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    Le bien-être et la protectiondes animaux, de l'élevage à l'abattoirFondements et mise en œuvre de la réglementation

    CahiersBIEN-ÊTRE ANIMAL

    Hélène CHARDONHubert BRUGEREPierre-Michel ROSNERAssociation Animal Société Aliment

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    Centre d’Information des ViandesTour Mattei

    207, rue de Bercy75012 PARIS

    Mise en page :Jean-Baptiste Capelle

    [email protected]

    Impression : Imprimerie de ChampagneZI les Franchises – 52200 LANGRES

    Publication : juillet 2015

    Le bien-être et la protectiondes animaux, de l'élevage à l'abattoir

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    Le bien-être et la protection des animaux,de l’élevage à l’abattoir

    AVANT-PROPOS

    Le bien-être et la protection des animaux sont aujourd’hui une préoccupation majeure des professionnels deslières animales et des citoyens. Malgré cet intérêt, les données sont pour la plupart dispersées voire méconnues.C’est par exemple le cas des initiatives des professionnels des lières, du rôle de la recherche, de l’implication des

    vétérinaires et de l’État, voire de la réglementation en vigueur.

    Dans l’optique de faciliter la connaissance et la compréhension des sujets de société liés aux lières élevage etviandes, le Centre d’Information des Viandes (CIV) a décidé de consacrer, pour la première fois, un de ses Cahiersau thème du bien-être et de la protection des animaux, depuis l’élevage jusqu’à l’abattoir. Dans la logique de lacollection, ce Cahier propose différents éléments permettant à toute personne intéressée de construire ou d’appro-fondir sa réexion sur cette thématique. Il s’appuie pour cela sur des publications scientiques et juridiques, destextes réglementaires et des rapports émanant d’institutions et d’organismes officiels.

    Dans sa première partie, ce Cahier traite de la construction de la législation française actuelle en matière de pro-tection des animaux d’élevage. Il rappelle en premier lieu l’évolution au cours du temps des représentations que

    l’Homme s’est fait des animaux et en conséquence des conceptions de son rapport avec eux. En lien avec cesreprésentations, il montre de quelle façon le statut juridique des animaux s’est progressivement dessiné. Enn, ilprésente l’élaboration de l’arsenal réglementaire en matière de protection animale.

    La seconde partie expose le rôle et les missions des principaux acteurs de la protection animale en France, de l’éle-vage jusqu’à l’abattoir. Les professionnels des lières de production animale sont particulièrement impliqués. Maisd’autres acteurs contribuent également à la mise en œuvre de la législation ainsi qu’à l’amélioration permanentedes conditions de bien-être des animaux d’élevage : représentants de l’Etat, vétérinaires, chercheurs, associationsde protection animale, etc .

    Ce Cahier est le fruit d’une collaboration étroite entre un groupe pluridisciplinaire d’experts de l’association AnimalSociété Aliment (ASA), Mme Hélène CHARDON, vétérinaire, chef de projets en sécurité sanitaire et santé animale auCIV, M. Hubert BRUGERE, enseignant-chercheur en Hygiène et industrie des aliments à l’École nationale vétérinairede Toulouse (ENVT), et M. Pierre-Michel ROSNER, sociologue, directeur du CIV1.

    Le CIV remercie tout particulièrement pour leurs relectures attentives M. Dominique-Pierre PICAVET, enseignant-chercheur en Pathologie infectieuse, Droit et Déontologie à l’ENVT et Mmes Marion RENSON-BOURGINE et LaliaANDASMAS, juristes spécialisées en droit de l’animal, doctorantes en droit animalier à l’Université de Limoges.

    Pierre-Michel ROSNER Directeur du CIV

    1. Ce travail a été initié en 2014 dans le cadre d’un projet d’étude avec l’École nationale des services vétérinaires (ENSV).À la demande du CIV, un groupe d’étudiants inspecteurs en santé publique vétérinaire a conduit une étude sociologiquesur le bien-être des animaux d’élevage dans le cadre du Master « Politique de l’alimentation et gestion des risques sanitaires ».Les résultats ont été présentés lors du Colloque « Bien-être animal. Pratiques et perceptions » le 27/03/2014 à l’ENSV.

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    Le bien-être et la protection des animaux,de l’élevage à l’abattoir

    SOMMAIRE

    1re partie : Aux origines de la législationdes animaux d’élevage en France 8

    1. La question des représentations mentalesdes animaux d’élevage 8

    1.1. Le poids des structures techniqueset socio-économiques dansnos représentations 10

    1.2. Les grandes ruptures philosophiqueset culturelles 13

    2. Le statut de l’animal, expression par la sociétéde sa conception du rapport entre l’Hommeet les animaux 16

    2.1. De la Préhistoire au XIXe siècle 17 2.2. Au XXe siècle 20 2.3. Au début du XXIe siècle 23

    3. La protection animale et l’encadrementréglementaire actuels 24

    3.1. L’inuence de l’évolution du statutde l’animal 25

    3.2. Le changement de paradigme 27

    2e partie : La mise en œuvre de la protection

    des animaux d’élevage, de la ferme à l’abattoir 321. L’élevage 34 1.1. Locaux et équipements 35 1.2. Alimentation et abreuvement 35 1.3. Suivi sanitaire 37 1.4. Formation 37 1.5. Surveillance et contrôles des services

    de l’État 38

    2. Le transport 40 2.1. Aptitude des animaux au transport 41

    2.2. Formation 43 2.3. Organisation du transport 43 2.4. Matériels et équipements 44 2.5. Surveillance et contrôles des services

    de l’État 47

    3. Les centres de rassemblement (marchés,centres d’allotement et foires) 49

    4. L’abattoir 50 4.1. Hébergement des animaux 52 4.2. Immobilisation et étourdissement 53 4.3. Saignée 55 4.4. Contrôles et inspections des services

    de l’État 57

    Conclusion 59

    Annexes 60

    Bibliographie 60Glossaire 63Acronymes 64

    Liens utiles 64

    Notes 65

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    Le bien-être et la protectiondes animaux, de l’élevage à l’abattoir

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    Le bien-être et la protection des animaux,de l’élevage à l’abattoir

    AUX ORIGINES DE LA LÉGISLATIONDES ANIMAUX D’ÉLEVAGE EN FRANCE

    1. La question desreprésentations mentalesdes animaux d’élevage

    Est-il possible de traiter objective-ment de la relation entre l’Hommeet les animaux, c’est-à-dire sans yintroduire le biais de projectionsanthropomorphiques ? C’est ce quetentent diverses disciplines scienti-ques, en dénissant par exempledes indicateurs objectifs de bien-être

    animal et les moyens de mesure cor-respondants, ou encore en analysantles mécanismes neurologiques dela douleur [22]2. Mais pour utiles etindispensables qu’elles soient, cesapproches ne sont que partielles.Elles donnent un éclairage purementphysiologique, et notamment com-portemental, à une question qui, endénitive, relève tout autant de lapolitique que de l’éthique3 et qui estdonc fondamentalement humaine :quelles relations nous autorisons-nous,en tant qu’êtres humains, envers lesanimaux ? Et, en premier lieu, qu’est-ce qu’un animal et qu’est-ce qu’êtrehumain ? Et donc quel est le rapportentre les hommes et les animaux ?

    De telles questions peuvent sur-prendre en introduction à un docu-

    ment sur le bien-être et la protection

    des animaux, de l’élevage à l’abattoir,dont l’objectif est d’apporter deséléments techniques, scientiqueset réglementaires. Elles méritenttoutefois sans conteste d’être poséesen préambule au sujet. Les relationsentre l’Homme et les animaux etles notions de bien-être animal oude protection dépendent en effetde la façon dont nous percevons etconcevons tel ou tel animal, et de la

    façon dont nous nous le représentonsmentalement.

    Autrement dit, et c’est l’objectif decette première section, avant mêmede s’intéresser au statut des animauxd’élevage et à la façon dont ce statuta été conçu au plan juridique et opé-rationnel, il paraît utile de se penchersur la façon dont l’Homme conçoitet se représente les animaux, sur laconstruction de ces représentations,sur leurs évolutions et en conséquencesur la façon dont l’Homme perçoit sespropres relations avec les animaux etleur bien-être.

    La conception de la relation entrel’Homme et l’animal passe néces-sairement par le ltre de la repré-sentation que l’Homme se fait de

    ce qu’est un animal. Notons que nos

    représentations mentales ont exercéune inuence au cours des temps surla langue et l’étymologie. Ainsi, enfrançais, on dit habituellement qu’onélève du bétail ou qu’on le soigne,terminologies positives qui rendentcompte de l’attention qu’on porte àces animaux, par opposition à uneexpression plus neutre qui pourraitse limiter à dire qu’on s’en occupe.Ces animaux constituent le cheptel

    de l’éleveur, autrement dit l’ensembledes têtes (caput ) qu’il possède maison pourrait tout aussi bien dire soncapital, car caput , cheptelet capitalont la même étymologie. Or, sur leplan économique, l’enjeu ducapital ,surtout lorsqu’il s’agit decapital vif ,c’est de l’accroître, de lereproduire.En Europe, des rapprochements éty-mologiques similaires se retrouventdans les langues latines et anglo-saxonnes4. Notons aussi que la racineindo-européenne, plus ancienne,associe le bétail ( peku) et la richesse( pecunia , l’argent en latin). À traversces exemples, on voit de quelle façonla langue rend compte des relationstrès profondes et fort anciennes entreles éleveurs et leurs animaux, tout enles proposant comme modèles. Cesrelations ne sont pas dénuées d’intérêt

    2. Les nombres entre crochets correspondent aux références bibliographiques listées page 60.3. L’éthique désigne ici la façon de combiner règles morales et considérations pragmatiques d’action. Concernant la politique,

    on se réfère au mode d’organisation et de décision dont se dote une société.4. À titre d’exemple :cabeza en espagnol (tête), cap ou capitulum en anglais (chapeau, et tête en terminologie médicale),kopf en

    allemand (tête) et (k)capital dans chacune de ces trois langues.

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    économique mais l’attention et le soinconstituent un élément central despratiques voulues et revendiquées.

    Quelques autres exemples per-mettent de constater que ces repré-sentations mentales évoluent en

    fonction du temps et des sociétés(cf. Encadré n° 1).

    EXEMPLES DE BIAIS D’OBSERVATION OU DE PERCEPTION DANSLA REPRÉSENTATION DES ANIMAUXLes représentations artistiques : Dans le cas du cheval,on imagine de prime abord un animal de 1,50-1,60 mètre

    au garrot. Or, sur un ancien chaudron danoisa, on peutvoir un cavalier gaulois, monté sur un petit cheval, dont

    Encadré n°1

    a. Le Chaudron celtique de Gundestrup (Musée national du Danemark : http://www.cndp.fr/archive-musagora/gaulois/documents/gundestrup.htm).

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    NÉOLITHIQUE / ÂGE DE FER / ANTIQUITÉ / MOYEN ÂGE / PÉRIODE CONTEMPORAINE / RACE CHAROLAISE

    Méniel 1984, Lepetz 1997, Clavel 2001, Duval, Lepetz et Horard-Herbin 2012 et 2013

    AUROCHS

    J.D. Vigne et M. Coutureau

    Évolution de la taille des bovins [20]

    suite p. 10

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    Le bien-être et la protection des animaux,de l’élevage à l’abattoir

    1.1. LE POIDS DES STRUCTURESTECHNIQUES ET SOCIOÉCONOMIQUES DANSNOS REPRÉSENTATIONS

    Sachant l’inuence de nos représen-tations mentales sur notre façon deconcevoir les animaux et nos relationsavec eux, il convient de se pencher sur les

    facteurs qui déterminent la constructionde ces représentations. Sans rappelerl’ensemble des déterminants techniqueset socio-économiques qui ont pu pesersur cette construction, quelques élé-ments clés sont ici présentés.

    Au Paléolithique, l’Homme est un chas-seur-cueilleur qui collecte végétaux

    et insectes et chasse des animaux.Organisé en clans ou tribus, il se réfèresouvent à un animal totémique quirevêt un caractère sacré ou tabou.Selon S. Reinach, le totémisme expli-querait en partie certains interditsalimentaires, comme le pigeon et lacolombe dans les populations slavesou le lièvre chez les Celtes [40]. Plus

    les pieds touchent terre. L’analyse des ossements deschevaux gaulois prouve que cette représentation surle chaudron est juste et donc que notre représentationmentale actuelle est inadaptée à cette époque. Il en estde même dans le cas des bovins. La Figure précédenteretrace ainsi l’évolution de leur taille au garrot depuis la

    domestication des aurochs : soit 1,80 mètre au Néoli-thique, à peine 1 mètre durant l’Âge de fer et 1,60 mètreaujourd’hui. Ces comparaisons entre imageries et osse-ments montrent que les animaux des périodes passéesne correspondent pas à l’image que l’on s’en fait à partirde notre relation avec les animaux aujourd’hui. Il faut, parconséquent, être conscient que nous raisonnons notrerelation aux animaux au travers d’une représentationqui sera de toute façon partiale et conditionnée par unensemble de déterminants historiques et sociaux.

    Les sources d’information : Pendant longtemps, lesdocuments écrits étaient les seules sources considéréescomme dignes de foi (car accessibles) par les historiens etarchéologues. Ces « anciennes » sources, écrites par desclercs pour le compte de pouvoirs religieux ou écono-miques, faisaient surtout état de modalités d’élevage etde consommation propres à ces groupes sociaux. Fautede sources alternatives, il était supposé que les pratiquesd’élevage et de consommation des autres groupes sociauxétaient relativement alignées. La combinaison de l’infor-matique et de nouveaux moyens d’analyse (étude des

    restes d’ossements, de la composition des matériaux, destraces d’usure, etc.) permet d’obtenir de nouvelles sourcesd’information. Ces dernières commencent aujourd’huià témoigner directement d’une histoire des pratiquesd’élevage chez les petits éleveurs ou les bouchers devillages distincte de celle qu’on connaissait jusqu’alors

    en Europe, depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge. Cetexemple montre que même lorsqu’elles s’appuient surdes connaissances scientiques, nos représentations del’élevage et de nos relations avec les animaux sont sujettesà caution car elles dépendent de notre conscience desbiais liés aux démarches scientiques employéesb.

    Les espèce(s) animale(s) : La relation que l’Hommeentretient avec les animaux est en effet médiatisée par lareprésentation que chacun a de ces animaux et de leur(s)espèce(s). Cette médiatisation induit des biais d’observation(on ne regarde pas ce qu’il faudrait observer de l’animal)ou de perception (on regarde ce qu’il faut mais avec deslentilles déformantes : l’anthropocentrisme, les connais-sances de l’époque, etc.) qui inuent sur notre façon deconsidérer l’animal. En réalité, l’expression du bien-êtreanimal peut être variable selon l’espèce considérée. À titred’exemple, les phases de jeux chez les jeunes animauxpourraient tout autant témoigner d’un état de suffisanceet de bien-être alimentaire comme chez les veaux, ou àl’inverse d’un stress alimentaire comme cela pourrait l’êtredans le cas de chatons s’exerçant à la chassec.

    b. On se réfère ici à l’ensemble des débats autour des présentations du colloque « La viande : fabrique et représentation » [21].Les différents cas discutés concernaient notamment l’Égypte antique, la Grèce, le monde romain et l’Europeoccidentale.

    c. Suzanne Held: “Play as an indicator of good welfare: why, why not and how?” [49].

    Encadré n°1 suite

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    généralement, les autres animauxpeuvent être tués et consommés mais,dans le cadre animiste, où tout êtrevivant a une âme, leur mise à mortfait l’objet de rituels. Cette ritualisationest probablement à rapprocher de laréication de l’animal lors de sa mise

    à mort, c’est-à-dire sa transformationd’être vivant en chose(s) : la viande etles autres produits. Actuellement, ceterme de réication est souvent utilisépour souligner les conséquencesde l’industrialisation des conditionsd’élevage. Mais il ne faut pas oublierque la mise à mort constitue depuislongtemps la première des réications.Quoi qu’il en soit, la mise à mort n’est jamais considérée comme anodine

    et ce caractère non anodin traverserapratiquement toute l’histoire humaine.L’Homme, par respect envers l’animalautant que par souci d’économie,donne un usage à l’intégralité desa matière : peau, viandes, graisses,ligaments et os.

    Au Néolithique, l’Homme développel’agriculture et l’élevage en domes-tiquant plantes et animaux. SelonJ.P. Digard, cet Homme« domesti-cateur » ne se borne pas à être unsimple utilisateur des animaux, il estle producteur de ces espèces domes-tiquées qui ne sont pas naturellescar issues d’une sélection à partird’animaux d’autres espèces tels quele loup, l’auroch, le mouon, etc. [15].L’Homme commence ainsi à distinguer

    les animaux sauvages des animauxacclimatés pour leur travail ou pourleur compagnie. Jusqu’alors l’Hommeutilisait l’intégralité de la matièredes animaux, mais à partir de cetteépoque, il va peu à peu commencer àtirer deux ressources supplémentaires

    des animaux domestiqués : l’énergie(portage, traction…) et les déjec-tions, comme source de fertilisation.Il leur attribue en outre une fonctiond’épargne sur pied – reproductible etfacilement mobilisable – qui, progres-sivement, donnera naissance à lanotion de capital (cf. Encadré n° 1). Lesressources et fonctions ainsi fourniespar les animaux domestiques servi-ront aux hommes jusqu’à l’époque

    contemporaine et déterminent ainsiun rapport d’utilité. Il faudra en effetattendre l’invention de la machine àvapeur (n XVIIe siècle), puis celle desengrais de synthèse (XIXe siècle) et de lapétrochimie ne (XXe siècle) pour queforce de traction, déjections, cuirs etmatières premières non alimentairestrouvent des substituts. Le rapportd’utilité est alors quasiment réduità la fourniture de viandes, œufs etproduits laitiers5.

    À partir de l’Antiquité et jusqu’àl’époque contemporaine, dans unerelative continuité, les représentationsque l’Homme se fait des animaux, etnotamment des animaux domes-tiques, ont donc été marquées au planmatériel par ces éléments d’utilité.

    Toutefois, durant cette même période,les évolutions philosophiques et cultu-relles ont joué un rôle déterminantdans l’évolution de ces représenta-tions (cf. 1.2).

    La période contemporaineconstitue

    une rupture dans la relation Homme-animal. Selon J.L. Guichet6, jusqu’àcette date,« monde humain et mondeanimal (étaient) intimement entremê-lés ». Ces deux mondes formaient un« véritable encastrement fonctionnel,économique et technique, affectif etmoral » [11]. Ils s’entrecroisaient dansles paysages et les activités, tous lesmétiers étant partout présents, ycompris en milieu urbain : abattoirs,

    boucheries, tanneurs, transporteurs…Cet entrelacement allait jusqu’au plansensoriel avec l’omniprésence desodeurs de foin, fumier, cuir, corps, etc.Les ruptures contemporaines sont àcomprendre par opposition à cetteimbrication. Pour cet auteur, le mondecontemporain est ainsi marqué parune« désanimalisation » progressivequi s’est accélérée à partir du milieudu XXe siècle, période précisémentmarquée par l’essor de la motorisationagricole (substitution de l’énergie ani-male), de l’usage des engrais (perte denécessité impérative de disposer dedéjections) et l’utilisation des textileset autres produits synthétiques issusde la pétrochimie (perte du rôle desmatières premières autres que le laitet la viande).

    5. On simplie ici volontairement la situation actuelle. Les lières continuent de valoriser les coproduits et sous-produits.Mais cette valorisation tient aujourd’hui plutôt aux opportunités dont l’offre se saisit tandis qu’auparavant elle répondaità une demande n’ayant pas d’alternative.

    6. J.L. Guichet est philosophe. Lors du colloque « Évolution des relations entre l’Homme et l’animal », il a proposé une synthèsedes évolutions de la société conduisant ou témoignant de la rupture dans la relation Homme-animal dans la périodecontemporaine [11].

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    La désanimalisation doit être compriseà différents niveaux [11] :

    Séparation des espaces et desespèces : les animaux d’élevage sontrelégués aux espaces ruraux et dispa-raissent de l’espace urbain (fermeture

    des abattoirs, perte du rôle de traction,etc.). Les animaux de compagniedeviennent plus nombreux en villeet sont presque exclusivement can-tonnés à l’espace domestique.

    Déqualication des relationsHomme-animal : à de rares excep-tions près (chiens d’aveugles, che-vaux), les animaux n’ont plus defonctions techniques indispensables

    à remplir par rapport aux activitésréalisées par l’Homme. Ils jouentdésormais un rôle présentiel, sanstâche commune à accomplir. Selonles cas, ils sont donc réduits à n’êtreque source de matière (alimentaire,industrielle, scientifique, médi-cale…) ou bien support d’affectionet d’imaginaire.

    Revalorisation de la sensibi-lité des animaux : les relations entrel’Homme et les animaux ayant perduleurs principaux supports matériels et,étant à présent marquées par la sépa-ration et la déqualication, tendentpar défaut à s’inscrire de plus en plusfortement dans le champ des repré-sentations idéologiques, imaginaireset fantasmatiques. La question de la

    sensibilité des animaux, auparavantsecondaire face à celle des usages etdes nalités matérielles, devient ainsiprimordiale. Cette revalorisation pro-terait en outre de l’accroissement dela sensibilité des hommes eux-mêmes,de l’importance croissante accordée

    aux droits et à la délimitation de rôlesselon le binôme responsable/victime.

    Désarticulation et dégradationdes représentations mentales : der-nières composantes de cette rupture,bien que devenues primordiales, lesreprésentations que l’Homme se faitdes animaux ont perdu toute relationavec le monde animal préalable-ment encastré au monde humain

    (cf. supra). Cette représentation s’estdésarticulée et a aujourd’hui éclatéen trois composantes bien distinctes :l’animal utilitaire (d’élevage ou delaboratoire, mais de toute façonquasi invisible pour la majorité de lapopulation), l’animal familier (forte-ment anthropomorphisé) et l’animalsauvage (déformé et idéalisé par lesmédias). C’est maintenant à travers lareprésentation de l’animal familier, etnon plus de l’animal d’élevage, quesont appréhendées les relations avecles autres types d’animaux, mêmesi ces trois images sont en réalitéinconciliables.

    Cette désanimalisation du mondecontemporain est à l’origine d’unesituation en définitive très para-

    doxale, dont J.L. Guichet souligneici deux traits :

    L’animalité apparaît aujourd’huicomme conçue à deux niveaux : aupremier niveau, l’animal :« visible,sensible, familier ou sauvage, toujours

    réconfortant ou positif ». Au second,l’animal d’élevage :« animal ”d’endessous“, invisible (et à l’existence)fantomale, (…) sans visage et même proprement inenvisageable, et auquelon préfère en général ne pas penser » [11].Selon N. Vialles, de zoophage, man-geur d’animaux en conscience,l’Homme est devenu sarcophage,mangeur de chairs, inconscient deleur origine animale [48]. Cette idée

    est par ailleurs reprise par F. Burgat [4]. La désarticulation de la relationavec les animaux a conduit à ce quecette relation fasse l’objet de réexionsde plus en plus intenses à partir desannées 1950, avec pour ambition del’appréhender sous l’angle de l’éthique.Sur ce point, J.L. Guichet cite les tra-vaux de Ruth Harrison surThe animalmachines[19]7 et ceux, plus connus enFrance, de Peter Singer, surLa libérationanimale(1975), et de Tom Reagan, surLaquestion des droits des animaux (1983).

    Bien que très synthétiques et forcémentpartiels, ces rappels sur quelques-unesdes étapes qui ont marqué l’élevage etles relations avec les animaux montrentbien comment l’évolution de ces condi-

    7. R. Harrison est précurseur sur cette question de l’éthique puisqu’elle dénonce dès 1964 les effets de l’industrialisation de l’élevagereléguant, selon elle, l’animal au rang de machine à produire.Dans un contexte français, ce travail mérite d’être mentionné pour mettre en avant l’ambiguïté de l’expressionanimal machines ,employée par R. Harrison et aujourd’hui par de nombreux auteurs, sans qu’on sache si ces derniers se réfèrent à la réexionde Descartes sur lesanimaux machines (cf. 1.2.2), ou à celle de Harrison (sachant que tout indique que cette dernière ne connaissaitpas le texte de Descartes ; communication personnelle de Marina Stamp Dawkins, le 03/09/2014 [49]).

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    tions techniques et socio-économiquesa pesé sur la construction de nosreprésentations mentales.

    Trois grands moments dans la rela-tion entre l’Homme et les animauxpeuvent ainsi être distingués :

    la période paléolithique avecune relation animiste et la ritualisationde la mise à mort ;

    la révolution néolithique avecla domestication des animaux : ceux-ci devenant dorénavant indispensablesau fonctionnement des sociétés, et larelation avec eux intrinsèquementmarquée par leur utilité (cf.Figure n° 1) ;

    la période contemporaine ;caractérisée, d’une part, par la réduc-tion drastique de l’utilité des animauxd’élevage découlant des progrèstechniques (motorisation, essor dela chimie, etc.) et, d’autre part, par lamarginalisation et la dégradation desreprésentations mentales des relationsque l’Homme entretient avec eux,au profit d’une imagerie positiveprojetée sur les animaux de compa-gnie et les animaux sauvages.

    1.2. LES GRANDES RUPTURESPHILOSOPHIQUESET CULTURELLES

    De l’Antiquité jusqu’à la périodecontemporaine, le rôle des animaux

    d’élevage dans l’organisation dessociétés était central et n’a guèreévolué. Au-delà des changementstechniques, les animaux demeurenten effet fournisseurs de produitsalimentaires, non alimentaires etd’énergie. Ils constituent par ailleurs

    un élément clé des modalités degestion de la fertilité des sols et doncdes systèmes alimentaires (cf. 1.1).Cependant, sur cette longue période,les représentations des animaux ontété inuencées par différents courantsphilosophiques et culturels s’intéres-sant aux rapports entre l’Homme etles animaux.

    1.2.1. De l’Antiquité au Moyen Âge

    Rappelons dès à présent les incerti-tudes concernant les relations entreles hommes et les animaux jusqu’auMoyen Âge, liées notamment à l’ori-gine des sources d’information sou-vent « religieuses » (cf. Encadré n° 1).Les sources se montrent par ailleursparfois contradictoires, comme c’estle cas dans l’Antiquité.

    Selon l’Ancien Testament et lesexégèses hébraïques, Adam et Èveétaient végétariens. L’autorisation deconsommer des animaux n’aurait étédonnée qu’après le Déluge8 [28]. Lesrègles hébraïques de la Cacherout9 auront dès lors pour objet de séparerle sang et le corps lors de l’abattagerituel, visant ainsi à préserver l’âmedes animaux.

    Pendant l’Antiquité, en Égypte, enGrèce, puis dans le monde romain,les troupeaux étaient principalementdétenus par les classes dominantes(dirigeants, clergé, etc.) et consomméslors de sacrices religieux [21]. Tou-tefois, en Grèce à la même époque,

    divers courants philosophiquesprônaient la pratique du végéta-risme avec des justications variées :condamnation des sacrices, pitiéenvers les animaux et respect de lavie, recherche de l’ascétisme et de lapureté, croyance en la transmigrationdes âmes, etc . Aujourd’hui il paraîtdifficile d’apprécier l’importance réellede ces pratiques et de savoir si ellesdépassaient les cercles philosophiques

    sachant que, dans le même temps,de nombreuses pièces de théâtre semoquaient de façon récurrente depersonnages végétariens [28]. Qu’enétait-il du reste de la population ? Cespratiques et réexions inuaient-ellessur ses relations aux animaux, ou non ?En dénitive, il semble bien que, déjàà cette époque, l’Homme se posaitles questions qui nous préoccupentactuellement. Quelles différences ya-t-il entre les hommes et les ani-maux ? De quelle nature ou degrésont-elles ? Ou bien, doit-on voir descontinuités ? Enn, comment cela setraduit-il dans les relations entre leshommes et les animaux ?

    Au IVe siècle avant J.-C., Aristote(384-322 avant J.-C.) a apporté des

    8. Selon l’Ancien Testament, le Déluge est une condamnation universelle des hommes par Dieu, ceux-ci étant devenus mauvaiset violant systématiquement les lois divines. Parmi les hommes, seuls Noé et son épouse seront considérés dignes de survivreaux 40 jours et 40 nuits de pluies provoquées par la colère divine et auront pour tâche de sauver un couple de chaque espèceanimale. Après le Déluge, Dieu instaure de nouvelles règles.

    9. La Cacherout est le code alimentaire hébraïque qui précise les aliments permis et interdits ainsi que les modes de préparation.Parmi ces modes, les règles d’abattage des animaux sont précisées.

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    qu’il en est capable et qu’il en a ledroit. Dans ce cadre, la nature – quiinclut les animaux – est réduite à sacorporalité. Doté d’une âme, c’est-à-dire non plus seulement de la raisonmais de la conscience de lui-mêmeet de son rapport à Dieu, l’Homme,

    lui, est en plus un sujet moral. Entreles deux, rien.

    La formule de l’animal machinedeDescartes, moult fois citée, doit doncêtre comprise dans cette logique où,par son corps, l’Homme est lui-mêmeconçu comme une machine mais est,de plus, doté de l’esprit, tandis quel’animal en reste au stade corporel.Elle doit également être comprise

    dans sa logique épistémologique11

    d’accompagnement d’une doublerévolution scientique : celle de laphysique et de la médecine 12.

    Ce concept de l’animal machine a,par la suite, été repris par d’autresphilosophes qui l’ont sorti de sonchamps épistémologique d’appli-cation pour en faire une notion àpart entière. Ainsi, selon NicolasMalebranche (1638-1715), la douleurest une punition du péché. L’animaln’ayant pas d’âme, il est irresponsable,il ne peut pécher et ignore donc toutedouleur. L’animal est donc bien unemachine, qui ne peut souffrir.

    1.2.3. L’émergencede l’animalisme

    L’émergence des neurosciences etdes sciences cognitives 13 au cours destrente à quarante dernières annéesest à l’origine d’une révolution d’une

    tout autre nature [6]. Ces sciencesremettent directement en cause lesconceptions préalables du rapportde l’Homme aux animaux. Selon leparadigme cognitiviste, l’Homme esten effet considéré comme un animalcomme les autres ; et la connaissance,comme un processus naturel quipeut être abordé via des disciplinesbiologiques. L’Homme est en quelquesorte re-naturalisé, c’est-à-dire qu’on

    considère qu’il n’a pas d’essence spé-cique qui le distinguerait des autresanimaux. Il doit être vu comme unepopulation au sens génétique duterme ; une collection d’individus,susceptible d’évolutions et d’adapta-tions et qui présente une variabilitéinterindividuelle.

    Selon F. Wolff, cette approche conduità effacer les frontières entre Hommeet animal. Elle le conduit à parlerd’animalisme, au même titre qu’onparle de transhumanisme pour l’effa-cement des frontières entre Hommeet machine. Derrière ce terme d’ani-malisme, il s’agit de souligner que les

    animaux font l’objet d’une attentionmorale, d’une éthique compassion-nelle et bénécient d’une théorie desdroits. L’animalisme résulte ainsi d’unensemble d’évolutions externes : ledéveloppement des sciences cogni-tives, l’essor du productivisme et de

    ses excès, l’essor de l’urbanisationen mégapoles, la perte des contactsavec la nature et son idéalisation,le développement de la morale ducare14, des visions de l’Homme commehyper-prédateur et principale cause derisque pour la biosphère, ou encore laréduction à l’écologie de la politique,c’est-à-dire à la gestion des équilibresentre vivants.

    Dans sa version la plus poussée,l’animalisme considère qu’il n’y a pasde différence d’essence entre êtresvivants mais de simples différencesde degrés, notamment en matièred’intelligence, d’aptitudes, de com-munication ou de sensibilité. Il n’y a,dès lors, plus de raison morale d’établirdes différences de traitement entreespèces, ce qui serait du spécisme.L’animalisme revendique donc l’anti-spécisme. Position dont le caractèrepourrait paraître contradictoire. Sitoutes les définitions de l’animalsont discutables, la moins mauvaiseest probablement de considérerque tout être vivant hétérotrophe,

    11. Les mots soulignés sont dénis dans le glossaire p 63.12. Notons qu’Elisabeth de Fontenay développe un point de vue comparable à celui de F. Wolff : l’enjeu de la réexion de Descartes

    est bien de fonder philosophiquement les révolutions scientiques en cours. La notion d’animal machine doit donc être comprisedans cette intention, et non de façon exclusivement littérale [12].

    13. Par sciences cognitives, on désigne des disciplines qui permettent de comprendre le fonctionnement de la pensée. On inclutnotamment la psychologie, la linguistique, l’intelligence articielle et les neurosciences, la biologie, l’éthologie, l’anthropologie,la sociologie et la psychologie sociale, la neuropsychologie, la psycholinguistique et la psychophysique. On fait également appelaux mathématiques, à la neurobiologie, aux modélisations et simulations sur ordinateur, aux études sur le rôle de l’environnementsocial et culturel, aux analogies entre le cerveau et l’ordinateur, entre l’être humain, l’animal et le robot, etc.

    14. Lecare est la protection comme principe d’action plutôt, par exemple, que la responsabilité.

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    c’est-à-dire se nourrissant de subs-tances organiques, est un animal. Sil’Homme est un animal comme lesautres, pourquoi exiger de lui qu’ilait des comportements distincts deceux des autres animaux ?

    Comment comprendre ces troismouvements philosophiques ? Etcomment comprendre les rupturesqu’ils ont induites en termes dereprésentation de ce que sont lesanimaux et du rapport de l’Hommeaux animaux ? F. Wolff rappelleque chacun de ces mouvementsphilosophiques accompagne etconsolide une révolution scienti-que : l’émergence de la zoologie

    avec Aristote, de la physique et dela médecine avec Descartes, et desneurosciences et sciences cognitivesau XXe siècle.

    Chacun de ces mouvements présentepar ailleurs des atouts et des limites,notamment en ce qui concerne lesnormes morales et politiques qu’ilslégitiment et les pratiques qu’ils justient :

    l’inégalitarisme,par exemple,chez Aristote ;

    la vision mécaniste et utilitariste d’une nature réduite à sa corporalitéchez Descartes, ce qui le conduit ànier la part sensible des animaux ;

    les approches antispécistesdécoulant du mouvement cognitiviste.

    Mais comparées les unes aux autres,aucune des conceptions de l’Hommeet de ses rapports avec les animaux

    développées par ces mouvementsphilosophiques n’apparaît commeétant bonne ou mauvaise, que cesoit sur un plan scientique ou surun plan moral. En dénitive, selon F.Wolff, la science s’avère incapable dedire ce qu’est l’Homme (par oppo-

    sition aux animaux) et ce qu’il doitfaire. Tout au plus peut-on dire qu’àla différence des autres animaux,l’Homme est capable de connais-sance scientique (cf.Encadré n° 2)ou, pour le dire autrement, qu’il vitdans la possibilité de l’inaccompli(cf. Encadré n° 3). L’impossibilité dedénir scientiquement ce qu’estl’Homme a plusieurs conséquences. Lafaçon dont on peut dénir l’Homme

    résulte en dénitive d’une concep-tion philosophique, d’une vision dumonde. La conception que l’Hommepeut avoir de son rapport aux animauxrelève donc elle aussi d’une vision dumonde. On est nécessairement là dansune représentation que l’Hommese fait de lui-même, qu’il se fait des

    animaux à la différence de lui-mêmeet, enn, qu’il se fait de ses relationsavec les animaux.Une formule lapidaire permettrait peut-être de résumer cela : en matière derapport de l’Homme aux animaux, onest en dénitive plus dans le savoir-être

    (être Homme, être avec les animaux)beaucoup plus que dans un savoir(ce qu’est un Homme, ce qu’est unanimal et ce que sont leurs rapports).

    2. Le statut de l’animal,expression par la sociétéde sa conception du rapportentre l’Hommeet les animaux

    Le poids des conceptions du mondeet des représentations inue forte-ment sur les relations entre l’Hommeet les animaux (cf. 1). La législationconstitue le moyen de codier etd’institutionnaliser ces relationsen leur donnant une formulation juridique.

    L’HOMME EN TANT QU’ÊTRE CAPABLEDE CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES[50]La capacité d’un être vivant à dévelop-per des connaissances scientiquesest associée à deux caractéristiques :

    Sur le plan de la conscience :être doté de la capacité d’éprouverémotionnellement les états de sonenvironnement (conscience phéno-ménale) ; être capable de jugementsdistinguant le vrai et le faux, et de lespartager (langage) ; être donc doté

    d’un savoir (qui permet de justierle vrai et le faux) ; et être susceptiblede confronter ces justications avecd’autres.

    Au plan moral : être capabled’actions intentionnelles ; êtrecapable de choisir librement cesactions, de les soumettre à un juge-ment de valeur, et de soumettre cesvaleurs à discussion.

    Encadré n°2

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    La présente section montre, à traversquelques exemples représentatifs,quelles ont été les principales évolu-tions du statut juridique de l’animalen lien avec les conceptions de

    l’Homme, de celle qu’il se fait desanimaux et de son propre rapportaux animaux. Plus que l’exhaustivité,l’enjeu est ici de comprendre leglissement progressif de ce statut,et comment celui-ci a débouché

    sur les notions sociales et juridiquesdénies dans la législation des XIXe et XXe siècles.

    2.1. DE LA PRÉHISTOIRE

    AU XIXE

    SIÈCLE

    La Figure n° 1 présente quelques-unes des évolutions du statutde l’animal, de la Préhistoire auXIXe siècle.

    2.1.1. Jusqu’au XVIIe siècle

    Le rapport de l’Homme aux animauxd’élevage et les relations développéesavec eux sont présentés en 1.1 et 1.2

    (p. 10-16). Rappelons toutefois que,si Aristote a eu une inuence déter-minante sur les façons de penserl’Homme et son rapport aux animaux jusqu’à la période moderne, tout aulong du Moyen Âge, ce sont les textes

    ACCOMPLI ET INACCOMPLIAccompli : ne voir que par petits morceaux, n’en tirer que desconséquences à court terme, ne pas prévoir à long terme, nepas savoir construire des scénarios multiples pour se préparerà différentes circonstances. C’est le sort de l’animal même le

    plus évolué, doté de comportements qui font croire à unecapacité de maîtriser l’inaccompli, qui n’est encore qu’essais.L’animal vit dans l’accompli.

    Inaccompli : savoir que le réel n’est pas seul à exister,savoir imaginer et inventer ce qui n’a pas d’existencevisible et concrète, dialoguer avec l’invisible peut-êtreexistant, inexistant ou simplement imaginaire. L’Homme

    est apte à l’inaccompli, l’espèce humaine est la seule àen avoir conscience.L’Homme vit dans la possibilitéde l’inaccompli.

    Encadré n°3

    Quelques exemples de l’évolution du statut de l’animal,de la Préhistoire au XIXe siècle

    Figure n°1

    Animal TotemRituels de mise

    à mort(réication de l’animal)

    Sacricesanimaux

    Inuence ducatholicisme

    Théorie de l ’animalmachine

    (Descartes, XVII e )

    Animal = Bien (Code civil 1804)Sociétés de protection animale

    (SPCA en 1824, SPA en 1845)

    Domestication

    Rapport d’utilité

    Homme = Animal

    rationnel(Aristote, IV e s av. J.-C.)

    Procès

    d’animaux

    Souffrance animale

    (Bentham, XVIII e

    )

    Premières lois de protection animale(Martins’Act en 1822, Loi Grammont en 1850)

    Émergence de la sensibilité chez l’animal(Loi du 21 juin 1898)

    PRÉHISTOIREANTIQUITÉ

    (- 3000 au V e s)MOYEN-ÂGE (Ve au XV e s)

    ÉPOQUE MODERNE (XVe au XVIII e s)

    ÉPOQUE CONTEMPORAINE (XIXe s)

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    bibliques (Ancien et surtout NouveauTestament) qui font référence dansl’organisation sociale en Occident,notamment sur la conduite à tenirvis-à-vis des animaux.

    2.1.2. XVIIe et XVIIIe siècles

    Les XVIIe et XVIIIe siècles constituentune période de rupture. Par sondualisme, la réexion de Descartesvis-à-vis de la nature et des animauxmarque un tournant dès la paru-tion du Discours de la méthodeen1637 [13]. Mais ce tournant est avanttout intellectuel et philosophique.Il n’a guère d’effets concrets sur lesréférences bibliques qui continuentde régir la conduite des hommes

    envers les animaux. Au contraire, ils’inscrit dans un débat d’idées quise développe progressivement surces deux siècles, notamment avecles philosophes des Lumières. Peu àpeu, de nouveaux espaces de penséevont en effet être ouverts et prendrede la distance vis-à-vis des textesreligieux. L’essentiel de la réexionporte avant tout sur la conceptionde l’Homme, sur sa constructionen tant que sujet politique et surles formes d’organisation politiquequi seraient adéquates. Toutefois, laquestion du rapport entre l’Homme etles animaux est également au centredes préoccupations. Cette questionest abordée sur le plan de la morale :quelle attitude adopter vis-à-vis del’animal qu’on accueille, qu’on uti-lise, qu’on élève, qu’on abat pour lemanger ? Cette réexion, adjacenteau cœur du débat philosophico-poli-tique, mobilise pratiquement tous lesgrands esprits de ces deux siècles.Malebranche a poussé à l’extrême la

    formule de Descartes sur les animauxmachine (cf. 1.2.2). Argumentantque la douleur est un péché et que,l’animal étant irresponsable puisquemachine, il ne peut pécher ni doncsouffrir, Malebranche est allé jusqu’àaffirmer ces mots terribles :« Qu’onne se laisse pas apitoyer, les animauxcrient sans douleur[29].» Mais d’autresphilosophes défendent alors despositions distinctes. Buffon, Rous-seau, Diderot, Voltaire, Condorcet etd’autres débattent autour du végé-tarisme, de la chasse et de l’élevageavec des arguments tantôt fondéssur la physiologie humaine (qui aprogressé depuis Descartes,cf. 1.2.2)tantôt tournés vers la question de la

    souffrance animale.Ce débat touche aussi l’Europe, et dèsla n du XVIIIe siècle, le philosopheanglais Jeremy Bentham (1748-1832)remet totalement en cause la négationde la souffrance animale. Pour lui, laquestion n’est plus de savoir si lesanimaux sont des êtres de raison ous’ils peuvent parler mais s’ils peuventsouffrir et éprouver des sensations.Cette capacité à ressentir et à souffrirsera considérée comme nécessaire etsuffisante pour dénir un « intérêt »propre de l’animal, dont il faudraittenir compte dans l’élaboration desdécisions humaines. Cette approchephilosophique du rapport Homme-animaux va fortement inuencerles pensées dominantes des XIXe etXXe siècles [5].

    2.1.3. XIXe siècle

    En France, depuis l’Ancien Régime,le projet de rassembler des texteslégislatifs simples, clairs et appropriés

    sous forme d’un Code de lois est àl’étude. En 1804 est ainsi créé le Codecivil français, dit Code Napoléon, quia inspiré de nombreux codes civilsétrangers au XIXe siècle (Belgique,Espagne, Italie, Amérique latine, etc.).Dans ce Code civil, l’animal n’est

    considéré qu’en fonction de sonutilité pour l’Homme, en tant quemoyen de traction, source d’énergieet de déjections. L’animal est ainsi unélément de l’exploitation agricole,sans aucune différence de régimevis-à-vis des autres « instruments »de la production. Il est donc classéen tant que bien dans le Livre II, spé-ciquement consacré aux biens età la propriété. Selon les cas, l’animal

    d’élevage est considéré soit commeun bien immeuble car associé à desterres agricoles, soit comme un bienmeuble. L’article 524 précise :« Ainsi,sont immeubles par destination, quandils ont été placés par le propriétaire pourle service et l’exploitation du fonds : lesanimaux attachés à la culture (…). » Lesautres animaux domestiques se rap-portent à l’article 528 :« Sont meubles par nature les corps qui peuvent setransporter d’un lieu à un autre, soit qu’ilsse meuvent par eux-mêmes, commeles animaux, soit qu’ils ne puissentchanger de place que par l’effet d’uneforce étrangère, comme les choses ina-nimées. » Dans les deux cas, l’animalest une chose qui, bien qu’il se meuvepar lui-même, ne peut être séparéedes objets inanimés.

    En 1810, sous le Premier Empire, leCode pénal est créé. L’animal y estalors considéré comme un bien intégréau patrimoine de son propriétaire.La « destruction » des animaux peut

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    être sanctionnée dans l’unique butde réparer l’atteinte portée aux biensdu propriétaire [3] : « Livre III, Titre II,Chapitre II, Section III, article 454 -Quiconque aura, sans nécessité, tué unanimal domestique dans un lieu dontcelui à qui cet animal appartient est

    propriétaire, locataire, colon ou fermiersera puni d’emprisonnement de six joursau moins et de six mois au plus. S’il y aeu violation de clôture, le maximum dela peine sera prononcé. » À l’aube denotre droit moderne, l’animal n’estalors considéré que comme unechose placée à la discrétion de sonpropriétaire qui peut alors en user, enabuser ou en jouir à sa guise.

    Au cours du XIXe

    siècle, les mentalitésévoluent progressivement avec lesavancées des sciences et des tech-niques. Cette lente maturation aboutiten Europe à la création de courantsde pensée puis de structures fédérantles défenseurs des animaux. Ainsi, en1822 en Angleterre – berceau des pro-testations morales relatives à la causeanimale – le Parlement britanniquevote leMartin’s Act(Cruel Treatment ofCattle Act- Loi sur le traitement crueldu bétail). Il s’agit de l’un des premierstextes de loi visant à établir les droitsdes animaux. Sont alors concernés lebœuf (ox ), la vache (cow ), la génisse(heifer ), le bouvillon (steer ), le mouton(sheep) et autre bétail (cattle) ; le texten’inclut pas les taureaux. Ce n’est qu’en1835 qu’une nouvelle loi (Cruelty to Animals Act– Loi sur la cruauté enversles animaux) les intègre ; loi elle-mêmereprise par leCruelty to Animals Actde1849 qui sanctionne nancièrementles mauvais traitements envers lesanimaux. En 1824, la Société pour

    la prévention de la cruauté enversles animaux (Society for the Preven-tion of Cruelty to Animals – SPCA) estcréée. Parrainée en 1850 par la reineVictoria, la SPCA devient alors laSociété royale pour la prévention dela cruauté envers les animaux (Royal

    Society for the Prevention of Cruelty to Animals – RSPCA).Ces idées se diffusent très largementà cette époque dans d’autres pays :l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, l’Italie,la Belgique, les Pays-Bas ou encoreles États-Unis.

    En France, la prise en compte de laprotection animale est accéléréepar l’intervention de Sir John de

    Beauvoir (membre du Comité dela RSPCA et membre du Parlementbritannique) qui a contribué à ladiffusion des courants de penséeanglais. Ainsi, en 1845, la Sociétéprotectrice des animaux (SPA) estcréée avec pour objectif d’instaurerun encadrement législatif réprimantles mauvais traitements exercés surles animaux.Le 2 juillet 1850 est votée la premièreloi française, dite Grammont, surles mauvais traitements envers lesanimaux domestiques. Cette loine concerne alors que les animauxdomestiques (chiens, chats, che-vaux, vaches, etc.) et sanctionneuniquement les mauvais traitementsdonnés en public (peine de prison etamende). Au-delà de la protectionanimale, cette loi vise à protégerla sensibilité humaine [5]. En effet,à cette époque certains cocherstraitent durement les chevaux dediligence, ce qui peut engendrerun climat de violence urbaine. Les

    dangers de « contagion » de cetteviolence aux hommes sont alors nonnégligeables. Réprimer les mauvaistraitements envers les animaux per-met aussi de limiter le risque d’uneescalade de la violence (cf. Encadrén° 4). Seule la « morale publique »

    peut justier l’atteinte portée audroit de propriété. Malgré les limitesde cette loi – ne s’appliquant qu’auxseuls animaux domestiques, auxmauvais traitements (sans plus deprécisions), inigés en public uni-quement – elle constitue à l’époqueun réel tournant dans la législationfrançaise en matière de protectionanimale. En effet, le droit du proprié-taire d’user et d’abuser des animaux

    n’est plus absolu et, à partir de cettedate, devient répréhensible par la loi.

    À la n du XIXe siècle, la Loi du 21 juin1898, longtemps passée inaperçue,constitue un tournant majeur :

    Article 65– ancien article 276du Code rural :« Il est interdit d’exercerabusivement des mauvais traitementsenvers les animaux domestiques. » Eninterdisant les mauvais traitements,sans aucune référence au caractèrepublic, cette loi marque un tournantpar rapport à la Loi Grammont de1850. Toutefois, aucune mesure pénalen’étant prévue, seules les infractionsrelatives à la Loi Grammont sont alorspassibles d’amendes voire d’empri-sonnement. Les mauvais traitementsen privé sont certes interdits mais nonsanctionnés. Son faible succès montreque la protection animale, prescrip-tion morale avant d’être technique,n’a pu trouver sa réalité que dans laloi pénale.

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    Articles 66 et 67 – anciens articles277 et 278 du Code rural – concernantle transport des animaux. L’article 66prescrit au transporteur d’abreuveret de nourrir les animaux au coursd’un voyage de plus de douze heures.L’article 67 prescrit au préfet d’ins-taurer des mesures pour assurer auxanimaux un transport dans de bonnesconditions vers le lieu d’abattage.

    À travers ces articles émerge la prise encompte de la sensibilité des animaux. Encela, la Loi de 1898 constitue la premièrereconnaissance de la sensibilité del’animal, qui commence à être protégépour lui-même, et non uniquementpour protéger l’Homme ou encorepour ménager sa propre sensibilité.

    Articles 68 à 72 – anciens articles279 à 283 du Code rural – concernant

    l’hygiène des lieux, des équipe-ments et des hébergements desanimaux domestiques. Ils précisentnotamment : le rôle des vétérinaires sanitaires

    en charge de leur inspectionet, le cas échéant, des mesuressanitaires à prendre ;

    la responsabilité des maires encharge des règles d’hygiène pourles foires et les marchés ;

    la responsabilité partagée despréfets et des maires en charge,en cas de nécessité, de la miseen œuvre des mesures prescritespar le vétérinaire sanitaire.

    2.2. AU XXE SIÈCLE

    Une série de textes législatifs vientcompléter et modier les Codes civilet pénal tout au long du XXe siècle. En

    outre, le Code rural est créé en 1955.Il est constitué d’un ensemble de loisconcernant les biens et la propriétéà la campagne.

    La Figure n° 2 présente ainsi quelqueséléments clés de la prise en comptede l’évolution du statut de l’animaldans ces différents codes au cours duXXe siècle avec, parmi ces principauxtextes :

    Décret du 7 septembre 1959

    Le Décret n° 59-1051 constitue uneavancée dans le régime de la protec-tion animale :«Article 12 – Ceux quiauront exercé sans nécessité, publique-ment ou non, de mauvais traitementsenvers un animal domestique ou appri-voisé ou tenu en captivité (…) ». Ce textemarque l’abandon du caractère public

    Prise en compte de l’évolution du statut de l’animal dans la législation nationale

    Figure n°2

    R é p r

    e s s i o

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    LoiGrammont

    1850

    Loi de 1898 Décretde 1959

    Loide 1963

    Loide 1972

    Loide 1976

    Décretde 1980

    Décretde 1994

    Loide 1999

    Loide 2004

    Loide 2015

    Code pénal Code rural Code civil

    i i

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    Le bien-être et la protection des animaux,de l’élevage à l’abattoir

    du mauvais traitement. Il complètedonc la Loi de 1898 mais surtout, etla différence est essentielle, sanc-tionne le mauvais traitement par unecontravention de quatrième classe.Ce décret marque ainsi l’arrêt de laconception « humanitaire » de la pro-

    tection animale (pour la sauvegardede la morale) pour une conception« animalière » qui prend en comptel’intérêt propre de l’animal.

    De plus, ce texteétend la protectionconférée jusque-là aux seuls animauxdomestiques à tous ceux détenuspar l’Homme. Seul l’animal sauvage,à l’égard duquel l’Homme n’a prisaucun engagement, reste exclu de

    toute règle. Cette distinction auto-rise donc la chasse et xe les limitesindispensables à la protection animale(la lutte contre les nuisibles est, parexemple, autorisée).Ce décret modie alors directementle Code pénal et indirectement (via la Loi de 1898) le Code rural.

    La plus grande évolution de ce texteréside dans le renversement de lacharge de la preuve apporté parle remplacement du terme « abu-sivement » dans la Loi de 1850 par« sans nécessité » en 1959. Dans lecadre de la Loi Grammont, celui quicondamne les mauvais traitementsenvers les animaux doit démontrerau juge que ces actes sont abusifs.Avec ce nouveau décret, à l’inverse,c’est l’auteur des mauvais traitementsqui doit prouver, pour se dégager de

    l’infraction, l’existence d’une nécessité.Trois critères sont retenus pour dénirl’état de nécessité : un danger actuel ouimminent qui menace une personneou un bien, la nécessité de commettrel’infraction pour sauvegarder la per-sonne ou le bien et une proportion

    entre les moyens employés et la gravitéde la menace15. Avant 1959, seul l’abusest sanctionné. À partir de 1959, parprincipe, le mauvais traitement estillégal, sauf à ce que son auteur le justie par nécessité. Discrètement,le « statut » des coups portés auxanimaux évolue : ils sont sortis duquotidien et doivent désormais êtrelégitimés par un impératif. Le mauvaistraitement sans nécessité recouvre

    alors des situations plus diverses quele mauvais traitement abusif.Sans être expressément reconnueà travers ce décret, la sensibilité del’animal semble bien être le fonde-ment de ces nouvelles dispositions.

    Loi du 19 novembre 1963

    La Loi n° 63-1143 modie les articles453 et 454 du Code pénal en intro-duisant la notion d’« acte de cruauté »pour lequel elle institue une peinecorrectionnelle. Au « mauvais traite-ment » correspondent les souffrancesprovoquées aux animaux, parfois sansvolonté de le faire, par négligence ouesprit de lucre. À « l’acte de cruauté »correspond la volonté de faire souffrirpar pur plaisir :« En raison de la satis-faction que provoquent la souffranceet la mort16 ». Il semble que le mauvais

    traitement fondé sur l’atteinte à lamorale publique, tel qu’entendu dansla Loi Grammont, s’apparente à l’actede cruauté de la Loi 1963.Un distinguo est donc apporté en fonction de lagravité et du caractère intentionneldes mauvais traitements inigés aux

    animaux, et un niveau de sanctionpénale est corrélé (cf. Encadré n° 4).

    Loi du 15 novembre 1972

    La Loi n° 72-130 dénit les catégoriesd’agents de l’État (vétérinaire inspec-teur, agent technique et préposé sani-taire) habilités à relever les infractionsrelatives aux anciens articles 279 à283 du Code rural (cf. supra). Outre les

    habituelles autorités judiciaires commeles policiers ou les gendarmes, d’autresreprésentants de l’État sont reconnuscomme juridiquement compétentspour faire respecter le Code pénalconcernant la protection animale.

    Loi du 10 juillet 1976

    La Loi n° 76-629 marque un tournantmajeur dans l’histoire législative de laprotection animale en énonçant unprincipe fondamental : « Article L 214-1–Tout animal étant un être sensible doitêtre placé par son propriétaire dansdes conditions compatibles avec lesimpératifs biologiques de son espèce. » La sensibilité de l’animal, qui n’est jusque-là qu’implicite, est désormaisaffirmée. Trois siècles d’un débat phi-losophique de première importancepour la dénition de l’Homme sont

    15. Selon ces critères, il est par exemple possible d’abattre des bestiaux menaçants entrés sur une propriété privée et dévastantun champ de poiriers (Cour d’appel de St-Denis-de-la-Réunion, 31/05/1985).

    16. Journal Officiel de la République française – Débats – Assemblée nationale – 1re séance du 12 juillet 1961.

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    officiellement achevés : la position dela République française est claire. Mal-gré tout, l’intérêt juridique et pratiquede cette déclaration, à laquelle n’estd’ailleurs rattachée aucune sanction,reste à établir.

    En outre, l’article 13 introduit la notionde « sévices graves », an d’élargirla portée de l’article 453 du Codepénal, estimant « l’acte de cruauté »trop restrictif (cf. supra). Tout ce quiest au-delà des sévices graves estconsidéré comme un acte de cruauté.Il s’agit dès lors de ne plus se limiteruniquement à l’intention délictuelle

    de l’auteur ou à sa recherche de souf-france de l’animal pour qualier sonacte. L’intensité de la douleur subiepar l’animal est ainsi prise en compte.Toutefois, sans plus de précisiondans la loi, cette appréciation est àla charge du juge.

    Enn, cette loi modie l’article 453du Code pénal en créant le délitd’abandon pour tous les animauxdétenus par l’Homme.

    Décret du 1er octobre 1980

    Grâce à la Loi de 1976, l’administrationfrançaise a désormais les moyens de

    dénir, plus d’un siècle après la tenta-tive avortée de la Loi Grammont, cequ’il convient d’appeler « le mauvaistraitement ».Avant le décret n° 80-791, les mau-vais traitements envers les animauxsont uniquement associés aux coups

    assenés pour les faire avancer. Selonce décret, la maltraitance animale semanifeste également par des actionsmoins évidentes comme utiliser desdispositifs d’attache ou de contentioninadaptés à l’espèce ou de nature àblesser l’animal, les maintenir dansun habitat inadéquat, les priver denourriture ou d’abreuvement ou

    ÉVOLUTION DU STATUT DE L’ANIMAL, QUATRE GRANDES TENDANCES PEUVENTSE DÉGAGERLa déréification de l’animal : Sous l’influence ducatholicisme pendant tout le Moyen-Âge, puis de lathéorie de l’animal machine de Descartes qui marquele XVIIe siècle, et malgré les critiques du mouvementdu Romantisme au XVIIIe siècle (cf. 1.2 et 2.1.2), il fautattendre la Loi de 1898 et, surtout la Loi de 1976, pourreconnaître la sensibilité de l’animal. Enn, la Loi de2015 met un terme dénitif à la réication de l’animalen créant une catégorie entre les objets et l’Homme : lesanimaux. L’animal a acquis progressivement un statut juridique à part entière : ni chose, ni personne maistoujours un bien (cf. 2.3).

    La maturation du concept de protection animale : L’objectif initial de la protection animale à travers la LoiGrammont est ambigu : s’agit-il de protéger l’animal oubien plutôt les hommes de leur propre violence ? Cetteambiguïté est levée par les textes de 1898 et 1959, ensupprimant le caractère public des mauvais traitements.Enn, en 1963, une distinction et une hiérarchisationsont apportées aux notions de « mauvais traitements »et d’« acte de cruauté » envers les animaux.

    Émergence et dénition du mauvais traitement : Cettenotion apparaît avec la Loi Grammont en 1850, sans plus deprécision, ni en terme de douleurs ni en terme d’intentionde l’auteur. La création de l’acte de cruauté en 1963 permetde différencier les faits, et le décret de 1980 de préciser lesdevoirs d’entretien du détenteur d’un animal. En 130 ans,un glissement s’est opéré depuis l’interdiction des coups oudes charges trop lourdes (1850) à une obligation de soinsaux animaux (1980). La Loi de 1976 enn impose des devoirset des obligations à l’Homme : l’abandon d’un animal estainsi réprimé avec la même sévérité qu’un acte de cruauté.

    L’extension de la protection animale à la protection del’être vivant : La protection animale concerne à l’origineles chevaux, les animaux de trait ou les bestiaux (Loi Gram-mont, 1850). En 1959, la protection animale est étendueà tous les animaux détenus par l’Homme (à l’exceptiondonc de l’animal vivant à l’état sauvage). En outre, le Codepénal évolue en 1994 et s’intéresse désormais à l’animalen tant qu’être vivant, non plus seulement en tant qu’êtresensible. Le devoir de bientraitance est désormais complétépar un devoir de respect de la vie de l’animal.

    Encadré n°4

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    encore de les laisser sans soins encas de maladie ou de blessure, etc.Il relève désormais de laresponsabilitéde l’Homme qui détient des animauxde mettre en œuvre les moyens utilespour leur éviter toute souffrance. Àune interdiction de maltraitance se

    substitue ainsi, par la description desmoyens utilisés, une quasi-obligationde bientraitance (soins, alimentation,logements appropriés). Malgré tout,les dispositions réglementaires restentimprécises et n’imposent rien.

    Décret du 1er mars 1994

    Le Code pénal est réformé en 1994(Décret n° 93-726). De nombreuses

    dispositions sont revues à cetteoccasion. Un changement majeurs’opère alors :on passe de la protectionde l’animal sensible à la protectionde l’animal vivant. En effet, il estdésormais interdit de mettre à mortun animal sans nécessité, même sil’animal appartient à l’auteur desfaits et sans qu’il soit question deséventuelles souffrances provoquées.La protection ne s’applique plus ni aubien appartenant à autrui, ni même àl’être sensible qui souffre de mauvaistraitements, mais à l’être vivant quiva disparaître inutilement.

    La réforme de 1994 a égalementpermis d’extraire les animaux de lacatégorie des biens, ce qui constitueun pas important vers leur protection juridique.

    Loi du 6 janvier 1999

    La Loi n° 99-5 modie le Code pénalpar l’article 521-1 en supprimant la

    notion de « nécessité » dans le délitd’acte de cruauté ou de sévices gravesaux animaux.

    Cette loi modie également le Codecivil de 1804 : les animaux sont désor-mais distingués des objets (article 524)

    et des corps (article 528). Ils ne sontdonc plus considérés comme desobjets mais pas non plus comme despersonnes. La distinction entre lesanimaux et les objets ou les corps neremet pas en cause leur qualication juridique de biens et donc d’objetsde droit. Lesanimaux sont conçusplutôt comme des biens particulierspour lesquels il existe une protectionspécique issue des textes (Codes

    pénal et rural). Le Code civil admetseulement à cette date que l’animalest un bien particulier, sans recon-naissance de sa sensibilité.

    Loi du 9 mars 2004

    La Loi n° 2004-204 modie l’article521-1 du Code pénal en ajoutantaux actes de cruauté et aux sévicesgraves, les sévices de nature sexuelle.

    2.3. AU DÉBUT DU XXIE SIÈCLE

    En France, le statut de l’animal estactuellement déni dans différentscodes :

    Code civil

    Jusque n 2014, l’animal est consi-déré dans le Code civil comme unbien (articles 524 et 528,cf. 2.2).Depuis la Loi n° 2015-177 du16 février 2015 relative à la moder-nisation et à la simplication du

    droit et des procédures dans lesdomaines de la justice et des affairesintérieures :« Les animaux sont desêtres vivants doués de sensibilité. Sousréserve des lois qui les protègent, lesanimaux sont soumis au régime desbiens » (article 514-14). L’objectif de

    cette évolution du Code civil estde mieux concilier la qualication juridique de l’animal et sa valeuraffective, tout en harmonisant cecode avec le Code rural et de lapêche maritime et le Code pénal(cf. infra).

    L’animal n’est désormais plus consi-déré comme un bien meuble. Ilreste classé dans la catégorie des

    biens, mais à une place primordialequi reconnaît sa sensibilité et ledistingue de tous les autres biens.Il existe trois catégories juridiquesfondamentales : les choses, les per-sonnes et, dorénavant, les animaux.Les animaux n’ont pas de droits sub- jectifs mais une sensibilité à laquellel’Homme doit porter attention leurest reconnue.

    Code rural et de la pêchemaritime

    Depuis la Loi du 10 juillet 1976, l’animalest déni comme un être sensibledans le Code rural et de la pêchemaritime. Il est à noter qu’il n’existeaucune dénition juridique de cequ’est un « être sensible ».Ce même code stipule par ailleurs :« Article L 214-3 –Il est interdit d’exer-cer de mauvais traitements envers lesanimaux domestiques ainsi qu’enversles animaux sauvages apprivoisés outenus en captivité. »

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    Code pénal

    Les mauvais traitements envers lesanimaux sont punis : « Article 521-1–Le fait, publiquement ou non, d’exer-cer des sévices graves, ou de naturesexuelle, ou de commettre un acte de

    cruauté envers un animal domestique,ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnementet de 30 000 euros d’amende. » Cefaisant, il reconnaît implicitement

    et conrme que l’animal est bienun être sensible.

    En outre, le Livre sixième du Codepénal, intitulé « des contraventions »,distingue clairement les contraven-tions contre les personnes, les biens,

    la Nation, l’État ou la paix publiqueet les « autres contraventions », exclu-sivement consacrées aux atteintesportées à la vie d’un animal. Preuvesupplémentaire que, dans le Code

    pénal, l’animal n’était déjà plus assimiléà un bien (articles R 653-1, R 654-1et R 655-1).

    3. La protection animaleet l’encadrementréglementaire actuels

    L’évolution constatée du droit, enmatière de protection animale commedans d’autres domaines telle la sécu-rité sanitaire, est le résultat d’un

    LE STATUT DE L’ANIMAL EN EUROPE[3]En 1957, le Traité de Rome instituant la Communautééconomique européenne est signé. Dans ce Traité, lesanimaux d’élevage sont considérés comme des pro-duits agricoles, au même titre que la viande, le beurreou les œufs par exemple (cf. Liste F : Tarifs douanierscommuns en fonction des produits).

    En 1992, le Traité de Maastricht, à travers une Déclara-tion sur la protection des animaux, invite le Parlementeuropéen, le Conseil et la Commission, ainsi que lesÉtats membres, à tenir pleinement compte des exi-gences en matière de bien-être des animaux lors del’élaboration et de la mise en œuvre de la législationcommunautaire dans les domaines de la Politiqueagricole commune (PAC), des transports, du marchéintérieur et de la recherche. En raison de son caractèrenon contraignant, cette déclaration n’a eu qu’uneportée symbolique.

    En 1997, le Traité de Rome est modié par le Traitéd’Amsterdam. En vigueur depuis 1999, ce Traité noti-e dans son Protocole d’accord additionnel n° 10sur la protection et le bien-être des animaux que« la Communauté et les États membres tiendront plei-nement compte des exigences en matière de bien-êtredes animaux ». Ce Protocole remplace la Déclaration

    du Traité de Maastricht. En outre, dans ce Protocole,le caractère sensible des animaux est reconnu :« Les

    parties contractantes, désirant garantir l’améliorationde la protection et le respect du bien-être des animaux,en tant que créatures douées de sensibilité, ont convenudes dispositions suivantes. »

    En 2004, la constitution européenne est adoptée àRome. Elle comporte un article reprenant le Protocoledu Traité d’Amsterdam : « Article III-121 :Lorsqu’ils for-mulent et mettent en œuvre la politique de l’Union dansles domaines de l’agriculture, de la pêche, des transports,du marché intérieur, de la recherche et du développementtechnologique et de l’espace, l’Union et les États membrestiennent pleinement compte des exigences du bien-êtredes animaux en tant qu’êtres sensibles (…). »

    Les États membres s’engagent donc à reconnaître auxanimaux leur qualité d’être sensible et à assurer lesexigences de leur bien-être.

    En 2009, le Traité de Lisbonne modie les traités fonda-teurs de l’Europe. Les dispositions d’un nouvel article 13placent le bien-être animal sur le même plan queles autres principes fondamentaux , à savoir la pro-motion de l’égalité entre les hommes et les femmes,la garantie de la protection sociale, la protection dela santé humaine, la lutte contre les discriminations,la promotion du développement durable, ainsi que

    la protection des consommateurs et des données àcaractère personnel.

    Encadré n°5

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    ensemble de données scientiques,économiques, politiques, sociales, etc.Une interdépendance étroite existeentre les phénomènes sociaux et laproduction de normes juridiquesporteuses d’idées novatrices [3]. EnEurope, les principes de la protection

    animale découlent à la fois de lareconnaissance de la nature d’êtresensible de l’animal (cf.Encadré n° 5

    et Figure n° 2) et des « dénitions » dubien-être et de la protection animale(cf.Encadré n° 6).

    Actuellement en France, les règlesde protection animale se fondentsur les codes nationaux d’une part et

    sur la réglementation européenned’autre part. La mise en œuvrede cette législation, de l’élevage à

    l’abattoir, est décrite dans la 2e Partiedu Cahier.

    3.1. L’INFLUENCEDE L’ÉVOLUTION DU STATUTDE L’ANIMAL

    Lors de la mise en place de la PAC en1962, l’animal est considéré commeun produit agricole (Traité de Rome,

    BIEN-ÊTRE ANIMAL, BIENTRAITANCE ET PROTECTION ANIMALEEn 1965 au Royaume-Uni, le gouvernement britanniquemissionne le Professeur Roger Brambell pour enquêter surle bien-être des animaux en élevage intensif. Sur la base

    du rapport Brambell, le gouvernement britannique créeen 1967 leFarm Animal Welfare Advisory Commitee , quidevient le Farm Animal Welfare Council (FAWC) en 1979.Ce comité recommande alors que les animaux d’élevageaient la possibilité de se retourner, de se nettoyer, de selever, de se coucher et d’étendre leurs membres.

    Lescinq libertés fondamentales de l’animal , dénissantson état de bien-être idéal, en sont issues :

    liberté physiologique : absence de faim, de soifou de malnutrition ;

    liberté environnementale : logement adapté,absence de stress climatique ou physique ;

    liberté sanitaire : absence de douleur, lésion oumaladie ;

    liberté comportementale : possibilité d’exprimerdes comportements normaux, propres à chaque espèce ;

    liberté psychologique : absence de peur ou d’anxiété.

    Les réglementations européenne et nationale actuellesse fondent sur ces cinq principes.

    L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) s’appuieégalement sur ces cinq principes dans ses recommanda-tions internationales sur le bien-être animal (cf. Encadré

    n° 8) :« On entend par bien-être la manière dont un animalévolue dans les conditions qui l’entourent. Le bien-êtred’un animal est considéré comme satisfaisant si les critèressuivants sont réunis : bon état de santé, confort suffisant,bon état nutritionnel, sécurité, possibilité d’expression ducomportement naturel, absence de souffrances telles quedouleur, peur ou détresse. Le bien-être animal requiert leséléments suivants : prévention et traitement des maladies, protection appropriée, soins, alimentation adaptée, mani- pulations réalisées sans cruauté, abattage ou mise à morteffectués dans des conditions décentes. »

    Ni la protection animale, ni le bien-être animal ne sontdénis dans les textes législatifs européens et français.Selon l’Académie vétérinaire de France, le bien-être animalcorrespond à un « état » de l’animal ; la bientraitance à unensemble d’actions pratiques en faveur du bien-être desanimaux (amélioration du statut des animaux) et la pro-tection animale à un ensemble de mesures de protectioncaractérisées, évitant aux animaux toute douleur, souffranceet stress inutiles (cf.Encadré n° 10, 2e Partie) [1].N.B. : En anglais, les concepts de bien-être (état), de l’action contribuantau bien-être (bientraitance) et des mesures de protection animalesont couverts par l’expression « Animal Welfare ».

    À noter que, comme dans la réglementation, nous neparlerons en 2 e Partie que de « Protection animale ».

    Encadré n°6

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    1957,cf. Encadré n° 5). L’évolution dela société, des systèmes agricoles etindustriels conduit, à cette mêmepériode, à l’émergence d’associationsde protection des animaux d’élevage(cf. Encadré n° 7). C’est le cas en Francede l’Œuvre d’assistance aux bêtes

    d’abattoir (OABA), créée en 1961. Laprotection animale devient un thèmed’intérêt croissant pour la société, deplus en plus sensible au respect del’animal, notamment dans les modesd’élevage.

    Des conventions européennes entrentainsi en vigueur dès les annéessoixante-dix :

    Convention européenne surla protection des animaux dansles élevages du 10 mars 1976 etson protocole d’amendement du6 février 1992 ;

    Convention européenne sur laprotection des animaux en transportinternational du 13 décembre 1968,révisée le 6 novembre 2003.Notons que les textes de protectiondes animaux en cours de transportcomptent parmi les plus anciennesdispositions réglementaires euro-péennes en la matière. En effet,la première Recommandation duConseil de l’Europe adoptée dans cedomaine date de 1961. Elle a aboutià une première Convention, entréeen vigueur en 1971, qui posait déjàles bases des textes réglementairesactuels [39].

    Convention européenne sur laprotection des animaux d’abattagedu 10 mai 1979.

    Ces normes formalisent à chaqueétape de la lière les bonnes pratiquesrespectueuses de la protection ani-male. Seuls les pays européens ayantratié ces conventions ont l’obligationde les appliquer.

    N.B. : Les conventions européennes neconcernent pas exclusivement les animauxd’élevage. Des conventions spéciques auxanimaux d’expérimentation scientique ou auxanimaux de compagnie existent également.

    Depuis 1997, l’animal est considérécomme un être sensible par le Traitéd’Amsterdam (cf. Encadré n° 5). Lapolitique communautaire dans lesdomaines de l’agriculture, des transports,du marché intérieur et de la rechercheévolue depuis pour tenir compte de

    ce changement de statut de l’animal.Des directives et des règlementseuropéens sont, depuis cette époque,régulièrement publiés :

    Directive 91/629/CEEétablissantles normes minimales relatives à laprotection des veaux : modiée en1997 et 2003, abrogée par la Directive2008/119/CE ;

    Directive 91/630/CEEétablissantles normes minimales relatives à laprotection des porcs : modiée en2001 et 2003, abrogée par la Directive2008/120/CE ;

    Directive 91/628/CEE relative à laprotection des animaux en cours de trans-port : modifiée en 1995 et 2003, abrogéeen 2005 par le Règlement 1/2005 ;

    Directive 93/119/CE sur la protec-tion des animaux au moment de leurabattage : modiée en 2003 et 2005,

    abrogée en 2009 par le Règlement1099/2009.

    Depuis son origine, cette législationprévoit de placer les animaux dans desconditions conformes aux impératifsbiologiques de leur espèce. Elle dif-

    férencie les préconisations au regarddes étapes et des conditions de viedes animaux et, dans certains cas, enfonction des espèces (cf. 2e Partie).

    En France, des décrets et des arrêtésviennent préciser certains points de laréglementation européenne et com-pléter les articles du Code rural puisdu Code rural et de la pêche maritime.Ils xent des prescriptions techniques,

    documentaires et organisationnellesspéciques à une étape (cf. 2e Partie) :

    Arrêté du 25 octobre 1982relatifà l’élevage, à la garde et à la détentiond’animaux ;

    Décret n° 95-1285 du 13 décembre1995 et arrêté du 5 novembre 1996relatifs à la protection des animauxau cours du transport ;

    Arrêté du 12 décembre 1997relatif aux procédés d’immobilisation,d’étourdissement et de mise à mortdes animaux et aux conditions deprotection animale dans les abattoirs ;

    Décret n° 2011-2006 et arrêté du28 décembre 2011 relatifs aux condi-tions d’autorisation des établissementsd’abattage à déroger à l’obligationd’étourdissement des animaux ;

    Arrêté du 31 juillet 2012relatifaux conditions de délivrance du cer-

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    Le bien-être et la protection des animaux,de l’élevage à l’abattoir

    ticat de compétence concernant laprotection des animaux dans le cadrede leur mise à mort.

    3.2. LE CHANGEMENTDE PARADIGME

    La réglementation européenne enmatière de sécurité des aliments

    a connu une profonde refonte en2006, aboutissant à un ensemblede règlements dénommé Paquethygiène (Règlements 178/2002,852/2004, 853/2004 et 854/2004).Ces textes, bien que relatifs à lasécurité sanitaire, font référence

    à plusieurs reprises au bien-êtreanimal. Au-delà de la prévention

    de la propagation de maladies ani-males, dont certaines sont parfoisdes zoonoses (maladie infectieuseou parasitaire naturellement trans-missible de l’animal à l’hommeet inversement), l’assurance de lasanté et du bien-être des animaux

    contribue très largement à la qualitéet à la sécurité des aliments.

    LES ASSOCIATIONS DE PROTECTION DES ANIMAUX D’ÉLEVAGEÀ partir des années soixante en France, ces associationsont émergé avec pour objectif une meilleure prise encompte du bien-être des animaux, à toutes les étapesde leur vie (élevage, transport, abattoir). Leurs principales

    missions sont de : Agir auprès des professionnels des lières avecun rôle de conseil et d’accompagnement. L’OABA, parexemple, œuvre aux côtés des opérateurs de marchépour améliorer la manipulation des animaux et réaliserdes installations leur offrant de bonnes conditions detravail tout en maintenant le bien-être des animaux avant,pendant et après leur passage sur les marchés.

    Veiller à la bonne application de la réglemen-tation, en apportant notamment leur concours et leurexpertise aux forces de l’ordre et aux différents services del’État concernés. Les associations Protection mondiale desanimaux de ferme (PMAF) et Animals’ Angels éditent ainsiconjointement un guide « Transport d’animaux vivants ».Destiné aux personnels chargés des inspections, il résumeles principaux points à examiner lors des opérations decontrôle.

    Diffuser les connaissances, comme les lois deprotection animale, auprès des professionnels et dugrand public (sites internet, lettres d’information, etc.).L’associationCompassion in World Farming(CIWF) proposepar exemple sur son site internet des ches d’informationpar espèce faisant un point sur la réglementation appli-

    cable ou la recherche et propose des pistes techniqueset organisationnelles pour améliorer les conditions devie des animaux en élevage.

    Œuvrer pour faire évoluer la réglementationfrançaise et européenne de protection des animaux(cf. Figure n° 3, 2e Partie). L’Eurogroup for Animals fédèreainsi les organisations phares de la protection animalede l’Union européenne. Interlocuteur privilégié desInstitutions européennes, ce groupe est à l’origine decampagnes d’information, de conférences de presse, dereportages TV dans l’optique de faire aboutir des décisionsen Conseil des ministres.

    Favoriser les soins et l’h