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137 Comment analyser les relations déviantes potentiellement violentes ou discriminatoires dans le spectacle sportif au stade? Patrick BOUCHET • Philippe CASTEL Marie-Francoise LACASSAGNE S ince ten years, we are witnessing a globalization and diversification of the sport event consumption as well as stadiums dedicated to their event or retransmission. Social contexts associated with this consump- tion have also become places of constructions and expressions of identity that arise from belonging to groups more or less organized. Although, this situation is not unique, it seems to have assumed considerable proportions in some European countries and in some sports with the emergence of violence (symbolic, verbal, physical) and discrimination (area, race, gender). However, these emergence of deviance seem linked to fans called “traditional” (mainly football) and viewers of a new genre that does not necessarily move to the stadium to support and encourage a team. Faced with these changing phe- nomena of deviance, based on the work on hooliganism, we wish to propose an innovative framework to study relationships between groups of spectators who travel to these stadiums and can potentially lead to reactions violent or discriminatory. Deriving the communication situation model of Brown and Fraser (1979), this framework allows the study of deviant behaviors, so view- ers who sign in a scene that has its frame: “the available spaces in stands”, his time “playing time”, its observers: “the media and security forces”, its goals: “to entertain or support a team or an athlete” and its participants: “individu- als or groups interact”. This framework can also consider options for a more ethical and responsible consumption of sports entertainment. Keywords: social scene, sport fans, deviance, violence, discrimination DOI:10.2478/v10237-011-0051-6

Comment analyser les relations déviantes potentiellement

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Sport Science Review, vol. XX, No. 1-2, April 2011

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Comment analyser les relations déviantes potentiellement violentes ou discriminatoires

dans le spectacle sportif au stade?

Patrick BOUCHET • Philippe CASTELMarie-Francoise LACASSAGNE

Since ten years, we are witnessing a globalization and diversification of the sport event consumption as well as stadiums dedicated to

their event or retransmission. Social contexts associated with this consump-tion have also become places of constructions and expressions of identity that arise from belonging to groups more or less organized. Although, this situation is not unique, it seems to have assumed considerable proportions in some European countries and in some sports with the emergence of violence (symbolic, verbal, physical) and discrimination (area, race, gender). However, these emergence of deviance seem linked to fans called “traditional” (mainly football) and viewers of a new genre that does not necessarily move to the stadium to support and encourage a team. Faced with these changing phe-nomena of deviance, based on the work on hooliganism, we wish to propose an innovative framework to study relationships between groups of spectators who travel to these stadiums and can potentially lead to reactions violent or discriminatory. Deriving the communication situation model of Brown and Fraser (1979), this framework allows the study of deviant behaviors, so view-ers who sign in a scene that has its frame: “the available spaces in stands”, his time “playing time”, its observers: “the media and security forces”, its goals: “to entertain or support a team or an athlete” and its participants: “individu-als or groups interact”. This framework can also consider options for a more ethical and responsible consumption of sports entertainment.

Keywords: social scene, sport fans, deviance, violence, discrimination

DOI:10.2478/v10237-011-0051-6

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Introduction

Au cours de la dernière décennie, de nombreux observateurs ont constaté une globalisation et une diversification du spectacle sportif, qu’il se déroule à l’intérieur des enceintes dédiées à ses manifestations ou dans les lieux consacrés à sa retransmission. Ce type d’événements a progressivement suscité un engoue-ment mondial qui trouve en partie son explication dans le développement de di-spositifs médiatiques soutenus par des investisseurs privés au travers des chaînes thématiques. Les retransmissions mettent en scène plusieurs caractéristiques de la mondialisation comme l’abondance et l’instantanéité de l’information, la va-lorisation individuelle et financière…, qui s’opposent à des caractéristiques plus traditionnelles comme l’incertitude du résultat et le don de soi, l’attachement territorial et la suprématie locale, le respect de l’adversaire, de l’arbitre, des forces de l’ordre…, et deviennent, de ce fait, de plus en plus attractives. L’essor des mo-yens de diffusion et de réception du spectacle sportif génère ainsi des transfor-mations d’ordre économique, juridique, éthique et gestionnaire pour les parties prenantes impliquées. En effet, aujourd’hui, ce nouveau marché qui avoisine des dizaines de milliards d’euros, se manifeste de manière importante et inégale à fois dans les secteurs “privé” (médias, marques, industries), “public” (Europe, Etats, Régions, Villes) et “sportif ” (Fédérations, Ligues, Clubs).

Cet engouement s’explique, par ailleurs, par l’augmentation de la partici-pation des publics, à la fois dans les enceintes dédiées au spectacle sportif (sta-des, gymnases…), devant des écrans géants (places publiques, salles des fêtes, cafés…) ou dans la sphère privée (télévision, ordinateur, téléphonie mobile). A ce titre, ces espaces de réception constituent de plus en plus des théâtres “sociaux” au sein desquels les spectateurs jouent un rôle d’acteur des gradins au terrain, des écrans géants aux bars, du home cinéma aux pièces à vivre… Cette évolution des modes de réception du spectacle sportif a très certainement favorisé la diversification des publics traditionnels dont les centres d’intérêts ne se limitent plus à soutenir leur équipe ou leur joueur pour qu’il remporte la victoire. Il est maintenant courant d’observer des spectateurs ou amateurs de sport, dénommés parfois sous le vocable de supporters périphériques (satellite fans) (Kerr et Gladden, 2008), soutenir un club ou un athlète qui évolue dans un autre pays ou un autre sport. De la même manière, de nombreuses femmes semblent exprimer une volonté de participer à des événements sportifs majeurs tels que les Jeux Olympiques ou les Coupes du Monde mais, dans ce cas précis, elles s’engageraient selon leurs propres mode et logique de consommation qui s’articuleraient autour de l’esthétisme, de la fête, de l’affect et de l’émotion (Li-povetsky, 1998).

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Aujourd’hui, les formes de participation et de consommation de ces nouve-aux publics se situent à différents niveaux et passent par toutes sortes d’identifi-cation : classe sociale, âge, genre, ethnicité, territoire local ou national... Dans le même temps, le comportement des supporters plus traditionnels ne peut qu’être affecté par cette différenciation des publics et les nouvelles façons d’aborder le spectacle. Les nombreux contextes sociaux liés à la réception du spectacle spor-tif sont ainsi devenus des lieux de constructions et d’expressions identitaires plus complexes, dépassant les simples appartenances à des communautés terri-toriales. Les groupes de supporters deviennent des acteurs du spectacle à part entière plus ou moins organisés. Même si cette situation n’est pas nouvelle, elle semble avoir pris des proportions considérables dans certains pays européens pour des raisons économiques, géopolitiques, religieuses, culturelles, ethniques... Les conséquences sociales les plus visibles de ce phénomène sont sans doute l’émergence, voire la reconnaissance, de nouvelles formes de violence ritualisée (symbolique, verbale, physique) et de discrimination (de race, de territoire, d’eth-nie, de genre…). Même si ces formes de déviance existent depuis longtemps chez les supporters de football (Bodin, 2003) qui se déplacent au stade pour so-utenir et encourager leur équipe, elles semblent s’amplifier dans d’autres sports comme le basket ball ou le rugby (Bernache-Assolant, 2006)

Une contradiction demeure au cœur du système de promotion du spectacle sportif: ce qui est donné à entendre et à voir peut tout aussi bien promouvoir l’idée d’une pureté originelle mythique liée à l’égalité des chances, le respect, la loyauté, la santé…, que basculer dans la transgression (dopage, tricherie…) ou la déviance par des comportements de discrimination (de genre et de race notamment) et violence (symbolique ou physique). Que ce soit à propos des athlètes, des spectateurs, des journalistes, les responsables des sphères politi-que, économique et sportive ne sont pas forcément les plus actifs pour agir contre ces agissements qui entachent a priori l’image pure du spectacle et de sa consommation. Tous comme les spectateurs de la société civile ne sont pas les plus actifs pour les contester ou les condamner. Cet antagonisme du spectacle sportif qui fait cohabiter pureté et impureté, norme et déviance, socialisation et transgression, selon les intérêts sportifs, médiatiques, financiers, régionaux ou nationaux, est à l’origine des difficultés des responsables politiques locaux, étatiques ou européens, pour encadrer et maintenir son développement tout en limitant ses dérives en termes de conduites transgressives ou déviantes de la part des acteurs du sport, des médias et de certains publics. En effet, les dirigeants oscillent entre fermeté et mansuétude vis-à-vis de leurs supporters les plus pas-sionnés car ils ont besoins d’eux pour soutenir leurs équipes, pour agrémenter le spectacle médiatique et pour apporter des ressources financières pérennes aux clubs. Même s’ils n’ont pas initié la mise en place de groupes de supporters, ils ont laissé pendant très longtemps un vide social permettant à ces groupes de se

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développer seuls, sans aide, sans communication, mais également sans repères ni limites (Bernache-Assollant et Bouchet, 2007). Le monde médiatique, sportif et politique est-il totalement autonome ou lié à des intérêts ou à des enjeux média-tiques ou économiques dans sa gestion déontologique du spectacle sportif et de ses comportements déviants?

Comprendre les déviances dans le spectacle sportif ne revient donc seulement pas à constater des faits parfois d’une extrême gravité, mais à les recontextualiser dans une dynamique socio-historique pour tenter de les interpréter du point de vue médiatique, consumériste, psychologique ou sociologique. En se situant uniquement au niveau des comportements et des dégradations ou des dégâts provoqués, l’analyse ne peut en aucune manière expliquer pourquoi des individus, bien souvent ordinaires, en arrivent à commettre des actes déviants ou violents. D’ailleurs, la genèse d’événements dramatiques aboutissant à de graves blessures ou à des morts d’homme est parfois liée à l’enchaînement successif de faits plus ou moins insignifiants “en surface” (insultes et provocations sur Internet, propos journalistiques déplacés, vols d’insignes ou d’emblèmes…). Les formes de déviance sont souvent le résultat d’un “accomplissement pratique” (Garfinkel, 1967): l’aboutissement d’un long processus consumériste fait d’interactions sociales et groupales complexes entre les différents acteurs du spectacle sportif (médias, dirigeants, sponsors, fans…) liées à des constructions identitaires et culturelles. Le moindre petit fait, des incivilités ou des provocations, engendrent “des effets de spirale” ou des “points de bascule” vers la déviance, la violence, voire la délinquance (Skogan, 1990; Roché, 2001; Debarbieux, 1996, 2002).

Cette déviance peut être également objective ou subjective selon que l’on se place du point de vue de l’agresseur ou de la victime, du fort ou du faible, de la majorité ou de la minorité, que l’on habite en Europe occidentale ou dans un pays en guerre, que l’on soit un homme ou une femme, un jeune ou un senior, etc. (Wievorka, 1999). La déviance est socialement, temporellement et spatialement contextualisée tout autant dans son exercice que dans sa perception. Très souvent sont amalgamés sous la déviance des comportements violents ou discriminatoires dans et hors des stades, alors que d’autres conduites sont tolérées ou minimisées alors qu’elles constituent, en dehors de la sphère sportive, des actes répréhensibles juridiquement parlant comme les propos diffamatoires des journalistes, comme l’incompétence des services d’ordre, comme le désir du gain des dirigeants… L’apparition, la diversification et l’augmentation de la déviance liée au spectacle sportif met en évidence à la fois un changement de comportements antisociaux au-delà des “hooligans” stigmatisés comme anormaux ou délinquants et poursuivis en tant que tels par la justice.

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L’enjeu sociétal devient donc important et nous amène à essayer de comprendre ces nouvelles formes de consommation du spectacle sportif et leurs effets pervers. Ainsi, après avoir souligné la polymorphie des comportements déviants des spectateurs dans les stades et fait état des recherches portant sur l’analyse de leur participation, nous proposerons un nouveau cadre d’analyse socio-psychologique des relations entre les spectateurs qui se rendent dans ces enceintes et qui peuvent potentiellement avoir des relations déviantes, voire violentes ou discriminatoires. Ce cadre pourra servir à une réflexion sur une meilleure gestion éthique et responsable des modes de consommation du spectacle sportif au stade, voire à d’autres publics dans d’autres lieux de réception (Pub, domicile, etc.).

Etat des recherches sociologiques sur le hooliganisme et évolution des phénomènes de déviance dans la consommation du spectacle sportif

La littérature traitant des comportements déviants des spectateurs de sport est historiquement dominée par les travaux d’inspirations ethnologique, sociologique et économique en relation avec la violence et la discrimination, réelle ou symbolique, observée au sein des enceintes sportives. A ce titre, nous pouvons citer les travaux de Bodin (2003), Dunning (1999), Bromberger (1995) et Giulianotti, Bonney et Hepworth (1994) qui traitent du phénomène du hooliganisme. Mais l’émergence du hooliganisme dans les pays anglo-saxons et en Europe fait apparaître une vision “déterministe” du phénomène, alors que cette vision ne semble pas suffisante pour expliquer raisonnablement la complexité et l’évolution de la déviance liée aux spectacles sportifs aujourd’hui.

L’analyse “deterministe” du hooliganisme dans les tribunes sportives

Beaucoup de travaux sur les hooligans se trouvent enfermées dans une perspective criminologique et une analyse causale qui naturalisent et sociologisent la violence des supporters: ils sont jeunes, pauvres et, par voie de conséquence, délinquants et violents (Bodin, 1999). Cette violence considérée comme un tropisme résulte de facteurs de la criminalité : elle est essentiellement masculine, juvénile, urbaine et exercée par les plus démunis. Aussi, un certain nombre de préjugés et d’idées reçues circulent en matière de composition des foules sportives. Le public qui se rend au stade ou qui regarde la rencontre devant son écran appartiendrait aux milieux populaires ou aux couches sociales défavorisées. Ainsi, Bromberger (1995) n’hésite pas à parler de “juvénilisation du public” des spectacles sportifs pour des raisons sportives (sport à l’école), sociales (autonomisation de la jeunesse), économiques (tarifs plus accessibles), culturelles (émergence de sous-cultures adolescentes). C’est notamment l’émergence des rough (issus de la classe ouvrière la plus pauvre), des mods, des teddy boys, des

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skinheads, des punks… Le spectacle sportif au stade devient l’objet non plus d’une consommation familiale encadré, mais le territoire (notamment les ends) d’une jeunesse autour de leur équipe favorite, de leur quartier, de leur sous-culture… En se regroupant de multiples communautés vont apparaître avec leur identité, leurs rites, emblèmes, symboles, solidarités, signes de reconnaissance et codes vestimentaires et langagiers qui serviront de fondement à la construction des groupes de supporters. Ils vont également importer des idéologies politiques et xénophobes (teddy-boys, skinheads) et des gangs de combat (rough). L’esprit festif qui accompagnait jusqu’alors les rencontres sportives va laisser place à des rivalités doublées d’antagonismes communautaires, sociaux et culturels. La création de cette nouvelle forme de soutien à l’équipe à travers des sous-cultures juvéniles distinctes va favoriser les affrontements et l’avènement des hooligans dans le football. Mais cette approche factorielle et causale renseigne peu sur les raisons et les mobiles qui poussent ces individus non-ordinaires (exclus !), mais aussi des individus ordinaires et parfaitement insérés socialement à commettre de tels méfaits.

Or, depuis une quinzaine d’années en Europe, et depuis plus longtemps dans les autres pays dits développés, le recrutement social des publics s’est diversifié. Même dans le football a été observé une diversification des spectateurs (Charroin, 1994; Bodin, 1999). Trois catégories sociales augmenteraient: les élèves et les étudiants, les professions intermédiaires, les cadres et les professions intellectuelles supérieures. Le public des stades reflète ainsi bien souvent, dans ses grandes lignes, la diversité professionnelle, sociale, religieuse ou ethnique, des villes et des régions dans lesquels évoluent des clubs ou des sportifs professionnels. En se limitant à une sorte d’invariance ou de stéréotype liés à l’âge et au sexe des personnes violentes, les origines et les formes différentes que peut prendre le hooliganisme sont négligées. Abandonnant ainsi l’idée que celui-ci puisse être un acte réfléchi et un construit social trouvant des logiques différentes et différenciées dans le cadre d’actions et d’interactions complexes entre de multiples acteurs: économique, consumériste, médiatique, politique… Ainsi, les catégorisations sociales mises en évidence dans une société anglo-saxonne en crise économique au travers de certains profils types: jeunes, chômeurs, délinquants…, ont du mal à être transposées dans le temps et dans l’espace! On a alors affaire à une lecture et une analyse idéologisées du phénomène hooligan l’enfermant dans un déterminisme, et empêchant de fait d’en restituer la dynamique, d’observer le lien et les interactions qui existent entre le jeu et la violence, entre les différents acteurs, le fonctionnement des spectateurs et des hooligans, etc. Autant de faits qui ne sont observables que si les analyses, dépassant les données sociodémographiques descriptives sans les rejeter, se fait compréhensive et tente d’interpréter, au sens herméneutique du terme, la logique des situations, telles qu’elles sont perçues par les acteurs eux-mêmes

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dans le cadre d’itinéraire de consommation (Desjeux, 2004) ou de trajectoire sociale par le biais de récits de vie ou d’observation participante (Lestrelin, 2006; Nuytens, 2004).

Qui plus est, le public de spectacle sportif se modifiant et se structurant, en partie du moins, en groupes de supporters, il apparaît logique que ces violences deviennent groupales ou individuelles, dans ou en dehors des stades, et surtout plus fréquentes qu’autrefois. De plus, aucune étude sérieuse n’a cherché a montré si on assistait à un accroissement du hooliganisme en Europe ou si on avait simplement affaire à un simple effet de surexposition médiatique et scientifique à mettre en relation avec ce que l’on dénomme communément en terme politique de “sentiment d’insécurité”. Il n’est pas certains non plus que tous les incidents dans tous les sports soient relatés (notamment au niveau amateur) car certains sont surreprésentés et d’autres sont méconnus ou ignorés du fait de l’absence de journalistes. “Toute la difficulté à apprécier l’évolution de la violence sur les terrains, dans les stades et au-delà car ce que la sensibilité contemporaine qualifie de comportement inacceptable pouvait être jadis considéré comme une turbulence bénigne et justifiable” (Bromberger, 1995, 277). On en revient d’une certaine manière au modèle de Chesnais (1977): la signification de la violence des hooligans n’est pas la même en d’autres temps et en d’autres lieux. A l’inverse, une banalisation de la violence dans et autour des stades donnerait l’impression qu’elle tendrait éventuellement à diminuer.

Comment doit-on catégoriser les hooligans ? En fonction des individus ou des groupes et de leurs comportements déviants ou violents ? La réalité démontre plusieurs formes de hooliganisme: des hooligans “occasionnels” recourant parfois à la violence jusqu’aux hooligans “chroniques” rassemblant des individus qui prennent plaisir dans l’affrontement et la violence et l’instituent en mode de vie. Mais le hooliganisme occasionnel est-il dénué de plaisir, constitue-t-il un accident, une réaction à une provocation ou un danger, s’inscrit-il dans un mécanisme de défense, ou bien est-il le prélude à une “carrière déviante à long terme”? (Becker, 1963). Mais cette approche ne prend pas en compte le fait que “les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance” (Becker, 1963, 32). Un des exemples les plus emblématiques est celui des fumigènes et des feux de Bengale utilisés par les supporters pour animer, enflammer, décorer les tribunes. L’embrasement des tribunes qui participe de l’esprit festif et exalte le soutien à l’équipe est proscrit par la loi Alliot-Marie du 6 décembre 1993 (Loi n°93-1283) relative à l’introduction d’engin pyrotechnique dans les stades. Aussi, la majorité des supporters “normaux” qui utilisent ces fumigènes deviennent déviants par le seul fait de cet article de loi, alors qu’ils ne cherchaient qu’à soutenir leur équipe ou à s’amuser.

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Des nouveaux comportements deviants autour du spectacle sportif

Force est de constater depuis cinq ans sur la planète sport une propagation des affrontements communautaires (symboliques, verbaux, voire violent) entre les supporters de clubs ou d’équipes nationales. Est-ce qu’ils sont réellement plus nombreux que par le passé ou est-ce qu’ils sont simplement davantage relayés par les médias, la question mérite d’être posée? Proportionnellement à l’offre d’événements, ces comportements déviants apparaissent moins nombreux dans la société civile, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils n’ont pas augmenté ! En effet, il semble qu’il existe une recrudescence des comportements déviants, violents ou discriminatoires, dans le milieu du football européen: des sifflets contre la Marseillaise attribués aux communautés maghrébines aux banderoles entre groupes de supporters Parisiens et Lillois. Et que dire de cet incident re-grettable survenu à un pompier lorsqu’il a voulu enlever du terrain un fumigène qui s’est avéré être un pétard de type “cobra” contenant une poudre de type C4.

Ceci étant, le phénomène se diffuse à d’autres sports qui commencent à défrayer la chronique au moment même où de nombreux supporters se constituent en groupes Ultras. Existe-t-il une relation de cause à effet, il est encore trop pour l’affirmer. Quoi qu’il en soit, la propagation s’opère souvent dans des pays soumis à de profonde “crise identitaire” en interne (Wallon/Flamand) ou/et en externe face à des Etats frontaliers (Serbie/Croatie). Que ce soit dans des sports collectifs comme le basket ball ou des sports individuels comme le tennis, les joutes verbales et autres provocations, voire affrontements, sont de plus en plus nombreux pour peu qu’ils soient médiatisés. Dans tous ces cas, les fautifs sont condamnés verbalement ou pénalement, et ils sont catégorisés comme des “brutes” qu’il faut combattre, voire éradiquer des enceintes sportives (stade ou écran géant). Encore que la Fédération belge de football a pris une décision récente plus que surprenante: dans un stade du royaume, les supporteurs de l’équipe flamande de Genk qui chantent “Les Wallons, c’est du caca” n’utilisent pas de mots “blessants ou injurieux” mais plutôt “à caractère ludique, taquin, légèrement moqueur”. Conclusion: l’équipe flamande de Genk n’a rien à se reprocher après le match qui l’a opposé au club wallon de Tubize, le 1er novembre 2008. En revanche, le manager de l’équipe wallonne de Tubize qui était entré sur le terrain pour interpeller l’arbitre et faire suspendre la rencontre mérite un blâme. C’est ce qu’a décidé récemment la plus haute instance de la Fédération, le comité exécutif, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’appel. Pour les dirigeants wallons, l’attitude de la Fédération est d’autant plus incompréhensible que l’UEFA organise des campagnes sur le thème du respect de l’adversaire et que la Belgique a l’espoir d’organiser une prochaine édition de la Coupe du monde de football, en 2018.

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Le suivi du spectacle sportif qui se veut un moment convivial et ludique, partagé de façon amicale ou familiale, peut parfois et de bien des manières se transformer également en moment de discriminations et de violences plus ou moins intenses. Mais trop souvent les responsables politiques et les médias amalgament des phénomènes qui n’ont pas forcément grand-chose à voir entre eux. Hooliganisme, incompétences des services d’ordre, mercantilisme de certains stadistes ou dirigeants sportifs sont autant de causes possibles aboutissant à des tragédies humaines comme le Heysel en 1985, Sheffield en 1989, Furiani en 1992, Elis Park en 2001 (Bodin et Héas, 2002). Si les événements violents ou racistes qui se donnent à voir dans ou à proximité des stades ont de quoi inquiéter, force est de constater (heureusement) que leur nombre est proportionnellement réduit au regard du nombre de spectacles sportifs proposés sur site ou par les médias. Néanmoins, il apparaît que le spectacle sportif peut générer de nouvelles formes de violence ou de discrimination plus latente, plus insidieuse et lancinante à travers les images et les discours véhiculés. Les médias sont d’ailleurs assez friands de la théâtralisation des spectateurs qui cherchent à attirer l’œil de la caméra par des banderoles, des maquillages, des chants… Afin de faire rêver et de divertir, tout est bon pour alimenter ou pigmenter la retransmission du spectacle : gros plans sur les VIP ou des femmes aux physiques avantageux, zooms sur des parties anatomiques des joueurs et des spectateurs, etc. On est alors loin des effets bénéfiques du sport et de son spectacle en tant que vecteur de socialisation, d’apprentissage de la citoyenneté et moyen d’insertion. Au contraire, dans nos sociétés en manque de repères, il semble que le spectacle sportif soit devenu un support de construction de groupes qui dépasse largement le spectacle lui-même. Les sifflets de la Marseillaise en France durant les matches de football (France-Algérie ou France-Tunisie en 2008) sont une des manifestations de cette politisation des tribunes à des fins non sportives. De même, la fréquentation, voire l’occupation, des enceintes sportives peut faire l’objet d’un véritable affrontement entre des groupes de supporters qui ne préoccupent plus forcément du déroulement du jeu sur le terrain ou de sport, ou d’une tribune médiatique afin de manifester des revendications politiques, territoriales, communautaires.

Dans le même temps, de nouveaux comportements déviants émergent sans qu’ils fassent l’objet de réelle sanction judiciaire ou médiatique. Nous voulons parler des actions des streakers et autres blogs de streamers qui sont en pleine progression. Pourquoi ces conduites répréhensibles sur la voie publique ou sur Internet sont elles aussi peu combattues par les instances judiciaire, politique ou sportive? Est-ce du divertissement et donc bon pour faire de l’audience? Est-ce un phénomène marginal ou de marginaux qu’il faut excuser? Est-ce que ce sont des actes de bravoure contribuant à valoriser leur responsable? La question mérite d’être posée tant l’ambiguïté et l’hypocrisie sont à l’œuvre à propos de ces actes.

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De plus en plus de sites Internet ou de retransmissions télévisuelles d’événements sportifs font l’objet d’intrusion d’individus qui souhaitent exhiber, plus ou moins, leurs attributs corporels à leurs idoles et surtout au public venu les voir. Que ce soit par vocation (des reportages sportifs leur ont été consacrés), par défi ou par fanfaronnade, force est de constater que les streakers sont présents dans de nombreuses disciplines bien au-delà des seuls sports “so british”: hockey sur glace, tennis, base ball, snooker… la listes est longue si l’on en croit le seul site Internet Strange Insolite.

Phénomène plus récent, la femme apparaît comme l’avenir du streaker ! Que ce soit sur les terrains de golf, de rugby, de football ou de tennis (voir ci-dessous), rien n’effraie ces souvent jeunes exhibitionnistes pour défrayer la chronique ou pour passer à la télévision. Ainsi, en Grèce, une femme nue s’est incrustée sur un terrain de basket durant un match du championnat national sous l’œil aiguisé des médias. En Italie, ce sont deux belles ragazze dans la fleur de l’âge qui viennent se jeter aux pieds de la Squadra à l’entraînement, juste pour couvrir les joueurs de bisous. Les exemples ne manquent pas à travers le monde. Dans tous ces cas, ces streakers apparaissent comme une des composantes possibles de la diffusion médiatique pour les metteurs en scène du spectacle sportif au même titre que d’autres images insolites liées à des people, à des femmes sommes toutes attirantes ou à des shorts ou maillots étrillés laissant apparaître des parties anatomiques des athlètes!

Depuis 1998, la diversification s’est même accentuée dans les enceintes sportives et surtout devant les écrans de télévision notamment par le biais d’un traitement médiatique différent des spectacles et des attentes des téléspectateurs.

L’apport d’une analyse psycho-sociale des relations intergroupes des spectateurs des stades

Dans cette approche, nous centrerons notre analyse sur les groupes de spec-tateurs en interaction dans un stade pour suivre une rencontre en direct. Le point de vue adopté est de considérer “le spectacle sportif ” comme une situation de communication totale (Brown et Fraser, 1979) avec ses scènes et ses participants en interaction. Le spectacle dans les stades diffère du point de vue “sportif ” et “territorial”. Les sports individuels versus sports collectifs, les affrontements directs (tennis) versus affrontements indirects (patinage artistique) et les enjeux compétitifs versus non compétitifs (show, démonstration) font varier le spec-tacle, tout comme les ancrages territoriaux. En effet, le spectacle sportif, en fonction de la nature du territoire d’appartenance des équipes ou des athlètes regardés: clubs ou sportifs locaux versus équipes ou sportifs nationaux versus équipes ou sportifs continentaux, ne renvoie pas aux mêmes enjeux. Cependant,

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pour l’étudier, nous proposons de nous centrer sur la situation sportive protot-ypique: le match opposant deux équipes (cf. Figure 1). En effet, cette situation semble depuis l’antiquité (Piotrowsky, 2006) propice à générer de la violence et de la discrimination. En effet, à d’autres époques, en d’autres lieux et pour de multiples épreuves, des comportements relativement similaires nécessitaient des mesures de gestion particulières : maintien de l’ordre, interdiction de stade… Sans recourir à une historiographie complète en la matière, de nombreux événe-ments pris dans l’Antiquité ou dans le Moyen Age attestent d’affrontements san-glants durant des manifestations sportives (Bodin, 2001; Robène, 2001; Tranter, 1995). Durant le XXe siècle et concernant le seul football, le journal L’Equipe (1997) a dénombré plus de 1300 morts à travers le monde suite à des actes de hooliganisme.

Figure 1. La scène du spectacle sportif dans le stade

Le Spectacle Sportif dans le Stade: une Scene Sociale de Communication de la Deviance

Pour nous, recourir à la situation de communication totale revient à inscrire les différents éléments impliqués dans la logique propre à la rencontre sportive. Cette situation peut faire appel à des scènes différentes. Celles qui sont liées à la fréquentation de lieux spécifiques dans le site de la rencontre: abord du match, buvette, vestiaire, couloir d’entrée, salle VIP…, avec des acteurs particuliers (for-ces de l’ordre, personnels de services, service technique…). Celles qui se dérou-lent en dehors du site: les abords proches (rues, commerces), les parkings… Néanmoins, la scène structurante est la scène du match, celle où des spectateurs placés sur les gradins regardent en direct s’affronter les équipes en espérant pas-

Cadre

But

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+

Supporters équipe A Supporters équipe B

Individus

Groupes

Individus

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ser un bon moment festif et/ou la victoire de celle qu’ils soutiennent. Dans cette scène, les acteurs du jeu (athlètes ou joueurs en action) représentent le cœur du spectacle dans le sens où sans eux l’événement n’aurait pas lieu d’être. Même si, à ceux-ci s’ajoutent d’autres acteurs de moindre visibilité, à savoir les staffs techniques (entraîneur, préparateur…) et les corps médical et réglementaire qui régulent le déroulement de la rencontre (arbitre, etc.), ils sont anecdotiques. Les seconds acteurs phare de la scène, ce sont les supporters. Ils ne correspondent qu’à une partie des publics sur site allant des supporters “périphériques” aux “fans traditionnels”. Ce sont ces derniers qui supportent, sans ambiguïté, l’une des deux équipes et réagissent au déroulement du match. Fortement identifiés à leur équipe, ils sont pour la plupart abonnés, ils font souvent partie d’un club et arborent des accessoires (casquette, maillot, écharpe, autocollant sur les voitures, etc.) qui les rendent visibles pour les autres spectateurs. Ainsi, ils constituent avec les joueurs le cœur de la scène principale du spectacle sportif en direct, ce qu’entérinent, lors des retransmissions, les médiateurs de l’événement (camera-man, photographe…). Pour ces supporters hautement identifiés, souvent quali-fiés d’Ultra, les résultats des matchs correspondent à des enjeux identitaires qui les poussent à réagir, parfois même hors du stade, lorsque leur équipe perd. Ils peuvent entraîner des mouvements d’adhésion des publics plus périphériques et constituent les éléments clés des débordements possibles en termes de violence et de discrimination.

Le cadre: les paramètres spatio-temporels ont des incidences sur les participants. En plus de la chaleur analysée depuis comme facteur favorisant la violence (voir Russel, 2004), sont actuellement pris en compte le bruit, la densité du public et la position debout/assise. Ces derniers éléments situationnels semblent jouer sinon directement sur les comportements agressifs du moins sur l’excitation physiologique des spectateurs qui deviendraient plus disposés à réagir. De plus, des éléments plus socialisés, tel l’anonymat lié au grand nombre de spectateurs (Wann, Haynes, Mclean et Pullen, 2003) et l’obscurité, ainsi que l’autorisation implicite de l’alcool, semblent favoriser la production d’actions antisociales, même si certains sports sont davantage porteurs de normes permissives vis-à-vis de la violence que d’autres (Mustonen, Arms et Russel, 1996). Ainsi, certains éléments du cadre spatio-temporel favoriseraient, via l’excitation, des conduites expressives qui pourraient devenir violentes par désinhibition de certains interdits. Et la politique de séparation des supporters par l’installation de grillages dans les stades aurait, contrairement à son objectif de prévention, un effet levier sur la production de comportements violents. Le morcellement des ends, la ségrégation des différents groupes et communautés vont ainsi favoriser la territorialisation des tribunes, leur mise en spectacle et la concurrence intergroupes. Chaque groupe, dans un désir et une volonté de se distinguer, de s’opposer, d’afficher sa supériorité, d’être vu et reconnu, pour

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venger la défaite ou prolonger la victoire, va investir les lieux dans le cadre d’un processus de construction identitaire. Contrairement aux idées reçues, le hooliganisme est bien le fait d’authentiques fans et non à des éléments extérieurs qui viendraient commettre leurs exactions dans le stade.

Un phénomène nouveau est venu se greffer sur la consommation du spectacle sportif: la médiatisation des publics en les inscrivant dans des cultures et des motivations plus vastes que celles du seul champ sportif. La retransmission de ces manifestations identitaires individuelles ou collectives, dramatiques ou festives, fait aujourd’hui pleinement partie des éléments du spectacle sportif au sens où les compétiteurs ne sont pas les seuls acteurs des événements. Par exemple, le rôle joué par les médiateurs de la retransmission, c’est-à-dire les journalistes (commentateur, intervieweur…), influence les réactions des auditeurs (Dayan et Katz, 1996). La mise en place de ces boucles de rétroaction, au sens où les comportements des spectateurs sont eux-mêmes conditionnés par leur médiatisation, favoriserait davantage les phénomènes de violence ou de communautarisme, et seraient à l’origine des actions déviantes des streakers et autres voleurs d’images… Enfin, avec le développement des NTICE (Internet, téléphone portable, jeux vidéo en tête), de nouveaux modes de consommation du spectacle sportif se développent de manière parallèle sans forcément respecter des règles déontologiques d’autant qu’ils s’adressent à des publics particuliers dans des environnements virtuels. Dans nos sociétés surmédiatisées, il semble que le spectacle sportif soit devenu un support de construction de groupes dont les enjeux dépassent largement la compétition sportive. La fréquentation, voire l’occupation, des enceintes sportives peut faire l’objet d’un véritable affrontement entre des groupes de supporters qui ne se préoccupent plus forcément du déroulement du jeu sur le terrain, mais tiennent avant tout à être visibles, à avoir une tribune médiatique.

Traditionnellement, les observateurs présents ou distants peuvent modifier les conduites des acteurs. Là encore, le sens de la variation dépend des situations. Il peut se produire un emballement des conduites lorsque les sujets se sentent l’objet d’une attention particulière (“Hawthone effect”). Les individus de faible statut, mais relativement investis dans un rôle, peuvent tenter de montrer leurs capacités, généralement sous-estimées, lorsqu’on s’intéresse à eux. Ainsi, des supporters en voie d’intégration dans leur groupe peuvent manifester, parce qu’ils sont filmés, ce qui a par ailleurs été nommé un effet PIP (Codol, 1984). Ils vont donner à voir le comportement prototypique de leur groupe et, en ce sens, être les caricatures de ce groupe. Lorsqu’ils sont moins bien reconnus que d’autres, ils peuvent vivre le soutien à leur équipe comme un challenge et essayer de dépasser les supporters plus installés. Dans le stade, comme précédemment mentionné, le rapport à la norme dépend du type de pratiques, certaines étant

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associées à la violence des supporters. Dans ce cas, notamment pour le football, la violence ou le racisme, traits stéréotypiques les plus spectaculaires, deviennent particulièrement disponibles. La télévision, en rendant publique l’appartenance du spectateur filmé au groupe des supporters constitue un facteur d’accentuation de cette mobilisation identitaire et peut ainsi induire le recours à des comportements agressifs ou discriminatoires.

Les buts: si les buts sociétaux (divertir) et sociaux (participer à l’événement) restent stables, les évolutions de la situation de jeu (victoire ou défaite des équipes) font varier les buts situationnels: la scène pourra alors s’orienter sur le maintien d’un statut quo, sur la stabilisation des acquis de l’un des groupes ou enfin sur le renversement de la situation. La saillance des enjeux liés aux scores et à l’ancrage du match dans les niveaux territoriaux rend la scène plus ou moins explosive. En effet, plus les scores sont serrés, plus les possibles sont ouverts, plus l’éveil psychophysiologique est fort. Un affrontement violent entre les joueurs sur le terrain peut se répercuter sous forme d’un conflit chez les spectateurs (Arms, Russel et Sandilands, 1979). De la même façon, une décision d’arbitrage contestable peut déclencher des débordements.

Tout le monde sait que les effets cathartiques du spectacle sportif sont illusoires (Bromberger, 1998) en raison notamment de l’incertitude du résultat. En ce qui concerne la déviance, les études relatives aux effets du spectacle sportif sont quasi inexistantes. Par exemple, en distinguant la violence spontanée de la violence préméditée, les facteurs liés aux incidents de jeu, aux résultats, à la présence des forces de l’ordre…, ont été éliminées. Ainsi, peu d’études se sont intéressées à l’effet instigateur provoqué par la vision de spectacles sportifs violents ou par l’issue du match (victoire versus défaite) (Bernache-Assolant, 2003). Les résultats font pourtant apparaître une forte augmentation de l’agressivité des spectateurs assistant à des rencontres violentes ou mal gérées, et des stratégies identitaires qui peuvent potentiellement engendrer des comportements déviants ou violents. De plus, Clanché (1998) a constaté que le football possédait des propriétés particulières “d’instabilité” (le résultat y est davantage imprévisible compte tenu du faible nombre de buts marqués en général) et “d’intranquillité” (le match est incertain tant qu’un écart de score suffisant ne sépare les équipes) qui influent sur la passion les émotions et les comportements déraisonnables ou déviants des individus.

Ainsi, la scène, indépendamment des participants et de leurs enjeux, con-tribue à l’émergence de la violence et de la discrimination. Le cadre, proprement dit, avec ses coordonnées spatio-temporelles favorisant l’excitation et la désinhi-bition des interdits, mais aussi la médiatisation de l’événement qui renforce l’ap-propriation des appartenances groupales, constitue un environnement facilitant

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de conduites extrêmes. Les buts situationnels, en connexion avec le déroulement de la partie, potentialisent le climat précédemment institué en rendant sensible aux événements négatifs, telles les altercations sur le terrain, les erreurs d’arbitra-ge. Cependant, la prise en compte des particularités des participants est néces-saire pour rendre compte des passages à l’acte et des différentes formes qu’ils peuvent prendre.

Les participants: le concept d’identification à l’équipe définie comme la propension qu’a un individu à se percevoir comme un supporter de l’équipe, à être impliqué vis-à-vis de cette équipe, à être concerné par les performances de l’équipe et à voir l’équipe comme une représentation de lui-même (e.g. Branscombe et Wann, 1992; Dietz-Uhler et Murrell, 1999; Wann, 1995; Wann, Tucker et Schrader, 1996; Wann et Branscombe, 1990). Cette identification constitue un antécédent majeur à de nombreuses réponses cognitives, affectives et conatives dans ces approches psychosociales nord-américaines. Selon Wann et Branscombe (1993), l’identification à l’équipe est expliquée par l’attachement que les individus montrent pour leur équipe, l’argent qu’ils dépensent et le temps qu’ils consacrent pour la suivre. De manière plus précise, les individus faiblement identifiés semblent relativement désintéressés : ils ne portent pas d’accessoire ou de vêtement aux couleurs du club et n’applaudissent ou ne supportent pas leur équipe. Le rôle de supporter peut ainsi être considéré comme une composante simplement périphérique du concept de soi (Wann, Melnick, Russel et Pease, 2001). A l’opposé, les spectateurs fortement identifiés démontrent un engagement très important et ce rôle représente une composante essentielle de leur identité (Tajfel, 1981; Tajfel et Turner, 1979). Ils portent des vêtements aux couleurs de l’équipe, ils se maquillent, ils essayent de perturber ou d’influencer l’adversaire, ils s’opposent verbalement et parfois physiquement aux supporters de l’équipe adverse, ils s’approprient les victoires et les défaites de leur équipe (e.g. Hirt, Zillmann, Erickson et Kennedy, 1992; Madrigal, 1995; Mahony, Howard et Madrigal, 2000). Dans cette perspective, les travaux psychosociaux traitant des événements sportifs reconnaissent l’identification à l’équipe comme un modulateur d’intensité des comportements et des émotions des spectateurs, que ce soit avant, pendant ou après la rencontre.

Les supporters hautement identifiés, bien qu’ils ne soient pas les seuls participants du spectacle sportif in situ, y jouent un rôle déterminant. En effet, ils adoptent, en mobilisant leur identité sociale, des conduites collectives qui peuvent être suivies dans certaines circonstances par des spectateurs moins engagés. L’identité sociale distincte de l’identité personnelle est l’identité adoptée par les sujets qui se considèrent en tant que membres de groupes. Elle est d’autant plus investie par le sujet qu’il entretient des liens forts à son groupe d’appartenance. En ce sens, les supporters hautement identifiés mobilisent nécessairement leur

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identité sociale lors des matchs et se comportent en fonction de cette dernière. Selon Tajfel (1978), l’appartenance à un groupe opposé à un autre groupe suffit à produire des effets discriminants vis-à-vis du groupe dont on ne fait pas partie. Les membres de l’autre groupe sont, via les stéréotypes, perçus comme identiques (Castel, 1999); ils sont automatiquement jugés plus négativement que soi et sont les cibles désignées de comportements discriminants. De ce fait, les supporters d’une équipe sont a priori tout disposés à activer ces mécanismes vis-à-vis des supporters de l’équipe adverse.

Ces effets génériques sous tendent les relations des supporters hautement identifiés d’équipes adverses indépendamment du match proprement dit. Le dénigrement de l’autre équipe, labellisé “Blast” depuis l’étude princeps de Cialdini et Richardson (1980), opère quels que soient les résultats de l’équipe adverse (End, 2001; Wann et Grieve, 2005). Quant aux attaques effectives envers l’autre groupe, pour les opposants dits héréditaires, tels le Paris St Germain et Marseille en France ou Manchester United et Arsenal en Angleterre, elles peuvent avoir lieu à l’extérieur du stade et indépendamment de ce qui s’y joue, la médiatisation du match annoncé réactualisant, rendant plus disponible la catégorisation existante, ses effets automatiques et les formes, dont la violence, qu’ils ont déjà prises. Ces formes semblent dépendre des partitions structurant les groupes de supporters entre eux et de leur incidence en termes de remaniement identitaire. En effet, dans l’enceinte du stade, les aléas des scores jouent sur l’identité des sujets hautement identifiés. Lorsque l’équipe supportée gagne, l’estime de soi des membres du groupe est forte; par contre, lorsque l’équipe perd, elle remet en cause la valeur des sujets qui ont cru en elle et les oblige à mettre en place des stratégies de “management identitaire”. Or, il apparaît que ces stratégies diffèrent selon la structuration des différents groupes de supporters.

Les différents groupes de supporters hautement identifiés: dans le cadre du supportérisme, le lien au groupe est dépendant du type de rapport que les mem-bres entretiennent avec l’équipe. Certains groupes, attachés au territoire ou à cer-taines valeurs, trouvent dans le soutien à leur équipe un moyen de les faire valoir. Au fil des matchs, en s’opposant à d’autres qui soutiennent les équipes adverses, ils testent et renforcent ces liens. Les groupes supportant une équipe parce qu’ils sont fiers d’appartenir à une ville, une région ou un pays pour ce qu’il est ou ce qu’il représente, vont se retrouver face à d’autres groupes de supporters animés comme eux par le même type d’enjeux. La confrontation des deux parties dans le stade relève d’une partition oppositive facilitant la mise en place de conduites ciblées peu amènes pour l’ “ennemi du jour”.

Cependant, ce mode de structuration des groupes n’est pas le seul possible. Des sujets particuliers peuvent s’affilier pour constituer un groupe qui pourra se

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distinguer de la majorité. Dans le cadre du supportérisme, certaines caractéristiques individuelles renvoyant à ce que Brown et Fraser (1979) appellent l’ “individu en tant qu’individu”, peuvent précéder l’affiliation groupale. L’agressivité, relevée comme trait de caractère, a pu très tôt produire le rejet par leurs pairs des individus ayant adopté des comportements violents. Lorsque les relations interindividuelles sont difficiles, les individus ne peuvent avoir une identité personnelle favorable et se trouvent très tôt relégués dans des groupes considérés par les autres comme antisociaux (Amodeï et Scoot, 2002). Cependant, les sujets qui y appartiennent ne peuvent se considérer comme tels. Recherchant comme tout un chacun une estime de soi favorable, ils peuvent soit valoriser le trait support de leur relégation, soit rechercher ailleurs une reconnaissance identitaire. Le supportérisme est sans doute de ce point de vue une affiliation prisée. Le sport, comme nous l’avons précédemment évoqué, est devenu une pratique sociale particulièrement valorisée. Les joueurs, par la médiatisation des matchs, sont des idoles qui peuvent permettre d’acquérir un peu de leur gloire à ceux qui les approchent. Le BIRG (Basking In Reflected Glory) est en effet un mécanisme repéré par Cialdini, Borden, Walker, Freeman et Sloan (1976) qui consiste à se rapprocher de personnes ou de groupes socialement valorisés pour atteindre soi-même un peu de renommée. De plus, le spectacle sportif dans son extension peut même rendre célèbres les supporters pour eux-mêmes. Si leur animation est bonne, ils peuvent obtenir une reconnaissance directe. En conséquence, devenir supporter peut revenir à adopter, pour ceux qui sont considérés comme des jeunes célibataires économiquement pauvres et socialement désavantagés (Mustonem, Arms et Russel, 1996), une identité sociale enviable. L’entrée dans le supportérisme se faisant, via le BIRG, par les joueurs, les actions des supporters suivent les résultats des équipes, les succès et défaites lors des matchs devenant déterminants. Si l’équipe gagne, ils sont forts, si l’équipe perd, ils sont faibles.

Autour des équipes de joueurs gravitent donc des groupes de supporters qui ne renvoient pas nécessairement à des groupes de même nature. Il s’ensuit que les modes de régulations identitaires face aux succès et aux défaites de l’équipe ne sont pas identiques, amenant ainsi les supporters à réagir de façon différente aux résultats des matchs. L’identité du groupe et sa cohésion sont renforcées par la tendance à valoriser en permanence l’in-group et à dévaloriser l’out-group. La féminisation des supporters adverses dans les chants, la fustigation de l’équipe adverse dans les banderoles, ne sont en fait que des processus sociaux qui permettent aux groupes de se construire par rassemblement et opposition. La compétition est duale : sur le terrain et dans les tribunes. Certes, la ségrégation des supporters ne favorise pas la convivialité, ni même le respect des autres ou le dialogue, elle attise au contraire les antagonismes. Le refus du dialogue est de toute manière nécessaire à la construction identitaire: l’identité se pose en s’opposant. La proximité identitaire de ces différentes communautés impose une nécessite

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de s’opposer et de se distinguer, la déviance ou la violence accompagnant parfois cette affirmation identitaire. Ce supportérisme déviant est donc passionnel, au sens phénoménologique et non criminel du terme. Le hooliganisme doit dès lors être perçu comme la dérive passionnelle du supportérisme lui-même perçu comme un surcroît d’attachement ou d’identification à une équipe, à un club, à un territoire ou une nation. Défendre cette position ne réactive pas le débat entre passion et déraison mais oblige tout simplement à chercher à travers ce rapport passionnel au groupe et au club et dans cette lutte entre raison et déraison la dynamique sociale, psychologique et culturelle de certaines déviances et exactions.

Differents Types de Categorisation de la Deviance dans les Modes de Regulation Identitaires

Dans les groupes oppositifs, le dénigrement de l’autre groupe existe toujours, les insultes peuvent fleurir et, s’il est possible de produire des effets négatifs, ils seront produits. Lors de l’échec, les supporters se désolidarisent de l’équipe mais restent des supporters. Partageant un même sort, ils s’associent à tous ceux qui soutiennent la même équipe (Bernache-Assollant, Lacassagne et Braddock, 2007; Lacassagne, Bernache-Assolant, Bouchet et Castel, 2007). Certes, l’équipe a perdu mais eux, les supporters, ont fait leur travail. En d’autres termes, pour réguler leur estime d’eux-mêmes, les supporters des groupes oppositifs opèrent une re-catégorisation plus favorable. Ils n’auraient pas a priori besoin d’aller au-delà pour se sentir bien et la discrimination ou la violence ne paraît pas une nécessité. Pour ces groupes, le cadre et les buts situationnels sont déterminants. La discrimination ou la violence peut être exacerbée par les éléments contextuels. Plus particulièrement, les groupes oppositifs étant fondés sur la valeur (Castel et Lacassagne, 2005), ils devraient être sensibles au Sentiment d’Injustice Subie (SIS) et ce d’autant plus que l’issue de la rencontre est incertaine. Selon Lerner (1980), les individus ont besoin de croire qu’ils vivent dans un monde juste où chacun a ce qu’il mérite et mérite ce qu’il a. Si cette croyance est menacée par l’observation ou le vécu d’injustices, les individus sont en mesure de restaurer par l’action leur croyance en un monde juste. Le SIS devient donc un affect susceptible d’engendrer de la violence (Goutas, Girandola et Minary, 2003), particulièrement quand les supporters sont psycho-physiologiquement excités. Les groupes oppositifs, à défaut de pouvoir s’en prendre directement aux arbitres ou aux joueurs sources de l’injustice mais dotés d’un haut statut qui les rend intouchables, pourraient vouloir en découdre avec ceux de l’autre groupe, supporters et joueurs, pour montrer qu’ils sont les plus forts. En conclusion, pour ces supporters hautement identifiés, engagés dans une relation de type oppositif, les éléments du cadre sont déterminants dans la violence de leurs réactions.

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Pour les groupes minoritaires, par contre, le rôle de l’environnement semble différent. Lorsque l’équipe perd, la minorité hautement identifiée s’en désolidarise et se replie sur elle-même. Si les groupes sont structurés autour de la possession du trait “discriminant” ou “violent” que les autres, à savoir la majorité, ne partagent pas, alors le recentrage sur les standards de la catégorie ne peut qu’exhumer ce trait. Les supporters qui se sont fédérés autour d’une équipe pour acquérir une image valorisée se retrouvent, en cas de défaite, dans la partition fondatrice. Ils ne sont plus les supporters de l’équipe X, mais les “racistes” ou les “violents” opposés à l’ensemble de la population qui ne possède pas ce trait. Pour exister, les “violents” n’ont plus qu’à valoriser leur spécificité et donc déployer leur force sur tous ceux qui n’appartiennent pas à leur communauté. Etant par constitution l’élite de la violence, ils ne peuvent que gagner et donc, aller dans l’action jusqu’à l’affirmation incontestable de leur pouvoir. Pour eux, le cadre ne peut suffire à réguler l’atteinte à l’estime de soi produite par l’échec de l’équipe. Ils doivent, par eux-mêmes, retrouver leur honneur et donc se battre et vaincre. Dans ce contexte, la médiatisation du spectacle peut renforcer les comportements asociaux car la mise en exergue de la réaction des Ultra violents à la suite de la défaite de leur équipe ne peut que favoriser l’identification au nouveau groupe émergeant.

Ainsi, les groupes de supporters n’entretiennent pas le même type de rap-port à l’agression selon la structure groupale dans laquelle ils s’inscrivent. Les groupes relevant d’une partition oppositive pourront manager leur identité me-nacée sans recours à la discrimination ou la violence, sauf s’ils sont encouragés par le cadre spatio-temporel, la présence d’observateurs pouvant constituer un frein aux débordements. A l’inverse, les groupes relevant d’une partition mino-ritaire/majoritaire fondée sur le regroupement de personnes a priori agressives ou conflictuelles qui ont pu trouver, via le supportérisme, une identité sociale fa-vorable, seront prêts, lorsque cette identité est menacée par l’échec de leur équi-pe, à adopter des comportements déviants sans cible précise. Le cadre spatio-temporel aura peu de chance de canaliser leur violence qui pourrait exister sans l’état d’excitation physiologique particulier produit par le cadre ou le but de la rencontre. Par contre, la présence de média, attestant de leur professionnalisme dans la déviance, pourra favoriser son développement.

L’analyse du match à travers le modèle de Brown et Fraser (1979) devrait permettre de mieux comprendre les déterminants des conduites déviantes dans le stade au moment de l’événement sportif. Non seulement ce modèle aide à repérer les facteurs contextuels susceptibles de favoriser par eux-mêmes des comportements conflictuels violents ou discriminatoires, mais il permet surtout de prendre en compte le rôle déterminant des relations entre participants. Le match en tant que scène inscrit ces relations dans la perspective des conflits

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intergroupes. Le développement du spectacle sportif ne peut que renforcer le caractère spectaculaire de l’affrontement. En donnant une place accrue aux différents acteurs, et notamment aux supporters, la médiatisation des événements favorise l’émergence de conduites à risque. Pour les supporters qui sont engagés dans une partition oppositive, par exemple par attachement territorial, la mise en scène du spectacle favorise l’excitation généralisée et rend plus probable des affrontements pour défendre son camp contre l’autre. Pour les supporters fédérés autour de la violence et formant une minorité qui se distingue de la majorité qui ne possède pas ce trait, un mauvais score se traduira par un repli sur ses valeurs premières et pourra déboucher sur la violence tous azimuts, les minorités visibles constituant des cibles privilégiées. Les fans semblant préférer les sportifs relevant de la même appartenance qu’eux (Becker, 1997 ; Burdekin, Hossfeld, Smith, 2005), lorsque la violence est dirigée vers les joueurs, ceux qui n’appartiennent pas à leur groupe ethnique sont les premiers visés. De fait, les joueurs de couleur sont plus agressés dans leur propre camp que les joueurs du camp adverse (Holland, 1995), mais aussi les quelques spectateurs de couleurs et, par effet de halo, les minorités ethniques habitant près des stades (Long, Carrington et Spacklen, 1997). On comprend alors mieux les manifestations de racisme vis-à-vis des Noirs dans le football français ou italien, qu’elles concernent les joueurs ou les spectateurs.

Conclusion: vers une gestion plus éthique et responsable de la consommation de spectacle sportif ?

Comme Elias et Dunning (1986), il faut s’interroger sur ce qui se passe lor-squ’une société n’est plus capable d’assurer le contrôle social de toutes les frac-tions de sa population. La non-application des normes, ou leur application discri-minatoire, met tout simplement en péril toute politique de prévention, favorise le sentiment d’impunité et participe à la multiplication et à l’aggravation des actes de déviance et de violence. Elle induit également de la discrimination positive : tolérés dans les stades, à la télévision, pourquoi les comportements déviants ou violents ne le seraient-ils pas dans la société? Comme dans le cas de la délinquan-ce juvénile, il nous faut cependant renoncer à les confondre avec une quelconque lutte des classes ou une quelconque transmission génétique. Ces déviances ou violences perpétrées mettent simplement en exergue “l’éclatement des normes” (Wieviorka, 1999) dans un contexte de construction identitaire (personnel, so-cial et collectif) plus prégnant, mais aussi le manque d’encadrement des jeunes supporters, un laisser-aller ou un laisser-faire, une complicité ou une mansuétude qui marquent un déficit en matière relationnelle, d’éducation voire d’encadre-ment des dirigeants, des sponsors, des médias, des spectateurs et des joueurs.

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Par conséquent, la mise en œuvre d’une gestion plus éthique et responsable de la consommation du spectacle sportif en Europe devrait avoir pour objectif de gérer les éléments qui expliquent tout autant son succès au regard de l’essor du nombre de médias spécialisés que de l’engouement des consommateurs. Dans un contexte de transformation de sa diffusion et de sa réception, les déviants du spectacle sportif sont des individus ou groupes qui ont recours à des pratiques qui génèrent des relations violentes (symboliquement, verbalement, physiquement) ou discriminatoires en termes de race, de genre, de territoire, de communauté… Ils ne respectent pas donc l’éthique citoyenne appliquée au contexte sportif qui peut être définie (Mucchielli, 1980, p.102) comme: “un code moral, un ensemble de valeurs et de principes conscients s’incarnant en devoirs et se proposant comme tels à l’individu dans une société” à propos du spectacle sportif. On ne se situe donc pas dans une vision restreinte de “l’éthique sportive comme respect du code sportif, du fair play ou de l’esprit sportif ” (Conseil Canadien de l’enfance et de la jeunesse, 1979; AFSVFP, 1991; Régie de la sécurité dans les sports, 1984). Et c’est bien dans cette dichotomie sémantique que se situe la difficulté à gérer de manière déontologique la consommation du spectacle sportif aussi bien du côté de sa diffusion que de sa réception. Par exemple, le Conseil de l’Europe a recommandé en 2009 à ses 47 Etats membres de promouvoir l’accès au sport des enfants issus des minorités et de reconnaître le racisme comme un problème important dans le sport. Alors qu’il existe une Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance constate une recrudescence des comportements racistes sur les terrains de sport et autour des enceintes sportives. Or, cette Commission demande aux autorités locales d’organiser des manifestations “susceptibles de rapprocher les personnes d’origines ethniques diverses tout en éveillant leur intérêt pour la pratique du sport”. La recommandation invite les fédérations et les clubs à reconnaître que le racisme pose un problème important et à adopter des mesures d’autorégulation, disciplinaires et de sensibilisation pour traiter ce problème. Elle souhaite également que les arbitres réagissent de manière appropriée lorsque des supporteurs ou des athlètes adoptent des comportements racistes, notamment en décidant de suspendre des compétitions. Les nombreux incidents survenus dans le football européen cette année tendent à démontrer que l’on est encore loin d’avoir résolu ce problème, car les enjeux économiques et médiatiques liés à des grands événements ont toujours tendance “à laisser faire et à critiquer ou agir ensuite pour sauver les apparences”.

La plupart des loisirs est encastrée dans des codes implicites qui organisent les comportements des consommateurs en fonction de pratiques prescrites, permises ou interdites que ce soit par rapport à leurs usages en société ou par rapport à leur intégration dans l’univers quotidien. Par exemple, des actes violents sont prescrits ou permis dans certains sports (boxe, hockey sur glace, rugby…)

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et pas dans d’autres (patinage, natation…), alors qu’ils sont interdits dans tous les sports s’ils concernent les publics qualifiés alors de hooligans. De même, lors d’un match de football ou de basket-ball, les spectateurs peuvent encourager leur équipe, chanter ou agiter des banderoles, situations inenvisageables en golf ou en tennis car il y aurait alors une interruption immédiate de la rencontre. Une partie de ces codes préexistent aux intentions des acteurs (diffuseurs et consommateurs), une autre partie résulte des processus de co-constructions sociales qui dépendent de l’interaction des parties prenantes. Et c’est bien cette co-construction qu’il reste aujourd’hui à imaginer et à mettre en œuvre pour gérer de manière plus collective, responsable et éthique la consommation du spectacle sportif. Par exemple, les marques de sport ou en relation avec le sport peuvent contribuer à promouvoir l’éthique dans le spectacle sportif. Pour preuve avec les guides du “bon supporter-responsable” pour vivre pleinement un grand événement sportif, les guides “du savoir-vivre sportif ” ou encore les campagnes de La Poste prônant le respect des adversaires ou des arbitres lors des rencontres sportives, en football.

Le problème, c’est que la chaîne de responsabilités double une chaîne d’intérêts économiques et politiques. Avec les chaînes de télévision et leurs droits, ce sont des fortunes qui changent de mains à chaque rencontre. Aussi, interrompre un match pose de gros problèmes financiers, mais aussi politiques car le sport est devenu un piédestal pour rentrer ou devenir quelqu’un en politique. Entre les intérêts cumulés des uns et des autres, on comprend aujourd’hui pourquoi le spectacle sportif a pris un tel essor soumis à la surveillance plus accrue des investisseurs. Mais il y a ceux qui vivent du monde sportif, directement ou indirectement, du fait des rôles ou des responsabilités qu’ils y occupent, et personne n’a envie d’y renoncer facilement. Mettre de l’éthique dans le spectacle sportif, condamner les violences et prendre des mesures un peu drastiques, c’est prendre le risque de scier la branche sur laquelle on est assis. Aussi, les comportements déviants sont tolérés en espérant qu’ils n’aillent pas trop loin dans leurs actions. Les supporters, que l’on parque derrière des grilles et fait passer par des accès ultra-sécurisés, représentent l’aveu du risque que l’on est prêt à courir, parce que l’argent engendré par la compétition passe avant tout. La prochaine étape, ce sera peut être une tribune réservée aux juges, pour qu’ils y fassent de la comparution immédiate pour démontrer la volonté des instances sportives et politiques de lutter contre les comportements déviants dans les stades?

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Patrick BOUCHET, Ph.D. is professor at the University of Burgundy and he is affiliated to the “Socio-Psychologie et Management du Sport” Laboratory. He is mainly interested in the social study of the actor’s behavior (individual and collective) and of its repercus-sions in relation to the sustainable development strategies, from an organizational man-agement approach. E-mail address: [email protected]

Castel PHILIPPE, Ph.D., is professor at the University of Burgundy (France) and has received his PhD. in Social Psychology. He is part of the team working at the “Socio-Psychologie et Management du Sport” Laboratory and is interested in social categoriza-tion, social representations and the social psychology of the language. E-mail address: [email protected]

Marie-Françoise LACASSAGNE, Ph.D, is working at the University of Burgundy as a professor in social psychology. She is the director of the “Socio-Psychologie et Manage-ment du Sport” Laboratory. Her recent contributions as a specialist, were published in Journal of Language and Social Psychology, M. Verkuiten & P. Brug’s (Eds.) “Race” in a comparative perspective (New-York: Sage Publications) and Group Process and In-tergroup Relation journal. E-mail address: [email protected]