité ou la pertinence intrinsèque de la norme ISO 14 001, la plupart des répondants s’accorde pour reconnaître que cette dernière a contribué à rendre la gestion environnementale plus structurée, plus ordonnée et mieux documentée:

- « Auparavant, on n’allait pas bien loin au niveau de la paperasse, de la tenue des registres, du classement. On avait surtout les choses en tête. ISO 14 001 a permis de mettre beaucoup plus d’ordre dans tout cela » (un responsable environnement, cas 5);

- « Je pense que la norme a vraiment permis de mettre à jour tous les dossiers en environnement. Cela a aussi amené l’occasion de parler davantage d’environnement et d’améliorer notre système de gestion environnementale dans son ensemble » (un responsable environnement, cas 2);

- « On avait déjà un système de gestion environnementale qui fonctionnait très bien. Mais ISO 14 001 a apporté plus de rigueur dans nos programmes » (un responsable environnement, cas 4).

Cette amélioration de la rigueur et du suivi de la gestion environnementale concerne les principales propositions de la norme ISO 14 001, lesquelles se divisent en quatre principaux éléments: l’engagement de la direction, la planification, la mise en œuvre et le contrôle. Ces quatre éléments reprennent en fait les principes traditionnels du management, que résume assez bien l’acronyme PODC (planifier, organiser, diriger, contrôler).

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Au niveau de l’engagement de la direction, ISO 14 001 apparaît comme un moyen de renforcer et de formaliser l’implication environnementale des dirigeants. D’une part, la norme exige l’élaboration, par la haute direction de l’organisation, d’une politique environnementale cohérente, intégrant un certain nombre de principes: adaptation à la nature des activités de l’organisation, prévention, amélioration continue, respect de la réglementation, communication interne, etc. Ces principes, dont la pertinence est assez claire, renforcent la légitimité et la crédibilité de la politique environnementale, qui respecte ainsi des critères de base. D’autre part, la direction doit réviser de façon périodique la mise en œuvre et le bon fonctionnement du système ISO 14 001 afin d’assurer un certain suivi de la norme. En théorie, ce suivi doit permettre de pérenniser le système à travers un engagement continu de la direction. Ces différentes mesures visent clairement à rassurer les parties prenantes et les employés sur les préoccupations environnementales des dirigeants, lesquelles sont explicitées et rationalisées à travers des documents et des mesures dont la légitimité semble difficile à contester. Les entretiens réalisés montrent que, de façon générale, la mise en œuvre de la norme ISO 14 001 est clairement associée à l’implication de la direction, considérée comme essentielle à la promotion des actions environnementales :

- « ISO a aidé à structurer certaines choses. Mais le premier point de la norme, la chose la plus importante, c’est l’implication de la direction » (un ingénieur, cas 6);

- « Tout commence par l’implication de la direction » (un technicien en environnement, cas 4);

- « La mise en œuvre d’ISO 14 001 vient de la haute direction. Cela vient de l’engagement de la compagnie à respecter les lois et à aller plus loin, à montrer à nos employés et à nos clients que l’environnement, c’est important pour nous » (un contremaître, cas 7).

Au niveau de la planification, les propositions de la norme contribuent également à rationaliser et à formaliser les engagements de l’organisation. Les mesures prévues à ce chapitre sont on ne peut plus classiques: analyse de la situation environnementale de l’organisation, examen des exigences légales et autres, objectifs et cibles, programmes de management environnemental. La mise en œuvre de ces mesures permet d’assurer la prise en compte des aspects réglementaires et des problèmes environnementaux spécifiques de l’organisation dans la définition des objectifs. Elle permet également de prévoir que des moyens et des ressources seront affectés aux programmes environnementaux destinés à répondre à ces objectifs. Ici encore, la rationalité et la légitimité des propositions d’ISO 14 001 sont assurées par des mesures traditionnelles dont le but n’est pas de promouvoir des pratiques avant-gardistes mais plutôt de rassurer sur l’application de principes de gestion bien connus et éprouvés. Les entretiens réalisés montrent que ces principes ont amélioré la connaissance de la situation environnementale des organisations, favorisé la mise en œuvre d’objectifs clairs et la mobilisation de ressources pour les atteindre:

- « On se tient plus à jour qu’avant pour les normes environnementales. On s’est équipé d’outils pour suivre et cibler les problèmes, pour savoir ce qu’on doit faire pour éliminer les matières résiduelles par exemple » (un opérateur, cas 7);

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- « Au niveau des clients, ils comprennent que nous connaissons nos procédés et que nous agissons de manière sécuritaire. Cette norme est venue mettre les choses à la bonne place » (un contremaître, cas 1);

- « ISO 14 001 nous a permis d’obtenir certaines ressources afin d’atteindre les objectifs de nos programmes » (un responsable environnement, cas 6).

Au chapitre de la mise en œuvre et du fonctionnement de la norme, les exigences d’ISO 14 001 sont plus lourdes et plus nombreuses. Elles concernent en effet les principaux aspects opérationnels du système de gestion environnementale : clarification des structures et des responsabilités, actions de formation et de communication, documentation du système, maîtrise opérationnelle et mesures d’urgences. Les prescriptions de la norme contribuent ici à apporter plus de transparence et de rationalité dans la définition des responsabilités, dans la gestion des connaissances et des procédures environnementales, et dans la prévention des risques. Elles visent également à favoriser l’intégration des préoccupations environnementales dans la gestion quotidienne. Si cette intégration n’est pas toujours, dans les faits, très convaincante, les entretiens réalisés montrent que la norme a clarifié les rôles de chacun par rapport aux questions environnementales et favorisé le transfert des connaissances dans ce domaine:

- « Avec ISO, c’est plus structuré. Il y a une personne qui coordonne la norme, mais chacun a son rôle par rapport à l’environnement » (un responsable environnement, cas 6);

- « Les procédures sont plus claires pour tout le monde. À chaque fois qu’une nouvelle personne va se joindre à une équipe de travail, elle va lire les procédures environnementales. Maintenant, les gens savent quoi faire s’il y a une alarme. Avant, c’était le service environnement qui intervenait. » (un technicien environnement, cas 4);

- « Il y a moins de tolérance qu’avant par rapport aux comportements fautifs. Avec ISO 14001, les gens prennent davantage conscience de leurs responsabilités par rapport aux questions environnementales » (un employé, cas 2).

Enfin, au niveau du contrôle et des actions correctives, les prescriptions de la norme reposent sur une logique classique de conformité et de vérification: surveillance et mesurage, gestion des non-conformités, enregistrements, audits du système. La norme ne se limite donc pas à proposer des recommandations. Elle exige que l’application de ces dernières soit vérifiée de façon rationnelle et systématique. Les écarts sont d’ailleurs considérés comme des non-conformités devant être documentées et corrigées. Les audits internes et externes en particulier permettent d’évaluer si la norme a été correctement mise en œuvre et de proposer des recommandations à cet effet. L’obtention de la certification à la suite d’un audit externe contribuera à légitimer le système en place en donnant l’assurance aux différentes parties prenantes que le système ISO 14 001 a effectivement été mis en œuvre, qu’il « fonctionne » de façon rationnelle suivant les prescriptions de la norme. Ce type d’audit permet également d’exercer une certaine pression en interne, notamment au niveau des dirigeants, pour maintenir l’engagement environnemental de l’entreprise. De façon plus générale, la norme ISO 14 001 a favorisé, dans les cas étudiés, un meilleur suivi des objectifs, des programmes et des procédures environnementales:

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- « Les non-conformités majeures sont systématiquement déclarées. Il y a plus de suivi. On se fixe des objectifs à partir des non-conformités, et il y a des gens pour en faire le suivi, pour trouver des solutions. » (un cadre intermédiaire, cas 7);

- « À partir de chaque article de la norme, on regarde les exigences et on vérifie les écarts par rapport à ce qui est demandé. Avec la norme, toutes les améliorations qu’on aura à faire sont notées. Aussi, on doit rendre des comptes à la direction. » (un opérateur, cas 6);

- « Avec la réalisation d’audits internes, la direction va vraiment voir qu’il y a un problème à tel ou tel endroit dans l’usine. On a beau le dire, mais quand c’est dit par quelqu’un d’autre, disons que la haute direction met un peu plus d’emphase là-dessus. » (un responsable environnement, cas 1).

« MYTHES ET CÉRÉMONIES » DE LA CERTIFICATION Si la norme ISO 14 001 a apporté des améliorations réelles dans les organisations étudiées, ces améliorations concernent surtout les aspects formels du système de gestion environnementale: politique, documentation, suivi, rigueur, audits, etc. Ces aspects formels et rationnels offrent une image ordonnée, idéalisée et rassurante du système mis en place. L’application du principe « écrire ce qu’on fait, faire ce qu’on écrit », qui est au centre du processus de certification, s’est traduite en particulier par la mise en place d’une documentation plus ou moins détaillée qui permet d’expliciter et de légitimer les actions environnementales. Si la documentation apporte plus de rationalité et de rigueur, elle se traduit également par plus de bureaucratie. Cette bureaucratie est d’ailleurs considérée par les principaux auteurs de la théorie néo-institutionnelle, qui reprennent ici les travaux de Weber (1968), comme l’expression la plus typique de la rationalité organisationnelle et du processus d’isomorphisme qui en découle (DiMaggio et Powell, 1983, Mizruchi et Fein, 1999; Townley, 2002). Dans cette perspective néo-institutionnelle, la rationalisation des pratiques de gestion environnementale résulte moins de besoins internes ou d’un objectif d’efficience que d’un souci de conformité et de légitimité qui rend les organisations plus « isomorphiques » par l’adoption de structures identiques, en l’occurrence la norme ISO 14 001. Les contradictions entre les pratiques ou les besoins internes et les structures rationnelles mises en œuvre se traduisent même, selon Meyer et Rowan (1977), par des « mythes » et des « cérémonies ». La présente étude montre l’existence de ces contradictions, dont l’intensité varie selon les cas. Ainsi, plusieurs effets pervers interdépendants et assez caractéristiques des « mythes rationnels » (Meyer et Rowan, 1977) ressortent de façon récurrente, avec plus ou moins d’intensité selon les cas: le manque d’implication des employés, la lourdeur bureaucratique du système et le caractère rituel de certaines pratiques en particulier lors des audits. Le premier effet pervers est le manque d’engagement et d’adhésion au système par les employés. En dépit des prescriptions de la norme concernant la formation, la communication et l’explicitation des procédures environnementales, la majorité des employés et des cadres intermédiaires rencontrés se sont déclarés relativement peu informés voire peu concernés par ISO 14 001. D’une part, en dehors de la fonction

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environnement et de certains dirigeants, les répondants connaissent souvent mal ce système. Par exemple, peu de répondants ont été en mesure de décrire la politique environnementale de leur organisation, bien que cette dernière soit un des principaux éléments de la norme ISO 14 001. D’autre part, les prescriptions de la norme sont souvent peu intégrées aux pratiques quotidiennes et tendent à apparaître comme un système indépendant ou parallèle mis en œuvre par les dirigeants surtout pour des raisons externes. Les employés se sentent donc relativement peu impliqués et peu consultés par rapport au fonctionnement et au suivi du système. Cette attitude est particulièrement forte dans les cas 1 et 3 où la norme n’apparaît pas comme une priorité. La réduction des moyens affectés à la mise en place et au suivi de la norme suite à des difficultés économiques explique en partie ce désengagement. Comme l’indique un opérateur du cas 3, « lors de l’implantation de la norme, les ressources humaines étaient présentes, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui ». De façon plus générale, la norme ISO 14 001 demeure plus ou moins découplée des pratiques en place et, pour de nombreux répondants, concerne surtout les spécialistes de la fonction environnement ainsi que quelques gestionnaires:

- « Quelqu’un qui s’intéresse à ce qui se passe dans l’usine au sujet de l’environnement sera informé. Mais les autres, ils ne sont pas vraiment au courant d’ISO 14 001, ils ne savent pas grand-chose de cela » (un employé, cas 5);

- « On n’a pas vraiment été consultés. Les gestionnaires ont dit qu’on allait être ISO 14 001 et, nous, on a suivi. On n’avait pas trop le choix » (un employé, cas 3);

- « À vrai dire, on ne parle pas vraiment d’ISO 14 001. Si vous allez voir des mineurs, vous verrez bien qu’il y en a beaucoup qui ne savent même pas qu’on est ISO 14 001. Les cadres le savent tous, mais en bas, les syndiqués ne savent pas trop c’est quoi » (un employé, cas 9).

Le deuxième effet pervers est lié à la documentation souvent jugée excessive du système ISO 14 001. Bien que toutes les organisations étudiées, à l’exception du cas 5, aient informatisé leur système de gestion environnementale afin de faciliter la gestion de la documentation, les lourdeurs bureaucratiques de la norme ont été soulignées par la majorité des employés rencontrés. Pour beaucoup de répondants, l’utilité de cette documentation n’est pas claire. De plus, elle demande des efforts de rédaction et de mise à jour jugés d’autant plus excessifs que leur pertinence n’est pas bien établie. Ces critiques expliquent en partie le découplage entre les prescriptions d’ISO 14 001 et les pratiques environnementales réelles des organisations. En effet, pour éviter les contraintes bureaucratiques du système, les employés cherchent souvent à garder leur distance par rapport à ce dernier et à ne s’impliquer que si cela paraît réellement nécessaire. Cette distanciation par rapport au système formel prescrit par la norme tend à renforcer la dissociation entre le souci de légitimité institutionnelle de la certification ISO 14 001 et les pratiques effectives. D’une part, même si la documentation exigée par ISO 14 001 peut être, au moment de la mise en œuvre, assez fidèle aux pratiques, ces dernières tendent à s’en éloigner progressivement en raison des lacunes dans la mise à jour des procédures. D’autre part, en raison des lourdeurs que cela suppose, la réalisation et la mise à jour de ces procédures sont souvent effectuées par des consultants externes ou par des individus spécialement affectés à cette tâche. De fait, les employés ne se

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sentent pas toujours partie prenante ni même concerné par la documentation du système ISO 14 001, qui est souvent faite en vase clos. La perception que la mise en œuvre de la norme est surtout du ressort de la direction et d’une logique de relations publiques n’en est que plus grande. Cette perception est plus intense dans les organisations qui ont intégré de façon relativement superficielle les prescriptions de la norme, soit les cas 1, 2, et, dans une moindre mesure, 3, 5, 6 et 9. Lors des entretiens réalisés dans ces organisations, la bureaucratie et les lourdeurs associées à la norme étaient souvent au centre des discussions, en particulier avec les gestionnaires ayant participé au processus de documentation:

- « C’est difficile au niveau de la paperasse. C’est assez dur de maintenir ce type de norme. Je ne pense pas qu’on peut continuer ainsi. C’est devenu beaucoup trop lourd à gérer » (gestionnaire, cas 6);

- « C’est vrai qu’il y a beaucoup de paperasse. C’est la perception que les gens ont d’ISO 14 001. Quand les employés pensent à ISO, ils pensent avant tout à la paperasse » (un responsable environnement, cas 5);

- « Il y a beaucoup de documentation pour pas grand-chose» (un gestionnaire, cas 1).

Le troisième effet pervers découle des deux précédents et concerne les audits ainsi que le processus de certification en soi. La crédibilité de ce processus, de même que son caractère cérémoniel ont été l’objet de nombreuses critiques par les répondants. En effet, la durée des audits étant assez courte, les vérifications sont centrées sur la documentation du système plus que sur les pratiques réelles. De nombreux employés consultant peu ou pas la documentation, l’audit porte en définitive sur des aspects perçus comme plus ou moins étrangers aux préoccupations quotidiennes. Le manque d’engagement ou d’adhésion par rapport à la norme renforce cette perception. Elle suscite également des inquiétudes dans les organisations. En effet, de nombreux employés craignent que leur méconnaissance de la norme ou que les lacunes du système mis en place soient mis en lumière lors de l’audit et compromettent sa réussite. L’audit de certification apparaît en fait comme une sorte d’examen de passage dans lequel les employés doivent faire bonne figure en montrant, autant que faire se peut, que les pratiques internes sont effectivement conformes aux exigences de la norme ISO 14 001. Pour y parvenir, certains employés vont adopter des comportements cérémoniels visant à sauver les apparences: apprentissage littéral de certaines procédures, récitation de formules clés, adhésion en surface à la norme, application rituelle des instructions, etc. Ces comportements cérémoniels tendent à compromettre la crédibilité interne de la norme, la réussite de la certification devenant un objectif en soi, indépendamment de l’intégration réelle du système ISO 14 001. Les aspects rituels et scolaires de l’audit sont plus particulièrement marqués dans les organisations qui ont de fortes pressions externes pour l’adoption de la norme mais qui n’ont pas réellement réussi à mobiliser leurs employés à ce sujet. Les cas 2, 5, 6 et 9 correspondent plus particulièrement à cette situation:

- « ISO 14 001, c’est un genre de grand ménage de printemps. Pas longtemps avant d’avoir notre audit de certification, nous entendons parler d’environnement partout dans l’usine. C’est un genre de sujet du jour, jusqu’à ce que les auditeurs soient partis. Tous les employés apprennent, en quelque sorte, leurs répliques

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pendant cette période. Après, il y a un certain délaissement, on peut passer à autre chose » (un employé, cas 2);

- « Il y a un groupe de personnes qui sont embarqués dans ISO. Ils se préoccupent d’ISO quand la certification va être revue. L’inspecteur s’en vient, alors ils vont passer des nuits complètes à préparer les documents » (un employé, cas 9).

CONCLUSION L’étude de cas réalisée montre la pertinence de la théorie néo-institutionnelle pour analyser les motivations et le processus de mise en œuvre du système ISO 14 001. Dans la plupart des organisations étudiées, le souci de légitimité institutionnelle explique, dans une large mesure, la décision d’adopter la norme. Les résultats de l’étude confirment à ce niveau les observations de Kostova et Roth (2002) sur le rôle du siège social comme source de pressions institutionnelles pouvant donner lieu à des pratiques adoptées de façon plus ou moins cérémonielles à l’intérieur des filiales. Dans ce contexte, la décision d’adopter la norme ISO 14 001 découle surtout d’un isomorphisme de type coercitif visant à améliorer la reconnaissance de l’organisation (DiMaggio et Powell, 1983; Meyer et Rowan, 1977). Cependant, les améliorations internes observées demeurent assez relatives, en dépit des discours souvent idéalisés concernant la rigueur, la rationalité, et les autres bénéfices que la norme aurait apportés. Ces discours idéalisés rejoignent les écarts, qui se manifestent souvent dans la mise en œuvre des programmes de qualité totale, entre la rhétorique de légitimation des dirigeants et la réalité des pratiques (Reger, Gustafson, Demarie et Mullane, 1994; Zbaracki, 1998). Ils tendent également à faire de la certification ISO 14 001 une sorte de mythe rationnel dont la fonction première est d’adapter les structures formelles des organisations aux attentes des acteurs institutionnels (Meyer et Rowan, 1977). Si ces constats reflètent les tendances générales de l’analyse des données et semblent confirmer les préceptes généraux de la théorie néo-institutionnelle, il convient de les relativiser et de les nuancer en fonction des organisations étudiées. En effet, le processus de mise en œuvre de la norme ne suit pas de façon passive et monolithique un modèle unique. En premier lieu, les cas étudiés montrent que la norme ne se réduit pas nécessairement à des aspects cérémoniels destinés à promouvoir la légitimité institutionnelle des organisations. Au-delà des apports administratifs et documentaires du système ISO 14 001, des progrès sensibles ont été réalisés au niveau des programmes environnementaux. Dans le cas 8 par exemple, ces progrès sont d’autant plus manifestes que l’usine en question ne disposait pas, au départ, de système de gestion environnementale. La mise en œuvre de la norme a permis de doter l’entreprise d’une politique environnementale, d’objectifs, de programmes de formation, de procédures précises, etc. En l’absence de ces éléments, que la norme ISO 14 001 s’attache à regrouper et à structurer, il paraît difficile d’entreprendre des actions sérieuses pour réduire les impacts environnementaux. En second lieu, les motivations à l’origine de l’implantation de la norme ne se réduisent pas de façon exclusive à un phénomène d’isomorphisme institutionnel. Ainsi, dans le cas

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4, ce sont des préoccupations de gestion qui ont conduit à cette démarche. Si le souci de légitimité n’était pas complètement absent, il n’a pas représenté le principal élément déclencheur. Dans les autres organisations, la réponse aux pressions externes n’était pas nécessairement l’unique raison à l’origine de la certification. Certes, dans la plupart des cas, la norme n’aurait probablement pas été adoptée si le siège social ne l’avait pas demandé. Cependant, pour la majorité des répondants, la volonté d’améliorer les performances environnementales, d’apporter plus de rigueur, de promouvoir une plus grande éthique, ou encore de sensibiliser les employés sont des éléments non négligeables, même s’ils ne sont pas directement à l’origine de l’adoption de la norme. S’il est difficile d’apprécier le poids réel de ces éléments, il est peu raisonnable de prendre pour acquis que leur rôle a été insignifiant, et que seuls les processus institutionnels sont en cause. Ces observations tendent à remettre en cause ou à nuancer la notion d’isomorphisme. En effet, si les pressions institutionnelles poussent effectivement les organisations à adopter une structure similaire, en l’occurrence ISO 14 001, elles ne sont pas pour autant « homogènes » selon l’expression de DiMaggio et Powell (1983). En dépit de ses exigences de conformité et de son caractère bureaucratique, la norme ISO 14 001 est suffisamment souple pour permettre des adaptations et des interprétations assez variées dans les organisations. Cette souplesse rejoint les observations de Casper et Hancke (1999) à propos de l’adaptation du système ISO 9000 aux structures d’autorité et aux pratiques en vigueur dans l’industrie automobile française et allemande. L’application d’ISO 14 001 ne débouche donc pas nécessairement sur la « cage de fer » dénoncée par Weber, et qui est le point de départ de la perspective néo-institutionnelle (Townley, 2002; DiMaggio et Powell, 1983). En réalité, cette « cage de fer » se révèle à l’analyse plutôt élastique et symbolique. Elle ne semble réellement contraignante que lors des opérations d’audits, qui donnent lieu à des comportements cérémoniels visant à répondre en surface aux exigences de la certification ISO 14 001. Ces comportements rituels ne découlent pas seulement de pressions institutionnelles, mais aussi de choix internes généralement implicites. Ces choix se sont souvent efforcés d’éviter des remises en cause trop profondes, de réduire les coûts associés à l’implantation de la norme et de limiter le nombre d’employés impliqués dans la mise en œuvre du système. Dans ce contexte, le caractère cérémoniel des comportements par rapport à la norme résulte de considérations économiques et de décisions organisationnelles tout autant que de pressions institutionnelles. Ainsi, l’étude de cas réalisée apporte une vision moins exclusive et moins déterministe du modèle néo-institutionnaliste de base. L’étude contribue également à mieux comprendre, à travers l’exemple d’ISO 14 001, les mythes rationnels, leur émergence et leur transformation à l’intérieur des organisations. Malgré quelques recherches récentes, ces processus d’ajustements face à l’institutionnalisation de la rationalité n’ont reçu, jusqu’à présent, qu’une attention subalterne (Townley, 2002; Walgenbach, 2001; Mizruchi et Fein, 1999). Enfin, la présente recherche permet d’approfondir les tenants et les aboutissants de la mise en œuvre du système ISO 14 001. Bien que le nombre d’organisations certifiées augmente rapidement, les implications organisationnelles de ce système demeurent encore pratiquement inexplorées.

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Tableau 1 : profil général des cas étudiés Secteur d’activité Nombre

d’employés Année de

certification ISO 14 001

Entretiens réalisés et

retranscrits Cas 1 Fabrication d’autocars interurbains 950 1999 10 Cas 2 Production d’aluminium 540 1998 10 Cas 3 Production de pièces automobiles 180 2000 7 Cas 4 Production de magnésium 350 2000 7 Cas 5 Usine de pâtes et papiers 450 2000 8 Cas 6 Usine de pâtes et papiers 1250 2001 10 Cas 7 Usine de pâtes et papiers 1200 2000 10 Cas 8 Production de bois d’œuvre 330 1999 8 Cas 9 Exploitation minière 460 2000 12