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Clefs pour la cancérologie

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CLEFS POUR LA CANCÉROLOGIE

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PIERRE DENOIX

Clefs pour la CANCÉROLOGIE

EDITIONS SEGHERS

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Collection dirigée par Luc DECAUNES Couverture dessinée par JEAN DENIS

La Loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Ar- ticle 41, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illus- tration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinéa 1 de l'Article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et suivants du Code Pénal.

TOUS DROITS DE REPRODUCTION, D'ADAPTATION ET DE TRADUCTION RÉSERVÉS POUR TOUS PAYS

© ÉDITIONS SEGHERS, PARIS, 1974

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INTRODUCTION

Tout ce qui est ne peut être, ni contre nature, ni hors de nature.

DIDEROT.

La « vie » est la seule maladie qui soit toujours mortelle.

Et si le moment de sa fin recule peu à peu, il y aura toujours une raison pour l'expliquer.

Les causes de décès se modifient, et leur impor- tance réciproque varie avec le temps. Ainsi, la diminution de la mortalité chez les jeunes aug- mente automatiquement les décès dus aux maladies spécifiques des plus âgés.

Les grandes épidémies, tout au moins dans le monde occidental, sont beaucoup plus rares et moins graves. Il n'y a pas si longtemps, en 1918- 1919, la « grippe espagnole » atteignit presque la

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moitié de la population du monde et tua plus de vingt millions de personnes.

La grippe asiatique de 1957-1958 se propagea presque autant, mais fit infiniment moins de victi- mes grâce aux antibiotiques.

La diminution du risque et, surtout, de la gravité des maladies contagieuses place les affections car- dio-vasculaires en tête des causes de décès. Vien- ment ensuite la maladie cancéreuse, puis l'hémorra- gie cérébrale, et enfin les accidents.

Les maladies de cœur, responsables de près de deux fois plus de décès que le cancer, n'inspirent pourtant pas la même crainte. Elles semblent accep- tées comme une évolution naturelle d'une méca- nique, qui, comme un vieux moteur, finit par s'en- crasser, puis, un jour, lâche.

Pourquoi donc la maladie cancéreuse conserve- t-elle le privilège, à notre époque qui se dit ration- nelle, d'être une source de crainte irréfléchie ?

Il est pourtant vrai que le cancer n'est pas une maladie mystérieuse.

Nous connaissons les grandes étapes de son dérou- lement, depuis ce qui peut le provoquer jusqu'à ce qui conduit à l'échec ou à la guérison. Il n'est, heu- reusement, pas nécessaire de tout savoir d'une maladie pour être en mesure de la combattre effi- cacement.

Après avoir lu cet ouvrage, le lecteur devrait réaliser que la maladie cancéreuse se déroule selon un processus semblable à celui que l'on connaît déjà pour bien d'autres affections.

Elle cessera, pour lui, d'être incompréhensible, et sa peur due au mystère disparaîtra, nous le sou- haitons.

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Il faut se rappeler combien la « maladie conta- gieuse » était terrifiante avant la découverte des microbes par Pasteur. Cette contagion mystérieuse était si angoissante que certains voyaient dans ce fléau inexplicable une punition du ciel pour leurs péchés.

Lorsque Pasteur démontra que la contagion s'expliquait parfaitement par la transmission de ces mêmes microbes, le mystère dissipé, la crainte ins- tinctive devant l'inconnu disparut.

Peu à peu, on groupa les maladies contagieuses suivant leur comportement et leur gravité propres. Enfin chaque groupe fut divisé en un certain nom- bre de sous-groupes.

Il est maintenant possible de faire la même chose pour le cancer.

Le cancer S'EXPLIQUE : Il y a des cancers divers : ils sont de gravité

variable, soit d'un organe à l'autre, soit sur un même organe.

Nous savons comment on peut provoquer ces différents cancers. Nous savons comment ils se développent. Nous savons comment l'organisme cherche à se

défendre contre eux. Il y réussit plus souvent qu'on ne le croit.

Nous savons, à présent, comment guérir 35 % des malades. Il n'y a plus de mystère. Il n'y a que des diffi- cultés. Les cas de maladie cancéreuse que nous ne gué-

rissons pas peuvent être améliorés. Ces malades peu- vent reprendre une vie normale, pendant parfois

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des années, et, si l'échec survient, il ne doit plus être associé à des douleurs insurmontables.

Il faut que l'on parle des cancers. Il faut en expliquer le comportement. Expliquer honnête- ment, c'est rassurer justement.

Le malade, au courant d'une réalité ramenée à ses réelles dimensions et propre à chaque cas, doit pouvoir faire face à la maladie cancéreuse.

Le personnel soignant, les médecins, l'entourage et le malade seront alors à même d'assumer leurs rôles réciproques à leur vraie grandeur et dans le maximum de clarté.

La lutte contre le cancer a l'ambition soit de le prévenir, soit de diminuer le nombre des décès qui lui sont dus, soit d'en reculer l'échéance.

Les moyens de ce combat sont :

— la recherche ; — la prévention ; — la détection ; — le traitement.

Nous ne parlerons, dans ce livre, que des tumeurs solides, ne faisant qu'occasionnellement référence aux leucémies.

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Par souci de clarté, nous avons choisi le titre de CLEFS POUR LA CANCEROLOGIE car ce der- nier mot est entré dans les mœurs, malgré une éthymologie peu orthodoxe.

Nous convenons, toutefois, avec le Professeur Pierre Denoix, que le terme de CARCINOLOGIE eût été plus approprié, mais peut-être moins bien compris.

L'EDITEUR.

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Expliquer, c'est démythifier et permettre de faire face

à la maladie

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Chapitre I

ANCIENNETE ET UNIVERSALITE DU CANCER

a) Les données historiques

Les traces les plus anciennes de cette maladie se trouvent sur des fragments de squelettes humains datant des époques préhistoriques. Elles auraient été aussi reconnues sur des restes de dinosaures.

Au cours des époques historiques, on entend par- ler du cancer : — à la suite de l'exploration des tombeaux conte-

nus dans les pyramides égyptiennes ; — au cours du déchiffrement des tablettes recou-

vertes de caractères cunéiformes de la biblio- thèque de Ninive ;

— à l'occasion de la découverte des monuments funéraires étrusques ;

— ainsi qu'après l'étude des momies péruviennes.

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Le plus ancien texte connu à ce jour où il soit question de cancer semble être le « papyrus chi- rurgical Edwin Smith », qui daterait de l'ancien Empire égyptien et pourrait être attribué à Imou- thes, grand prêtre d'Héliopolis et premier ministre du roi Djoser (vers 2800 avant J.-C.). C'est à cet homme de génie, médecin, politique et maître architecte, qu'est due la construction de la pre- mière grande pyramide à degrés de Saqqara. Il fut vénéré à l'égal des dieux et considéré comme l'inventeur de l'architecture durant toute l'anti- quité égyptienne.

Hérodote nous apprend qu'Atossa, fille de Cyrus et femme de Darius, fit appeler, vers 525 avant Jésus-Christ, Démocédès, fameux médecin grec, pour une tumeur ulcérée du sein qu'il réussit à guérir sans que le traitement employé nous soit connu.

Quelque temps plus tard, en Grèce, Hippocrate, dans les nombreux écrits qui lui sont attribués, fait plusieurs fois allusion au « cancer », dont le nom vient de l'aspect de sa propagation ressem- blant à des pattes de crabe. Hippocrate a ébauché une théorie humorale du cancer, l' « atrabile », qui se caractérise par la présence dans le sang d'une humeur dont la production variable conduit, selon les cas, à une tumeur bénigne ou maligne. Cette théorie sera acceptée jusqu'à l'apparition du microscope au XVIII siècle.

Les anciens Hindous, 2 000 ans avant notre ère, essayèrent de détruire les cancers en y appliquant des cataplasmes de pâtes corrosives contenant de l'arsenic. Mais les victimes qui ne mouraient pas du cancer, mouraient empoisonnées par l'arsenic !

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Galien, médecin grec célèbre qui vivait à Per- game au II siècle après J.-C., suit Hippocrate et précise que l'atrabile, ou bile noire ou mélancolie, conduit à un principe corrosif qui explique la tumeur.

On traitait donc le cancer seulement par un régime alimentaire et des purgations. Toutefois, si une tumeur du sein était facilement opérable, on recommandait généralement l'excision chirurgicale.

Au Moyen Age, un Français, Henri de Mondeville, écrivait en 1320 : « Aucun cancer ne guérit, à moins d'être radicalement extirpé tout entier ; en effet, si peu qu'il en reste, la malignité augmente dans la racine. »

L'époque de la Renaissance nous fait aussi connaître Nicolas Tulp, célèbre chirurgien d'Am- sterdam (1593-1674), pour lequel Rembrandt composa la célèbre Leçon d'anatomie. Nicolas Tulp fut l'un des plus prolifiques écrivains ayant traité du cancer. Ses dissertations sur les cancers de la vessie et du sein sont parmi les meilleures. Il pen- sait que le cancer du sein pouvait être contagieux.

Une nouvelle théorie, dite lymphatique, du can- cer se développe après la découverte, en Angleterre, du mécanisme de la circulation sanguine par Harvey (1578-1654).

L'emploi tout nouveau du microscope fait penser que c'est la stagnation du sang qui provoque la formation d'un liquide opalescent capable de pro- duire une tumeur. La gravité de la tumeur dépendra de la répercussion d'une émotion ou d'un accident sur la circulation sanguine.

En France, au XVII siècle, Claude Deshais Gen- dron (1663-1750), médecin attitré du frère du roi

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Louis XIV, et plus tard médecin du duc d'Or- léans, conçoit le cancer comme une modification tissulaire localisée qui s'étend par prolifération, curable si elle est extirpée en totalité dans les for- mes peu étendues. Il jette un pont de deux siècles et demi entre lui et nous.

Jean-Louis Petit (1674-1750), premier président de l'Académie française de chirurgie, insiste sur l'envahissement des ganglions ou nœuds lympha- tiques.

Au XVII siècle, la reine de France, Anne d'Au- triche, mère de Louis XIV, fut atteinte d'un can- cer du sein, et, contrairement à la femme de Darius, ne put en être guérie.

C'est en France, à Reims, grâce à un legs du chanoine Godinot, à l'hôtel-Dieu de sa ville, que fut ouvert en 1740 le premier hôpital consacré au cancer. Ce fut l'ancêtre de tous les centres anti- cancéreux.

Puis Londres créa en 1792 son premier hôpital spécialisé, et, en 1802, fut constituée la « Society for investigating the Nature and Cure of Cancer », qui ne dura que quatre ans.

Aux français Bichat (1771-1802) et Laennec (1781-1826) on doit la conception anatomique de la maladie cancéreuse.

Puis vint la notion de tissu, et c'est en 1826 que l'Allemand Müller (1801-1858) écrivit : « Toute tumeur est formée d'un tissu ayant son analogue dans l'organisme normal, soit à l'état embryon- naire, soit à l'état de complet développement. »

Et lorsque les chercheurs réalisèrent que le can- cer était en relation avec la vie même des cellules vivantes, ils atteignirent le cœur du problème.

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Le microscope permit à Rudolf Virchow de voir la structure des cellules et d'en étudier la vie. Virchow est l'auteur d'un des livres les plus impor- tants de la médecine : La Pathologie cellulaire. Il a prouvé que la cellule était l'unité fondamen- tale sur laquelle la maladie opérait progressive- ment. A l'opposé de Broca et de l'Ecole française, il montra que les cellules cancéreuses naissaient toujours d'autres cellules. Omnis cellula e cellula.

De l'Ecole allemande de cette époque datent les dénominations actuelles : épithélioma, sarcome, tumeur embryonnaire.

La seconde moitié du XIX siècle voit s'accélérer les progrès de la médecine.

Jusqu'en 1890, la chirurgie, même la plus habile, n'avait pu guérir que quelques cancers. William Stewart Halsted (1852-1922), de Baltimore, et Albert Christian Théodore Billroth (1829-1834), de Vienne, assurèrent la protection du malade contre le choc opératoire et l'infection post-opératoire.

Billroth réalisa en 1881 la première ablation d'un cancer de l'estomac.

Quant à Halsted, en 1891, il guérissait des can- cers du sein en enlevant non seulement le sein, mais aussi les muscles pectoraux et les ganglions de l'aisselle. Sa technique est encore utilisée aujour- d'hui.

Bien que sans cesse on cherchât à la perfection- ner, la chirurgie restait la seule arme qui pût être utilisée dans le combat incessant contre le cancer. Mais voici qu'en l'espace de six années seulement, c'est-à-dire au cours des soixante-douze derniers mois du XIX siècle, l'armement vit ses moyens

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augmenter nettement : Roentgen (1845-1923) décou- vrait les rayons X avec le tube à vide de Crookes en 1875, et Becquerel (1852-1908), physicien fran- çais, faisait connaître sa découverte sur la radio- activité (1896) ; en 1898, Pierre (1859-1906) et Marie Curie (1867-1934) nous révélaient le radium.

Les irradiations devinrent alors, avec la chirur- gie, les deux seuls moyens de s'opposer au cancer. Ces deux techniques sont encore les seules efficaces pour l'immense majorité des tumeurs solides.

Borrel, qui fut aussi un précurseur de la théorie virale, écrit en 1906 que le développement d'une tumeur est dû à l'isolement spontané ou accidentel d'un fragment de tissu par suite d'une rupture d'équilibre ou de continuité organique. Bard (1923) écrit que « si une cellule jeune échappe à l'influence modératrice qu'exerce sur elle, par « induction », l'organisme tout entier par le fait, peut-être, d'une malformation initiale qui la rend incapable d'en subir l'influence, on la verra alors se multiplier pour son propre compte, sans souci de ses sœurs, à l'état rebelle et parasitaire, puis transmettre à sa descendance les mêmes propriétés, et constituer ainsi une tumeur ».

Nous y sommes. Un éclair a jailli dans la brume des idées. Très peu semblent l'avoir perçu, mais le progrès s'accélère.

Les greffes de tumeur, qui furent vite réussies, vont enfin fournir de nombreux moyens de recher- che en laboratoire, et, curieusement, c'est sur l'hypothèse fausse du cancer provoqué par un para- site que furent tentées les premières greffes.

C'est alors le début de la carcinologie moderne.

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b) Le cancer atteint tout ce qui vit

Les cancers se développent aussi bien parmi les plantes que parmi l'ensemble des espèces animales.

Tous les systèmes vivants placés dans un envi- ronnement approprié ont la possibilité de former un cancer.

LE CANCER DES PLANTES

Il existe un groupe de tumeurs dites génétiques chez certaines plantes : le tabac, par exemple. Ce sont des tumeurs qui surviennent sans aucune cause externe apparente dans les organismes ayant une constitution héréditaire propre.

Des applications d'auxine, qui est une hormone, sur des tiges ou des fragments de tiges, de vigne vierge, de tabac, etc., provoquent la formation de tumeurs dont le développement peut être rapide, mais cesse dès qu'on soustrait les cellules à cette hormone.

Les radiations ionisantes provoquent des trans- formations malignes, chez certaines plantes avec des rayons gamma, sur l'orge avec des neutrons de même que sur des prothalles de fougère (germe de spores) avec des rayons X. On ne sait toutefois s'il s'agit d'une véritable transformation tumorale ou d'une banale stimulation de la prolifération cellulaire.

Serait-ce l'effet d'un facteur viral transmis de plante à plante par des insectes piqueurs ?

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Certaines bactéries, telles que l'Agrobacterium tumefaciens, peuvent provoquer des tumeurs chez divers végétaux. On peut en rapprocher les « gal- les » ou « cecidies », excroissances produites chez les végétaux sous l'influence de parasites (insectes, champignons).

Si l'on compare en malignité les maladies tumo- rales des plantes avec celles des animaux, on note qu'outre le manque de capacité invasive ou méta- statique (foyer à distance) des tumeurs des plantes, ces dernières ne sont pas aussi vulnérables à la croissance tumorale que le sont les animaux.

Un animal a plusieurs organes vitaux. La perte de l'un d'entre eux va le tuer, ce qui n'est pas vrai pour les plantes. La chute d'une feuille ou la séparation d'une racine ne provoque pas habituel- lement la mort, mais suscite, par contre, un pou- voir régénérateur de la croissance.

Bien que les plantes et les animaux aient un mécanisme intracellulaire très voisin, parfois même identique, il semble possible de dire que les diffé- rences évidentes de leurs tumeurs proviennent d'une manifestation spécifique de ce mécanisme.

PARMI LES ANIMAUX

Les tumeurs se développent chez les insectes, les batraciens, les poissons, les oiseaux et les mam- mifères. La fréquence croissante avec l'âge est un phénomène commun aux vertébrés et aux inver- tébrés.

Les tumeurs de types très divers affectent les espèces animales de manière très inégale.

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Il y a les espèces dont la vie est abrégée pour des raisons économiques (moutons et porcs, surtout bovins et chevaux dans une certaine mesure) qui ne vivent qu'une faible partie de leur existence potentielle ; ainsi, un porc peut vivre quatorze années, un bovin vingt années ; or, la quasi-totalité des porcs et la moitié des bovins sont sacrifiés, en moyenne, respectivement à six mois et à six ans. On considérera donc le nombre de tumeurs obser- vées comme sous-estimé.

Il y a des espèces dont la population totale peut être aisément déterminée. C'est le cas d'animaux vivant en groupe et sacrifiés pour la consommation (statistiques d'abattage). C'est aussi le cas, natu- rellement, des animaux de laboratoire, dont on connaît l'ensemble de l'effectif.

Il y a des espèces dont la vie n'est pas systéma- tiquement abrégée. Il s'agit d'une part des animaux de « compagnie » (le chien et le chat) qui bénéfi- cient d'une médecine plus individuelle, d'autre part des animaux de laboratoire (rongeurs) chez qui les conditions d'observation sont en principe parfaitement codifiées. Dans ce cas, les conditions de vie ressemblent à celles de l'homme, et les don- nées statistiques apparaissent comparables.

Toutefois, le nombre total de ces animaux, celui des chats particulièrement, est difficile à évaluer. La fréquence des tumeurs est établie à partir de consultations de cliniques vétérinaires, par consé- quent sur un nombre d'animaux restreint et non représentatif. La fréquence apparemment élevée dans certaines races impose des vérifications statis- tiques supplémentaires.

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Malgré les difficultés inhérentes aux conditions, souvent très variables, d'obtention des données concernant les animaux, les résultats des enquêtes statistiques illustrent parfaitement l'importance qu'il faut attribuer aux tumeurs parmi les maladies animales.

Chez le mouton, les tumeurs sont peu nombreuses mais très variées. Des cancers du rein sont rencon- trés chez les jeunes porcs ; ils sont analogues à ceux observés chez les jeunes enfants.

Chez les bovins, la moitié, voire les trois quarts des cancers (environ 1 % des animaux), sont des cancers de l'œil.

Chez le chien qui atteint assez souvent un âge avancé, les cancers ne sont pas rares. Parmi eux, 35 % sont de la peau, 20 % de la mamelle.

Chez le chat, les cancers sont plus rares que chez le chien ; les plus fréquents sont ceux de la peau (30 %) et des mamelles.

Chez le lapin sauvage, on voit se développer sur l'utérus des papillomes bénins que l'on retrouve aussi chez le lapin domestique. Celui-ci vivant plus longtemps, certaines de ces tumeurs ont le temps de devenir malignes.

Chez les autres mammifères sauvages, on observe également des cancers tels que des tumeurs des tissus fibreux chez l'écureuil, des tumeurs diverses chez les renards, les loups, les ratons-laveurs. Il faut noter, enfin, des tumeurs de la peau, de la langue, des ovaires chez les baleines.

Le cancer a été observé chez les protozoaires et chez les coelentérés.

Chez les poissons, on en a retrouvé parmi 120 espèces. Nous nous arrêterons sur le cas particulier

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du poisson-chat, Amedirus nebulosis, qui peut être atteint de cancers des lèvres, ressemblant à ceux observés chez l'homme. Ce poisson se nourrit en aspirant ce qu'il racle avec ses lèvres à la surface des plantes et des roches. Ces cancers sont plus fré- quents dans les eaux polluées par les effluents industriels ; elles contiennent des carcinogènes qui se déposent sur la surface frottée par l'animal avec ses lèvres. Ces circonstances peuvent être utilisées pour contrôler le niveau de pollution des rivières.

Chez la truite arc-en-ciel, vivant en liberté aux Etats-Unis, le cancer du foie est très fréquent. Il ne s'agit plus de truites sauvages car la repopula- tion des rivières aux Etats-Unis fait qu'il ne reste pratiquement plus que des truites d'élevage.

On a également observé des cancers chez les reptiles, les mollusques, en particulier chez cer- taines huîtres. Des lésions malignes ont été notées chez les oiseaux.

Il existe chez le poulet des tumeurs qui posent un problème économique considérable pour les élevages modernes où des épidémies catastrophi- ques ont été observées. Des recherches suscitées par le risque financier que cela entraîne ont mis en évidence une étiologie virale probable de ces tumeurs. Elles ont pu, tout au moins chez ces ani- maux, aboutir à des mesures de protection efficaces qui ont fourni en outre quelques données utiles à l'étude du même problème chez l'homme.

Des cancers de l'œsophage ont été observés en Chine chez des poulets de basse-cour.

Des tumeurs malignes ont été observées chez les plathelminthes, les arthropodes, les insectes et les amphibiens.

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L'étude du comportement des tumeurs dans les différentes espèces animales apporte des éléments fort importants à la recherche sur le cancer. Elle permet de disposer d'informations qu'il est impos- sible de recueillir chez l'homme, mais qui peuvent servir à orienter nos interprétations des phénomè- nes observés chez ce dernier. C'est ainsi que l'on constate que des tumeurs qui sévissent avec une fréquence particulière dans certaines régions, sont rares ailleurs, ou que, par contre, il y a des diffé- rences très nettes d'une espèce animale à l'autre pour une même tumeur et dans une même région.

On peut établir une certaine relation entre le degré d'évolution des espèces en fonction du déve- loppement interne de leur système de défense d'une part, et la fréquence relative du cancer d'autre part.

DANS L'ESPÈCE HUMAINE

Avant d'envisager l'importance et la répartition des cancers, il convient de préciser que l'on entend par « fréquence » le nombre de nouveaux cas sur- venant au cours d'une année dans une population dont on connaît la composition par âge et par sexe. Il est habituel de donner ce nombre par 100 000 habitants.

L'étude de la répartition selon l'âge d'une popu- lation est extrêmement importante lorsqu'il s'agit d'évaluer la fréquence réelle du cancer. Ainsi, en Afrique noire, l'espérance de vie est voisine de 35 ans, alors qu'elle est le double en Europe. Il y a donc très peu de personnes âgées en Afrique, ce qui permet d'estimer qu'à sept cas de cancer en

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Le cancer ne doit plus être considéré comme une maladie mystérieuse ou terrifiante. En expliquer au grand public les origines, le développement et les moyens de guérison, tel est le but de cet ouvrage. Le lecteur trouvera relatés dans ce livre les faits sur lesquels on a pu se fonder pour guérir dès maintenant, plus du tiers des cancers, ce qui justifie tous les espoirs. Les moyens d'un diagnostic plus précoce améliorant l'action du traitement y sont également décrits et, puisqu'il vaut toujours mieux prévenir que guérir, les réalités de la prévention.

Pierre Denoix, professeur de clinique carcinologique à la Faculté de Médecine de Paris,

est Directeur de l'Institut Gustave-Roussy à Villejuif et Président de l'Union Internationale

contre le Cancer.

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