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IUFM DE BOURGOGNE CONCOURS DE RECRUTEMENT : professeurs des écoles COMMENT DEPASSER LES DIFFICULTES DES ELEVES DE CYCLE 2 ET DE CYCLE 3 QUI NE PARVIENNENT PAS A S’APPROPRIER NOTRE NUMERATION DECIMALE ? ( 2/2 )* Professeurs stagiaires : GENON Julien (1/2) RIBIERE Thomas (2/2) Directeurs de mémoire : LECAS Jean-François FAVREL José * Ce mémoire a été réalisé en collaboration. La première partie de chaque mémoire est identique. Ensuite, Julien GENON a développé plus précisément les points relatifs aux élèves de cycle 2 et Thomas RIBIERE ceux relatifs aux élèves de cycle 3. RIBIERE Thomas N° de dossier : 4001672A 2006

COMMENT DEPASSER LES DIFFICULTES DES …€¦ · PREMIERE PARTIE : La numération_____5 A. Remarque ... La numération babylonienne _____ 10 2. Notre système de numération

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IUFM DE BOURGOGNE CONCOURS DE RECRUTEMENT : professeurs des écoles

COMMENT DEPASSER LES DIFFICULTES DES ELEVES DE

CYCLE 2 ET DE CYCLE 3 QUI NE PARVIENNENT PAS A

S’APPROPRIER NOTRE NUMERATION DECIMALE ?

( 2/2 )*

Professeurs stagiaires :

GENON Julien (1/2)

RIBIERE Thomas (2/2)

Directeurs de mémoire :

LECAS Jean-François

FAVREL José

* Ce mémoire a été réalisé en collaboration. La première partie de chaque mémoire est identique.

Ensuite, Julien GENON a développé plus précisément les points relatifs aux élèves de cycle 2 et

Thomas RIBIERE ceux relatifs aux élèves de cycle 3.

RIBIERE Thomas N° de dossier : 4001672A

2006

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Sommaire

INTRODUCTION _______________________________________3

PREMIERE PARTIE : La numération_______________________5 A. Remarque générale_________________________________________________________ 5

B. La numération chiffrée _____________________________________________________ 7 1. Différents systèmes de numération __________________________________________________ 8

a) La numération égyptienne antique___________________________________________________ 8 b) La numération sino-japonaise ____________________________________________________ 9 c) La numération babylonienne ______________________________________________________ 10

2. Notre système de numération______________________________________________________ 11

C. La numération verbale_____________________________________________________ 12 1. La lexicalisation directe__________________________________________________________ 13 2. La décomposition en une expression arithmétique_____________________________________ 14 3. Les irrégularités de l’algorithme numérique__________________________________________ 14 4. Des différences interculturelles____________________________________________________ 15

D. Les différentes tâches de transcodage numérique_______________________________ 17 1. Description____________________________________________________________________ 17 2. Définition de deux types d’erreurs__________________________________________________ 18

a) les erreurs lexicales :____________________________________________________________ 18 b) les erreurs syntaxiques :__________________________________________________________ 18

DEUXIEME PARTIE : Les difficultés rencontrées par des élèves de cycle 3 lors de tâches de transcodage numérique des grands nombres______________________________________________________19

Préambule ___________________________________________________________________ 19

A. Quelles sont les difficultés rencontrées dans les tâches de transcodage ? A quelles erreurs peut-on s’attendre ? ___________________________________________________________ 20

1. Premiers constats _______________________________________________________________ 21 2. Les erreurs lexicales et syntaxiques _________________________________________________ 21

a) Les erreurs lexicales_____________________________________________________________ 22 b) Les erreurs syntaxiques __________________________________________________________ 23

3. Les problèmes de mémoire _______________________________________________________ 23 4. Les difficultés liées au rôle et à la place du zéro _______________________________________ 25 5. Les difficultés liées aux marqueurs spécifiques ou séparateurs: point, virgule, blanc ___________ 26

B. Parenthèse sur l’approche de la numération, en particulier les grands nombres au Québec ______________________________________________________________________ 27

1. Les programmes _______________________________________________________________ 27 2. Mise en œuvre : exemple du manuel Défi Mathématiques 5ème (équivalent du CM2)___________ 28

C. Mises en place de situations d’apprentissage autour des grands nombres ___________ 29 1. CONSTAT ____________________________________________________________________ 30

a) Premières observations effectués lors d’une évaluation en mathématiques (1er Février). ________ 30 b) Situations de transcodage (mises en place à partir de la semaine du 6 Février) _______________ 31 c) Premières conclusions ___________________________________________________________ 33

- 2 -

2. ANALYSE____________________________________________________________________ 34 3. REMEDIATION _______________________________________________________________ 38

a) Modalités _____________________________________________________________________ 38 b) Objectifs de la remédiation_______________________________________________________ 39 c) Déroulement___________________________________________________________________ 40

4. EVALUATION ________________________________________________________________ 43 5. LA DEMARCHE : BILAN ET CRITIQUES _________________________________________ 46

CONCLUSION_________________________________________48

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ____________________49

ANNEXES ___________________________________________________________50

- 3 -

Introduction Les nombres, sous toutes leurs formes, occupent une place centrale à l’école. En effet, il

n’existe pas une seule discipline qui ne nécessite pas à un moment donné de devoir recourir à

eux. Certes, ils ne concernent pas toutes les disciplines au même niveau mais ils les

concernent absolument toutes. Les nombres sont utilisés : pour désigner des mesures, des

durées, des tailles, des volumes… pour dénombrer les éléments présents d’un groupe, ses

éléments manquants… L’utilisation des nombres est infinie dans sa diversité.

Ce n’est donc pas un hasard si l’apprentissage numérique est abordé dès l’école maternelle

qui doit « donner du sens aux nombres par leur utilisation dans la résolution de problèmes

[…] pour que les nombres y apparaissent comme des outils efficaces. »1

Comme nous l’avons vu ces outils ne sont pas propres aux mathématiques, c’est pourquoi la

maîtrise de cet outil doit constituer un objectif essentiel. Comment pourrait-on concevoir une

leçon d’histoire sans date ? Des sciences sans mesures ? De l’éducation physique et sportive

sans durée ni longueur ?

C’est l’environnement familial qui confronte, pour la première fois, le jeune enfant avec le

nombre. « L’apprentissage de la dénomination des quantités commence en même temps que

l’apprentissage du langage. « Un », « deux » apparaissent très tôt. En revanche, l’acquisition

de la suite des nombres nécessite beaucoup plus de temps »2. Effectivement, à l’école,

l’apprentissage numérique qui a commencé à l’école maternelle se poursuivra jusqu’à la fin

du cycle 3 voire au-delà.

Pour organiser et vérifier les compétences atteintes par les élèves tout au long de leur

scolarité, le Ministère de l’Education Nationale (MEN) a établi un certain nombre de

compétences à atteindre à la fin de chaque cycle.

A la fin du cycle 1, les compétences à acquérir sont relatives aux nombres allant jusqu’à 30.

Mais à partir du cycle 2 le champ des nombres accessibles s’étend considérablement. Ainsi, à

1 Ministère de l’éducation nationale, Qu’apprend-on à l’école maternelle ? CNDP, 2002 2 P. Barrouillet & M. Fayol, Calculer, raisonner, résoudre des problèmes in Manuel de psychologie pour l'enseignement, Hachette Education, 1995

- 4 -

la fin du cycle 2, les compétences suivantes (extraites de la rubrique « Connaissance des

nombres entiers naturels inférieurs à 1000») doivent être acquises :

- comprendre et déterminer la valeur des chiffres en fonction de leur position dans l’écriture

décimale d’un nombre.

- associer les désignations chiffrées et orales des nombres.

Durant le cycle 2, les élèves « construiront) progressivement leur premières connaissances

relatives à la numération décimale dont une bonne maîtrise est décisive pour l’apprentissage

du calcul »3.

En fin de cycle 3, on se doit d’attendre de nos élèves qu’ils soient capables de :

- déterminer la valeur de chacun des chiffres composant l’écriture d’un nombre entier en

fonction de sa position

- associer la désignation orale et la désignation écrite (en chiffres) pour des nombres jusqu’à

la classe des millions.

« (Les élèves) doivent comprendre les principes de la numération décimale, en particulier que

la valeur des chiffres dépend de leur position dans l’écriture des nombres. »4

C’est au regard de ces instructions officielles que nous avons déterminé les objectifs de notre

travail :

- définir les difficultés rencontrées par les élèves lors de l’apprentissage de notre système de

numération.

- mettre en place des situations d’apprentissage permettant de dépasser ce problème.

Il nous a semblé indispensable de connaître les causes de chaque difficulté afin de les

contourner avec la plus grande efficacité. La compréhension de ces difficultés passe

nécessairement par la compréhension de notre système de numération que nous avons

comparé avec d’autres afin de mieux en saisir les singularités.

Cette première partie a été réalisée en collaboration. Ensuite, Julien Génon s’est intéressé aux

difficultés rencontrées par les élèves de cycle 2 (nombres de 1 à 1000) et Thomas Ribière à

celles des élèves de cycle 3 (nombres supérieurs à 1000).

3 Ministère de l’éducation nationale, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? CNDP, 2002 4 Ministère de l’éducation nationale, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? CNDP, 2002

- 5 -

Pour une meilleure compréhension de nos propos, il convient de se mettre en accord sur la

dénomination des codes numériques.

Ainsi, ce que nous appellerons numération verbale pourra être retranscrit à l’aide de

phonèmes (/duz/) ou bien de graphèmes (douze). Nous parlerons aussi de numération orale,

parlée et également de numération écrite (avec des lettres).

D’autre part, la numération chiffrée (ou digitale) désignera l’utilisation de symboles, de

signes, du code arabe (12) pour ce qui est de notre système.

Enfin, mais dans une moindre mesure, nous utiliserons la numération analogique (sous

forme de représentations, constellations, patterns…) pour mettre en évidence certaines

difficultés et y remédier.

A. Remarque générale

Bref rappel historique

Il n’est pas nécessaire de connaître les chiffres ni les noms de nombres pour pouvoir compter.

Il suffit d’établir une certaine « échelle » d’objets, de repères ou de mots. Les objets à

dénombrer sont alors mis en correspondance avec les éléments de cette échelle, toujours

parcourue dans le même ordre (représentations concrètes). Les premiers repères, les plus

naturels, furent notamment les doigts et les orteils ; on ne se surprend donc pas de constater

que les groupements de cinq, de dix et de vingt furent parmi les plus utilisés.

L'homme a donc manipulé les nombres bien avant de les concevoir de manière abstraite, et

cela en utilisant différents stratagèmes (coquillages, osselets, fruits durs,…). Les véritables

PREMIERE PARTIE

La numération

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précurseurs semblent être les Sumériens (4000 ans av. J.-C.) qui utilisaient des cailloux (en

latin "calculus" qui a donné le mot "calcul") étalons afin de représenter les nombres.

Bien plus tard, la notation écrite des nombres a amené l'homme à codifier des symboles

(chiffres par exemple) et à mettre en place des règles propres à engendrer la numération. A ce

propos, G. Guittel précise que « la numération écrite n’a été inventée que pour conserver le

souvenir de ce qui appartenait initialement au geste et à la parole »5.

Tout au long de ce mémoire, nous verrons à travers un certain nombre d’exemples que la

numération est un concept indissociable de la culture dans laquelle elle est inscrite comme le

rappelle M. Fayol qui définit la numération comme un "système organisé, élaboré et mis en

œuvre au sein d'un culture donnée. Il s'agit là d'un produit socio-historique extérieur à l'enfant

mais qu'il doit s'approprier et intérioriser pour résoudre les problèmes auxquels il se trouve

confronté."6

P. Dugand fait d’ailleurs remarquer, dans un article intitulé « Quel est l’intérêt pédagogique

d’une prise en compte de la variation culturelle dans le domaine des mathématiques ? », que

l’enseignant peut inclure dans sa programmation une approche qu’il appelle

« ethnomathématique ». Celle-ci permettrait notamment de mettre en question l’universalité

des pratiques mathématiques et d’offrir également un panel de situations d’apprentissage en

vue, et non exclusivement, d’une intégration plus appropriée des élèves primo-arrivants

notamment (réduction du « choc culturel »…).

D’ailleurs, un exemple de cette approche pédagogique moins ethnocentrique figure déjà dans

les Programmes de l’Ecole Elémentaire puisque ces derniers inscrivent dans le référentiel de

compétences, la compréhension et l’utilisation du système de numération romain.

Appréhender ce dernier se révèle être un héritage de programmes antérieurs mais aussi une

5 G. Guittel, Histoire comparée des numérations écrites, Paris : Flammarion, 1975 6 Michel Fayol, L’enfant et le nombre, Delachaux et Niestlé, 1990

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nécessité lorsqu’il s’agira de réinvestir ces compétences dans d’autres disciplines comme

l’histoire. Il sera alors très simple de donner du sens à cet apprentissage.

En outre, sans dresser un inventaire exhaustif des différents systèmes existants avec les

élèves, nous pourrons nous servir de l’impact que la culture a « en ce qu’elle met à la

disposition des apprenants un certain nombre d’instruments plus ou moins structurés pour

effectuer telle ou telle action » (P.Dugand).

B. La numération chiffrée

Bien que la numération chiffrée (ou digitale) apparaisse en second lieu, c’est à dire après

l’acquisition d’un certain lexique numérique oral (sous forme de comptines…), son caractère

formel fait qu’il est plus aisé de la présenter au préalable afin de rendre compte plus

facilement ensuite des irrégularités de l’algorithme numérique verbal (qui confèrent à la

numération verbale un caractère plus culturel ; chaque langue possédant un lexique et une

syntaxe différents).

Lorsque les enfants commencent à appréhender ce code, ils partent des connaissances

implicites construites au cours de l’apprentissage de la numération verbale. Or nous verrons

que la transcription orale ou écrite (à l’aide de phonèmes ou de graphèmes) d’un nombre ou

d’une quantité ne se fait pas suivant une « oralisation » directe dans le cadre de notre système

de numération.

Afin de mieux appréhender ce dernier, d'en dégager ses particularités et de mettre en avant sa

puissance, il est indispensable de se pencher sur d'autres numérations qui ont été précurseurs

de la nôtre. Cette dernière montre un certain nombre d’avantages qui vont être mis en

évidence par une analyse comparative.

Tous les systèmes de numération reposent sur un premier principe : le groupement. Dans un

souci d’organisation d’un grand nombre d’unités, les différents peuples ont fait appel aux

groupements selon une base donnée. Ainsi nous pourrons voir que les égyptiens utilisaient la

base dix ; d’autres, tels que les mayas la base vingt.

- 8 -

Par la suite d’autres systèmes de numérations de plus en plus évolués s’appuient sur un

deuxième principe : la valeur positionnelle. C’est le cas de notre système de numération qui

est dit de « position » au contraire du système égyptien dit de « juxtaposition ».

Entre ces deux conceptions, on trouve des systèmes qu’on pourrait appeler « hybride » tels

que le système sino-japonais ou le système babylonien.

1. Différents systèmes de numération

a) La numération égyptienne antique

La numération égyptienne antique repose, tout comme notre numération, sur la base 10.

Cependant, la représentation de la base 10 est différente de la nôtre, la numération égyptienne

utilise des symboles qui correspondent chacun à des puissances de 10. Ainsi, lorsqu’ils

avaient dix unités, ils les regroupaient en une dizaine et ils disposaient d’un nouveau symbole.

Tandis que dix dizaine étaient groupées en une centaine et ainsi de suite.

C'est la juxtaposition de ces symboles qui détermine la valeur du nombre.

- 9 -

Le principe de groupement utilisé permettait donc de représenter assez aisément une grande

quantité. Au lieu de dessiner cent onze petites unités pour représenter cent onze gros objets,

on pouvait les transcrire à l’aide de trois symboles.

Cette numération est purement additive ce qui lui confère une certaine simplicité, d'autant

que le problème posé par le zéro dans notre numération n'intervient pas. Ce système, dit de

"juxtaposition" présente deux principaux inconvénients :

- les très grands nombres ne sont pas représentables parce que ce système de numération ne

possède que sept symboles. On remarque ainsi que le nombre de symboles utilisé diffère de

celui de la base.

- les calculs ne sont pas aisés car les symboles deviennent vite encombrants. En effet, on

inscrit autant de fois le symbole d’un multiple de dix que le nombre que la quantité, le nombre

l’exigeait. Imaginons un calcul du type 8888+9999….

b) La numération sino-japonaise

Cette numération est plus évoluée puisqu’elle combine des relations d’ordre additif et d’ordre

multiplicatif (alors que seul le principe additif existait dans la numération égyptienne). Le

recours à la multiplication fut probablement le moyen choisi pour abréger l’écriture. Elle

repose également sur la base 10 mais utilise des symboles pour les unités de 1 à 9 ; de plus

des symboles sont utilisés pour les puissances de 10.

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A l’instar du système de numération égyptien, le système sino-japonais n’utilise pas le zéro.

Il n’est pas utile car chaque chiffre est accompagné de la puissance de dix qui convient pour

exprimer la quantité.

c) La numération babylonienne

Dans ce système écrit, qui s’appuie sur la base 60, se manifeste le début de la notation ou

valeur positionnelle qui correspond au deuxième principe sur lequel repose notre système de

numération. Ainsi, le clou T n’a pas la même valeur suivant sa position. Il peut représenter

une unité ou soixante ou encore soixante élevé au carré…

Tous les nombres inférieurs à la base sont désignés à l’aide de deux symboles, le clou T et le

chevron <. Ces symboles sont différemment organisés selon l’unité qu’ils permettent d’écrire.

Ce système repose sur une base soixante et les cinquante-neuf unités possèdent chacune un

codage spécifique dont la valeur dépend de la position dans l’écriture du nombre qui se lit de

gauche à droite selon des puissances décroissante de soixante.

Par exemple: TTT représente trois unités (3) quand il est représenté seul mais il n’aura pas la

même valeur si la position qu’il occupe est la troisième en partant de la droite. Ainsi dans:

TTT << <T le symbole TTT vaut 3x60² et le nombre représenté est égal à:

3x60²+20x60+11. Le nombre 3x60²+2 est plus difficilement lisible: TTT TT puisque le

zéro n’est pas encore représenté pour combler cet espace qui marque l’absence d’un

groupement. 7

On remarque ainsi que la base dix intervient par l’intermédiaire du chevron < qui correspond

à dix unités.

Dès lors, on retrouve toujours le principe de groupement (10 T sont regroupés en un <) ainsi

que l’utilisation de symboles. D’ailleurs, les difficultés proviennent de la complexité à

percevoir leurs différents positionnements ainsi que de s’affranchir de la signification des

7 D’après S. Dubois, Quelle remédiation pour des élèves de SEGPA qui n’ont pas encore conceptualisé notre numération de position décimale ?, Mémoire CAPSAIS, 2002

- 11 -

symboles (ils sont en rapport avec des choses sensibles). De plus, on imagine facilement la

prudence et la délicatesse dont il faut faire preuve lorsque l’on passe aux opérations.

La différence avec les autres systèmes de numération réside dans le fait qu’il utilise deux

symboles (soit un nombre fini qui permet d’écrire un nombre infini de quantités) qui vont être

retranscrits différemment suivant leurs positions. Dans les numérations égyptiennes et sino-

japonaises, il se trouve que le nombre de symboles est limité (et pourrait être augmenté).

2. Notre système de numération

L’analyse des trois autres systèmes écrits permet donc de mettre en évidence la puissance de

notre système de numération. En effet, celui-ci rend les opérations beaucoup plus simples que

ses prédécesseurs (d’ailleurs, chinois et romains (système qui se rapproche du système sino-

japonais utilisaient des bouliers et des abaques pour les opérations). C’est en Inde qu’il fut

conçu et achevé vers la fin du Vème siècle et il ne connut aucune évolution depuis (sur les

entiers).

Les caractéristiques qui fondent notre numération sont les suivantes:

- principe de la base : sa base est dix. (On retrouve cette base dans de nombreuses autres

civilisations, parce qu'elle est très probablement liée aux doigts et aux mains.)

- principe de notation positionnelle : la valeur des signes dépend de leur position dans

l'écriture.

- elle utilise un nombre fini de signes (10): les chiffres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 0.

- le zéro marque l'absence d'une puissance de 10.

- elle repose sur les principes multiplicatifs et additifs mais au contraire de la numération sino-

japonaise, chaque puissance de dix ne nécessite pas de signes.

La numération de position permet l'utilisation d'un nombre fini de symboles pour écrire

n'importe quel nombre. La supériorité et l'ingéniosité de cette numération écrite résident dans

une convention simple : les chiffres employés ont une valeur variable qui dépendent de la

position qu'ils occupent dans l'écriture du nombre. Grâce à ce principe de positionnement, le

système de numération décimale permet une pratique aisée des opérations arithmétiques.

- 12 -

Observons par exemple 2502:

2502 = 2 x 103 + 5 x 102 + 0 x 101 +3 x 100.

On voit bien que les chiffres 2 n'ont pas la même valeur : le premier étant égal à 2000 et le

second étant égal à 2.

Le zéro (de l'arabe sifr que l'on retrouve dans chiffre) a un rôle fondamental et sa

compréhension est nécessaire pour assimiler notre numération. Il permet de marquer l'absence

de dizaine, centaine… Dans notre exemple, sa prise en compte est indispensable pour une

interprétation correcte du nombre.

Par ailleurs, les opérations arithmétiques sont grandement facilitées par le principe

multiplicatif, complétant le principe additif car il améliore grandement les écritures en

permettant de visualiser les dizaines, les centaines, les milliers,...

Comme le souligne Michel Fayol, dans l'Enfant et le nombre, "la nécessité de tenir compte de

la position – qui correspond à des puissances différentes de 10 – la (notre numération

décimale de position) rend plus obscure, plus complexe à utiliser. ".

Pour autant, comme le rappellent les Programmes de l'école élémentaire, la compréhension

par les élèves du principe de position constitue un objectif essentiel.

Notre système moderne est donc multiplicatif, additif et positionnel. Sans ces caractéristiques,

il aurait été impossible d’assister aux progrès scientifiques et technologiques des derniers

siècles.

En plus d’une notation chiffrée, il s’avère que notre système de numération peut être transcrit

verbalement, c’est à dire à l’aide de phonèmes et de graphèmes.

C. La numération verbale

La numération verbale est le premier code numérique utilisé dans l’histoire de l’Homme et

dans celle d’un homme. Ainsi, comme nous l’avons vu en introduction, les mots « un »,

« deux » font très rapidement partie du lexique oral du jeune enfant. De même, les premières

civilisations dont les langues étaient de tradition orale ont du s’appuyer sur des mots pour

désigner des quantités avant de faire appel à des symboles.

- 13 -

« C'est l'acquisition de la numération verbale, et des conduites numériques qui lui sont

associées, qui permet d'amplifier et d'affiner les capacités initiales et qui conduit à

"l'arithmétisation du monde". L'utilisation de la numération verbale pour déterminer la

cardinalité d'une collection nécessite la compréhension du principe suivant lequel le langage

encode la numérosité. »8

Cette « acquisition de la numération verbale » nécessite la compréhension de deux

procédés qu’il est nécessaire de combiner : la lexicalisation directe et la décomposition en une

expression arithmétique. Ceux-ci apparaissent afin de ne pas avoir comme seul moyen le fait

de donner un mot différent à chaque cardinal, ce qui impliquerait l’idée d’un lexique infini…

En d’autres termes, notre système de dénomination verbale (en français de France) nécessite

la connaissance d’un lexique fini (26 termes avec le coordinateur « et ») et la maîtrise d’une

syntaxe traduisant les relations additives (dix-sept) et les relations multiplicatives (cinq cents).

Il est donc intéressant de se pencher sur sa relative complexité pour mieux en dégager les

difficultés que pourraient rencontrer les enfants dans l’acquisition de la suite des noms de

nombres.

1. La lexicalisation directe

Elle consiste en la mémorisation par cœur des noms de nombres de un à seize ; puis vingt,

trente,…, soixante, cent, mille, millions.

« Lorsqu'on a affaire à un nombre fini d'entités distinctes, la meilleure manière de les

dénommer consiste à leur attribuer à chacune un nom (ce qui correspond au principe de

lexicalisation). Ce principe - qui reviendrait à attribuer un mot à chaque cardinalité - ne peut

convenir à la numération que dans des limites très restreintes. En effet, le nombre de quantités

potentielles étant infini, la lexicalisation systématique est non pertinente. Elle n'est en fait

utilisée que pour désigner un sous-ensemble restreint de quantités: les nombres de un à seize

(en Français), les dizaines (vingt, trente, soixante), ainsi que cent, mille, million et milliard. »9

8 Fayol, Camos, Roussel, Acquisition et mise en œuvre de la numération des enfants de 2 à 9 ans, 2000 9 Fayol, Camos, Roussel, Acquisition et mise en œuvre de la numération des enfants de 2 à 9 ans, 2000

- 14 -

2. La décomposition en une expression arithmétique

(Elle peut s’effectuer selon une relation additive vingt-deux � 20 + 2 et/ou multiplicative

huit millions � 8 x 1 000 000)

Pour évoquer les autres quantités, on recourt à une combinatoire (une syntaxe) gouvernée par

des règles permettant de produire et comprendre un nombre infini de formulations traduisant

des quantités jamais produites ou entendues auparavant (vingt quatre/quatre-vingts; deux

milliards six cent dix sept millions deux cent trente huit mille neuf cent quatre vingt dix sept).

On pourrait remarquer que dans trente, quarante, cinquante, soixante, la terminaison –ante ou

-ente joue le rôle multiplicatif ; c’est pourquoi on ne dit pas « trois-dix » pour trente quatre ni

« quatre-dix » pour quarante…

3. Les irrégularités de l’algorithme numérique

La suite des nombres de un à cent présente une grande quantité d’irrégularités qui engendre

souvent des difficultés au début de l’acquisition de la chaîne numérique.

Ainsi G. Guittel montre que « nous sommes (…) héritiers d’une numération parlée complexe

où se mêlent à la fois la base dix et la base vingt. Tout se passe comme si on comptait avec

nos mains (numération figurée à base dix) ou avec nos mains et nos pieds (numération figurée

à base vingt) pour énoncer verbalement nos nombres alors que notre numération écrite

fonctionne exclusivement à base dix »10.

Au sein de la tranche onze à dix-neuf, on trouve deux types de transcription. "Onze" est une

transcription de dizaines et d'unités de la forme "un - ze", "ze" marquant les dizaines comme

"teen" en anglais. Cette règle s'applique jusqu'à seize ("six-ze"). Le principe ressemble au

principe arabe (13 se lit et se traduit par « trois et dix », 34 se lit « quatre et trente ») ou

néerlandais. On note ensuite une inversion à "dix sept" ou la dizaine est indiquée avant la

valeur qui lui est ajoutée. Ainsi, si tel avait été le cas à partir de 10, 11 se serait traduit par

dix-un, 12 par dix-deux.

10 G. Guittel, Histoire comparée des numérations écrites, Paris : Flammarion, 1975

- 15 -

Le fait que vingt joue le rôle d’une base est renforcé par le fait que l’on retrouve ces noms de

nombres dans la tranche qui va de quatre-vingts à quatre-vingt-dix-neuf. Par ailleurs, le mot-

nombre « quatre-vingts » est lui même formé sur ce nombre vingt et il existe quelques traces

historiques de l’utilisation de cette base comme l’hôpital des Quinze-vingts fondé par St Louis

pour 300 aveugles.

De même, on pourrait ajouter à cela la base soixante ou sexagésimale (qui est utilisée comme

chacun le sait dans la mesure du temps ou des angles (360°) pour soixante-dix que l’on ne

retrouve pas en Wallonie ou en Romandie (septante) (de même que quatre-vingts (octante) et

quatre-vingt-dix (nonante)). Le plus ancien système de numération, celui des Sumériens,

reposait sur la base sexagésimale.

Enfin, l’emploi peu prédictible de la conjonction de coordination « et » dans « vingt-et-un »

mais pas dans « vingt-deux », dans « soixante-et-onze » alors qu’on dit « quatre-vingt-onze »,

peut-être considéré comme un détail mais il pourra poser quelques difficultés à un élève

étranger lors de l’acquisition du système de numération parlé français.

4. Des différences interculturelles

Nous avons vu plus haut que les dénominations écrites ou orales de nombres et de quantités

donnaient une dimension culturelle et non formelle au système de numération verbale. En

effet, celui-ci peut-être présenté comme un « sous-ensemble linguistique »11.

A travers les différentes irrégularités présentées, nous avons mis en évidence le fait que

numération verbale et numération chiffrée ne sont pas en adéquation concernant notre

système. Ceci est dû au décalage entre le caractère formel de l’une et le caractère culturel de

l’autre.

Ainsi, seuls les systèmes venus d’Asie tels que le système sino-japonais présentent une

régularité parfaite dans leur syntaxe. Ils bénéficient en plus du fait que leur numération orale

est calquée sur leur numération écrite (et inversement). « La relation que la dizaine entretient

avec les autres nombres est additive à droite. Ainsi, pour treize, on dit « shi san » soit « dix et

- 16 -

trois », et cette relation est multiplicative à gauche « san shi » soit « trois fois dix.» (i.e,

trente) »12.

Si tel était le cas dans notre numération, on lirait le nombre 236 de la manière suivante :

« deux cents trois dix (et) six ».

Il s'ensuit que les performances des petits français sont significativement inférieures à celles

des jeunes Chinois dès qu’ils doivent compter au-delà de 10 (Fuson & Kwon, 1991; Miller et

al., 1995 cités dans Acquisition et mise en œuvre de la numération, V. Camos, M.Fayol et JL

Roussel, 1998). Les jeunes chinois réussissent donc mieux et plus précocement dans les

opérations de transcodage pour des nombres supérieurs à dix c’est à dire au moment où

commencent les irrégularités pour les anglophones, francophones…, « une supériorité qui se

maintient tout au long de la scolarité élémentaire, voire au-delà, si des activités spécifiques ne

sont pas mises en place ». Ces activités tendront à faire automatiser les associations entre

cardinalités et dénominations ou combinaisons pour faire disparaître les difficultés.

Cela rejoint l’idée que développe Miura, Okamoto, Kim, Steere et Fayol à propos du retard du

décimal c’est à dire le retard que prend l’apparition proprement dite de la base dix (elle

n’intervient que pour dix-sept en français, treize en anglais et en allemand). En résumé, les

élèves chinois, coréens ou japonais dont le système de dénomination numérique verbal est

également décimal ont éprouvé moins de difficultés à percevoir et mobiliser l’organisation

décimale à l’écrit.

Enfin, même avec un système de numération chiffré identique et une langue commune, il se

trouve que les enfants français sont défavorisés par rapport à leurs homologues wallons ou

romands lorsque « l'organisation des dénominations verbales, régulière jusqu'à 69, devient

irrégulière à partir de 70. Cette irrégularité - dont l'impact est peu sensible jusqu’à 5 ans - a un

impact négatif sur l'apprentissage. D'une part, celui-ci marque un arrêt temporaire ou un

ralentissement par comparaison avec l'évolution relevée en Belgique ou en Suisse romande et

d'autre part, des erreurs apparaissent, plus nombreuses et caractéristiques des difficultés

rencontrées par les jeunes Français (Seron & Fayol, 1994) ».

11 Michel Fayol, L’enfant et le nombre, Delachaux et Niestlé, 1990 12 S. Dubois, Quelle remédiation pour des élèves de SEGPA qui n’ont pas encore conceptualisé notre numération de position décimale ?, Mémoire CAPSAIS, 2002

- 17 -

Ainsi, « l'utilisation de dizaines complexes pour 70, 80 et 90 rend problématique l'acquisition

et peut continuer à produire des effets négatifs. »

Cette partie tend à montrer déjà un certain nombre de difficultés liées à notre code verbal qui

ne présente pas suffisamment de manière « transparente le fonctionnement des règles ». C’est

pourquoi, à présent nous allons émettre quelques hypothèses quant aux erreurs constatées en

classe dans l’acquisition de la numération et dans les opérations de transcodage (passage d’un

code à un autre).

D. Les différentes tâches de transcodage numérique

1. Description

Si l’on exclut la forme analogique du nombre (représentation par des symboles ou dessins) et

que l’on combine les différentes formes du nombre (arabes et verbales), il est possible

d’identifier quatre tâches de transcodages différentes (décrites ci-dessous).

De : A :

1. - la forme arabe - la forme verbale

� « 10 » → � « dix »

« Lis les nombres »

2. - la forme arabe - la forme littérale (verbale écrite)

� « 10 » → � « dix »

Code arabe

����

Code verbal

« Ecris les nombres avec des lettres »

3. - la forme littérale

(verbale écrite) - la forme arabe

� « dix » → � « 10 »

« Ecris les nombres avec des chiffres »

4. - la forme verbale - la forme arabe

� « dix » → � « 10 »

Code verbal

����

Code arabe

« Ecris avec des chiffres le nombre que tu entends »

- 18 -

Chacun de ces transcodages constitue une compétence à atteindre à la fin des cycles 2 et 3.

Tout au long de l’année, l’élève doit être amené à les réaliser. On peut noter que le

transcodage de la forme arabe à la forme littérale est très peu utilisé dans la vie courante et

que sa maîtrise est très complexe étant donné les irrégularités de la langue française

concernant l’écriture des nombres. De facto, lors des tests nous tolèrerons les erreurs

orthographiques.

2. Définition de deux types d’erreurs

Les difficultés dont nous faisons état ici apparaissent uniquement dans l’écriture chiffrée et ne

concernent que le transcodage dans le sens code verbal→ code arabe.

a) les erreurs lexicales :

Ces erreurs se traduisent par la confusion d’un mot-nombre par un autre : ex. 20 est transcrit

par douze ou encore 5 par quinze. (lexicalisation jusqu’à 16 vs système chinois ; soixante-dix,

quatre-vingts, quatre-vingts dix). Cette définition est sommaire car elle est reprise largement

dans la partie suivante.

b) les erreurs syntaxiques :

Elles reposent sur une maîtrise encore approximative de ce qu’on pourrait appeler une

combinatoire. Elles apparaissent au moment où l’individu doit utiliser la décomposition en

une expression arithmétique pour former le nom de nombre. Ainsi, des difficultés dans le

découpage de l’expression aboutissent à des erreurs du type : « cinq cent vingt » serait scindé

en « cinq/cent vingt », ce qui pourrait être transcrit littéralement par 5/120).

L’étude de ces deux types d’erreurs sera plus approfondie dans les parties suivantes.

- 19 -

Préambule

Dans mon exposé, je m’intéresserai particulièrement aux nombres supérieurs à 1000

puisqu’ils sont abordés à partir du cycle 3 et appréhendés à travers divers domaines d’activités

tels que l’histoire (frise chronologique), la géographie (données numériques pour la

présentation d’un pays), en technologie... La non-maîtrise de notre système de numération (dit

de position) peut donc se révéler être un véritable obstacle au même titre que les difficultés

rencontrées en lecture.

Ayant pu profiter d’une expérience originale dans une classe de 4ème de Montréal (Québec)

(niveau qui équivaut à un CM1 en France), je mentionnerai les programmes en mathématique

du Ministère de l’Education Québécois (la dénomination de la discipline diffère de celle

qu’on peut trouver en France « mathématiques » ; toutefois, l’ensemble des didacticiens ne

s’accordent pas sur ce point) ainsi que faire écho des démarches mises en place pour

appréhender la numération. Ainsi, mes observations (diagnostic, remédiations…) ont été

réalisées auprès d’élèves montréalais qui ont parfaitement coopéré dans les situations que j’ai

pu mettre en place.

Les grands nombres sont accessibles par le langage et le système de numération. Ils sont

encore représentables, en ce sens que la numération, par le truchement des centaines, dizaines,

etc… donne des possibilités, mais cela suppose déjà une construction intellectuelle déjà

avancée.

DEUXIEME PARTIE

Les difficultés rencontrées par des élèves de cycle 3 lors de tâches de transcodage numérique des grands nombres

- 20 -

Afin d’appréhender cette catégorie de nombres, il faut avoir recours à des constructions plus

élaborées (ex. : voir représentations Picbille13). Celles-ci sont en adéquation avec notre

système de numération chiffrée. La dizaine, puis la centaine… vont être des éléments clefs et

le concept va prendre un caractère de plus en plus abstrait.

On peut aussi bien maîtriser notre système de numération et ne pas forcément posséder une

bonne perception des grandeurs qu’il désigne. « Ce décalage est inhérent au fait que les

grands nombres font partie de l’environnement culturel de l’enfant. Les grands nombres sont

dits et probablement écrits par l’enfant avant que leurs propriétés ne soient clairement

construites.»14 Ainsi, lorsque l’on cherche à structurer le temps lors des routines quotidiennes,

les enfants de fin de cycle 1 et de cycle 2 sont directement amenés à travailler avec des grands

nombres comme l’année en cours, l’année de naissance… Nous pouvons penser que les

grands nombres sont quand même trop peu présents pour que les jeunes élèves structurent

réellement l’idée de grand nombre.

JF. Perret nous fait remarquer aussi que « les activités relativement formelles effectuées en

classe à propos de l’écriture des codes numériques peuvent renforcer le décalage entre la

maîtrise du code et l’acquisition du concept correspondant. »

Toutefois, on ne s’intéressera pas forcément à la compréhension de l’idée de nombre en tant

que telle dans notre exposé mais plutôt la façon d’appréhender la numération et les différents

systèmes de dénomination des nombres.

A. Quelles sont les difficultés rencontrées dans le s tâches de transcodage ? A quelles erreurs peut-on s’attendre ?

Nous avons pu voir dans la première partie qu’il existe trois « codes » numériques à savoir le

code verbal (phonèmes/graphèmes), le code analogique (représentations) et le code arabe

(chiffres). Nous porterons un certain intérêt à ces activités de transcodage, c’est à dire le

passage d’un code à un autre (voir travaux de Jarlegan, Fayol et Barrouillet15). En effet,

certains élèves qui n’ont pas encore conceptualisé la numération de position vont éprouver des

13 R. Brissiaud, J’apprends les maths, Retz 14 JF. Perret, Comprendre l’écriture des nombres, Berne: Peter Lang, 1985 15 Acquisition et mise en œuvre de la numération, LAPSCO/CNRS, Clermont-Ferrand, 1998

- 21 -

difficultés dans une situation de dictée ou de lecture de nombres. Il n’est pas inutile de

rappeler que la numération de position s’appuie sur dix symboles (0, 1, 2, 3, …, 9) qui, en

fonction de leur positionnement dans l’écriture du nombre n’exprime pas la même valeur

(voir première partie).

1. Premiers constats

Une série de travaux menée par Fayol, Barrouillet et Renaud (1996) qui engageait des

adolescents dans une activité de transcodage « du code verbal » /duz/ en code arabe portant

sur des nombres de 2 à 6 chiffres » a permis de mettre en évidence certaines difficultés. En

effet, celles-ci sont provoquées « d’une part, par la longueur phonologique des formes orales

(évaluée en nombre de syllabes) et de la taille des nombres arabes en nombre de chiffres ».

Ces résultats nous intéressent particulièrement dans les travaux menés sur les grands nombres.

En outre, la numération verbale ne correspondant pas à l’oralisation de notre système de

numération digitale (ou arabe), elle se pose comme source d’erreurs dues à la longueur du

nom de nombre qui n’est pas en relation avec la taille du nombre, la formation du nom de

nombre qui est parfois complexe et les irrégularités dans l’algorithme numérique pour les

nombres de un à cent (difficultés avec les dizaines complexes (ex : 70) et les nombres les

incluant.). Toutefois, les grands nombres semblent formés avec un peu plus de régularité :

(relation multiplicative : dix mille, cent mille jusqu’à neuf cent quatre-vingt dix neuf mille

pour la classe des milles puis même chose pour les classes des millions et milliards). Seule

petite « bizarrerie », on dit mille mais un million, un milliard…

2. Les erreurs lexicales et syntaxiques

Ces deux types d’erreurs se retrouvent avec les grands nombres dans les tâches de

transcodage ou même de copie (présentation d’un nombre puis transcription par l’individu).

- 22 -

a) Les erreurs lexicales

Les erreurs lexicales sont des erreurs de notation (dans le cas de la dictée d’un nombre) ou de

lecture, liées à la place occupée par un chiffre. Ainsi 4 se lit « quatre » lorsqu’il occupe la

place des unités (_ _ _ _ _ 4 ou _ _ 4 ou _4), la place des centaines (le mot cent est ajouté (4_

_ ou _ _ 4_ _) ou encore la place des milliers (mille est ajouté au mot quatre (4 _ _ _). Par

contre, 4 se lit quarante lorsqu’il est en position des dizaines (_ _4_). Ici, chaque tiret marque

la position d’un chiffre (par exemple, deux chiffres suivent le 4 dans quatre cent ce qui se

traduit par deux tirets).

Elles sont très souvent dues au fait que les individus n’ont pas encore intériorisé les items

lexicaux et leur correspondance avec leur écriture chiffrée. Par exemple, 10 019 est transcrit

par « dix mille quatre vingt dix » ou encore 7007 par « sept mille soixante dix ».

A noter que ces observations ont été effectuées par Mc Closkey, Sokol et Goodman16 sur un

patient de 66 ans, victime d’un accident vasculaire cérébral. Il est très difficile de savoir si

l’on pourra s’attendre à retrouver ces résultats avec des élèves de cycle 3 qui a priori ne font

plus de confusions entre 19 et « quatre- vingt-dix ».

Les élèves s’appuient aussi sur l’ordre de grandeur défini par les items lexicaux tels que

« million », « mille »…Par exemple, pour cinq mille deux cent quarante six, lorsqu’il entend

« mille », l’enfant déduit de cette information que le nombre comporte au moins quatre

chiffres, que « mille » et « cent » agissent comme des séparateurs et que l’expression qui suit

« mille » peut-être traduite en s’appuyant sur les connaissances à propos des nombres

inférieurs à 1000.

Remarque : Certains enfants, en raison de capacités de mémorisation plus faibles vont

s’appuyer sur l’ordre de grandeur mais ne vont pas forcément garder en mémoire un des

termes lexicaux qui suit. Par exemple pour: trois mille six cent quarante neuf codé en chiffres

3 149, on remarque que l’élève a oublié le mot six, le nombre qu’il a écrit est de même

grandeur que celui dicté mais le nombre des centaines n’a pas été correctement récupéré en

mémoire. Le rôle et l’importance de la mémoire de travail sont repris un peu plus bas.

- 23 -

b) Les erreurs syntaxiques

Le deuxième type d’erreurs (erreurs syntaxiques) mis en évidence auparavant concerne la

combinaison. Elles peuvent apparaître quand l’élève utilise :

- une stratégie de traitement terme à terme de ce qu’il entend ou lit (sur-

lexicalisation) : ainsi « mille cent quatre » peut être traduit par : 1000 100 4 et « deux mille

six cents » par : 2 1000 6 100

- « la mise en correspondance d’un item verbal par un chiffre » c’est à dire que « cent

deux mille six » sera transcrit 1 216 (chaque mot se traduisant par un chiffre : mille et cent =

1…) (voir travaux de Deloche, Noël et Seron17 qui essaient d’interpréter ces erreurs dans le

cadre d’un modèle du traitement cognitif de l’activité de transcodage que nous illustrerons par

l’analyse des erreurs constatées).

Deloche, Noël et Seron montrent que ces travaux affectent principalement « cent » et

« mille » lorsque ces derniers jouent le rôle de multiplicande.

3. Les problèmes de mémoire

Mise en évidence par un exemple où l’élève ne garde pas en mémoire l’ensemble des items

lexicaux en situation de dictée de nombres, la notion de mémoire de travail semble

primordiale pour éclairer un peu plus nos observations. Elle est très sollicitée dans la lecture

et l’écriture des grands nombres. L’activité de transcodage peut donc être traitée dans « le

cadre d’un modèle de mémoire de travail simultanément soumis à des contraintes de stockage

et de traitement » 18.

Le rôle de la mémoire de travail est de maintenir les informations disponibles pour réaliser

une tâche tout en planifiant et contrôlant les traitements à effectuer (stockage et traitement).

La capacité de cette mémoire est limitée et se nomme « l’empan mnémsique ». Celui-ci se

trouve être assez faible en fin cycle 3 car les enfants peuvent retenir quatre items (quatre

16 in L’enfant et le nombre, M. Fayol, Delachaux et Niestlé, 1990 17 Deloche, Noël et Seron, Un transcodage des nombres chez l’enfant : la production des chiffres sous dictée.

- 24 -

lettres, quatre syllabes ou quatre mots) alors qu’un adulte pourra encoder environ sept items.

Mais en réalité, cette capacité est influencée par d’autres facteurs comme la possibilité

d’organiser en mémoire les mots à retenir, leur enchaînement (par exemple : 123 456…) De

même lors d’une activité de transcodage (code verbal à code digital) avec les grands nombres,

l’expression « quatorze mille » comporte deux mots mais prend la place d’un item en

mémoire de travail. Il semble donc important au cours des situations d’apprentissage

d’automatiser la transcription de certaines expressions. Ceci afin que les élèves puissent

ensuite optimiser leur performance dans la traduction digitale d’un nombre comme « trois

mille six cent quarante-neuf » où « trois mille » correspond à un item, « six cent » au

deuxième et « quarante-neuf » le troisième.

Afin de rendre compte du fonctionnement de la mémoire de travail, Baddeley et Hitch19 ont

proposé un modèle composé de plusieurs systèmes. Selon les auteurs, il y aurait un système

principal, l’exécuteur central qui correspond à un mécanisme attentionnel de contrôle de la

mémoire de travail. Celui-ci serait en relation avec deux systèmes esclaves, la boucle

phonologique qui est capable de retenir et de manipuler des informations sous forme verbale

et le calepin visuo-spatial chargé des informations codées sous forme visuelle.

Dès lors, dans une dictée de nombres, la boucle phonologique est mise à contribution

puisqu’elle est fonctionne à partir de la répétition subvocale. Il y’a donc un rafraîchissement

constant de l’information à disposition de l’exécuteur central. De même qu’on l’utilise pour

garder en tête un numéro de téléphone en le répétant mentalement, la boucle phonologique va

servir à maintenir active l’expression verbale du nombre dicté. Les erreurs observées dans les

activités de dictée peuvent mettre en évidence le fonctionnement de cette boucle

phonologique. Par exemple, on dicte le nombre « trois mille six cent quarante neuf » (3649).

Ce nombre comporte six informations à maintenir actives le temps de la transcription ce qui

dépasse la capacité de la mémoire de travail des enfants de CM1. Les erreurs observables

seront alors l’oubli d’un des mots dictés. On lira par exemple 3149 (oubli du 6 affectant le

nombre de centaines).

18 S.Dubois, Quelle remédiation pour des élèves de SEGPA qui n’ont pas conceptualisé notre numération de position décimale ?, Mémoire CAPSAIS, 2002 19 Baddeley & Hitch, La mémoire humaine, 1986

- 25 -

Ainsi, nous tiendrons compte, dans les remédiations qu’on apportera, des difficultés

éprouvées par nos élèves en terme de mémorisation. Nous verrons donc que certains choix

sont faits pour que celle-ci ne constitue pas un obstacle supplémentaire dans les activités de

transcodage. Nous pourrions aussi constater la manière dont les erreurs de transcodage et

d’interprétation réapparaissent dans des situations de surcharge cognitive ( résolution de

problèmes mathématiques, utilisation des algorithmes de l’addition et de la multiplication…)

4. Les difficultés liées au rôle et à la place du z éro

Le 0 est un marqueur de position remplaçant les chiffres absents (exemple : 1 029 : la place

des centaines est réservée ; de même pour 1 209 où la place des dizaines est réservée).

Avec les grands nombres, il s’avère que le zéro peut poser quelques « problèmes » lorsqu’il

s’agira de retrouver sa place. Ainsi pour illustrer ces propos , on pourra observer que certains

élèves en difficulté écriront un million quatre mille trois cent quatre-vingt dix neuf (1 004

399) de la façon suivante : 14399 ou encore 104399. Ce nombre est donc d’une certaine

« complexité » comparé à douze millions quatre cent vingt quatre mille deux cent cinquante

trois (12 424 253). Bien que ce dernier soit plus grand, il ne comporte pas de difficultés car

tous les espaces prévus (nombre de huit chiffres) sont ici occupés. Les seules erreurs possibles

avec ce nombre pourraient alors provenir de l’absence ou d’une mauvaise transcription de

certains items de la chaîne verbale (voir erreurs lexicales et syntaxiques) ou d’une mauvaise

mémorisation des nombres dictés.

Perret 20 montre les difficultés quant à la compréhension et à l’utilisation du zéro. Ainsi,

« même les adolescents ne semblent pas avoir saisi le fonctionnement de ce chiffre dans la

notation positionnelle. ». Dans les activités de transcodage code verbal→ code arabe (ou

digital), les erreurs sont plus fréquentes avec les nombres de plus de trois chiffres comportant

au moins un zéro intercalaire.

20 JF Perret, Comprendre l’écriture des nombres, Berne :Peter Lang, 1985

- 26 -

5. Les difficultés liées aux marqueurs spécifiques ou séparateurs: point, virgule, blanc

L’espace laissé entre les classes (classe des millions, classe des mille, classe des unités

simples) est représenté de différentes façons : par un point, une virgule en informatique

notamment.

Le rôle des séparateurs dans la lecture des grands nombres n’est pas négligeable. En effet, la

lecture d’un nombre se fait après avoir organisé mentalement (ou réécrit) l’ensemble des

chiffres à partir de la droite puisque le dernier chiffre indique le nombre des unités. On sait

aussi que les blocs de chiffres se lisent par groupes de trois (CDU : Centaines, Dizaines,

Unités). La fonction du séparateur ou de l’espace est de permettre la séparation des groupes

de trois chiffres afin de savoir à quelle classe (mille, million…) ces groupes appartiennent.

Par exemple, 3481975367 est illisible. Nous sommes donc amenés à faire des groupes en

partant de la droite (003-481-975-367 ←) qu’on isole les uns des autres par un espace, un

point ou une virgule ( 3 481 975 367). La lecture se fait ensuite conventionnellement de la

gauche vers la droite (trois milliards quatre cent quatre-vingt un million neuf cent soixante-

quinze mille trois cent soixante-sept).

Nous pouvons présupposer qu’une mauvaise utilisation de ces marqueurs spécifiques

engendre des difficultés dans la lecture de nombres mais aussi dans des tâches de

comparaison….

L’écriture des grands nombres entiers ou décimaux varie suivant les cultures. Ainsi un

nombre tel que cinq milliards quatre cent quarante sept millions huit cent trente trois mille

cinq cent quatre-vingt-quatre peut s’écrire : 5 447 833 584 ou 5.447.803.584 ou

5,447,803,584. Dans certaines cultures, on ne les sépare pas, ce qui ne facilite pas la lecture.

Le point ou la virgule servent aussi à isoler le plus souvent la partie entière de la partie

décimale. L’usage français lui-même a évolué au cours des époques. Ainsi vers 1580, les

tranches de trois chiffres étaient séparées par des virgules et la partie décimale était écrite en

caractères un peu plus petits et soulignés : 1 456 213, 26 était noté 1, 456,21326. Ensuite, vers

1620, le signe des unités était surmonté du signe ° : 123 456,13 pouvait s’écrire 123456°13 (°

placé au dessus en théorie).

- 27 -

Aujourd’hui, contrairement à d’autres pays, les règles de typographie en France demandent de

séparer les tranches de trois chiffres par des blancs et non par des points. Dans notre pratique

quotidienne d’enseignant, on remarquera que ce choix d’utiliser les espaces comme

séparateurs complexifient la tâche pour des élèves « brouillons » qui éprouvent des difficultés

à laisser des espaces réellement lisibles entre les classes.

Les anglais, les américains et les japonais utilisent la virgule comme séparateur de groupes de

trois chiffres de la partie entière, le point comme séparateur décimal. Les (autres) européens

font l’utilisation inverse du point et de la virgule.

B. Parenthèse sur l’approche de la numération, en p articulier les grands nombres au Québec

1. Les programmes 21 Les programmes québécois en mathématique se structurent autour de trois compétences : « la

première réfère à l’aptitude à résoudre des situations-problèmes ; la seconde touche le

raisonnement mathématique qui suppose l’appropriation de concepts et de processus propres à

la discipline ; la troisième est axée sur la communication à l’aide du langage mathématique.

La numération trouve sa place au travers des trois compétences mais les apprentissages

spécifiques concernant le sens des nombres répondent à la compétence 2 : « Raisonner à

l’aide de concepts et de processus mathématiques ».

L’élève est donc amené au premier cycle (1ère-2ème soit CP-CE1) à observer « quelques

régularités numériques. Il établit des liens entre les nombres… ». L’étude des nombres se

limite à 1000 exclu (unité, dizaine, centaine) et les savoirs essentiels portent principalement

sur la lecture et l’ écriture des chiffres et nombres.

Ensuite au deuxième cycle (3ème-4ème soit CE2-CM1), il « développe sa compréhension du

système de numération ». L’élève étudiera les nombres inférieurs à 100 000 exclu (unité de

21 Ministère de l’Education du Québec, Programme de formation de l’école québécoise, 2001

- 28 -

mille ou millier, dizaine de mille) et les savoirs essentiels s’appuient sur la lecture, l’écriture,

la représentation…

Enfin au troisième cycle (5ème-6ème soit CM2-6ème), « l’élève approfondit sa compréhension

du sens des nombres » qui vont jusqu’à 1 000 000 exclu (lecture, écriture, représentation…) »

D’autre part, une dimension historique est introduite dans l’enseignement de la mathématique

afin d’en rehausser le niveau culturel. Au premier cycle, les élèves sont amenés à appréhender

l’origine et la création des nombres ainsi que l’évolution dans l’écriture des nombres. Puis aux

deuxième et troisième cycles, une place est faite pour l’étude de différents systèmes de

numération (ex : romain, babylonien, sino-japonais) et la déduction de caractéristiques,

d’avantages et d’inconvénients. Ainsi, les apprentissages, qui ont inévitablement un caractère

actuel, auront d'autant plus de sens et de profondeur que leurs repères culturels seront connus

et qu'ils seront situés dans une perspective historique.

2. Mise en œuvre : exemple du manuel Défi Mathémati ques 5ème (équivalent du CM2)

(voir annexe 6 page 55 )

Dans le manuel Défi Mathématiques 5ème, on peut trouver un bloc d’activités dont l’objectif

est de dégager les propriétés fondamentales du système moderne de numération. En

préambule, les auteurs ( M. et R. Lyons) stipulent clairement que « du strict point de vue de la

compréhension et de la justification du système de numération positionnel, l’enfant doit

d’abord cerner l’idée de multiplication si l’on désire assurer sa compréhension de notre façon

d’écrire un nombre». Ils évoquent ainsi le système de numération écrit des Chinois de

l’Antiquité qui se basait sur la relation multiplicative (voir première partie).

En premier lieu, l’étude du système romain de numération avec les élèves conduira à mettre

en évidence le fait que celui-ci repose sur les propriétés de l’addition. Une activité visant à

montrer la pertinence de la multiplication dans notre numération moderne amène les élèves à

utiliser le système chinois. Puis dans un dernier temps, les auteurs proposent une situation

- 29 -

permettant de comprendre le rôle du zéro qui correspond à l’absence d’un groupement de dix

sur une position.

Les élèves prennent ainsi un certain recul par rapport à notre système de numération et

identifient ses propriétés multiplicatives, additives et positionnelles. Ces activités répondent

aussi à l’ouverture culturelle souhaitée dans les programmes. De même, en fin de leçon

l’enseignant donne les noms des classes peu usitées telles que le billion, le billiard, le trillion,

le trilliard, le quatrillion…

C. Mises en place de situations d’apprentissage aut our des grands nombres

Constat : Comment les élèves appréhendent notre système de numération ? Qu’est ce qu’ils

connaissent et surtout comment ils s’en servent ?

Remédiation : Lorsque les difficultés rencontrées par l’élève sont assez conséquentes,

parvenir à ce que l’élève construise et structure ses connaissances autrement.

Méthode :

Population : La classe avec laquelle j’ai pu mettre en place ce dispositif est composée de 21

élèves de quatrième année au Québec (niveau qui équivaut au CM1 en France). Elle compte

11 filles et 10 garçons ; leur âge moyen étant de 10 ans (extrêmes :11ans et 9 ans et 2 mois).

La diversité des parcours scolaires des élèves est assez prononcée en raison du caractère

multiethnique du groupe-classe (certains ont été accueillis dans des classes d’immersion à leur

arrivée à Montréal…). De même, les élèves sont issus de milieux variés (certains proviennent

d’une minorité de familles assez aisées) et leur maîtrise de la langue s’avère très inégale

(certains élèves n’utilisent le français que dans le contexte scolaire).

- 30 -

1. CONSTAT

a) Premières observations effectués lors d’une évaluation en mathématiques (1er Février).

Cette évaluation sommative de fin d’étape (fin du trimestre) comportait deux situations de

transcodage ; les deux étant un passage du code verbal au code arabe mais les modalités

étaient différents puisque dans la première il s’agissait d’écrire le nombre lu par l’enseignant

alors que pour la deuxième, il fallait transcrire, toujours en chiffres, le nombre lu sur la

feuille qui était écrit en toutes lettres.

Les erreurs relevées sont présentées ci -dessous sous forme de tableau. Les résultats observés

montrent bien les besoins des élèves et corroborent ce que les auteurs, cités précédemment,

ont pu identifier.

Sur 21 élèves, 9 n’ont effectué aucune erreur et ont donc obtenu une note de 6/6. De plus, 6

autres n’ont fait qu’une seule erreur. Enfin, 6 enfants ont eu des notes en deçà de 3/6. On

veillera donc à leur apporter le soutien nécessaire et à identifier leurs réels besoins.

Voici un recueil des transcriptions qui ont pu être faites lors de cette évaluation :

Nombres dictés et lus par

l’enseignante.

Nombres écrits en lettres sur la feuille.

24195 70 050 100 900 trente mille neuf

cent cinquante-huit

dix-sept mille

sept

neuf cent mille dix

Erreurs observées dans le transcodage

7050 (4) 1900 (6) 30 058 1707 (4) 90010

60 1050 100 000 90 39 158 17 7 900 000 10

1000 900 300 958 170 007 9 010 (3)

9001010

90000

Remarque : Le nombre entre parenthèse en gras fait état de la fréquence des erreurs

observées.

Les erreurs constatées sont conformes à nos prévisions. Les élèves n’effectuent pas d’erreurs

lexicales, ce qui conforte l’idée qu’ils possèdent une bonne connaissance de la notation

- 31 -

positionnelle. La nature des erreurs est principalement syntaxique notamment par sur-

lexicalisation (chaque item verbal est traduit par un nombre). On voit que soixante-dix (dans

70 050) a été traduit une fois par 60. Or le 10 qui suit fait apparaître un défaut de sens accordé

au nombre. De même, neuf cent mille dix (900 010) a été transcrit par 900 000 10. On trouve

également des erreurs dues à la surcharge cognitive en mémoire de travail (trente mille neuf

cent cinquante-huit (30 958) transcrit en 30 058).

Par ailleurs, on remarquera que le séparateur mille induit chez la majorité des élèves un

espace. Parfois, c’est le 0 qui intervient comme un marqueur de mille

Ces erreurs stables et identifiables nous ont donc permis de préciser davantage les situations

de remédiation que nous allions proposer par la suite.

b) Situations de transcodage (mises en place à partir de

la semaine du 6 Février)

Bien que dans notre exposé nous proposons des situations visant à « transcoder » les nombres

dans les deux sens, il se trouve que nous nous sommes appuyés exclusivement sur la dictée de

nombres pour compléter nos observations.

Le test-diagnostic : la dictée de nombre (voir annexe 1 page 50 ) : transcodage code verbal à

code arabe

Les nombres choisis ne le sont pas de manière aléatoire. Tout d’abord, ceux-ci sont compris

dans une tranche allant de 1 000 (en référence aux programmes français pour dépasser la

limite des nombres étudiés en cycle2 (nombres inférieurs à 1 000)) à 100 000 (en référence

aux programmes québécois qui précisent que l’élève, en fin de deuxième cycle (qui comprend

la 3ème et 4ème année, l’équivalent du CE2 et CM1) doit savoir écrire, lire et ordonner des

nombres inférieurs à 100 000). Toutefois, nous n’avons pas hésité à introduire des nombres

allant jusqu’à 999 999 car nous voulons voir si les enfants utilisent les règles qu’ils maîtrisent

déjà pour en générer et en appliquer d’autres aux formes qu’ils n’ont pas encore rencontrées

(1er objectif).

- 32 -

Le 2ème objectif est de présenter aux enfants des séquences lexicales (exemple :trois mille six

cent vingt-deux) construites de telle manière qu’elles contiennent l’ensemble des

particularités mises en évidence dans les activités de transcodage.

Ainsi, nos grands nombres pourront être classés en trois groupes :

les nombres qu’on qualifiera de simples : huit mille quatre cent cinquante-trois⇒8453 ; ici, a

priori peu de difficultés car chaque élément de l’expression numérique verbale se traduit par

un chiffre (« huit mille » ⇒ 8, « quatre cent » ⇒ 4 …). Toutefois, nous avons vu

précédemment que certains élèves mettent en correspondance, de manière systématique, un

item verbal et un chiffre. Ainsi, mille et cent pourraient se traduire par 1, ce qui donnerait :

814 153. Ceci nécessite quand même une bonne représentation du nombre de chiffres à écrire

(qu’on appellera « format » du nombre).

La deuxième catégorie de nombre représente les nombres difficiles car il manque une valeur.

Ici nous verrons donc l’importance du zéro qui marque l’absence de dizaines, de centaines….

Nous prendrons par exemple : douze mille neuf cent quatre⇒ 12 904.

Enfin, les nombres peuvent être complexes parce qu’ils comportent une dizaine complexe ou

plusieurs soixante quatorze mille six cent quatre-vingt-douze⇒74 692.

Comme on peut le voir dans ce dernier exemple, les nombres choisis peuvent cumuler les

difficultés de même nature ou de nature différente.

Les obstacles que l’on souhaite particulièrement mettre en évidence dans cette situation sont

la longueur phonologique de l’expression verbale qui n’est pas forcément en rapport avec la

grandeur du nombre ainsi que l’absence d’une valeur qui se traduit par un 0.

D’autres difficultés qu’on a pu énoncer plus haut apparaîtront probablement. Il sera donc

aussi intéressant de bien les cibler puis de les répertorier (marqueurs spécifiques : est-ce que

les espaces entre les classes apparaissent et leur absence est-elle cause d’erreur ?)

Enfin, le dernier objectif est de comparer les performances des enfants à différents moments

dans le temps (avant et après remédiation notamment) afin d’identifier la pertinence des

situations d’apprentissage à mettre en place.

- 33 -

Lecture de nombres : transcodage code arabe à code verbal

La situation sera conduite par les élèves eux-mêmes (co-évaluation) car nous ne pouvons

interroger tous les élèves chacun leur tour pendant le temps de classe. Une certaine attention

leur sera demandée afin que les résultats obtenus soient les plus précis possible.

Par 2, une liste de nombres devra être lue par un élève A à un élève B . Celui-ci disposera

d’une feuille sur laquelle sera inscrit le nombre en toutes lettres. Les élèves disposant d’une

certaine autonomie en lecture, ils n’auront qu’à comparer ce que vient de leur énoncer leur

camarade et ce qu’ils lisent. Ensuite, l’élève B note les résultats de son camarade. Les élèves

échangent bien entendu les rôles.

Ecriture de nombres en chiffres puis en lettres et inversement : transcodage dans les deux

sens

Dans cette situation, l’élève est seul et doit écrire dans un premier temps un nombre en

chiffres (qu’ on aura choisi suivant les mêmes critères que pour le A/) puis en toutes lettres.

Nous ne tiendrons pas compte des erreurs orthographiques (« s » à la fin de cent et vingt, trait-

d’union…) . Dans un second temps, l’élève devra souligner ou entourer avec des couleurs

chiffre et groupe de mots correspondant.

Exemple : Quatre-vingt trois mille six cent quarante-deux : 83 642

c) Premières conclusions

Dans la dictée de nombres, on rappelle que le choix de ces derniers ne s’est pas fait au hasard.

Nous avons voulu en quelque sorte provoquer les erreurs des élèves afin d’identifier les

besoins de ceux qui n’auraient pas encore conceptualisé notre numération de position.

Les erreurs syntaxiques repérées et relevant d’une sur-lexicalisation (tout ce qui est entendu

est codé en chiffres) ou d’une juxtaposition lexicale (stricte transposition d’un item verbal par

un chiffre) sont révélatrices d’un défaut d’appréhension du nombre. En effet, l’élève va se

référer principalement à ce qui lui est dit au lieu de restituer dans un autre code ce qui est lu.

Le nombre se trouve dépourvu de sens en conséquence.

- 34 -

Dès lors, on peut facilement comparer ces difficultés avec celles rencontrées en lecture. Ainsi,

de même qu’une transcription purement phonétique d’un mot, l’élève oublie de tenir compte

du sens que prend le nombre lorsqu’il est lu. Dans une dictée de mots, ce comportement

équivaudrait à un traitement phonétique et non phonologique (par exemple, en extrapolant un

peu, lorsque l’enseignant lui dicte « ouvrez les guillemets », l’enfant écrit « ouvrez les

guillemets »).

Si l’on poursuit l’analogie, un enfant qui produirait des erreurs lexicales en numération aurait

des difficultés en orthographe mais donnerait du sens à ce qui lui est lu.

2. ANALYSE

Analyse globale :

Lors de la première dictée, sept élèves ont obtenu 12/12 et cinq ont eu 10 ou 11 sur 12. Les

neuf autres élèves ont fait au minimum trois erreurs (le résultat le moins bon est 1/12) . Lors

de la seconde dictée, seulement trois élèves ont réussi à transcoder de manière correcte

l’ensemble des nombres. Onze autres élèves ont fait une ou deux erreurs.

Il est important de remarquer dès à présent que parmi les élèves qui ont fait peu d’erreurs, la

majorité sépare les classes de manière « automatique » en groupement de trois chiffres.

Ces deux tests-diagnostics nous ont donc permis de déceler quatre élèves en difficulté en

numération. Nous les avons identifié comme tels au regard du nombre d’erreurs commises

(note finale n’excédant pas 6/12) et nous avons porté une attention plus particulière aux

erreurs syntaxiques. Les erreurs considérées comme mixte, c’est à dire qui affectent le nombre

dans son lexique et sa syntaxe sont comptabilisées comme syntaxiques. Nous avons donc en

quelque sorte hiérarchisé ces erreurs et donner une certaine importance aux erreurs

syntaxiques, sur lesquelles nous voulons nous attarder plus longuement dans la remédiation.

Toutefois même si d’un point de vue quantitatif, le nombre d’erreurs lexicales pour des

enfants de 10 ans est quasiment négligeable, nous ne pouvons faire l’économie de quelques

commentaires les concernant.

- 35 -

Analyse fine :

Les erreurs lexicales observées peuvent être classées en deux catégories identifiées par

Deloche, Noël et Seron 22. Ainsi, on peut distinguer les erreurs de pile des erreurs de position

dans la pile. Les premières nommées concernent les incorrections faites lorsque le nombre

codé appartient à une autre catégorie lexicale de celui qui est lu (exemples : treize codé en 3,

vingt en 2). Ainsi, dans les deux dictées de nombre, nous avons pu relever par exemple des

difficultés sur six mille deux transcrit en 6 020 au lieu de 6 002 ou encore pour quarante et un

mille trois codé en 41 013 au lieu de 41 003 . Quant aux erreurs de position dans la pile, elles

se réfèrent aux confusions faites au sein d’une même catégorie lexicale (exemples : cinq codé

en 4, douze en 11). Un élève a notamment « traduit » huit mille cent quatre-vingt-quinze en 8

295 alors que la réponse attendue était 8 195.

Concernant les erreurs syntaxiques pour lesquelles nous voulons approfondir notre travail de

remédiation, nous pouvons relater sous forme de tableau les erreurs faites par nos quatre

élèves (S., N., M. et A.) en difficulté.

Nombre dicté Réponses des élèves

Dictée n°1 S. N. M. A.

6 002 6 002 6002 600 100002 6002

80 126 8000 800 126 80 126

1 078 1618 1780 1000 178 1078

97 374 8734 970 114 97 174

41 003 4103 41003 4100 30 41003

25 020 2520 250020 2500020 2520

3 500 3500 3500 300 500 3 500

2 071 271 20000 71 20071

72 435 60 435 620046 72 00 400 35 7200430

32 048 32 480 302 48 3200 48 320048

20 004 20 004 20004 20004 20004

5 327 5327 53270 500927 5000327

Score obtenu 4/12

4/12 1/12 6/12

22 Deloche, Noël et Seron, Un transcodage des nombres chez l’enfant : la production des chiffres sous dictée

- 36 -

Dictée n°2

20 004 20 004 2004 20004 20004

5 327 5327 5327 500327 5327

21 365 21 355 21365 2100365 210365

749 205 749 205 74900205 749 205

600 524 6 524 6000 524 600 524

350 000 350000 3500 000 30500

324 074 324 740 324 374

100 000 100000 100 000 100 000 100 00

300 001 31000 300 001 301000 300 01

8 195 8 195 800 195 8 195 8 195

1 001 100 001 100 001 1010 1001

5 030 5030 500030 500 30 5 030

Score obtenu 6/12 5/12 3/12 7/12

Remarque : Les nombres en gras correspondent aux erreurs faites par les élèves. Celles qui

sont soulignées sont des erreurs syntaxiques ou mixtes. Les cases vides correspondent aux

non réponses.

Tout d’abord, nous pouvons voir que les quatre enfants ont réussi à obtenir de meilleurs

résultats lors de la seconde dictée. Nous pouvons penser que le corrigé de la dictée n°1 a

constitué une première remédiation et que les élèves ont déjà pris conscience de certains

processus à employer. Notre propos est appuyé par l’observation suivante : en faisant le

choix de reprendre les deux derniers nombres de la dictée n°1 dans la dictée n°2, nous nous

apercevons que les erreurs faites lors de la première dictée ne réapparaissent pas dans la

deuxième dictée. Toutefois, il subsiste encore un certain nombre de difficultés et ce n’est pas

un simple retour, collectif qui plus est, qui va permettre de lever les difficultés.

Les erreurs syntaxiques de ces élèves ont essentiellement consisté en l’ajout ou l’oubli de

zéros. On voit que cent ou mille sont très souvent signifiés à l’aide de zéros (pour soixante-

douze mille quatre cent trente-cinq, M. a écrit 72 00 400 53 ce qui signifie qu’elle a fait

correspondre des groupes de chiffres à chacun des items verbaux qu’elle entendait : les

erreurs syntaxiques proviennent donc d’une sur-lexicalisation). De plus M. transcrit tantôt

- 37 -

mille avec un zéro, tant avec deux : on observe donc qu’il n’y a aucune stabilité dans les

erreurs.

Deloche, Noël et Seron proposent un cadre d’analyse de ces erreurs syntaxiques que nous

illustrerons à travers les erreurs commises par nos quatre élèves. Tout d’abord, ces trois

auteurs ont nommé ces erreurs à l’aide de codes. Nous n’entrerons pas dans le détail les

concernant. Ainsi pour ce qui est des nombres, qui en code verbal contiennent les mots cent et

mille, ils distinguent trois types d’erreurs, Mx et xM pour mille (il en est de même pour cent

avec Cx et xC) ainsi que 10x.

Dans la première dictée de nombre, M. a écrit 2500020 pour vingt-cinq mille vingt (25 020).

Ainsi M. a écrit ce qu’il entendait : vingt-cinq mille (25000) vingt (20). Il s’agit donc d’une

erreur Mx. Celle-ci peut se retrouver avec le mot cent (exemple : cent trente=10030). L’erreur

xM n’a pas été produite par un de nos quatre élèves. Elle aurait pu intervenir par exemple

avec six mille deux codé de cette manière 6 10002. Les erreurs Cx et xC (Mx et xM)

proviennent du fait que chaque élément de la suite dictée est transcrit comme un nombre isolé.

L’erreur 10x consiste à produire un zéro « surnumératoire » entre le 1 correspondant à mille et

la partie qui suit (exemple mille treize codé en 10013). Ainsi A. a écrit 20071 pour deux mille

soixante et onze (2071). Cet obstacle provient d’une généralisation abusive et erronée de la

procédure qui permettait par exemple d’écrire deux mille six (2006) où les unités et les unités

de mille sont bien séparées par deux zéros qui marquent l’absence des chiffres des centaines

et des dizaines.

Par ailleurs, certains zéros sont omis et le nombre qui contient mille en code verbal est codé

par un nombre à quatre chiffres. L’élève perçoit mille comme un ordre de grandeur qui se

traduit de manière automatique par un nombre à quatre chiffres. C’est ce qui peut expliquer

les hésitations chez S. sur les premiers nombres dictés. Mille étant présent dans tous les

nombres, il a cru un moment que les nombres devaient tous avoir quatre chiffres, ce qui se

traduit par quarante-et-un mille trois (41 003) codé en 4103 et vingt-cinq mille vingt (25 020)

codé en 2520.

Enfin, le nombre étant perçu dans certains cas comme un ensemble de chiffres juxtaposés,

plus il y a de chiffres dans l’alignement plus le nombre qu’ils représentent est perçu comme

- 38 -

grand. La conséquence immédiate est que l’élève ajoute des zéros pour que le nombre soit

grand.

On s’aperçoit donc que le rôle et la place du (ou des) zéros sont encore mal maîtrisés par

certains élèves. Deloche, Noël et Seron concluent leur interprétation des erreurs constatées en

montrant que la plupart des erreurs produites par les enfants résultent de la généralisation

abusive de règles à des cas de figure pour lesquelles elles ne sont pas applicables. Ainsi des

règles sont appliquées dans des contextes inadéquats. Parfois, elles sont même associées et

combinées entre elles ce qui complique leur interprétation.

Ces divers constats nous permettent de mieux définir les objectifs à atteindre dans la

remédiation à mettre en place. Ils vont également dans le sens des premières hypothèses

émises et montrent bien un défaut de conceptualisation de la numération de position chez

certains élèves. De même, les observations que nous avons pu faire dans la manipulation des

grands nombres en dehors d’un contexte de numération (à travers des situations de résolution

de problèmes mathématiques notamment) ont montré qu’il était nécessaire de savoir d’abord

appréhender ces grands nombres avant de pouvoir opérer avec. De Blois23 montre que c’est

« au moment où apparaissent les nombres à trois chiffres, où les opérations exigent des

transformations comme l’emprunt ou la retenue […] que nous voyons surgir des conceptions

sans le sens numérique qu’on veut lui accorder. ».

3. REMEDIATION

a) Modalités

La séquence de remédiation s’est adressée à l’ensemble de la classe, bien que les grands

nombres ne soient pas un obstacle pour l’ensemble des élèves. Nous avons pu de toute

évidence nous appuyer sur les compétences déjà acquises par certains élèves pour mettre en

place des situations facilitant la co-correction par exemple.

23 L. De Blois, Une analyse conceptuelle de la numération de position au primaire in Recherche en Didactique des Mathématiques, volume 16/1, 1996

- 39 -

Nous avons découpé la remédiation en 6 séances d’une heure environ. Il se trouve que durant

ces périodes, les élèves ont été très actifs et très sollicités. Le rythme de travail a été fortement

individualisé pour que chacun arrive à trouver des solutions répondant à ses propres besoins.

Concernant les quatre élèves les plus en difficulté pour lesquels l’écriture des nombres est

encore perçue comme un découpage et un alignement de chiffres, il a fallu adopter une

démarche en prenant compte du fait qu’il est assez complexe de comprendre que la valeur

d’un chiffre est différente d’une place à l’autre d’une part mais aussi que le zéro marque la

position d’une valeur absente muette. Nous avons également postulé que ces enfants

possédaient des intuitions et qu’ils avaient construits certaines règles, indicatrices d’une

certaine compréhension. Dès lors, nous avons essayé de partir au maximum des conceptions

erronées des élèves et de leurs réponses pour aborder cette remédiation.

b) Objectifs de la remédiation

Il était important que les objectifs de la remédiation soient très précis et cohérents avec les

observations faites au préalable.

Dans un premier temps, nous souhaitions que l’élève « fixe son attention sur l’organisation

des nombres à trois chiffres qu’il connaît et sait manipuler afin de pouvoir ensuite généraliser

le nom des petits nombres aux grands nombres » (séance 1).

Ensuite, l’élève devait « appréhender le nom des différentes classes (particulièrement mille)

comme séparateur et non plus comme un item déclenchant l’ajout erroné de zéros. » (séances

2-3 et 4)

Enfin, et nous l’avons emprunté à L. DeBlois l’objectif final était que l’élève « attribue une

position à chaque chiffre et un chiffre à chaque position [une fois que] le sens des

groupements de trois chiffres est acquis ». (séances 5 et 6) C’est donc à travers cet objectif

que le rôle et la place du zéro ont été abordés, les grands nombres constituant le support idéal

pour rendre compte du niveau de conceptualisation dont disposent les élèves.

- 40 -

c) Déroulement

Afin de connaître le contenu des séances, on se reportera aux annexes correspondantes. Nous

rappelons que nous avons fait le choix de proposer des situations dont l’ensemble du groupe

peut bénéficier plutôt que quelques élèves en particulier. Ceci a permis aux élèves réussissant

le mieux de verbaliser leurs procédures auprès de leurs camarades de façon personnalisée.

� Séance 1 (voir annexe 2 page 51)

Lors de la première séance, il était essentiel de s’assurer que les élèves possédaient bien les

acquis sur lesquels nous comptions nous appuyer. Ainsi à travers quelques situations de

résolutions de problèmes simples et une activité présentant un caractère ludique, nous avons

pu affiner les constatations effectuées au cours de l’analyse des résultats du test-diagnostic. Il

est apparu évident, lors de « la chasse aux records », que les élèves éprouvent des difficultés à

écrire les nombres qu’ils énoncent. De même, ils produisent verbalement un énoncé qui laisse

à penser que plus le nom du nombre est long, plus ce nombre est grand, et inversement. Enfin,

nous avons vu que l’écriture et la lecture des nombres à trois chiffres étaient bien maîtrisées

par l’ensemble des élèves. Cent est bien compris comme un séparateur, c’est à dire comme

un repère phonologique qui implique que l’on mette deux chiffres à la suite de celui-ci.

Nous avons aussi cherché à voir si les obstacles liés aux grands nombres réapparaissaient en

situation de résolution-problème. La surcharge cognitive induite par la longueur du nom des

nombres à laquelle s’ajoute les informations à traiter ont engendré quelques difficultés quant

aux choix de l’opération notamment.

� Séances 2, 3 et 4 (voir annexe 3 page 52)

La suite du travail a porté sur le rôle du séparateur « mille » et la notion de groupements par

trois chiffres pour constituer les classes. Nous avons essayé d’amener l’élève à une

compréhension du nombre passant par la décomposition en unités, dizaines, centaines, unités

de mille, dizaines de mille à travers le jeu des étiquettes notamment. Le but poursuivi par

cette situation différait un peu de l’objectif initial mais a permis de manipuler les grands

nombres et de saisir l’importance des classes grâce au principe d’échange.

- 41 -

Concernant les quatre élèves en difficultés, il se trouve que A. a parfaitement bien réalisé la

situation de remise en ordre des mots-nombres. En effet, l’enfant a bien saisi le sens du mot

mille notamment, qui induit un nombre avec au moins quatre chiffres et qui est séparateur. Par

ailleurs, quelques difficultés se sont révélées chez N. et M. car certains mots-nombres ont été

mal transcrits (et notamment la transcription de cent en 1). Cet exercice a permis aux quatre

élèves nécessitant le plus de besoins de mettre en évidence une chose importante: « On met

toujours deux chiffres après cent et trois après mille. »

Le concept de groupements de trois chiffres était connu de tous. Ils ont pu en déduire après les

différentes situations proposées que la lecture d’un grand nombre se faisait dans le sens

conventionnel (gauche à droite) après avoir organisé les chiffres en groupes de trois. Nous

verrons par la suite que lecture et l’écriture d’un grand nombre sera possible lorsqu’ils

appliqueront leurs connaissances des nombres à trois chiffres aux différentes parties des

grands nombres.

� Séances 5 et 6 (voir annexe 4 page 53)

Dans les deux dernières séances de remédiation, les situations proposées ont quelque peu

déstabilisé les élèves en raison de leur caractère inhabituel. Toutefois, ceux-ci ont

parfaitement réussi ces situations et nous avons donc dû les réajuster afin que les élèves

manifestent un certain intérêt en raison de la « résistance » que pouvait présenter certains

items (« dissonance cognitive » ou « délicieuse incertitude »). Nous avons ainsi voulu vérifier

si les élèves étaient capables d’attribuer « une position à chaque chiffre » et réciproquement

« un chiffre à chaque position ». La tâche à effectuer était de signifier la position d’un chiffre

et d’y associer ensuite sa valeur que nous pouvons entendre à la lecture.

N. et A. ont été à leurs aises dans cette situation. Il en a été de même pour S. et M. bien qu’il

ait fallu revenir à des nombres à trois chiffres pour saisir la dénomination verbale qu’un

chiffre prenait quand il occupait une certaine position. Par la suite, nous avons cherché à

généraliser les règles dégagées en l’adaptant à la classe des mille et les élèves se sont trouvés

en situation de réussite.

De ce fait, pour lire les groupes de trois chiffres, nous avons formulé quelques règles simples

avec les élèves :

« Avec les nombres à trois chiffres (exemple pris avec 327)

- 42 -

- Le premier des chiffres se lit comme il s’écrit mais il faut en plus lire cent. (3 lu

trois cent).

- Le deuxième chiffre ne se lit pas comme il s’écrit. ( 2 lu vingt et non deux).

- Le dernier des chiffres se lit comme il s’écrit (7 lu sept). »

Ensuite, par extension, avec les nombres à quatre, cinq, six chiffres, nous avons essayé

d’adapter, non sans quelques difficultés, ces règles en s’appuyant sur les classes : « on fait la

même chose avec les trois premiers chiffres (toujours en partant de la gauche, puis on réitère

le procédé en ajoutant mille entre la lecture du dernier chiffre de la classe des mille et la

lecture du premier chiffre de la classe des unités simples ». Cette lecture est donc la même

quel que soit le nombre de groupements avec lequel s’écrit un nombre.

En résumé, pour lire les grands nombres, on organise, dans un premier temps, les chiffres en

groupes de trois à partir de la droite. Puis on cherche à quelle classe appartient le premier

groupement de trois chiffres toujours à partir de la droite (classe des unités simples, puis

classe des milles, classe des millions, des milliards…). Enfin, on lit les nombres par groupes

de trois en allant de la gauche vers la droite.

Enfin, il était primordial de se pencher sur le zéro. De même que précédemment, les élèves

ont formulé une règle simple : « on n’entend pas les zéros ». En réalité, les zéros

« s’entendent » puisqu’ils marquent l’absence d’une valeur. Ainsi, ayant conclu qu’à la suite

des séparateurs cent et mille, on ajoutait deux ou trois chiffres, les élèves devaient transcrire

4 6- - lorsqu’ils entendaient quatre mille six cent….

Pour coder un nombre comme neuf mille trois par exemple, nous pourrions résumer la

procédure utilisée par l’enfant à l’aide de trois étapes :

- mille induit un nombre dont le format se compose de quatre chiffres ou plus avec

un espace (9 - - - )

- réflexion sur la position occupée par le chiffre qui transcrit trois (9 - - 3)

- espaces vides complétés par des 0 (9 003)

En fin de remédiation, les élèves devaient donc disposer a priori des éléments nécessaires au

transcodage en code arabe puisque nous avons essayé de maximiser les allers-retours entre

- 43 -

lecture-écriture. Cette hypothèse devait donc être vérifiée par une évaluation finale sous forme

de post-test.

4. EVALUATION

(voir annexe 5 page 54)

Afin de pouvoir rendre compte facilement des apprentissages observés, nous avons choisi de

reprendre tout simplement la dictée de nombres. Celle-ci nous permettait de disposer

d’éléments directement mesurables et quantifiables, que nous pourrions facilement mettre au

regard des résultats du pré-test.

Il était donc nécessaire de respecter les mêmes modalités ainsi que de choisir les nombres

dictés suivant les critères que nous avions définis au début de notre travail.

A l’instar des résultats des deux premières dictées de nombre constituant l’évaluation

diagnostique, nous présentons ceux-ci sous forme d’un tableau comparatif.

Dictée n°1 Dictée n°2 Dictée finale

Nombre d’élèves

ayant obtenu 12/12

7 3 7

Nombre d’élèves

ayant eu 10 ou 11/12

5 11 9

Nombre d’élèves

ayant eu entre 7 et

9/12

5 4 3

Nombre d’élèves

ayant obtenu un score

de 6/12 ou inférieur

4 3 2

Commentaires

Nous pouvons constater que les résultats obtenus lors de l’évaluation finale dénotent une

progression globale de la classe. Elle est remarquable dans la mesure où parmi les trois élèves

- 44 -

ayant eu un score entre 7 et 9/12, deux ont obtenu 9/12. De plus, 19 élèves sur 21 utilisent les

groupements de trois chiffres sans qu’il n’y ait eu de rappel au préalable. Parmi, les deux

élèves qui n’ont pas organisé ces grands nombres, on retrouve M. qui a éprouvé quelques

difficultés lors de cette évaluation finale (voir plus bas). L’autre élève, pour sa part, a obtenu

un score de 10/12.

Toutefois, nous verrons que nos quatre élèves en difficulté ont amélioré leurs scores mais que

deux d’entre eux ont encore un score inférieur ou égal à 6/12. De plus, parmi ceux qui ont eu

des scores entre 7 et 11/12, nous pouvons relever encore quelques erreurs d’ordre syntaxique :

ainsi trois élèves ont codé sept cent quarante-trois mille trente-quatre (743034) de la manière

suivante : 743 34. On voit que mille est bien compris comme un séparateur mais que les

élèves ont « raccourci » le nombre en ne traduisant pas l’absence d’une position aux centaines

par un zéro. De même, une élève a transcrit quarante-deux mille six (42 006) par 42 06.

D’autre part, l’ajout de zéros surnuméraires s’est retrouvé pour mille onze (1 011) codé par

trois élèves 100 011. Un autre l’a aussi codé 1000 011 et nous avons été plutôt étonnés de

trouver cette transcription : 000 011. Enfin, six mille quatre cent soixante-huit ( 6 468) a été

codé 600 468 (2 élèves).

Nous avons aussi constaté que les autres erreurs n’étaient pas des erreurs lexicales (pour une

élève en difficulté seulement) mais plutôt des défauts d’attention et de concentration malgré

nos recommandations préalables.

Concernant les quatre élèves pour lesquels la numération des grands nombres posait encore un

certain nombre d’obstacles, il s’avère que pour deux d’entre eux, la progression est moins

importante que celle constatée au sein du groupe classe. Le tableau suivant présente les

résultats obtenus ainsi que la nature des erreurs.

S. N. M. A.

Score obtenu 4/12 4/12 1/12 6/12 Dictée

n°1 Nombre d’erreur(s)

syntaxique(s)

3 5 10 5

Score obtenu 6/12 5/12 3/12 7/12 Dictée

n°2 Nombre d’erreur(s)

syntaxique(s)

2 4 8 4

- 45 -

Nombres dictés lors

de l’évaluation

finale

Réponses des élèves

823 050 823 050 823 530 823 050 823 50

42 917 42 917 42 917 42 917 42 917

503 300 503 300 530 300 53 300 503 300

6 468 6468 64 068 6468

12 400 12 400 120 400 12 00 400 12 400

306 010 306 010 360 010 36 00 10 306 10

743 034 740 034 743 007 743 0034 743 034

40 258 40 258 40 250 402 038 40 258

100 000 100 000 100 000 100 000 100 000

42 006 42 006 42 006 42006 42 006

16 338 16 338 160 500 16 338 16 338

1 011 100 011 100 011 1000 11 1011

Score 10/12 3/12 5/12 10/12

Test

Final

Nombre d’erreur(s)

syntaxique(s)

1 4 6 2

A la vue de ce tableau, nous pouvons nous rendre compte que sur les quatre élèves, deux

élèves (S. et A.) ont pleinement profité des situations de remédiation, même si il subsiste

encore quelques erreurs syntaxiques. A. a oublié de notifier deux fois l’absence de valeur à la

centaine par un zéro.

Concernant N., on peut voir que d’autres obstacles sont apparus notamment certaines

confusions qui pourraient être classées dans les erreurs lexicales. Si l’on se réfère à Deloche,

Noël et Seron, nous retrouvons deux erreurs de pile mais aussi de position dans la pile, dues

peut-être à des difficultés à mettre en mémoire l’ensemble des items lexicaux. Tous ces

obstacles auraient pu faire l’objet d’un travail parallèle afin que N. n’ait plus d’hésitation

Enfin, M. a amélioré son score et a réussi à transcrire des nombres qui présentent des

difficultés mais il se trouve que les apprentissages ne sont pas acquis. En effet, M. a eu

- 46 -

tendance à écrire les nombres d’après ce qui était dit –traitement phonétique, terme à terme-

et n’a pas encore saisi le rôle et la place du zéro. Nous pouvons penser qu’il aurait fallu

individualiser davantage et approfondir les apprentissages avec cet élève.

Si l’on se réfère à l’évaluation finale des quatre élèves que l’on avait identifiés en difficulté,

nous pouvons conclure que le bilan est plutôt mitigé. Nous n’avons pas réussi à résoudre

l’ensemble des problèmes posés par la numération des grands nombres. Il aurait été enfin très

intéressant de faire un deuxième test afin de pouvoir mesurer l’efficacité de notre démarche

avec plus d’exactitude.

5. LA DEMARCHE : BILAN ET CRITIQUES

Les premiers commentaires qui viennent d’être effectués laissent à penser que dans une

certaine mesure, la méthode employée pour répondre aux besoins des enfants s’est avérée

efficace. En effet, lorsque l’on se réfère à l’évaluation finale, on peut conclure de la

pertinence des apprentissages proposés aux élèves. Toutefois, nous ne pouvons nous

permettre de nous prononcer trop rapidement sur l’efficacité de cette remédiation à long

terme. De même, quelques critiques peuvent être formulées quant à la démarche mise en

place.

Tout d’abord, il aurait été intéressant d’évaluer les élèves en cours d’apprentissage toujours

sous la forme de dictées de nombres. En effet, l’évaluation formative nous aurait permis de

rendre compte des acquis de chacun d’eux et de mesurer leur progression. Nous aurions

certainement pris connaissance des difficultés de M. par exemple.

D’autre part, pour répondre aux difficultés de cet élève, il semble que nous ayons omis de

définir un objectif qui aurait permis de ne plus voir apparaître des erreurs du type sept cents

quarante-trois mille trente-quatre (=743 034) transcrit en 743 0034. En effet, nous aurions du

chercher à ce que « les élèves disposent toujours en mémoire de l’image de la structure

générale et maximale (deux fois trois chiffres) des nombres qu’on va leur lire. Cette structure

doit être disponible et mobilisée mentalement avant qu’un nombre ne soit lu et modifiée sitôt

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les premières indications de grandeur données sur ce nombre. »24. Il aurait bien sûr été

nécessaire de généraliser cette procédure aux nombres composés de sept chiffres ou plus.

Nous avons également fait le choix d’intégrer et de proposer notre démarche à l’ensemble du

groupe-classe, ceci afin de ne pas trop s’éloigner des réalités pédagogiques. Ainsi, nous

n’avons pas pu prendre les dispositions nécessaires pour pallier notamment aux erreurs

lexicales commises par N. Nous aurions donc pu mettre en place un dispositif pédagogique

différent qui aurait facilité l’apport de feed-back en relation avec les besoins des quatre élèves

identifiés en difficulté dans la numération des grands nombres.

Enfin, bien que nous soyons partis des erreurs des élèves en ayant pris soin de les analyser,

nous n’avons pas défini des objectifs en relation avec un modèle qui aurait permis de faire

reposer notre progression sur des fondements théoriques. Ce modèle proposé par L. DeBlois25

nous aurait permis d’évaluer plus rigoureusement la pertinence des situations proposées. En

effet, il met en évidence les différentes étapes de la construction du concept de numération et

permet de passer d’une connaissance intuitive à une connaissance formelle. Celle-ci

représente le moment où « les élèves reconnaissent la valeur positionnelle de chacun des

chiffres des nombres et la valeur de chacune des parties de ce nombre, en présentant cent et

mille comme des séparateurs ».

La démarche pourrait donc être reprise de manière plus intensive (une séance quotidienne

d’une durée de 30min par exemple) en y apportant un cadre plus théorique. Ceci permettrait

aux élèves d’automatiser la lecture et l’écriture des grands nombres. Nous pensons également

qu’il serait souhaitable de reprendre ce modèle lorsque les élèves sont amenés à appréhender

les classes des millions et des milliards au secondaire.

24 S.Dubois, Quelle remédiation pour des élèves de SEGPA qui n’ont pas conceptualisé notre numération de position décimale ? Mémoire CAPSAIS 25 L. De Blois, Une analyse conceptuelle de la numération de position au primaire, 1996

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CONCLUSION

La numération occupe une place importante dans les apprentissages scolaires qui

l’appréhendent sous ses trois codes : chiffré, verbal et analogique. Nous l’avons vu, la

difficulté est de passer d’un code à l’autre ; c’est-à-dire de réaliser des tâches de transcodage

numérique.

Nous nous sommes particulièrement intéressés aux transcodages impliquant le code chiffré et

le code verbal. Ils peuvent s’avérer problématiques car il n’y a pas de correspondance stricte

entre ces deux codes (un mot ne code pas un chiffre) et il n’existe pas un principe simple

permettant de passer d’un code à l’autre. De plus, si la numération chiffrée est construite sur

un principe régulier et logique (qu’il n’est toutefois pas simple de s’approprier), la numération

verbale, quant à elle, est fortement irrégulière ce qui complexifie les apprentissages.

Par ailleurs, l’accès aux grands nombres passe nécessairement par une bonne appropriation

des « petits nombres ». En effet, ce travail nous a montré que les erreurs effectuées sur les

grands nombres étaient parfois imputables aux connaissances antérieures propres aux petits

nombres. Dans ce sens, nos deux mémoires sont complémentaires parce que l’appréhension

des grands nombres se construit dès le CP.

Les élèves commettent des erreurs qui peuvent être mal interprétées (étourderie,

incompréhension totale) alors qu’en réalité celles-ci sont révélatrices d’un apprentissage

incomplet. Le repérage et l’analyse de ces erreurs constituent le point de départ à toutes

remédiations. Il nous a donc semblé primordial de toujours répondre, au préalable, à deux

questions : jusqu’où l’élève a-t-il compris ? Quelles sont les natures des erreurs ?

Les démarches que nous avons pu mettre en place s’inscrivent dans cette perspective. Les

résultats obtenus montrent que ce type de réflexion peut s’avérer bénéfique.

A ce propos, il nous semblerait très intéressant d’appliquer ce mode de raisonnement aux

mathématiques et même à l’ensemble des champs disciplinaires.

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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

♦ Ministère de l’éducation nationale, Qu’apprend-on à l’école maternelle ? CNDP, 2002

♦ Ministère de l’éducation nationale, Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? CNDP, 2002

♦ R. Brissiaud, J’apprends les maths (livre du maître), Retz, 2001

♦ R. Brissiaud, J’apprends les maths (fichier de l’élève), Retz, 2001

♦ P. Barrouillet & M. Fayol, Calculer, raisonner, résoudre des problèmes in Manuel de

psychologie pour l'enseignement, Hachette Education, 1995

♦ G. Guittel, Histoire comparée des numérations écrites, Paris : Flammarion, 1975

♦ J.F. Perret, Comprendre l’écriture des nombres, Berne : Peter Lang , 1985

♦ M. Fayol, L’enfant et le nombre, Delachaux et Niestlé, 1990

♦ L. De Blois, Une analyse conceptuelle de la numération au primaire in Recherches en

didactique des mathématiques, Volume 16/1, 1996

♦ J. Bideaud, C. Meljac., J.P. Fischer, Les chemins du nombre, Presses Universitaires de Lille, 2004

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ANNEXE 1

Tests-Diagnostics (Dictées de nombres) Conditions � Les élèves doivent être attentifs et concentrés. � Pendant la dictée de 12 nombres, aucune question ne peut être posée. � Chaque nombre sera lu deux fois (de manière identique de telle sorte que la lecture

n’influence pas la transcription). Modalités � Faire lever les crayons. � Dicter le nombre en le décomposant bien mais sans pour autant laisser de blanc entre les

mots. � Laisser les élèves écrire pendant une dizaine de secondes ; il est important de garder ce

rythme tout au long de la dictée et de veiller à ce que les élèves écrivent après la lecture entière du nombre. En cas de non-réponse, laisser l’espace vide.

� Après la phase écriture, faire lever à nouveau les crayons. Remarque : aucune consigne n’est donnée sur les espaces entre la classe des mille et les unités. Dictées

LISTE 1 LISTE 2 6 002 20 004 80 126 5 327 1 078 21 365 97 374 749 205 41 003 600 524 25 020 350 000 3 500 324 074 2 071 100 000 72 435 300 001 32 048 8 195 20 004 1 001 5 327 5 030

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ANNEXE 2

Séance n°1 Objectif : Fixer son attention sur l’organisation des nombres à trois chiffres connus afin de pouvoir ensuite généraliser le nom des petits nombres aux grands nombres. « La chasse aux records » Ce jeu a pour objectif de réactiver les connaissances des élèves au sujet des noms de nombres. Déroulement : 2 équipes et instaurer un roulement au sein des équipes afin que chacun puisse jouer à tour de rôle. But du jeu : être la première équipe à découvrir un nombre caché qui représente un record ou une donnée quelconque. L’enseignant annonce la donnée recherchée. Par exemple : « Combien de… ? » en quelle année ? Le premier joueur de l’équipe 1 écrit un nombre au tableau l puis doit ensuite le lire correctement. L’enseignant dit alors : « Trop bas ! ou trop haut !, Tu gèles, tu chauffes… ». Si un nombre est mal lu, le joueur et son équipe perdent leur tour et si l’autre équipe le lit bien, elle a le droit de jouer 2 fois. On commencera par chercher des nombres à trois chiffres puis ensuite on introduira ceux à quatre chiffres. Résolution de problèmes présentant peu de difficultés liées à l’interprétation des énoncés Problème n°1 : J. S. Mateo a vécu quarante et un mille cent trente-six jours. A. Williams a vécu 41 270 jours. S.Izumi a vécu 44 067 jours. E. Roux a vécu quarante et un mille cinquante-six jours. (source : Guiness des records 1988). Combien ont-ils vécu d’heures ? Replace-les en ordre croissant suivant le nombre d’heures qu’ils ont vécu. Problème n°2 : Le Yukon compte 22 704 habitants. Combien cela fait-il de jambes ? ! L’Ile du Prince-Edouard compte cent trente mille vingt habitants. Combien cela fait-il de jambes ? ! Problème n°3 : L’empereur Jules César a envoyé 6 274 légionnaires en Gaule. Il a ensuite envoyé 5 029 soldats en renfort. Combien a-t-il envoyé de soldats en Gaule ? Consignes importantes : Les nombres écrits en lettres devront être réécrits en chiffres. Suivre la méthode de résolution de problèmes. Rendre le brouillon également (afin de pouvoir observer les démarches utilisées par les élèves.)

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ANNEXE 3

Séances 2,3 et 4 Objectif : « Appréhender le nom des différentes classes (particulièrement mille) comme séparateur et non plus comme un item déclenchant l’ajout erroné de zéros. » Dictée de nombres mettant en jeu le principe de groupement : Au lieu de quatre-vingt mille douze, on lira quatre-vingt unités de mille et douze unités ⇒ 80 012. Les élèves peuvent s’aider d’un tableau si ils le souhaitent. Cette situation permet de mettre en valeur le rôle du séparateur « mille » ainsi que de commencer à justifier l’utilisation du zéro pour marquer l’absence d’une position. Le « nombre secret » A partir des indications données par l’enseignant, essayer de retrouver le nombre correspondant. Il sera important également de faire expliciter la démarche par l’élève. Exemple : « qui suis-je ?» j’ai 8 unités ; le chiffre à la position des dizaines est le 9 ; je possède 2 unités de mille ⇒ 2 098. Le « jeu des étiquettes » (voir en fin d’annexe) Nous avons repris cette activité dans les capsules mathématiques de Tangram, Mathématique, Sciences et Technologie, un fichier d’activités élaboré par L. Poirier et A. M. Carbonneau. Situation de transcodage avec mots-nombres à remettre en ordre A l’aide de mots-nombre présentés sous forme d’étiquettes, les élèves devaient former l’expression verbale du nombre de telle manière que le nombre exprimé soit le plus grand (ou le plus petit) possible en code chiffré. Exemple : Etiquettes disponibles : [mille], [trois], [sept] et [vingt]. Le plus grand nombre que l’on puisse former est sept mille vingt trois=7 023. Le plus petit nombre que l’on puisse former est trois mille vingt sept=3 027. On voit à travers cet exemple le rôle du séparateur mille et ce qu’il implique.

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ANNEXE 4

Séances 5 et 6 Objectif : Attribuer une position à chaque chiffre et un chiffre à chaque position [une fois que] le sens des groupements de trois chiffres est acquis. Comment lire un chiffre dans le nombre ? Dans cette situation, nous essaierons de voir avec les élèves comment on peut transcrire de façon verbale une position occupée par le chiffre. Exemples pris avec des nombres à 4 chiffres : _ _ _ _ le troisième chiffre (à partir de la gauche ) est 4 ⇒ on va donc le lire quarante. le quatrième chiffre ( toujours en partant de la gauche) est 9 ⇒ on va donc le lire neuf. le deuxième chiffre est 1 ⇒ on va le lire cent. Ou de manière plus simple : 140 891 : le 4 se lit donc quarante… L’inverse peut-être effectué (toujours avec des nombres à 4 chiffres): Quelle est la position de 6 lu six ? : _ _ _ 6 (voir si six mille ou six cent conviendraient : groupes de 2 mots qui se traduisent par un chiffre). Quelle est la position de 3 lu trente ? :_ _ 3 _ La situation pourra débuter avec des nombres à 4 chiffres pour évoluer vers des nombres à 6 chiffres. Construction d’un nombre avec un chiffre déjà codé verbalement. Il s’agit de retrouver le nombre à partir des indications données (morceaux de l’expression verbale du nombre correspondant.) Exemple : 5 lu cinq mille ; 7 lu sept ; 1 lu dix et 3 lu trois cent → 5 317 De même que la situation précédente, nous pourrons la faire commencer avec des nombres à 4 chiffres pour manipuler ensuite des nombres à 6 chiffres.

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ANNEXE 5

Evaluation finale - Dictée de nombres

823 050 42 917 503 300 6 468 12 400 306 010 743 034 40 258 100 000 42 006 16 338 1 011

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Comment dépasser les difficultés des élèves de cycle 2 et de cycle 3 qui ne parviennent

pas à s’approprier notre numération décimale ? (2/2)

Résumé :

Les tâches de transcodage numérique sont souvent sources de difficultés à l’école. Elles sont

d’autant plus complexes que le code verbal en français de France est irrégulièrement

construit. Il paraît indispensable de trouver des remédiations pour dépasser ces difficultés en

s’appuyant notamment sur les procédures utilisées par les élèves mais aussi sur l’étude des

autres systèmes de numération existants ou ayant existé.

Mots-clés : transcodage, erreur, nombre, numération, remédiation.