102
Vous avez commandé une pizza ? Virginia Lopez Peñalver – Dilbeek - 6-2019 1. La porte d’entrée s’ouvre sur un homme grand, jeune, la trentaine, une serviette nouée autour d’une taille musclée et d’hanches minces, des jambes musclées et bien galbées et un torse bien découplé et finement musclé. Il me regarde de haut en bas comme je viens de le faire, fait la moue et se retourne pour entrer dans l’appartement. ⁃ Entrez ! Je le suis, un peu perplexe. Il se tient dans une sorte d’alcôve avec un grand fauteuil qui peut faire office de lit. Je reste sur le pas de la porte. Il reste debout me regardant. Il laisse tomber sa serviette et… ⁃ Waouh ! Bien membré, c’est encore court à côté de ça. Et en érection, c’est… C’est très flatteur, mais vous en avez déjà vu de plus grandes, j’en suis certain ! ⁃ Euh, pas vraiment ! Mes trois ex-petits amis en avaient des plus… petites. ⁃ Sans doute, mais ça ne doit pas être le cas des autres hommes que vous rencontrez. Je repasse dans ma tête les hommes de mon entourage, c’est-à-dire mes collègues de boulot, mes chefs de services et autres. Beurk ! J’ai aucune envie de savoir ce genre de choses, ni de voir d’ailleurs. ⁃ Ben, nous n’avons pas ce genre de rapport et aucune envie d’ailleurs ! L’homme me regarde fixement, le doute marquant ses traits. Qui êtes-vous ? ⁃ Ben… heu, en fait, je suis votre voisine d’en-haut. Il y avait une 1

CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Vous avez commandé une pizza ? Virginia Lopez Peñalver – Dilbeek - 6-2019

1.

La porte d’entrée s’ouvre sur un homme grand, jeune, la trentaine, une serviette nouée autour d’une taille musclée et d’hanches minces, des jambes musclées et bien galbées et un torse bien découplé et finement musclé. Il me regarde de haut en bas comme je viens de le faire, fait la moue et se retourne pour entrer dans l’appartement.

⁃ Entrez !

Je le suis, un peu perplexe. Il se tient dans une sorte d’alcôve avec un grand fauteuil qui peut faire office de lit. Je reste sur le pas de la porte. Il reste debout me regardant. Il laisse tomber sa serviette et…

⁃ Waouh !

Bien membré, c’est encore court à côté de ça. Et en érection, c’est…

⁃ C’est très flatteur, mais vous en avez déjà vu de plus grandes, j’en suis certain !⁃ Euh, pas vraiment ! Mes trois ex-petits amis en avaient des plus… petites.⁃ Sans doute, mais ça ne doit pas être le cas des autres hommes que vous rencontrez.

Je repasse dans ma tête les hommes de mon entourage, c’est-à-dire mes collègues de boulot, mes chefs de services et autres. Beurk ! J’ai aucune envie de savoir ce genre de choses, ni de voir d’ailleurs.

⁃ Ben, nous n’avons pas ce genre de rapport et aucune envie d’ailleurs !

L’homme me regarde fixement, le doute marquant ses traits.

⁃ Qui êtes-vous ?⁃ Ben… heu, en fait, je suis votre voisine d’en-haut. Il y avait une commande de pizzas pour vous et le

livreur avait l’air pressé, alors je lui ai dit que je me chargerais de vous remettre les pizzas, mais comme je ne savais pas si vous étiez là, enfin la personne qui avait commandé ces pizzas, j’ai décidé de venir voir. Donc, comme vous êtes là, je remonte et je vous les apporte. Je reviens !

L’homme a un air un peu ahuri, mais pas suffisamment pour ne pas remettre calmement son essuie autour de ses hanches et de me fixer du regard. Je rougis, tourne les talons et file avant de me sentir encore plus gênée. Je grimpe les marches jusqu’à mon appart dans lequel j’entre comme une balle, prend les boîtes et redescend aussi sec avec elles. Je sonne. L’homme ouvre la porte avec un pantalon pendant sur ses hanches étroites et la mine imperturbable.

⁃ Voilà vos pizzas. J’ai donné un pourboire. Il paraît que c’était déjà réglé.⁃ En effet.

Je lui tends les boîtes, il me les prend tout en continuant à me fixer du regard.

⁃ Voilà ! Mission accomplie ! Je vous laisse à votre soirée.

1

Page 2: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Je tourne les talons, mais je ne vais pas loin, il me retient le bras. Je regarde par-dessus mon épaule en le considérant avec perplexité.

⁃ Attendez ! Je ne vous ai pas encore remercié de votre obligeance.⁃ Pas la peine ! Entre voisins, c’est normal de s’entraider. Bonne soirée encore !

Je me détache de sa prise doucement, fait les pas qui me permettent d’arriver dans le couloir et referme sa porte avec vélocité, dans le cas où il voudrait me retenir encore une fois. Je reste dans le couloir obscur durant deux-trois secondes en soufflant fortement. Je monte les marches les yeux fermés, un exercice que j’ai fait maintes fois dans le cas où il y aurait une panne d’électricité de secteur. Je n’ai jamais apprécié l’obscurité, alors je me suis exercé à circuler dans le noir pour contrer cette phobie ou cette peur. Je ne sais pas comment la nommer. J’entre dans mon appartement, faiblement éclairé. Bergamote, mon chat de gouttière me caresse les chevilles en passant contre elles, sa façon de m’exprimer son soulagement de me voir de retour. Je me demande qui il attendait comme cela ? Tout de même… qu’est-ce que ça doit être d’avoir un tel membre dans son sexe ?

2.

Cet ascenseur, quelle plaie. Lent pour arriver, lent pour monter, pour descendre, pour ouvrir ses portes, pour aller d’un étage à l’autre. Pire que ceux d’un hôpital, petite musique de cabine identique. Un vrai pensum ! Et voilà, il s’arrête à l’étage en-dessous. Génial ! Avec ça, je ne suis pas rendue, c’est sûr ! Les portes s’ouvrent avec sa lenteur habituelle et mon voisin entre. Mon voisin des pizzas. Je reste paralysée, alors qu’il me salue brièvement de la tête. Je me rencogne dans un coin d’un espace pas si grand que cela, cinq personnes peuvent s’y entasser serrés/collés, mais pas plus. Il croise ses chevilles en se tenant à la paroi et je regarde fixement le sol en jetant de discrets regards sur les jambes et un peu plus haut. Il décroise les chevilles et j’ai l’impression qu’il balance ses hanches vers moi. Je rougis derechef en baissant la tête précipitamment. La honte totale ! Il est peut-être temps d’avoir un rendez-vous sensuel si j’en crois ma libido voyeuriste. Un pling me dit qu’on est arrivé au rez-de-chaussée.

⁃ Bonne journée, voisine !⁃ - Oui, oui, bien sûr ! A vous aussi.

Il me sourit avec un petit rictus sarcastique au coin des lèvres. Il chausse une paire de lunettes de soleil et sort d’un pas décidé, mais maîtrisé.

J’arrive en courant au turbin. Nicolette, la réceptionniste tapote le cadran de sa montre de poignet avec un haussement de sourcils significatifs. Je fais « oui, oui », tout en passant en courant dans le large couloir pour entrer précipitamment dans un des six ascenseurs qui est déjà à moitié plein. Je souris à la ronde, tout en me collant au fond de la cabine, essayant de passer inaperçue. Je souffle discrètement en espérant que l’ascenseur ne fera pas trop de haltes, histoire de ne pas augmenter mon temps de retard. Deux minutes plus tard, je me faufile entre la huitaine de personnes qui m’entourent. Je pose le pied dans le couloir moquetté qui mène à mon bureau. Jusqu’à présent, je ne croise personne et j’espère pouvoir me faufiler dans mon bureau. Ma collègue Monique m’a sûrement couvert les arrières, comme d’habitude. Je lui compenserai son aide. J’ai deux places pour un groupe de musique qu’elle adore. Ça devrait le faire  ! Plus que trois mètres et… Prescard, mon chef de service, un quinquagénaire en bonne forme, moitié chauve, très bien habillé, mais aussi moche qu’un pou et aussi sournois qu’une teigne.

2

Page 3: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Mademoiselle Vigne ? Vous avez dix-neuf minutes de retard ! Cela sera noté dans votre dossier. Cela fait votre quinzième retard depuis cinq mois, autrement dit, depuis mi-janvier.

Oui, c’est vrai et il ne sait pas le reste. En fait cela fait trente-sept retards, mais… je suis d’accord, ce n’est pas top d’être en retard, mais il ne parle pas de mes heures sup, ni de mes week-ends qui commençaient le vendredi. J’ai bossé sans compter, je suis une perfectionniste et j’ai la loyauté de cette manière d’être. Heureusement que la comptable, Aglaée, en tient compte sur mes fiches de paies et que la Direction m’a à la bonne. Pas le cas de ce fouineur ! J’ai deux autres qui ne m’ont pas à la bonne. Vanessa-Radasse, une autre chef de service à qui je dois des comptes et Poilard-Connard, un financier qui n’a pas accepté que je le remette à sa place en refusant ses avances et ses invitations foireuses. Prescard-La poiscaille (un amant des sushis) me vrille de ses petits yeux porcins et aigus. Je ne bouge, pas même un cil et il finit par nasiller du nez en reniflant, tout en se détournant et à repartir vers son antre. J’entre dans mon bureau et je me laisse tomber dans mon siège ergonomique.

⁃ Lela, sérieux ! Tu devrais faire un effort.⁃ J’essaie, mais… quand je suis sûre d’arriver à l’heure, il y a plein d’impedimenta qui me tombe dessus.

Monique a un fin sourire devant mon air désabusé et chagrin. J’enlève ma fine veste et tire sur mon sweet. Encore un qui a rétréci. Je ne sais pas comment fonctionne ma machine à laver, mais mes vêtements finissent toujours par ne pas s’en remettre. Monique a essayé de me donner un cours express sur les degrés à utiliser selon les tissus, les couleurs, les… j’ai fait « oui, oui », avec ma tête aussi et mes vêtements continuent à aller au plus mal. Je me demande si je ne vais pas engager quelqu’un juste pour me faire la lessive. Ça pourrait me faire des économies, tout compte fait.

⁃ On a reçu un nouveau projet. Il faut que tu synthétises les points importants et que tu mettes sur pied deux propositions.

⁃ Et c’est pour quand ?⁃ Hier après-midi !⁃ J’aurais dû m’en douter.⁃ Non ! Cool, demain après-midi, c’est parfait !⁃ Waouh ! Un vrai cadeau.

Puis, je vois le dossier. A quand même !

⁃ Oui. Deux-cent sept pages !⁃ Je me disais aussi.

Je relève mes manches, un tic que j’ai et je m’y mets. J’ai une mémoire visuelle assez exceptionnelle, ce qui me fait gagner du temps lorsque je lis. Concrètement, je mets 50% moins de temps à lire n’importe quoi. C’est un mélange de lecture rapide avec la lecture diagonale, la mémoire précise en plus. Une technique perso. C’est une des raisons pour laquelle la Direction m’a à la bonne. L’autre… je suis sûrement une fille sympa et ça compte !

3.

Il est vingt-et-une heures dix-sept minutes. Je suis épuisée, mais j’ai tout lu. J’entre dans l’ascenseur de mon bloc d’appartements. Je suis vannée. Je ne veux qu’un bain, un merveilleux bain avec du bain moussant odorant et plein de bulles. Un quart-d’heure plus tard, je gémis de plaisir. L’eau est

3

Page 4: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

chaude juste ce qu’il faut, les bulles sont juste comme elles doivent être et le verre de vin rosé est frais comme je veux. Il fait pénombre, ce qui me repose totalement. Je ferme les yeux et je pousse dans le fin fond de ma mémoire les mots que j’ai ingurgités lors de ma lecture journalière. J’ai déjà deux projets en vue qui découlent de la synthèse que j’ai déjà faite, virtuellement. Je me détends par palier comme lorsqu’on descend dans les flots et bientôt, je me vois flotter dans des endroits que je ne connais pas ou alors vu d’un prisme déformé. C’est tellement délassant et pas bruyant pour un sou. C’est tellement calme, un endroit idyllique, sauf pour ce bruit insistant qui vient de quelque part dans le centre de… Je sursaute. La sonnette de l’entrée ! Je glisse dans mon bain, en essayant de me redresser avec force. Je finis par sortir du bain, dégoulinante et un peu glissante. J’attrape le grand essuie, le noue en paréo autour de moi et file vers la porte d’entrée, laissant des tas de traces humides sur le parquet. Chouette ! Encore un nouveau problème à régler. La sonnette continue à retentir. C’est quoi l’omnuzel qui n’arrête pas de sonner ? J’ouvre le battant avec force.

⁃ Ça va pas la tête ?

L’homme, mon voisin est devant la porte. Il me regarde de haut en bas en souriant des yeux avec ironie et me fixe dans les yeux avec un grand sourire.

⁃ Je venais vous donner le pourboire que vous avez donné au livreur. ⁃ Le pourboire ?⁃ Oui. J’ai téléphoné pour savoir combien vous lui aviez donné et j’avais déjà donné un pourboire lorsque

j’ai réglé par compte bancaire.⁃ Je… oui. Je donne toujours un pourboire. Vous ne deviez pas…⁃ Je devais, au contraire. Vous avez été très gentille de réceptionner mon repas.⁃ Je… avec plaisir ! Entre voisins…⁃ Entre voisins…

Il me regarde longuement de haut en bas avec un air un peu sardonique. J’essaie de resserrer l’essuie autour de moi, sans y parvenir, ce n’est pas le plus ample que j’aie. Il glisse un billet de cinq euros dans le creux entre mes deux seins comprimés par le drap. Je frisonne en ouvrant la bouche d’étonnement. Il laisse tomber sa main en frôlant légèrement mon buste. Il me considère avec acuité.

⁃ Vous devriez retourner sous la douche…⁃ C’était dans mon bain…⁃ Dans votre bain. Je n’aimerais pas que vous attrapiez froid et tombiez malade…⁃ Oui… Non. Enfin, je veux dire… Je ne tombe pas facilement malade, mais c’est vrai qu’à l’heure qu’il

est et…⁃ Allez-y !

J’arrête de blablater, un effet lorsque je suis un peu déstabilisée. Il pose son doigt sur le bord de mon essuie, puis descend en touchant légèrement mes tétons durcis par le froid et l’eau.

⁃ Votre corps réagi au froid et ce n’est pas toujours conseillé.⁃ Je… Oui. Vous avez raison.

Il se redresse et me regarde encore une nouvelle fois de haut en bas en s’arrêtant sur mon buste un peu plus longtemps que nécessaire. Il sourit finement. Il se détourne et part vers la cage d’escaliers d’un pas alerte et décidé. Au moment d’entreprendre la descente, il se tourne vers moi et fronce les sourcils en me voyant plantée sur le pas de ma porte, les yeux écarquillés et un peu confus.

⁃ Entrez ! Vous allez attraper froid !

4

Page 5: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Je hoche la tête en le voyant descendre avec vélocité. J’entre, referme la porte. Je me laisse aller contre le battant. J’imagine que nous sommes à 1/1. Lui sans l’essui l’autre jour et moi avec un autre idem un autre jour.

4.La nuit a été courte, très courte. Je me suis tournée, retournée entre mes draps et je ne dormais pas.

J’ai la tête en capilotade, des images m’ont percuté toute la nuit, titillant mes hormones. Puis le rêve… je ne veux pas m’en souvenir, c’est tellement hot que j’en rougis encore. Je sors de l’ascenseur et trébuche sur une mallette. Je me retiens à la porte, faisant faire des bips inquiétants à l’ascenseur.

⁃ Mais c’est qui le con qui laisse sa mallette devant la porte… enfin, presque devant !⁃ Moi. Je crains que le con, ce ne soit moi.

L’homme, mon voisin arrive à grands pas, tenant son courrier entre les mains, une grande boite en carton dur et plusieurs lettres.

⁃ Je suis désolé, mais le facteur m’a fourré mon courrier entre les mains, il semblait pressé et j’ai laissé ma mallette là pour quelques secondes.

Je me redresse en redescendant ma jupe qui a raccourci, au point qu’elle couvre à peine mes cuisses, alors qu’elle arrivait à mes genoux. Je vais devoir changer ma machine à laver. Mon voisin suit mes mouvements, en déposant avec précaution son courrier. Il tire sa mallette vers lui et je fais quelques pas dans le hall. La porte de l’ascenseur se referme avec un chuintement un peu aigu, comme s’il était en colère. Je jette un petit coup d’œil à ma montre. Et voilà, je vais encore être en retard.

⁃ Je dois y aller. Bonne journée.

Je le contourne rapidement. Si tout va bien, je serai ponctuelle. J’entends sa voix bien timbrée me répondre.

⁃ Bonne journée aussi !

Je suis à l’heure. Je fais un petit dérapage contrôlé devant mon bureau.

⁃ Yes ! Je suis à l’heure !⁃ Oui, t’as même deux minutes d’avance ! On fête ça au réfectoire !⁃ Et comment !

On se fait un check hand en criant « YES » ! Je dépose mon sac et ma veste, puis je me laisse tomber sur mon siège.

⁃ Euh, à ta place, je filerais en salle de réunions fissa, tu dois présenter ta présentation.⁃ Oh, merde ! T’as raison ! Je file !

Qui a mis cette présentation à cette heure ? Ah oui, ma chef Vanessa-radasse ! Encore un coup foireux à la mord-moi l’nœud de cette PPC (pétasse-pouffiasse-connasse) ! Je prends mon dossier papier, ma clef USB que j’ai toujours avec moi -et où je consigne tous mes travaux et projets depuis que j’ai eu un coup en loucedé d’un ancien collègue qui m’a piqué un projet- et aussi mon GSM. Je ne le laisse plus nulle part.

5

Page 6: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Trop la parano ! Je file dans les couloirs où je croise du monde. Après tout, c’est le début de la journée et il y a encore assez bien d’allées et venues de personnes qui arrivent au boulot et d’autres qui se rendent dans d’autres bureaux que les leurs pour l’une ou l’autre raison. A coup de « désolée, merci, je passe, salut, bonjour, excusez-moi, j’y vais » selon les personnes que je croise je finis par arriver essoufflée et échevelée devant la porte entrouverte de la salle de réunion. Je me peigne légèrement les cheveux avec deux doigts, inspire profondément en régularisant ma respiration et tire sur ma jupe qui remonte illico sur mes cuisses. Tant pis, je devrai faire avec ! Je donne un petit coup sur le battant et entre. Vanessa-radasse est là et tapote sur son Smartphone dernière génération avec une moue désabusée. Elle est impeccable comme toujours. Prescard est également là et pour une fois, il ne me montre pas sa grosse montre de poignet pour me signaler que je ne suis pas à l’heure. Il me fait un léger sourire. C’est pas un mauvais bougre, il est juste très porté sur la ponctualité. Je ne comprends pas, mais j’accepte.

⁃ Mademoiselle Vigne, nous avons failli attendre. Je suis heureuse que cela ne soit pas le cas. Le temps, c’est de l’argent, je ne vous l’apprends pas. Nous allons nous y mettre tout de suite, la journée est chargée.

Je hoche la tête en.0 déposant mes affaires en vrac sur la table. Prescard a un rictus désapprobateur. Il est également très pointilleux en ce qui concerne l’ordre. Quant au discours de la PPC, toujours le même, rien de nouveau sous le soleil. Je donne un dossier à chacun d’eux avec le résumé et des propositions par rapport au projet. Ils lisent consciencieusement les feuillets. Ils sont tout ce que je déteste, mais pros total et complet. Je dois leur reconnaître cela. J’attends leurs remarques. Prescard termine avant la radasse, ce qui ne me surprends pas. Elle aime vérifier afin de pouvoir m’épingler, même si ce n’est qu’un infime détail. Je la connais maintenant, sauf qu’avec le temps et la pratique, j’en suis venue à soigner y compris les plus infimes improbabilités de faute. Prescard hoche la tête avec un fin sourire. Je sais qu’il apprécie mon travail, même s’il ne me le dira jamais. Elle dépose les feuillets et les remets en ordre d’une manière symétrique.

⁃ Bien ! Une première épreuve très prometteuse. Nous allons pouvoir travailler là-dessus pour monter le dossier. Bien !

Elle se lève d’une manière féline, c’est vraiment une très belle femme et elle le sait, ce qui me fait encore plus la détester. Heureusement que c’est aussi une PPC, ça compense le reste.

⁃ Nous nous reverrons pour le projet suivant à 9 heures tapantes, lundi prochain. Nous avons un gain de temps, ce qui vous laisse suffisamment de temps pour celui-ci.

Je remercie du bout des lèvres. Qu’est-ce qu’elle croit la pétasse, que je me tourne les doigts  ? Prescard me fait un autre petit sourire. Il me soutient, je le sais. Ils sortent de la salle. Je reprends mes affaires et je retourne dans mon bureau. Puisqu’on a un « gain » de temps, un petit dej copieux est tout indiqué et en prenant son temps, s’il vous plaît bien !

5.Je monte en trainant les barquettes dans le couloir. Je suis moulue. Il n’est pas si tard, dix-neuf

heures trente, vraiment tôt, mais je ne sais pas. Un coup de blues. A dix-neuf heures, j’ai sursauté et j’ai vu Prescard devant mon bureau. Nicole est partie depuis une heure, elle a un rencard Blind-date. Je ne sais pas ce qu’elle peut trouver à ces rendez-vous, d’autant que c’est déception sur déception la plupart du temps. Mais elle s’accroche, arguant que si de telles agences existaient et que tant de gens l’utilisaient, c’est qu’il y a assez de probabilités de chance qu’on trouve notre compagnon ou notre compagne. C’est dingue, mais elle y croit à donf ! Inutile donc de discuter, elle ne va pas en démordre. Il m’a prié avec une

6

Page 7: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

mine sévère de plier bagages. Il n’a rien ajouté, mais il avait cet air si particulier qu’il prend quand il ne va pas tergiverser, ni changer d’avis ! Impénétrable. J’ai vite acquiescé et j’ai fait ce qu’il me disait. Il a ajouté : « et vous ne ramenez pas de travail chez vous !» J’ai été un instant désarçonné. Je ne l’avais pas vu venir cette-là, mais le connaissant, j’aurais dû me douter qu’il était au courant. Donc, j’ai soirée libre et ça tombe bien, j’ai de la lessive en retard, du rangement en retard, des plats cuisinés en retard - j’aime plus trop les plats précuisinés que les grandes surfaces vendent et les services de catering ne m’inspirent pas plus – et enfin un bon bain moussant. Pour le frigo animique, le congélo palliera. Je monte dans l’ascenseur et tape sur le chiffre… Merde, j’ai touché le deux au lieu du trois. Poussivement, il stoppe. Bon, plus la force d’attendre encore, la fermeture des portes, la lenteur jusqu’au trois… Bon, haut les cœurs et les cuisses, je monte un étage. Je passe devant la porte de mon voisin. J’y jette un regard en coulisse avant de monter lentement, mais sûrement dans mon appart.

Une heure plus tard, je suis toujours affalée dans le fauteuil. Pour les retards, je poursuis sur cette lancée et conclus par un bon lit et plein d’heures de sommeil. Je me change, petite douche, lavage des dents, pyjamas et… hum, petit lit douillet 160x200 avec petite couette. Black-Out !

Merde ! Merde ! Merde ! Je vais être en retard. C’est fou ça, onze heures de sommeil et panne de réveil. J’y crois pas ! Je dévale les escaliers ça oui, je suis top forme pour ce que ça va m’aider. Je déboule dans le couloir, voit la porte d’entrée, fonce et m’écrase contre un corps qui vient de me télescoper. Je rebondis et deux bras me retiennent de m’écrouler comme une crêpe par terre. Bien, bien, quand on pense que ça ne peut pas empirer, ça empire !

⁃ Hé ! Ça va ? Vous courrez où comme ça ?⁃ Au boulot ! Je suis à la bourre ! ⁃ Vous n’allez jamais y arriver entière si vous courrez comme cela! On parle de combien de minutes ?⁃ Cinq minutes pour le moment.⁃ Et le trajet ?⁃ Cinq minutes si je pars tout de suite.⁃ Un arrêt cardiaque pour cinq minutes de retard, n’est-ce pas un peu excessif ?⁃ Et pour dix minutes ? Je dois vraiment y aller ! Merci pour me rattraper, mais…⁃ Avec plaisir.

Mon voisin me relâche à contrecœur et j’avoue que je le comprends. Il m’ouvre la porte vitrée de l’entrée et m’invite à sortir ? Je file sans demander mon reste en lui souriant légèrement. Je file dans la rue, juste au moment où le bus me passe sous le nez. Et bien voilà, maintenant, j’ai plus de quinze minutes de retard, si tout va bien et je dois prendre ma bagnole et justement j’essaie de ne pas la prendre, surtout dans des distances aussi courtes. La capitale a déjà assez de pollution dans l’air.  Je fais une moue de dépit en soufflant pour essayer de rester cool-zen-tranquilos. Je sursaute en voyant mon voisin me rejoindre et s’arrêter près de moi.

⁃ A combien le retard maintenant ?⁃ Un quart-d’heure s’il n’y a pas de trafic sur la route.⁃ Vous voulez que je vous y conduise ?⁃ C’est gentil, mais je vais prendre ma voiture. Heureusement, je l’ai garée dans la rue, ça tombe bien.

Je file vers ma voiture, l’ouvre avec la commande à distance et dans la minute, je roule avec décision, mais prudence vers mon boulot. Bon, disons vingt minutes. C’est une automatique, je ne roule plus qu’en automatique hybride, c’est plus pratique et moins polluant. Sans parler de la maniabilité et aussi son côté confortable. Si je devais dormir dans ma voiture, ce ne serait pas une sinécure. Espérons juste que je ne doive jamais passer par là. Le trafic est fluide et je croise mentalement les doigts que ça continue comme ça. Je vois le garage du building où j’ai mon bureau. Je bifurque, j’y suis presque, J’arrive devant la barrière, j’introduis la carte de parking à mon nom dans la rainure et j’attends que la barrière s’ouvre, sauf

7

Page 8: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

qu’elle ne s’ouvre pas. Je la retire la remets et rien de rien. Mon retard s’approfondit. Une voiture klaxonne derrière moi et je sors de la voiture.

⁃ La carte ne fonctionne pas. Où est le gardien ?

Un homme en uniforme du bâtiment accourt. J’entre dans l’habitacle et pousse sur le bouton pour que la fenêtre coulisse électriquement vers le bas.

⁃ La barrière ne s’ouvre pas, Monsieur !

Je lui tends ma carte. Il la regarde et me la rends.

⁃ C’est une carte d’un magasin.

Je la lui reprends et constate qu’il a raison.

⁃ Désolée, vous avez raison. Attendez…

Je fouille dans mon sac et la retrouve. Je l’insère dans la machine et la barrière s’ouvre. Je remercie, fais un geste de la main pour la voiture derrière moi qui a été très patiente et file vers une place de parking. Heureusement, tout un espace délimité est assigné aux employés de notre entreprise, ce qui me permet de gagner deux minutes sur les vingt-cinq minutes de retard. Ça va chauffer dans les bureaux. Je me parque, je sors précipitamment, ascenseurs, couloirs, couloirs, couloirs, couloirs, bureaux, peu de personnes et enfin mon bureau. J’entre en trombe et personne. Nicole n’est pas là. Je regarde mon téléphone, en fait j’ai dix minutes d’avance. C’était le changement d’heure d’été hier. J’ai rien changé… Je me laisse tomber dans mon siège ergonomique. Merveilleux !

6.Il y a du changement dans l’air. Je ne sais pas ce qui se passe, mais les bruits de couloirs, ça

fonctionne vraiment. Du coup, Prescard est sur les dents, tout le monde passe son temps en allant d’un bureau à l’autre ou s’arrêtant dans l’un ou l’autre couloir pour commenter le ou les changements qui auront lieu dans l’entreprise. Je ne parle même pas des pièces de repos où il y a concentration massive autour du même thème. Le reste du temps, c’est surtout conversations sans retenue sur les relations maritales, extra-maritales ou de compagnons sentimentaux ou encore d’échanges sexuels sur le tas via des rencontres de passages. C’est presque des consultations de sexologie sans pros. Je ne m’attarde jamais dans ces sortes de réunion informelle, ça ne m’apprend rien et le déballage de faits et gestes privés m’importent peu, surtout si ça dévie vers des cancans sur telle ou tel.

⁃ On y va ?⁃ Où ça ?⁃ Au petit indien du coin ! Tu te souviens, tu es arrivée en avance, donc petit indien…⁃ Quoi ? Il est déjà midi. ?⁃ Moins dix-huit minutes.⁃ Ah, je me disais aussi.

Je suis en retard, mais j’ai une idée assez précise quand ce n’est pas l’heure exacte et sans regarder ma montre. C’est une sorte de déclic en moi, je ne peux pas mieux expliquer. Ou alors mon cerveau a une montre interne qui sait quand c’est quand.

⁃ Je t’attends là-bas.

8

Page 9: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ OK ! J’arrive. Je finis ici et j’arrive.

Je termine la quatrième partie du document et c’est fini. Je peux alors mettre la main à un projet perso que j’aimerais être approuvé par le staff d’en-haut. Bien sûr je devrais passer par la Radasse, mais bon, si je joue bien mes billes, je pense qu’elle voudra de mon projet. Voilà. Midi pile ! Je range mon travail papier dans mon bureau que je ferme à clef et je prends la clef USB avec mon boulot. Parano, moi  ? Oui. Vraiment. Je prends ma besace, mon sac a craqué hier soir. Mes sacs ne font pas de vieux tissus, j’ai tendance à les utiliser jusqu’à les faire craquer. Je file dans le couloir qui est aussi encombré qu’un couloir de métro à l’heure de pointe. Normal, tout le monde à la dalle à cette heure. Selon les services, l’horaire du déjeuner varie. Certains prennent une heure, d’autre une demi-heure et d’autres encore deux heures. L’horaire de fin de journée est le même pour tous, dix-huit heures. Je prends l’ascenseur bourré et me presse contre des corps qui sont de parfaits étrangers pour moi. Heureusement les ascenseurs de l’immeuble sont rapides. Vaut mieux, sinon on arriverait jamais à son étage. Je sors et je pars vers le petit indien. Je crois qu’il y a un nouveau serveur pas mal et Nicole a jeté son dévolu sur lui. Cependant hier elle avait un Blind-date avec un type vu sur une de ces web de rencontre sur Internet et je crois qu’elle a conclu, comme elle dit. Donc, si je traduis, elle est passée à la casserole. Je suis à deux doigts de la croire nympho, mais comme c’est assez courant d’après ce que j’ai compris des conversations informelles auxquelles j’ai assisté, je ne peux pas l’affirmer. Ou alors la nymphomanie et le donjuanisme sont des courants sociétaux normaux. Qui sait ? J’entre dans le resto et Nicole me fait un grand geste de la main. Je contourne la petite file qui attends d’avoir une place et me dirige vers elle.

⁃ J’ai déjà commandé.⁃ Parfait !

Je regarde autour de moi. Toutes les tables sont prises. Le menu est excellent et c’est vrai que le nouveau serveur est plutôt pas mal, pour ne pas dire canon. Pas mon genre.

⁃ Pas ton genre ?⁃ Non. Mais j’ai des yeux pour voir et je vois très bien le potentiel.⁃ Tu es si romantique.⁃ Désolée. ⁃ TU devras me dire un jour c’est quoi ton genre.

J’ai une vision de mon voisin en tenue d’Adam et je rejette tout de suite la vision. Trop glauque ! Ceci dit, habillé, il est aussi très bien, pour pas dire… OHMONDIEU !

⁃ T’as quelqu’un en vue ?⁃ Non, non. Pas vraiment. Tu sais comment ça va… des fois, tu vois un mec et tu te dis : Waouh, ça c’est

du mec bandant ! Mais bon, tu passes ton chemin et pas de chance de te retrouver sur sa liste des possibles.

⁃ Si tu t’abandonnais…⁃ Non ! On en a déjà parlé, c’est pas mon truc !⁃ Dommage pour toi ! Tu ne sais pas ce que tu rates ! ⁃ Peut-être, mais je sais que c’est pas mon truc.⁃ Mm !

Nos plats arrivent accompagné du sourire malicieux du serveur. Comment fait-elle ? Il reste quarante minutes avant de continuer notre journée laborieuse. Savourons !

7.

9

Page 10: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Sur le court trajet de retour au turbin, nous rions comme des idiotes, genre ados en voyage scolaire. Ça nous prend de temps en temps et c’est enjoy tout plein. Nous montons dans l’ascenseur pas trop plein et on continue, mais avec une sourdine. Nous déboulons dans le couloir qui fait hall de gare en heures de pointe et nous entrons dans notre bureau où on dépose nos affaires et aussi notre petite virée adolescente. La porte s’ouvre d’un coup brusque.

⁃ Ah, vous êtes là, Mademoiselle Vigne. Bien, bien ! Rien d’urgent dans votre labeur…

Je le regarde légèrement à la masse. Mon travail n’a aucun caractère d’urgence et même lorsqu’il y a urgence, c’est jamais aussi urgent que d’aller aux urgences.

⁃ Non, ça va. ⁃ Bien, bien ! Allez voir Madame Numansse, elle a une requête qui entre dans vos cordes.

Ce qu’il peut être ampoulé des fois, Prescard.

⁃ Je vais y aller.⁃ Bien, bien !

Et il ressort aussi sec en refermant la porte brusquement. On pouffe de rire, il est caricatural. Je prépare mon petit calepin que je prends toujours. Avec Vanessa-radasse, vaut mieux, elle est du genre à développer des saloperies à faire au fur et à mesure qu’elle parle, comme si je l’inspirais particulièrement et après, elle remet en question ses directives en arguant que ce n’était pas son idée. Je sors le calepin et je répète ses instructions, histoire de lui rafraîchir la mémoire et en règle générale, elle abonde dans mon sens, se voyant acculée. Quand on joue à la connasse, y’en a toujours une qui l’est plus que la première. Je frappe au battant et je commence à compter. A dix, je n’ai toujours pas de réponse, mais c’est normal, elle est douée pour faire attendre les personnes devant sa porte, c’est une de ses petites manies dictatoriales. J’en suis à trente quand elle me dit d’entrer. Bien, j’ai gagné dix chiffres par rapport à la dernière fois. Elle se ramollie, la PPC ! J’entre et je la trouve écrivant sur son PC avec concentration. Je reste debout et je compte. A trente-deux, elle relève la tête et m’envisage.

⁃ Asseyez-vous, Mademoiselle Vigne. J’en ai pour deux minutes et je suis à vous.

Je prends place. Elle se la joue toujours autant la chef toute puissante, sauf qu’elle l’est pas autant. Elle fait un peu pathétique, des fois. Je compte machinalement et j’en suis à quatre-vingt-sept lorsqu’elle fait une sorte de petit bruit classieux en me regardant ;

⁃ Merci d’être venue. J’ai une requête un peu particulière à vous soumettre, mais le délai qui m’est imparti et les affaires en cours ne me permettent pas de m’en occuper moi-même.

Je hoche la tête. Vu que c’est toujours le même discours et le même cas de figure, j’attends la suite.

⁃ J’imagine que vous êtes au courant. Toute l’entreprise en a parlé, ce qui a généré un certain laisser aller pas très professionnel, mais soyons magnanime, la nouvelle est d’importance.

Je hoche la tête. Je n’ai aucune idée de ce qui se passe, mais ça doit être du genre comme d’hab dans des entreprises d’envergure comme la nôtre.

⁃ Nous n’avons que peu de temps, quatre jours, si on ne compte pas l’après-midi. Je voudrais que vous m’écriviez un petit discours de bienvenue. Je vous ai envoyé un email avec les informations pertinentes que vous ajouterez au discours convenu. Essayez de le faire dense, mais suffisamment

10

Page 11: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

court pour que cela ne s’étende pas outre-mesure. Un buffet sera dressé et un pot de bienvenue. Voilà, je sais que le délai est court, mais je compte sur vous, vous avez de la ressource. Je ne vous retiens pas plus, je sais que vous avez du travail.

⁃ Donc, je vous donne le discours quand ?⁃ Et bien dans trois jours.⁃ Dimanche ?⁃ Trois jours ouvrables, voyons. Vendredi donc afin que je puisse l’étudier pour lundi à 14 heures.

Elle me lance ce regard sévère qu’elle prend, pensant qu’elle impose ainsi plus d’autorité à la situation. Je lui fais un ersatz de sourire avant de quitter son bureau. Va falloir que j’écoute les bruits de couloir pour savoir ce qui se passe. A moins que je ne demande à Nicole, elle est toujours au courant. C’est une sorte de don qu’elle a et qui m’indiffère.

Je sors de la pièce et je pense à ce discours que je dois concocter. C’est pas tant la personne à qui il sera adressé qui me préoccupe, mais plutôt de trouver un ensemble de mots qui seront significatifs de qui elle est, de ce qu’elle veut que les autres croient qu’elle est et ce qu’elle veut transmettre en particulier à ce nouveau venu dans l’entreprise. Ça a l’air casse-tête et casse-gueule comme ça, à première vue, mais pas du tout. C’est pas comme si c’était la première fois. Je ne regarde pas où je vais, mais les autres s’écartent de moi. Ils ont l’habitude de me voir circuler au radar et ils ont fini par me baliser la route jusqu’à mon bureau. J’apprécie. Mon cerveau est sollicité à des choses plus prenantes que le fait de traverser un ou plusieurs couloirs. J’entre dans notre bureau. Nicole me regarde m’affaler sur le siège, la mine pensive et l’esprit dans une construction virtuelle d’un texte.

⁃ Un autre discours ?⁃ Mm !⁃ Laisse-moi deviner… elle veut le faire pour le nouveau venu ?⁃ Mm ! ⁃ Il doit avoir du potentiel sexuel et du pouvoir pour qu’elle veuille se mettre en avant comme ça !⁃ Mm !⁃ OK ! Tu vas assurer à donf !⁃ Mm !

Elle me regarde et je lui rends un regard un peu brumeux. Nicole attend. Je suis une conceptrice virtuelle, je vois les choses en 3D dans ma tête, ce qui me donne une idée des choses qui sont devant moi ou autour de moi.

⁃ Donc, si je résume… Dana Liebemans part de l’entreprise en congé illimité, un poste était à pourvoir comme actionnaire et PDG … Ce Roegiers est un ami de la famille, enfin le fils d’un ami de la famille de nos deux PDG, celui qui reste Léon Petersens et celle qui part et il reprend le poste lundi et PPC (pétasse-pouffiasse-connasse) dit faire un discours que je dois écrire pour qu’elle puisse le lui débiter et ainsi se faire remarquer par le monsieur. Donc, je suppose que le PDG entrant est plutôt pas mal, voire mieux et qu’elle entend bien gagner des points d’entrée de jeu pour plus perso par après. Je n’ai rien oublié.

⁃ Je sais pas comment tu le fais, mais tu le fais !⁃ Je vois ça d’ici… on va avoir une radasse à la masse qui se la joue subtilité en lui rentrant dedans

subtilement. Ça risque d’être sympa ! ⁃ T’as pas idée ! J’entends déjà les bruits de couloirs et les commentaires éclairés mardi ! Un vrai marché

aux commérages !

Elle fait mine d’applaudir. J’ai un petit sourire distrait.

⁃ Je vais nous chercher de quoi carburer pour les prochaines heures !

11

Page 12: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Mm !

La porte s’ouvre, se referme et je suis au quart de la construction de mon discours. J’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important.

8.

Voilà ! Deux heures sup ! Si cela n’avait pas été pour Prescard qui avait un travail urgent à faire et qui passait devant mon bureau, j’y serais encore. J’aime ce que je fais et le temps a tendance à filer sans que je le voie faire. Il m’a sermonné gentiment. Je vais finir par croire qu’il m’aime bien. Je suis appuyé contre le mur près de l’ascenseur. Je ferme les yeux un instant. Je vais finir par m’endormir debout comme les chevaux et ça va faire désordre. J’ouvre les yeux et j’attends en regardant la porte coulissante de l’ascenseur jusqu’à ce que je voie le papier collé sur un des battants.

⁃ Merde ! En panne ! Non seulement il est lent, mais en plus il passe son temps à être en panne ! Génial !

Je me traîne dans la cage d’escaliers en me hissant péniblement de marche en marche. Je passe devant la porte de mon voisin. Je crois qu’il est absent, il y a une boite aux lettres qui est plein de courriers et je crois que c’est la sienne. Il n’y a pas de nom, juste l’étage et le numéro de l’appartement. J’arrive devant ma porte, je fouille ma besace et je ne trouve pas les clefs. Re-merde ! Je finis par les choper au fond du sac. J’insère la clef, un tour, deux tours. Home sweet home !

Et merde, et merde, et merde ! Panne de réveil. Littéralement. Il y a eu panne de secteur cette nuit et donc… mon réveil n’a pas fonctionné. Je devrais mettre la sonnerie du réveil sur mon téléphone portable, sauf que je ne sais jamais où je le dépose et même des fois, il git au fond de ma besace et je ne m’en souviens qu’après un certain temps, jours quelquefois et il est déchargé, bien sûr  ! Donc… je file vent en poupe vers mon bureau. Les employés qui sont déjà au turbin depuis 35 minutes me laissent la voie libre, ce dont je suis profondément reconnaissante et…

⁃ Mademoiselle Vigne !

Je freine des deux fers. Certains restent quelques secondes comme s’ils étaient au spectacle.

⁃ Oui ?⁃ Trente-cinq minutes de retard, un record, si ma mémoire est bonne !

Je fais la grimace, il n’a pas tort, mais… Prescard me regarde fixement.

⁃ Dites-moi, Mademoiselle Vigne, comment faites-vous ?⁃ Un don particulier, peut-être…

Il secoue la tête en soupirant profondément.

⁃ Filez dans votre bureau. Nous ne voudrions pas approfondir ce retard.⁃ Non…

Il me fait un geste significatif et je file au bureau sans demander mon reste. J’entre comme un vent mauvais et m’affale, besace, veste légère et petit foulard léger sur mon siège ergonomique qui gémit sous

12

Page 13: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

ce poids inespéré. Je laisse aller ma tête vers l’arrière. Je soupire longuement. Puis j’inhale… Un café ?

⁃ Un café ?⁃ Oui. Je l’ai pris quand j’ai entendu ton nom claqué dans le couloir. Il n’a pas tort… t’es vraiment douée

pour arriver en retard…⁃ M’en parle pas. Je le fais pas express…⁃ Tant mieux ! Qu’est-ce que ce s’rait si c’était le cas…

Nicole mime une expression d’horreur et je ris entre les dents. Je prends mon grand mug avec un design d’horloges de toutes formes et tailles et d’époques. Un cadeau mal intentionné d’un ex qui avait la manie d’être ultra ponctuel, faut pas être sorcier pour comprendre pourquoi nous sommes devenus des ex.

⁃ Tu as le discours ?⁃ Oui. ⁃ Et tu as travaillé sur ton dossier. ⁃ Oui, j’ai bien avancé, mais Prescard est bizarre. Hier il m’a sommé gentiment de quitter le bureau. ET

aujourd’hui il ne m’a rien dit… enfin pas comme d’hab quand il me dit qu’il va faire un rapport…⁃ Ouais… ça c’est l’effet nouveau actionnaire et président.⁃ Président ?⁃ Oui. Je t’en ai déjà parlé. Nous avons deux présidents, mais la présidente part je sais pas où et un ami de

la famille va reprendre le poste et il amène aussi de l’argent et des…

Je décroche un peu de ses explications. Le côté financier, économie et marketing purs ne m’intéressent que très vaguement.

⁃ Et donc… la partie la plus intéressante est que le monsieur est sublissime, à baver d’envie sexuellement parlant, ce qui explique pourquoi Vanessa-Pétasse est super excitée pour capter son attention et plus si affinités.

Je cligne des yeux. Ce genre d’infos m’intéressent un peu plus, mais pas plus. De plus, la Vanessa-Radasse est un vrai puit sexuel et je ne compte plus ses aventures. Dans le fond, elle doit être un peu frustrée, parce que s’enfiler tout et n’importe quoi pour passer pour une séductrice ou une femme fatale… même si elle ne fait pas de propagande sur ses conquêtes. Ce sont plutôt les autres qui le font. Je me demande quelle part de fantasme il y a là-dedans. Même si son air et sa mise hurlent « salope » en plein, cela ne veut pas dire qu’elle l’est. De fait… au bureau, c’est pas vraiment l’endroit idéal pour savoir qui est qui et comment est une personne. Je ne l’aime pas et depuis le début elle a été pénible avec moi, du coup… Vanessa-Radasse, mais je ne vais pas affirmer qu’elle est une salope ou pire.

⁃ On dit aussi qu’il a une poigne de fer et qu’il est très exigeant avec lui et avec les autres, mais juste. Il connait son affaire et s’il peut être indulgent, les tire-au-flanc, les hypocrites, les lèches-cul et autres du genre, il n’est pas tendre avec. Un type qui va me plaire.

⁃ Ça s’annonce bien ! Ça nous changera un peu de certaines et de certains.⁃ Tu l’as dit. ⁃ Note, on va pas le voir souvent. On est pas vraiment au même niveau dans l’organigramme et dans les

étages.⁃ Wep ! Sûr. Ici, on est plus tranquille. Enfin moi, toi, tu as plus affaire aux hauteurs !⁃ Oui. Heureusement que je ne souffre pas de vertige.⁃ Wep !

J’ai fini mon café et rangé ma table de travail comme j’ai besoin qu’elle soit pour turbiner à l’aise et performance total. Nicole hoche la tête et se concentre sur sa tâche. J’aime ce premier moment où je me

13

Page 14: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

plonge dans mon travail.

9.

La journée est en train de terminer. J’entends ce brouhaha si typique de fin de journée et de fin de semaine. C’est comme une vague de tout et de n’importe quoi, comme si tout se mêlait avant de quitter les lieux et que ceux-ci redeviennent ce qu’ils sont, des bureaux impersonnels personnalisés selon les employés. Nicole vient de quitter le bureau, elle a un rendez-vous « qui promet un lieu en mouillage ». Je n’ai pas tout compris et moins quand elle a ajouté : « ça va être l’immersion super spatiale ». Si je dois décoder, ça va être partie de jambes en l’air et dérivés, telle que je la connais. Je sais pas comment elle fait pour s’enfiler autant de mecs en si peu de temps. Et le plus drôle… elle rêve d’un compagnon de vie tendre, romantique, qui serait fou d’elle et dont elle serait en totale admiration dans le respect et la considération. C’est bien d’avoir des rêves et des souhaits, mais j’ai un peu de doutes sur les endroits où elle cherche ce genre d’hommes. L’espoir fait vivre, mais le temps ne s’arrête pas pour autant et avec le temps peut venir la frustration, la désillusion et pire encore. Enfin… elle prend son pied, c’est déjà ça !

Je finis un de mes projets que je compte présenter à ma hiérarchie. Je crois que cela pourrait être valable dans le plan marketing d’ensemble. J’ai étudié aussi les coûts avérés et les autres avenants et cela me parait viable, mais en matière de compta et d’économie, je suis pas au point. Le côté créatif, c’est tout moi. Je tiens à l’œil la montre qui est en face de moi, je ne vais pas m’éterniser. Voilà. Finis ! J’y vais. Je range mon bureau, prends mes affaires et ouvre la porte où je manque me cogner à Prescard.

⁃ Ah ! Mademoiselle Vigne ! Vous êtes encore là ? Parfait. Madame Numansse m’a demandé de venir vous chercher, elle a eu un problème avec son ordinateur et son téléphone portable et désire que vous lui apportiez une copie du discours qu’elle vous a demandé.

Je ravale les mots que je voudrais dire : je lui ai envoyé celui-ci via son mail ! Cela ne servirait à rien, c’est de la Vanessa-Radasse en plein.

⁃ Bien sûr, je vous suis. J’ai justement une copie papier avec moi !⁃ Ah, parfait, Mademoiselle Vigne. Toujours professionnelle…

Il hoche la tête en me souriant avec une certaine pointe d’admiration. Il va devenir fan de moi ou quoi  ? Il commence à m’inquiéter. Un quart-d ’heure plus tard, après avoir attendu debout qu’elle lise lentement le discours qui ne comporte que douze lignes écrites sur Word, je sors enfin de l’édifice. Cela aurait pu être pire. Elle adore ce genre de petites mesquineries. Ça doit la confirmer dans sa puissance au sein de l’entreprise. Si ça peut lui donner l’illusion qu’elle est importante, forte et chef, pour moi pas de problème. J’ai toujours pratiqué la rébellion via la force d’inertie, je recommande, cela permet d’avancer en n’étant jamais au même niveau que de tels individus. Lamentable ! Mais bon, du moment que j’ai mon chèque de fin de mois et que je peux turbiner à l’aise dans mon bureau sur les projets professionnels et d’autres personnels, je ne demande pas plus. J’arrive vite à mon appartement et là, je m’affale, morte de fatigue et de sommeil. Cela m’arrive quelquefois, c’est comme une batterie qui se vide d’un coup, un court-circuit énergétique. Je plonge… Black-Out !

Je me réveille en sursaut. Il y a une sonnerie et il me faut un moment pour reconnaitre le bruit strident que fait la sonnette de ma porte d’entrée. Je regarde mes trois réveils… Oh non ! Juste trois heures de dormi. C’est qui qui sonne comme ça ? Un vrai malade ! Je me laisse tomber sur le sol, me relève lentement et arrive devant ma porte. Je l’ouvre avec la même énergie et c’est mon voisin.

⁃ Ah ! Désolée ! Je viens de rentrer de voyage et j’avais besoin d’un peu de lait et de sucre. Je n’ai pas pu faire des courses… et…

14

Page 15: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Il me tend mon trousseau de clefs qui pèse presque cinq cents grammes à cause de tous les porte-clefs de fantaisie que j’ai reçu en cadeau ou offert selon la beauté, le farfelu ou la créativité de ceux-ci. Je fronce les sourcils. Comment l’a-t-il obtenu ?

⁃ Il était dans votre serrure et je n’ai pas considérer comme adéquat de l’utiliser. ⁃ Ah, d’accord ! Je me posais justement la question… mais bon… cela m’est déjà arrivé… c’est quand je

suis dans le mou… j’ai plus trop de clarté quand je suis dans cet état-là. Les autres voisins le savent et il me le laisse dans l’entrée.

⁃ Me voilà rassuré et informé, je ferai le nécessaire si je me retrouve dans cette situation.⁃ Moui… entrez… je vais vous donner ça…

Un bâillement m’interrompt alors que j’entre dans la pièce. Je visualise où j’ai ce qu’il a besoin et lui dépose tout cela sur la table.

⁃ Vous voulez un café ?⁃ Non ! Une autre fois…⁃ Moui, une autre fois, très bien… très bien…⁃ Ne vous dérangez pas, je connais le chemin.⁃ Parfait.

Je reviens dans ma chambre avec le GPS d’un zombi et… Black-Out !

10.

Je cours dans la rue, le cœur à mille pulsations/seconde. C’est dingue, j’ai 28 minutes de retard ! Comment j’ai fait ça ? J’entends encore la sonnerie de mon premier réveil, puis du second et enfin du troisième et même celui de mon téléphone portable, je ne sais d’où, mais pas trop loin puisqu’il a réussi à me vriller les tympans, suffisamment pour que je trébuche en sortant de mon plumard en hurlant, salle-de-bain, habits pris au pif, ma porte d’entrée claquée, la cage d’escaliers et moi dévalant en courant, métro (manqué, bien évidemment !), arrivée sur le trottoir de l’entreprise, entrée en trombe dans celle-ci et…

⁃ Mademoiselle Vigne ?

Merde ! Prescard !

⁃ Vous n’avez pas vu le mémo ?⁃ Euh… quel mémo ?⁃ Celui qui prévient tout le personnel qu’il ne doit venir que pour 13 heures en vue de la réunion de 14

heures pour le pot de bienvenue de notre nouveau Président ?

Je fais la moue en reprenant mon souffle. Re-merde !

⁃ Ah, euh… c’est possible…

Un week-end à se reposer et à siester tout en me mouvant avec l’indolence d’un koala et d’un paresseux, ca n’aide pas à utiliser son cerveau pour, par exemple, me tenir au courant de ce qui est important niveau boulot. Prescard a un sourire indulgent et tendre à mon égard. Je commence vraiment à m’inquiéter. Tant d’amabilité…

15

Page 16: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Venez avec moi ! J’imagine que vous n’avez pas pris de petit déjeuner ? Ce n’est pas sage, ni recommandé, le premier repas de la journée est essentiel, le plus important de la journée.

Sérieux, un cours de diététique ou d’hygiène alimentaire ? Fff ! J’hoche la tête. Autant ne pas résister à sa bienveillance à mon égard, si c’est bien de cela qu’il s’agit. Les couloirs affichent un silence inusuel, mais c’est pas désagréable, en général le bâtiment fait assez ruche hystéro. Le réfectoire de l’entreprise est vide, ce qui est flippant. C’est le lieu de prédilection et favori de tous les employés ou presque, à tout moment de la journée laborieuse. Une manière de faire un break bienvenu. Prescard se dirige vers le comptoir comme s’il était chez lui.

⁃ J’ai eu une taverne il y a longtemps. C’est moi qui aie suggéré à la Direction de créer un réfectoire comme celui-ci.

⁃ C’est vraiment une très bonne idée. ⁃ Oui. Cela soude les liens entre les employés. Une grande entreprise comme celle-ci doit avoir un lieu où

tous se retrouvent à égalité, quel que soit son statut, son poste ou son rang au sein de celle-ci.

Je le regarde fixement pendant qu’il nous prépare un petit déjeuner. Il m’étonne. J’en étais venue aux mêmes conclusions. Il dépose deux tasses de café et deux plats. Le café est comme je l’aime. Il connaît mes goûts ? C’est exactement ce que je prends quand j’arrive en retard, ce qui est pratiquement tous les jours. Je le regarde en lui souriant, extatique.

⁃ C’est exactement cela.⁃ Mémoire de tavernier.⁃ Vous connaissez tous les goûts des employés ?⁃ Non ! Je serais bien en peine. Nous sommes 120, en comptant le personnel de maintenance.⁃ Ah, tout de même !⁃ Exactement ! Mangez avant que cela ne refroidisse.

Le pain est chaud, doré et croustillant à souhait. Riche idée de permettre aux gens de toaster leurs pains. Encore une idée à lui, j’imagine ! Il termine son café et me regarde. Je mange lentement, j’aime savourer ce que je mange, boit. C’est un de mes plaisirs et là, peu importe le temps que je prends, je le prends. Prescard me sourit.

⁃ Je vais vous laisser. Prenez votre temps ! Nous nous reverrons à la réunion. ⁃ Oui, bien sûr ! Merci beaucoup pour le petit déjeuner, c’est très gentil.⁃ Un plaisir.

Il prend sa tasse, son assiette, sa serviette froissée et ses couverts. Il tient tout d’une main avec la dextérité de quelqu’un qui a fait cela très longtemps. Il me pose la main sur l’épaule en passant et je souris brièvement. Une vingtaine de minutes plus tard, je suis repue et heureuse. Rien de tel qu’un repas pour se remettre d’aplomb.

11.

Je cours dans les couloirs toujours aussi déserts. Normal ! Ils sont tous dans la grande salle de réunions, sauf que je ne sais plus où elle est et donc, après avoir émerger en retard de ma tâche- j’ai bien avancé, ce qui me plaît- je me suis rendue compte que je ne savais plus où se trouvait la salle de réunion où a lieu le pot de bienvenue. J’ai vraiment un problème avec les horaires, c’est génétique. Je tiens ça de ma mère qui était une retardataire chronique. J’entends des applaudissements. Merde ! J’ai raté le discours

16

Page 17: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

de la PPC (pouffiasse-pétasse-connasse). La salle est comble, à tel point que je suis pratiquement sur le pas de la porte comme pas mal de mes collègues. Heureusement que je n’avais pas pris de rendez-vous avec Nicole aujourd’hui. D’ailleurs, elle n’aurait pas pu, je crois qu’elle n’aurait pas imaginé mon cas de figure. Retard matinal, retard au rendez-vous ici et finalement rien de rien ! Certains me sourient et j’y vois une petite lueur de taquinerie. Le brouhaha est très grand et il semble que chacun essaie de saluer le nouveau PDG. Cela se bouscule, genre vague. Je ne vois rien. La collation prévue se fera au réfectoire où ce sera plus aisé pour caser tout le monde. « Pot de bienvenue » est un intitulé générique de ma chef de service. Elle ne doute de rien. Je me dirige vers le réfectoire quand i-un bras vient m’alpaguer.

⁃ T’étais où ?

Nicole vient se place près de moi.

⁃ Ne me dis pas que…

Je hoche la tête. Je me suis trompée. Elle a tout compris.

⁃ T’as raté un bon moment. Elle a été sublime. Ça se voyait qu’elle voulait faire bonne impression et elle a été aussi subtile dans ses manœuvres de séduction qu’un bulldozer. T’inquiète. Rien de nouveau. Elle est chaudasse à donf !

⁃ Je vois ça d’ici.⁃ Mais ton discours, nickel, du grand art. C’était tout elle. ⁃ Tu me rassures !

Nous rions. En fait, elle ne se renouvelle pas, du coup quand on a assisté une fois à ses manigances, on a assisté à toutes celles à venir. Le réfectoire n’a jamais été aussi rempli. J’imagine que Prescard a organisé les tables avec les mets et les boissons. C’est comme toujours, parfait ! Maintenant que je sais qu’il a été tavernier, je comprends mieux la qualité des pots auxquels j’ai assisté auparavant. Tout le monde se rue sur les assiettes et autres garnies et sur les coupes remplies ou à remplir. Il y a des serveurs, histoire que cela ne devienne pas un pugilat concerté. Je suis toujours surprise de voir comment nous devenions Cro-Magnon dès qu’il y a à bâfrer et en plus, gratuitement. Nicole qui est très agile dans ce genre de situation nous ramène coupes et assiettes garnies. Tout à l’air alléchant et délicieux.

⁃ Il est vraiment bien. Il a dit quelques mots et il a vraiment du charisme. ⁃ Qui ?⁃ Saint-Nicolas ! Suis, tu veux ! Notre nouveau Président. Je crois qu’il va être un grand actif pour

l’entreprise. Il a déjà annoncé qu’il prendra le temps de connaître chaque service et chaque employé pour se mettre au courant.

⁃ Là, tu m’étonnes ! Normalement les PDG restent au dernier étage et délègue.⁃ Pas lui, apparemment. Il me plaît bien !⁃ Tu veux dire…⁃ Non ! Pas à ce niveau-là… j’ai eu ce qu’il fallait ce week-end et je crois qu’il y aura les prolongations.

Je te raconterai.

Je fais une grimace intérieure, je ne tiens pas vraiment à savoir quoi que ce soit, mais elle a tellement de bonheur à me raconter par le menu ses rencontres que j’aurais mauvaise grâce de lu refuser ce plaisir. Ceci dit, avec elle, c’est presque un cours d’éducation sexuelle. Elle arrive à faire des choses que je ne savais pas possible. Au temps pour moi ! Des mouvements de vagues m’indiquent que le PDG est assailli régulièrement. Je mange en savourant. C’est vraiment excellent ! Nicole continue à me faire des tas de remarques sur l’une ou l’autre de nos collègues et j’écoute d’une oreille distraite. J’observe tout sans vraiment m’y intéresser. La salle commence à se vider et je finis mon assiette. Nicole est partie remettre

17

Page 18: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

les coupes sur une des tables. Je reste une seconde à regarder où je peux déposer mon assiette vide. Je m’y dirige. Nicole me rejoint.

⁃ Attention, V en vue ! Je répète, V en vue !

Je regarde Vanessa-Radasse venir vers moi. Elle a un visage souriant. Je soupire discrètement.

⁃ Mademoiselle Vigne ! Un discours parfait ! Je vous verrai vendredi pour le projet Noumier.⁃ Oui. ⁃ A demain.

Elle repart aussi sec. Elle a réussi à l’attraper ? Mystère.

⁃ Un merci ne lui aurait pas arracher la mandibule !

Nicole a une moue de dégoût. Je vais rentrer tôt. J’apprécie vraiment l’attention.

12.

J’entre dans l’ascenseur, pousse distraitement sur le bouton et me détend contre la paroi de la cabine. De toute façon, il va prendre son temps pour arriver à mon étage, autant se détendre. Le petit « ding » m’annonce que nous sommes arrivés. Je fais tinter mes clefs, heureuse de pouvoir m’affaler sur mon fauteuil super parfait et oublier que je dois être performante ou utile ou nécessaire, quoi que ce dernier terme est moins probant. J’introduis la clef dans la serrure, réfléchissant à ce que je vais commander. Tant qu’à être dans la détente, autant le faire à tous les niveaux et cela comporte un repas préparé par quelqu’un d’autre et remis à domicile. Un vrai luxe ! Pizza ? Cuisine chinoise ? Poulets frits avec frites ? Mm ! Je tourne, mais la clef ne tourne pas. Je m’acharne un peu, puis la retire. Quoi encore ? Je réintroduis cette dernière et rebelote. Je ne comprends pas. Je regarde la clef, mais c’est bien elle. Alors ? M’aurait-on changé la serrure durant mon absence, mais qui ? J’en suis là de mes questionnements et de mon étonnement quand le battant s’ouvre et apparait mon voisin en pantalon de costume déboutonné, une chemise blanche également déboutonnée et les pieds nus. Ses cheveux sont mouillés et légèrement décoiffé. Je le regarde, bête et déconcertée. Que fait-il dans mon appartement ?

⁃ Oui ?⁃ Je… que faites-vous chez moi ? Je vous ai donné mes clefs ou…⁃ … ou vous êtes un étage en dessous et chez moi.⁃ Chez vous ?

Je me recule et voit le chiffre deux en chiffre romain sur le mur en hauteur. Merde  ! J’ai encore raté l’occasion d’utiliser ma tête.

⁃ Oh ! Je… désolé, je… je ne sais pas comment je n’ai pas… Ecoutez… désolée encore, je me suis trompée d’étage… Je vous laisse.

Il me regarde fixement avec une sorte de sourire diffus sur son beau visage et je rougis derechef. Décidemment j’accumule les bourdes dernièrement. Je recule lentement et me tourne vers la cage d’escaliers prête à filer dans les escaliers pour cacher ma honte. Je lui fais un petit geste avec la main et lui sourit légèrement. Il me rend le sourire sans me quitter des yeux. Ce n’est qu’arrivée à ma porte, essoufflée et un brin échevelée que j’entends sa porte se refermer. Comme bonne impression, c’est

18

Page 19: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

vraiment râpé. Je mets une demi-heure à me détendre tout en m’affairant à préparer l’environnement propice à ce pur moment de bonheur. J’appelle un restaurant chinois qui fait service de repas à domicile. Dix minutes plus tard, il est là avec ma commande. Je remets un billet de cinq euros, ces petits ne l’ont pas toujours facile et ils risquent littéralement leur vie sur leur scooter pour arriver le plus vite possible. Un mauvais calcul, à mon avis. Vers minuit, je m’écroule dans mon lit. Je ne connaitrai jamais la fin de ce film coréen qui m’a fasciné au point d’oublier de manger ma barquette. Tant pis, il y aura bien une redite dudit film, c’est un grand classique à la télé, toutes chaines confondues. Je m’endors, je ne sais pas très bien ni quand ni comment et c’est vers les trois heures du matin, alors qu’un documentaire animalier présente une bagarre avec crocs et ongles de deux lions. J’éteins l’écran avec la télécommande et me traine vers mon lit. Ça va être coton d’arriver à l’heure demain au boulot.

Trois gros pip-pip me vrillent les tympans. J’ai placé loin de moi les réveils et mon téléphone, ce qui m’oblige à me lever du lit pour éviter que mes oreilles n’explosent. Mais quelle horreur ! Je finis par arrêter le tintamarre et à me pousser dans la salle de bain où je me prépare à moitié endormie. Je ne mange rien, ne boit rien. Autant aller au boulot. Je vais arriver à l’heure, sûr. Presqu’une première, c’est Prescard qui ne va pas y croire ! J’arrive au métro et… grève de la rame que je dois prendre. Je soupire, dégoutée. Je vais prendre le bus, espérons qu’il arrivera vite. Ce bus-là est un peu bipolaire. Heureusement, aujourd’hui, il est à l’heure. Heureusement, la voie prévue pour le bus est dégagée et nous circulons facilement. J’arrive dans l’entreprise avec dix minutes d’avance. Je suis fière de moi. Mon ventre gargouille. Certains des employés me sourient et un drôle me lève même le pouce. Bien ! Très drôle ! J’ai failli lui faire un doigt d’honneur, mais bon, politiquement correct, c’est politiquement correct  ! J’arrive dans le bureau. Nicole est déjà là. Elle, c’est mon contraire, elle arrive toujours à l’avance, au moins une demi-heure. Partout où elle va, c’est en avance et quand elle arrive ponctuelle, elle a la sensation qu’elle est en retard. Je pige que dalle, mais bon, ça doit avoir du sens. Elle me regarde entrer et fait mine de s’évanouir.

⁃ T’es tombée du lit ?⁃ Presque. ⁃ Ben, ça ne te réussit pas, si tu veux mon avis. Tu as mis deux bas de couleur différente et ton pantalon à

l’envers ainsi que ton sweet !⁃ Ah, je comprends mieux pourquoi on me lançait des regards bizarres ou alors amusés. Je reviens.⁃ Oui. Vaut mieux. Vanessa-Radasse va venir avec le nouveau président dans les bureaux pour qu’elle le

présente personnellement et qu’il nous connaisse succinctement. Tu la connais, elle aime se la jouer chef-copine et empathique avec les employés avec une touche « cette entrepris et ses employés sont comme ma famille ».

⁃ Wep ! Tout un art de l’hypocrisie. J’ai hâte.

13.

Je relève la tête. Midi quart. Nicole me regarde fixement, la tête couchée sur ses mains croisées.

⁃ Comment tu fais ?⁃ Quoi ?⁃ Te concentrer comme cela. Depuis que tu es arrivée en avance, tu travailles sur un projet et tu n’as plus

bougé. C’est incroyable ! Je ne peux même pas dire si tu aimes ce que tu fais.⁃ J’aime ce que je fais.⁃ Je ne veux même pas savoir comment tu es quand quelque chose te passionne !⁃ Normalement, il y a peu de chance que tu me voies dans cet état ! ⁃ T’as vraiment l’esprit mal tourné !⁃ Idem que le tien, Nicolette ! On va bafrer ?

19

Page 20: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Non.⁃ Non ? Il est l’heure de…⁃ Oui, mais on est tous consignés dans nos bureaux en vue du Tour Visit de notre nouveau président !⁃ Sérieux ?⁃ Sérieux. ⁃ Ben, on fait quoi alors ?⁃ On partage mon déjeuner que j’ai préparé pour cette occasion.⁃ Comment ça ?⁃ Ben, dans le mémo qu’on a tous reçu on nous a briefé d’apporter notre dej. ⁃ Ah oui… le mémo !⁃ T’as pas lu le mémo.⁃ J’ai pas lu le mémo. Mais toi oui, tant mieux. Y’en a assez pour deux, j’ai une dalle d’enfer !⁃ J’en ai assez pour trois qui aurait souffert un régime forcené et qui doivent compenser !⁃ T’es une mère pour moi !⁃ J’espère que non, j’ai pas l’âge pour ça !

Après vingt minutes, je viens à bout d’une délicieuse salade composée. Nicole est un vrai cordon bleu. Elle est capable de rendre le plus commun des mets un véritable festin gustatif. Elle me regarde me régaler. Elle mange trop vite. Tout le monde mange trop vite. Pas étonnant que tout le monde est comme il est. Nous n’entendons rien venant du couloir, c’est bizarre. Normalement à cette heure, c’est cohue et compagnie dans tout le bâtiment. Et là…

⁃ J’imagine que c’est Vanessa-Pétasse qui fait le grand tour du proprio ?⁃ Tu supposes bien. Tu la connais. Heureusement, elle a commencé par les bureaux, les employés et les

étages qu’elles considèrent comme étant dignes d’intérêt, le sien en tête et celui de l’Univers entier selon ses critères persos.

⁃ Donc, il y a une heure prévue pour la fin du couvre-feu ? ⁃ Non, chacun rentre à l’heure habituelle. D’après ce que je sais, elle a bien essayé de nous faire rester

une heure de plus, mais la Direction et même le nouveau président se sont opposés à cela, arguant qu’il n’y avait aucune nécessité de prolonger la journée laborieuse. C’est pour cela qu’elle a fait le mémo pour qu’on reste lors du déjeuner.

⁃ C’est du Radasse à donf ! Le nouveau président a l’air réglo.⁃ Wep ! D’après ce que je sais, il n’apprécie pas trop les ronds de jambes et les lèches-cul  ! La Vanessa

est en train de rater le coche, si tu veux mon avis.⁃ Et celui éclairé d’autres collègues de bureau.⁃ T’as tout compris ! ⁃ Dommage qu’on va pas la voir se choper un râteau.⁃ Ouais, c’est sûr, on va pas le voir !

On soupire de concert. Voir s’étaler la connerie est un spectacle tellement jouissif, mais on va pas avoir cette chance ! On reprend le boulot et bientôt je ne sais plus rien d’autre que ce que je vois sur mon écran. Il me reste peu à faire pour terminer ce projet et avec de la chance, je pourrais mettre la main à mon projet perso. J’entends de manière floue Nicole résoudre quelques soucis par téléphone entre deux commentaires et remarques sur ce qui se passe dans les bureaux. Je sais pas comment elle fait pour qu’une réunion ou un appel professionnel se transforme finalement en une conversation digne de la récrée ou d’une sortie « commérages » entre copines et éventuellement copains. Je relève la tête. Nicole met de l’ordre sur son bureau. J’ai encore perdu la notion du temps. Heure de sortir du boulot, mais…

⁃ Laisse béton ! Rentre. Si ça se trouve demain on est encore consigné au bureau. Si c’est pas le cas, on se fait la taverne ? J’ai envie d’un de leurs sandwiches de crudités, ils sont délicieux.

20

Page 21: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Bonne idée, cela fait un bail, maintenant !

14.

Troisième jour consigné au bureau, mais d’après Nicole, ce sera le dernier jour. Vanessa-Radasse a réussi à imposer cette mesure trois jours suivis, c’est à se demander qui commande dans cette entreprise. Y’a pas à dire elle a de l’influence, à moins que cela ne soit que la résignation quand on a devant soi une personne qui est harcelante et manipulatrice, on laisse béton. Le seul point positif est mon avancée dans le projet en cours pour ma chef de service et celui plus perso. Une avancée conséquente. Merci Monsieur le Président ! Nicole soupire pour la treizième fois. Je relève la tête.

⁃ J’ai vraiment envie d’un petit sandwich de chez Laurent…⁃ Je dirais pas non, mais…⁃ Wep ! ⁃ Normalement, d’après ce que tu m’as dit, c’est le dernier jour du Tour Visit.⁃ Wep ! Mais qui sait… tu connais Vanessa-Radasse, comment elle est créative à faire chier son monde

sous les pires prétextes.⁃ Oui.

Je repars dans mon projet et je perds la notion du temps. Quand j’émerge, Nicole reprend ses affaires.

⁃ Quoi ?⁃ Fin de la journée laborieuse.⁃ Oh ! Bien ! Et le président…⁃ Pas venu. Et… ⁃ D’après Sophie du service commercial, il ne reste plus que trois services dont le nôtre, mais qu’elle ne

sait pas quand ça va se terminer.⁃ Bien !⁃ Reste pas scotcher aux projets, rentres. Demain, en principe, le couvre-feu est levé. Ça va être la

déferlante.

Je ris un peu, m’imaginant bien comment ça va se passer. Un bref coup à la porte et celle-ci s’ouvre. Prescard.

⁃ Ah, vous êtes encore là. Vous serez les derniers pour rencontrer notre Président. En matinée, en principe, mais vous pourrez prendre votre heure de table.

⁃ Ben, c’est pas du luxe !

Prescard fait une moue de dérision au commentaire désabusée de Nicole.

⁃ Nous verrons cela demain. Ne restez pas ici ce soir, Mademoiselle Vigne. Votre ponctualité surprenante et inespérée ne nécessite plus votre présence en heures sup. Bonsoir à toutes les deux et à demain !

Il ressort aussi sec.

⁃ Toujours aussi sympa, mais il n’a pas tort.⁃ Tu sais que je ne le faisais pas pour compenser mon manque de ponctualité, mais parce que je perds la

notion de temps et quand je suis en plein dans un projet, je déteste arrêter, j’ai besoin de terminer ce que je me suis proposé de terminer dans la journée. Si cela doit dépasser mes heures de travail concerté, je le fais.

⁃ Tu le sais, je le sais et sans doute encore d’autres le savent, mais pas Prescard et donc, conclusion

21

Page 22: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

logique ! ⁃ Oui.

Je range mon bureau, éjecte ma clef USB avec mes projets finis et en cours. Je ne laisse aucunes copies sur mon PC, expérience horrible oblige ! Je range les feuillets de brouillon que j’ai toujours. Mettre sur papier certaines idées ou conjectures m’aident quelquefois. Je ferme mes tiroirs à clef. Je range ma besace. Elle pèse moins depuis que je l’ai rangé avant-hier. J’ai eu un moment de vide dans mon inspiration créatrice et alors ranger et mettre de l’ordre m’aident. Nettoyer m’aide aussi, mais ici je ne peux pas le faire. Nicole se met du rouge à lèvres. Elle a rencart avec un de ses anciens blind dates. Il semble qu’elle a un ticket avec lui et lui avec elle. Qui sait, c’est peut-être le bon. Elle se recoiffe, relève sa jupe et remets ses porte-jarretelles comme il faut, Sexe à tout coup. Elle remet un peu de mascara, water proof. Je l’espère, sinon, c’est raton laveur facial. Quand elle est prête, elle se lève et rajuste sa jupe sur ses jambes fuselées. Si j’étais un mec ou une nana branchée nana, je baverais sur des jambes pareilles. Elles sont sublimes, un atout et elle sait comment les mettre en valeur.

⁃ Tu vas assurer grave ! ⁃ J’assure toujours grave, jeune fille !

Je fais mine de la saluer très bas comme si j’avais un chapeau. Elle a un rictus méprisant de reine outragée et sort du bureau en me saluant de la main, très altière. Heure de revenir dans mes pénates. Ce soir, un bain moussant avec un mousseux et un petit plat concocté par mon voisin qui aime cuisiner, mais qui n’a pas toujours le sens des proportions, donc j’hérite de ses surplus et je gagne vraiment au change. C’est un master chef sans en être un professionnellement. On l’adore tous dans le bloc. Moi encore plus. Il m’a littéralement sauvée de la famine. J’ai tendance à oublier d’aller faire des courses, aussi mon frigo est famélique la plupart du temps. Du coup, il s’arrange pour que j’ai au moins des plats cuisinés par lui à congeler. Un vrai amour. Son copain est fou amoureux. On est deux, sauf que moi, c’est platonique.

15.

Je suis en retard. Dix-sept minutes. Ça pouvait pas rester durer. Mais bon… J’ai tenté sans vraiment le tenter. Et là… Rien entendu des quatre réveils et du téléphone. J’ai retrouvé un vieux réveil qui sonne la trompette et que j’ai rajoutés aux autres. Rien à faire  ! Retard ! J’entre coulos dans les couloirs raisonnablement vides. Des sourires entendus se dirigent vers moi. Je fais un bref haussement d’épaules et de sourcils et on me répond par des pouces levés. J’entre dans mon bureau. Nicole me regarde entrer.

⁃ On peut dire que t’as l’art, Lela. Dans cinq minutes on a Visit Tour et toi tu rappliques en retard. Tu le fais exprès ou t’as pas le bon critère de comprenure ?

⁃ Je sais pas. C’est génétique ! L’heure, c’est pas un truc qui a de la valeur pour moi niveau ponctualité. C’est comme quelque chose en option.

⁃ Wep ! Sauf qu’en « option », c’est pas dans le panel des horaires appliqués dans la majorité des cas, ça se saurait au bout du temps ! Grouille ! Et fais comme si tu étais au turbin depuis neuf heures.

Je me précipite pas. Je place mes affaires, alors que j’allume mon ordi. Je clique sur ma «  feuille de route » cybernétique comme je l’appelle où je note fidèlement mes avancées niveau projets persos et autres. J’aime bien avoir une ligne de conduite pour que tous ce que je fais entre dans un plan d’ensemble. Nicole chipote. Elle porte ses doigts à sa bouche pour ronger ses ongles, mais comme elle a fait placer des ongles en silicone, elle peut plus et elle est sur les dents. Coquetterie oblige  ! Un bref coup au battant de

22

Page 23: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

la porte se fait entendre. Nicole se redresse en plaçant correctement son chemisier sur ses seins opulents. La porte s’ouvre et Prescard apparait.

⁃ Ah ! Vous êtes là !

Je me demande toujours où il croît qu’on se trouve. C’est pas comme si on avait le choix. Boulot, c’est boulot !

⁃ Monsieur Roegiers ne peut pas venir vous voir. Il a un empêchement de dernière minute. Aussi, il vous verra demain matin à la première heure.

Il me regarde en fronçant les sourcils, genre suivez mon regard.

⁃ Vous serez les dernières employées avec lesquelles il terminera son Visit Tour.

Nicole se statufie. Prescard a un bref sourire. Cela ne m’étonne pas, Prescard est un vieux brisquard à qui on ne la fait pas et je parie qu’il sait tous les potins et autres commentaires qui circulent dans l’entreprise. Je réprime un petit rire, mais je ne peux pas m’empêcher de sourire. Il me lance un clin d’œil. Je sais pas, mais je me demande s’il m’a pas à la bonne, à la fin !

⁃ Je vous laisse.

Sans plus, il sort en refermant le battant. J’ai un petit rire.

⁃ Il nous fait quoi là, Prescard, un petit coup de sénilité ?⁃ Non, je crois pas. Je crois plutôt qu’il sait tout ce qui se passe ici.⁃ Ça craint à donf, si tu veux mon avis. En tout cas, c’est vraiment dar d’être les derniers dans la Visit

Tour. C’est un coup de Vanessa-Radasse que ça ne m’étonnerait pas.⁃ Vois le bon côté. On peut aller se déguster un petit sandwich. Depuis le temps qu’on en bave ! ⁃ T’as raison ! On va pas se priver, parce qu’on est pas considérer à notre juste valeur. Puis… être les

dernières, c’est un peu comme être les premiers ?⁃ T’as tout compris, Nicolette.

Je vacille en me levant de mon siège. Merde ! Dix-neuf heures ! J’ai encore dépassé l’heure de la fin de ma journée laborieuse. Etonnant que Prescard ne soit pas venu me dire de décamper. Je fais tout avec lenteur le même rituel de départ que d’hab, sauf que coulos. Le soir n’est pas encore tombé. Nous sommes fin mai. Les jours se rallongent et les jupes de Nicole raccourcissent. C’est le meilleur indicateur de l’arrivée de l’été. Le bâtiment a pris ses quartiers de soirée avant de ceux de la nuit. Il y a un gardien qui fait sa ronde et il ne m’a jamais rien dit, il me connait. J’imagine qu’il y a du Prescard là-dessous. Depuis combien de temps me tient-il en observation et sous sa protection ? J’ai l’art et la manière de passer à côté de beaucoup de choses importantes essentielles et significatives. Un don. Encore un. Je revoir Nicole partir, moi la saluant avec la main et elle me dire quelque chose. Cela va me revenir. J’ai une sorte de dispositif interne qui enregistré ce qui se dit, ce que l’on me dit lorsque je suis en immersion totale dans une ou l’autre tâche. Je suis fin prête, retour au bercail

Je suis vannée. Le métro est insupportable quel que soit l’heure. Le monde est pénible vu d’en-bas et sous terre. Je me traine jusqu’aux escaliers que j’ai décidé de prendre plutôt que d’attendre l’ascenseur cacochyme que le bloc a. Cette lourdeur que je ressens est typique des changements de saisons, cela me passera. J’arrive enfin sur mon palier, encore quelques mètres, la porte d’entrée, les clefs qui tombent par terre et enfin… Home sweet home.

23

Page 24: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

16.

J’ai deux minutes de retard, pas de quoi fouetter un chat. Nicole me voit entrer et hausse les sourcils.

⁃ Tombée du lit ?⁃ Nuit complète et reposante.⁃ Impressionnant.⁃ Oui. C’est aussi ce que j’ai pensé quand je me suis levée sans l’aide de mes réveils et du téléphone.

Elle applaudit d’un air admiratif.

⁃ Je vais chercher un café.⁃ Non ! ⁃ Non ?⁃ Non ! Tour Visit.⁃ Ah oui, j’avais oublié.⁃ Moi pas ! Nous sommes les derniers dans le tour des visites par le nouveau président et c’est vraiment

débile !⁃ Bof ! De toute façon, le turbin va être idem que comme d’hab, alors visite ou pas, qu’est-ce ça va

changer ?⁃ Qui sait ! Du sang frais peut apporter un mieux dans l’entreprise. Tu ne t’intéresses pas trop niveau

économie, mais l’entreprise doit remonter dans ses bénéfices, sinon des postes peuvent être éliminés et je ne suis pas certaine que ça ne commencera pas par nous.

⁃ Tu crois ?⁃ L’esprit du patronat et des investisseurs sont un mystère. Ils ne fonctionnent pas comme toi ou moi.

Je fais une grimace. De fait, je ne sais rien du monde financier, mais j’imagine que son analyse est juste. On frappe au battant d’un coup bref et la porte s’ouvre.

⁃ Vous êtes là ! Monsieur Roegiers m’a demandé de vous faire venir dans son bureau pour la rencontre prévue. Mademoiselle Vigne ? A l’heure ? Je suis impressionné. Nous y allons ?

Il attend que nous prenions notre sac et nous sortons. Je ne vais pas très souvent au dernier étage, mais cela ne m’impressionne pas. Nicole lisse sa jupe courte et remets d’aplomb son chemisier qui est pourtant parfait. Je ne fais rien, je réfléchis au prochain projet que Vanessa- Radasse m’a envoyé par mail. Je trouve le sujet bizarre, mais intéressant. Il faut juste que je vois comment je vais l’envisager pour qu’il entre dans la ligne de conduite de marketing de l’entreprise. J’aime les challenges et celui-ci en est un. Nous arrivons vite à l’étage. Il règne un silence feutré et un air de propreté et de netteté qui est impressionnant. Les vitres sont larges et hautes, donnant une vision d’une partie de la capitale fascinante. Le ciel a l’air moins gris vu d’ici. Cela doit être génial de travailler ici. On doit se sentir vraiment cool, pas que je me plaigne de mon bureau, de tout façon, une fois que je suis dans un projet, tout ce qui m’entoure passe en second plan, comme de la déco trop souvent vue.

⁃ Attendez ici. Je vais voir s’il peut vous recevoir maintenant.

Prescard nous laisse devant des sièges vraiment très design, mais étonnamment commodes et parfait. Du coup, un comme ceux-là j’aimerais bien en avoir un chez moi et dans mon bureau, même si mon siège est ergonomique et très commode.

24

Page 25: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Je ne le sens pas. Pourquoi nous demander de venir le voir dans son bureau. Sûr qu’on va être virée.⁃ Tu te montes la tête, Nicolette. Tu l’as dit, l’esprit du patronat et des investisseurs est un mystère.

Cherche pas midi à quatorze heures.

Nicole soupire avec mépris. Elle est plutôt remontée. Elle n’a pas pu avoir un commentaire ou un commérage sur la situation et ça la rend irritable. Prescard sort d’un bureau et nous rejoint.

⁃ Bien ! Il va vous recevoir.

Nous nous levons et le suivons. Lorsque nous sommes devant la porte, il frappe brièvement le battant, l’ouvre et nous fait un geste cordial en nous enjoignant à entrer. Je lui souris. Je vais finir par l’apprécier. Nous entrons dans le bureau, une pièce spartiate, mais avec un goût très classe. Le large bureau est encombré d’un tas de dossiers et deux ordinateurs sont en train de travailler. Un homme entre dans le bureau d’une pièce qui jouxte celui-ci. Une salle-de-bain privée ? Il termine de se sécher le visage. Il nous regarde. Je me fige en ouvrant la bouche. Non !

17.

Il plie avec dextérité l’essuie qu’il vient d’utiliser et le dépose sur une petite table contre le mur. Il s’assoit sur son siège ergonomique en nous faisant signe avec la main de prendre place sur les sièges se trouvant en face du sien. Il remonte les manches de sa chemise. Je suis toujours debout, figée, le regardant fixement, la bouche ouverte. Nicole me regarde dubitative sur ce qu’elle doit faire. Elle me regarde en haussant ses sourcils parfaitement épilés. Elle se rapproche de moi en contournant le siège.

⁃ Qu’est-ce que tu as ? On dirait que tu as vu un fantôme.⁃ Pas un fantôme ! C’est lui !⁃ Qui lui ?⁃ Mon voisin.⁃ Ton… Non ! Lui.

Je dis oui avec la bouche sans son. Elle se tourne vers lui et me regarde en s’asseyant avec grâce sur le siège. Je contourne le mien, en me rapprochant d’elle.

⁃ Je comprends mieux. Il est…

Elle hausse comiquement ses sourcils en arrondissant les lèvres outrageusement.

⁃ Non ! Pas comme ça…⁃ Wep ! C’est toujours comme ça…⁃ Obsédée !⁃ Avec un comme lui, ben un peu qu’j’veux, mon neveu.

Il a une petite toux et nous nous tournons vers lui en nous redressant précipitamment.

⁃ Mesdemoiselles, je vous remercie d’être venue. Je vous dois une excuse. Les circonstances ont fait que vous soyez les dernières dans mon « Tour Visit »…

⁃ Le principal est que nous nous voyons.

25

Page 26: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Il sourit amicalement à Nicole qui a son sourire séducteur qu’elle réserve pour les beaux mecs. Je le regarde durement. Il peut dire ce qu’il veut, mais c’est bas, très bas.

⁃ J’ai eu des échos de votre service et j’ai eu l’occasion de voir ce que vous avez fait dans plusieurs projets. Impressionnant ! Je désire prendre connaissance de tous vos travaux avant de vous proposer un projet qui serait important pour l’entreprise.

Nicole lui sourit avec soulagement. Elle a tellement eu peur que nous soyons virées qu’elle en fait beaucoup trop. Je me croise les bras et regarde un point derrière lui par les larges verrières. La vue sur le ciel gris est assez surprenante et même fascinante.

⁃ Qu’en pensez-vous, Mademoiselle Vigne ?

Nicole me fait un geste de la main que je ne comprends pas. Je fronce les lèvres.

⁃ Peut-être est-ce un peu juste pour vous transférer à cet étage ?⁃ Quoi ? Non ! Enfin, je veux dire… j’aime bien mon bureau…⁃ Ce ne serait que le temps du projet. Mais cela serait plus judicieux, car je serais parti prenant dans celui-

ci et ce sera plus facile pour les échanges de nos idées.

Je le regarde fixement. Sérieux ?

⁃ Pourquoi ? Il y a des ascenseurs et je suis persuadée que ce ne sera pas difficile de faire coïncider nos idées !

Nicole a un hoquet de ce que je viens de dire et du ton. Hors de question de lui faciliter les choses ! Non, mais !

⁃ Sans aucun doute et ces ascenseurs sont très efficaces et très rapides, mais ce serait une perte de temps et d’énergie.

Je rougis furieusement. Il fait référence à notre ascenseur. Comment ose-t-il ?

⁃ Sans aucun doute, mais cela ne veut pas dire que nous progresserons mieux et plus rapide si nous sommes dans des bureaux conjoints.

⁃ Sans aucun doute, de plus ce sera dans ce même bureau, ce qui serait encore plus avantageux au niveau du gain de temps et de nos échanges professionnels.

Nicole nous regarde comme si elle suivait un match de tennis. Le sagouin !

⁃ Nous pourrions essayer comme vous le suggérer et puis nous essayerons comme je le propose.

J’ouvre la bouche. Nicole attend de voir ce que je vais dire. Quand on a perdu la partie, autant se coucher ! Enfin, je veux dire… Nicole lève le pouce en l’air. Il a un sourire discret. Le sagouin !

18.

26

Page 27: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Je sors comme une furie et prend l’escaliers. Quelques étages en descente me feront le plus grand bien. J’entends Nicole soupirer et aller vers les ascenseurs. Le sagouin ! J’entends des pas me suivre dans l’escalier, je ne fais pas attention jusqu’à ce que mon bras soit agrippé doucement m’enjoignant de m’arrêter. Je le fais en regardant les marches. Je respire fortement, mais plus par rage que par fatigue.

⁃ Mademoiselle Vigne…⁃ Vous n’avez pas eu assez de temps pour m’humilier ? Depuis combien de temps vous saviez que je

serais votre employée ? Vous avez bien dû rire, hein…⁃ Mademoiselle Vigne… Lela… Regardez-moi ! Je ne sais que depuis ce matin que vous étiez ma

voisine. Je vous ai aperçue lorsque vous entriez dans l’ascenseur et j’ai demandé à Monsieur Prescard qui vous étiez, ce qu’il m’a dit en soulignant que vous étiez celle avec votre collègue que je devais voir ce matin. Croyez-vous sincèrement que je suis capable de jouer à ce jeu stupide de cache-cache ?

⁃ Je ne sais pas. Je ne vous connais pas assez pour dire si vous feriez cela ou pas.⁃ Et quel serait mon objectif ou mon intérêt à part mettre à mal des rapports de bon voisinage ?

Je scrute son visage et ses yeux avec méfiance. Il est si beau… je veux dire il est sincère, du moins je crois qu’il l’est.

⁃ Vu comme cela !⁃ Il n’y a pas d’autre manière de le voir.⁃ C’est pour cela que vous avez proposé que nous travaillions en étroite collaboration.⁃ Je ne joue pas non plus à ce jeu de « patron/employée ». La qualité de votre travail dans tous les projets

que vous avez fait m’ont convaincu que vous étiez la meilleure option pour mettre sur pied ce projet qui me tient à cœur et qui serait bénéfique pour l’entreprise.

⁃ Il y a d’autres…⁃ Oui, sans aucun doute, mais pas pour ce projet, vous êtes la plus qualifiée à tous les niveaux et je prise

l’excellence, ce qui semble être aussi votre cas… et le discours de bienvenue, il y a quelques jours, m’a définitivement convaincu de votre valeur et de l’atout que vous constitueriez pour ce projet.

Pour un compliment, c’est « LE » compliment et s’il me prend par mes bons sentiments… Il me tend une main franche. Je regarde ces longs doigts déliés et bien soignés. Je tends ma main et il la serre.

⁃ Nous nous reverrons dans quelques jours pour que je vous explique de quoi il retourne. ⁃ Bien. D’accord.

Il me sourit, puis se retourne pour remonter les escaliers. J’ai peut-être été un peu vite en tirant des conclusions, mais… que pouvais-je penser d’autre ?

⁃ Alors ?

Nicole me regarde m’affaler sur mon siège.

⁃ C’est mon voisin !⁃ Oui, ça j’avais compris, mais…⁃ Ben, on a mis les choses au point.⁃ Lela !⁃ Ben quoi ? Je ne peux pas t’en dire plus !

27

Page 28: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Ah non ? Il est super canon, ton voisin et tu as même vu ses mensurations.⁃ Nicole ! ⁃ Quoi ? C’est le principal, crois-moi. Une petite, même agile et créative, ça ne vaut pas une bien

membrée !

Je rougis derechef. Nicole a des critères d’appréciation qui me dépassent.

⁃ Oui… Bon ! Mais c’est pas… enfin, c’est mon boss et le tien et…⁃ Ton voisin ! Ton voi-sin !

Elle hausse les sourcils de manière significative et un air coquin sur le visage.

⁃ Et vous allez être très proches collaborateurs. ⁃ Professionnel. Pro-fes- sion-nel !⁃ Oui, mais proches.

Je souffle fortement entre mes lèvres serrées, dépassée par ses arguments qui me dépassent aussi. Je commence à placer mes affaires sur mon bureau, allume mon ordi, sors mes clefs USB et réfléchis à mes projets en cours. Voisin, patron ou… peu importe ! J’ai du taf ! Nicole continue à me regarder fixement.

⁃ Tu n’as rien à faire ?⁃ Si, mais je prends quelques instants pour contempler une femme qui ne sait pas apprécier ce qu’elle

peut avoir entre les mains !

Je ne réponds rien à ça. Je ne veux même pas savoir ce qu’elle veut dire par là. Tout est à sa place sur ma table. Ma journée laborieuse peut commencer.

19.

Cela fait le troisième jour après notre rencontre avec le président. Depuis, pas de nouvelles. Bonnes nouvelles ? Nicole reste assez soft en commentaires sur ce qu’elle appelle « la rencontre au sommet ! ». Je ne prête pas trop attention à ce qu’elle dit, mais suffisamment pour m’agacer un peu. Je fais bien attention en rentrant chez moi à ne pas passer devant la porte de mon voisin-patron et j’essaie de ne pas penser à ce projet qu’il a de faire avec moi. Pour le reste, j’avance bien dans mes autres tâches. Vanessa-Radasse ne nous a pas molesté et cela commence à m’inquiéter. Nicole et moi nous en parlons quelquefois en nous demandant ce que cela signifie. Bon ou mauvais ? Difficile à dire avec elle, elle a un côté imprévisible qui ne demande qu’a surgir pour mieux nous appréhender dans l’une de ses fantaisies professionnelles. Tout un art ! Il reste une heure avant la fin de la journée laborieuse et je commence à croire que ce fameux projet est remis aux calendes grecques. Nicole termine sa tâche et s’étire langoureusement. Elle est habillée style cow-boy et je me demande ce que cela veut dire.

⁃ Ce soir, soirée yankee avec un bel américain.⁃ Ah bon ?⁃ Oui. Je l’ai rencontré via un copain gay qui s’est épanché de ses déboires sentimentaux sur mon épaule

alors que son meilleur ami lui confectionnait un souper léger et nutritif pour « compenser son grand chagrin ». Nous l’avons mis au lit…

⁃ Qui ?⁃ Mon copain.⁃ Ah !

28

Page 29: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Et le bel américain, Trent, et moi avons continué à bavasser durant une bonne partie de la nuit, alors que Benny, notre copain et ami, dormait.

Elle fait un arrêt, les yeux perdus dans le vide, ce qui me dit assez qu’elle est en plein « plan de séduction et plus, si affinités ». Pas la première fois qu’elle me fait ce regard-là.

⁃ Et c’est un ami intime de Benny ?⁃ Intime, comme je couche avec lui ? Non. Benny a bien tenté, mais Trent est hétéro.⁃ Ou alors il est homo et Benny n’est pas son genre.⁃ Ou alors il est homo ou bi. Et cela a une quelconque importance ?⁃ Non. Du moment que tu le sais…⁃ Lela, tu me connais, je tente et puis on verra.⁃ Et donc, tu es habillé comme cela parce que…⁃ Je vais à une soirée cow-boy avec lui et ce sera enjoy tout plein ! ⁃ J’imagine.

Nicole s’amuse toujours quel que soit le lieu et les personnes, c’est une de ses qualités. J’adore qu’elle soit comme cela. Je gagnerais à être un peu plus comme elle, mais ce ne serait pas moi, aussi… Un coup bref sur le battant et celui-ci s’ouvre. Prescard.

⁃ Ah, vous êtes là ? Parfait ! Mademoiselle Vigne, pouvez-vous m’accompagner chez monsieur Roegiers ? Je sais que votre journée est pratiquement achevée, mais Monsieur Roegiers n’a pas pu vous rencontrer à un autre moment et il voudrait vous entretenir avant votre départ.

⁃ Bien sûr ! Je vous suis.

Je ferme mes files sur l’ordinateur après les avoir sauvegardés. Je retire les clefs USB, ne laissant rien sur le disque dur. Mesure de précaution essentielle. Je prends mes affaires sur la table et les fourre dans ma besace. Je prends ma veste légère et salue Nicole qui me fait un clin d’œil des moins discrets en levant le pouce. Je fais de même, genre « à toi aussi » et je suis Prescard.

Nous ne disons rien durant le trajet jusqu’au bureau du président. Avec tout ça, je ne sais toujours pas son prénom. Cela importe-t-il ?

⁃ Voilà, nous y sommes. Je vous laisse, Mademoiselle Vigne. N’en profitez pas pour rallonger votre journée. J’ai pris la liberté de faire part à Monsieur Roegiers de votre habitude de faire des heures sups.

Je fronce les sourcils. Je ne sais pas ce qu’il veut dire avec ça.

⁃ Ce que je veux dire, c’est que je ne veux plus que vous essayiez de compenser vos retards matinaux avec des heures sups.

Je ne vois toujours pas, mais Prescard peut être une charade à lui tout seul. Il me sourit, frappe au battant, j’entends le boss dire entrez et Prescard ouvre la porte. Il m’enjoint à entrer, puis se retourne et repart vers les ascenseurs. Prête à me mettre dans la gueule du lion ? J’entre. On verra bien.

20.

29

Page 30: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Lorsque je pousse le battant pour entrer dans le bureau, je trouve le boss occupé à boutonner une chemise. Je reste figée sur le pas de la porte.

⁃ Entrer, Mademoiselle Vigne. Je me changeais et vous prie d’accepter mes excuses, je ne pensais pas que vous arriveriez aussi vite. Asseyez-vous ! J’ai préparé un dossier pour que vous l’étudiiez demain au travail. J’ai demandé à Mademoiselle Numansse de vous retirer certains projets afin que vous puissiez vous consacrer à celui-ci. Je n’en fais pas une priorité, mais je tiens à ce que vous ayez suffisamment de disponibilité pour celui-ci.

Je prends place en essayant de ne pas loucher vers son torse qui disparait trop rapidement sous la chemise blanc cassé impeccablement repassée. Je suis agréablement surprise de cette initiative. Vanessa-Radasse ne m’aurait donné aucune diminution de tâches, bien au contraire, elle aurait argué que ce surplus de travail n’avait rien à voir avec le reste, même si je devais y apporter une attention particulière. Comment j’allais m’y prendre n’était pas de son ressort et ce genre de détail n’est pas intéressant pour elle. Que Roegiers y ait penser est un point en sa faveur. Il s’assoit et m’enjoint à ouvrir le dossier. Je jette un premier regard sur la première page où il m’a fait un synopsis de ce qu’est le projet dans son ensemble. Je tourne la page. Pas de suggestions, ni de directives ?

⁃ Je n’ai pas jugé bon de vous mettre des suggestions, j’aimerais que vous ayez les coudées franches pour créer un projet. Si ce que vous apportez ne me plait pas ou qu’il n’est pas dans la ligne de ce que je désire, nous en parlerons et nous y travaillerons ensemble ou alors vous seule. Nous verrons comment établir une dynamique de travail qui nous permettra de mettre sur pied ce projet qui me tient à cœur.

Je hoche la tête, impressionnée et heureuse que quelqu’un me donne les moyens de travailler sous un angle qui me correspond. Je crois que cela va le faire.

⁃ Bien ! Je ne vais pas vous retenir plus longtemps. Il est entendu que vous ne commencerez à travailler dessus que demain matin et dans les heures de travail qui vous sont dévolues. Pas d’heures supplémentaires. J’insiste là-dessus. Est-ce bien clair, Mademoiselle Vigne !

Cela ne me ravit pas, mais je concède ce point, bien convaincue que je ferais comme je l’entends et à discrétion. Il plisse les yeux, me laissant deviner qu’il n’est pas dupe, mais qu’il veillera au grain. Il se lève, je fais de même, essayant de prendre mon barda, le dossier et ma veste en même temps avec le succès très mitigé que cela suscite. Il contourne rapidement son bureau et m’aide à ce que rien de plus ne s’écroule, moi y compris. Lorsque tout est stabilisé, je le remercie, les joues rouges et le regard fuyant. La honte totale, mais c’est pas comme si ce n’était pas habituel chez moi.

⁃ Voulez-vous que je vous ramène chez vous ?⁃ Non ! Je veux dire, c’est très gentil, mais je n’aime mieux pas. Il y a un comité de commères officieux

et je ne veux pas être leur objet de commérage particulier.

Il me regarde fixement, le visage neutre et hoche la tête.

⁃ Alors, je ne vous retiens pas plus. Merci d’être venue.

Comme si j’avais eu le choix ! Je lui souris en retour. Inutile d’être désagréable. Il me tient la porte ouverte et je souffle bruyamment lorsque j’entre dans l’ascenseur. Bien ! Ce ne fut pas si terrible, mais je sens que ce n’est qu’un début !

Je baille ostensiblement en attendant l’ascenseur. Pour une fois je ne suis pas irritée de le voir

30

Page 31: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

arriver si lentement. La ligne du métro que je prends habituellement a eu un problème et après quarante-cinq minutes d’attente, j’ai fini par prendre le bus, mais il était en retard et bondé, ce qui n’arrange jamais l’humeur des passagers. Près de deux heures après avoir quitté l’entreprise, je suis enfin chez moi. Aussi que l’ascenseur lambine ne me fait aucun effet. Le petit « clinc » qui annonce l’arrivée me redresse de ma pose avachie contre le mur. Les portes s’ouvrent et Roegiers sort en terminant de fermer sa chemise. Je regarde son torse bien musclé comme il faut avant de lever les yeux et de soupirer profondément.

⁃ Vous n’êtes pas resté plus tard en heures sup à votre bureau ?⁃ Non. J’ai juste pris les transports en commun qui ne me transportent jamais de joie !

Il a un petit rire qui fait apparaître deux fossettes à ses joues le rendant encore plus séduisant. Je déteste les beaux mecs, ils me font flipper à donf ! Je fais une moue de dérision, lui souhaite une bonne soirée et manque me faire attraper par les deux portes de l’ascenseur qui commençait à se fermer. Je fais un bon en avant et ai juste le temps de voir le petit sourire amusé détendre les lèvres pleines de Roegiers. Comme j’ai dit, je déteste les beaux mecs !

21.

Nicole est partie déjeuner avec son nouveau plan sentimentalo-sexuel-pré-déception. Vu comme elle encense le rendez-vous, c’est le fracas assuré ! Je suis déjà passé par là et elle plus que moi, mais cela ne l’empêche nullement de donner un max d’elle et pratiquement toujours à perte. Quand je pense que c’est une matheuse doublée d’une bonne économiste, même si ce n’est pas dans cette branche qu’elle travaille, je suis toujours bluffée de la voir se fourrer dans des situations où c’est zéro pointé bénéfices. J’ai terminé les deux projets que Vanessa-Pétasse m’a donné il y a deux jours avec mission de les lui renvoyer via mail dans les quatre jours ouvrables, aussi je peux impunément me mettre à un projet perso pratiquement fini, puis au projet « patron ».

Quand Nicole revient toute guillerette de son déjeuner, je suis fourrée en plein dans le projet de Roegiers et totalement fascinée. J’entends vaguement Nicole soupirer plusieurs fois, signe qu’elle veut me parler de sa nouvelle illusion-passion- prince charmant. Je relève la tête le regard vague, mais suffisamment clair pour comprendre que Nicole n’attendait que ce signal, même s’il est brouillé. Pendant près d’un quart-d ’heure, elle déblatère avec un bel enthousiasme sur celui qui serait l’« Homme de sa vie et des prochaines si affinités ». Je ne vois pas vraiment ce qu’elle lui trouve, à part d’être un de plus qui pourrait cloper dans son plan d’« âme sœur  », mais ce ne sera pas moi qui doucherai ce grand élan de positive -attitude amoureuse. Elle est tout à fait à même de retomber sur terre avec toujours un peu plus de déception à la clef. Peut-être suis-je trop dure et cynique, mais ce n’est pas la première fois que je la ramasserais à la petite cuillère. Nicole, c’est une dure qui a un cœur très marshmallow et guimauve à donf. Ça n’aide pas du tout.

⁃ Tu vois… c’est comme si quelque chose me disait qu’il est celui que j’ai toujours attendu sans même m’en rendre compte.

Je hoche la tête, espérant qu’elle en est à sa conclusion. Je veux retourner au projet, c’est top dar. Je ne le voyais pas comme ça, Roegiers, mais il en a vraiment dans le ciboulot et ça me plaît.

⁃ Je vais te laisser à ton projet, je vois que tu as bien avancé. Tu as mangé quelque chose, hein ?⁃ Oui, oui !⁃ Autrement dit, « non, non ». Je file te chercher quelque chose au réfectoire, mais si à cette heure-ci et

vu le jour que l’on est, cela a sûrement été razzia et compagnie.

31

Page 32: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Euh oui, bien !

Nicole secoue la tête en marmonnant, ce qu’elle fait toujours quand j’oublie de manger quelque chose. Je suis pas très branchée bouffe, même si j’adore manger un bon plat quand je m’y mets. La porte se referme et je replonge dans le projet et mes notes. Actuellement, j’ai plus de notes que ce que le projet qu’il m’a succinctement remis a d’informations. Nicole me dépose deux sandwiches et une cannette ainsi que deux desserts. J’adore les desserts. Je lui dis merci et repart dans mon trip.

Quand je relève la tête, je vois Nicole rangeant ses affaires sur son bureau et mes sandwichs et mes desserts toujours en attente d’être mangé. Mon ventre pousse un furieux rugissement. Je fais la moue.

⁃ Heureusement que ce n’est pas un repas chaud que je t’ai apporté, il serait glacé à l’heure actuelle !⁃ Heureusement. ⁃ Tu es encore plus absorbée dans ton trip laborieux que d’hab. ! A vue de nez, je dirais que c’est le projet

« super chef sexe » ?⁃ Tu dois avoir le nez bouché. ⁃ Non, il est débouché pour ce que j’en sais. Alors ?⁃ Alors, quoi ?⁃ Il est comment ?⁃ Qui ?⁃ Le projet !⁃ Super intéressant et très viable, je suis en plein dans la structure, mais les idées ne me manquent pas.

C’est vraiment très intelligemment conçu en général et vu comme je carbure des méninges, niveau particulier c’est potentiellement très rentable.

⁃ Ah oui ! Très particulièrement, tu vas rentabiliser à donf et niveau perso c’est tout bénef !

Je ris un peu en soupirant.

⁃ Tu ne penses qu’à ça !⁃ Pas seulement penser, j’aime mettre en pratique et pas qu’une fois ! J’aime approfondir le sujet !⁃ Nicolette !

Elle rit à gorge déployée. Elle a une veine tordue qui ressort de temps en temps.

⁃ Bon, j’y vais ! Le plaisir n’attend pas !

Elle me fait un salut très peu protocolaire et sort en refermant la porte doucement. J’entends le bruit des sorties des autres bureaux. Je vais terminer ce que je suis en train d’écrire, mais avant je vais manger. Je suis au bord, là ! Vingt minutes plus tard, je suis rassasiée. Je me remets à la tâche et perds à nouveau la conscience de tout. Le soir semble être tombé et le plafonnier est allumé. J’essaie en vain de me rappeler si je l’ai allumé, en vain.

⁃ Travailler dans le noir n’est pas recommander pour les yeux, ni pour rien en général.

Je sursaute et renverse ma canette qui est heureusement vide, ce qui fait un raffut d’enfer. Je rattrape in extrémis un autre gobelet qui trainait non loin et c’est moi qui finit par terre. Le grand patron se précipite vers moi et m’aide à me remettre sur pied. Je suis un instant trop prêt de lui, mais je fais un pas en arrière et tombe dans mon siège. Il se recule également avec un petit sourire amusé aux coins des lèvres, mais ne fait aucun commentaire.

⁃ N’avions-nous pas convenu que les heures sup n’étaient plus acceptées ?

32

Page 33: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Je ne dis rien, occupée à mettre en pause et en sauvegarde mon travail. Je relève la tête et le regarde fixement.

⁃ Quelle heure est-il ?⁃ Il est 20 heures 17 minutes.⁃ Merde alors ! J’allais juste mettre le point final au travail, mais j’ai dû perdre la notion du temps.⁃ Quelque chose qui semble habituel en ce qui vous concerne.⁃ Il parait.

Il a un petit rire.

⁃ Remballez vos affaires et nous rentrons.⁃ Je préfèrerais…⁃ Et moi je préfèrerais que vous ne fassiez pas d’heures supplémentaires, mais il me semble que ce n’est

pas gagné d’avance en ce qui vous concerne !

J’hausse les épaules et ne réplique rien. C’est bon pour cette fois-ci, parce que je suis épuisée, mais j’espère bien que cela ne va pas devenir une habitude.

22.

Je suis en retard. Pour changer. Je marche vite, histoire de réduire mon temps de retard, mais c’est peine perdue. Les couloirs sont vides et ma montre affiche trente-sept minutes trop tard. Prescard apparait sur le pas de sa porte, tapote sa montre et soupire profondément. Nul doute qu’il sait que j’ai fait des heures sup et tout le toutim. Je fais un rictus désolé et file dans mon bureau. Nicole me voit entrer en trombe. Elle a allumé mon PC et a préparé ma table pour commencer mon turbin avec en prime un petit plateau petit déj complet. Je range mes affaires dans le tiroir, pend ma veste au porte-manteau et lui lance un regard interrogatif.

⁃ Ce soir nous sortons.

Je réfléchis pour savoir si j’ai oublié l’un de nos rendez-vous, ce qui m’est déjà arrivé, mais je ne me souviens de rien en particulier.

⁃ Ah oui ?⁃ Oui. ⁃ C’était… prévu ?⁃ Non. Pas depuis ce matin tôt.⁃ Je n’étais pas là quand tu as concerté ce rendez-vous avec moi.⁃ Non.⁃ Bien ! Donc ?⁃ Donc, je t’ai apporté des vêtements ad hoc et on file à Liège pour une soirée à quatre dans un bar-restau

pas mal du tout.⁃ Bien ! Et avec qui au juste allons-nous partager ce rendez-vous ?⁃ Avec Trevor et Allan.⁃ Inconnus au bataillon ! ⁃ Oui, mais plus pour longtemps puisque tu vas les rencontrer ce soir.⁃ Et tu les connais bien ?

33

Page 34: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Point de vue biblique ?⁃ Entre autres…⁃ Trevor, oui. On a eu un truc ensemble, il m’a appelé hier soir et sa voix était… enfin, ça m’a rappelé

des bons souvenirs. Allan c’est un copain d’enfance qu’il a revu par hasard et il m’a proposé une virée. Mais avec eux deux seules, je ne le sens pas, donc, je t’invite à cette soirée.

⁃ Et je n’ai pas mon mot à dire.⁃ Non. ⁃ Tu sais comment est cet Allan ?⁃ Non. Mais connaissant Trevor, il doit être pas mal et aussi intéressant.⁃ Je viens, puisque tu insistes…⁃ J’insiste…⁃ Mais je rentre et me change avec des vêtements à moi.⁃ T’es sûre ? Je t’ai apporté un ensemble très…⁃ Court et sûrement près du corps et tu sais que j’aime pas trop.⁃ Oui, mais, il est…⁃ … pas portable pour moi et c’est sans appel !⁃ OK !

On tope virtuellement et on commence à travailler.

⁃ Dis-moi… t’étais pas avec un Trent qui était l’homme de ta vie ou un truc du genre ?⁃ Il aurait pu, mais il s’est transformé en crapaud et j’ai dû laisser béton !

Autrement dit il a une quequette trop petite et il n’assurait pas côtés préliminaires et performances. Je commence à la connaitre et à décrypter ses explications. La journée se passe sans autre commentaire. Je mets la dernière touche à l’élaboration du projet Roegiers. Il a tenu paroles, je n’ai pas été molestée par Vanessa-Pétasse. Demain, je présente mes idées et j’appréhende un peu. C’est pas comme si je savais comment il travaille, ce qu’il attend vraiment et si nous allons clopé à ce niveau-là. Avec Vanessa-Radasse, j’ai trouvé un bon modus operandi et je m’y conforme en m’adaptant selon les changements qu’elle fait au pif. C’est la championne toutes catégories de changer des choses au moment même, de façon spontanée et selon les circonvolutions tordues d’un cerveau malin qui n’arrête jamais de carburer. Elle me gonfle, mais je la connais et cela réduit les inconvénients qu’elle m’occasionne. Mais lui  ? Je ne sais pas. C’est le Big Boss et d’après ce que je sais, ils n’en font qu’à leur tête et ils n’admettent pas la contradiction. Ceci dit, je n’en sais rien, j’ai finalement jamais eu beaucoup de contact avec la Grande Direction de l’entreprise. En général, je passe par les subordonnés inférieurs. Nicole se lève, je sauvegarde tout et me prépare à quitter les lieux à l’heure sous le regard brillant et quelque peu coquin de Nicole. Qu’est-ce qu’elle va encore inventer ? Les blind date, ça me fout les chocottes et j’ai pas trop de bons souvenirs des trois fois que j’ai eu des rendez-vous à l’aveugle comme cela. Mais bon… ici, elle connait un des deux et je peux croire que ce ne sera pas une soirée complètement pourrie et, delà, décevante.

23.

Merde ! Je suis presqu’en retard. J’essaie de refermer la tirette de ma robe, une de toute beauté qui me souligne les formes de façon séduisante sans vulgarité. J’ai une forte poitrine, mais je suis mince de partout, ce qui mets encore plus en évidence mes seins. Je les aime bien, même si des fois, ils m’encombrent un peu. Et je passe sur les regards concupiscant et humiliant de certains beaufs. Je déteste ceux-ci, mais que puis-je faire ? D’ailleurs c’est un peu un critère de sélection pour moi. Si un mec a un regard trop libidineux par rapport à mes seins, je ne le revois plus et il peut faire une croix sur mettre les mains dessus ou autre chose ! Je sors de l’ascenseur en pestant sur sa légendaire lenteur et sur cette

34

Page 35: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

crémaillère que je n’arrive pas à fermer quand je tombe presque sur Roegiers qui s’apprête à monter dans l’ascenseur. Je me suis coiffée en conséquence et je me suis même maquillée. Rien de trop voyant, mais cela souligne ce qui doit être souligner. Comme je ne me maquille jamais au turbin, je sais que cela se remarque plus. Il me regarde de haut en bas en appréciant ce qu’il voit d’après le petit sourire qui danse sur ses lèvres.

⁃ De sortie ?⁃ Oui.

Je suis encore une main dans le haut du dos essayant de tirer sur cette foutue crémaillère sans résultat. Je vais être en retard, sûr !

⁃ Désirez-vous un coup de main ?⁃ Comment ?⁃ Pour votre tirette ou la fermeture que vous avez dans le dos.⁃ Oh oui, je veux bien. Je me demande si ce n’est pas coincé ?

Il me tourne dos à lui, chasse quelques mèches échappées de mon chignon un peu lâche, j’ai de longs cheveux, et je sens enfin la tirette s’élever lentement dans le haut de mon dos. Il a laissé glisser un doigt à l’intérieur durant l’opération, ce qui m’a donné un sacré frisson. Cet homme est dangereux.

⁃ Voilà, c’est fait. Vous pouvez vous tourner.⁃ Merci ! ⁃ Laissez-moi vous aider…

Il me prend le châle des mains et le passe sur mes épaules en partie dénudée. Il en profite pour subtilement me caresser du bout des doigts les clavicules et je rougis intensément. Il fait un pas en arrière et je regarde ses chaussures fixement.

⁃ Je vous souhaite une excellente soirée.⁃ Oui, moi aussi.

Je le contourne sans demander mon reste et je sens son regard suivre mes pas malhabiles avec les chaussures à talons compensés de dix centimètres. Je ne supporte pas les talons aiguilles.

Je suis sur le point de m’impatienter. Le cop de Trevor, Allan, copain intime et des rencontres sporadiques de Nicole, est sympa, belle prestance, un air de voyou gentil et un peu bohème avec une tignasse de cheveux un peu longs, frisés, entre un blond décoloré par le soleil et un brun clair. Baroudeur ? Aventurier ou seulement aimant le plein air ? Les roucoulements de Nicole couplés à ceux de baryton de Trevor ne m’aident pas. Nous avons interchangé, Allan et moi quelques propos anodins qui ne mangent pas de pain et nous sommes au même point. Qu’est-ce qu’on fout ici ? Je le regarde pendant qu’il boit une gorgée d’un vin pas mauvais du tout et au prix exorbitant, ce qui n’est pas forcément un critère, mais il semblerait que ce soit le cas tout de même. Il relève la tête. Il a des yeux de bébé, mais qui voit tout, comprend tout et en a vu d’autres. Pas candides pour deux sous. Sa mise est soignée, mais on sent qu’il n’est pas très branché fringues. Un quelque chose de je-m’en-foutiste dans sa manière de bouger et d’être bien dans ses vêtements. Je ne sais pas bien expliquer, mais relax est le mot qui pourrait le mieux définir cette manière d’être. Il dépose son verre qu’il a tenu un moment, les yeux dans le flou. Il reporte son regard sur moi et me sourit gentiment, de ce sourire que l’on réserve quand on est cordial et qu’on ne sait trop quoi faire d’autre.

⁃ Ils devraient se marier.

35

Page 36: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Pardon ?⁃ Oui. Nicole et Trevor devraient convoler en justes noces.⁃ Mais… Ils ont déjà été ensemble et cela n’a pas marché.⁃ Oui. Mais c’était fomenter par leurs doutes à pouvoir se compromette durablement dans une relation.⁃ C’est idiot ! On ne sait jamais combien de temps durera une relation. Tu le sais, je le sais, mais eux

vraisemblablement pas. C’est comme vouloir une garantie éternelle tous risques sur quelque chose qui subit toutes les fluctuations possibles et imaginables et inimaginables surtout.

Je regarde le couple improbable et leur complicité est patente et saute à la vue.

⁃ Bien ! Mais, mariage ?⁃ Nicole n’attend-t-telle pas le prince charmant ?

Je réfléchis un peu à tout ce que je sais de ses relations passées et des attentes et autres qu’elle a.

⁃ Oui. Pas faux.⁃ Pareil pour Trevor.⁃ Le prince charmant ?

Il rigole et c’est un son très séduisant et sexy.

⁃ Non.

Il baisse les yeux.

⁃ La princesse charmante. Ils sont séducteurs dans l’âme et par nature charmants, ce serait le couple parfait.

Je le regarde à nouveau.

⁃ Vu comme ça.

Il hoche la tête avant de reboire une gorgée. Pas de doute, il est fin connaisseur en vin. Et en autres choses aussi ?

⁃ Et toi.⁃ Quoi, moi ?⁃ Pourquoi tu n’as pas de compagnon ?⁃ Ah… je n’ai pas droit au prince charmant ?⁃ Tu en voudrais un ?⁃ Non ! J’ai passé l’âge de croire aux contes de fée, surtout la partie : se marièrent et eurent beaucoup

d’enfants. ⁃ Idem pour moi.

J’ajoute de voir s’il va ajouter : « nous sommes faits pour être ensemble », mais il reprend une gorgée de vin qu’il savoure. C’est bien ce qu’il me semblait.

⁃ Depuis combien de temps te plaît-il ? Et le sait-il ?⁃ S’il le sait, il fait comme s’il ne le savait pas. Nous nous connaissons depuis l’enfance. Frère

pratiquement. ⁃ Tu gardes encore de l’espoir ?

36

Page 37: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Non ! Il est hétéro total et complet et moi je suis bi. Il ne m’est pas difficile de rencontrer quelqu’un et mon bonheur est plus grand si lui est heureux.

⁃ Tu l’aimes vraiment.⁃ Oui.

Il a un sourire un peu triste en regardant vers le bas, tournant le verre dans ses longs doigts fins et puissants. Il semble avoir des cals aux doigts. Travail manuel ?

⁃ Tu es un vrai ami.⁃ Oui. Je l’espère et la réciproque est vraie.

Je hoche la tête. Il me plaît bien, mais comme ami. Nicole et Trevor reprennent conscience qu’ils ne sont pas seuls et que nous sommes là. A partir de là la soirée se poursuit entre rires, sourires, anecdotes et autres menus propos qui nous mènent en fin de celle-ci avec la panse bien remplie et surtout le sentiment d’avoir passé un excellent moment.

24.

Trevor a reconduit une Nicole un peu éméchée, mais toujours partante d’après les œillades qu’elle coule à un Trevor pas moins allumé et même illuminé, de là à penser qu’ils vont faire des étincelles, c’est un chemin que je ne vais pas parcourir. Nicole habite à l’opposé de moi, ce qui l’arrange bien, puisqu’Allan habite pas trop loin de chez moi, du moins dans la même commune. Quoi qu’il en soit, l’objectif de Nicole et, peut-être de Trevor, semble atteint. Allan n’a pas bronché au moment où on lui a demandé poliment de me raccompagner. Il a acquiescé et affirmé que c’était un vrai plaisir. Je le crois sans peine, il est très gentleman et j’apprécie, féministe ou pas. Qu’un homme soit prévenant, moi ça me branche. Je crois qu’on devrait arriver à faire la part des choses dans la lutte féministe. J’en ai un peu ma claque d’entendre des femmes s’offusquer pour des conneries et ne pas considérer ce qui est vraiment du domaine de la lutte féministe. Je m’emballe, mais il y a de quoi certaines fois. De plus… c’est un peu un de mes dadas, grand-mère rebelle et révolutionnaire oblige ! Pensons à autre chose.

⁃ Belle soirée.

Je ricane intérieurement. Comme mièvrerie, on fait pas mieux ! Pour dire cela, autant que je la ferme !

⁃ On va vraiment jouer à ça, commentaires ternes et passe-partout ?⁃ Non ! Mais je ne sais pas trop quoi dire et quoi faire.⁃ Fais comme tu as fait toute la soirée, c’était parfait.

Je ne sais que répondre.

⁃ Je n’ai pas beaucoup d’amies. Cela te dirait que nous devenions amis toi et moi ?⁃ Avec plaisir. Je te vois déjà comme cela.⁃ On est fait pour s’entendre.⁃ Oui. Maintenant que tu as compris pour moi et Trevor, je me sens heureux et aussi soulagé qu’une autre

personne de confiance le sache et que je puisse en parler en toute connaissance de cause. C’est toujours difficile de parler de ce genre de chose.

⁃ C’est même carrément impossible. Les gens se méprennent à conscience ou pas ou ne veulent pas comprendre et je ne sais pas ce qui est le pire.

⁃ Les deux. J’ai déjà eu les deux et, même couplées, c’est éreintant.

37

Page 38: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Wep ! J’imagine bien.

Le trajet se poursuit dans une entente silencieuse qui est très plaisante.

⁃ Nicole est quelqu’un de bien.⁃ Trevor aussi.⁃ Espérons qu’ils sauront le voir.⁃ Espérons.

La nuit est avancée quand nous approchons de mon appartement, mais je me sens bien et pas fatiguée, même si demain c’est journée laborieuse. Je lui indique la rue, le bâtiment où se trouve mon appart. Il trouve miraculeusement à se garer. Il se tourne vers moi et se pince les lèvres.

⁃ Tu veux prendre un dernier verre ? En tout bien tout honneur.⁃ Merci de le proposer, j’en ai très envie.⁃ Alors, andiamo !

Nous arrivons devant mon ascenseur qui semble encore plus lent. Il ralentit de nuit  ? Quelle plaie ! Enfin les portes s’ouvrent. Roegiers est dedans, la chemise déboutonnée, la veste sur l’épaule et la cravate dans la main. Il me regarde fixement, puis Allan.

⁃ Bonsoir.⁃ Bonsoir.

Allan sourit à mon voisin et il règne un silence de mort. Péniblement nous arrivons à l’étage de mon patron qui nous sourit avec un sérieux neutre. Je respire profondément et soupire aussi.

⁃ Tu en pinces pour lui depuis quand ? Et le sait-il ?⁃ C’est mon patron, un des grosses pointures de l’entreprise dans laquelle je travaille.⁃ Roegiers. Mais on l’a toujours appelé LT.⁃ LT ? Pour Louis Thomas.⁃ Non. Pour le Tombeur.

J’ouvre la porte de mon chez moi, la lumière, lui fait signe d’entrer dans mon salon-séjour et vais dans la cuisine pour nous rapporter du vin. J’ai une bonne bouteille. Pas très chère, mais je connais mon affaire et les lieux où il y a de bons crus à des prix intéressants, voire vraiment pas chers. Je sors deux verres à vin et m’assoit dans le fauteuil dans ma pose préférée. Allan nous sert.

⁃ Donc, tu disais sur Roegiers, LT ?

25.

Il prend son temps pour humer et savourer le vin. Il hoche la tête en me souriant. Il approuve, vu le fin connaisseur qu’il est je le prends comme un compliment.

⁃ Ton intérêt pour lui est flatteur.⁃ Peut-être, du moment qu’il ne s’en rende pas compte.⁃ Je vois que tu l’as bien cerné, à moins qu’il n’ait changé…⁃ Je ne sais pas…

38

Page 39: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Je lui raconte notre première rencontre et Allan rit tellement qu’il en pleure. Moi-même rétrospectivement, je me marre aussi. Il se frotte les yeux et a un dernier hoquet de rire.

⁃ Il n’a pas changé. Au moins, tu as déjà vu ses attributs qui, à l’époque, étaient déjà pas mal, avec l’âge, mieux sans aucun doute.

⁃ Nicole m’a fait une réflexion similaire. Vous êtes vraiment branché cul.⁃ Pas toi ? Pour ce que j’en sais tout le monde l’est et cette curiosité est saine et normale. Le contraire

pourrait être inquiétant. Les humains sommes des bêtes sexuelles que nous le voulions ou pas. ⁃ Tu le connais d’où ?⁃ Ados. Nous étions dans la même année scolaire, mais moi j’étais en classique et lui science-math.

J’étais alors l’ado dans toute son horreur, en surpoids, un appareil dentaire, une coupe de cheveux presque à ras, des lunettes de correction, ce qui fait que maintenant je n’ai plus besoin d’en porter et bien sûr habillé comme l’as de pique. Tout un programme.

⁃ Je vois parfaitement, on en avait un similaire dans mon année scolaire.⁃ J’imagine que toutes les écoles et toutes les promotions en ont au moins un. ⁃ T’étais geek aussi ?⁃ On ne disait pas ça à mon époque, mais je l’étais aussi.

Je me rappelle de ce garçon, Michel et il y avait aussi une nana, Olivia. Elle était pas mal, mais son adolescence la rendait comme il s’est décrit.

⁃ Lui, c’était le mec dont toutes les nanas et certains mecs aussi recherchaient et pas seulement pour son apparence, mais aussi pour son charisme et sa personnalité. Il aurait pu être plus con, vaniteux et se la péter vu sa notoriété et l’adulation dont il faisait l’objet, mais il est intelligent et déjà à l’époque, il sortait du nombre pour cela aussi. Les profs l’appréciaient vraiment et bien sûr, il y avait toujours des envieux. Je dois dire qu’il a toujours été réglo et sympa.

⁃ Il t’attirait ?⁃ Oui. Je n’étais pas assez inconscient pour lui rentrer dedans avec mon attirance et avec ma dégaine, cela

aurait été du suicide, mais c’est pas l’envie qui manquait.

Il a un regard perdu et rêveur. Je ne suis pas certaine de vouloir connaitre la teneur de ses pensées.

⁃ Et maintenant que tu l’as revu succinctement et avec ta dégaine actuelle, tu te sens encore attiré par lui ?

Il a un regard de côté et un petit sourire malin.

⁃ Pas du tout intéressée par la question, je vois. Je te rassure tout de suite. Ce béguin m’est passé et il n’est plus mon genre.

⁃ Tu as un genre ?

Il me regarde en fronçant les sourcils. Je fais une moue de dérision et il ne me répond pas. J’aime mieux. A question idiote, un silence est de rigueur.

⁃ Je ne sais pas ce qu’il est devenu, s’il est plus vaniteux ou pas… qu’il soit sûr de lui niveau sexuel, j’imagine bien. Il a eu amplement le temps de savoir sa valeur à ce niveau-là. On ne l’appelait pas LT, Le Tombeur pour rien. Pas qu’il profitait de cela, mais vu l’offre, il aurait été bête de s’en priver. De là qu’il en ait conçu un sentiment de supériorité à ce niveau-là ne serait pas surprenant. Mais cela serait étonnant tout de même.

⁃ Donc, tu me le recommandes ?⁃ Je ne suis personne pour lui et ce n’est pas mon genre. Je crois que c’est à chacun de voir et de se faire

une opinion et en conséquence de quoi de savoir ce qui lui convient ou pas. C’est pas une

39

Page 40: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

marchandise !

Nous restons silencieux, chacun perdu dans ses pensées.

⁃ Il est presque six heures du matin. Je commence à neuf heures.⁃ J’ai un congé de deux semaines. Je n’ai pas d’heures.⁃ Tu veux rester dormir, j’ai une chambre d’amis. Et rouler avec ce que tu as bu…⁃ J’accepte. Je n’aurais pas pris la voiture, mais un taxi.⁃ Pas de taxi et entre amis…

Une demi-heure plus tard, nous sommes entre les bras de Morphée, du moins moi.

26.

Je suis arrivée avec 17 minutes de retard. Allan dormait encore. J’ai eu juste le temps de lui laisser un message et de filer. Je suis enfin dans mon programme quand un coup sur le battant nous fait redresser la tête. Nicole a un air un peu chiffonné. Je finirais bien par savoir ce qu’il en est, mais à vu de nez, je dirais qu’elle a passé une nuit d’enfer ! Roegiers entre, toujours aussi impeccable dans son costume-cravate. Comment fait-il ? Il est aussi rentré tard. C’est l’habitude ? Il salue formellement Nicole et se tourne vers moi.

⁃ Mademoiselle Vigne, pouvez-vous m’accompagner afin que nous voyions ce projet ?⁃ Oui, bien sûr.⁃ Si vous avez une tâche plus urgente, prenons un rendez-vous…⁃ Non, non, je viens maintenant, je suis à jour. Le temps de prendre ce qu’il faut…

Je compile ce dont j’ai besoin, referme les files et prends mes clefs USB et le suit. Nous arrivons dans son bureau.

⁃ Prenez-place, je vous prie.

Je m’assois après avoir déposé mon barda sur son grand bureau en partie dégagé. Il prend place dans le siège près du mien, ce qui me fait rougir légèrement. Il sent divinement bon, ça ne va pas être de la tarte !

⁃ J’espère que votre nuit n’a pas été trop courte.⁃ Non, ça va. Je n’ai pas besoin de beaucoup d’heures de sommeil.⁃ Vous connaissez depuis longtemps Allan Depuissier ?⁃ Vous l’avez reconnu ?

J’écarquille les yeux en le regardant. Il arbore la même mine compassée et neutre que toujours.

⁃ Il n’est pas si différent de l’époque d’ado, même si des différences notoires sont patentes depuis l’époque.

⁃ Vous avez remarqué.⁃ Je remarque toujours beaucoup de choses.

Je ne rétorque rien, le chat de Cheshire m’a toujours fasciné et inspiré une grande réflexion et prudence. Je pose sur le plateau de la table mon ordinateur avec ce que j’ai conçu comme idées et aussi des notes et quelques graphiques pour mieux illustrer certaines de mes propositions. Je lui présente les différents

40

Page 41: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

projets que j’ai préparé pour lui et mets sur écran l’équivalent, mais en 3D. Le projet n’a pas vraiment besoin d’une représentation graphique, mais j’aime illustrer ce que j’expose, cela me semble plus clair et plus concret. Je n’envisage jamais un projet sans cette partie. Roegiers lit ce que j’ai tapé et le compare avec le projet en 3D. J’attends, le ventre noué comme à chaque fois. Non, pire. Je me découvre un désir d’être approuvée supérieur à celui que j’ai normalement, ce qui en dit sûrement plus que ce que je veux bien avouer sur ce que je ressens pour ce type. Les minutes passent, interminables et j’en mène de moins en moins large. Il relève la tête et regarde dans le vide. Mauvais présage, bon ? Il pose son regard sur moi et reste quelques secondes à me regarder.

⁃ Quoi ? Vous n’aimez pas ?

Il reste impassible et je résiste au besoin de lui en envoyez une en pleine face. Il reste mon patron, outre mon voisin, ça risque de virer à l’incident diplomatique.

⁃ C’est exactement ce que je désirais. Je n’ai pas de mots pour vous signifier ce que je pense de ce travail. Vous avez su capter ce que je désire et cela prouve d’autant plus votre talent et votre créativité. Un actif parfait pour cette entreprise.

Il s’arrête de parler et j’ai la sensation qu’il veut me dire quelque chose me concernant, mais que ce n’est pas le moment ou trop tôt. Je ne vais pas insister, mais maintenant ma curiosité est réveillée.

Durant les deux heures suivantes, nous parlons de ce projet. Je sais enfin ce qu’il compte faire pour l’entreprise et ce projet est non seulement porteur, mais galvaniseur et ouvrira sans doute des possibilités commerciales très bénéficiaires. Etant, d’après ce qu’il m’a dit, économiste, il a également une vision des coûts probables que rapporteront ce projet et les marges bénéficiaires, ce que je n’ai pas toujours à l’esprit. Avec le temps, je commence à avoir une idée plus précise de ce qui n’est pas rentable ou viable pécuniairement, mais je suis loin du compte. Mon poste est créatif et un peu plus selon les projets et les chefs de projets et maintenant la Direction via Roegiers. Il s’étire longuement sur son siège ergonomique et la chemise en fin coton se tend sur des pectoraux qui sont passés par un gymnase, mais de façon normale, pas bodybuilder. Il est vraiment canon, je dois l’avouer et cela m’excite.

⁃ Nous avons mérité une pause et un petit déjeuner substantiel.⁃ Il n’est pas un peu tard pour un petit dej ?⁃ Pas si les personnes n’ont pas vraiment déjeuner depuis leur réveil.

J’ouvre la bouche, la referme. Pas faux. Aussi, il a également eu une courte nuit. Intéressant.

27.

Nous sirotons un petit dej qui est absolument délicieux. Je savoure chaque bouchée avec délectation. Je ne sais pas qui l’a concocté, mais c’est du pur art. Depuis le jus d’orange frais et nature, jusqu’aux petits pains et aux couques au beurre, moelleuse et légère qui fondent dans la bouche. Je suis aux anges. Je soupire d’aise, les yeux fermés, dans un état extatique.

⁃ Je suppose que cela vous a plu.⁃ Oh que oui. C’est un chef et pas petit !⁃ J’en suis très heureux. C’est une spécialité de Prescard, à ma demande.⁃ Je me disais aussi ! Les petits dej sont bien, même très bien, pour quelqu’un comme moi qui n’a pas la

veine de cuisinière et même de mangeuse, mais ce niveau, c’est exceptionnel.

41

Page 42: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Je transmettrai les compliments.⁃ Je le ferai moi-même.

Je n’ajoute pas que Prescard est une vraie boite à surprises, mais il semble le comprendre. Il a un fin sourire. Il se met à débarrasser, je vais pour l’aider, mais il me fait « ts-ts » en secouant la tête. Il n’a pas tort, je ne suis pas très habile et même gaffeuse, ce n’est un secret pour personne. Il m’enjoint à revenir à sa table de travail qui est un vrai chantier entre nos PC, sa Tablet, nos téléphones mobiles, mes carnets, nos feuilles éparses et autres. Une vraie table de travail comme je l’entends.

⁃ Où en étions-nous ?

Durant les heures qui suivent, nous nous remettons au travail, peaufinant les lignes directrices du projet. J’écoute avec attention ce qu’il me dit et lorsque je vois ce qu’il veut, je mets sur papier et en 3D son idée. Sur cette base de travail, nous progressons à grands pas. Insensiblement l’après-midi finit lorsqu’un coup sur le battant et l’ouverture de la porte nous annonce l’entrée de quelqu’un. Prescard.

⁃ Je viens vous signaler qu’il est 19 h 10 et que les bureaux sont pratiquement vides. Je pars moi-même.⁃ Merci, Monsieur Prescard de nous prévenir. Effectivement, il est plus que temps de quitter l’entreprise.

Bonne soirée à vous !⁃ Idem pour vous deux.

Prescard referme le battant sur un dernier sourire. Il semble qu’il y a une certaine complicité entre eux deux que je perçois plus que de visu.

⁃ J’ai travaillé dans sa taverne comme job étudiant et nous avons sympathisé très rapidement. C’est un excellent gestionnaire, mais sa taverne commençait à être trop étroite pour lui et son intelligence. Disons que je l’ai introduit dans cette entreprise et nous n’avons eu qu’à nous réjouir de notre choix.

⁃ J’ai eu l’impression qu’il était plus qu’il ne montrait.⁃ C’est le cas. Si nous terminions ce dernier point et que je vous invitais à un restaurant avant de revenir

chez nos respectives demeures ? A moins, bien sûr que vous n’ayez quelque chose de prévu ce soir…

Subtil, mais pas assez. Je ne vois pas Allan tout de suite, mais il revient demain pour une soirée jeux de sociétés. Il est comme moi, il adore les jeux de salon et il ne trouve pas souvent des personnes qui les aime autant que lui. Ce sera une excellente soirée, je pense.

⁃ Non, non, rien de prévu ce soir… C’est vrai que je commence à avoir un petit creux, Nous avons sauté le déjeuner, pas étonnant.

⁃ Parfait ! Nous finissons ici et nous partons.

Dans le quart-d’heure qui suit, nous finalisons la tâche entamée, je sauvegarde les travaux sur les clefs USB et sur sa Tablet. Je remets en un tas symétrique mes feuilles et les places dans mon sac que Nicole m’a apporté à un certain moment de l’après-midi. C’est sans doute Roegiers qui s’est occupé de cela, quand je suis concentrée sur quelque chose qui me passionne… Roegiers me regarde faire avec un air placide et énigmatique.

⁃ Vous gardez toujours tout sur une clef USB ?⁃ Oui. Je n’ai pas confiance dans les ordinateurs.⁃ Ils sont conçus avec suffisamment de code sécuritaire et de pare-feu et autres pour éviter qu’on ne

puisse les craquer ou même les hackers. Pourquoi ne pas les garder sur Clouds ?

42

Page 43: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Oui. Je n’en doute pas, mais une seule fois a suffi pour que je désire prendre une précaution supplémentaire. Et le Clouds reste dans l’espace cybernétique.

⁃ Quand vous dîtes une fois suffit… Ici dans l’entreprise ?

Je ne réponds pas la question, je commence à le connaître un peu et il est homme à vouloir savoir ce qu’il en est. Je ne veux pas qu’il le fasse et qu’il mette en difficulté la personne qui la fait.

⁃ Votre silence vous honore, mais sachez néanmoins que je suis très déterminé quand je désire savoir quelque chose.

Je hoche la tête. Bonne chance ! Je pense que j’ai définitivement brouillé toutes les pistes, mais bon, s’il découvre quelque chose, ben, tant pis !

28.

Je regarde avec attention la carte des différents plats et autres boissons proposées par ce petit resto très sympa que je ne connaissais pas. Et je n’arrive pas à me concentrer. Un comble après la journée d’intense concentration dans laquelle je me suis submergée avec toujours autant de plaisir. C’est toujours la même chose, mon cerveau n’arrive pas à procéder à une compréhension exhaustive de ce que dit ces quelques pages, de là l’intérêt d’aller à des endroits que je connais déjà. Ça me rassure et ça ne fait pas perdre de temps à ceux qui sont avec moi. Nicole le sait et lorsque nous sortons ensemble, elle pallie à cette particularité en commandant pour moi. Elle sait ce que j’aime et heureusement j’aime presque tout. Pas les salsifis, mais bon, ce n’est pas vraiment un plat qui se propose beaucoup normalement et dans la majorité des restos.

⁃ Un souci avec les différents plats proposés ?⁃ Non, non, je réfléchis.

Roegiers me regarde avec un peu de perplexe curiosité.

⁃ Vous préférez du poisson ou de la viande ?⁃ Et vous ?⁃ J’aime les deux, mais avec une légère préférence pour le poisson.⁃ Ah oui ? Et quel poisson vous préférez ?⁃ La dorade.⁃ Ah oui ? J’aime beaucoup aussi. Si vous en prenez, j’en prends aussi.

Je commence à refermer la carte, soulagée et…

⁃ Mais ce restaurant est réputé pour ses chateaubriands avec sa garniture de petits légumes poêlés et ses frites fraîches.

⁃ Ah oui ? Alors vous allez prendre ça. Moi aussi, si c’est la spécialité maison…

Je referme le menu. Finalement, cela n’aura pas pris trop de temps et…

⁃ Mais, en même temps, ils font des pâtes fraiches délectables et cela fait longtemps que je ne les ai plus goutées. Je commence à douter si…

Il se met à réfléchir et je commence à rouvrir le menu.

43

Page 44: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Vous aimez les pâtes ?⁃ Comme tout le monde, je n’en raffole pas vraiment des masses, mais les pâtes se laissent manger

facilement.⁃ Oui, elles se laissent manger…

Il tourne les pages du menu et prend un air concentré.

⁃ Vous avez envie de quoi ?⁃ La même chose que vous.⁃ Ah oui ?

Il a un petit sourire aux coins des yeux qui me dit assez qu’il est en train de me chambrer et moi je ne marche pas, je cours.

⁃ Je veux dire que ce que vous allez prendre comme plat m’ira aussi.

Il a un petit rire. Il me sourit ouvertement.

⁃ Lela… si tu ne sais pas ce que tu veux ou si ce n’est pas clair, tu le dis et je vois quelque chose qui pourrait te plaire…

Je rougis légèrement sous son regard amical et attentif.

⁃ C’est peut-être mieux comme ça… j’ai toujours un peu de mal à choisir… il y a tellement de choix…

Il me regarde avec une lueur de compréhension. Finalement, il a pris des pâtes avec une sauce italienne typique de la maison et moi un chateaubriand à point. On va partager. C’est flippant à donf et c’est… bien.

Le repas peut enfin se déguster. Roegiers n’a pas menti, tout est délicieux. J’apprécie les mets et la conversation légère. Je me détends peu à peu et commence à apprécier vraiment ce rendez-vous… impromptu.

⁃ Vous vous appelez comment ? Je veux dire… votre prénom ?

Il me regarde en écarquillant des yeux.

⁃ Tu as de drôles de questions.⁃ Pourquoi ?⁃ Je pensais que tu le saurais. Cela fait près d’un mois que je suis dans l’entreprise et trois semaines

antérieurement que nous nous connaissons dans notre bâtiment d’appartements.⁃ Oui, je sais. J’ai tendance à ne pas me préoccuper pour les détails.⁃ Un détail, un prénom ?⁃ Non, non ! Je ne voulais pas dire cela. Je voulais souligner que j’ai souvent du mal à être attentive pour

certaines choses. C’est juste…⁃ Trop accaparée par tes projets ?⁃ Oui, c’est cela !⁃ Mon prénom est Maxime Samuel. Mais on m’appelle Maxime la plupart du temps. Mon deuxième

prénom ne s’utilise que très peu et par des personnes très proches de moi.

Bien ! Au moins, c’est clair.

44

Page 45: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Cela vous va bien, Maxime.⁃ Il parait…

Il a un fin sourire.

⁃ On va faire comment ?⁃ Que veux-tu dire ?⁃ Et bien, en privé, tutoiement, au boulot, vouvoiement.⁃ Cela fait assez bipolaire…⁃ Oui, mais…⁃ Si tu désires tutoiement, cela me va. Nous avons établi une bonne complicité professionnelle pour le

tutoiement, mais si tu te sens plus à l’aise avec le vouvoiement…⁃ Je ne sais pas. Je crois que ça dépendra des circonstances.

Il hoche la tête. Je déguste la dernière cuillérée d’une mousse au chocolat qui me fait saliver encore. Le quart d’heure qui suit voit se finaliser un repas très agréable, compagnie comprise et notre retour au bercail.

29.

Quarante-cinq minutes de retard. Je ne sais pas comment je fais mon compte, mais je le fais. Pourtant, je me suis couchée vers minuit et quelques, assez tôt d’après mes horaires nocturnes. Mais comme je n’arrivais pas à dormir, j’ai continué à approfondir certains des points vus et revus en journée. Je peux le faire au bureau et comme je vois Roegiers et sa manière de travailler, il me laissera mon espace et mon temps pour concrétiser le projet. Mais… quand j’ai des idées, je ne peux pas attendre. J’ai passé une soirée merveilleuse. Il a un don certain pour détendre. Je ne veux pas me demander s’il a ce don à tous les niveaux, mais je voudrais bien le savoir concrètement. Autant ne pas y penser. J’entre dans le bâtiment et personne ne me regarde de travers. Pour cause, tout le monde est dans son bureau. Je vois Prescard au loin qui entre dans un bureau et j’en profite pour me glisser dans le mien. Nicole relève la tête et fronce les sourcils.

⁃ Tu ne dois pas être chez Roegiers ?

Je reste plantée sur le pas de la porte.

- Merde ! Wep ! T’as raison. Merde, merde, merde ! Encore plus en retard.- Pour ça oui ! Aujourd’hui t’as cassé la baraque ! 45 minutes… Wep ! Pas de doute, tu as battu ton

propre record ! - Ben, tant qu’à faire…

Je dépose mes affaires et prends le temps de tout mettre en ordre ce qui doit être en ordre. Avec un peu de chance, il n’y verra que du feu si je lui dis que je devrais prendre des choses pour le projet.

⁃ Voilà ! J’y vais. Inutile de prolonger…⁃ Ça dépend ! Des fois, ça mérite la peine de prolonger…

Je ris un peu pendant qu’elle fait des gestes sans équivoque. Toujours branchée sexe ! J’ouvre la porte, me cogne contre quelque chose et tout ce que j’ai sur les bras tombe. Heureusement ma Tablet et mon

45

Page 46: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

portable sont dans deux pochettes unies en une et que je tiens en bandoulière. je me baisse et me cogne contre une tête.

⁃ Ouche !

Deux bras forts me tiennent à bout de bras.

⁃ Mademoiselle Vigne, il semble que nos rencontres soient toujours percutantes !

Nicole a un rire étouffé. Elle est au spectacle Je reste coite devant Roegiers qui garde son sérieux, mais qui a cette petite lueur aux coins des yeux qui ne me dit rien qui vaille.

⁃ Avez-vous tout ce dont vous avez besoin pour la journée ?⁃ Euh.. Oui. Je crois. ⁃ Parfait ! Nous y allons.

Il me prend le coude, les notes et se pend mes deux artefacts électroniques sur l’épaule, tout cela d’un mouvement fluide et sportif. J’envie les gens qui savent faire une telle chose. Je suis toujours comme un éléphant dans un magasin de porcelaine et encore, je n’ai pas la certitude qu’il ne serait pas plus agile et moins Gaston Lagaffe que moi. Je ne dis rien. J’ai un peu la honte, mais… Chassez le naturel, il revient au galop et chez moi le galop c’est avec propulseur fusée atomique, donc… Nous entrons dans son bureau. Il dépose mes affaires, se tourne vers moi, je rétrocède un pas. Il me considère, sérieux comme un pape.

⁃ Si tu veux commencer ta journée plus tard, tu…⁃ Non, non ! Même comme cela… je risque toujours d’arriver en retard.⁃ C’est endémique.⁃ Je ne sais pas. génétique, oui. Mais nous sommes les spécialistes des heures sups. D’ailleurs, c’est

sûrement ma famille qui a créé le concept.

Il a un rire bref, mais joyeux, en secouant la tête latéralement.

30.

Voilà deux heures que je travaille et je ne sais pas ce qui me fait relever la tête. Roegiers me regarde fixement. Je fronce les sourcils.

⁃ Quoi ?⁃ C’est fascinant ta capacité de te concentrer. je suis impressionné.⁃ Oui… Ben, je ne sais pas faire autrement.⁃ Ce n’est pas une critique, loin de là. C’est un compliment.⁃ Merci… je crois…

Je suis un peu gênée. J’imagine que mon retard de ce matin et qu’il vienne me chercher au bureau m’ont mise en porte-à-faux.

⁃ Tu n’as pas à t’inquiéter de rien maintenant que ton horaire t’appartient. Tu le modèles à ta convenance. Si cela peut t’aider c’est une maigre compensation pour ton inestimable contribution à ce projet.

Je le regarde fixement. Sérieux ? C’est vraiment un de mes big boss ?

46

Page 47: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ C’est pas un peu... too much ?⁃ Etant le patron, je veille à mes intérêts et tu en fais partie. Aussi j’ajuste mes intérêts à ton modus

operandi, ce qui es un excellent investissement.

J’écarquille les yeux. Côtée en Bourse aussi tant qu’il y est ! Logique patronale, personne ne me demande de la comprendre !

Je ne suis pas mécontente de revenir tôt à la maison. Je suis un peu crevée. Ma dernière nuit a été laborieuse et maintenant, j’ai besoin de dormir tôt. Cela tombe bien. J’arrive à mon palier, je fouille dans ma besace. C’est un fourre-tout, mais c’est surtout un puit sans fond. Pendant deux minutes, je fouille, je mets même tout le contenu par terre. Rien. J’ai perdu mes clefs ou je les ai oubliées. Quoi qu’il en soit, je suis assise sur la dernière marche devant mon palier de mon appartement et je me demande si mon dos va pouvoir encaisser la dureté du sol. Mon autre voisin de palier est parti en vacances, donc pas de chance qu’il passe près de moi pour rentrer chez lui. J’ai arrêté d’allumer la lumière qui s’éteint automatiquement dans la cage d’escaliers. A quoi bon ! Comme cela je ne vois pas ma propre inconséquence. La lumière s’allume. Je pourrais appeler Nicole. Elle viendrait me chercher et je dormirais chez elle. Nicole avait un jeu de clefs de mon appart, mais je l’ai perdu il y a 6 mois et je n’ai pas pensé à en refaire un jeu. Demain, je ferai appel aux serruriers qui en a vu d’autres avec moi et avec un peu de chance, il ne devra pas changer la serrure. J’ai un abonnement chez lui avec des réductions. Je sais, c’est pas habituel, mais je ne suis pas normale à ce niveau-là. Mais Nicole a un rendez-vous « spécial » ce soir, comme elle me l’a plusieurs fois dit avec les yeux en formes de feux d’artifice. Comment lui casser son coup ? Pas question ! J’entends des pas monter les escaliers. Quelqu’un du dehors, je n’entends aucune porte s’ouvrir et se refermer. Je regarde par-dessus la rampe avec précaution. Roegiers regarde au même moment en l’air.

⁃ Tu prends le frais ?⁃ Une façon de le dire.⁃ Tu n’as pas tes clefs.⁃ Euh, non… je ne sais plus où…⁃ J’arrive.

Il grimpe 4X4 les marches. Il s’arrête à 3 marches de celle où je suis affalée.

⁃ Tu es un peu désastre. Curieux que tu sois si parfaite dans tes projets et dans la vie privée tu es si…⁃ Gastonne Lagaffeuse ! Je sais, je sais. C’est de naissance.⁃ Viens.

Il me tend la main et quand je la lui abandonne, il m’attire vers lui.

⁃ Allons-y !

Il me tend la main et quand je la lui abandonne il m’attire vers lui.

⁃ J’ai une chambre d’ami. Tu as sûrement un serrurier dans ton agenda.⁃ Oui. Comment tu le sais ?⁃ Je ne sais pas… intuition ?⁃ Déduction, plutôt.⁃ Bingo !

Il ne me demande rien de plus, pas si j’ai de la famille, amis… j’apprécie. Le genre de personnes habituelles et convenues qui me concernant, ou plutôt ma manière d’être et de faire, me gonfle à donf  !

47

Page 48: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

J’entre dans son appartement. Luxe et classe sont les deux mots. Je ne veux pas paraître indiscrète, d’autant que la dernière fois que je suis venue ici, j’avais autre chose à voir. Je regarde avec indiscrétion et avidité les pièces que nous traversons. Je ne sais pas où je suis, mais tant pis, le sens de l’orientation et moi… Vraiment très bon goût, si c’est comme ça en tout… Tentant, très tentant !

⁃ Fais comme chez toi. c’est un peu désordonné…

Je ricane intérieurement. Il n’a aucune idée de ce qu’est le désordre. Bienvenu dans ma chaotique existence ! Il s’arrête et a un petit rire de compréhension.

⁃ Disons que c’est moins ordonné que ce que j’aimerais.⁃ Disons comme cela, ça sonne mieux.⁃ Allez ! Voici ta chambre. Tu as tout ce dont tu as besoin pour cette nuit. Il y a aussi un pyjama et je

peux te prêter un short et même une culotte. Ma sœur a tendance à débarquer à l’improviste sans bagages et j’ai donc un minimum de choses pour ces visites. Elle est plus forte que toi, donc il se peut que ce ne soit pas exactement à ta taille, mais pour une nuit…

⁃ Oui, pour une nuit…

J’ai des images de deux corps nus dans un lit, ce qui réduisait tout à sa version simple appareil.

⁃ Non, non ! C’est parfait. Merci. Je vais me débrouiller et merci… c’est sympa !⁃ Oui, disons comme cela.

Il me regarde intensément, ouvre la bouche pour me dire quelque chose. Je me penche en avant.

⁃ Bonne nuit, Elma. Si tu as besoin de quelque chose, je suis dans la chambre d’à-côté. ⁃ D’accord ! Si j’ai besoin, je fais appel à l’équipe !

Il écarquille les yeux et a un petit rire en secouant la tête. Je me fous des baffes virtuelles  ! Quelle bécasse ! Il referme la porte. Me voilà dans la place. Et maintenant, quoi ? Bonne nuit !

31,

Les habits de nuit prêtés par Roegiers sont trop grands, mais j’ai tellement faim. Je sais. Ce n’est pas une bonne heure pour manger, c’est mauvais pour la digestion, pour le sommeil, pour le régime, sauf que je ne fais pas de régime, j’ai un organisme qui brule très vite ce que je mange de façon à ce que cela ne s’installe jamais dans mon corps. Il m’a bien dit de faire comme chez moi ? Chez moi, je serais occupée à avaler tout ce que je trouve dans le frigo et mes armoires. Jamais trop de nourritures, j’ai tendance à me goinfrer. Je me lève, fais quelques pas pour… revenir m’assoir dans le lit. Minuit. Bien ! L’heure du crime est passé, donc… Je me lève à nouveau et va vers la porte. Je l’ouvre et sors dans le couloir. L’appartement a l’air plus grand que le mien, mais je ne peux pas le certifier. La disposition des meubles et les couleurs des murs font souvent cet effet-là. Le parquet ne grince pas, c’est déjà ça. Maintenant trouver la cuisine. Là non plus, je n’ai aucune certitude, mais souvent elles sont mises près de l’entrée. Donc… voyons voir, l’entrée est par ici, donc…

⁃ Tu cherches quelque chose ?

Je sursaute. Roegiers. Louis. Il ne porte qu’un caleçon long noir, seyant et classe. Je le regarde. Pourtant, j’ai déjà tout vu. Non ?

48

Page 49: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Oui. Je cherchais la cuisine. J’avais soif, un petit verre d’eau…⁃ Oui et aussi un bon repas. Je déroge à toutes les règles d’hospitalité. J’aurais dû te demander si tu avais

dîné…⁃ A 11 heures du soir, c’est normal que tu ne me demandes pas cela.⁃ C’est vrai, mais pas avec toi. Je gage que tu n’as rien mangé après ton repas frugal de midi.⁃ J’ai mangé une pomme et une banane vers 5 heures, sur le retour à l’appart.⁃ C’est bien ce que je disais. Donc, tu vas manger un repas comme il se doit.⁃ Mais il est près de minuit et le sommeil n’est jamais bon si…⁃ Dis-moi une chose, a quelle heure dors-tu normalement ?⁃ Ben, en moyenne, 4 heures du matin, si je me concentre sur quelque chose…⁃ Bien. Si tu termines ton repas vers 1 heure, tu vas te coucher et tu gagnes 3 heures grosso modo.

Je le regarde. Il est aussi doué que moi pour trouver des excuses bidon et les justifier.

⁃ Vu comme ça.

L’heure qui suit me voit dévorant un excellent osso bucco avec des pâtes fraiches au beurre et au basilic frais. Il m’a servi du Chardonnays bien frais. Je me régale. Louis me regarde me goinfrer en se balançant sur sa chaise. C’est si bon… Il est un fin cuisinier…

⁃ C’est bon, très bon… j’adore ! Tu cuisines vraiment très bien.⁃ Ma grand-mère m’a appris et j’aime cuisiner. ⁃ Elle a eu raison. Un vrai cordon bleu.⁃ Merci. Tu fais honneur à celle-ci et c’est très flatteur.⁃ Non, c’est la réalité.

Il a un rire bas. Il est vraiment canon. Et ses tablettes de chocolat… J’ai un irrépressible bâillement et le sommeil commence à me circonvenir.

⁃ Il est temps d’aller se coucher…

Je m’étire un peu et mes vêtements bougent. Louis suit le mouvement des yeux et cela me plaît. Un peu exhibo ? Non, mais oui. Avec lui, oui. Je me relève et je fais un gros rôt. Je me congèle et rougis. Je mets ma main devant la bouche.

⁃ Désolée…⁃ De quoi, de roter ? C’est plutôt flatteur, si on s’en réfère à d’autres cultures.⁃ Vu comme ça…⁃ Allez viens, je t’accompagne.

Quelques minutes plus tard, je suis couchée. Louis m’a juste embrassé la joue, près de la commissure des lèvres et m’a laissé avec un « Bonne nuit ». Pas de doute, elle sera bonne.

32.

Je me réveille en sursaut. Merde, merde, merde ! 10 h 45 ! Là, j’ai fait fort, vachement fort ! Je sors du lit, tourne sur moi-même plusieurs fois et finis par sortir dans le couloir. Merde, merde, merde  ! J’ai pas de vêtements propres, pas que ceux d’hier soient sales, une journée de travail au bureau ne salit

49

Page 50: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

pas vraiment des fringues, mais bon… j’ai l’habitude de me changer tous les jours. Surtout les sous-vêtements. Et puis... bon d’accord, je n’aime pas remettre mes fringues deux jours de suite, c’est un peu… comme une manie. Je déboule dans la cuisine, histoire de me préparer vite fait un kawa, histoire de démarrer une journée qui commence en retard, encore plus que d’habitude et…

⁃ Bonjour…⁃ Vous êtes encore là ? Vous ne devriez pas être au bureau ?⁃ Le bureau te remet au vouvoiement ?⁃ Non. Si. Je veux dire que…⁃ Nous sommes samedi.⁃ Pardon ?⁃ Nous sommes samedi.⁃ Samedi ? Mais comment c’est possible ça ?⁃ Un jour après l’autre. Hier vendredi, aujourd’hui samedi.

Je me laisse tomber sur un siège. Un mug de café taille XXL est déposé devant moi. Je n’ai même pas vu ni entendu ni senti son déplacement, c’est dire mon taux de concentration actuel.

⁃ Je te prépare un petit dej reconstituant et ensuite, nous aviserons.⁃ Oui. Merci…

Je baille ostensiblement et irrépressiblement. Le matelas est super bon, je n’ai jamais dormi aussi bien.

⁃ Bien dormi ?

J’écarquille les yeux. Comment il fait pour deviner ce que je pense ?

⁃ A te voir si détendue, j’ai supposé que tu avais bien dormi.⁃ Oui, c’est le cas. Ton matelas est fabuleux…⁃ Oui. Je mets un point d’honneur à avoir des matelas d’excellentes qualités et qui peuvent être du goût et

du confort de la majorité de mes invités.⁃ Ils doivent avoir envie de revenir…⁃ Si tu veux, tu peux venir dormir ici tout le temps, je n’y vois aucun inconvénient !⁃ Non. Enfin, non, je ne voulais pas dire cela pour m’inviter…⁃ Je plaisante… ou pas… tu es la bienvenue…⁃ Merci, de même, dès que j’aurais de nouvelles clefs ou une nouvelle serrure ou les deux. ⁃ Merci.

Il me sert une omelette et deux tartines grillées à point. Le fumet est délicieux et me fait saliver. Je mange avec lenteur, savourant tout.

⁃ Chest bon…⁃ Merci. Mange tranquillement, Je vais me préparer. Prends les vêtements de l’armoire, il doit y avoir

quelque chose qui t’aille.

Je hoche la tête, trop concentrée sur mon plat pour le regarder. Après dix bonnes minutes, après avoir consciencieusement saucé mon plat, je me rejette sur le dossier avec un gémissement de bonheur et en m’étirant un peu. J’ouvre les yeux quand je le vois m’observer, adosser au mur de la cuisine. Depuis combien de temps est-il là ?. ⁃ Ton café doit être froid. Laisse-moi t’en servir un autre.

50

Page 51: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Non, non. J’aime bien le café froid aussi. Ne te dérange pas.⁃ Cela ne me dérange pas. Cela me fait plaisir.

Et à moi donc ! Il se prépare un café et s’assoit en face de moi pendant que je bois ce qui reste de ma tasse.

⁃ Un autre café ?⁃ Non, merci. Je vais me préparer.

Je me lève, trébuche sur mes pieds, me rattrape à la table et sourit en rougissant à Louis.

⁃ Prends ton temps.⁃ OK !

33.

⁃ C’est ici.

Mon serrurier attitré a une devanture qui ne paie pas de mine, simple, petite boutique, juste un endroit où travailler. Il y passe cinq heures en tout et pour tout, mais il ne rechigne jamais à se déplacer, mais jamais après 22h30. Il dit que sa vie privée a plus d’importance que sa vie professionnelle et que par conséquent, c’est aussi une question de disponibilité contrôlée. J’entre. Il ferme dans une demi-heure et il est ponctuel.

⁃ Mademoiselle Vigne, il y avait longtemps.⁃ Oui. Ça doit être pour ça que j’ai encore perdu mes clefs ou oublié ou…⁃ Je vois. Pour vous, je vais faire une exception et fermer avec 27 minutes d’avance. Le temps de prendre

mon matériel et nous y allons.

Monsieur Jarveau est adorable et m’a pris d’affection et pas seulement parce que je suis une excellente cliente, mais parce que ma propension à perdre ou oublier mes clefs et avoir besoin de ses services, outre le fait que je lui rappelle sa mère, le fascine. Il est devenu serrurier, entre autre, parce que sa mère perdait très souvent ses clefs et qu’il avait fini par trouver des tas de stratagèmes pour l’aider dans son étourderie, mais elle arrivait toujours à les perde au moins une fois par mois. Je n’en suis pas encore là, mais avec un peu d’effort, qui sait !

⁃ Impressionnant ! Avoir un serrurier privé, un vrai luxe !⁃ Très drôle ! Disons qu’il m’apprécie.⁃ Je comprends cela.

Il a pris un ton bas et soyeux pour le dire et j’imagine bien ce que cela pourrait donner dans des circonstances plus… privées. Je rougis derechef. Monsieur Jarveau, Emile, revient et nous repartons vers mon appartement. Il est à quelques kilomètres et nous y allons chacun dans son véhicule, moi dans celui de Louis. Une heure plus tard, Louis est dans ma cuisine devant un excellent café que je fais venir de Brésil où vit une tante éloignée qui m’aime particulièrement. Louis savoure le breuvage.

⁃ Délicieux ! ⁃ Oui. Il arrive tout droit du Brésil.⁃ Un peu cher pour y faire ses courses.⁃ Ma tante y habite. Elle profite des voyages que font ses petits-enfants régulièrement pour m’en

51

Page 52: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

apporter. ⁃ Touchante attention.⁃ Elle l’est.

Il termine sa tasse en quelques gorgées.

⁃ Un autre ?⁃ Non. Je vais te laisser profiter de ton week-end.⁃ Merci. Mais, je te dois au moins un service ou un restau…⁃ Tu ne me dois rien. Mais un restaurant est une bonne idée. Mais pas ces deux prochains jours. Je serai

absent.⁃ Ah oui, d’accord. J’espère que je ne t’ai pas mis en retard avec mes histoires…⁃ Non. J’ai remis mon rendez-vous à plus tard. Je vais te laisser, j’ai le temps parfait pour arriver à mon

rendez-vous.⁃ Tant mieux. Alors, je ne te retiens plus.

Il me sourit doucement et je crois l’entendre dire entre ses lèvres, « c’est bien dommage de ne pas me retenir, je serai plus que tenter », mais j’ai sûrement pris mes désirs pour la réalité. Il se lève, m’embrasse sur la joue et sort. Je reste immobile sur ma chaise. Bien. J’ai de toute façon des tas de choses à faire, entre autre, retrouver mes clefs et voir si je peux donner un trousseau à Nicole et à Alan aussi. Il serait bon qu’eux deux l’aie. Et à Louis ? Je suis tentée, très, mais je pense que cela serait ambigu et je n’aime pas sous-entendre quelque chose, même si ce n’est pas le cas, tout en étant secrètement le cas. Courage, je vais y arriver. Un peu de discipline, une bonne douche reconstituante, le jour est douf et au boulot ! Bon week-end !

34.Sixième jours sans revoir Louis et… La porte s’ouvre après un bref coup sur le battant.

⁃ Entrez…⁃ Merci.⁃ Nicole ?⁃ Qui d’autre ? Tu sais quelle heure il est ?

Nicole entre et s’assoit avec grâce et sensualité sur le siège ergonomique et pivotant de Roegiers.

⁃ Euh… 13h37…⁃ Oui. Tu sais lire l’heure. Et tu as mangé à quelle heure ?⁃ Ce matin, comme d’hab.⁃ Et après ?⁃ Ben à l’heure habituelle des heures de déjeuner.⁃ Et tu as mangé quoi ?⁃ Je sais plus… des tartines…⁃ Non ! Tu as mangé virtuellement des tartines, mais pas en 3D.⁃ Qu’est-ce que tu racontes ?⁃ Que tu te languis d’amour.⁃ Mais pas du tout ! Puis, c’est quoi cette phrase ?⁃ Ton état général. Tu bosses sans cesse, tu manges quand tu y penses et tu n’y penses pratiquement

jamais et après tu remets le couvert ! Donc, tu es amoureuse et tu te languis du beau Louis ! Tu vois… ça rime et tout !

52

Page 53: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Elle sourit très satisfaite d’elle-même. ⁃ Bon, pour amoureuse… je crois que oui…⁃ Sûr certain ! ⁃ Mais pour languir…⁃ Crois mon expérience en plans foireux amoureux, tu es en plein dedans et ça va pas s’arranger, donc va

falloir manger.⁃ Quel rapport ?⁃ Des forces ! Tu dois être en pleine forme, parce qu’être amoureuse ça demande des forces !

Je fais la moue. Je lui fais confiance, elle sait de quoi elle parle. Elle a été amoureuse grave deux fois et cela s’est pas fini très bien pour elle. Elle s’en est remise et même elle en parle avec tendresse comme étant des moments géniaux. Je ne comprends pas la cause à effets, mais elle se comprend sûrement.

⁃ Bon ! On va bâfrer. Lève tes petites fesses maigrichonnes de ce siège et suis-moi. Prescard t’a concocté un vrai repas digne de ce nom.

⁃ Je suis impressionnée ! Allons-y, tu m’as convaincue.⁃ Vexant ! Tu es partante pour un repas concocté par Prescard, mais pas pour mon initiative.⁃ Tu l’as dit, c’est un repas concocté par un Maître Queux, pas moins ! ⁃ Pas faux ! Allons-y mauvaise troupe !

Nous arrivons dans le réfectoire déserté. L’heure du Lunch, comme on dit ici communément, est passé et donc il n’y a pratiquement personne, quelques employés qui prennent une légère collation et autres.

⁃ Ah ! Mademoiselle Vigne ! Nicole m’a expliqué la situation et j’ai pris sur moi de vous concocter quelque chose de constituant, mais surtout de délectable. Du moins, je l’espère.

Je me tourne vers Nicole qui ne bronche pas et garde une mine de deux airs. Elle n’a tout de même pas…

⁃ Vous ne devriez pas travailler autant et passer outre les heures de repas. C’est important de se nourrir convenablement et encore plus lorsqu’une personne comme vous travaille avec autant de passion et de perfectionnisme. Ce n’est pas raisonnable ! Allez, prenez place, je vous sers et manger immédiatement pendant que c’est chaud.

Deux minutes plus tard, je me trouve devant un assortissement de mets délicieux qui combinent des légumes braisés à point avec des viandes marinées dans des sauces épicées comme je les aime. C’est du pur bonheur gustatif.

⁃ Ah, c’est ici que vous vous trouvez ! Je m’en suis douté. Vous n’êtes pas très portée sur les horaires de repas !

J’avale de travers. Louis est arrivé. Il me soulève de la chaise, pose ses bras autour de moi, pousse sur mon sternum avec dextérité et je recrache un morceau de viande. Pour notre première étreinte, ça laisse à désirer.

35.Je bois un verre d’eau en sentant ma gorge irritée. J’ai les joues brûlantes. Nicole, Roegiers et

Prescard statuent sur ma situation, ma mésaventure, ma propension à ne pas me sustenter, mon professionnalisme, ma minceur et…

53

Page 54: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Vous savez que je suis là…

Ils se tournent vers moi comme un seul homme et me considèrent avec des mines que j’ai du mal à déchiffrer, puis ils retournent à leur conversation. Je soupire profondément. J’ai l’impression d’être une sale ado qui est sous la responsabilité d’adultes qui essaient de voir ce qu’ils doivent faire avec elle. Le seul hic est que je ne suis pas une ado et je veux avoir Louis dans mon lit et ailleurs pour une partie de… Ils se tournent vers moi. Quoi ? J’ai parlé à voix haute ? Ce ne serait pas la première fois que cela m’arrive et que je suis dans les tréfonds de la honte totale ! Roegiers me regarde fixement.

⁃ Nous avons pris une décision.

Je relâche mon souffle. J’ai pas dit ce que je pensais à voix haute ! C’est déjà ça !

⁃ L’un de nous veillera à ce que vous preniez vos repas à heure dite.

Je les regarde avec une mine totalement ahurie.

⁃ Mais… vous n’allez pas prendre une telle responsabilité…⁃ C’est pas comme si on ne le faisait pas de manière lambda ! Allez, Elma… c’est pour ton bien ! Comme

ça, tu peux te concentrer sur ce qui t’importe tant et nous on veillera que tu ailles bien dans quelque chose aussi trivial que se sustenter.

⁃ Ah ben, dis comme ça, j’aurais tort de refuser. C’est sympa et je vous en remercie, donc… bon… ben, je retourne à mes affaires l’esprit plus libéré.

⁃ Voilà, t’as tout compris, ma vieille !

Nicole prend un air satisfait qui me dit assez que je n’ai pas fini de la voir me tournicoter autour pour savoir ce qu’il en est. Roegiers a un petit sourire au coin des lèvres qui me dit assez qu’il apprécie la situation. Prescard met de l’ordre avec une efficacité qui en dit long sur ses habitudes passées dans le domaine de la restauration. Quelques minutes plus tard, je suis à ma table de travail dans le bureau de Roegiers. Il n’arrête pas d’aller et de venir dans la pièce en mettant en ordre ses affaires. Je me sens distraite. Je regarde ses avant-bras, son pantalon qui se colle à ses fesses et ses cuisses quand il se penche en avant, lorsqu’il s’accroupit, lorsqu’il se hausse pour déposer un document sur le haut d’une étagère. Il le fait sans se fatiguer, avec fluidité et en silence. On dirait un félin ou un grand chien loup. Il est vraiment… Il tourne son regard vers moi en se coulant dans son siège. Il me fascine, sa façon de bouger me fascine. Comment fait-il pour se mouvoir avec tellement de souplesse alors que même en marchant dans un endroit dégagé, j’arrive encore à trébucher ?

⁃ Vous avez l’air fatigué.⁃ Vous n’allez pas veiller aussi à ce que je me couche assez tôt et dormir suffisamment pour être en forme

le lendemain ?

J’écarquille les yeux.

⁃ C’est une idée intéressante et cela demande réflexion.

Je rougis derechef. Je me plonge dans mon dossier sur mon ordinateur. J’entends une sorte de petit gloussement. Je regarde au-dessus de mon écran et le voit me sourire franchement.

⁃ Sérieux, Elma… tu dois prendre soin de toi. Je t’ai déjà dit que tu es un actif important pour l’entreprise et mes projets, mais pas au détriment de ton bien-être et de ta santé. Nous veillerons sur toi, mais

54

Page 55: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

il est important que tu t’organises autrement. Je n’hésiterais pas à vous mettre en congé si je considère que vous tirez trop sur la corde.

⁃ C’est pas un langage de grand boss qui prise les profits de son entreprise.⁃ C’est le langage d’un ami d’abord et après de votre patron. Vous êtes un atout et un avantage dans cette

entreprise et cela est de mon intérêt de vous soigner.

Je le regarde fixement, me sentant confusément flattée. Je plonge la tête dans mon dossier. Vaut mieux pas réfléchir à ce qui se passe ici. Il a un autre petit gloussement avant qu’il ne se mette au travail.

36.

Durant un mois, tout le monde me dorlote et au lieu de me permettre de me concentrer sur les projets en cours, cela me distrait. Passe encore de Nicole et de Prescard, ils l’ont toujours fait, même si de manière moins ostentatoire, mais venant de Roegiers… c’est intolérable Aujourd’hui, c’est pire que les autres jours. Je suis sur le point de finir un des deux projets. C’est toujours un moment particulier, à la fois stressant, mais aussi exaltant, la culmination de tous les efforts, de tous les éléments constitutifs assemblés et enfin en passe de trouver sa finalité, sa conclusion. C’est un moment clef, phare. J’ai besoin de rester concentrée d’une manière particulière comme lorsqu’on est à l’arrivée d’une course, le dernier effort. J’aime aussi voir tout le projet dans son ensemble et la conclusion me permet cela. Si j’ai des arrêts repas à tous bouts de champs… bon, d’accord, je suis de mauvaise foi, matin, midi et soir, avec mi- mâtinée, mi- après-midi. Je mets le point final au dossier et je me laisse aller contre le dossier de ce siège décidément génial. Je m’étire en fermant les yeux, vraiment satisfaite et je souris dans le vide. J’adore ce moment qui suit… Un verre de jus et une pomme apparaissent devant mes yeux que je viens d’ouvrir. Oh non ! Le quatre heures !

⁃ C’est plein de vitamines ! ⁃ Le café et une couque au chocolat aussi.⁃ Peut-être, mais c’est moins sain.⁃ Oui, mais c’est plus goûteux !⁃ Ça dépend des goûts !⁃ Ben voilà ! Mon goût, ce n’est pas des fruits nature ou exprimés !⁃ J’en prends bonne note. Mangez, vous avez besoin de force après la dernière étape du dossier. Je suis

admiratif ! J’avais gagé que ce projets prendrais trois mois vous en avez utilisé la moitié. Vraiment impressionnant !

Je scrute son regard à la recherche d’ironie ou d’autres marques de moquerie, mais il a le regard franc et… tellement sexy, je fonds intérieurement et il m’excite aussi et… Le verre s’agite devant moi et je retombe sur terre. J’étouffe un soupir et le prend d’un geste brusque. Roegiers réprime un sourire, mais les coins de ses yeux se plissent subtilement. Je bois une longue gorgée et finis mon verre. Il me tend la pomme, me prend le verre et je croque violemment dedans. Roegiers fait un pas en arrière en me souriant et en levant une main paume en l’air.

La demi-heure qui suit se passe à terminer le texte et la mise en page. Je prépare la copie pour l’imprimante et j’aurais finis. Je télécharge sur une clef USB comme toujours et efface le projet sur mon PC. Je mets en sauvegarde sur Clouds et je me sens de plus en plus soulagée et sereine. Je vois du coin de l’œil Roegiers se préparer à partir. Normalement, il reste après moi.

⁃ Vous partez ?⁃ Oui. Un rendez-vous.⁃ Ah.

55

Page 56: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Oui.

Il revêt sa veste de costume avec dextérité et grâce.

⁃ A demain. Ne venez pas trop tôt. Vous pouvez même prendre votre journée. Nous avons du temps devant nous.

⁃ Je n’aime pas laisser du temps…⁃ Oui, j’ai pu le voir. Mais je pense que tu dois prendre un peu de temps pour faire autre chose. Nous ne

commencerons pas le second projet tant que je n’ai pas lu celui-ci.

Il lève la liasse de feuilles qu’il met dans sa mallette.

⁃ Profites bien de ta journée ! A jeudi !

Il ferme sa mallette et sort du bureau après un sourire chaleureux. Me voilà avec un jour sans rien à faire et c’est pas génial du tout. Je déteste ça et encore plus quand c’est subtilement ordonné par le grand manitou. Je me demande où il va et surtout avec qui. Homme, femme ? Et qu’est-ce qu’il va faire ? Je me frotte le visage avec un grognement. Ça vire à du n’importe quoi ! Je rêve de lui sauter dessus, de lui faire… pleins de choses, le principal étant situé dans la région du bas ventre et après on peaufine avec des tas d’autres choses qui amène du plaisir et du désir et ainsi de suite jusqu’à plus soif !

37.

Ma nuit a été difficile tant je me suis tournée et retournée dans mon lit. Un rendez-vous ? il a fallu que je me réprime, parce que je n’avais qu’une envie, c’est de me pencher sur la rampe, pour voir quand et avec qui il rentrerait. Bien sûr, il se pouvait très bien qu’il passe la nuit avec son « rendez-vous ». Mais si ce n’était pas le cas, alors il devrait rentrer et… je tendais l’oreille, mais les portes et les murs sont de bonnes qualités, autant dire qu’aucun son ne passe. J’ai été à deux doigts de camper sur le palier pour voir quand il rentrerait et s’il rentrait seul, mais mon voisin rentre toujours tard. Quelque chose à voir avec son boulot et je ne veux pas qu’il se pose des questions. De plus… épier, c’est pas fun du tout. Mais d’un autre côté… quel enfer de ne pas savoir ! Et je me vois mal lui demander d’un air dégagé : « alors, c’était comment ton rendez-vous ? » Trop évident. Ou dans le même genre. « Bonne soirée ? » Le ton ne va pas le faire je me connais, dans la minute zéro, je me trahirais. Roegiers n’est pas con. Il va tout de suite comprendre ce qu’il se passe, d’autant qu’il a bien une petite idée sur ce que je ressens pour lui. C’est chaud bouillant dès que je passe un peu trop de temps près de lui. Et pourtant, quand je me concentre, la terre peut s’ouvrir en deux sous mes pieds, je ne vais même pas le sentir. Je suis du genre à m’absorber dans ma tâche.

⁃ Déjà là ?

Roegiers entre frais et pimpant dans notre bureau. Je chipote dans mon dossier en cours et j’ai l’esprit ailleurs, ce qui ne va pas du tout, du tout, du tout.

⁃ Ça avance ?

Il retire sa veste, remonte les manches de sa chemise en les enroulant autour de ses avant-bras musclés juste ce qu’il faut. Il ouvre sa mallette et sort un dossier. Il dépose aussi son Smartphone, sa Tablet et son ordinateur portable. Plusieurs clics et clongs sur la Tablet, l’ordi et le téléphone. Il jette un regard vaguement irrité sur les artefacts technologiques avant de s’asseoir. Il me regarde fixement.

56

Page 57: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Quelque chose ne va pas ? Un problème avec le projet ?⁃ L’autre projet suit son cours, mais moi je n’arrive pas à suivre.⁃ Tu n’arrives pas à suivre ?

Il se lève vélocement et me rejoint en deux jambées. Il se penche sur moi et me prend le visage entre les mains.

⁃ Tu ne te sens pas bien ? J’en étais sûr. Le surmenage. On ne peut pas travailler comme tu le fais sans succomber au stress et au surmenage. C’est droit dans le mur et le Burn-Out ! D’ailleurs…

Il me passe la main sur le front, les joues que j’ai écarlates, je le sens et mon cou qui vire au rosé cochon au fur et à mesure que ses doigts m’auscultent.

⁃ Tu as chaud ! Tu dois couver quelque chose ! Rien d’étonnant, ça te pendait au nez. Je vais te raccompagner chez toi et faire venir un médecin.

⁃ Non !⁃ Non ? ⁃ Non ! ⁃ Non… Tu n’aimes pas les médecins ? Une phobie quelconque par rapport à l’ordre médical ?⁃ Non. J’ai chaud pour autre chose.⁃ Autre chose ?

Il se mord les lèvres en fronçant les sourcils, puis son visage se détend.

⁃ Oh, je vois. Tu es dans la période de ta menstruation.⁃ Non. Déjà eu… enfin, bref, rien à voir ! Eh ! Sexiste à donf, ta remarque, là ! Non ! C’est juste que j’ai

chaud, parce que j’ai chaud.⁃ Juste chaud, parce que tu as chaud ? C’est sensé dire quoi ?⁃ Tu vas vraiment me faire expliquer dans les détails ?

Il s’agenouille devant moi et me regarde en souriant.

⁃ Je ne vois pas comment tu pourrais faire autrement étant donné que je ne comprends rien à ce que tu me dis.

Je regarde ailleurs. Il va me le faire dire le con !

⁃ C’est un coup de chaleur que j’ai.⁃ Un coup de chaleur ? Nous ne sommes qu’en avril et la température n’’est pas très élevé, même s’il fait

bon pour la saison. C’est certain, tu couves quelque chose… ⁃ Oui, je couve quelque chose et ça dure depuis des semaines et… j’ai un coup de chaleur à chaque fois !

Il me regarde perplexe en se demandant si mon problème n’est pas plus grave qu’il n’y parait puisque pour lui, c’est divagation et compagnie ! Bon, aux grands maux, les grands remèdes Je me penche en avant et l’embrasse à pleine bouche en me laissant tomber à genoux pour être à sa hauteur et pouvoir enfin lui mettre les mains dessus. La première surprise passée, il répond à mon baiser. Je détache mes lèvres et me recule de quelques centimètres.

⁃ Cette chaleur-là.⁃ Oh, je vois. C’est plutôt contagieux, non ?

57

Page 58: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Très. Je risque de te contaminer.⁃ Ce serait terrible, mais en tant que ton supérieur hiérarchique, je dois soutenir mes employés et partager

leur situation. ⁃ Tu dois ?⁃ Je dois.

Il me prend contre lui et m’embrasse à pleine bouche. Je ne sais pas combien de temps cela dure, mais je commence à m’échauffer un peu plus. Il se détache de moi et me regarde en me caressant les joues.

⁃ Très contagieux, mais je pense qu’un soda bien froid devrait faire diminuer la température, pour l’instant.

⁃ Pour l’instant ?⁃ Pour l’instant. Nous devrions nous soigner de cette chaleur ce soir, retour au bercail.⁃ Ce soir ? Tu n’as pas de rendez-vous ?⁃ Oui.⁃ Oh…⁃ Avec toi. ⁃ Ah…

Il se relève d’un bond.

⁃ Si ta fièvre est tombée, tu peux suivre ?⁃ Suivre ? ⁃ Le projet.⁃ Le projet ? Ah oui, le projet. Sûr, je vais même le précéder.⁃ Mais lentement.⁃ Sûrement. ⁃ Je reviens. Cela t’aidera à te recentrer.

Il sort en se réajustant le pantalon, ce qui me fait rougir d’autant. Bon, au boulot, assez perdu de temps comme cela. D’autant que j’ai rendez-vous avec Vanessa-radasse. Elle attend son projet. J’y ai travaillé hier et rien de sorcier. J’ai ce qu’elle s’attend à recevoir. J’aime assez les personnes qui ne dévient pas de leurs habitudes, ils me simplifient l’existence.

38.

Je tourne en rond dans mon appartement. Je n’ai pas revu Louis depuis cet après-midi où il est parti en réunions. L’apanage des Big boss. Il y est parti heureux, ce que je ne comprends pas. Mais Louis aime les réunions. Il trouve cela exaltant et productif. J’avoue que l’entreprise depuis qu’il est là depuis un mois ou plus bruisse d’excitation. Je suis passée devant certains bureaux quand j’arrivais en retard accepté et les conversations tournaient autour de projets et de directives mis en place par Roegiers et ils étaient plutôt emballés. Je trouve cela génial, parce que je suis du genre à m’exalter pour mes projets, que d’autres aussi le fassent me plait beaucoup. Je me change encore une fois, la cinquième. Comment c’est quand on a un rendez-vous spécial qu’on attend depuis un certain temps et qui additionne toutes les expectatives ? Je me désape encore. Je regarde mon lit décoré en patchwork de vêtements et je me mords la lèvre. Merde ! Il reste cinq minutes avant qu’il ne vienne dans l’appartement. Je prends un vêtement dans l’armoire, puis un autre sur le lit, je les enfile, le haut résiste un peu, je pousse un peu, il se place sur mon buste. Merde ! J’ai oublié de mettre un soutien ! Plus le temps. La jupe est trop courte, tant pis. Chaussures plates, cela ira mieux. Les cheveux… Je me plie en deux et secoue ma tignasse. Bien ! Look

58

Page 59: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

sauvage. Ou n’importe quoi ! La sonnette ! A l’heure, bien sûr… m’aurait étonné ! Je cours vers la porte et l’ouvre à la volée. Il est là, l’air dégagé, tenue décontractée et plus sexy que jamais. Il fronce les sourcils en parcourant mon buste.

⁃ Ton t-shirt n’est pas mis à l’envers ?⁃ Hein ?

Je me regarde dans la glace placée dans le couloir près de la porte d’entrée et… Misère ! C’est la cata à donf ! Il est doublement à l’envers. L’arrière devant et le tissu à l’envers. Génial  ! Je le vois s’installer derrière moi à me frôler.

⁃ C’est très créatif…⁃ Je ne savais pas quoi me mettre…⁃ Un rien te va…⁃ Sérieux? Ce ne serait pas une proposition malhonnête ?⁃ Complètement. Et par solidarité, je participerais totalement à celle-ci.⁃ J’ai combien de temps pour y réfléchir sérieusement ?⁃ Sérieusement ? Le temps d’un repas concocté par mes soins dans mon appartement…⁃ Mm !

Mon ventre gargouille. La honte totale ! Je le sens se gondoler derrière moi et je me laisse aller contre son torse en riant aussi. Nous formons un couple étrange, mais plutôt compatible. Il pose ses mains sur mes épaules et je déglutis fortement. Mon ventre lance un autre bruit déplacé, mais je me concentre sur ses caresses et son visage qui se rapproche du mien. Je le rejoins à mi-parcours pour un baiser tendre et profond. Ses mains se posent sur mes seins et les titillent en pinçant mes tétons, puis en pressant mes globes. J’ai les seins lourds et très sensibles, j’adore. Nous nous désembrassons.

⁃ Nous y allons ? Le repas risque de refroidir.⁃ Micro-ondes ?⁃ Non. Ce n’est pas aussi bon que déguster juste après la préparation.⁃ D’accord ! Et le dessert ?⁃ Un ensemble qui mettra le feu aux poudres et fera du bien par où ça passe.⁃ Ce n’est pas un peu tendancieux ?⁃ Tu m’inspires…⁃ Ah bien, si je t’inspire…

Il me fait pivoter m’embrasse à pleine bouche avant de me laisser aller pour prendre mes quelques affaires pour une soirée que je vais déguster pleinement.

39.

Ce qu’il a préparé est délicieux et je mange avec appétit et fruition. Nous ne disons rien, Louis déguste aussi. Je ne suis pas très attentive à mes couverts, mes yeux contemplent Louis lorsqu’il ne me regarde pas. Un morceau de salade nappé de sauce aigre-douce à la moutarde tombe sur mon t-shirt. La honte ! Il me prend le morceau et le porte à sa bouche en mâchant lentement. Un autre morceau tombe. Décidément, même un enfant mangerait moins salement que moi. Il me le prend aussi et le mange pareillement. Je contemple ses lèvres et j’ai chaud.

⁃ Ce serait mieux si tu l’enlevais…⁃ Quoi ?

59

Page 60: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Ton t-shirt… tu pourrais l’enlever, ce serait plus facile pour nettoyer si d’autres aliments tombent sur ton buste…

Le ton est plat, mais son regard est avide et affamé. Je recule ma chaise et retire mon t-shirt en tirant un peu plus violemment que souhaité et j’entends une déchirure. Tant pis ! De toute façon, il ne me plaisait pas tellement. Je le dépose sur le dossier de la chaise près de moi. Il regarde mes seins en se léchant les lèvres, ce qui me chauffe un peu plus. Il baisse les yeux et continue à manger. Je fais de même. Un autre aliment tombe sur le dessus de mes seins. Il se lève, s’agenouille près de moi et prend le bout de viande avec les lèvres. Il lèche la partie salie et je serre fortement les cuisses. Il lève les yeux et me voit rouge et une fine pellicule de sueur recouvre mon visage. Il descend ses lèvres et prend un de mes tétons déjà durci. Il suce fortement, le mordille, l’étire. Sa main soupèse l’autre sein et le malaxe avec décision et puissance. J’halète légèrement.

⁃ C’est le dessert ?⁃ Tu te prends pour un dessert ?⁃ Non, tu es mon dessert…⁃ Oh ! Oui, un acompte, juste un petit acompte.

Je déglutis fortement. Il me suce l’autre téton et me caresse fortement les seins avec ses mains et ses lèvres. Je gémis en serrant les yeux et les cuisses de plus belle. Il arrête et se rassoit. J’entends tout comme à travers un voile liquide. J’entrouvre les yeux. Son regard est trouble et il est rouge, la respiration un peu agitée. Il inspire profondément et prend ses couverts. Il mange avec détermination. Guidée par son geste, je fais de même. Nous reprenons un peu contenance et nos souffles courts. Lentement nous terminons ce plat merveilleux et je crois que nous l’apprécions, même si nous sommes sur la même longueur d’onde, s’aimer. Le repas s’achève, il débarrasse et apporte une mousse au chocolat.

⁃ Un peu cliché le dessert, non ?⁃ Goute et tu me diras après si c’est cliché…

Je porte une petite bouchée crémeuse et légère et la porte à mes lèvres. Louis suit des yeux chacun de mes gestes, ce qui excite encore plus mes tétons. J’écarquille des yeux, c’est…

⁃ Oh my god ! C’est divin… inutile que je te demande si tu l’as préparé…⁃ Inutile !

Je finis très rapidement mon ravier en raclant le fond et les bords.

⁃ Tu veux une autre portion ?⁃ Non ! Pas maintenant, mais des fois, j’ai un petit creux en pleine nuit… et aussi quand je fais de

l’exercice…⁃ De l’exercice ?

Il se lève et vient s’agenouiller devant moi en reculant la chaise.

⁃ Comme ce que nous nous apprêtons de faire ?⁃ Non, ça c’est plutôt des frottis frottas très prenants et pénétrants, pas la même chose, mais peut-être que

ça me donnera faim…⁃ Donner faim… une notion que je partage…

Il presse à pleines mains mes seins et lèche, mordille, suce, tortille mes mamelons avec désir. Il écarte mes jambes, ma jupe remonte et il installe son corps entre elle en se frottant longuement. Je prends son visage

60

Page 61: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

le lève vers le mien et l’embrasse fortement. Il se relève en m’attrapant sous les cuisses. La nuit ne va pas être assez longue, notre appétit promet d’être insatiable.

40.

Voilà deux heures que nous sommes dans le bureau de Louis et j’ai beaucoup de mal à me concentrer. Voilà ! Je le sais maintenant, j’avais besoin d’un Louis pour me distraire ! Louis a l’air dans le même état que moi, sauf qu’il ne le montre pas. Je gigote sur ma chaise, relis deux fois la même chose, revient sur le début en essayant de connecter deux idées cohérentes ensemble, mais c’est mal barre. Je relève la tête pour trouver Louis me regardant avec cette lueur de passion et de convoitise que je sais avoir également dans les yeux.

⁃ Si nous nous embrassions fraternellement, nous arriverions à travailler comme d’habitude ?

Je le regarde en écarquillant les yeux.

⁃ Tu plaisantes ! Si on se touche…

Il se lève et d’un bond il arrive jusqu’à moi, me soulève du siège et m’étreint tout en m’embrassant à pleine bouche. J’enroule mes jambes autour de ses hanches, ma jupe remonte et je sens ses mains sur mes fesses dénudées par le string que j’ai décidé de porter, même si ce n’est pas très aisé à porter. Le baiser nous enflamme plus encore et nous n’avons pas assez de nos mains, nos corps, nos lèvres pour partager cette passion que nous ressentons l’un pour l’autre. Je sais aussi que je suis plus amoureuse que je ne veux bien le reconnaître. Je ne veux pas y penser c’est suffisamment intense pour l’instant et cela devrait me suffire. Pour le moment. Louis se détache lentement de moi, il redescend ma jupe sur les hanches et m’assoit sur ma chaise. Il se penche en se tenant aux accoudoirs, ses yeux à hauteur des miens.

⁃ Il serait bon, peut-être, que tu travailles dorénavant dans ton bureau…⁃ Dans mon bureau…⁃ Oui.

Il pose son front sur le mien et ferme les yeux en expirant fortement.

⁃ On se voit le soir et en journée…⁃ Dans mon bureau…⁃ Oui.

Je hoche la tête tout en le regardant. Il est beau, mais plus que cela… je sens que c’est quelqu’un de profondément bien, bon et cela m’excite aussi. Il se relève et rejoint son siège.

⁃ Un dernier bizou pour la route ?

Il éclate de rire.

⁃ Bien essayer, tentatrice… allez, file… j’ai une entreprise à gérer et toi, tu dois aussi gérer une partie d’elle…

Je hoche la tête et…

61

Page 62: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Merde ! Vanessa-Radasse ! Il est quelle heure ? Oh… OK ! Il reste une demi-heure, le temps de le printer ! Bon…

Il me fait une vague geste de la main pendant que je reprends mes affaires et je vais vers la porte. Il ne me regarde pas, apparemment absorbé dans son travail. Mais au moment de sortir, je tourne le visage et le voit me regarder avec passion. Il plisse les lèvres avec un regard suppliant. Il a raison. J’y vais, sinon, on ne va pas y arriver. J’arrive dans mon bureau et Nicole me regarde entrer en haussant les sourcils.

⁃ Le boss t’a viré ?⁃ Oui.⁃ OOOOH ! Pour quelque chose en concret ?⁃ On n’arrivait pas à se concentrer, parce qu’on avait trop envie de se baiser.

Nicole ouvre la bouche, la referme.

⁃ Ah, d’accord ! J’ai raté un chapitre, on dirait.⁃ Oui. ⁃ ET bien, tu me raconteras à midi, je t’invite… ⁃ TU m’invites ?⁃ Oui. ⁃ OOOOH ! J’ai raté un chapitre ?⁃ Plutôt deux ou trois…⁃ Bien ! Alors faut se mettre à jour…⁃ C’est le mot…

41.

Vanessa-radasse lit ce que j’ai photocopié avec lenteur et componction. Je prends mon mal en patience, inutile d’ajouter au calvaire. Elle adore faire perdre patience à ses interlocuteurs. Je connais le petit jeu, aussi une partie de mon cerveau est présent et l’autre est… dans ce qui arrivera ce soir entre moi et… Vanessa-radasse laisse les feuillets sur la table, croise les doigts et me regarde fixement. Je la regarde aussi avec un mince sourire.

⁃ Bon travail ! J’ai craint que vous ne puissiez continuer vos tâches en dehors de celle que notre Président vous a donné.

Je souris plus amplement, sans rien dire. Pêche aux infos ? Mauvaise pioche ! Je n’aime pas trop bavasser sur des choses qui ne la regarde nullement.

⁃ Je dois avoir un résumé et un condensé d’un projet pour vendredi.⁃ Prochain ?⁃ Celui-ci.⁃ Dans deux jours ?⁃ Oui. Cela suppose un problème pour vous, Mademoiselle Vigne ?⁃ Nullement.⁃ Parfait ! Je ne vous retiens pas, Mademoiselle Vigne. Je vous envoie le projet à votre mail. Faites-moi

une copie papier et une sur l’ordinateur. Je tiens à présenter ce projet à notre Président moi-même. Soignez la présentation, je vous prie, Mademoiselle Vigne.

⁃ Cela va de soi, Madame Numansse.

62

Page 63: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

Elle tapote sur son clavier, le visage concentré sur son écran, ce qui signifie que je dois sortir. J’ai toujours eu la curiosité de voir ce qu’elle met sur son écran pour me faire croire qu’elle est fort occupée et qu’elle ne peut pas continuer à s’occuper de moi. C’est tellement bêta et ado comme réaction. Je suis heureuse de n’avoir pas fait mes études secondaires avec elle, elle devait être infernale, style PPC. Pétasse, pouffiasse, connasse. J’ai bien aimé la manière qu’elle a de dire « notre Président ». Elle va avoir de l’urticaire saignant quand elle va savoir pour moi et Louis, car forcément on finira par le savoir. Les bruits de couloir vont encore plus vite que les clics sur les réseaux sociaux, c’est dire. A croire que les employés n’ont pas assez de travail pour partager de cette manière si performante.

Je file dans la rue jusqu’à mon appartement. Je veux me changer. J’ai reçu un What’s App de Louis, me donnant rendez-vous chez lui à 19h et j’ai cinquante minutes pour me changer, me doucher et peut-être m’épiler. Je vais y arriver. Je veux y arriver. Je monte quatre à quatre les marches d’escaliers et entre en coup de vent dans mon appartement. Je me déshabille dès l’entrée et file sous la douche. Je m’épile un peu et le résultat n’est pas génial. Heureusement, j’ai fait épiler mon sexe par une professionnelle, aussi tout va bien. Heureusement, je ne suis pas très poilue, cela aide. Je déteste les poils, dès que je peux, je les enlève, que ce soit, jambes, aisselles et sexe. Je me sèche. Je sors mes sous-vêtements… Où est mon ensemble rouge fétiche ? Quand je dois passer une épreuve, je le mets. Maintenant, je veux le porter pour qu’il devienne vraiment un fétiche porte-bonheur, joie et jouissance. Et… jupe ? Pantalon ? Robe ? L’ensemble sous un imper ? Sauf que je n’ai pas d’imper. J’ai des vestes trois-quarts ou moitié avec capuche, pas très glamour. Je ressors une robe courte en un doré clair et très près du corps. Jamais mis. C’est un des choix de Nicole pour un de ces rendez-vous qu’elle me concocte depuis des années et qui ne m’aident en rien à supporter ces rencontres qui finissent mal pour moi tant elles me déplaisent. Je le glisse sur mon corps. Il n’est pas aussi collant que je pensais, sans doute ai-je maigri depuis la dernière fois que je l’ai mis et enlevé illico avec quelques difficultés. Je me tourne devant le miroir et j’aime bien, contre tous mes pronostiques persos. Talons… Non ! La dernière fois, foulure. Petites ballerines, mes préférées. Voilà… Il reste 5 minutes, le temps de descendre. Pas de maquillage, ni rien dans les cheveux. Je remonte mes seins. L’ensemble rouge est comme une deuxième peau et ceint à la perfection mes seins et mon entrejambe. Cela me plaît. Je me sens sexy et je veux l’être pour lui. Je suis devant la porte. Pile poil à l’heure. Je suis fière de moi. Je frappe sur le battant. J’inspire profondément. J’ai peur et je suis excitée, je le sens bien et… La porte s’ouvre et Louis est là, la chemise ouverte, une main refermant celui-ci. Je regarde son torse délicatement musclé et doré aussi.

⁃ Elma…⁃ Oui…⁃ Tu es à l’heure…⁃ Oui… Je ne voulais pas arrivé en retard.⁃ Je suis flatté…⁃ Moi aussi… enfin, je veux dire que c’est bien et…

Il m’attire à lui et me soulève en fondant sur mes lèvres. Il m’embrasse à perdre haleine et je lui rends baiser pour baiser. Un clic m’apprend que la porte est fermée. J’ai enroulé mes jambes à sa taille et mon dos vient se tenir contre un mur. Le baiser dure, dure, dure et je m’échauffe. Lui aussi. Je veux plus, encore, je veux… Ses lèvres se détachent…

⁃ Ce n’est pas ce que j’avais prévu. J’ai un repas que je t’ai concocté et du champagne et un dessert…⁃ Quel dessert ? ⁃ Tiramisu.⁃ Fait maison.⁃ Par moi…⁃ J’adore le tiramisu…

63

Page 64: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Alors le repas doit être mangé…⁃ D’accord… D’accord…

Il pose son front contre le mien, alors que mes jambes descendent doucement sur le sol.

⁃ Va t’asseoir à la table, j’apporte le repas.⁃ Je t’aide ?⁃ Non, j’ai tout sous contrôle…⁃ Alors…

Il me donne encore un petit baiser. Je me dirige vers la salle-à-manger quand j’entends un petit gémissement. Je tourne la tête.

⁃ Un problème ?⁃ Ta robe…

Il est rouge. Je regarde et voit ma robe levée un peu plus haut que mes hanches. Je m’empresse de descendre le tissu. Je suis rouge tomate.

⁃ Désolée…⁃ Ne le sois pas… je veux voir cela de plus près… mais pas encore… après… après…

Son regard est sauvagement gourmand et prometteur. Je file sans demander mon reste vers la pièce où nous allons souper.

42.

Deux mois ont passé et c’est toujours comme la première fois où nous avons enfin été l’un à l’autre. Je ne sais pas comment je ferais maintenant sans lui. Les deux premières semaines où nous n’avions jamais assez de nous-mêmes, il est vite devenu patent que nous ne pouvions pas travailler dans le même bureau. Le jour où nous avons eu une étreinte passionnée sur le bureau et sa chaise de bureau… Nous étions enchevêtrés quand nous nous sommes regardés fixement. Nous nous sommes ré-habillés mutuellement après être passé dans sa salle de bain personnelle. 

⁃ Ce serait mieux que je travaille dans mon bureau…⁃ Je crois que oui…

Il m’a ramené contre son corps, s’est penché en avant, m’a longuement embrassé, puis a posé son front contre le mien en soupirant et en fermant les yeux. Dans l’heure, je regagnais mon bureau. Nicole a haussé ses délicats sourcils et n’a fait aucun commentaire, mais son regard me disait qu’elle voyait très bien ce qu’il en était. Nicole et moi avons repris notre routine de manger ici et là et de parler de nos affaires. Enfin elle, moi je suis plus pudique et puis… je ne peux pas parler de ma relation avec l’homme qui est son boss. Ce serait gênant au mieux et hors propos au pire. Nicole l’entend bien ainsi. Nous sommes sur la même longueur d’ondes et elle n’a jamais assez de temps pour me parler de ses émotions, sentiments, de ce qu’elle fait, il fait, feront et comment ils devraient faire un tas de choses seuls, ensemble, l’un pour l’autre et comment ils devraient être. Je ne suis pas toujours très sûre de comprendre ce qu’elle me raconte, mais j’écoute tout attentivement. Pas que ce qu’elle me dit serait une quelconque aide si jamais

64

Page 65: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

j’avais un problème dans mon couple. De toute façon, j’ai toujours pensé que les relations amoureuses de Nicole étaient de la science-fiction. Pas qu’elle soit extravagante, mais la manière qu’elle a de me présenter sa vie amoureuse est toujours si… bizarre. Peut-être sont-ce les mots qu’elle utilise ou alors la manière de le narrer… bref, ce n’est pas simple de l’entraver. Je termine le troisième projet que je concocte avec Louis. J’ai remis hier un dossier demandé par Vanessa-Radasse, tout va bien. Le boulot va sur les rails. Il reste une heure pour la fin de la journée. Je ne fais plus d’heures sup et j’arrive une fois sur trois à l’heure. Je ne sais pas comment je fais pour arriver en retard, d’autant que je suis toutes les soirées et les nuits avec Louis. Mais il part avant moi, comme il le faisait avant et moi, je commence… en fait, nous avions dit que je pouvais avoir l’horaire que je voulais, mais nous avons décidé qu’il ne valait mieux pas, surtout parce que nous avons trop envie de passer le plus de temps possible ensemble.

Un appel téléphonique de Vanessa-Radasse me demande de venir la trouver. Je regarde Nicole en haussant les sourcils.

⁃ Quoi ?⁃ Vanessa-Radasse veut que je monte la voir tout de suite.⁃ Le ton ?⁃ Plutôt désagréable et même violemment glacial.⁃ Hum ! Je n’aime pas ça, Elma.⁃ Quoi ?⁃ Tu te souviens de ce que je t’ai dit ?⁃ Quand ?⁃ A propos de ce que Vanessa-Radasse ferait si elle découvrait que toi et le boss vous étiez ensemble ?⁃ Nous avons été prudents. ⁃ Les secrets finissent toujours par se découvrir.⁃ Il n’y a pas de règles pour que les employés n’aient pas de relation autre que professionnelles au boulot.⁃ Mais ce n’est pas conseillé non plus.⁃ Je… J’y vais…

Je soupire profondément. J’arrive dans les deux minutes dans le bureau et après mon coup sur le battant et son « entrez », je pénètre dans le bureau.

⁃ Non ! Ne vous asseyez pas !

Je fronce les sourcils. Je ne crois pas qu’il y ait un problème avec le dossier que je lui ai remis. De fait c’est le sixième et je suis toujours aussi précautionneuse et professionnelle dans la réalisation des projets et dossiers que je monte. Vanessa-Radasse me regarde en tournant sur son siège dictatorial en me regardant fixement. Elle tourne un stylo Mont-Blanc entre les doigts d’un air satisfait et perversement dédaigneux.

⁃ Vous êtes renvoyée avec effets immédiats.⁃ Pourquoi ?⁃ Vos petits jeux de provocation avec notre Président ont été mis à jour. Nous n’apprécions pas ces

manières dans notre entreprise. Nous sommes une entreprise sérieuse et nous ne permettons pas que des employés avec ces manières obscènes travaillent ici. Je ne vous retiens pas !

Je sors de la pièce en laissant la porte ouverte. Je ne comprends rien à son discours et… ce renvoi. J’arrive dans le bureau où Nicole m’attend debout.

⁃ Quoi ?⁃ Elle m’a virée !⁃ Quoi ?

65

Page 66: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

⁃ Oui.

Louis entre dans le bureau et ferme la porte. Il m’interroge du regard, mais je suis encore sous le choc et je ne sais pas trop quoi faire ou que dire.

⁃ Elle l’a virée !⁃ Comment ?⁃ Oui.⁃ Est-ce vrai, Elma ?⁃ Oui.

Il me prend contre lui et je me serre entre ses bras avec force.

⁃ Racontes-moi !

Je lui raconte tout en peu de mots. Il reste pensif.

⁃ Nicole… prévenez toute l’entreprise que je les veux tous dans le réfectoire dans cinq minutes. Ce sera assez de temps pour le faire ?

⁃ Oh que oui ! Je vais appeler Jacqueline, Tonia et Barbara et elles feront passer très rapidement le message.

Louis me prend la main et m’entraine rapidement vers son bureau. Il ferme la porte. Je reste debout, légèrement étourdie.

⁃ Je ne pensais pas le faire si tôt, mais considérant la situation… Il y a urgence !⁃ Urgence ?⁃ Oui.

Je regarde Louis, ne comprenant rien. De fait, j’ai l’impression que je ne comprends plus rien depuis un petit temps. Louis me regarde en souriant avec cet éclat dans l’œil qui me séduit et qui me rend toute chose. Il me prend la main. Il touche chacun de mes doigts taché d’encre. Je ne sais pas ce que les bics ont avec moi, mais ils finissent toujours par couler.

⁃ Elma… Depuis que je t’ai vue, j’ai su que tu es la femme de ma vie. Je désire que tu sois ma compagne, mon épouse si c’est cela que tu veux, sinon, dès maintenant, je veux que tous sachent que tu es la femme de ma vie, ma compagne.

J’écarquille les yeux.

⁃ Euh, c’est peut-être un peu précipité, mais oui… OUI ! Je veux que tout le monde le sache aussi. Tu es l’homme de ma vie, mon compagnon !

Je lui saute au cou et nous nous embrassons à perdre haleine.

⁃ Allons-y !

Je souris béatement. Pour le mariage… je ne sais pas… je verrai avec Nicole, elle doit savoir quoi faire à ce sujet. Nous prenons l’ascenseur et je me serre contre lui en soupirant. Je me détache de lui dès que les portes s’ouvrent. Des groupes de personnes se rendent au réfectoire. Je fronce les sourcils. Je sais quelque chose à ce sujet, mais je ne me souviens plus. Tout a été légèrement brumeux depuis un certain temps. Il

66

Page 67: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

fend la foule et se dirige vers un espace un peu surélevé. Je crois qu’on en a construit un pour les jours de commémorations ou de situations similaires. C’est le seul endroit qui peut accueillir tous les employés. Les gens se taisent, confus et curieux. Vanessa-Radasse s’approche de nous, mais Louis la regarde fixement avec un air dur et déterminé que je ne lui ai jamais vu. Quelque chose comme le regard d’un prédateur et d’un chef. Je comprends mieux pourquoi il est le principal Président de l’entreprise. Elle doute et fait quelques pas gracieux en arrière.

⁃ Je ne vais pas vous retenir longtemps. J’ai une déclaration à faire. La principale raison est personnelle, l’autre est d’ordre plus professionnel. Je ne peux empêcher les bruits de couloirs, les mauvaises interprétations et les médisances, cela fait partie, disons, de tout groupe de gus qui travaille ensemble. Mais je peux éviter que ceux-ci interfèrent avec ma vie privée.

Il jette un bref regard de côté sur Vanessa-Radasse. De légers chuchotis s’élèvent ici et là. Louis me tend la main et je la lui prends. Il me tire doucement près de lui.

⁃ Vous connaissez sans doute tous, Elma Vigne…

Un oui teinté d’un rire chaud et affectueux retentit dans la salle. Louis sourit en me serrant contre lui. Quand a-t-il passé son bras autour de mes épaules ? Le geste est si naturel pour moi maintenant que je n’ai même pas réagi, mais…

⁃ Mademoiselle Vigne est ma compagne et pour fêter ce moment si important pour nous, je donne l’ensemble du personnel le lundi prochain en congé payé. Vous avez trois jours pour régler vos agendas en ce qui concerne les rendez-vous préalablement pris. Si vous avez un problème pour reporter un rendez-vous passez-moi l’appel, je m’en chargerai personnellement.

Un bourdonnement surgit et bientôt une ovation et un applaudissement retentit. Je vois du coin de l’œil Vanessa-Radasse ouvrir la bouche, puis quitter la pièce avec une démarche martiale et chaloupée. Une demi-heure plus tard, nous rentrons chez nous. Nicole a sifflé durant l’ovation. C’est vraiment une mieux que meilleure amie.

43.

Trois jours ont passé et les commérages sont presque finis. Avant-hier, c’était terrifiant. J’ai tellement souri chaque fois qu’un de mes collègues de l’entreprise m’arrêtait pour me féliciter que j’ai fini par me barricader dans mon bureau où arrivaient tout de même d’autres employés sous l’un ou l’autre prétexte. Nicole était à la fête et moi je n’arrivais à rien. Finalement cela s’est calmé. Hier et aujourd’hui, ce ne sont que des clins d’œil et des sourires amicaux et cordiaux. Je ne me savais pas si populaire ou alors je le suis devenue en moins de 24 heures. Louis qui me faisait venir à son bureau sous d’autres fallacieux prétextes riait sous cape. Il s’excusait en m’embrassant à perdre d’haleine et je devais fuir. Aujourd’hui, j’ai mandaté Nicole pour avertir notre boss que j’étais indisponible. Il a arrêté d’appeler deux heures avant notre départ. Ce soir, j’ai concocté une petite surprise pour nous deux. J’ai envoyé un message sur son What’s App pour l’avertir que je devais faire du repassage et qu’on se verrait à 21 heures. Il m’a répondu par un émoticon en forme de « Hurrah ». Je n’ai pas compris, mais bon, c’est un peu ce qui m’arrive ces derniers jours. A 20h55, je suis prête. Je me regarde dans le miroir, oui… tout est OK ! Je soupire profondément et je sors. Mon voisin de palier qui est arrivé ce matin me demande comment je vais et si tout va bien dans le bloc. Je le mets au courant succinctement et il me raconte l’un ou l’autre truc sur sa vie professionnelle. L’entreprise qui l’emploie l’envoie toujours ici et là et il adore voyager. Je finis par lui souhaiter la bienvenue et…oh, horreur ! Dix minutes de retard ! Bon sang ! C’est… comment j’arrive

67

Page 68: CanalBlog · Web viewJ’ouvre une page Word… D’ici deux heures, je l’ai. Après, je me concentre sur ce qui est réellement important. 8. Voilà ! Deux heures sup ! Si cela

toujours à arriver en retard ? Je file dans la cage d’escaliers et devant le battant, je respire longuement et profondément. Je retire ma longue veste et j’ajuste mon haut, puis mon bas qui reprennent la même place. Je place le carton sur mon bras et je sais que la bouteille de champagne est dans le frigo depuis ce matin. Je tapote sur le battant sur un son de musique que nous aimons tous les deux et le battant s’ouvre sur Louis qui est en tenue détendue, autrement dit, avec un t-shirt lâche et un pantalon de jogging tout aussi lâche. Il est sublime, je prends deux secondes à le contempler, puis je me reprends. Je toussote pour me donner du courage.

⁃ Vous avez commandé une pizza ?

Louis me regarde de bas en haut et retour avec un petit sifflement d’admiration. Je rougis derechef. Un petit bruit arrive depuis les escaliers, je blêmis. Louis rit et me prend dans ses bras en entrant. Ce soir il y a plus et mieux que fêter. Le début de la continuation de notre amour, par exemple. Ce soir, ce n’est pas dit que nous mangerons une pizza, mais qu’importe, elle est commandée.

68