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Société Française de Musicologie Un supplément inédit aux Variations Goldberg de J. S. Bach Author(s): Olivier Alain Source: Revue de Musicologie, T. 61e, No. 2e (1975), pp. 244-294 Published by: Société Française de Musicologie Stable URL: http://www.jstor.org/stable/928397 Accessed: 22/10/2010 23:29 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of JSTOR's Terms and Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp. JSTOR's Terms and Conditions of Use provides, in part, that unless you have obtained prior permission, you may not download an entire issue of a journal or multiple copies of articles, and you may use content in the JSTOR archive only for your personal, non-commercial use. Please contact the publisher regarding any further use of this work. Publisher contact information may be obtained at http://www.jstor.org/action/showPublisher?publisherCode=sfm. Each copy of any part of a JSTOR transmission must contain the same copyright notice that appears on the screen or printed page of such transmission. JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. Société Française de Musicologie is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Musicologie. http://www.jstor.org

BWV 1087

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Société Française de Musicologie

Un supplément inédit aux Variations Goldberg de J. S. BachAuthor(s): Olivier AlainSource: Revue de Musicologie, T. 61e, No. 2e (1975), pp. 244-294Published by: Société Française de MusicologieStable URL: http://www.jstor.org/stable/928397Accessed: 22/10/2010 23:29

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Olivier A LAIN

Un suppl6ment inedit

aux Variations Goldberg de J. S. Bach*

I. PRESENTATION DU DOCUMENT ET PREMIERE ETUDE

i. Circonstances de la re-de'couverte.

LES obligations professionnelles de 1'auteur, Inspecteur de la Musique au Secretariat d'Etat & la Culture, l'amenerent,

en fin janvier 1974, h visiter le Conservatoire National de Region de Strasbourg. Une heureuse coincidence lui permit d'assister a un remarquable recital de clavecin donne par Paul Blumenroeder, professeur en cette Ecole, qui executa en premiere partie la Cla- vier Ubung IV de Bach : les Variations Goldberg.

La veille de ce concert, Paul Blumenroeder eut I'aimable atten- tion de me montrer 1'exemplaire de l'dition originale de la Cla- vier Ubung IV qu'il avait la chance de posseder, et il ne manqua pas de me faire remarquer l'adjonction manuscrite qui, dans cet

* Cet article est issu d'une communication pr6sent6e & la Societ6 fran- gaise de Musicologie (voir p. 358). En raison des delais impos6s par la publi- cation, sa r6daction 6tait achev6e avant que l'auteur ait pu prendre contact avec les experts de la Neue Bach Ausgabe, les Prof. Georg von Dadelsen, Alfred Diirr et Christoph Wolff (cf. ci-dessous, p. 290). Apres examen, les conclusions du Prof. Christoph Wolff confirment entierement les hypotheses avanc6es dans la premiere partie de cette 6tude : l'exemplaire pr6sent6 ici de l'6dition originale des Variations Goldberg est bien l'exemplaire per- sonnel de J. S. Bach; se trouvent 6galement confirmees l'authenticit6 et la date probable des quatorze canons manuscrits, qui seront publi6s par le Prof. Christoph Wolff dans le volume V/2 de la Neue Bach A usgabe (N.DL.R.).

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J. S. Bach. Portrait par E. G. Haussmann, 1746.

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J. S. Bach. Portrait par E. G. Haussmann, 1748.

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UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 245

exemplaire, occupe tout le recto du dernier feuillet (feuillet 2 de la couverture originale, normalement vierge).

Jetant les yeux inopinement sur cette feuille, je crus trouver un aspect familier au graphisme. Je fus naturellement frappe par le nombre de ces <( Canons divers )) : 4 (le chiffre de B + A + C + H), ainsi que par l'indication formelle (von J.S Bach)~, bien isole, a droite sous le titre. J'observais aussi, a premiere vue, la presence au sein de la serie, de deux canons deja connus et tenus pour authentiques, les nos II et 13 de notre manuscrit, qui sont respectivement identiques, a quelques variantes pros, aux canons BWV 1077 et 1076. Je demandai aussit6t h Paul Blu- menroeder une photocopie de ce document, qu'il me procura trbs rapidement.

Revenu h Paris, je m'attaquai a la r6solution des canons. Celle des nos II et 13, en depit des lgbres variantes de texte, etait d6jt connue et publiee. Restaient les douze autres.

En quatre jours environ, je vins h bout des canons I & Io, et du no 12 (h 5 voix). Mais le no 14, on le verra, est reellement (( nig- matique )).

C'est d'ailleurs le seul de ce genre. Le plaisir exaltant que m'avait procur6 le travail sur tous les autres, devint ici un labeur assez ardu. J'en parlerai tout h l'heure.

Ce travail accompli, et meme sans avoir trouv6 encore une solution convaincante pour le no 14, j'avais acquis personnelle- ment la certitude que la musique des 14 Canons etait bien de Bach. Restait le problhme du graphisme. Il me (( semblait ) que c'6tait bien la l'6criture de Jean-Sebastien, mais sur ce terrain, il fallait consulter les experts.

2. Description du document.

Il s'agit bien d'un exemplaire jusqu'ici non recens6 - ni "

l'Pchelon international, ni meme h l' chelon national - de l'&di- tion grav6e originale de la Clavier Ubung IV, publiee en 1741/42 par Balthasar Schmid & Nuremberg, sous numero d'edition < 16 ) mais sans date. En son temps, W. Schmieder en avait recense 13 exemplaires 1. Christoph Wolff arrivait recemment au chiffre de 16 exemplaires repertories a travers le monde 2, et il parait

I. Cf. Wolfgang SCHMIEDER, Bach-Werke- Verzeichnis (Leipzig, 1950). P. 549.

2. Christoph WOLFF, ((Die Originaldrucke Johann Sebastian Bachs ,,

in Die Niirnberger Musikverleger und die Familie Bach, 6d. Willi W6rthmiiller.

6

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penser qu'il en existe encore quelques autres. Mais on verra bien- t6t en quoi 1'exemplaire Blumenroeder est veritablement unique.

Le format de l'&dition originale, de 17 x 26,5 cm pour la plaque

gravye, est, au moins pour l'exemplaire de Strasbourg, de 2o x 31 cm en ce qui concerne le papier. La musique occupe 16 feuil- lets graves recto/verso (32 pages numerotdes), et les deux feuillets constituant la couverture (A l'origine, une seule feuille in-folio pliee en deux) sont numerot6s ci-dessous en romains :

I-recto : page de titre gravye,

connue par de nombreux fac-simil6s 3. I-verso page vierge. Pages I 32 (= 16 feuillets graves recto/verso) : Variations Gold-

berg (Aria + 30 variations + indication ( Aria Da Capo ,). II-recto : page vierge sur les exemplaires precedemment connus.

C'est ici que, dans 1'exemplaire Blumenroeder, sont inscrits a la main les ( Verschiedene Canones... von J. S. Bach ,,.

II-verso : page vierge. Dans l'exemplaire Blumenroeder, la pliure m6diane des feuilles

originelles a etd renforc6e, A la main semble-t-il, par un fil d'une couleur rougeatre, aujourd'hui un peu pMlie. Sur le seul recto du dernier feuillet est disposde la totalite du manuscrit : titre gendral en haut, avec indication du nom de l'auteur bien h part, au bord droit. Au dessous : 16 portees trac6es i la plume A cinq becs, avec les titres particuliers a chaque canon. Le papier est un peu jauni, mais l'encre est encore bien noire : pour de nombreuses notes, elle a m&me traverse le papier, mais sans dommage pour la lisibilite en gendral.

Tout en bas ? droite, un signe qui ressemble fort h a & & (= Etc.) et que les experts ne manqueront pas d'identifier.

Le titrv general, sur deux lignes en haut de la page, se laisse lire sans difficulte particuliere :

Verschiedene Canones iiber die ersteren acht fundamental - Noten vorheriger Arie. von J. S. Bach.

( Canons divers sur les huit premieres notes de Basse de 1'Air qui precede. par J. S. Bach a

L' (( Air qui precede ,, c'est 6videmment celui qui, ayant servi

de theme aux Variations Goldberg, vient d'etre joue Da Capo comme Bach l'a prescrit au bas de la page 32, c'est-a-dire exacte-

3. Notamment dans Werner NEUMANN, Auf den Lebenswegen Johann Sebastian Bachs (Berlin, Verlag der Nation, 1953), P. 270.

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UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 247

ment celle qui ( precede , les 14 Canons, dans l'exemplaire Blu- menroeder.

3. Origine de l'exemplaire Blumenroeder. Tout ce que l'on sait actuellement, c'est que, vers 1932, Paul

Blumenroeder eut l'occasion d'acheter diverses partitions musi- cales, lors de la vente de la bibliothbque de Franz-II Stockhau- sen (1839-1926), qui fut directeur du Conservatoire de Stras- bourg et maitre de chapelle de la cathedrale. Par quelle filiere cet exemplaire de la Clavier Ubung IV 6tait-il parvenu entre les mains de Stockhausen ? Seules des recherches speciales pourront nous le dire.

4. Probabilitis d'authenticitd du manuscrit des Canons.

Il ne m'appartient pas de prejuger des conclusions de l'exper- tise graphologique. Je voudrais seulement dire ici pourquoi l'authen- ticite des Canons qui n'Wtait d'abord qu'un espoir, est rapidement devenue pour moi une conviction.

a) La qualit6 de la musique, notamment des nos 5, 6, 7, 9, 12, (pour ne parler que de canons encore inconnus) ne laisse guere de place au doute.

b) Bien des dessins melodiques sont apparentes soit aux Varia- tions Goldberg, soit aux Variations canoniques pour orgue BWV 769.

c) Le titre m me affirme que ces Canons sont (( von J. S. Bach ). d) Deux de ces canons sont deja connus et bien authentifies, les

legeres variantes de detail sont seulement une preuve de plus des corrections que Bach apportait frequemment a ses oeuvres avant de les faire connaitre, soit par la gravure, soit en les confiant ih un album d'autographes (ce dernier cas est celui du Canon ( Fulde ) BWV 1077 = no II des (( Quatorze ))).

e) La presence du chiffre 14 (= B + A + C + H) etait une signa- ture cach6e ; et de plus le no 14 est le seul 6nigmatique.

f) A mon humble niveau, j'ai cru observer d'etroites similitudes entre le graphisme de nombreuses lettres ou signes de ce manuscrit, et les memes lettres ou signes dans d'autres manus- crits des annees 1740, ceux par exemple des Variations Cano- niques BWV 769a, du canon BWV 1077, ou meme, quoique plus tardifs, les autographes divers de l'Art de la Fugue grou- pes sous la cote gendrale P 200. J'en signale quelques cas, apparents meme a un non-specialiste :

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j.•. f cf. BWV 769a et 1077.

1 de (( Verschiedene

,.

Cf. Vom

,

(Himmel hoch) de 0 769a.

C t eo 1 cf. (( Canon ,, sous la 2e portee in 769a (Ire variation).

. dans tablature du Canon no 10. Cf. celui de ( da n in 769a (titre).

1 de (( Canones ), serre " la gothique. Cf. 769a, passim. (chiffre 2) comme un ((z ,,. Cf. 769a ((( a 2 ),) et P zoo (page <<

z,,).

+4 (chiffre 4) triangulaire. Cf. P 200, debut premiere fugue pour 2 claviers.

(cli de fa). Cf. les autographes P 27r, P 200.

(diese oui, parfois, les barres ne d6passent pas). Cf. S P 200 debut de la Ire version du canon 14.

•. (= C - 4/4). cf. P. 271 (769a) et P200.

j cf. meme presentation

des numeros in 769a.

g) Finalement, en relisant Forkel, j'ai vu sous un jour nouveau la phrase suivante :

, I1 faut observer que, dans les exemplaires graves de ces Varia- tions [Goldberg], ii y a plusieurs erreurs importantes que l'auteur [Bach ?] a soigneusement corrigees sur son exem-

plaire. )) 4 De fait, ( l'auteur ) ne peut tre que Bach, car s'il s'agissait

de Forkel il lui euit fallu, pour effectuer ces corrections, posseder soit le manuscrit autographe (qui n'a jamais etd retrouve), soit

l'exemplaire personnel de Bach. Quoi qu'il en soit, je dois observer

que l'exemplaire Blumenroeder comporte, dans les Variations elles-memes, un nombre important d'ajouts et de corrections : ornements additionnels, indications diverses. Ces additions ou corrections sont tres fines, tres soigneuses, et faites avec plusieurs couleurs d'encre (tant6t en rouge, tant6t en noir). Si par hasard

4. Johann Nikolaus FORKEL, Ueber J. S. Bachs Leben, Kunst und Kunst- werke (Leipzig, 1802 ; r6impr. Kassel, 1950), p. 52.

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l'analyse graphologique confirmait que ces ajouts ou corrections sont, en tout ou en partie, de la main de Bach, cette conclusion 6tablirait deja deux tres fortes probabilites, sinon deux certitudes:

I) que 1'exemplaire Blumenroeder n'est autre que l'exemplaire personnel de Jean-Sebastien ;

2) qu'alors l'adjonction manuscrite, au recto du dernier feuillet, aurait 6t6 faite tout naturellement par 1 l'auteur ) sur son exem- plaire personnel, comme complement technique & ses travaux sur la Basse Goldberg.

5. Probabilitds en matibre de datation.

Je serai egalement prudent dans ce domaine, et me bornerai '

rappeler quelques points essentiels :

a) La publication de la Clavier Ubung IV est gendralement datde de 1742.

b) L'insertion de l'Air-theme de ces variations dans le Clavier- biichlein d'Anna-Magdalena inaugure en 1725, a te commentde par G. von Dadelsen 5 : cet Air, dont il faut attribuer defini- tivement la paternit6 & Bach, n'a 6te introduit que tardivement dans ce petit recueil, comme l'indique le graphisme. 11 a et6 plac6 sur deux pages restees vierges, entre la premiere et la seconde partie du fameux Air (de St6lzel) : << Bist du bei mir ). Ces deux indications tendent a prouver que Bach ne l'y a reco- pie qu'aprbs la composition complete des Variations Goldberg.

Ajoutons que la publication des Variations, si elle avait dejh eu lieu, aurait rendu pratiquement inutile le recopiage de l'Air dans le petit Cahier; cette insertion doit donc prendre place avant 1742. Mais on n'oubliera pas que le jeune Gold- berg, si doud qu'il ait ete, n'avait tout de meme que 15 ans en 1742, ce qui oblige "a serrer les travaux de Bach sur 1'Air Goldberg ou sa Basse, dans un petit nombre d'annees (a moins d'admettre que Bach ait donn6 au proteg6 du Comte von Keyserling une composition encore manuscrite, et anterieure- ment 6crite, ce qui n'est peut- tre pas & exclure, mais ne parait pas avoir ete envisag6 jusqu'a present, faute de preuves).

Les 14 Canons ont pu tre 6labords durant cette periode (1740 L 1742 ?) comme une premiere etude des ressources canoniques de la basse du theme. Mais il est galement possible que Jean-

5. Cf. son 6dition du Clavierbiichlein d'Anna Magdalena (Kassel, Baren- reiter, 1968), pp. xix-xx.

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S6bastien les ait regroup's et complt's en une organisation syst&- matique, en pensant les presenter h la Societe Mizler. La redaction, telle qu'elle figure sur l'exemplaire Blumenroeder, conque peut-etre avant la publication de la Clavier Ubung IV, a pu &tre recopiee sur 1'exemplaire grave, aprbs 1742; mais elle le fut necessairement avant 1746, date du premier portrait Haussmann sur lequel Bach tient h la main une version dejh un peu modifiee du Canon No 13.

Ii est difficile d'en dire plus. On obtient ainsi le schema mini- mum suivant : vers 1740/41 Achivement de la composition des Variations

Goldberg, et recopiage de l'Air dans le Noten- biichlein d'Anna-Magdalena.

1742 Publication de la Clavier Ubung IV. avant 1746 Constitution de la serie des 14 canons (serie peut-

&tre 6bauch~e anterieurement).

II. LA MUSIQUE DES QUATORZE CANONS

6. Place du Canon dans l'weuvre de Bach.

I1 y a lieu, d'abord, de rappeler la terminologie employee par Bach en matiere d'&criture canonique, et la signification qu'il lui donne.

Il resulte des denominations employees par Bach dans ses pages canoniques, et singulierement dans la serie systematique des Quatorze Canons, que l'usage qu'il en fait - usage gendralement corrobor6 par les d6finitions du Musicalisches Lexicon de son cousin J. G. Walther - est le suivant :

Un canon est dit simplex lorsqu'il combine une ou plusieurs formes d'un seul sujet, meme si la structure canonique se trouve superposee a une basse harmonique libre, ou completde par d'autres voix libres. C'est souvent le cas dans les (( Quatorze ),, lorsqu'un canon simplex est pose sur l'Ostinato Goldberg, ou sujet princi- pal, non traite canoniquement lui-meme.

Les quatre formes possibles d'un m me sujet sont celles du contre- point scolastique (recemment revigorees par l'6criture serielle) : Mouvement Droit (MD), Mouvement contraire (MC), Retrograde du Droit (RD), et R6trograde du Contraire (RC.) [Cf. Ex. 3, p. 260].

Le canon simplex est le plus souvent a 2 voix, dans 1'ensemble de 1'ceuvre de Bach, sans compter les voix accompagnantes eventuelles.

Un canon est dit duplex lorsque le procede canonique est appli- que, s6pardment et simultandment, a deux sujels diflerents :

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UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 251

Ier simplex A contraire

DUPLEX A droit B contraire

20 simplex Bdroit

Comme on le voit, c'est la superposition de deux simplex, cha- cun sur un sujet different. L'6criture est donc au minimum g 4 voix, mais le plus souvent l'ensemble est pose sur une basse harmonique (ou sujet different, non traite canoniquement lui- meme). Ex. : Canon no 12.

Le canon peut tre triples. Dans ce cas, il additionne trois sim- plex, c'est-a-dire : deux formes combinees de A I deux formes combinees de B / deux formes combinees de C, le tout superpos6 ou non a une basse harmonique. Le triplex est donc au minimum a 6 voix (Ex. : Canon no 13).

A propos de ces denominations, observons que les contempo- rains de Bach disaient de meme : a double fugue )) ou (( triple fugue ) h partir du moment oti la fugue faisait intervenir 2, 3 sujets carac- terises, meme si chaque sujet ne donnait pas necessairement lieu & une fugue bien distincte (ce qui etait pourtant le plus frequent) avant d'en arriver a leur superposition. En ce sens, notre (( fugue d'6cole ) avec son contresujet obligatoire des le debut, a gAche le m'tier) en quelque sorte, puisqu'elle impose d'emblee la combinai- son des 2 sujets au lieu de la faire attendre.

Ces definitions << d'epoque ) ne prenant en consideration que le traitement canonique d'un sujet avec lui-mime (canons a homo- genes ,), il est necessaire d'ouvrir une deuxieme categorie, celles des canons mixtes ou heterogenes, dans lesquels le proc6de cano- nique combine, chaque fois, des sujets differents, par exemple : A sur B, ou meme A sur B sur C, qu'il y ait ou non accompagne- ment de voix libres.

Finalement, c'est l'identite m me du/des sujet(s) qui importe. Les proc6dds divers d'exposition : forme choisie (MD, MC, RD, RC), distance des entrees, intervalles entre leurs premieres notes, augmentation ou diminution des valeurs, etc., servent seulement, en accroissant la difficulte de l'6criture, a prouver l'ingeniosit6 de l'auteur, a accroltre l'interet du travail contrapuntique, et, dans le cas de l'augmentation, a glorifier le sujet lui-meme.

Pour mieux situer le canon dans l'ceuvre de Bach, j'ai essay6 d'en 6tablir, d'une part, un recensement chronologique, et d'autre part, un classement par types (tableaux I et II, pp. 252 & 254).

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Tableau I. - Esquisse d'une chronologie du canon dans l'Vuvre de Bach.

1Epoque Piece (no BWV) Type de canon

Weimar I. Choral (orgue) 714: Ach Gott und Canon simplex i 1'8ve (S-T) + 2 voix libres.

17o8 I7I17 Herr. 2. Choral (orgue) 744 : Auf meinen Canon simplex

' 1'8ve (S-B) + 2 voix libres (aucune

lieben Gott. <" mutation 0).

3. Choral (orgue) sans no : Auf mei- Canon simplex i la 4te inf6rieure (S-A) + 2 voix libres. nen lieben Gott a.

1713 4. Canon 1073 ( J. G. Walther). Canon simplex '

4 voix, circulaire (chaque voix entre '

la 5te superieure de la pr6c6dente; le canon n'est pas ( per tonos ), mais non modulant.

5. Choral (orgue) 6o0 : Gottes Sohn. Canon simplex & 1'8ve (S-B) + 2 voix libres.

17o8 A 1717 6. Choral (orgue) 6o8 : In dulci Canon duplex (ler simplex a 1'8ve sur contresujet : (Orgel Biichlein) jubilo. A-T; 2e, sur Cantus Firmus : S-B).

7. Choral (orgue) 618 : 0 Lamm Got- Canon simplex a la 5te (A-B) sur Cantus Firmus + 2 voix tes. en imitations libres sur contresujet expressif.

8. Choral (orgue) 619 : Christe du Canon simplex '

la 12e (SI-T) + 3 voix en imitations Lamm Gottes. libres (S2-A-B).

9. Choral (orgue) 620 : Christus Canon simplex '

la 15e (S-B) sur Cantus Firmus + 3 voix der uns selig macht. en imitations libres sur contresujet expressif.

io. Choral (orgue) 624 : Hilf, Gott, Canon simplex c la 5te (S-A) sur Cantus Firmus + ara- dass mir's gelinge. besque de T + basse harmonique.

i 1. Choral (orgue) 629 : Erschienen Canon simplex '

la 15e (S-B) sur Cantus Firmus + 2 voix ist der herrliche Tag. libres sur contresujet rythmique.

12. Choral (orgue) 634: Liebster Jesu. Canon simplex a la 5te (S-A) sur Cantus Firmus orn6 + 3 voix harmoniques.

C6then I3. Andante en fa di se mineur (so- Canon simplex ' 1'8ve (violon et main droite clavecin) 1720 nate 1015/3). + basse libre.

Leipzig Canon perdu (sans no) : ( In Fine (pour m6moire b).

1725 (2 nov.) videbitur cujus toni ,. 1727 14. Canon 1074 (a Hudemann).

Canon simplex A 4 voix, en ut majeur par MD, en fa mineur par MC des 4 voix.

v. I730 15. Sarabande de l'Ouverture en si Canon simplex & 2 voix (S-B) + 2 voix libres. mineur (lo67/4).

16. Canon 1075 (a Gesner). Canon simplex '

2 voix ( all'unisono ,.

1739 17. Choral (orgue) 682 : Vater unser. Canon simplex ' 1'8ve (SI-T) sur le Cantus Firmus,

Clavier O bung III combin6 ' une sonate en trio : total, 5 voix.

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1742 18 A 28. Les io variations canoniques A part le canon Var. 27 a 2 voix (simplex pur) et le Clavier (bung IV incluses dans les Variations Quodlibet final, ce sont toujours des simplex a 3 voix

Goldberg. (canon a 2 voix + I basse libre). Mais l'intervalle va croissant d'une variation canonique a l'autre unisson, 2de, 3ce, etc., jusqu'a la ge. Le Quodlibet (Var. 30) combine 2 sujets + l'Ostinato Goldberg.

1742 & 46 28 & 41. (14) Canons divers (988 a ?). Sur les 14, on compte : 7 simplex, 3 duplex, I par augmen- tation et diminution (simplex 4 voix), I par syn- copes (canon mixte). Les voix vont de 2 a 6.

1746 40 bis. Canon 1076 [Mizler]. Variante du no 13 des ( Quatorze >. Cf. p. 28o et ss.

1746/47 42 a 46. Variations pour orgue 769 Dans les 5 variations, le canon est simplex. S'y ajoutent : Variations canoniques (version gravee). le Cantus Firmus (var. I et 2), le C.F. + I voix libre

(Var. 3 et 4), I voix libre (Var. 5 avec amplification jusqu'a 6 voix en libre imitation dans la coda).

1747 47 a 55. 9 Canons de l'Offrande Musi- Sur 9 canons : I simplex a 2 voix par MC (6), I simplex a Offrande Musicale cale (en excluant la fuga cano- 2 voix par MC + basse harmonique (9), 5 simplex a

nica no 4). 2 voix + sujet principal vari6 ou non (2, 3b, 3c, 3d, 3e), I simplex a 4 voix (7), I canon mixte a 2 voix (3a).

1747 (15 oct.) 38 bis. Canon 1077 (a Fulde). Variante du no ii des ( Quatorze >. Cf. p. 274 et ss. 1748 56 a 59. 4 Canons de L'Art de la Ce sont 4 trbs longs simplex a 2 voix :l'un par MC et Art de la Fugue Fugue, io8o (14 a 17). per augmentationem (I4), le 2e a l'8ve (15), le 3e a

la Ioe ou 3ce sup. (16) le 4e a la 12e ou 5te sup. (17). Trbs 6labores, ils comprennent souvent des r6expo- sitions avec echange des voix, et des codas.

1748 ? (= 42 a 46). Version manuscrite des L'ordre des variations est ici 1-2-4-5-3, par rapport a Variations Canoniques, 769a. la version grav6e.

1749 (ier mars) 6o. Canon 1078 (A Faber). Canon simplex a 7 voix + Ostinato (= 8 voix), tout a l'unisson (dans un registre serr6).

sans date 61. Canon ( Concordia discors , sans Canon simplex a 2 voix par MC. no c.

sans date 62. Canon 1072 ( Trias Harmonica >. Canon simplex A 8 voix (4 voix sur Sujet par MD + 4 voix sur Sujet par MC), tout a l'unisson dans le mAme ambitus de quinte.

a. J. S. BACH, Sdmtliche Orgelwerke, 6d. Heinz Lohmann, vol. IX (Wiesbaden, Breitkopf, 1969), p. 14. b. Bach-Dokumente, 6d. Werner Neumann et Hans-Joachim Schulze, vol. I (Kassel, Biirenreiter, 1963), document no 224, p. 222. - La musique

de ce canon est perdue. Ne subsistent que la d6dicace et un texte symbolique, tous deux autographes. c. On ne connalt ce canon que par son inscription par J. G. Miithel, en mars 1778, dans un album d'autographes. Miithel avait 6tC 616ve de

Bach dans les derniers mois de la vie du Cantor (de mai A juillet 1750), mais le canon peut fort bien 6tre ant6rieur. Il a 6t6 publi6 pour la premiere fois, avec un fac-simile de l'autographe de Miithel indiquant Bach comme auteur, par Wolfgang REICH, en 1960 (a Johann Sebastian Bach und Johann Gottfried Miithel. Zwei unbekannte Kanons s, Die Musik/orschung XIII /4 [I960], pp. 449-50), et reproduit plusieurs fois depuis cette date (cf. notamment The Bach Reader, 6d. H. T. David et A. Mendel, 2e 6d. [Londres, Dent et New York, Norton, 1966], pp. 459-6o [avec fac-simil6,

et solution] ; Bach-Dokumente, vol. III [1972], p. 323 [document no 828]).

Page 16: BWV 1087

Tableau II. - Classement des Canons par types * : A. CANONS HOMOGfNES

Type Purs Accompagn~s

Simplex Canon 1075. 2 VOIX CD : Nos 1, 2, 3, 4.

OM : Nos 3a, 6. AF : Canons 14, 15, I6, I7. VG : Var. 27. Canon a Concordia discors s.

Simplex Andante sonate 1015/3. 3 voix VG : Var. nos 3, 6, 9, 12, 15, 18, 21, 24.

CD : Nos 6, 7, 8, 9. OM : Canons nos 2, 3b, 3c, 3d, 3e, 9. VA : Var. 769, i, 2.

Simplex Canons 10o73, Io74. Chorals d'orgue 714, 744, Auf meinen lieben Gott sans no, 4 voix CD : No 14. 6oo, 6I8, 62o, 624, 629.

OM : No 7. Sarabande de l'Ouverture 1o67. VA : Var. 3, 4, 5.

Simplex, 5 voix Chorals d'orgue 619, 634, 682.

Simplex Canon 1o72 a Trias harmonica' 8 Canon Io78 (Faber) : 7 voix + Ostinato. Plus de 5 voix voix.

Duplex Choral d'orgue 6o8. 4 voix CD : No 5.

Duplex, 5 voix CD : Nos II (ou variante I077) et 12.

Triplex, 6 voix CD : No I3 (ou variante 1076).

B. CANONS MIXTES (HAT]EROGtNES)

Type Purs Accompagn6s

2 voix CD : N o (a et b). 2 sujets combin6s.

4 voix VG : Quodlibet (Var. 30) : 3 sujets diff6rents combin6s.

* Nous avons employ6 les abr6viations suivantes : AF = Art de la Fugue. - CD = (14) Canons Divers. - OM = Offrande

Musicale. - VA = Variations canoniques. - VG = Variations Goldberg.

Page 17: BWV 1087

UN SUPPLIMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 255

Les deux tableaux ci-dessus, qui ne tiennent pas compte des emplois seulement localis6s, occasionnels, de l'6criture canonique, nous pr6sentent un ensemble de canons stricto sensu, homoghnes ou mixtes, qui n'est peut-etre pas aussi vaste qu'on aurait pu le penser. (N.B. Le lecteur voudra bien considerer qu'il ne s'agit ici que d'un essai, ou d'un pr6texte . des recherches plus exhaus- tives).

Sur 62 canons stricts, on observe donc :

21 canons homogenes purs 39 canons homoghnes accompagn6s

I canon mixte pur I canon mixte accompagn6

Ce d6tail fait ressortir la preference de Bach pour la clart6 (I seul sujet trait6 canoniquement), et pour la musicalit6 du con- texte (voix libres accompagnantes).

Mais dans le cas d'un musicien chez qui le g6nie de l'6criture en imitation est une seconde nature, une statistique des canons stricts reste insuffisante.

D'une part, nous avons dfi laisser de c6t6 des structures cano- niques 6pisodiques, tel le canon ( all'unisono post fusam ) (peut-on dire) 6tabli entre les deux altos dans le bloc-th6matique refrain du 6e Concert brandebourgeois Io51/1; ou encore des polyphonies situdes a mi-chemin entre le canon et la fugue : grand choral fugue avec augmentation ( Aus tiefer Not ) 686, fugue canonique no 4 de 1'Offrande Musicale, etc.

D'autre part, il faudrait au moins signaler quelques-unes des realisations les plus typiques, sous l'aspect de superposition ( poly- th6matiques ), constituant le tout ou la partie de tel ou tel grand chceur de cantate ou de motet 6. Notamment :

v. 1710o (?) Cantate 150, no 2 (ier chceur), mes. I A 18, 24 a 28. 23-3-1714 Cantate 182, no 2, mes. Io et suiv., 15 et suiv. 17-6-1714 Cantate 21, no 2, mes. I A 37. 21-4-1715 Cantate 31, no 2, mes 51 et suiv. 20o-6-1723 Cantate 24, no 3, mes. II a 17.

1-8-1723 Cantate 46, no I, mes. 17 A 50 (cf. (( Qui tollis ) de la Messe en si).

8-8-1723 Cantate 179, no I : une fugue canonique chorale.

6. En ce domaine des fugues chorales, l'ouvrage de base est 1'admirable livre de Werner NEUMANN, J. S. Bachs Chorfuge, ein Beitrag zur Komposi- tionstechnik Bachs, Bach Studien, III, 2e 6d. (Leipzig, 1950).

Page 18: BWV 1087

256 OLIVIER ALAIN

22-8-1723 Cantate 77, no I : une fugue canonique (chorale) + Cantus Firmus.

29-8-1723 Cantate 25, no I : une fugue-strette (chorale) + Can- tus Firmus.

25-12-1723 Magnificat (ire version en mi b) 243, no 4 : < Omnes gene- rationes ) (un 6norme simplex h 5 voix avec fragments libres).

20-2-1724 Cantate 23, no 4, mes. 19 h 35. 7-4-1724 Passion selon Saint Jean, no I, mes. 49 et suiv.

18-5-1724 Cantate 37, no I :fugue canonique, A motifs nombreux. v. 1727 ? Motet 229 << Komm, Jesu, komm ).

27-8-1731 Cantate 29, no 2 : une fugue canonique (cf. < Deo gra- tias ) de la Messe en si).

30-1-1735 Cantate 14, no I : une fugue canonique (chorale) + Cantus Firmus.

26-12-1734 Oratorio de Noil 248, II, no 21, mes. 31 et suiv. Sans date Cantate (choeur) 50 : form~e de 2 fugues canoniques.

Nous n'avons abord6 cette question de l'importance quantita- tive du canon strict chez Bach, que pour montrer l'interet de la re-decouverte d'au moins 12 pieces de ce genre (deux des Qua- torze etant deja connus par des variantes).

7. Les origines de la << Basse Goldberg )).

Pour rejoindre les origines veritables de l'Ostinato Goldberg, il faut remonter bien au dela de la chaconne de Haendel souvent evoquee par les musicologues a propos des canons BWV 1076 et 1077. En effet, cette ligne solidement dessinee ne fait que reprendre deux 6l6ments de l'une des nombreuses formules obsti- nees sur lesquelles les musiciens de la Renaissance et du xvIIe siecle, primitivement d'ailleurs en Italie, aimaient appuyer leurs cons- tructions vocales et instrumentales d'un caractere periodique. Ces

schemas simples et rep6tes avaient la vertu commune de mettre : la disposition du compositeur un enchainement harmonique fonda- mental tres fort, un bel << acte de cadence ,,, 6minemment propice au d6veloppement de variations : si l'on considere les grands motifs traditionnels d'Ostinato des xvIe-xvIIe siecles, on s'apergoit qu'ils ne sont formes que de 8 groupes differents (a : h) :

Page 19: BWV 1087

UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 257

Ex. I.

1 IIIf I 2- ~ ,7 J1

1

Avec ces huit groupes, il est facile de reconstituer les Basses classiques du Passamezzo antico : a + a

du Passamezzo moderno : b + c de la Romanesca : d + d de la Follia : e + d + e + d du Ruggiero : c + f + g + h et de la Bergamasca : c + c

A ces formules primordiales, il faudrait ajouter au moins le pentacorde ascendant (formule k ci-dessus) qui, sous forme dia- tonique ou chromatique, ou enrichi de chromatismes de pas- sage, a fleuri chez Pachelbel et Fr. Couperin, entre autres, pour reparaitre dans le Finale de la 4e Symphonie de Brahms 7.

Les formules de base de l'Ostinato Goldberg sont clairement derivees du Ruggiero, auquel il emprunte 2 groupes sur 4 : f + h. Le Ruggiero tirait son nom d'un personnage d'Orlando furioso de 1'Arioste (chant 44, stance 61), et la basse provenait de la musique 6crite sur ce passage. Comme les autres Ostinati, celui-ci a connu une longue fortune qu'illustre le choix rapide, et absolu- ment non-limitatif (tant s'en faut) pr6sent6 page suivante :

7. Pour plus de d6tails, voir Olivier ALAIN, L'ceuvre d'orgue de Buxtehude (Paris, Costallat, [I969]), pp. 13-14.

Page 20: BWV 1087

258 OLIVIER ALAIN

Ex. 2.

71 " .. .ec

d. ccC 'u.<)

-. a. =4:

r -

-M U 7 I I -

N-- i 1 - i Ii-i! i

o

4.,.......b

.

- -

-, b

r

..... 1

.

Page 21: BWV 1087

UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 259

A. Basse du Ruggiero 8. B. 16io. Monteverdi, (( Laetatus sum

, des Vipres de la Vierge.

Le Ruggiero, encore bien reconnaissable, s'achemine cepen- dant vers la Basse Goldberg.

C. 1614. Frescobaldi, Partita sur ( Ruggiero ,.

La r6f6rence '

l'origine est fort claire. D. 1683. Lully, Chaconne de Phaeton. Le dessin est simplifi6, et

trbs vite un commentaire chromatique apparait, comme bient6t chez B6hm.

E. 1697 (date de publication). Purcell, Sonate " quatre no VI. En

mode encore mineur, 6volution vers la Basse Goldberg. F et G. 17oo environ. Chaconnes des Suites en r6 majeur et sol majeur

de Georg Bbhm. L'ornementation des lignes ne suffit pas '

en voiler l'origine. H et J. 1700. Corelli. H = Gavotte de la Sonate op. 5 no XI; la partie

sup6rieure elle aussi fait penser au soprano du canon no 14. - J = Sarabande de la Sonate op. 5 no X.

K 1717. Fr. Couperin, (( La Z6nobie ) (IIe Livre de Pieces de clavecin, IIe ordre).

L et M. 1733 (date de publication). Haendel, Chaconne en sol majeur h 21 variations, et Chacoone (sic) en sol majeur A 62 variations. Nous voici arriv6s A la forme exactement goldbergienne du theme, avec la chaconne a 62 variations. Il est d'ailleurs un peu attristant de voir que sur cette Basse, Haendel s'est content6 d'aligner de brillants mais faciles exercices de vir- tuosit6. Il n'est pas question d'envisager une comparaison avec les Variations Goldberg.

N. Si la Chaconne BWV suppl. 84 est bien de Jean-S6bastien (ce dont on peut douter), elle prouverait alors qu'il n'avait pas attendu les ( ann6es 40 ) pour s'occuper de cet ( arribre-petit- fils

, du Ruggiero, ffit-ce dans un cadre rythmique inhabituel.

O. Forme rdelle, ornde, de la Basse Goldberg telle qu'elle appa- rait dans 1'Aria initial de la Clavier Obung IV. La forme stricte, utilis6e pour les 14 Canons, est typique d'un m6tier m6ticuleux de compositeur, car on peut observer que, dans ses huit notes :

i. aucune note n'est repetde, en dehors de la tonique et de la dominante;

8. Sur le Ruggiero, cf. A. MACHABEY, Frescobaldi (Paris, La Colombe, 1952), pp. 83-97 et 123 ; G. REESE, Music in the Middle Ages (Londres, Dent et New York, Norton, 1954), P. 326 ; A. Einstein, (( Die Aria di Ruggiero ), Sammel- bdnde der Internationalen AM'usikgesellschaft XIII/3 (I912), pp. 444-454. -

Le Ruggiero est intitul aussi Aria di Fiorenze, ou Fedele. II a 6t6 trait6

Page 22: BWV 1087

260 OLIVIER ALAIN

2. tous les sons de la gamme majeure sont prdsents. Ce qu'on peut r6sumer en deux mots : 6conomie et richesse.

Les quatre formes contrapuntiques de l'Ostinato Goldberg se gravent facilement dans la memoire. Nous les retrouverons tour a tour dans les 14 Canons

Ex. 3.

MD Mouvement droit

MC Mouvement

contraire-- I A

i

RD R6trograde du Droit

RC Rtrograde -- RC du Contraire

En regardant ce tableau, il est difficile de ne pas penser aussit6t aux Variations Canoniques pour orgue, tant se degage une parent6 entre les dessins melodiques propres aux deux ouvrages. En voici d'ailleurs une illustration par juxtaposition (tout a ete ramen6 en ut pour plus de clarte) :

Ex. 4. Canons (transposition en UT) Variations Canoniques pour Orgue

I q - q

.- , ,P 1-'. . ir~ 9-t

..'..q

, - - - "t,,MA

-• • , , c • '

- • . .

..--. i

. , . i . .- @ • : 2 : : " -

par mille compositeurs, parmi lesquels Danchert, S. d'India, Mayone, Trabaci, Ortiz, Byrd, V. Galilei, Canali, Ferrini, Viadana, S. Rossi, jusque vers le milieu du XVIIIe sikcle,

Page 23: BWV 1087

UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 261

Si l'on songe que peu d'annies sans doute - 4 ou 5 ? - separent les deux series de Variations, on aurait tendance A imaginer que le dessin de la Basse Goldberg, cheminant dans le subconscient du compositeur, a pu en arriver, un jour, A coincider avec la periode initiale du chant de Nodl, < Vom Himmel hoch da komm ich her n, que Bach avait d'ailleurs deja commente plusieurs fois & 1'orgue (cf. Chorals BWV 738, 700, 701, et le 6o6 de l'Orgel Buichlein).

8. La solution des canons.

J'ai travaille, pour la solution des 14 Canons, sur la photocopie que m'avait communiquee Paul Blumenroeder. Je tiens ici & lui dire toute ma reconnaissance pour la confiance qu'il m'a faite, alors que nous ne nous connaissions pratiquement pas. Et j'ajou- terai une remarque, en r6ponse a la question qui, depuis un an, a souvent ete posse : << comment se fait-il que ce document soit reste inconnu si longtemps ?

,. J'ignore si Franz-II Stockhausen a mesure l'importance du complement manuscrit figurant dans son exemplaire personnel de la Clavier Ubung IV, mais, en ce qui concerne Paul Blumenroeder, je sais fort bien qu'il a montre mainte fois cette page a des musiciens, dont certains tres notoires, mais que personne, jusqu'a notre rencontre imprevue, n'a mani- feste le desir d'etudier serieusement la question.

Venons-en au probleme pose. Il importait d'abord de s'assurer d'une lecture exacte ; la loupe a parfois etd necessaire, pour d6chif- frer une photocopie un peu pAle, mais qui de ce fait laissait devi- ner certains details qu'une photo trop contrastee aurait dissi- muls sous des noirs intenses. Donc, premiere condition : bien lire chaque titre, chaque indication, chaque signe. Deuxieme condition, garder en memoire les quatre formes contrapuntiques du sujet principal. Troisieme condition : s'en tenir au sens de Bach (et Walther) pour les termes simplex, duplex, etc. Dans bien des cas il fallait dejouer des pieges divers : cles, et meme signes de mesure, inverses de droite A gauche, cls renversees vertica- lement. Souvent, seule la position du diese garantissait l'identifi- cation siAre d'une cle d'ut peu claire en soi et de plus renversee. Topologie... Sinon, les signes d'entree des voix etaient toujours k leur place. Mais avant d'avoir sous les yeux et... les oreilles... le resultat musical, il 6tait difficile de prevoir ce qui allait se passer.

A part l'omission de quelques barres de mesure (no 3, no 4, no 9 et tout le no 14 une fois sur deux) il n'y a dans le manuscrit aucune imprecision solfegique.

La lecture exacte de la notation une fois assur6e, la decouverte

Page 24: BWV 1087

262 OLIVIER ALAIN

de la solution dependait des trois types d'indications fournies par la donnee :

a) le mouvement contrapuntique requis par le titre. b) la voix d'apparition fixee par la cld, c) le lieu exact de l'entree, d6termine par le signe habituel,

place au-dessus et au-dessous de la portee : 1. Seul le no 14 est d6pourvu de toute indication en ce qui concerne

les points b) et c). Pour tous les autres, une fois ces premisses consi- der6es, la solution certaine n'etait pas longue a trouver. Et je pense que si BWV 1076, ou le canon o?79 b de l'Oflrande Musicale ont mis si longtemps a recevoir une solution, c'est bien parce que les signes determinant le point d'entree taient mal placis (par le graveur ?) : sur la barre de mesure, et non h l'endroit voulu. Ici, par chance, cha- que signe est h sa place. A part le no 14, vraiment enigmatique, et les nos II et 13 ddji connus, j'ai pu r6soudre l'ensemble en 4 a 5 jours.

CANON No i. ( Canon simplex )), 2 voix.

Donnie :

Ex. 5. • •-14-, eJ,-_ I A

La donn6e indique qu'il faut superposer : l'Ostinato par MD (en cle de Fa 4e et & 2/4) Le Retrograde de l'Ostinato

Pour ce dernier, Bach s'est borne & ecrire, a la fin du MD : une cle de Fa et un 2/4 tous deux inverses de droite a gauche, ce qu'on ne voit pas tous les jours. Une lecture (( en transparence ))? travers la feuille, fait apparaitre le retrograde en clair. 11 n'y a pas de signe d'entree pour la deuxibme voix; de fait, les 2 formes a mar- chent ) en entree simultanee.

Solution :

Ex. 6. f . . 11A.. . . .. ,- 7 •: . . .. .. ...

Page 25: BWV 1087

UN SUPPLtMENT INfDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 263

CANON No 2. all' roverscio ). [N.B. La vraie forme italienne est (( rovescio , mais Bach, comme d'ailleurs Walther et Matthe- son, ecrivait ( roverscio ).] C'est donc le m me type de canon, mais " a rebours e.

Donnte '

Ex. 7 . -

La donnee indique, pratiquement, qu'il faut superposer :

l'Ostinato par MC, note en cl d'ut 4e le retrograde de ce MC, indiqu6, comme dans le canon pr&c&-

dent, par une cl1 d'ut 4e et un 2/4 tous deux inverses de droite h gauche.

Cette fois encore, en l'absence de signe d'entree, les deux voix partent ensemble.

Solution :

Ex. 8.

CANON No 3. a Beide vorigen Canones zugleich. [Les deux canons prec6dents ensemble].

a) ( motu recto e contrario. >

Donnde :

Ex. 9._re -c "r l f

Ici la donn~e est claire en ce qui concerne les formes du a Sog-

Page 26: BWV 1087

264 OLIVIER ALAIN

getto )) "

employer. Mais il y a une certaine contradiction entre l'nonc6, et la position des cl6s. D'une part, en effet, le titre designe en premier le MD; mais la cl 6 crite, ut premiere renversde verti- calement, nous oblige a lire d'abord le MC, la cl de Fa prescri- vant ensuite le MD. Si l'on suit l'ordre du titre, on doit inverser l'ordre des cles, ou vice-versa, ce qui donnerait deux solutions... Mais si l'on a soin d'ecrire les reprises prescrites, on s'apergoit qu'en fait les deux solutions s'enchainent l'une a l'autre et se completent. D'oih la solution ddveloppfe :

Ex. xo.

CANON No 4. Complement du precedent b) (( motu contrario e recto. )

Donnde :

Ex. ir. l L,. .X

1 0t"

L'antinomie apparente est la meme que dans le no 3 precedent, entre le titre et la notation. Faut-il se fier i l'ordre des clds ? Celles-ci nous indiquent :

Contraire du contraire (= Droit) par cld d'ut troisibme renver- sde verticalement

MC, par cle d'ut 4e normale

Comme dans le cas pr6c6dent, les deux solutions se trouvent combinees si l'on effectue la reprise prescrite :

Page 27: BWV 1087

UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 265

Solution ddveloppe :

Ex. 12.

f I

Ces quatre petits canons initiaux forment une sorte d'introduc- tion didactique, ils illustrent les ressources combinatoires 1~lmen- taires du seul Ostinato Goldberg.

Viennent maintenant des canons oui l'Ostinato, relhgue au second plan, sert seulement de support, ou de contresujet, a des themes originaux. Ces nouveaux sujets sont, le plus souvent, d'une grande beaute musicale, et plusieurs d'entre eux nous feront penser h telle ou telle id&e melodique des Variations Goldberg proprement dites, ou des Variations canoniques pour orgue.

CANON No 5. (( Canon duplex h 4. Donnie :

Ex. 13.

Le canon est bien un duplex au sens de Bach, puisque chacun des deux sujets donn's formera canon avec lui-mIme. Ii s'agit de trouver la combinaison approprie. J'affrontais ici le premier duplex de la serie, et il m'est apparu que la combinaison 6tait la suivante :

Page 28: BWV 1087

266 OLIVIER ALAIN

( forme h trouver : c'est le MC, avec lieu ( Ier canon

e(sujaetnA)d'entree indiquie

forme donnde : le MD (cl d'ut 3e)

e forme a trouver : c'est le MC, avec lieu 2 tcanon d'entree indiquie (sujet 0: Ostinato) -

forme donnie : le MD (cle de Fa)

On pourra comparer le Sujet A au contresujet original du no 12 des Variations Goldberg :

Canon no 5 Variation Goldberg n0 12

Ex. 14.

Solution du Canon 5

Ex. 15.

CAiNON No 6. -Canon simplex iiber besagtes FunIdament. ! [Canon

simplex sur ladite basse fondamentale.] << a 3.

Donnde :

Page 29: BWV 1087

UN SUPPLtMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 267

Ex. 16.

Le canon est bien simplex, puisqu'un seul sujet, B, est trait6 en canon avec lui-meme, bien que ce simplex soit lui-meme pos6 sur I'Ostinato. On doit donc avoir la structure suivante :

forme h trouver : c'est le MC, avec lieu d'entr"e Sujet B marqu6

forme donnee : le MD (cl6 d'ut 3e) Sujet O0 par MD (cle de fa) (Ostinato)

Solution :

Ex. 17.

Arrive ~ ce stade, le rdalisateur n'a pu manquer de s'apercevoir que le procedd gendral 6tait la combinaison du mouvement droit (MD) et du mouvement contraire (MC), a la distance indiquee, pour chaque 6tage (( simplex ). Le problme devenait alors simple pour la plupart des canons suivants, meme pour un canon h 5 voix, puisque ce dernier n'6tait alors qu'un duplex sur Ostinato rdpon- dant A la r'gle ci-dessus formul6e.

Page 30: BWV 1087

268 OLIVIER ALAIN

CANON No 7. < Idem. (= canon simplex, sur ladite basse), (a( 3 .

Donnie :

Ex. i8.

1 .

,.6 • . , • ..•

Selon le titre, on doit trouver une structure identique a celle du precedent canon : un simplex sur Ostinato :

forme donn&e : c'est le MD (en cle d'ut 3e) Sujet C forme ia trouver : c'est le MC, avec lieu d'entrde

marque Sujet 0 en MD (cli de Fa) Solution : Deux dispositions sont possibles : a) la forme a trouver

est en cle de sol; mais alors elle croise continuellement la forme donn6e (c'est une version pour trio d'orgue, ou sonate A 2 violons et basse) - b) la disposition ci-dessous oui la forme << a trouver n est placee en voix m6diane pour eviter des croisements continuels :

Ex. z9.

Note : Rappelons ici, pour ne plus y revenir, que, dans le renverse- ment des intervalles (vertical = mouvement contraire, horizontal =

Page 31: BWV 1087

UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 269

r6trograde), ii suffit que l'intervalle ne change pas de nom pour que le renversement puisse etre considdre comme exact. C'est toujours le cas dans les 14 Canons. On ne considere pas comme < mutation ) le remplacement d'une seconde majeure par une seconde mineure, ou vice-versa, car 1'harmonie tonale n'admet pas toujours le renverse- ment exact au demi-ton pros (cf. canon no 7, mes. I, 2, 4, de la voix < trouvie ) par rapport

' la voix ( donnee ,).

Dans ce canon no 7, si I'appoggiature de sixte de la mes. 4 (2e temps) n'est pas exceptionnelle chez Bach, elle est, me semble-t-il, plus habituelle en mode mineur. Enfin, la dernibre mesure est un peu dure, avec ses quartes parall6les, et son accord de quinte sans tierce. Cela ne ( passe ) bien qu'en tempo vif. Il est vrai qu'on trouverait des duretis analogues dans certains canons de l'Offrande Musicale ou meme dans les Variations canoniques pour orgue.

CANON No 8. < Canon simplex. II Soggetto in Alto a. < l 3. " Donnde :

Ex. 20.

voix 1 trouver est un soprano. On a done un canon simplex, mais (< encadrant

,, comme la disposition que nous avons retenue pour

le canon precedent. L'Ostinato, pour une fois, n'est donc pas h la basse :

Sujet D forme a trouver (c'est le MC), avec lieu d'entrie indiquee.

Sujet O par MD (cl d'ut 3e)

Sujet D forme donnie (MD)

Solution :

Page 32: BWV 1087

270 OLIVIER ALAIN

Ex. 21.

1---" -

Ici, les intervalles sont renvers6s avec une exactitude absolue. Mais il est certain que le sol naturel de l'Ostinato (mes. 5) parait surprenant, apres une modulation en la mineur... Dans le contre- point strict, la modalit6 l'emporte souvent sur la tonalit6.

CANON No 9. ( Canon in unisono, post semifusam. a 3 )).

Donn6e : Ex. 22.

Il s'agit encore d'un simplex pose sur l'Ostinato. Le proc6de est clairement indiqu6 : i l'unisson, a distance de double-croche. Ce proced6, toujours agr6able parce qu'il fait entendre une sorte d'echo rapproche, une ( resonance notre )), n'est pas unique chez Bach. Le bloc th6matique du Ier allegro, dans le 6e Concert bran- debourgeois, avait d'jk eu recours a un canon in unisono mais post fusam (h distance de croche). Dans ce cas-lk comme ici, le theme a constamment le caractbre d'un arpbge harmonique qui d6cuple le rendement sonore du proced6 9.

9. Dans l'air c6~lbre ( Wie zittern und wanken ) de la cantate 105, on trouve A plusieurs reprises I'emploi du mgme proc6d6, A une distance encore plus grande (2 croches) entre la voix et le hautbois solo.

Page 33: BWV 1087

UN SUPPLEMENT INIEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 271

La structure a obtenir est la suivante : forme a trouver : c'est le MD d6cal d'une double-

Sujet E .croche forme donn6e (MD)

Sujet 0

Solution :

Ex. 23.

Inutile de souligner l'Flgance concertante de ce petit canon.

CANON No lo. (( Alio modo, per syncopationes et per ligaturas. ) [D'un autre genre, par syncopes et liaisons.] a a 2.

, Donnde :

Ex. 24.

- , --

II s'agit seulement ici de placer l'Ostinato sous - et sur - le nouveau sujet F. Les signes plac6s sous la port6e (ou au-dessus) sont ceux de la tablature d'orgue allemande dont Jean-S6bas- tien s'est servi & mainte reprise, par exemple dans l'Orgel Bikchlein

Page 34: BWV 1087

272 OLIVIER ALAIN

lorsque la place manquait pour tracer des porties (voir chorals BWV 612, ou 620 sur le manuscrit). J'observe, en passant, que l'usage qu'en fait Bach n'est pas exactement conforme aux expli- cations donnees par Walther au tableau XXI, fig. 2 et 3 du Musi- calisches Lexicon, mais ce n'est pas le lieu d'evoquer un problme que les sp6cialistes ont certainement d6jh resolu.

Je donne ici le d6tail de ma lecture : 1er fragment : voix inferieure a trouver :

Ex. 25 a.

DUREES 2 croches 2 croches 4 croches 4 croches 4 croches 4 croches NOTES So12 fa# 2-Mi2 Rd2 - Si 1 Do2-R62 Soll - So12

NOTATION . " MODERNE

-

2e fragment (Evolutio) : voix sup rieure A trouver :

Ex. 25 b.

SIGNNES S

DUREES 2 c=oches 2 croches 4 croches 4 croches 4 croches 4 crochas NOTES R62 Mi2-Fa 2 So12-Si2 La2-So12 R93-R62

NOTATION I . . , - |, . MODERNE '

En travaillant a la resolution de ce canon, voici ce qui m'est arrive. Avant meme de dechiffrer les signes de la tablature, j'avais trouv6 la solution originale du Ier fragment, assez &vidente d'ailleurs. Mais pour le 2e fragment, l'Evolutio, sans r6flechir au sens du mot latin (= inversion), j'6tais arriv6 d'instinct h la combinaison suivante :

Ostinato par MD sujet F par MC

qui, d'ailleurs, ( marche ) aussi bien que la solution prescrite. Revenu de ma distraction, j'ai lu la tablature, et retabli la vraie solution. On a donc a realiser les structures suivantes :

Page 35: BWV 1087

UN SUPPLUMENT INEIDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 273

Sujet F par MD Ier fragment forme a trouver de l'Ostinato (c'est le MD comme

l'indique la tablature) Ostinato : forme a trouver (la tablature indique

2e fragment le MC, qui correspond au terme Evolutio). Sujet F par MC

Voici la solution du Ier fragment :

Ex. 26.

Pour le z2e fragment, je donne deux solutions possibles : d'abord (A) celle avec Ostinato par MD (pour la curiosit6) ; ensuite la veritable Evolutio prescrite par Bach; celle qui combine l'4change des voix et la presentation par MC (B) :

Ex. 27-28.

_ -I -_

J-~I ---- volg71f

0

Vcon1nat

m Les

a citx

A,

Le terme Evolutio a d'ailleurs 6t6 ainsi d6fini par J. G. Walther dont on connait les capacit6s contrapuntiques : ( Evolutio (lat.) signifie : quand, dans une composition musicale, les voix ou par- ties peuvent etre echang6es entre elles, et renversees; que, par exemple, la voix sup6rieure vient se placer en bas et a l'inverse la voix inf6rieure en haut, et que de meme la voix d'alto vient

Page 36: BWV 1087

274 OLIVIER ALAIN

au t6nor et ce dernier i l'alto, et qu'ensuite elles sont renversdes, mais cependant sonnent encore bien. ),

L'un des plus beaux exemples d'Evolutio se trouve sans doute dans le grand choral canonique e( Mit Fried' und Freud' ) de Bux- tehude, oii l'Evolutio du Ier contrapunctus opere l'change des 4 voix pr&cedemment combinees, et oti l'Evolutio du 2e Contra- punctus superpose les mouvements contraires de 4 themes, dont un Cantus Firmus. En ce qui regarde l'change vertical systema- tique des voix, on sait jusqu'a quel degr6 de raffinement technique Bach l'a pouss6 dans les grands choeurs fugues des cantates, selon ce que W. Neumann a appele le (( principe de permutation ,, 0.

CANON No II. ( Canon duplex iiber Fundament. & 5 ). Pour ce canon, nous disposons desormais de deux versions :

A) le pr6sent no II des 14 Canons, version probablement anterieure a l'autre; B) la version bien connue du Canon BWV 1077 inscrite par Bach sur l'album d'autographes de J. G. Fulde h la date du 15 octobre 1747.

Donnde de la version A (no ii des 14 canons)

Ex. 29.

IL L- I

Connaissant d"j• la solution de la version B, je n'ai donc eu

qu'a y retablir les variantes de texte, 16gbres mais significatives, de la donnie du manuscrit Blumenroeder. 1I s'agit effectivement d'un duplex, avec la structure suivante :

Io. Cf. note 6. ii. Publi6e pour la premiere fois dans The Bach Reader, 2e 6d. (1966),

p. 405-

Page 37: BWV 1087

UN SUPPL]MENT

INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 275

Ier canon forme 'a trouver : c'est le MC

(sujet G) forme donn6e : le MD (cl1 de sol 2e) 2e canon forme & trouver : le MC

(sujet H) forme donnde : le MD

Sujet O (Ostinato) On remarque une fois de plus l'emploi preferentiel, dans chaque

simplex, de la combinaison MC/MD. Solution : nous la donnons en meme temps que celle de l'autre

version (voir ex. 33 et 34). Donnie de la version B (BWV zo77). Celle-ci a fait l'objet

d'une exegese musicologique poussee. C'est donc le 15 octobre 1747 que Bach a inscrit de sa main le canon 1077 dans l'album de Johann Gottfried Fulde. Cet autographe a 6te plusieurs fois publi6 en fac-simile 12 :

Ex. 30.

Canone doppio sopr'il Soggetto.

Ulu. -1

Symbolum Domino Possessori Christus Coronabit Crucigeros. hisce notulis commen-

dare se volebat Lipsiae d. 15. Octobr[is] 1747. J. S. Bach.

Le d6dicataire du canon, Joh. Gottfried Fulde, n6 le 21 septembre 1718 a Nimptsch en Silesie, avait suivi les cours de l'cole d'1tat de sa vile natale, etait entre au Magdalenaum de Breslau en 1732, puis, apres quelques mois au Gymnasium de cette ville (23 f6vrier au Io mai 1743), il s'etait inscrit h l'universite de Leipzig le 25 mai

12. Cf. notamment The Bach Reader, 2e 6d. (1966), p. i8o.

Page 38: BWV 1087

276 OLIVIER ALAIN

suivant. C'est 6videmment 1a qu'il put frequenter le Cantor de Saint Thomas. Le jeune Fulde jouait du violon, de la viole d'amour, et chantait tenor. Bach eut peut-etre recours a ses services, mais en tout cas Fulde fut membre du (( Grand Concert ) de Leipzig - I'ancetre du celkbre Gewandhaus - au moins dans les annees 1746 a 1748. La contribution de Bach est la 62e inscrite dans un cahier non pagind de 99 feuillets, ohi l'on trouve egalement des noms de professeurs, de theologiens, celui de l'organiste C. G. Ger- lach, ~l~ve de Bach et organiste titulaire de 1'Eglise Neuve a Leipzig, ainsi que ceux des deux fondateurs du (( Grand Concert )), G. B. Zemisch et D. F. Kreuchhauf. D'autres contributions furent recueillies h Cracovie (I747), Giintherwitz (1748 et 1754), Bucko- wine (1755 et 56), Breslau (1758) C'est dans cette derniere ville que Fulde v6cut ensuite comme candidatus (theologiae), avant de partir en 1772 comme pasteur h Dyhrenfurth sur l'Oder ofi il devait mourir le 4 janvier 1796 13

Sur l'autographe de Bach, on lit, en latin, h gauche : ( Symbole : le Christ couronnera les Porte-Croix )); et - droite : (( A Mr le Pro- pri6taire [de cet album], a voulu se recommander, par les petites notes ci-contre, J. S. Bach. )

Observons au passage la similitude frappante de cette signature avec le (( J. S. Bach )) du manuscrit des 14 canons.

Quant au symbolisme de la Croix, en musique, les exegetes allemands, Fr. Smend en particulier, considerent qu'il est repr6- sente par deux mouvements de sens oppose, que ceux-ci soient simultands (MC sur MD ou l'inverse), ou successifs (theme de la fugue en ut diese mineur du Clavier bien temp ird, Livre I ; en joi- gnant l'ut diese au re diese, le si diese au mi, on obtient effecti- vement une croix, etc.). Bach a probablement voulu dire : De meme que le Christ recompensera ceux qui, comme lui, ont porte la croix, de meme la recompense musicale (la solution) viendra

k ceux qui pratiqueront des mouvements contrapuntiques opposes. Ce qui est bien le cas pour chaque simplex en lui-meme.

La croix 6tant synonyme de douleur, on ne sera pas surpris de voir Bach faire appel (sujet G) au tetracorde chromatique descendant qui, depuis les Madrigalistes, a assume ce caractere (les exemples en sont trbs nombreux chez Bach lui-meme), ni de voir apparaitre, dans le MC du sujet M, le motif B-A-C-H (avec

13. Renseignements biographiques tir6s de Bach-Dokumente, vol. I, p. 244.

Page 39: BWV 1087

UN SUPPLE"MENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 277

un r6 intercalaire) qui est lui-meme un ( motif en croix " :

Ex. 31. -

L'inscription symbolique ne figure pas dans le manuscrit des ( Quatorze )>; elle represente une attention particuliere de Bach

a. l'6gard du d6dicataire Fulde. Les diff6rences de texte entre les deux versions A et B sont

peu nombreuses, le tableau ci-dessous les rassemble :

Ex. 32.

A (no II des 14 Canons) B (Canon BWV 1077)

_A4L rZU---

7,

P1%

Le changement du signe de mesure n'a pas de signification particulibre, puisque les valeurs de notes demeurent inchangees. Ce qui est interessant, ce sont les modifications rythmiques : plus de fantaisie introduite en B dans les cas 2, 3 et 4, simplifica- tion au contraire dans le cas 5. La version B donnant une plus grande impression de ( finition ))du d6tail, on peut donc penser que la version A serait un peu anterieure.

Pour comparaison complete, je donne ensemble les solutions (paralleles) des deux versions

8

Page 40: BWV 1087

278 OLIVIER ALAIN

Ex. 33.

C'

kh'A14- 1 I I

. I I'- II

'1

Ex. 34.

CANON No 12. < Canon duplex 1iber besagte fundamental Noten [sur lesdites notes de basse] a 5 ,,. Donnie :

Page 41: BWV 1087

UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 279

Ex. 35.

a L

- wA

I, "1

1

La structure de ce duplex est identique a celle du precedent, mais au lieu de 2 sujets nouveaux poses sur l'Ostinato, ce sont ici 2 formes nouvelles de l'Ostinato (augmentation, et diminution) qui sont combinees h I seul nouveau sujet :

forme h trouver : c'est le MC, avec lieu d'en- (s ujet I) ( s u e t c n o ntr ee in d iq u

' forme donnee : MD (cle d'ut Ire)

2ecanon forme trouver : c'est le MC, avec lieu d'en-

(sujet J = 0 par tree indique

diminution forme donnee : le MD (cle d'ut 3e)

sujet O Ostinato par MD et per augmentationem

En contraste avec l'expression douloureuse du canon prce&- dent, celui-ci apparait enjou6 et concertant.

Dans la solution que l'on est amend ineluctablement a trouver, les ((mutations tonales ) sont vraiment peu nombreuses. Les inter- valles ne changent jamais de nom dans l'inversion. Le mi b6mol de la voix superieure (mes. 4) obtenu par MC exact, ne doit pas surprendre : une 9e mineure en resulte, mais ce mi b6mol n'est qu'un emprunt passager h la sous-dominante mineure en situa- tion cadentielle, ce qui, meme dans un contexte majeur, n'est

Page 42: BWV 1087

280 OLIVIER ALAIN

pas exceptionnel chez Bach. S'il n'y a pas de prdparation dans la voix elle-meme, le mi de la 3e voix en constitue, pour l'oreille, une

preparation suffsante.

Solution :

Ex. 36.

III _ON

I i

S ""- 1"Z

food

CANON NO 13. (( Canon triplex, a 6 i.

Nous voici de nouveau confront6s avec un texte dont nous connaissons dj~i une version approximativement dat&e. Nous examinerons donc successivement la version A = no 13 des 14 Canons, et la version B = Canon BWV 1076, bien connue grAce aux portraits Haussmann oh Bach le tient ' la main,

Page 43: BWV 1087

UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 28I

Donnie de la version A :

Ex. 37.

Cette donnee et l'indication triplex imposent la structure canonique suivante :

forme a1 trouver : c'est le MC, avec lieu d'entrde Ter canon

indiqu. (sujIet K) -- m i donnee : le MD

Scanon forme a trouver : c'est le MC, avec lieu d'entr6e indiqud

(suj et L) forme donnee : le MD Forme 'a trouver : c'est le MC, avec lieu d'entr~e

30 canon ) indique (sujet 0) forme donne : le MD

Comme pour le no II, nous donnerons les deux solutions ensemble

pour faciliter la comparaison. (Voir ex. 40 et 41).

Version B (Canon 1076). Ce savant canon, - le seul a 6 voix dans la s6rie des < Quatorze ) - 'a d

.j . fait couler beaucoup d'encre.

Il est connu, en tant que canon BWV 1076, par trois documents

originaux:

a) le portrait Haussmann de Bach, date' de 1746, portrait conserv6 a Leipzig, et considere comme tres retouche ) par H. Besseler.

(De fait, le portrait 1748 nous parait plus naturel et plus vivant). Le Cantor y tient

e a la main une feuille manuscrite o l'on

dechiffre : 10 facilement, le titre : l

Canon triplex

u

6 n,

et 20 moins facilement, le texte musical du canon BWV 1076

Page 44: BWV 1087

282 OLIVIER ALAIN

avec la souscription finale <( per J. S. Bach ), d'ailleurs a peine visible sur certaines reproductions 14.

b) le portrait Haussmann de 1748, en bien meilleur 6tat que le precedent, mais malheureusement bien moins souvent repro- duit. Ce portrait est actuellement la proprietd d'un Americain, Mr William H. Scheide, professeur a 1'Universit6 de Princeton, New Jersey. C'est un autre etat de la peinture de 1746, mais beaucoup moins retouche, beaucoup plus vivant et vraisem- blable. Il est regrettable qu'en Europe ce portrait soit infini- ment moins connu que celui de Leipzig. La aussi Bach tient t la main le canon BWV 1076, 2e (?) version de notre no 13 15.

c) La gravure realisde par Bach lui-meme (1747) et dont subsis- tent deux exemplaires (collection van Hobokem, Ascona, Suisse; Bibliotheque Nationale de Vienne, Autriche). C'est un exemplaire de cette gravure que Bach tient a la main dans les portraits Hausmann, et c'est cette version que Mizler a reproduite dans sa Bibliothek en 1754 16. Le fait que la solution de ce canon ait ete <( exceptionnellement difficile ' 17 resulte d'un detail precis : dans le texte grave par Bach (cf. Schmieder, BWV 1076, p. 603) comme dans la version Mizler, les signes d'entrde des voix sont bizarrement places au-dessus des barres de mesure accompagndes des points de reprise.

14. La plupart des renseignements sur les divers portraits de Bach ont 6t6 bien r6sum6s dans The Bach Reader, 2e 'd. (1966), pp. 423 sqq. La sus- picion jet6e par Heinrich Besseler (Fiinf echte Bildnisse Johann Sebastian Bachs [Kassel, Birenreiter, 1956]) ne semble pas partag6e par tous les musicologues.

15. H. Besseler (Fiinf echte Bildnisse...) considere ce portrait de 1748 comme une copie interpr6t6e. Si celui-ci est effectivement

, flatteur

,, celui

de 1746 paraitrait, au contraire, un peu , charge6 . 16. Lorenz Christoph MIZLER, Neu erdiffnete Musikalische Bibliothek IV

(Leipzig, 1754), Ire partie, pp. 107-08 (cf. Bach-Dokumente, vol. III, pp. 78-79 [document no 1651). La donnee est publi6e quatre ans aprbs la mort de Bach, avec des signes d'entree de voix mal plac6s, et sans la solution.

17. Cf. Fr. SMEND, Joh. Seb. Bach : Kirchen-Kantaten, 2e 6d. (Berlin, 1950), fasc. III, p. 13 :

, (...) ein Ritselkanon, der aber aussergew6hnlich schwer zu 16sen ist ).

Page 45: BWV 1087

UN SUPPLEMENT IN?DIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 283

Donnde de BWV zo76 selon la revue de Mizler (version B):

Ex. 38.

J4i, .J- i3& LA

Mizler les rapporte, & la fin de la N?crologie.

On l'a parfois, depuis, soupqonn6 d'inexactitude, mais les sp6cialistes modernes ne parais- sent plus partager ce doute, et 1'on admet aujourd'hui que, pour son admission & la Soci~t6 de Science Musicale de Mizler, Bach dut prdsenter, comme tous ses

prd-cesseurs a) son portrait = l'huile (le portrait Haussmann, probablement

celui de 1746);

b) une ceuvre de science musicale (les Variations canoniques sur a Veom Himmel hocd da omt ich houver , premitre version BWV 769, grav~e) ;

c) une circonigme de science musicale. C'est ici qu'on peut penser i la sdrie des 14 Canons. Bach se serait finalement r~solu &

ne donner que le plus de lsavant crodes 14, le no 3, parf 6 voi, et aprbs r~vision. Malheureusement, L'autographe qu'il tient a la main dans les portraits Haussmann est perdu. Il ne reste que la donnre grave par Mizer, donne exagrdment que, ponigur

le a 14e n membre admis dans la Socittd. Peut-dtre avait-il attendu le temps n&cessaires? Mizler lui-mme a in:iqu que

ach portrait entrh dans sa socirta en juin 1747 ; c'est dont cette date u'on attribue gnrmusicale(ment au canon 1076. Mais cette date qu'on attribue generalement au canon 1076. Mais

18. Par exemple dans The Bach Reader, 2e 6d. (1966), p. 177.

Page 46: BWV 1087

284 OLIVIER ALAIN

la connaissance des 14 Canons nous autorise a ne placer en 1747 que la date-limite de la revision du texte du canon no 13.

Solution de la version B : voir ex. 41. Pour cette solution, trouv6e au siecle dernier par A. A. H. Rade-

ker et publiee par C. L. Hilgenfeldt en 1850 19, je ferai deux observations

i) J'ai retabli &i sa hauteur reelle (cle de fa) la voix superieure du canon partiel sur le sujet 0 (Ostinato), que Smend dans sa presen- tation de la solution 20 a note une octave trop haut. Nous devons observer en effet que dans tout duplex ou triplex de cette serie, les deux voix d'un simplex partiel sont notees dans la meme cle. II doit en etre de meme pour le no 13 et sa variante 1076 :

?er sim-

plex : 2 voix en cl d'ut 3e; 2e simplex : 2 voix en cle d'ut-4e ; 3e simplex : 2 voix en cl de fa-4e. (H. T. David, dans sa presenta- tion de la solution 21, a retabli le MC de l'Ostinato a la bonne hauteur, mais la notation de tout 1'ensemble dans deux seules cls [celles du piano] fait disparaitre 1'aspect logique du couplage des voix. Renoncer aux << cls d'ecriture ) n'est comprehensible que dans une version conque pour l'execution instrumentale pratique).

2) On voit que ce triplex est form6 par la superposition de deux sim- plex nouveaux, originaux, places sur le simplex deja presente iso- 16ment dans le canon no 3 (solution A) qui jouait sur l'Ostinato.

Les differences entre les deux versions sont resumees dans le tableau ci-dessous :

Ex. 39.

No 13 des "Qquatorz" BWV 1076

mQ esure & Meaure CA

3. Les signes f sont bien Les signes sont tous places plec6s au lieu d'entrde au dessus d'une barre de mesure. daes voix.

19. C. L. HILGENFELDT, J. S. Bach's Leben, Wirken und Werke (Leipzig, 1850), dernire page (non num6rotde).

20. Fr. SMEND, op. cit. [note 17], fasc. III, p. 16. 21. In The Bach Reader, 2e 6d. (1966), p. 404.

Page 47: BWV 1087

UN SUPPLIPMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 285

Le changement du signe de mesure, cette fois encore, n'est pas significatif, puisque les valeurs de notes ne changent pas. L'all6- gement ou plut6t l'aeration des valeurs, par l'introduction de silences, correspond h cette ( finition ) de6j 6voque pour la version B du canon no II, et indiquerait aussi l'anteriorit6 de la version A (14 Canons). Enfin, il semble que l'autographe perdu du canon 1076 n'ait pas dfi pousser le souci de 1' ( (nigmaticite )" assez loin pour rendre incomprehensible les signes d'entr6e. Si les 14 Canons avaient 6te connus plus t6t, la solution de BWV 1076 n'aurait jamais parue (( exceptionnellement difficile ).

Voici, en comparaison, les solutions respectives des versions A et B :

Ex. 40o et 41.

SOLUTION A

?4 2 3 n

I ,

I ..I

__

I_ ___

(A' _-

{ --..P

Page 48: BWV 1087

286 OLIVIER ALAIN

SOLUTION B

I1 est difficile de ne pas 6voquer ici les calculs des numdrolo- gistes allemands & propos de la version B (Canon BWV O1076). A une 6poque oii l'on accordait moins d'importance a l'identit6 de la basse des Canons lo77 et lo76 avec celle de l'Aria-thbme des Variations Goldberg, qu'd sa conformit6 avec la basse de la Chacone de Haendel en sol majeur (probablement celle i 62 varia- tions), Fr. Smend a suppos6 que Haendel aurait servi de << parrain , g Bach pour son admission h la Socidtd Mizler. Je r6sume ici, pour le lecteur frangais, I'essentiel des relations numdriques rele- v~es par Smend dans le Canon lo76.

I) da-ns la donne elle-mome, Smend observe, - le H de Haendel valant 8 en bonne << gematria n 22 - que l'on compte : 8 sons a la basse entre chaque indication de reprise (mais ceci

n'exprime que la < carrure ,, de l'Ostinato Goldberg. A ce compte on penserait t Haendel, chaque fois qu'une phrase musicale rppond u la carrure classique...) ;

22. A l'origine, la Gemetria est une pratique des cabbalistes consistant A utiliser la valeur num6rique traditionnelle des lettres de l'alphabet hebreu pour effectuer des calculs symboliques (cf. Raymond ABELLIO, La Bible, document chiffrd, 2 vol. [Paris, 1950]). Le mtme genre de calcul symbolique, pratiqu6 avec l'alphabet allemand, 6tait familier i Bach (cf. Fr. SMEND, op. cit. [note 17], fasc. III, pp. 6-21, fasc. IV, pp. 5-21 et, du meme auteur, Johann Sebastian Bach bei seinem Namen gerufen [Kassel, 1950]).

Page 49: BWV 1087

UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 287

8 sons au total dans les 3 voix de la Ire mesure; 8 sons (successifs) dans la totalite de la voix mediane.

Haendel 6tant entre comme membre no II dans la soci6td Mizler, Smend trouve :

II notes dans la totalite de la voix superieure. II notes dans la totalite de la voix inferieure. II notes dans la totalite des 3 voix de la 2e mesure. II notes dans la totalit6 des 3 voix de la 3e mesure.

Haendel ayant et6, selon Smend, le ( supporter )) de Bach, on devrait trouver une relation analogue entre le 14 de Bach, et le 8 du H de Haendel. Smend trouve en effet : 14 notes dans les 2 voix sup6rieures des 2 mesures sujettes i

reprise. 8 notes a la basse de ces memes mesures.

Donc H (Haendel) ( supporte ) bien Bach (14). Enfin, supreme ing6niosit6, il y a 19 notes dans la totalit6 des

2 voix superieures, ce 19 6tant d6composable en 1/7/4/7, ce qui donne... 1747, c'est-h-dire l'ann&e de l'admission de Bach!

J'aimerais ajouter (car il me semble que Smend ne l'a pas not6), que 19 est aussi la somme du 8 de Haendel et de son numero II d'admission a la Societ6 Mizler.

2) danrtsla solution (celle de Radeker, selon la presentation de Smend et avec la correction deja indiqude pour la voix superieure du simplex sur 0) : On trouve le 41 de J. S. Bach, le 8 de H (pour Haendel), et le II (no de soci6taire de Haendel). Il y a en effet : 41 notes dans la totalite des 2 mesure centrales a 6 voix (mes.

2 et 3); 8 notes (I + 7) dans la ire mesure h 6 voix (mes. 2);

II notes (4 + 7) dans la derniere mesure (mes. 4). On obtient ainsi une sorte de m6daillon :

4

I 7 J. S. BACH 4 7

oii le nom, J. S. Bach, surmont6 par sa valeur num'rique,

est encadr6 par le chiffre (coupe en deux) de son annie d'admission.

Enfin, comme ( G. F. Haendel ) = 6o, Smend trouve que le total genedral des notes de la solution dans sa propre presenta- tion donne "

Page 50: BWV 1087

288 OLIVIER ALAIN

7 + 6 + 8 + I + 5 + 13 + 4 + 5 + II = 60

Tout cela est arithm6tiquement exact, et assez 6tonnant. Mais, - comme la sectio aurea qu'on veut retrouver A tout prix dans les oeuvres de Bart6k - la presence de telles relations num6riques est une chose, la beaute de la muwique en est une autre. Dans le cas du canon 1076, formulons deux observations :

I) En dehors de l'hypothbse de Smend, nous ne possedons aucun indice prouvant que Haendel ait effectivement parraine Bach & la soci6te Mizler. On sait d'ailleurs que si Haendel etait sou- vent presse dans ses voyages en Allemagne, il n'a jamais sembl6 particulibrement press6 de rencontrer Bach.

2) A considerer la Chacone de Haendel A 62 variations, cerite sur le meme Ostinato que le ddbut de l'Aria-theme des Variations Goldberg, et meme compte tenu de la tres grande considera- tion que Bach a toujours accordee A ses 6mules en composition, on ne saurait &tre stir que l'auteur des recentes Variations Goldberg ait pu voir dans cette chacone, s'il l'a connue, une oeuvre rdellement digne d'une particulibre admiration. Pour ma part, il me suffit de trouver ici, grace h Smend, les chiffres personnels de Bach, dans la partie la plus dense de la structure canonique :

14 notes dans les 2 voix superieures des mesures sujettes a reprise (dans la Donnde).

41 notes dans les 2 mesures centrales a 6 voix (de la Solution). Le reste est un jeu arithmetique assez fascinant, mais dont la

valeur d6monstrative reste fragile en ce qui concerne Haendel.

CANON No 14. (( Canon a 4. per Augmentationem et Diminutionem ). Donnie :

Ex. 42.

On constate sur le manuscrit une discordance entre la mesure indiqude, 2/4, et les barres de mesure rdellement trac6es qui, elles, decoupent indubitablement un C (4/4). On peut l'expliquer, en

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UN SUPPLEMENT INEDIT AUX VARIATIONS GOLDBERG 289

anticipant sur la solution : car dans celle-ci, le rythme harmonique de la basse correspond bien a un 2/4, et non a un C. Probablement

l'6crivain - Jean-S6bastien lui-meme ? - a-t-il craint de man-

quer de place pour inscrire sur une seule port6e (la derniere de la page), 66 notes et 3 silences, et, en se passant d'une barre de mesure sur deux, s'est-il assure l'espace n6cessaire. J'ai donc r6tabli les barres du 2/4 dans la donn6e comme dans la solution et avec d'autant moins de scrupules que dej' on constatait l'omission de certaines barres dans d'autres canons : No 3 (mes. 3/4), no 4 (mes. 3/4), et no 9 (mes. 3/4).

La donnee de ce canon est la seule v6ritablement ( enigmatique >. On peut penser que, de la part de Bach, c'est une derniere coquette- rie lide 'A son chiffre nominal : 14.

Le titre ne parle pas de canon simplex, mais si on relie la donn6e au titre g6neral, on est oblige de conclure que l'augmentation et la diminution ne peuvent s'appliquer qu'i l'une ou l'autre des 4 formes possibles de la Basse Goldberg. La seule voix donnue est le soprano (cl d'ut Ire). Nous ne disposons d'aucune indica- tion concernant l'une ou l'autre des trois autres voix : ni cli, ni signe d'entrde, seulement l'idee g6ndrale : par augmentation et diminution. C'est peu.

Voici par quelles etapes je suis pass6.

a) La premiere opdration, tres rapide, a 6t6 la suivante : de l'har- monie degagee par le soprano oblige j'ai deduit presque imm&- diatement la Basse, qui n'etait autre que l'Ostinato Goldberg par augmentation, c'est-a-dire en blanches. Restaient a trouver les deux voix interieures.

b) Une premiere tentative pour combiner au nouveau sujet (soprano) sa propre augmentation en croches ne s'est revel'e praticable que pendant 5 mesures, mais plus ensuite.

c) Une autre tentative, intellectuellement la plus seduisante, consistait A attribuer h chaque voix des valeurs de notes diff&- rentes. Entre les doubles-croches du soprano et les blanches de la Basse, on aurait eu des croches A l'Alto, et des noires au Tenor. La encore, apres plusieurs essais je n'6tais pas encore arriv6 & la bonne combinaison (on verra plus loin que le Prof. Wolff l'a trouvee).

d) Manquant de temps pour poursuivre ces recherches, et surtout d6sirant faire connaitre le plus t6t possible les 14 Canons aux experts de la Neue Bach Ausgabe et au monde musical, je m'en suis tenu & une solution provisoire, que je donne a titre de

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curiosit6 (ex. 43). Tel etait l'6tat de mon travail quand la <( premiere mondiale ) (comme l'on dit...) des Canons a 6te donnee h Strasbourg le 5 decembre 1974, puis repetde i Paris le 24 janvier 1975, dans une realisation h 2 claviers (voir P.S. I, p. 293).

C'est seulement en mars 1975 que Paul Blumenroeder et moi- meme avons pu nous mettre en rapport avec les experts, Georg von Dadelsen et Alfred Diirr; ce dernier nous menagea une ren- contre avec Christoph Wolff qui d'emblee partagea notre enthou- siasme. Tres rapidement son expertise confirma ce que j'espdrais sans trop y croire :

i) que les 14 Canons de l'exemplaire Blumenroeder sont bien une composition originale autographe de Bach, non reper6e jusqu'a pr6sent ;

2) que l'exemplaire Blumenroeder n'est autre que I'exemplaire personnel de Bach, sur lequel il a tres soigneusement port6 de nombreuses corrections et adjonctions, sans parler de l'ajout final des Canons s.

Qui plus est, le Prof. Wolff a trouv6 lui-meme la solution (( la plus seduisante ), celle qui par son elgance parait exprimer le mieux la conception artistique et technique de Bach, celle en quatre valeurs de notes difflrentes, etagees par voix, de bas en haut.

Le lecteur devinera ma joie de voir confirmees les intuitions qui furent a l'origine de ce travail preliminaire, et il admirera avec moi le couronnement qu'apporte aux 13 Canons que j'ai d6chiffr6s, la superbe trouvaille du Prof. Wolff (ex. 44). Que ce dernier veuille bien trouver ici, avec mes felicitations, l'expres- sion de ma vive gratitude pour m'avoir autoris &a reproduire sa solution du 14e canon.

23. Pendant l'impression de cet article, Paul Blumenroeder, sollicit6 par plusieurs grandes biblioth6ques europ6ennes, a finalement accept6 l'offre d'acquisition pr6sent6e par la Bibliothbque Nationale de Paris. Son exem- plaire de la Clavier Ubung IV avec l'autographe des 14 Canons y porte d6sormais la cote Ms. 17669.

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Ex. 43.

--* ill••• I

II

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292 OLIVIER ALAIN

Ex. 44.

no 14. Solution du Prof. Dr. Christoph WOLFF (publibe avec l'aimable autorisation de l'auteur).

Cette perspective nous am-nerait & considdrer les Variations

Goldberg comme une Chaconne cyclop.enne, le supr.me accomplis-

sement de cette forme sur le plan de 'criture pour clavier, et

sime v•ariation).

L'Cette premixre tude des 14 Canons serait alorouvs un peu commontre d'le carnet

tance roquis et de calculs du Michel-Ange dr6e d'Ostla variation contravers punles Variations ees-que.mmes et das les Canons O et O6, que

Si l'on vouln'avait pas chercher un plan d'enstiquemblent aux VarQuatorzens. Canons, on arrette perspectiverait facilement & la dconsidrer es Variamposition suivante :

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4 canons simplex & 2 voix sur l'Ostinato, de caractere didactique (nos I a 4),

I canon duplex a 4 voix, inaugurant la partie proprement musi- cale de la composition (no 5),

4 canons simplex en trio (nos 6 a 9), I canon mixte, en duo, mais pas simplex (no IO a et b), 4 structures canoniques complexes de 4 a 6 voix (nos II

a 14). 14 canons.

Il n'est pas besoin d'etre numerologiste de profession pour observer que ce d6coupage technique offre une curieuse combinai- son des chiffres 14 (Bach) et 41 (J. S. Bach), le total donnant dvi- demment 14 :

4 I 4 I 4 - 14

A qui connait bien Bach, il apparaitrait imprudent d'avancer que Jean-S6bastien n'avait pas prevu tout cela.

Je remercie le fils d'Ambrosius de m'avoir fourni cette conclusion.

P. S. - I. Note sur la rdalisation instrumentale des 14 Canons. La beaut6 de la musique des 14 Canons, au moins A partir du no 5, m6rite qu'on envisage pour cet ensemble une pr6sentation au concert. Mais l'aspect brut, concentr6, de chaque ( solution ) en tant que telle, n'est gubre compatible avec l'ex6cution instrumentale. II faut donc tenir compte des barres de reprise indiqu6es par Bach et, pour faire comprendre l'accumulation des motifs, ne les faire apparaitre que successivement. Il est trbs possible d'en enchainer plusieurs directement. Pour d'autres, le point d'orgue apparait aussi justifid musicalement que dans le cas des Variations Goldberg elles-memes. L'ensemble devra apparaitre comme une Passacaille canonique aux 6pisodes trds contrasts, mais unifies par la constante presence de l'Osti- nato Goldberg. 2

P. S. - 2. Je propose d'attribuer aux 14 Canons, maintenant qu'ils sont reconnus authentiques, le no BWV 988a.

P. S. - 3. Alors que cet article 6tait d6jA sous presse, l'auteur a requ une remarquable etude de Jean-Jacques Duparc intitul6e (< Contri- bution i l'atude des proportions numbriques dans l'oeuvre de Jean- Sdbastien Bach (Extraits) ,, publihe en fWvrier 1975 dans le no 77 du Bulletin du Groupe d'Acoustique Musicale (GAM) de l'Universit6

24. L'6dition pratique dans laquelle nous fournissons diff6rentes ver- sions instrumentales pour le concert ou le travail, paraitra aux 6ditions Salabert, sous les auspices de la B.N., qui, selon la 16gislation frangaise, est consid6r6e pendant cinquante ans comme propri6taire exclusif du texte, puisqu'il s'agit d'une ( oeuvre posthume ),.

9

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de Paris VI. L'auteur y traite notamment des Canons BWV 1077 (Fulde) et BWV 1076 (Mizler). A la suite de Smend, il y etudie les proportions numbriques et recence les possibilit6s combinatoires des donn6es de ces Canons (en y incluant les transpositions d'octave). Il s'agit donc d'une perspective math6matique - diff6rente de la simple perspective musicale proposee par notre article - mais que devront connaitre ceux qui ont le souci de suivre l'itat des recherches bachiennes.

SUMMARY

AN UNPUBLISHED SUPPLEMENT TO J. S. BACH'S GOLDBERG VARIATIONS

This article examines a hitherto unknown copy of the original edition of the Goldberg Variations (published c. 1742 as the 4th part of the Clavier Uebung). Two features of the copy are of note : I. the engraved score bears a certain number of manuscript corrections and additions; 2. the recto of the back cover is inscribed with the manuscript subjects of 14 canons, entitled ' Verschiedene Canones iiber die acht Fundamental Noten vorheriger Arie. von J. S. Bach'.

In the firts part of the article, a careful examination of both hand- writing and music enables us to establish that : I. this copy is without doubt J. S. Bach's personal copy; 2. the 14 manuscript canons on the 'Goldberg bass' are in the composer's own hand, and provide us with a previously unknown work of J. S. Bach (apart from canons II and 13, which are slightly different versions of the canons BWV 1077 and 1076 respectively).

The second part of the article proposes a realization of the 14 canons in question, in the light of a study of Bach's canonic technique.