Upload
nata-valle
View
219
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
1/34
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
2/34
Ces dsirs
qui nous font honte
Dsirer, souhaiter, agir :
le risque de la confusion
SergeTisseron
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
3/34
3
Temps dArrt:
Une collection de textes courts dans le domaine de la
petite enfance. Une invitation marquer une pause
dans la course du quotidien, partager des lectures en
quipe, prolonger la rflexion par dautres textes
Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste, directeur derecherches lUniversit Paris X. Son dernier ouvrage parusintitule Comment Hitchcock ma guri, Paris, Albin Michel,2003.
Ce texte a fait lobjet dune confrence qui sest tenue le 29 avril2004 au Thtre 140.
Fruit de la collaboration entre plusieurs administrations
(Administration gnrale de lenseignement et de la recherchescientifique, Direction gnrale de laide la jeunesse, Directiongnrale de la sant et ONE), la collection Temps dArrt est di-te par la Coordination de lAide aux Victimes de Maltraitance.Chaque livret est dit 10.000 exemplaires et diffus gratuite-ment auprs des institutions de la Communaut franaise activesdans le domaine de lenfance et de la jeunesse. Les textes sontgalement disponibles sur le site Internet www.yapaka.be
Comit de pilotage:Yvon Bguivin, Jacqueline Bourdouxhe, Guy Declercq, Nathalie
Ferrard, Grard Hansen, Franoise Hoornaert, Roger Lonfils, AnneThiebault, Reine Vander Linden, Nicole Vanopdenbosch,Dominique Werbrouk.
Coordination:Vincent Magos assist de Delphine Cordier, Diane Huppert etClaire-Anne Sevrin.
Avec le soutien de la Ministre de la Sant, de
lEnfance et de lAide la jeunesse de la Commu-naut franaise.
diteur responsable: Henry Ingberg Ministre de la Communaut fran-aise 44, boulevard Lopold II 1080 Bruxelles. Dcembre 2004
2
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
4/34
5
Dans le film de Luiz Buel intitul La vie criminelle
dArchibald de la Cruz, le hros se sent terriblement
coupable de meurtres quil a dsirs accomplir,
mais qui lont t par dautres sans quil y soitpour rien. La morale de lhistoire est donne la
fin par linspecteur de police auquel le hros est
venu se confier: la loi punit les crimes accomplis,
mais certainement pas ceux que nous avons
dsirs en secret!
La reconnaissance de dsirs humains dangereux
pour autrui est en effet au fondement de leurinterdiction par la loi. Par exemple, cest la recon-
naissance du dsir de tuer notre semblable qui a
entran ltablissement dune lgislation desti-
ne sy opposer. Mais la loi na pas seulement
pour consquence de rglementer la vie sociale;
elle nous permet aussi de nous reprsenter ceux
de nos dsirs dont la ralisation est interdite. Par
exemple, si jai un voisin bruyant et dsagrable,
je peux dautant plus facilement imaginer que je
men dbarrasse et mme en plaisanter! que
je sais la chose irralisable et que mes interlocu-
teurs le savent aussi.
4
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
5/34
7 6
Nous sommesdes tres de dsirs
Ce qui diffrencie ltre humain de lanimal, ce ne
sont pas ses performances, et encore moins
sa morale: aucune espce na son actif des
tentatives gnocidaires comme celles qui ont
marqu la communaut humaine depuis cin-
quante ans! En revanche, ltre humain a ceci de
particulier quil est engag tout moment dans laconstruction de reprsentations des expriences
quil traverse. Et ces reprsentations ont toujours
deux versants : la ralit qui lentoure et la manire
dont il y ragit. Autrement dit, nous nous donnons
tout moment des reprsentations de lespace
o nous nous trouvons et des vnements qui
nous arrivent, mais aussi de ce que nous imaginons,
rvons et dsirons. Or, dans ces reprsentationsde notre monde interne, les dsirs agressifs et
rotiques ont une place capitale par lintensit
motionnelle quils suscitent.
La ncessaire reprsentation
des dsirs agressifs
Lun des mrites de Freud est davoir montr que
limpossibilit de se reprsenter ses propres
dsirs agressifs peut rendre psychiquement, et
Cela est valable pour nos dsirs agressifs, mais
aussi pour nos dsirs rotiques, et ceux qui sur-
gissent parfois entre adultes et enfants ny font
pas exception. Non seulement il nest pas interdit
de dsirer ce que la loi interdit, mais il est mmefortement conseill de se reprsenter quon le
dsire. A dfaut dy parvenir, nous risquons en
effet daccomplir des actes que nous navions
mme pas imagins, pour notre plus grande
honte et celle de nos proches.
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
6/34
avoir honte den vouloir leur pre ou leur
mre, quelles que soient les violences dont elles
se sentaient victimes de leur part. La honte pour
leurs propres dsirs agressifs les a alors
conduites imaginer quelles ne puissentrpondre une attaque que par une attaque
encore plus violente. Bref, elles se rvlent inca-
pables de faire la diffrence entre une violence
dautodfense et une violence dagression. Mais
si elles ny parviennent pas, cest parce que leurs
parents, bien souvent, ne leur ont pas permis de
faire cette diffrence quand elles taient enfants.
Limpossibilit de se reprsenter son dsir agres-
sif ne se traduit pas toujours par linhibition et
lincapacit de se protger contre la violence
dautrui. Elle aboutit parfois loppos, savoir
une violence exerce contre autrui dans laquelle
on ne se reconnat pas. Certaines personnes
peuvent ainsi tre amenes accomplir des
actes de violence quelles navaient mme pas
imagins et dont elles ne ralisent lhorreur
quaprs coup. Cest, semble-t-il, ce qui sest
pass lors du gnocide rwandais en 1994. Huit
cent mille Tutsis y ont t massacrs en douze
semaines par des hommes ordinaires qui avaient
le sentiment daccomplir un travail ordinaire. Leur
fuite prcipite devant lavance des troupestutsies venues des pays voisins, puis la dnon-
ciation de la communaut internationale, leur ont
soudain fait prendre conscience quils taient
des hommes ordinaires qui avaient accompli des
9
mme parfois physiquement malade. Par exemple,
un enfant qui ne peut pas reconnatre la ralit de
ses tendances agressives vis--vis de lun ou
lautre de ses parents dveloppe volontiers des
troubles allergiques, des rhinopharyngites rptition ou des manifestations dpressives.
Cela se produit quand lun des parents est
excessivement autoritaire et agressif: lenfant
touffe en lui toute ide de rvolte qui le terrori-
se. Mais un parent fragile et dprim peut gale-
ment dissuader un enfant de manifester, et mme
dprouver, son agressivit: ce nest plus la crainte
dtre terriblement puni qui inhibe lenfant, maiscelle de blesser son parent par ses attaques dans
la mesure o il lui parat incapable de se dfendre.
Dans les deux cas, le rsultat est le mme: les
enfants qui ne parviennent pas se reprsenter
leur agressivit ont souvent un dveloppement
psycho-affectif perturb. Ils deviennent exces-
sivement soumis et prsentent volontiers une
fragilit somatique la moindre contrarit. En
outre, plus tard, ils deviennent frquemment des
adultes qui ont honte de leur agressivit et par-
fois aussi de celle dautrui!
Cela se voit notamment chez des femmes mal-
menes par leur mari qui cachent leurs proches
les agressions dont elles sont victimes. Souvent,la thrapie de ces femmes montre quelles ont
dabord commenc avoir honte de leur propre
agressivit avant davoir honte de celle de leur
mari leur gard. Leur ducation leur a appris
8
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
7/34
difficult laquelle doit faire face tout tre
humain. Et cette difficult est bien entendu dau-
tant plus grande que la ralisation de ces dsirs
est interdite par la loi, comme cest le cas des
agissements sexuels entre adultes et enfants.
Comme pour les dsirs agressifs, celui qui
prouve de tels dsirs et refuse den reconnatre
lexistence en lui-mme court le risque den tom-
ber malade Parfois, il souffre de maux inexpli-
cables qui lempchent dexercer son travail
dans de bonnes conditions. Dautres fois, il lui
semble soudain accomplir des actes qui ne vien-nent pas de lui, mais de quelquun dautre.
Enfin, ces dsirs non reconnus peuvent se mani-
fester sous la forme dattitudes rpressives
excessives vis--vis des enfants. La confusion
des langues 2 dont parlait Ferenczi, entre les
attentes de tendresse dun enfant et les dsirs
sexuels dun adulte, ne se solde pas toujours
par un abus sexuel. Il arrive aussi et mme de
plus en plus compte tenu de la dnonciation des
agissements pdophiles que cette confusion
produise une mise distance excessive de len-
fant par ladulte. Obsd par des dsirs sexuels
dont il craint de parler autour de lui, celui-ci
se prmunit par divers moyens contre tout risquede rapprochement. Pour y parvenir, il sentoure
11
choses extraordinaires. Mais les tmoignages
recueillis auprs deux1 montrent quils ne se
sont reprsents ce quils taient en train de faire
quaprs lavoir ralis. Cest seulement aprs
plusieurs jours de tuerie quils ont en effetcommenc avoir la reprsentation deux-
mmes comme tueurs. Auparavant, ils faisaient
des choses qui paraissaient leur chapper et
dans lesquelles ils ne reconnaissaient pas leurs
propres proccupations. Comment lexpliquent-
ils? Les rfrences latmosphre dans laquelle
ils ont grandi reviennent le plus souvent. Des
petites phrases entendues frquemment dansleur enfance au sujet des Tutsis, telles que nous
serions plus tranquilles sils ntaient pas l ,
cest encore de leur faute ou encore il faudra
bien envisager de sen dbarrasser un jour , ont
pu efficacement les prparer massacrer leurs
voisins de toujours sans quils naient jamais
une reprsentation claire des actes de violence
quils accomplissaient, et encore moins de leur
agressivit leur gard.
La ncessaire reprsentationdes dsirs rotiques
Aprs la reprsentation des dsirs agressifs, lareprsentation des dsirs rotiques est la grande
10
2 Ferenczi S., Confusion de langue entre les adultes et lenfant,Psychanalyse 4, uvres compltes, Paris, Payot, 1982 (1933).1 Jean Harzfeld, Une saison de machettes, Paris, Le Seuil, 2004
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
8/34
Alors, comment viter den arriver l et de provo-
quer ces difficults chez des enfants qui sen
passeraient bien. Ce problme nous concerne
tous. En effet, au-del du fait que certains dentre
nous puissent prouver de tels dsirs et dautrespas, cette question engage une responsabilit
collective, notamment par lintermdiaire des
institutions ducatives. Celles-ci peuvent en effet
favoriser ou au contraire dissuader chez les inter-
venants qui y travaillent la reprsentation de leurs
dsirs rotiques ventuels pour les enfants, avec
les consquences que nous avons voques. Mais,
avant davancer plus avant, il nous faut dabordmieux prciser la nature des reprsentations que
ltre humain se donne de ses dsirs, et notamment
de ceux dont la ralisation lui est interdite.
Chacun dentre nous dispose detrois moyens pour se reprsenterses dsirs et les socialiser
Nous donnons un sens aux divers vnements
du monde que nous traversons en utilisant tou-
jours trois moyens complmentaires: les mots,
les images, et lensemble de nos manifestations
sensori-motrices qui incluent notamment nos
gestes, nos attitudes et nos mimiques3. Ces troismoyens sont la fois ceux que nous utilisons
13
parfois dune barrire de froideur en se rendant
distant et inaffectif. Dautres fois, il se protge par
la violence: il gronde ou rudoie plus que nces-
saire lenfant par lequel il craint de se sentir excit
de manire insupportable. Enfin, la honte quilressent vis--vis de ses propres dsirs peut par-
fois se communiquer lenfant dont il a la charge.
Le jeune qui peroit un adulte gn chaque fois
quil lapproche et le sollicite est videmment
menac par le risque de se croire lui-mme lobjet
de cette honte, et dadopter dans la vie une atti-
tude honteuse qui ne manquera pas de
paratre suspecte. Celui qui se montre honteux,mme sil ne sait pas de quoi et pourquoi, impo-
se en effet souvent ses proches lide quil a d
accomplir quelque action honteuse!
Ces trois attitudes la froideur, le rudoiement et
le transfert de la honte ont la mme cons-
quence tragique: elles constituent une forme de
traumatisme pour lenfant. Et, dans les trois cas,
lintensit de celui-ci nest pas fonction de lexci-
tation rotique prouve par ladulte, mais de
limportance des barrires quil a riges pour se
la cacher lui-mme. Plus un adulte vit comme
honteux un dsir sexuel vis--vis dun enfant, et
plus il cherche se cacher ce dsir lui-mme,
plus il est pouss riger des barrires puis-santes contre le risque de sa ralisation, tel
point que ces barrires, parfois considrables,
peuvent finir par constituer le problme principal
dans ses relations aux autres.
12
3 Autrement dit, dans la vie psychique, rien nest jamais insymbolis,sauf vouloir rduire la signification du mot symbole aux seulesconstructions du langage parl ou crit.
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
9/34
tes du XIVe sicle, au moment du Moyen-Age
finissant5. Dieu le Pre est assis, son regard nous
fixant dans une attitude calme et majestueuse.
De sa bouche semble sortir une langue : cest en
fait lEsprit-Saint, symbole du verbe, autrementdit des puissances du langage de mme appa-
rat-il sous la forme delangues de feu, sur la tte
de chaque aptre, le jour du mystre de la
Pentecte, leur donnant le pouvoir extraordinaire
de comprendre et de parler toutes les langues.
Enfin, ce Pre tient devant lui un crucifix portant
le corps de son fils Jsus. Cette partie de la
sculpture est beaucoup plus petite tel pointquelle semble une image que Dieu prsenterait
aux fidles placs face lui. A la diffrence de
Dieu qui fixe son interlocuteur dans les yeux en
lobligeant le regarder, le Christ miniature ne
regarde pas en face de lui, mais sur le ct, ce qui
accentue limpression quil constitue une sorte
dimage dans limage . Bref, tout se passe
comme si le grand personnage sculpt montrait
une image, tandis que limmense langue qui lui
sort de la bouche nous indiquait quil en dit
quelque chose.
Ainsi, ces sculptures ne reprsentent pas seule-
ment le mystre catholique de la Sainte Trinit
sous la forme o les thologiens et les sculpteursdu XIVe sicle se le reprsentaient, mais la situa-
tion o chacun dentre nous se trouve lorsquil
15
pour nous reprsenter ce que nous prouvons,
et pour le communiquer. Car nous ne nous repr-
sentons bien que ce que nous pouvons faire
valider par un tiers: nous ne sommes des tres
de communication que parce que nous recher-chons tout instant une approbation par autrui
des reprsentations personnelles du monde que
nous nous construisons. Cest ce qui explique
que nous soyons en gnral plus soucieux dtre
couts que dcouter: entre la communication
et la symbolisation personnelle des vnements
que nous traversons, cest celle-ci qui prime!
Et, comme elle fait intervenir tout momentdes mots, des images et des attitudes mimo-
gestuelles, on peut dire quelle est trois en
une : trois puisquelle prend trois formes
distinctes, et en mme temps une puisque
ces trois formes sont absolument insparables
dans la vie quotidienne.
Or cette formule Trois en une nest pas
sans rappeler le mystre de la Trinit chrtienne
pour laquelle Dieu est Trois en Un: Pre, Fils et
Saint-Esprit! La Trinit chrtienne serait-elle
alors une mtaphore de la trinit des formes de
la symbolisation4?
En tous cas, cette complmentarit reoit uneadmirable mise en scne dans les Trinits sculp-
14
5 Comme celle de la Basilique des Saints Nazaire et Celse Carcassonne.4 Je dveloppe cette hypothse dans Petites mythologies daujourdhui,
(Paris, Aubier, 2000).
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
10/34
entrouvertes. Un verre triangulaire du genre de
ceux quon utilise pour les analyses durine
tait pos sur la tte de lenfant qui se tenait
debout ct dune toise. Ces objets sont autant
de signes familiers aux psychologues: le verretriangulaire rempli voque le pubis de la fillette et
son envie pressante ; sa bouche entrouverte
voque louverture de son sexe; la grande toise
ct delle, constitue dune petite baguette
horizontale qui coulisse sur une grande rgle ver-
ticale, voque les capacits rectiles du membre
masculin; enfin, ses cheveux dcoiffs voquent
les dsordres conscutifs lamour. Pour le psy-chologue, cette image est une mise en scne
destine voquer chez son spectateur, incons-
ciemment bien entendu, un rapport sexuel! Le
spectateur masculin aperoit dans cette image
une Lolita craquante mais, par effet de sa censure
psychique, il ny voit plus quune fillette adorable.
Et la spectatrice croit voir une fillette adorable
alors quelle y entrevoit lincarnation de ses dsirs
infantiles enfouis mais toujours agissants
dtre une Lolita sductrice. Il faut croire que le
dsir pdophile est bien puissant pour que la
publicit lutilise avec autant daplomb! Dans
tous les cas, le consommateur est excit sans
savoir comment et achte sans savoir pourquoi.
Cest bien le but recherch.
La prise de conscience de limportance de la
pdophilie a provoqu un retrait de ces images.
Largument invoqu a t quon voyait le buste
17
tente de communiquer quelque chose dimpor-
tant : il se rend visible son interlocuteur et le fixe
en gnral dans les yeux; il ouvre la bouche et
des mots en sortent et mme parfois ce quon
appelle un flot de paroles , semblable lalongue langue qui schappe de la bouche du
Pre dans ces Trinits du Moyen-ge; et il saide
ventuellement dimages quil prsente ses
interlocuteurs situs face lui.
Les moyens de symbolisation que
ltre humain sest donns pourse reprsenter ses propres dsirssont aujourdhui volontiers utilisspour les exciter, souvent soninsu, et les dtourner vers laconsommation
Certaines publicits tentent un peu dagir sur
nous comme labuseur denfants avec sa jeune
victime: elles suscitent en nous des dsirs qui
nous gnent, puis elles nous disent que ce sont
les ntres afin de brouiller nos repres et minimi-
ser leur responsabilit, et enfin elles tentent de
dtourner leur profit ce quelles ont fait natre!
En 1995, des photographies qui mettaient enscne des enfants ont t brutalement retires
dune campagne publicitaire. Sur lune dentre
elles, on voyait une fillette nue, cadre au-dessus
du pubis, les cheveux bouriffs et les lvres
16
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
11/34
Toutes diffrentes sont les images de la publicit.
Et il faut bien reconnatre quentre 1980 et 2000,
elles ont largement jou sur le dsir pdophile et
y jouent encore trop souvent aujourdhui. On ne
compte plus, sur les panneaux publicitaires etdans les magazines, les lolitas ges de six
ans au plus, dguises et fardes comme des
femmes adultes. Ce ne serait pas grave si lexis-
tence de dsirs rotiques de ladulte pour
lenfant tait mieux reconnue, car ceux chez qui
ils sont excits pourraient les reprer et prendre
de la distance par rapport eux. Ce quil est
interdit daccomplir, il nest en effet pas interditden rver!
Malheureusement, ces images sont proposes
dans un contexte culturel qui refuse de prendre
en compte lexistence de ces dsirs alors mme
quil contribue les exciter. Les maisons ddi-
tions et les producteurs de cinma expurgent en
effet soigneusement aujourdhui tout ce qui pour-
rait les voquer par crainte de faire peur leur
public potentiel, voire de susciter les foudres de
la censure. Le drame est quen agissant de la
sorte, ils ne nous aident gure pouvoir nous
reprsenter ceux de nos dsirs dont la ralisation
est interdite et ils laissent la publicit surfer sur
ces zones troubles de nous-mmes, au risque quecertaines personnalits fragiles sy engloutissent.
Ainsi, dun ct, des images rpandues partout
excitent le dsir de la sduction rotique de
19
dnud du petit modle. Quelques semaines
auparavant, les mmes images avaient t auto-
rises parce quon ne voyait pas le bas Dans
les deux cas, le seul critre retenu fut lapprcia-
tion de la nudit, les censeurs se demandant siltait impudique de montrer la poitrine dune fil-
lette qui nen a pas! Malheureusement, la nature
des dsirs quune telle mise en scne commu-
nique ses spectateurs ne fut jamais prise en
compte. Et pourtant, un vtement qui bille ou
une fente soigneusement arrange dans les plis
dune toffe sont des stimulants rotiques bien
plus puissants que la nudit intgrale
Dautres exemples rcents conduiraient au mme
rsultat. La fte des mres apporte notamment
chaque anne son lot de top-modles vtues de
robes lgres, leur garon coll contre elles et
apprenant balbutier je taime avec leurs
menottes poteles. On peut objecter que les tra-
ditionnelles Vierges lEnfant proposaient une
image de proximit corporelle entre un grand
enfant et sa mre qui ntait pas moins troublante.
Ce rapprochement nest vrai quen apparence.
Au moment o elles ont t ralises, ces images
taient reues comme des signes: les seins de
Marie renvoyaient la nourriture mystique que
lglise dispense ses fidles, le petit pnis duChrist, que la Vierge touche parfois, tait une
vocation de la Puissance divine et lattestation
de lIncarnation; enfin, noublions pas que la
Vierge est toujours reste vierge!
18
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
12/34
21
cest pourquoi les parents et les ducateurs ont
un rle essentiel jouer, condition de savoir
rapprendre limpertinence et lindignation face
aux images! En effet, beaucoup de parents sont
choqus par les images souvent troubles quinous entourent, mais bien peu dentre eux le
disent leurs enfants. Or, si un enfant est entou-
r dadultes qui semblent ne rien prouver face
aux images les plus douteuses, il pense qutre
grand, cest pouvoir tout regarder sans rien res-
sentir. Il apprend alors peu peu simmuniser
contre les mises en scne choquantes quil voit
sur les panneaux publicitaires ou la tlvision,et, parfois, il les recherche mme comme des
sortes dpreuves initiatiques dont le franchisse-
ment lui prouverait quil est grand. Bien entendu,
les parents nont pas lintention de communiquer
un tel message leurs enfants, mais cest pour-
tant ce quils font en regardant les images souvent
violentes ou pornographiques qui nous entourent
sans rien manifester de leurs motions.
Cest pourquoi le rle ducatif des adultes, face
aux images, consiste dabord montrer ce quils
prouvent, et ensuite accueillir lensemble des
ractions motionnelles des enfants sans en
condamner aucune. Empcher un enfant, pour
des raisons morales, dvoquer des motions quila prouves face des images, cest le condam-
ner enfermer celles-ci au plus profond de lui-
mme avec le risque quelles le perturbent plus
durablement encore, et ceci de faon imprvisible.
ladulte par lenfant et de lenfant par ladulte,
tandis que dun autre ct, ces dsirs ne sont
pas mis en scne dans leurs tenants et leurs
aboutissants de telle faon quil est difficile pour
la plupart dentre nous de les penser. Cest exac-tement le contraire qui devrait tre fait : favoriser
la reprsentation de ces dsirs dans lcriture et
le cinma, et interdire son excitation et son
dtournement des fins commerciales. Il est en
effet invitable que ces images publicitaires
jouant sur le levier du dsir pdophile fragilisent
des sujets qui ont de la difficult fixer un cadre
leurs mois rotiques. En accroissant leur exci-tation, elles risquent de pousser lacte certains
dentre eux, ou, ce qui nest pas moins probl-
matique, les inciter se protger contre ce risque
par la froideur, la violence, ou la honte faite aux
enfants dont ils ont la charge. La premire de ces
attitudes est aujourdhui repre et punie. Malheu-
reusement, les trois autres, plus frquentes quon
ne le croit, prosprent en silence dans les
familles et les institutions pour enfants, pour le
plus grand dommage de ceux-ci.
Face lenvironnementdimages, les adultes ont un
rle ducatif essentiel jouervis--vis des enfants
Aucune image na de consquences automatiques
sur personne. Tout dpend de lenvironnement,
20
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
13/34
23 22
La responsabilit desinstitutions: apprendre
dire pour ne pas faire
Revenons maintenant aux dsirs qui nous font
honte. On parle beaucoup aujourdhui de pr-
vention propos des abus sexuels commis dans
les institutions spcialises. Les autorits de
tutelle, les associations, les directeurs dtablis-
sement et les ducateurs se posent tous lamme question: comment crer un environne-
ment institutionnel propre empcher les abus?
Cette question est dautant plus importante que
le travail dans les institutions pour handicaps
engage une proximit corporelle parfois dlicate
par lintensit de ce qui est ressenti de part et
dautre, tant du ct de lenfant que de ladulte,
notamment lors des soins corporels. Ce sont ces
questions auxquelles nous devons accepter de
nous confronter si nous voulons que la prven-
tion des abus sexuels soit une ralit et pas seu-
lement un slogan. Il nous faut pour cela accepter
de dbattre de ces questions dans deux direc-
tions: dun point de vue juridique bien entendu,
mais aussi du point de vue de la place du corps etdu dsir dans les relations entre les tres humains,
quels que soient leur ge et leur sexe.
Adultes et enfants sont aujourdhui plongs
ensemble dans le mme bain dimages et ils
nont pas dautres ressources que dapprendre,
ensemble, se les approprier diffremment. Et,
pour cela, le mieux est encore de les regarderensemble, den parler et den plaisanter, afin den
faire des espaces dchange qui nous permet-
tent la fois davoir plus de distance vis--vis
delles et plus de proximit entre les gnrations.
Cest cela, lducation aux images , et elle
concerne toutes celles qui nous entourent, y
compris les publicits qui tentent de manipuler
leur profit les dsirs rotiques ventuels entreadultes et enfants.
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
14/34
25 24
dattitude dans ce domaine, prenons un exemple
dans le registre moins controvers de nos dsirs
agressifs. Un pdagogue qui dclare ses col-
lgues quil a parfois envie de gifler lun de ses
lves ne provoque heureusement aucune rac-tion indigne de leur part, et encore moins de
condamnation. Chacun sait bien que certains
enfants tmoignent dun vritable don pour faire,
comme on dit, sortir ladulte de ses gongs .
Mais un enseignant qui confierait ses collgues
quun enfant de sa classe lexcite et quil a
parfois envie de lembrasser risque aujourdhui
une dnonciation, un renvoi et mme un procs!Cest pourtant la mme chose. Dans les deux
cas, dire nest pas faire , et dire constitue
mme souvent le seul moyen de reconnatre et
de faire reconnatre ce que nous prouvons de
manire vivre en paix avec nous-mmes.
Allons mme plus loin. Si les institutions pour
enfants taient plus ouvertes un discours sur
les composantes rotiques des relations entre
adultes et enfants, elles seraient non seulement
plus lucides sur les dsirs qui sy jouent, mais
aussi sur les agissements pervers dont elles sont
parfois le thtre. Le silence de notre socit sur
ces dsirs ne contribue en effet pas seulement
prcipiter les personnalits les plus fragiles encontact avec les enfants vers des comporte-
ments ouvertement sexuels envers eux; il facilite
galement ce passage lacte dans la mesure o
les enfants sont rduits au silence faute dun
La campagne actuelle contrela pdophilie, essentielle pourprotger les enfants, nous feraitcourir un risque considrable si
elle contribuait marquer dusceau de la pathologie et de ladviance tous les mois rotiquesdes adultes vis vis des enfants
Certains ducateurs ou enseignants ayant des
dsirs pdophiles peuvent tre dexcellents com-
pagnons pour les enfants dont ils ont la charge.
Leurs ventuels dsirs sexuels pour ceux-ci sontalors efficacement transforms en affection, en
tendresse et en souci ducatif. Mais ces mmes
dsirs pdophiles, sils ne les reconnaissent pas
en eux-mmes, risquent de les dborder et de se
manifester dans des attitudes ambigus, voire
ouvertement sexuelles vis--vis des enfants.
Cest pourquoi les composantes rotiques,
veilles chez certains adultes par certains
enfants, doivent pouvoir tre reconnues et par-
les. La socit interdit juste titre le passage
lacte sexuel entre adultes et mineurs parce que
ceux-ci en sont gravement affects dans leur
dveloppement. Mais la loi garantit les barrires
ncessaires lenfant pour son quilibre, elle
ninterdit pas le dsir! Et elle est mme l pournous permettre de le penser!
Pour faire comprendre ce que pourraient tre les
consquences institutionnelles dun changement
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
15/34
27 26
labus, comme on le croit souvent pour tenter
de se rassurer.
Le dsir sexuel de ladulte pour lenfant trouve
dabord son origine dans la satisfaction de trou-ver chez lenfant un partenaire soumis: ladulte
demande ainsi souvent lenfant ce quil nose
pas demander son partenaire adulte6. Mais,
plus banalement, il est li au fait que lenfant
nveille pas certaines images pnibles qui com-
pliquent les relations de nombreux adultes avec
des partenaires des deux sexes, comme des
fantasmes de mre phallique . Ces images,enfouies dans linconscient de chacun, viennent
toujours plus ou moins troubler nos relations
avec nos semblables et rendre notre dsir pour
eux ambivalent. Le dsir pdophile, lui, en est
exempt. Et cest pourquoi ne pas reconnatre
lexistence de tels dsirs, cest courir le risque
dtre soudain envahi par eux. Le danger est alors
dy cder, en tant en outre persuad que cest
lenfant qui porte la responsabilit du passage
lacte! Les affirmations de certains pdophiles
qui dclarent avoir t sduits par un enfant et lui
avoir cd contre leur volont doivent tre prises
au srieux. Nul nest plus menac de passer
lacte sur le corps de lenfant que celui qui nie la
ralit de ce dsir en lui. Et il est galementmenac, plus que tout autre, par la honte de la
interlocuteur pour les couter et les croire. Moins
une institution voque lexistence de dsirs
sexuels entre adultes et enfants, et plus il est dif-
ficile de parler de la ralisation de ces dsirs
lorsque tel est le cas puisquils sont censs ne pasexister! Cest parce quon a longtemps considr
comme inimaginables les agissements pdo-
philes dducateurs dvous que ces agissements
ont t possibles.
Au contraire, les coupables dactes pdophiles
seront bien plus facilement identifis, notamment
dans les institutions ducatives, lorsque lexis-tence des dsirs sexuels entre adultes et enfants
pourra y tre parle.
Celui qui cherche se convaincrequil nprouve pas dmotionrotique avec les enfants est la fois enclin les diaboliseret les agir son insu !
Il ny a bien entendu rien de commun entre celui
qui cde au dsir sexuel pour lenfant et celui qui
y rsiste, mais pour ce qui est du dsir, lun et
lautre sont embarqus dans la mme galre. Ils
doivent tous deux saccommoder des compo-santes sexuelles de leur intrt pour les enfants.
Mais do provient ce dsir, plus rpandu quon
ne croit? Pas forcment dun traumatisme pr-
coce dans lequel labuseur aurait dabord t6 On peut consulter ce sujet louvrage de va Thomas consacr aux
situations dinceste, Le Sang des mots, Paris, Mentha, 1992.
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
16/34
29 28
fcheuse tendance que nous avons nous cacher
lexistence de ces dsirs en nous-mmes.
Rappelons que pour Freud, ltre humain ne peut
se socialiser quen renonant partiellement laralisation de ses dsirs. Il sest tromp dans la
mesure o certains de ceux-ci sont mieux satis-
faits dans la socialisation: cest le cas notamment
du dsir dattachement et de celui de compren-
dre. Mais pour beaucoup dautres dsirs, comme
il lavait bien vu, le renoncement est indispen-
sable. Cest le cas des dsirs de meurtre et de
sduction sexuelle des enfants. Il faut donc ruseravec eux en les sublimant . Ce peut tre en se
faisant enseignant, ducateur ou moniteur ou
bien en choisissant pour partenaires des
femmes enfants ou des femmes garonnes
quon choisit dappeler mon bb Il ny a
pas de mode demploi de la sublimation. Il ny a
quune obligation sociale y parvenir. Cest
dailleurs pourquoi un thrapeute doit toujours
absolument respecter les sublimations dun
patient, mme si elles lui paraissent rgressives
ou prendre celui-ci un temps qui pourrait tre
mieux employ autrement On ne sait jamais
trop ce qui se cache derrire une sublimation,
cest pourquoi le mieux est de continuer le travail
thrapeutique sans sen proccuper. Celles quisont inutiles ou trop coteuses en nergie tom-
bent, dautres se mettent en place, et seules
subsistent finalement celles qui sont ncessaires.
pdophilie des autres quil sagisse de ses
proches ou des membres de sa communaut. La
manire dont il se cache lui-mme ses dsirs
le conduit en effet stigmatiser la pdophilie
comme un comportement, et pas comme undsir. Il parvient par l se cacher que laffection
de ladulte pour lenfant a toujours une compo-
sante sexuelle, mme si elle est normalement
contenue et sublime. Cest limpossibilit
daccepter et dassumer la honte dun dsir
sexuel pour lenfant lintrieur de soi-mme qui
conduit la stigmatisation du pdophile comme
non-humain . Celui qui tente de se cacher lui-mme une excitation sexuelle quil prouve
vis--vis dun enfant sempresse alors daffirmer
que ce nest pas lui, mais les autres . Et lors
des campagnes contre la pdophilie, il exige de
lourdes peines contre les coupables unique-
ment pour se convaincre quil ny a rien de com-
mun entre eux et lui!
La culpabilisation de laccomplissement des
dsirs sexuels avec un enfant, conformment
linterdiction de leur ralisation par la loi, suffit
amplement empcher le passage lacte si
chacun se montre vigilant. Il nest nul besoin
dinvoquer la honte quil y aurait prouver de tels
dsirs ! Dautant plus que linvocation de celle-ci,par les angoisses quelle suscite, contribue rapi-
dement diaboliser les coupables dactes pdo-
philes transforms en monstres , voire en
ogres dune manire qui aggrave encore la
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
17/34
31 30
Lenfant dsire parfoisun rapprochement sexuel
quil ne souhaite
jamais sauf sil a tprcdemment abus
En tablissant une distinction claire entre recon-
natre lexistence dun dsir et lagir, nous avons
pos un jalon essentiel pour la comprhensiondes difficults des adultes confronts des
enfants. Mais nous navons encore rien dit de
lexistence ventuelle dun dsir sexuel de len-
fant pour ladulte. Or il serait naf de penser que
lenfant na ni curiosit, ni dsir sexuel lgard
de ladulte. Le pdophile dit dailleurs y tre trs
sensible et il se prsente volontiers comme un
dfenseur des droits du dsir contre les censeurset les puritains! Cest pourquoi il est si important
de dire que le dsir sexuel de lenfant pour ladulte
peut exister. Si on laisse aux pdophiles laffir-
mation de cette vrit, ils auront tt fait de lan-
nexer leurs proccupations perverses! Mais
pour progresser dans la comprhension de ce
dsir, il nous faut avancer une nouvelle et indis-pensable distinction.
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
18/34
33 32
Un exemple pris dans un domaine bien connu
nous aidera mieux comprendre cette distinc-
tion. La plupart des petits garons, aux environs
de cinq ans, disent quils veulent pouser leur
maman . Imaginons un pre qui, en entendantcela, ferait sa valise et dirait son jeune fils : Eh
bien, puisque tu veux rester seul avec ta mre et
lpouser, je men vais! Une telle attitude aurait
videmment des effets catastrophiques sur len-
fant et ce pre passerait bon droit pour tre un
fou ou un pervers. On ne peut pourtant pas nier
que les enfants, aux alentours de cinq ans, dsi-
rent que leur parent de mme sexe disparaisseafin de rester seul avec leur parent de sexe oppos.
Mais ces enfants dsirent souvent en mme temps
le contraire que leur parent de sexe oppos dis-
paraisse et rester seul avec le parent du mme
sexe , et surtout, ils ne le souhaitent pas.
Dans ses rveries, lenfant se reprsente en effet
peu prs tout de la sexualit des adultes et sesreprsentations sont charges de dsirs dautant
plus intenses quil aspire, sur le plan narcissique,
tre considr comme un grand . Mais quun
adulte linvite raliser ces rveries le confronte
un terrible traumatisme. Car lenfant attend prci-
sment de ladulte quil le protge contre ses
dsirs au nom dautres proccupations que sontnotamment la stabilit de ses attachements et la
reprsentation quil a de lui-mme comme un
enfant, et justement pas comme un adulte. Lenfant
qui dsire sexuellement un adulte sent bien en
De la mme manire que dire sondsir nest pas le raliser , onpeut ne pas souhaiter accomplirce que pourtant on dsire
Risquons un exemple personnel. Je dsire
depuis longtemps faire du parapente, mais je ne
le souhaite pas dans la mesure o je suis
convaincu que jaurai tt fait de my tordre le
cou! Plus banalement, je peux dsirer la mort
dun proche qui me fait souffrir, mais je ne la
souhaite pas parce que jaime par ailleurs sinc-
rement cette personne. Cette intuition que nouspouvons la fois dsirer et ne pas souhaiter une
seule et mme chose nous met souvent mal
laise. Il nous semble vouloir et ne pas vou-
loir en mme temps et nous craignons dtre
suspect de ne pas savoir ce que nous vou-
lons . Mais cette formulation entre vouloir et
ne pas vouloir est ambigu car elle laisse ima-
giner que nous serions habits par deux dsirs
diamtralement opposs, ou mme par un dsir
et par langoisse qui lui est associe. Au contraire,
la distinction entre dsirer et souhaiter
nous permet de comprendre que les deux termes
de cette opposition ne sont pas identiques. Ltre
humain nprouve en effet pas seulement des
proccupations lies ses dsirs, mais aussi ses divers attachements et lestime quil a de
lui-mme. Il doit tout moment concilier ces trois
registres et cest ce compromis permanent quon
dsigne justement sous le mot de souhait .
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
19/34
35 34
La morale de Peau dne
Que se passe-t-il lorsque les adultes se rvlent
incapables de faire la distinction entre dsirer
et souhaiter ? On connat bien sr les situa-tions dabus sexuels, mais une autre ventualit
se prsente galement plus souvent quon ne
croit. Quand ladulte est incapable de faire cette
distinction, cest bien souvent lenfant qui la lui
rappelle ou qui tente tout au moins de le faire.
Cest une telle situation que nous raconte le
conte Peau dne. Bien loin dvoquer les rve-
ries incestueuses dune fillette, ce conte met enscne la confusion incestueuse dun pre et la
complaisance de son pouse son gard. Dans
ce conte, une reine dcrite comme trs belle
meurt en effet aprs avoir fait promettre au roi
son poux de ne prendre pour deuxime pouse
quune femme plus belle encore. Celle-ci, vi-
demment, ne peut tre que sa propre fille dont la
renomme dans ce domaine est dj grande. En
sappuyant sur cette autorisation de la dfunte
pour ne pas dire sur cet encouragement , le
roi dcide donc dpouser sa propre fille.
Lopposition de ses conseillers et les supplica-
tions de sa fille ny font rien. La distinction entre
dsirer et souhaiter est en effet dautant plus
facilement ignore par un adulte quil dtient unpouvoir important. Et pour cause! La personne
qui se trouve dans cette situation est certaine
de son identit, de ses attachements et de ses
pouvoirs sur son environnement. Et, solidement
effet que ce dsir menace tout ce qui fonde son
quilibre de ses autres investissements. Il sent
bien, en particulier, que cela terait cet adulte
une place parentale par laquelle il se sent protg
et lui donnerait une place de parent-amant quil luiserait ensuite extrmement difficile de grer par
rapport son autre parent, la reprsentation de
lui-mme comme enfant et sa tendresse filiale.
Et en effet, il a raison. Lorsquil existe une consom-
mation sexuelle entre un enfant et un parent ou un
pdagogue qui la en charge, les investissements
dattachement et les investissements sexuels de
lenfant se soudent entre eux et deviennent enmme temps insparables de ladulte avec lequel
la relation sexuelle a eu lieu. Lenfant, mme tenu
physiquement lcart de cet adulte, lui reste atta-
ch ternellement, ou, plus prcisment, il reste
hant par lui jamais. Il ne peut que rater toute
autre forme de relation comme pour lui rester fid-
le, rechercher des partenaires qui lui ressemblent,
ou rpter dans ses relations la forme de sexualitprcise que celui-ci lui a dabord impose. Cest la
raison pour laquelle lenfant ne souhaite jamais
le rapprochement sexuel quil imagine pourtant
parfois avec un adulte.
La situation est malheureusement bien diffrente
quand lenfant a t abus. Car alors, les formesdexcitation que ladulte a fait natre en lui appellent
un apaisement, tandis que lestime que lenfant a
de lui-mme a t dvoye et dtourne par
ladulte son propre usage.
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
20/34
37 36
Ce conte ne nous raconte donc pas le dsir
incestueux dune fillette pour son pre, comme la
psychanalyse a malheureusement longtemps
voulu nous le faire croire. Il voque ce qui se
passe lorsquun parent est incapable de poser
des rgles et des limites au dsir, savoir que
cest aux enfants de le faire, aids en cela par
des proches reprsents ici par la marraine.
Lenfant a en effet besoin dtre renforc dans
lide quil doit savoir sopposer aux dsirs inces-
tueux ventuels de ses parents, et quil peut
trouver une aide auprs de ses proches pour y
parvenir. Cest len convaincre que ce contepeut servir. Malheureusement, les parents ont
souvent dlaiss cette histoire dune adolescen-
te lgitimement rebelle contre larbitraire sexuel
de son pre pour lui en prfrer dautres dans
lesquelles lobissance est exalte, comme Le
Petit chaperon rouge Et il ne reste souvent
ladolescente que la fugue et la marginalisation,
comme dans Peau dne.
Quand un adulte dsire unerelation sexuelle et en mmetemps ne la souhaite pas, cestson souhait qui doit tre entendu
Non seulement la distinction entre dsirer et
souhaiter claire sur la dynamique du dsir,
mais elle permet aussi de mieux comprendre
limportance de la loi. Plus celle-ci punit svre-
installe dans ses repres narcissiques et ses
rseaux dattachement, elle est souvent encline
se sentir libre de raliser ses dsirs, quoi quil en
cote pour les autres. Elle na en effet, dans cette
ralisation, rien dautre craindre que la loi et on
sait combien les puissants de ce monde ont ten-
dance se croire au-dessus des lois quils pro-
mulguent pour les autres!
Mais la situation de lenfant est bien diffrente.
Lui a lintuition de la catastrophe la fois psy-
chique et relationnelle que provoquerait la rali-
sation de ses dsirs sexuels ventuels vis--visdun adulte. Cest pourquoi sil est faux de pr-
tendre quil nprouve pas de tels dsirs, il est
criminel darguer de leur existence pour linviter
les raliser. Or cest ce que fait le parent abuseur.
Et que se passe-t-il alors? Le conte Peau dne
est l pour nous le rappeler.
Quand le parent nest pas capable dtablir ladistinction entre dsirer et souhaiter, cest
lenfant de tenter de poser les limites qui les pro-
tgeront tous deux de cette folie. Dans Peau
dne, la jeune fille trouve un complice auprs de
sa marraine la fe. Celle-ci na pas le pouvoir de
faire changer le roi davis, mais elle suggre sa
fille plusieurs astuces pour lui permettre degagner du temps tout en travaillant le faire
renoncer son projet. Mais rien narrte le roi.
Pour pouvoir pouser sa fille, il va mme jusqu
sacrifier lne magique dont il tire sa fortune.
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
21/34
39 38
lente , et au pire pour une girouette ou un(e)
hystrique ! Il peut alors en rsulter un tat de
dsarroi intense. A la limite, si une femme est
viole par un homme quelle dsire, mais avec
lequel elle ne souhaite pas de relation intime, le
dsir quelle a eu de lui peut lamener jouir, ce
qui est videmment trs perturbant pour elle.
Dautant plus quaux yeux de son agresseur, cela
justifie bien entendu le viol ! Mais si nous gardons
toujours prsente lesprit la distinction que nous
avons pose, nous comprenons que cette femme
a pu la fois dsirer cette relation et ne pas la
souhaiter, et que cest sa parole qui primait.
Les dsirs que nous percevons chez autrui rel-
vent en effet de leur vie psychique intime, alors
que leurs souhaits relvent des synthses quils
font entre les exigences contradictoires de leur
personnalit, quils sont les seuls connatre et
dont ils sont les seuls juges. Le dsir, mme par-
tag, ne suffit pas lui seul justifier le rappro-chement sexuel, il y faut galement le consente-
ment. Cest cela le respect, et il est d, de la
mme manire et dans les mmes proportions,
aux enfants et aux adultes.
Les travailleurs de la sant mentalene sont pas des gendarmes
Enfin, les distinctions entre dsirer et faire
dun ct, et dsirer et souhaiter de lautre,
ment les adultes qui se sont rendus coupables
de crimes sexuels, et plus ceux quhabitent de
tels dsirs y regardent deux fois avant de sen-
gager dans leur ralisation. Bref, mme si la loi
nagit pas sur nos dsirs, elle agit sur le souhait
que nous avons de les raliser ou non. Risquer
dtre condamn une lourde peine de prison
conduit en gnral ceux qui ont des dsirs pdo-
philes ne pas souhaiter raliser ce quils
dsirent pourtant en secret, et cest trs bien
comme cela. Malheureusement, ce nest quune
partie du problme: celui qui est ainsi dissuad
de passer lacte doit absolument disposerdinterlocuteurs pour se reprsenter ce quil
prouve et le socialiser. A dfaut, il risquerait
dtre submerg par son dsir et dadopter
des conduites qui lui chappent, que celles-ci
aillent dans le sens dune sduction de lenfant
ou au contraire dune attitude excessivement
distante ou punitive son gard.
Mais la distinction entre dsirer et souhai-
ter est galement utile pour comprendre la
dynamique des relations entre adultes. Si elle
nest pas clairement pose, tout adulte soumis
des tentatives de sduction qui mobilisent son
dsir, mais auxquelles il ne souhaite pas donner
suite, court le risque de croire quil veut et ne veut pas en mme temps ce qui lui est propos.
Et si cet adulte tente de formuler les choses ainsi
celui ou celle qui tente de le sduire, il risque de
passer, au mieux pour une personne ambiva-
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
22/34
41 40
penses , le travailleur mdico-social doit faire
constamment les parts respectives de la ralit
extrieure et de la ralit intrieure, et rendre
chacune ce qui lui appartient.
Car toute loi est borde par deux versants: dun
ct la sanction qui pnalise ceux qui la trans-
gressent dans la ralit extrieure; et de lautre,
le dsir auquel elle fixe un cadre dans le monde
intrieur de chacun.
sont trs importantes pour lever la confusion qui
existe parfois aujourdhui entre les intervenants
du champ mdico-social et les gendarmes!
Bien entendu, toute vocation de la part dun
adulte de lintention, ou mme seulement du
dsir, de sduire des mineurs doit entraner de la
part de linterlocuteur, quel quil soit, le rappel de
la loi qui linterdit. En revanche, partir de ce
point de dpart commun, la position du travail-
leur social et du thrapeute est bien particulire.
Eux seuls sont garants de la lgitimit du dsir et
de la ncessit de sa formulation comme une
sorte dhygine mentale. Cest pourquoi, si unadulte voque auprs dun thrapeute ou dun
travailleur social son dsir de sduire des
mineurs, ceux-ci devront dabord donner acte du
fait quil est lgitime de formuler les dsirs qui
nous habitent, quaucun de ces dsirs nest patho-
logique en soi, et surtout que les voquer est une
dmarche bnfique. Cela nempche pas de sou-
ligner la fondamentale distinction entre dsirer et faire, et rappeler que si avoir de tels dsirs est
permis, les raliser est en revanche interdit!
En effet, en tant que professionnels du champ
psychique, il est essentiel de laisser les gens
fantasmer et de les aider, ventuellement,
dcouvrir les racines de leurs fantasmes, mme
sil ne faut pas hsiter leur rappeler, le cas
chant, que la loi punit certains actes. Bref, l
o la police et la justice nenvisagent que les
actions accomplies et pas ce qui est dans les
ttes nul ne pouvant tre condamn pour ses
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
23/34
43 42
Avoir honte pour un autre:les revenants et fantmes
Nous venons denvisager la honte pour des
dsirs personnels, mais il arrive aussi que nous
ayons honte pour un autre. Il peut sagir dune
honte consciente pour des agissements ou des
dsirs que nous connaissons, comme par
exemple lalcoolisme ou la violence dun membre
de notre famille, mais il arrive aussi que nousayons honte pour des agissements que nous
sommes censs ignorer. Pour le comprendre, il
nous faut prendre en compte le fait que nous
vivons au milieu des revenants et des fantmes.
Les revenants et les fantmes
Commenons par les revenants. Dans la tradition
mdivale, ce sont des personnes qui viennent
juste de dcder et qui apparaissent certains
de ceux qui les ont ctoys avant leur mort. En
fait, les revenants viennent prcisment visiter
ceux avec lesquels ils ont tabli de leur vivant
des liens de complicit honteuse, des conniven-
ces coupables et toutes sortes de pactes secrets.
Les fantmes eux, sont bien diffrents. Ils cor-
respondent des morts qui apparaissent des
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
24/34
45 44
En revanche, les fantmes , en psychologie,
correspondent autre chose. Ils dsignent des
anctres que les personnes vivantes nont pas
directement connues, mais dont elles paraissent
pourtant parfois hantes. Comment cela est-il
possible? Tout simplement parce quen psycho-
logie, les fantmes sont des constructions
psychiques que des enfants ont constitues
sous linfluence de certains revenants qui
hantent leurs parents. Cest pourquoi, la diff-
rence des revenants qui peuvent tre clairement
identifis on peut par exemple aisment remar-
quer quun mari ou une sur se met parler ou shabiller comme un parent dcd , les fan-
tmes sont beaucoup plus difficiles reprer.
Comme ceux de la tradition mdivale, ils sont
visibles sous certaines incidences, disparaissent
sous dautres et svanouissent mme parfois
aussi vite quils sont apparus ! Cest pourquoi
la meilleure faon de les rendre visibles est de
reprer les revenants qui sont leur origine, engnral la gnration prcdente. Et ce rep-
rage est dautant plus important que, lorsque des
parents sont hants par des revenants, leurs
enfants ont toutes les chances de ltre ensuite
par des fantmes
Quand les disparus deviennentdes revenants
Dans le film Mystic Riverde Clint Eastwood, un
vivants qui ne les ont pas connus et qui, pour
cette raison, sont incapables de les identifier. Ce
sont dailleurs souvent des formes translucides
et quasiment incorporelles. Cest pourquoi, alors
que le revenant est reconnu, le fantme, lui, doit
se nommer.
Venons-en maintenant la psychologie, car cest
exactement la mme chose. Les revenants
sont des personnes que nous avons connues
rellement et qui reviennent nous hanter. Mais
comme notre culture a chang, ils napparaissent
plus sous la forme de personnes qui ont uneapparence de ralit alors que nous les savons
mortes. Ils viennent plutt troubler notre monde
intrieur sous la forme de penses obsdantes
ou de rves rptition. Bref, les revenants se
sont intrioriss . Ils ne sont plus des morts qui
se rebellent contre la volont doubli des vivants
et viennent pour cela hanter leur maison, mais
des disparus dont le souvenir douloureux tou-jours prsent chez les vivants montre la difficult
du travail du deuil . En forant le trait, on pour-
rait dire que ce nest plus le mort qui simpose au
vivant, mais le vivant qui semble vouloir ressusci-
ter le mort. Or cela va parfois jusqu linviter
prendre possession de nous. Nous connaissons
tous des vivants qui semblent habits par un
mort quils ont connu au point de shabiller, de
parler, ou mme dagir comme lui. Cest cela,
tre hant par un revenant.
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
25/34
47 46
images dun film alors quen ralit, il visionne
sans cesse le film intrieur de son traumatisme.
Clint Eastwood ne raconte pas ce que deviendra
plus tard le fils de cet homme, mais on peut ima-
giner quil trouve son tour un intrt extrme
des films dhorreur ou de vampires, non pas du
fait de son histoire psychique personnelle, mais
cause de lintrt nigmatique quil aura vu son
pre y prendre. Pour un tel garon, assister
lhorreur et la jouissance mles de son pre
face des spectacles extrmes pourra constituer
une forme dinterrogation majeure. Et, une fois
devenu grand, il pourra son tour regarder detels films dans le but de comprendre ce que son
pre pouvait y trouver, et aussi, ventuellement,
dtablir avec lui une connivence secrte dont il
naurait pas lui-mme la clef. Cest cela, le travail
des fantmes: ils modlent nos gots et nos
comportements jusque parfois dans le domaine
amoureux! sans que nous puissions avoir de
souvenirs prcis des situations autour desquellesnous les avons constitus. Et leur identification
est parfois dautant plus difficile quils peuvent
prendre plusieurs vtements successifs avant
que nous parvenions les reconnatre. Cest ce
qui se passait dans le cas de Marc.
La honte dun fantme lintrieur de soi
Marc est aujourdhui g dune trentaine dannes.
homme dune quarantaine dannes raconte une
histoire son fils unique avant que celui-ci
sendorme. Il sagit dun conte amricain, une
histoire denfant effray par un monstre et qui
senfuit, sans doute proche de ce quest chez
nous lhistoire du Petit Chaperon Rouge . Mais
soudain, le spectateur assiste un changement
radical et brutal dans lintonation et les mimiques
de ce pre. Celui-ci ne dcrit plus la fuite dun
garon surpris par un animal froce, mais sa
propre course perdue lorsque, trente ans plus
tt, il sest chapp de la cave dans laquelle
deux pdophiles lavaient squestr pour abuserde lui. Cet homme ne raconte plus alors un conte
un enfant, il ne raconte pas non plus sa propre
histoire son fils de telle faon que celui-ci la
reconnaisse comme telle, il met littralement en
scne son propre traumatisme pass travers
ses mimiques, ses intonations et ses gestes. On
peut dire que dans un tel moment, il est en proie
ses revenants .
A un autre moment, Clint Eastwood nous montre
ce mme pre scotch devant le poste de
tlvision o passe un film de vampires. Mais l
encore, les choses basculent subitement, et nous
dcouvrons que cet homme ne voit pas les ima-
ges quil regarde sur lcran celles des vampires
grimaant plantant leurs crocs dans leurs jeunes
proies , mais celles des pdophiles qui ont abus
de lui dans son enfance et qui dfilent lintrieur
de lui. Bref, il donne limpression de regarder les
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
26/34
49 48
abus sexuel aurait initialement concern un abus
commis contre lui. Marc aurait alors tent de lut-
ter contre langoisse dtre une victime passive
en cultivant lide quil aurait lui-mme dclench
lagression dont il avait t victime. Ce mcanisme
nest dailleurs pas rare et se retrouve chez beau-
coup denfants sexuellement abuss.
Soutenu dans ce sens par son psychothrapeute
du moment, Marc retrouva bientt le souvenir de
ce svice. Cela se serait pass alors quil regar-
dait des images pornographiques avec son cou-
sin g de six ans de plus que lui. Celui-ci auraitabus de lui. Pour vrifier cette hypothse, Marc
en parla son cousin. Celui-ci, manifestement de
bonne foi, lui opposa quil nen avait aucun sou-
venir bien quil se souvienne lui aussi des revues
pornographiques que son pre laissait traner et
que les deux enfants regardaient ensemble. Et
pour preuve de sa bonne foi, il proposa daccom-
pagner Marc chez son thrapeute pour exposerce dont il se souvenait et chercher avec lui!
Les propos de ce cousin effacrent instantan-
ment les inquitudes de Marc. En revanche, ils le
laissaient sans explication quant la culpabilit
extrme quil avait ressentie lge de quinze
ans. Cest alors quil dcida de parler sa mre
de ses questions autour dun ventuel abus
sexuel quil aurait subi. Sa mre lui confia alors
que quelquun avait bien t victime dabus dans
la famille, mais pas lui, et que labuseur tait
Il se souvient avoir connu un moment dangoisse
extrme lge de quinze ans, avec une fillette
que ses parents avaient invite chez eux. A un
moment de vives discussions entre eux, il la
prend dans ses bras et la serre vivement contre
lui. Cest ce moment que surgit une culpabilit
trs lourde quil portera ensuite pendant des
annes. Alors quil ne sest rien pass dautre
entre elle et lui que le geste de la serrer un peu
fort, il a soudain limpression davoir commenc
la violer! Les rares fois o il voquera plus tard
ce qui sest pass ce jour-l, la raction de son
interlocuteur sera toujours la mme: rien ne jus-tifie quon parle de viol et cette culpabilit est
excessive et dplace. Mais rien ne dtourne
Marc de la conviction davoir port ce jour l un
prjudice irrparable cette fillette.
Au cours de sa thrapie entreprise quinze ans
plus tard, Marc est amen examiner cet vne-
ment sous un jour nouveau: sil a prouv unetelle angoisse au moment o il a commenc
serrer cette fillette contre lui, cest peut-tre
parce quil a lui-mme t victime de svices
sexuels prcoces. Bref, Marc aurait commenc
agir sur un autre enfant ce que lui-mme aurait
subi plus jeune. Et cest le souvenir brouill de ce
quil avait vcu ce moment-l qui aurait arrt
son geste. Quant sa culpabilit extrme, elle
serait celle quil aurait prouve au moment de
labus dont il aurait lui-mme t victime.
Autrement dit, la culpabilit dtre lorigine dun
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
27/34
51 50
cet vnement comme ayant dj eu lieu, il
lavait imagin comme une ventualit redou-
ter. Il tait alors entr dans la pubert avec
langoisse dabuser dune fillette plus jeune que
lui. Il en rvait, sen angoissait et faisait des cau-
chemars autour de cette situation. Cest ce qui
explique que lorsquil avait serr une fillette
contre lui lge de quinze ans, il avait imagin
lui avoir caus un prjudice irrparable. Bref,
dans la famille de Marc quelquun avait bien t
abus un jour, et lerreur de Marc consistait
croire que ctait lui lagresseur dans le premier
scnario quil stait construit ou la victime dans le second de ces scnarios.
Il en est souvent ainsi. Lorsque quelquun craint
ou imagine avoir t abus, cela toutes les
chances de prouver que quelquun la bien t un
jour, mais sans quon puisse affirmer quelle
gnration lvnement sest produit et qui y a
prcisment impliqu. Les choses ont pu concer-ner un parent, un grand parent, ou mme un ami
extrmement proche. Et la seule chose quon
puisse dire, cest que quelquun, un jour, a
accompli un acte honteux sans pouvoir mieux
dsigner la gnration concerne.
Le psychanalyste anglais Winnicott nous a sensi-
biliss des situations dans lesquelles un effon-
drement redout est en fait le seul signe quun tel
effondrement a dj eu lieu , dans la toute
petite enfance du sujet, un moment dont il ne
le propre pre de Marc! Avant la naissance du
garon, celui-ci avait en effet t mari une pre-
mire fois, ce que Marc navait jamais ignor
puisquil savait avoir une demi-sur ge de
quatorze ans de plus que lui. Cette demi-sur
avait toujours vcu avec sa mre, mais celle-ci
tant dcde, elle tait venue vivre chez son
pre et sa belle-mre (la future mre de Marc) un
an avant la naissance de Marc lui-mme. La
mre de Marc avait appris bien plus tard quune
relation incestueuse stait tablie entre ce pre
et cette adolescente. Cette relation incestueuse
ne stait interrompue quavec la fugue de lado-lescente, qui avait ensuite disparu et rompu tout
contact avec son pre et sa belle-mre. Marc
tait n un an plus tard. Les svices sexuels
avaient donc bien eu lieu, mais ctait la gn-
ration prcdente, et le prjudice irrparable
existait bien puisque la demi-sur de Marc tait
devenue psychotique et vivait de manire prcaire.
Marc dcouvrit alors un secret quil avait en fait
toujours pressenti, comme cest souvent le cas
dans de telles situations. Mais comment avait-il
pu se construire une angoisse qui renvoyait un
acte commis la gnration prcdente? Il avait
probablement peru ce secret travers des
bribes de phrases glanes entre ses parents, des
allusions troubles et surtout les vives manifesta-
tions dangoisse de leur part lvocation dun
rapprochement trop fort entre un majeur et
une mineure. Mais, dfaut de pouvoir penser
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
28/34
53 52
Le thrapeute face la honte
La honte est un problme central dans tout ce
qui touche aux formes de dsir dont la ralisation
est non seulement interdite par la loi, mais qui
rencontre en outre une forte dsapprobation
sociale. Et cest bien entendu le cas des dsirs
sexuels entre adultes et enfants. En outre, la
prise en compte de cette honte est souvent diffi-
cile dans la mesure o, comme nous lavons vu,
elle se cache derrire divers masques par les-
quels on se laisse facilement abuser. Les dsirs
sexuels dun adulte pour un enfant peuvent
notamment se cacher derrire une svrit
excessive, une froideur dplace ou encore une
tendance culpabiliser ou faire honte celui-ci
tout propos. Mais deux autres raisons rendentla reconnaissance de la honte difficile: on la
confond trop souvent avec la culpabilit et on ne
repre pas suffisamment ses phases successives.
Envisageons successivement ces deux difficults.
Honte et culpabilit,une distinction essentielle
La honte et la culpabilit sont deux formes de
peut pas avoir de souvenir. Ce que nous savons
aujourdhui de la dynamique familiale nous pousse
accomplir un pas de plus: certaines personnes
vivent dans la crainte quun vnement leur arrive,
eux ou leurs proches, tout simplement parce
que cet vnement a dj eu lieu dans leur
histoire familiale, mais que tout a t fait pour
quils soient tenus lcart de ce secret.
Cela ncessite de penser toujours la honte et les
traumatismes qui peuvent tre son origine sur
plusieurs gnrations. Les dsirs qui nous font
honte ne sont pas toujours les ntres. Certainssont lintrieur de nous comme des corps
trangers que nous aurions trs tt intrioriss,
et qu dfaut de pouvoir rapporter leur pro-
pritaire lgitime, nous aurions fini par croire
nous appartenir.
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
29/34
55
jusque l rattach et qui jouait pour lui comme
pour chacun dentre nous un rle maternel pro-
tecteur. Alors que la culpabilit confronte un
Pre social, sa loi et sa rigueur, la honte
confronte au risque de la mort psychique. Bref,
alors que la confession de la faute naggrave pas
la solitude, mais permet au contraire au fautif de
retrouver sa place dans la communaut, la
confession de la honte fait courir le risque de la
stigmatisation et du rejet. Cest pourquoi la honte
est si difficile dire, mme soi-mme. Et cest
galement pourquoi il est si important de la
prendre en compte afin dviter que son poisoncontinue faire des ravages alors mme que la
culpabilit a t leve.
Les trois phases de la honte
Toute honte passe par trois phases successives
quil est important de reconnatre pour viterdtre submerg par elle.
La premire consiste dans langoisse catastro-
phique dtre littralement retranch du monde.
Lenjeu ny est pas de perdre tout amour ou toute
possibilit de jouir, comme dans la culpabilit,
mais de mme toute manifestation dintrt de la
part de nos proches.
La phase qui suit est domine par la confusion.
Bien quelle soit galement vcue dans langoisse,
54
signaux motionnels qui informent un sujet sur
une crise grave quil traverse. Mais partir de
cette analogie, tout diffre: la culpabilit se
droule sur fond de rinsertion tandis que la
honte mobilise toujours le spectre de la dsinser-
tion. Cest pourquoi la crise motionnelle qui y
correspond ne prsente pas les mmes risques
dans les deux cas.
Dans la culpabilit tout dabord, le sujet vit lin-
quitude de perdre lestime ou lamour de ceux
qui lentourent, mais pas leur intrt. Quil soit
puni par eux est mme le signe le plus sr quilcontinue bnficier de leur attention. Dailleurs,
toute personne reconnue coupable est assure
de retrouver sa place dans la collectivit une fois
sa faute expie. En tablissant un code rigoureux
dans lequel chaque faute correspond une puni-
tion, la culpabilit assure celui qui a transgress
les rgles sociales de retrouver sa place. Cette
situation a une consquence immdiate. Aumoment o nous nous disons nous-mmes:
je suis coupable , nous envisageons dj le
prix payer pour obtenir notre pardon. Bref, le
sentiment de culpabilit est indissociable de la
certitude du rachat, ce qui lui donne une dimen-
sion structurante.
Dans lexprience de honte au contraire, le sujet
plonge dans la conviction terrible dune tache
dfinitive et irrmdiable. Il se sent coup de lui-
mme autant que du groupe social auquel il tait
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
30/34
et la nomination du sentiment de honte, loin de
menacer la personnalit, sont au contraire haute-
ment structurantes.
Malheureusement, certains thrapeutes font parfois
comme si la honte nexistait pas. Cest dautant
plus dommage que le droulement de ses diverses
phases montre que le sentiment vcu de honte est
une base sre partir de laquelle reconstruire son
identit, aussi bien pour les abuseurs que pour les
victimes. Un grand nombre de patients que nous
ctoyons craignent en effet de nommer leur honte
alors quils sont parfaitement capables dy avoiraccs par crainte de choquer leur interlocuteur.
Or, si on les aide formuler ce sentiment, non seu-
lement on ne les enfonce pas, mais on les aide
au contraire le dpasser, et cela concerne la
fois la reconnaissance de dsirs rotiques dont la
ralisation est interdite et la honte associe des
svices subis ou accomplis sur autrui. Dans tous
les cas, identifier les formes de honte et les confu-sions qui leur sont associes constitue une tape
essentielle. Et cest mme le seul moyen de sur-
monter durablement la crise actuelle autour de la
pdophilie. Les actes qui relvent de celle-ci doi-
vent tre clairement condamns par la loi sans
tre confondus avec lexistence de dsirs qui
nous font parfois honte , mais avec lesquels
nous avons tout intrt nous familiariser pour
viter de les agir notre insu. Et, sur ce chemin,
la distinction entre faire , dsirer et sou-
haiter est essentielle.
57 56
cette phase prsente un progrs important par
rapport la prcdente. En effet, alors que dans
lexprience catastrophique de la honte, le sujet
nest plus rien, il a dans la confusion la confirma-
tion quil existe : ne pas savoir o on est, qui ont
est, avec qui on est, quel moment on est, cest
encore une faon de savoir quon est celui qui ne
sait rien. Lexprience de confusion constitue
donc une premire tentative de reconstruction
par rapport la catastrophe absolue qui a prcd.
Enfin, la troisime phase de la honte consiste dans
le sentiment de honte proprement dit. Bien que cemoment soit postrieur aux deux prcdents, il
est souvent le seul laisser une trace lesprit.
Cest en effet un moment de reconstruction de soi
particulirement important, et cela pour deux rai-
sons. Tout dabord, dans le sentiment de honte, le
sujet ressent et nomme sa honte. Or nommer ce
quon prouve permet de le constituer en objet
dattention, et de se sentir exister comme sujetcapable de reprer sa propre ralit psychique. Et
ensuite, le sentiment de honte est structurant par
ses retombes sur nos reprsentations sociales.
Pour accepter lide que les autres me fassent
honte, il me faut en effet pouvoir me dire: Les
autres font attention moi, cest pourquoi ils ris-
quent de me faire honte . Il faut donc ne plus se
percevoir comme isol, mais entour. Autrement
dit, le sentiment de honte est positif la fois pour
lidentit subjective et pour la constitution du lien
social. Et, pour ces deux raisons, la reconnaissance
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
31/34
59 58
Bibliographie
- Abraham N., Torok M., Lcorce et le noyau, Paris,
Flammarion, 1978.
- Anzieu D., Le corps de luvre, Paris, Gallimard, 1981.
- Aulagnier P., La violence de linterprtation, du picto-gramme lnonc, Paris, PUF, 1975.
- Bion W. (1962),Aux sources de lexprience, Paris, PUF,
1979.
- Ferenczi S., Confusion de langue entre les adultes et len-
fant, Psychanalyse 4, Oeuvres compltes, Paris, Payot,
1982 (1933).
- Harzfeld J., Une saison de machettes, Paris, Le Seuil,
2004.
- Kohut H., Le Soi, Paris, PUF, 1974.
- Leroi-Gourhan A., Le geste et la parole, tome 1, Paris,
Albin Michel, 1961.
- Mauss M. (1934), Les techniques du corps, Sociologie et
anthropologie, Paris, PUF, 1950.
- Schmitt J. C., Les revenants, les vivants et les morts dans
la socit mdivale, Paris, Gallimard, 1994.
- Simon V., Abus sexuel sur mineur, Paris, Armand Colin,
2004.- Tisseron S., Petites mythologies daujourdhui, Paris,
Aubier, 2000.
- Tisseron S., La Honte, psychanalyse dun lien social,
Paris, Dunod, 1992.
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
32/34
61
- Tisseron S., Secrets de famille, mode demploi, Paris, Ed.
Ramsay, 1996, rdition Marabout, 1997.
- Tisseron S., Les bienfaits des images, Paris, Odile Jacob,
2002, Prix Stassart de lAcadmie des Sciences morales
et politiques, 2003.
- Wallon H., De lacte la pense, Paris, ChampsFlammarion, 1970.
- Winnicott D. W., La crainte de leffondrement, Nouvelle
Revue de Psychanalyse, p. 35-44, Paris, Gallimard, 1975,
60
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
33/34
62 63
Prenons le temps de travailler ensemble.
La prvention de la maltraitance est essentiellement mene auquotidien par les intervenants. En appui, la Cellule de coordina-tion de laide aux victimes de maltraitance a pour mission desoutenir ce travail deux niveaux. Dune part, un programme lattention des professionnels propose des publications (livretsTemps darrt), confrences, formations pluridisciplinaires etmise disposition doutils (magazine Yapaka). Dautre part, desactions de sensibilisation visent le grand public (campagneYapaka: spots tv et radio, magazine, autocollants, carte postale,livre pour enfant).
Lensemble de ce programme de prvention de la maltraitanceest le fruit de la collaboration entre plusieurs administrations(Administration gnrale de lenseignement et de la recherchescientifique, Direction Gnrale de lAide la jeunesse, Directiongnrale de la sant et ONE). Diverses associations (Ligue desfamilles, services de sant mentale, planning familiaux) y par-ticipent galement pour lun ou lautre aspect.
Se refusant aux messages dexclusion, toute la ligne du pro-gramme veut envisager la maltraitance comme issue de situa-tions de souffrance et de difficult plutt que de malveillance oude perversion Ds lors, elle poursuit comme objectifs deredonner confiance aux parents, les encourager, les inviter sappuyer sur la famille, les amis et leur rappeler que, si nces-saire, des professionnels sont leur disposition pour les couter,les aider dans leur rle de parents.
Les parents sont galement invits apprhender le dcalagequil peut exister entre leur monde et celui de leurs enfants. En
prendre conscience, marquer un temps darrt, trouver desmanires de prendre du recul et de partager ses questions estdj une premire tape pour viter de basculer vers une situa-tion de maltraitance.
La thmatique est chaque fois reprise dans son contexte et sap-puie sur la confiance dans les intervenants et dans les adulteschargs du bien-tre de lenfant. Plutt que de se focaliser sur lamaltraitance, il sagit de promouvoir la bienveillance , laconstruction du lien au sein de la famille et dans lespace social:tissage permanent o chacun parent, professionnel ou citoyen a un rle jouer.
Ce livret ainsi que tous les documents du programme sont dis-ponibles sur le site Internet:
www.yapaka.be
7/26/2019 Ces Dsirs Qui Nous Font Honte
34/34
64
Temps dArrt:
Une collection de textes courts dans le domaine de la
petite enfance. Une invitation marquer une pause
dans la course du quotidien, partager des lectures en
quipe, prolonger la rflexion par dautres textes
Dj paru
- Laide aux enfants victimes de maltraitance Guide lusage des
intervenants auprs des enfants et adolescents. Collectif.
- Avatars et dsarrois de lenfant-roi. Laurence Gavarini, Jean-
Pierre Lebrun et Franoise Petitot.*
- Confidentialit et secret professionnel: enjeux pour une socit
dmocratique. Edwige Barthlemi, Claire Meersseman et Jean-
Franois Servais.- Prvenir les troubles de la relation autour de la naissance. Reine
Vander Linden et Luc Roegiers.*
- Procs Dutroux; Penser lmotion. Vincent Magos (dir).
- Handicap et maltraitance. Nadine Clerebaut, Vronique Poncelet
et Violaine Van Cutsem.*
- Malaise dans la protection de lenfance: La violence des interve-
nants. Catherine Marneffe.*
- Maltraitance et cultures. Ali Aouattah, Georges Devereux,
Christian Dubois, Kouakou Kouassi, Patrick Lurquin, Vincent
Magos, Marie-Rose Moro.
paratre- Le professionnel, lenfant et le remue-mnage de la sparation
conjugale. Genevive Monnoye (dir).
*puiss mais disponibles sur www.yapaka.be