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Version publique 1 CONSEIL DE LA CONCURRENCE Décision n° 2010-C/C-43 du 28 octobre 2010 Affaire CONC-C/C-10/0021 : Sodiaal International/Entremont Alliance I. Procédure 1. Le 2 septembre 2010, la partie notifiante a déposé au greffe du Conseil de la concurrence une notification de la concentration reprise en objet, conformément à l’article 9 de la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006 (ci-après, «la LPCE »). En application de l’article 55, § 2 de la LPCE, l’auditeur désigné, Monsieur Patrick Marchand, a chargé Monsieur Cosimo Capierri, fonctionnaire de la Direction générale de la concurrence désigné en vertu de l'article 29, § 3, alinéa 1 er de la LPCE, de devoirs d’instruction. 2. Dans son rapport motivé déposé au Conseil de la concurrence le 8 octobre 2010, l’auditeur propose au Conseil de la concurrence de constater que la concentration en cause tombe dans le champ d’application de la loi et de la déclarer admissible conformément aux articles 58, § 1 er , 1° et 58, § 2, 1° de la LPCE. 3. Le 14 octobre 2010, le président du Conseil de la concurrence a attribué l’affaire à la quatorzième chambre du Conseil de la concurrence. 4. Le 18 octobre 2010, le représentant de la partie notifiante a remis au greffe l’observation écrite de Sodiaal demandant au Conseil de la concurrence de déclarer la concentration admissible. 5. L’affaire a été traitée à l’audience de la présente chambre du Conseil du 25 octobre 2010. A cette audience, l’auditeur et les représentants de la partie notifiante Sodiaal et de la société cible, Entremont, ont comparu et ont été entendus. II. Description des entreprises 2.1. La partie notifiante 6. La société Sodiaal International, société anonyme, (ci-après « Sodiaal»), filiale à 100 % de Sodiaal Union, est un groupe coopératif actif dans la collecte de lait de ses adhérents agriculteurs et dans la transformation et la commercialisation d’une large gamme de produits laitiers : lait de consommation sous forme liquide, fromages à pâte molle et fromages à pâte pressée non cuite, produits laitiers ultra frais (principalement yaourts, desserts lactés, fromage frais), beurre, laits en poudre destinés aux chaînes de distribution et à la distribution automatique, ingrédients laitiers élaborés et produits diététiques. 7. Sodiaal est actif dans le monde entier mais réalise la majeure partie de son chiffre d'affaires au sein de l'Union européenne et plus particulièrement en France et dans une moindre mesure en Belgique, Allemagne, Italie, Espagne, au Royaume Uni et Portugal.

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CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision n° 2010-C/C-43 du 28 octobre 2010

Affaire CONC-C/C-10/0021 : Sodiaal International/Entremont Alliance

I. Procédure

1. Le 2 septembre 2010, la partie notifiante a déposé au greffe du Conseil de la concurrence unenotification de la concentration reprise en objet, conformément à l’article 9 de la loi sur laprotection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006 (ci-après, « laLPCE »). En application de l’article 55, § 2 de la LPCE, l’auditeur désigné, Monsieur PatrickMarchand, a chargé Monsieur Cosimo Capierri, fonctionnaire de la Direction générale de laconcurrence désigné en vertu de l'article 29, § 3, alinéa 1er de la LPCE, de devoirs d’instruction.

2. Dans son rapport motivé déposé au Conseil de la concurrence le 8 octobre 2010, l’auditeurpropose au Conseil de la concurrence de constater que la concentration en cause tombe dans lechamp d’application de la loi et de la déclarer admissible conformément aux articles 58, § 1er, 1°et 58, § 2, 1° de la LPCE.

3. Le 14 octobre 2010, le président du Conseil de la concurrence a attribué l’affaire à laquatorzième chambre du Conseil de la concurrence.

4. Le 18 octobre 2010, le représentant de la partie notifiante a remis au greffe l’observation écritede Sodiaal demandant au Conseil de la concurrence de déclarer la concentration admissible.

5. L’affaire a été traitée à l’audience de la présente chambre du Conseil du 25 octobre 2010. Acette audience, l’auditeur et les représentants de la partie notifiante Sodiaal et de la société cible,Entremont, ont comparu et ont été entendus.

II. Description des entreprises

2.1. La partie notifiante

6. La société Sodiaal International, société anonyme, (ci-après « Sodiaal»), filiale à 100 % deSodiaal Union, est un groupe coopératif actif dans la collecte de lait de ses adhérents agriculteurset dans la transformation et la commercialisation d’une large gamme de produits laitiers : lait deconsommation sous forme liquide, fromages à pâte molle et fromages à pâte pressée non cuite,produits laitiers ultra frais (principalement yaourts, desserts lactés, fromage frais), beurre, laits enpoudre destinés aux chaînes de distribution et à la distribution automatique, ingrédients laitiersélaborés et produits diététiques.

7. Sodiaal est actif dans le monde entier mais réalise la majeure partie de son chiffre d'affaires ausein de l'Union européenne et plus particulièrement en France et dans une moindre mesure enBelgique, Allemagne, Italie, Espagne, au Royaume Uni et Portugal.

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8. En Belgique, Sodiaal n'est pas actif dans les stades intermédiaires de la filière du lait, mais estuniquement actif, directement ou indirectement, comme «importateur/distributeur» de produitsaux réseaux des chaînes de distribution et auprès des grossistes des secteurs suivants : le laitliquide, le beurre, les produits laitiers ultra frais, les fromages (fromages à pâte molle et fromagesà pâte pressée non cuite), les poudres laitières destinées aux chaînes de distribution et à ladistribution automatique.

9. Outre ses filiales qu’elle contrôle exclusivement de manière directe ou indirecte, Sodiaalexerce un contrôle conjoint de plusieurs autres entreprises comme :

- Compagnie des Fromages & Richemonts (ci-après CFR), contrôlée conjointement avecBongrain. CFR produit et commercialise des fromages à pâte molle et des fromages à pâtepressée non cuite. CFR est la seule filiale de Sodiaal active sur les marchés des fromages enBelgique ; les activités de Sodiaal en Belgique dans le secteur du fromage se réalisent doncuniquement via cette filiale jointe CFR de Sodiaal et de Bongrain.

- Régilait, contrôlée conjointement avec Laïta. Régilait est active sur le marché des laits enpoudre destinés aux chaînes de distribution et à la distribution automatique. Régilaitcommercialise ainsi en Belgique divers laits en poudre (voir infra, numéro 62).

- Beuralia, contrôlée conjointement avec Entremont. Beuralia transforme (en France) etcommercialise (en Belgique notamment) du beurre (voir infra, numéro 32).

- Nutribio, contrôlée conjointement avec Entremont. Nutribio est spécialisée dans la production etla commercialisation de poudres de laits infantiles, de produits diététiques et d'ingrédients laitiersélaborés (voir infra, numéro 57).

10. Enfin, Sodiaal est également active dans la société Yoplait, sans en détenir le contrôle.Yoplait produit et commercialise des produits laitiers ultra-frais (principalement, yaourts, dessertslactés, fromage frais). En Belgique, Yoplait commercialise des yaourts, des yaourts à boire, desfromages frais, des spécialités laitières, des desserts et des produits laitiers pour les enfants.

2.2. La société cible

11. Entremont Alliance (ci-après «Entremont»), tête du groupe Entremont, est une société paractions simplifiée active dans la transformation et la commercialisation des produits laitiers,principalement des produits fromagers. Ses activités couvrent un large spectre de produits laitiers,de la collecte du lait jusqu'à la vente de produits laitiers finis : les fromages à pâte pressée cuiteet, dans une moindre mesure, les fromages à pâte pressée non cuite, les fromages fondus et lesfromages à pâte molle, le beurre, la poudre de lactosérum destiné principalement à l'industrieagroalimentaire et à l'alimentation infantile, la diététique adulte et la nutrition animale. Demanière plus limitée, sa filiale Eurosérum produit également de la poudre de lait en vrac, […], dubeurre, des poudres laitières, des ingrédients laitiers élaborés et des produits diététiques.Entremont est actif dans le monde entier mais réalise la majeure partie de son chiffre d'affaires ausein de l'Union européenne et plus particulièrement en France et dans une moindre mesure enBelgique, Allemagne, Italie et Espagne. Dans les autres pays de l'Espace économique européen,le chiffre d'affaires n'est pas très élevé.

12. En Belgique, Entremont n'est pas actif dans les stades intermédiaires de la filière du lait, maisest uniquement actif, directement ou indirectement, comme vendeur aux chaînes de distribution etaux grossistes de produits dans les secteurs suivants : les fromages (fromages à pâte cuite et non

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cuite, les fromages fondus et, jusqu'à récemment de manière très marginale les fromages à pâtemolle), le beurre, la poudre de lactosérum et une quantité négligeable de poudres de laits auniveau du commerce interentreprises.

13. Entremont est détenu à 100% par Unifem, qui à son tour est contrôlé par la CompagnieNationale à Portefeuille (en abrégé, « CNP ») à hauteur de 64,2 % et par Unicopa à hauteur de32,9%.

14. Entremont détient, au même titre que Sodiaal, le contrôle conjoint de Beuralia et de Nutribio.

III. Description et but de l’opération

3.1. Description de l’opération

15. Le 2 juin 2010, Sodiaal, Unifem, CNP et Unicopa sont parvenus à un projet d'accordprévoyant la cession par Unifem de 100 % des actions d'Entremont à Sodiaal […]. Cetteopération conférera à Sodiaal le contrôle exclusif sur Entremont et ses filiales.

3.2. But de l’opération

16. L'opération donnerait naissance à un groupe laitier de référence présent sur l'ensemble desmétiers du lait et, dans un contexte de libéralisation du secteur laitier européen, disposant de lataille critique nécessaire pour être compétitif face aux grands groupes laitiers européenscoopératifs ou privés, tels que Friesland Campina (Pays-Bas), Aria (Suède), Lactalis (France),Nordmilch et Humana Milchunion (Allemagne).

17. L'opération permettrait ainsi de constituer un groupe afin de (i) mieux valoriser les excédents,(ii) limiter les effets de cycles, et (iii) bénéficier d'un impact plus important en termes commercialet marketing.

18. Les bénéfices directs de l'opération seraient (i) la création d'un acteur solide capable deproposer une contractualisation "gagnant-gagnant" du prix du lait aux producteurs, et (ii) dessynergies opérationnelles génératrices d'économie.

19. L'opération devrait également faciliter le redressement d'Entremont, actuellement en grandedifficulté ([…] en 2008 et […] en 2009). La reprise d'Entremont par Sodiaal devrait ainsipermettre d'écarter « le spectre d'une déstabilisation supplémentaire de la filière laitière » enFrance.

IV. Champ d’application

4.1. Entreprises

20. La loi définit le terme "entreprise" comme étant "toute personne physique ou moralepoursuivant de manière durable un but économique" (article 1er, 1° de la LPCE).

En l'espèce, il n'est pas contesté que les parties à la concentration sont des entreprises au sens dela loi.

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4.2. Concentration

21. L'opération notifiée consiste en une prise de contrôle exclusif d'Entremont par Sodiaal. Al'issue de l'opération, Sodiaal détiendra 100% des actions et des droits de vote d'Entremont. Ils'agit donc d'une concentration conformément à l'article 6 § 1er, 1° et 2° de la LPCE.

4.3. Seuils du contrôle de concentration

22. Selon l'article 7 § 1er de la LPCE, "(l)es dispositions de la présente section ne s'appliquent quelorsque les entreprises concernées totalisent ensemble en Belgique un chiffre d'affaires, déterminéselon les critères visés à l'article 86, de plus de 100 millions d'euros, et qu'au moins deux desentreprises concernées réalisent chacune en Belgique un chiffre d'affaires d'au moins 40 millionsd'euros."

23. Pour année 2009, le chiffre d'affaires de Sodiaal en Belgique, s’élève à [40-60] millionsd’euros et celui d’Entremont à [40-60] millions d’euros.

24. Les entreprises concernées totalisent ensemble en Belgique un chiffre d’affaires de plus de100 millions d’euros et au moins deux d’entre elles réalisent, chacune en Belgique, un chiffred’affaires individuel d’au moins 40 millions d’euros.

25. Les seuils de concentration prévus à l’article 7, § 1er de la LPCE sont dès lors atteints.

26. L'opération notifiée constitue une concentration au sens au sens de l’article 6, § 1er de laLPCE et tombe dans le champ d’application de ladite loi.

V. Les marchés en cause

27. La partie notifiante a présenté huit marchés de produits en cause (notification, pages 27 et 28 ;rapport motivé établi en application de l’article 55, § 3 de la loi sur la protection de laconcurrence économique coordonnée le 15 septembre 2006, ci-après, « le rapport », page 7) :

(1) Le marché de la collecte du lait.

(2) Les marchés du beurre.

(3) Les marchés du lactosérum et de la poudre de lactosérum.

(4) Les marchés des laits liquides destinés à la consommation.

(5) Le marché des produits laitiers ultra-frais.

(6) Les marchés des poudres de laits infantiles, des produits diététiques et des ingrédients laitiersélaborés.

(7) Les marchés du lait en poudre et du lait concentré.

(8) Les marchés des fromages.

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5.1. Le marché de la collecte du lait

5.1.1. Position des parties

28. Dans la notification (page 29), les activités des parties dans ce marché sont présentéessommairement. Les parties ne sont pas actives dans la filière laitière en Belgique, à l'exception dela vente des produits finis pour les consommateurs et des produits vendus sous marque dedistributeur (MDD) aux clients distributeurs.

5.1.2. Position de l’auditeur

29. Dans la mesure où les parties ne sont pas actives dans la collecte du lait en Belgique, cemarché n’est pas examiné dans le cadre de l’instruction. Les activités de vente des produitslaitiers finis aux consommateurs et des produits MDD aux clients distributeurs sont examinéesdans le cadre des marchés des laits liquides, du beurre, des produits laitiers ultra frais, de laits enpoudre et des fromages (voir ci-après).

L’auditeur conclut qu’il n’y a pas de marché affecté.

5.1.3. Décision du Conseil

30. Le Conseil se rallie à cette position de l’auditeur.

5.2. Les marchés du beurre

5.2.1. Position des parties

31. Concernant la délimitation des marchés de produits, les parties mentionnent que laCommission européenne et le Conseil belge de la concurrence ont déjà pris des décisions dansdes affaires liées aux marchés du beurre (Décision de la Commission européenne, 17 décembre2008, COMP/M.5046, Friesland Foods/Campina ; décision du Conseil de la concurrence du 25août 2004, nr. 2004-C/C-52, CVBA Belgomilk/CVBA BZU Melkaanvoer). Il apparaît ainsi quela Commission européenne a opéré une distinction selon le mode de conditionnement du beurre,entre le beurre en vrac et le beurre en plaquette (notification, page 76).

32. Les parties sont toutes deux présentes sur ces marchés par l’entremise de l’entrepriseBeuralia, entreprise qu’elles contrôlent conjointement (voir supra, numéro 9). Beuralia transformeet commercialise du beurre obtenu à partir des excédents de crème non utilisés par les branchesd'activités du lait de consommation, fromages et produits frais de Sodiaal et d’Entremont.Beuralia permet aux parties de trouver des débouchés aux matières grasses non utilisées dansleurs activités laitières principales. En Belgique, Beuralia commercialise uniquement le beurre envrac.

Outre sa participation dans Beuralia, Entremont intervient également de manière extrêmementmarginale sur le marché du beurre en vrac par l'intermédiaire de sa filiale Eurosérum. Cettedernière ne vend cependant pas de beurre en vrac en Belgique (notification, page 76).

5.2.2. Position de l’auditeur

33. A l'issue de l'Opération, Sodiaal prendra donc le contrôle exclusif de Beuralia.

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34. Dans le cas d’espèce, l’opération doit s’analyser comme le passage d’un contrôle conjoint àun contrôle exclusif. Ce passage est expressément visé parmi les cas d'application de la procédurecommunautaire de notification simplifiée (Communication de la Commission européenne relativeà une procédure simplifiée de traitement de certaines opérations de concentration en applicationdu règlement (CE) n°139/2004, point 5.d.). De même, en Belgique, la procédure simplifiée estprévue pour les cas du passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif (Communication surla notification simplifiée de concentrations du 8 juin 2007, point l. d.).

35. Le passage du contrôle conjoint Sodiaal/Entremont à un contrôle exclusif par Sodiaaln'affectera pas la situation concurrentielle sur ces marchés, compte tenu des liens préexistantsentre les parties avant l’opération et les faibles parts de marché de Beuralia (notification, page77).

36. En conséquence, l’auditeur n’a pas estimé nécessaire de mener une instruction plusapprofondie sur ce marché.

L’auditeur conclut qu’il n’y a pas de marché affecté.

5.2.3. Décision du Conseil

37. Le Conseil se rallie à cette position de l’auditeur.

5.3. Les marchés du lactosérum et de la poudre de lactosérum

A. Le marché du lactosérum

5.3.A.1. Position des parties38. Le lactosérum est un coproduit fatal de la production du fromage. En effet, la production d’un kilogramme de fromage nécessite 10 litres de lait et le résidu de cette opération donne plus oumoins 9 litres de lactosérum. Ce liquide, le lactosérum, est utilisé comme matière première pourla fabrication de la poudre de lactosérum (voir ci-après, numéros 43 et 44).

39. Entremont vend l'intégralité de son lactosérum à sa filiale Eurosérum.

40. CFR, filiale de Sodiaal, vend également une partie de sa production à Eurosérum, le resteétant écoulé sur le marché. Toutes ces transactions sont localisées en France (notification, pages81 et 82).

5.3.A.2. Position de l’auditeur

41. Les parties n’étant pas actives en Belgique dans ce secteur, le marché du lactosérum n’a pasfait l’objet d’une instruction approfondie.

L’auditeur conclut qu’il n’y a pas de marché affecté.

5.3.A.3. Décision du Conseil

42. Le Conseil se rallie à cette position de l’auditeur.

B. Le marché de la poudre de lactosérum

5.3.B.1. Position des parties

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43. La poudre de lactosérum est un produit industriel obtenu par séchage du lactosérum, dufromage blanc, de la caséine ou de produits similaires. La poudre de lactosérum est un produitreconnu pour sa digestibilité, ce qui lui assure de nombreux débouchés dans les secteursnutritionnels et de la santé, en particulier l'alimentation infantile, la diététique adulte ou encore lanutrition animale (notification, page 84).

44. Sur ce marché de la poudre du lactosérum, seul Entremont est actif, via sa filiale Eurosérumqui vend son produit dans 80 pays différents, dont la Belgique (notification, page 85).

5.3.B.2. Position de l’auditeur45. Dès lors que Sodiaal n'est pas un concurrent d'Eurosérum sur le marché de la poudre delactosérum, il n’a pas été jugé utile d’évaluer l’impact concurrentiel de l’opération deconcentration sur ce marché.

Le marché de la poudre de lactosérum n’a donc pas fait l’objet d’une instruction approfondie.

L’auditeur conclut qu’il n’y a pas de marché affecté.

5.3.B.3. Décision du Conseil

46. Le Conseil se rallie à cette position de l’auditeur.

5.4 Le marché des laits liquides destinés à la consommation

5.4.1. Position des parties

47. Le marché des laits liquides destinés à la consommation peut être segmenté sur la base de lapratique décisionnelle de la Commission européenne (Décision de la Commission européenne, 10juin 2003, COMP/M.3130, Aria Foods/Express Dairies. Décision de la Commission européenne,8 août 2001, COMP/M.2399, Friesland Coberco/Nutricia. Décision de la Commissioneuropéenne, 24 avril 2006, COMP/M.4135, Arla/Ingman Foods. Décision de la Commissioneuropéenne, 31 octobre 2007, COMP/M.4842, Danone/Numico. Décision de la Commissioneuropéenne, 17 décembre 2008, COMP/M.5046, Friesland Foods/Campina).

La segmentation est la suivante (notification, page 87) :

- lait frais (y compris le lait demi-écrémé)

- lait de longue conservation non-bio ;

- lait de longue conservation issue de l'agriculture biologique ;

- lait de longue conservation non-bio aromatisé ;

- lait de suite (4 à 12 mois) ;

- lait de croissance (1 à 3 ans).

48. Entremont n’est pas actif sur ces marchés de laits liquides destinés au consommateur. SeuleSodiaal, par l’entremise de Candia, sa filiale, est active sur le marché des laits liquides destinés àla consommation et plus spécifiquement sur les marchés des laits de suite et de croissance(notification, page 88). En Belgique, Candia commercialise des bouteilles de lait UHT, desbriques de lait avec bouchon, du lait aromatisé, du lait enrichi et du lait infantile.

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49. Selon les parties, la concentration n’engendre pas d’effets congloméraux, notamment parceque les produits de lait liquides destinés au consommateur sont achetés par des centrales d’achatdifférentes de celles des autres produits laitiers comme le fromage et les produits ultra-frais(notification, page 89).

5.4.2. Position de l’auditeur

50. En l’absence de tous chevauchements horizontaux des parts de marché des parties -Entremont n’étant pas un concurrent de Sodiaal - et d’éventuels effets congloméraux qui auraientpu résulter de l’opération de concentration, l’auditeur n’a pas jugé utile d’évaluer l’impactconcurrentiel de la concentration sur ce marché. Le marché des laits liquides destinés à laconsommation n’a donc pas fait l’objet d’une étude approfondie (rapport, numéro 47).

L’auditeur conclut qu’il n’y a pas de marché affecté.

5.4.3. Décision du Conseil

51. Le Conseil se rallie à cette position de l’auditeur.

5.5 Le marché des produits laitiers ultra-frais

5.5.1. Position des parties

52. La partie notifiante propose que les marchés pertinents au sein du marché des produits laitiersultra-frais soient (i) le marché des yaourts à valeur ajoutée (ii) le marché du fromage blanc àvaleur ajoutée, et (iii) le marché des desserts lactés. Cette délimitation des marchés est conformeà la jurisprudence de la Commission européenne (Décision de la Commission européenne du 19septembre 2006, COMP/M.4344, Lactalis/Nestlé/JV (II) et décision de la Commissioneuropéenne, 17 décembre 2008, COMP/M.5046, Friesland Foods/Campina).

53. Sodiaal, via sa filiale Yoplait, commercialise des produits laitiers ultra-frais dans chacun desmarchés pertinents précités.

54. Entremont par contre n’est pas présent sur ce marché. (notification, pages 90 et 91).

5.5.2. Position de l’auditeur

55. Dans le cas d’espèce, vu l’absence de recoupement d'activités et les faibles part de marché deSodiaal, l'opération ne sera pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché desproduits laitiers ultra-frais. Le marché des produits laitiers ultra-frais n’a donc pas fait l’objetd’une étude approfondie.

L’auditeur conclut qu’il n’y a pas de marché affecté.

5.5.3. Décision du Conseil

56. Le Conseil se rallie à cette position de l’auditeur.

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5.6 Le marché des poudres de laits infantiles, des produits diététiques et desingrédients laitiers élaborés

5.6.1. Position des parties

57. Les parties à l’opération, Sodiaal et Entremont sont, depuis janvier 2008, par le truchement deleur filiale commune Nutribio, actives sur les marchés des poudres de laits infantiles, des produitsdiététiques et des ingrédients laitiers élaborés (supra, numéro 9). Nutribio produit etcommercialise ses produits sur les trois marchés précités au niveau du commerce interentreprises(notification, page 93).

5.6.2. Position de l’auditeur

58. Eu égard aux faibles parts de marché de Nutribio, quel que soit le marché retenu, l’auditeur aaccepté de limiter l’information transmise par les parties dans le cadre de la notification.

59. A l’instar des marchés du beurre (voir numéro 34 ci-dessus), l’opération doit s’analysercomme le passage d’un contrôle conjoint en un contrôle exclusif. Ce passage à un contrôleexclusif par Sodiaal n'affectera pas la situation concurrentielle sur ce marché, compte tenu desliens entre les parties avant l’opération et des faibles parts de marché existantes. En conséquence,l’auditeur n’a pas estimé nécessaire de mener une instruction plus approfondie sur ce marché.

L’auditeur conclut qu’il n’y a pas de marché affecté.

5.6.3. Décision du Conseil

60. Le Conseil se rallie à cette position de l’auditeur.

5.7 Les marché du lait en poudre et du lait concentré

61. Les jurisprudences belge (Décision du Conseil de la concurrence du 25 août 2004, nr. 2004-C/C-52, CVBA Belgomilk/CVBA BZU Melkaanvoer, M.B. 24 décembre 2004, p. 85700) oueuropéenne (Décision de la Commission européenne du 8 décembre 2004, COMP/M.3535, VanDrie/Schils, p. 4. Décision de la Commission européenne, 24 avril 2006, COMP/M.4135,Arla/Ingman Foods) ont déjà défini le marché du lait en poudre. Par contre, le marché du laitconcentré ne semble pas avoir fait l’objet d’une quelconque analyse. Dans cette perspective, lesparties ont présenté leurs activités dans les deux marchés.

A. Le marché du lait en poudre

5.7.A.1. Position des parties62. Sodiaal, via sa filiale Régilait, contrôlée conjointement avec Laïta, commercialise divers laitsen poudre (écrémé, demi-écrémé, non écrémé) à destination des chaînes de distribution et de ladistribution automatique (hors Belgique) (supra, numéro 9). Cette dernière catégorie comprend lavente aux clients industriels pour utilisation, par exemple, dans des machines à café.

63. Entremont, via sa filiale Eurosérum, commercialise du lait en poudre écrémé. Toutefois, euégard au fait qu’Eurosérum n'a pas de capacité de conditionnement et qu’il se contente dès lors dene vendre de la poudre qu’en vrac, que ses produits sont destinés principalement à […] (et nonpas au consommateur comme les produits de Régilait) et in fine que cette activité de poudreslaitières est de surcroît limitée et accessoire à son activité de lactosérum (qui constitue son coeur

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de métier), les parties considèrent qu'Eurosérum n'est pas concurrent de Régilait sur ce marché(notification, page 94).

5.7.A.2. Position de l’auditeur

64. Afin de clarifier cet éventuel chevauchement d’activité sur ce marché spécifique, la Directiongénérale de la concurrence a interrogé les principaux concurrents de Sodiaal. Les réponses reçuesne laissent aucun doute quant au caractère atypique joué par Eurosérum sur le marché du lait enpoudre : « … Eurosérum ne vend pas de produit directement au consommateur final tel que le faitRégilait. » (dossier d’instruction, Doc. 41, p. 478). En outre, quelle que soit la pressionconcurrentielle exercée réellement par Eurosérum, l’estimation de la part de marché combinéedes parties semble inférieure à [10] %. Dans cette perspective, il n’a pas été jugé opportund’analyser ce marché.

L’auditeur conclut qu’il n’y a pas de marché affecté.

5.7.A.3. Décision du Conseil

65. Le Conseil se rallie à cette position de l’auditeur.

B. Le marché du lait concentré

5.7.B.1. Position des parties66. Sodiaal, via sa filiale Régilait, contrôlée conjointement avec Laïta, commercialise en Belgiquedes laits concentrés sucrés. Les parties estiment sa part de marché inférieure à [0-10]%(notification, page 95).

5.7.B.2. Position de l’auditeur

67. Entremont étant totalement absent du marché de lait concentré, il n’a pas été jugé utiled’évaluer l’impact concurrentiel de l’opération de concentration sur ce marché, qui n’a donc pasfait l’objet d’une étude approfondie.

L’auditeur conclut qu’il n’y a pas de marché affecté.

5.7.B.3. Décision du Conseil

68. Le Conseil se rallie à cette position de l’auditeur.

5.8 Les marchés des fromages

5.8.1. Position des parties69. En l’absence de solution définitive dans la jurisprudence concernant les définitions du marchéà adopter pour la Belgique pour tout le secteur du fromage, les parties proposent de s'appuyer surl'étude Euromonitor qui distingue pour la Belgique quatre familles de fromages qui constituentautant de marchés pertinents (« Cheese – Belgium-Euromonitor International: Country SectorBriefing », novembre 2009) :

(i) Les fromages frais.

(ii) Les fromages à pâte molle (Les fromages à pâte molle sont des fromages fabriqués à partir delait de vache qui ne subissent au moment de leur fabrication ni chauffage, ni pressage. Lesfromages à pâte molle nécessitent un égouttage naturel et un affinage avec développement d'unemoisissure de surface. Ce processus de fabrication permet d'obtenir une pâte onctueuse voire

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coulante à pleine maturation du fromage. Les principaux fromages à pâte molle sont leCamembert, le Brie, les Ovales, le Coulommiers, le Munster, le Maroilles, etc).

(iii) Les fromages à pâte pressée cuite et à pâte pressée non cuite (Les fromages à pâte presséesont des fromages qui se caractérisent par la méthode d'égouttage du caillé qui s'effectue parpressage (ou par filage) et permet d'évacuer le liquide résiduel présent entre les grains du caillé.Ils se caractérisent également par un affinage très long, parfois à température élevée, qui donnedes fromages avec une durée de vie plus longue. Ils sont produits dans leur grande majorité àpartir de lait de vache (notification, page 31)). Et

(iv) Les fromages fondus (Le fromage fondu est un produit fromager dont la matière premièren'est pas le lait mais du fromage à pâte pressée cuite ou non cuite qui est chauffé, pasteurisé etauquel on ajoute de la poudre de lait et des sels de fonte. Les fromages fondus les plus connussont la Vache qui rit (Groupe Bel) et Hochland (notification, page 31)).

70. La partie notifiante considère donc que les fromages à pâte pressée cuite et les fromages àpâte pressée non cuite font partie du même marché.

71. La partie notifiante considère également que les fromages à pâte pressée comprennent lesegment des fromages à raclette et le segment des fromages à tartiflette (le principal fromage àtartiflette étant le Reblochon).

L'existence d'un marché pertinent des fromages à raclette ou des fromages à tartiflette peut, selonla partie notifiante, être écartée en raison de la substituabilité des fromages à pâte pressée noncuite du point de vue de l'offre. Pour la partie notifiante, en effet, un producteur de fromages àpâte pressée cuite ou non cuite peut réorienter aisément et à moindre coût sa production vers lefromage à raclette ou vers le fromage à tartiflette. Le fromage à raclette est l'une des nombreusesvariétés de fromages à pâte pressée qui utilisent pour la plupart la même technique de fabrication.De ce fait, une usine de fromage à pâte pressée cuite ou non cuite peut très facilement fabriquerdu fromage à raclette, le seul équipement additionnel nécessaire étant les moules utilisés pour lepressage, dont la dimension conditionne la forme. La partie notifiante donne ainsi l’exempled’une entreprise qui n'avait jamais produit de raclette et dont l’investissement a été limité àenviron 250.000 euros pour arriver à une capacité de production de l'ordre de 3.000 tonnes par ande fromage à raclette, et elle a effectivement produit plus de 2.000 tonnes dès la première année,correspondant à environ 10 millions d’euros (notification, pages 33 et 64).

Toutes les usines de fromages à pâte pressée cuite ou non cuite, en particulier les usines quiproduisent des Edam ou Gouda, des fromages du type « Sarde », des fromages des Pyrénées, destommes etc., sont capables, selon les parties, de produire du fromage à raclette ou du fromage àtartiflette.

Quant à la substituabilité du côté de la demande, les parties considèrent que dans l'hypothèsed'une hausse légère (5 à 10 %) des prix du fromage à raclette, les consommateurs se reporteraienten premier lieu sur d'autres fromages à consommer chauds (par exemple, fromages à fondue,fromages à tartiflette, etc.), la substituabilité entre les différents types de fromages étant très forte(notification, page 33).

Enfin, la partie notifiante souligne l’absence de décisions de la Commission européenne ou del'autorité de la concurrence belge qui auraient retenu les segments de fromages à raclette ou àtartiflette comme des marchés distincts.

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72. Quant aux préparations pour fondue prêtes à l’emploi, la partie notifiante estime qu’il nes’agit pas d’un marché à part entière, les préparations pour fondue prêtes à l’emploi étantnotamment en concurrence avec les préparations faites maison par les consommateurs. En toutétat de cause, il s’agit, selon les parties, d’une activité marginale pour Sodiaal et Entremont, maiségalement à l’échelle du marché des fromages (notification, page 36).

73. De manière plus générale, la partie notifiante souligne qu’une segmentation par type defromage ne se justifie pas : d’autres décisions de la Commission européenne et de l’Autorité de laconcurrence française ne retiennent pas cette segmentation (notification, page 33) ; du côté del’offre, les procédés de production pour les différents types de fromages à pâte molle sont trèssimilaires et dès lors, les fabricants peuvent passer de la production d'une catégorie de fromages àpâte molle à une autre sans investissement et presque de façon immédiate ; du côté de lademande, la partie notifiante estime que le consommateur ne mentionne en général sur sa « listede courses » que le terme fromage : le choix du type de fromage se faisant au moment de l'achatdevant le rayon.

74. En ce qui concerne l’éventuelle segmentation selon la distinction entre marque de fabricant(MDF) et marque de distributeur (MDD), la partie notifiante considère que pour lesconsommateurs (belges), il n'existe qu'un seul marché sur lequel sont présentes à la fois les MDFet les MDD. Sur ce marché, le consommateur fait son choix au sein d'une offre constituée deMDD et de MDF, toutes concurrentes. Toutefois, « en amont », sur le marché del'approvisionnement de la grande distribution en produits destinés à être commercialisés, unedistinction entre MDF et MDD pourrait en revanche être envisagée. Sur ce marché en amont del’approvisionnement de la grande distribution, seuls les produits commercialisés sous MDDdevraient être analysés (notification, page 35). Le marché des MDD présente en effet descaractéristiques spécifiques : il est organisé par appels d'offres des distributeurs ; les contratsd'approvisionnement sont conclus pour une courte durée, le plus souvent un an, et les positionsdes acteurs sont donc susceptibles d'être remises en cause régulièrement ; et les achats sontconditionnés par le respect de stricts cahiers des charges (notification, pages 34 et 35). Ainsi, parexemple, pour le segment des fromages fondus, trois marchés sont concernés, le marché desfromages fondus vendus au consommateur, le marché d’approvisionnement en fromages fondusMDF et le marché d’approvisionnement en fromages fondus MDD. Cet exemple vaut pour toutesles éventuelles segmentations selon le type de fromage.

75. Globalement, pour ce qui est de activités des parties sur ces marchés, quelle que soit ladélimitation envisagée des marchés de produits, il apparaît que Sodiaal est actif, en Belgique, viasa filiale CFR, dans la commercialisation des fromages à pâte molle et des fromages à pâtepressée non cuite, en ce compris les fromages à tartiflette et les fromages à raclettes. Sodiaal estégalement actif sur le segment spécifique des préparations pour fondue prêtes à consommer.

Quant à Entremont, cette entreprise est active Belgique dans la commercialisation des fromages àpâte pressée cuite, des fromages à pâte pressée non cuite ainsi que des fromages fondus.Entremont, comme Sodiaal, est également actif sur le segment spécifique des préparations pourfondue prêtes à consommer.

La partie notifiante soutient qu’en tout état de cause, la définition exacte de tous ces marchésrelatifs aux fromages peut être laissée ouverte, l’opération ne soulevant aucun problème deconcurrence, quelle que soit la définition du marché retenue (notification, page 36).

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5.8.2. Position de l’auditeur

5.8.2.1. Analyse de la jurisprudence

76. L’auditeur s’est livré à une analyse de la jurisprudence (rapport, numéros 73 à 77),notamment de la décision prise par l’Autorité de concurrence française suite à la notificationauprès de cette Autorité de la présente concentration (Décision n°10-DCC-110 du 1er septembre2010 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Entremont par le groupe Sodiaal).

77. Concernant les marchés de produits, l’Autorité de la concurrence française a, dans laditedécision du 1er septembre 2010, basé son test de marché sur la pratique décisionnellecommunautaire et nationale qui se réfère à plusieurs critères pour segmenter les marchés defromages: (i) la famille à laquelle appartient le produit (par exemple, la distinction entre fromagesà pâte molle et fromages à pâte pressée non cuite), (ii) le canal de distribution (distinction entrefromages destinés aux grandes et moyennes surfaces (ci-après, « GMS ») et les commerces deproximité, fromages destinés à la restauration hors-foyer et produits vendus à l’industrie agro-alimentaire), (iii) le mode de distribution (distinction entre commercialisation en libre-service et àla coupe) ou encore (iv) le positionnement commercial des produits (distinction entre MDD etMDF).

En l’absence de tout problème concurrentiel, la question de la délimitation précise des marchés aété laissée ouverte par l’Autorité de la concurrence française.

Sous cette réserve et en ce qui concerne le point (i) relatif aux familles de produits, l’analyse anotamment distingué le marché des fromages à pâte pressée non cuite (en laissant donc ouverte lapossibilité de segmenter par type de fromage) mais en précisant néanmoins que la distinction d’unmarché du fromage à raclette semblait pertinente en raison de la faible substituabilité de lademande, le marché des fromages à pâtes molles (en laissant également ouverte la possibilité desegmenter par type de fromage) et le marché des préparations pour fondue prêtes à consommer.Concernant le point (iv) relatif au positionnement commercial, l’Autorité française constate quel’analyse du pouvoir de marché de la nouvelle entité issue de la concentration doit, pour chaquecatégorie de produits, d'une part être menée en tenant compte de la concurrence exercée sur lesproduits à sa marque par les autres marques de fabricants et par les MDD et, d'autre part, êtremenée sur le marché amont mettant en présence les GMS et l'ensemble des fournisseurs deproduits MDD.

78. Concernant le marché géographique, dans la décision précitée CVBA Belgomilk/CVBA BZUMelkaanvoer, le Conseil (belge) de la concurrence a considéré que les marchés du fromageindustriel et du fromage pour le consommateur étaient de dimension européenne ou couvraient aumoins une partie significative de l'Europe.

Dans la décision précitée FEM/Entremont/Unicopa, la Commission européenne a analysé lesmarchés du fromage pour le consommateur au niveau national. Dans la décision précitéeBongrain/Sodiaal/JV, la Commission a suivi la même approche.

Dans la décision précitée Entremont/Sodiaal du 1er septembre 2010, l’Autorité de la concurrencefrançaise a analysé les marchés de produits dans le secteur des fromages au niveau national, enprécisant que les préférences, les goûts et les habitudes des consommateurs, les différences deprix, des variations de parts de marché des opérateurs dans les différents pays, et la forte présencede marques nationales justifient cette délimitation. Le test de marché effectué dans le cadre de

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l’opération a confirmé la dimension nationale des marchés de fromages. La question de ladélimitation précise des marchés a toutefois été laissée ouverte.

5.8.2.2. Instruction

5.8.2.2.1. Le marché géographique79. Concernant le marché géographique, dans le cas d’espèce, l’instruction en Belgique a étémenée au niveau national, la délimitation exacte du marché géographique pouvant être laisséeouverte. Il est à noter que certains distributeurs interrogés ont relevé le fait que les appels d’offrepour certains produits MDD s’effectuaient de plus en plus au niveau européen (dossierd’instruction, doc 35, pages 430 à 442).

5.8.2.2.2. Les marchés de produits80. Etant donné les diverses approches et l’absence de position ferme et définitive dans lesdécisions précitées, l’interrogation du marché par la Direction générale de la concurrence anotamment eu pour but de permettre aux différents acteurs du secteur de se prononcer sur unesegmentation éventuellement plus fine (ou plus large) que celle proposée par les parties.

Pour rappel, la partie notifiante propose de s'appuyer sur l'étude Euromonitor dans laquelle sontretenus quatre marchés (les fromages frais, les fromages à pâte molle, les fromages à pâte presséecuite et à pâte pressée non cuite, et les fromages fondus).

81. Les entreprises interrogées ont donc dû se prononcer sur cette présentation. Il leur aégalement été demandé de se positionner sur une éventuelle segmentation plus approfondie selonque l’on segmente les marchés du fromage en fonction :

- du type de fromage (Brie, Camembert, Coulommiers ou encore Munster et Pont l'Evêque)

- de l’utilisation (fromages à usage culinaire ou non)

- du conditionnement (fromages en tranches ou en morceaux)

- de la distinction usage industriel / à destination des consommateurs

- de l’approvisionnement de la grande distribution en produits MDF et MDD.

82. Les avis des tiers sur les éventuels segments des fromages à raclette, des fromages à tartifletteet des préparations pour fondue prêtes à consommer ont également été demandés.

83. Il ressort de cette instruction les éléments suivants :

Par rapport à l’étude Euromonitor

84. En ce qui concerne l’approche de la partie notifiante de définir quatre marchés sur base del’étude Euromonitor (les fromages frais, les fromages à pâte molle, les fromages à pâte presséecuite et à pâte pressée non cuite, et les fromages fondus), des distributeurs, un grossiste et desconcurrents confirment cette vision, mais un distributeur s’y oppose en signalant que « leconsommateur achète ses fromages en fonction d’instants de consommation » (dossierd’instruction, doc 21 page 340) et un concurrent estime que ces marchés définis par Euromonitorsont trop larges (dossier d’instruction, doc 31, pages 406 à 417).

Par rapport à une segmentation plus approfondie des marchés des fromages

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85. En ce qui concerne une éventuelle segmentation plus fine selon que l’on tienne compte dutype de fromage, de l’utilisation, du conditionnement, de la distinction entre usage industriel etfromage à destination des consommateurs ou de la distinction MDF et MDD, il ressort del’enquête de marché que certains distributeurs, un grossiste et certains concurrents sont favorablesà une telle segmentation plus fine, mais d’autres répondants sont plus nuancés.

86. Concernant en particulier la distinction entre MDD et MDF, l’auditeur mentionne notammentla réponse d’un concurrent à propos de l’approvisionnement de la grande distribution en produitsMDF et MDD : « Les modalités d’achat par la grande distribution sont différentes pour les MDFet les MDD ; en revanche le consommateur achètera indifféremment une MDF ou une MDD :pour lui les deux types de produits sont comparables, voir(e) non distinguables.» (dossierd’instruction, doc 35, page 433).

Par rapport à une segmentation entre fromages à raclette, fromages à tartiflette et préparationspour fondue prêtes à consommer

87. L’auditeur pose la question de savoir si les éventuels segments des fromages à raclette, desfromages à tartiflette et des préparations pour fondue prêtes à consommer sont des marchés ensoi.

88. Les distributeurs ayant répondu à la demande de renseignements sont quasi unanimes surl’existence de tels marchés (dossier d’instruction, doc 15, pages 282 à 292, doc 23, pages 351 à368 et doc 21, pages 338 à 340), à l’exception de l’un d’entre eux qui s’y oppose en déclarant que« … ces segments ne représentent qu’une composante d’un marché beaucoup plus globalisé.»(dossier d’instruction, doc 18, pages 313 à 319).

89. Parmi les concurrents interrogés, à l’inverse des distributeurs, trois concurrents n’adhèrent pasà cette segmentation en estimant que ces segments ne peuvent être isolés du reste des fromages àpâte pressée. Seule une société se dit favorable à une telle segmentation parce que les fromages àraclette, fromages à tartiflette et préparations pour fondue prêtes à consommer sont peusubstituable aux autres fromages.

5.8.2.2.3. Conclusion de l’instruction sur la délimitation des marchés90. Pour ce qui est de l’approche de la partie notifiante au regard de l’étude Euromonitor,l’auditeur constate que cette vision semble particulièrement bien refléter l’opinion du secteur. Parcontre, l’instruction n’a pas réellement permis de trancher la question en ce qui concerne leséventuelles segmentations plus fines que ce soit par type de fromage ou plus limitativement endistinguant des marchés spécifiques tels que fromages à raclette, fromages à tartiflette etpréparations pour fondue prêtes à consommer.

Pour ce qui concerne la distinction en fonction du positionnement commercial des fromages, unemajorité semble se dégager pour admettre qu’il existe une approche différente selon que l’on seplace du côté du consommateur (pour lequel il n’y a que peu de différence entre produits MDF etMDD) ou, en amont, du côté de l’approvisionnement de la grande distribution, où une distinctionest généralement faite entre produits commercialisés sous MDF et produits commercialisés sousMDD.

91. Compte tenu de cette absence de consensus, l’auditeur adopte la démarche suivante (rapport,numéros 101, 106 et 107).

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Il considère d’une part l’hypothèse où les fromages à raclette, fromages à tartiflette etpréparations pour fondue prêtes à consommer ne constituent pas des marchés distincts et fontdonc partie du marché pertinent de produits défini plus largement comme le marché des fromagesà pâte pressé non cuite (CFR n’étant pas active sur le marché des fromages à pâtes pressée cuite).Dans cette hypothèse, il n’y a pas de marchés affectés au sens de la loi (rapport, numéros 107,158 et 163). En effet, sur le marché fromages à pâte pressé non cuite, les parts de marchécombinées des parties se limiteraient tout au plus à [moins de 10]% selon que l’on se positionnesur le segment des MDD ou MDF. Sous cette hypothèse, il n’a pas été jugé utile de poursuivrel’instruction.

L’auditeur considère d’autre part l’hypothèse où les fromages à raclette, fromages à tartiflette etpréparations pour fondue prêtes à consommer constitueraient des marchés distincts. Pour cesfromages, les parties possèdent une part cumulée de plus de 25 % et il existerait donc des marchésaffectés au sens de la loi. On entend par « marchés affectés » les marchés de produits en cause surles marchés géographiques en cause sur lesquels les Parties à la concentration exercent desactivités sur le même marché de produits, lorsque la concentration est de nature à créer une partde marché cumulée de 25 % ou plus (Il s'agit alors de relations horizontales). Sous cettehypothèse de segmentation fine des marchés pertinents de produits, l’auditeur mène une analyseconcurrentielle (voir ci-dessous, « VI. Analyse concurrentielle effectuée dans le rapport del’auditeur », numéros 94 et suivants). Sont donc concernés les fromages à raclette, les fromages àtartiflette et les préparations pour fondue prêtes à consommer.

92. De cette analyse concurrentielle, le rapport conclut que l’opération en cause ne risque pas,tant au niveau horizontal qu’au niveau congloméral, de donner lieu à des effets non coordonnésou coordonnés qui affecteraient de manière significative la concurrence effective (voir infra,numéros 122 à 127; voir le rapport, en particulier les numéros 153, 154, et 179).

93. L’auditeur conclut, en ce qui concerne la délimitation précise des marchés du fromage, quecelle-ci peut être laissé ouverte, en l’absence de tout problème concurrentiel (rapport, numéro102), à l’instar de la partie notifiante (voir supra, numéro 75).

VI. Analyse concurrentielle effectuée dans le rapport de l’auditeur

94. Sous l’hypothèse de segmentation fine des marchés pertinents des fromages, les trois marchésbelges affectés au sens où la concentration est de nature à créer une part de marché cumulée de 25% ou plus, sont :

- le marché des fromages à raclette ;

- le marché des fromages à tartiflette ; et

- le marché des préparations pour fondue prêtes à consommer.

95. Pour rappel, comme l’ont préconisé la partie notifiante dans sa notification (voir supra,numéro 74) et les répondants dans l’étude de marché (voir supra, numéro 86), ces trois marchésaffectés se doivent d’être examinés selon que l’on se place du côté du consommateur (sur lequelsont présents les produits MDF et MDD) ou, en amont, du côté de l’approvisionnement de lagrande distribution mais en distinguant à ce niveau les produits commercialisés sous MDF et lesproduits commercialisés sous MDD. Cette approche a également été d’application dans

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l’instruction menée par l’Autorité de la concurrence française dans le volet français de la présenteaffaire (voir supra, numéro 77).

6.1. Les fromages à raclette

6.1.1. Position des parties

96. La partie notifiante estime que l’opération n'engendre aucun problème concurrentiel tant auniveau horizontal qu’au niveau non horizontal.

97. D’une part, la concentration ne génère pas d’effets non coordonnés (notification, pages 63 à65) :

- Les parts de ventes combinées des parties sur les segments des fromages à raclette n'indiquentpas une position de marché qui constituerait une entrave significative à la concurrence.

- Les produits MDD représentent plus de 50% du marché des fromages à raclette et sontparticulièrement ressemblants aux produits MDF (au niveau du prix, de l’emballage, de laréputation, …). Il y a donc une forte pression concurrentielle entre les produits MDD et MDF(voir supra, numéro 74 ; en ce qui concerne en particulier le fromage à raclette, notification, page35).

- Les parts de ventes combinées des parties au sein du segment de l’approvisionnement enfromages à raclette MDD doivent être approchées avec précaution eu égard au caractère atypiquedes contrats avec les chaînes de distribution (appels d'offres internationaux, contrat négociéannuellement, …). En conséquence, la perte ou l'acquisition d'un grand contrat engendre unevariation significative des parts de ventes d'une année à l'autre.

- Le marché du fromage à raclette est un marché relativement « récent » en Belgique, enévolution et sur lequel des entrants potentiels (tout producteur de fromage à pâte pressée noncuite) sont capables d'entrer rapidement et à coût limité, ce qui témoigne de l’absence de barrièretechnique (la notification cite, page 64, un exemple de réorientation de production ; voir supra,numéro 71) .

- Dans l'hypothèse d'une hausse légère à caractère permanent de 5 à 10% des prix du fromage àraclette, les consommateurs se reporteraient en premier lieu sur d'autres fromages à consommerchauds (par exemple les fromages à fondue, les fromages à tartiflette, etc.) puis vers un autre typede fromage au lieu de préparer une raclette, la substituabilité du côté de la demande entre cesdifférents types de fromage étant très forte.

- Les concurrents de CFR et Entremont disposent de capacité de production inutilisées encoreimportantes.

- Les fromages à raclette ne sont de plus pas des AOC (appellations d’origine contrôlée) ou AOP(appellations d’origine protégée), la concurrence potentielle est donc également très forte enl’absence de barrière technique ou réglementaire.

- Les distributeurs ont un puissant pouvoir de négociation, eu égard notamment au nombre deconcurrents présents sur ce marché.

98. D’autre part, en matière d’effets coordonnés, la partie notifiante indique que les conditionsnécessaires pour caractériser l’existence d’un risque d’effets coordonnés telles que retenues par leTribunal de l’Union Européenne à l’occasion de l’affaire Airtours (Arrêt T-342/99, Airtours v

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Commission [2002], ECR, 11-2585, para. 62) et telles qu’exposées dans les lignes directrices surl'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif aucontrôle des concentrations entre entreprises (voir paragraphe 41 ; ci-après, « les lignes directricessur l'appréciation des concentrations horizontales », J.O.C.E. C 31, 5 février 2004, p. 5), ne sontpas rencontrées.

En effet, en premier lieu, la transparence requise sur le segment des fromages à raclette faitdéfaut. Le segment se caractérise en effet par une forte opacité des prix, notamment en ce quiconcerne les négociations commerciales entre les fournisseurs et les chaînes de distribution.Aucun opérateur n'est en mesure de connaître le niveau des marges arrières consenties à chaquedistributeur.

En second lieu, la concentration envisagée entre Sodiaal et Entremont n'engendrera pas pourautant un alignement parfait de comportements économiques entre Sodiaal et CFR qui se trouvesous contrôle conjoint avec Bongrain. Même si Sodiaal est actionnaire dans CFR, cela ne signifiepas que Sodiaal n'exploitera pas les activités d'Entremont reprises dans le cadre de l'Opérationdans son propre et seul intérêt.

En troisième lieu, comme indiqué précédemment, les producteurs de fromages sont confrontés àdes clients de taille majeure, bien souvent supérieure à celle de CFR et Entremont, dont lapuissance d'achat sera de nature à mettre en échec toute éventuelle coordination des producteursde fromages.

Enfin, le risque d’effets coordonnés peut être écarté même en tenant compte du lien structurel quiexiste entre Bongrain et Sodiaal par le truchement de leur filiale commune CFR, parce queBongrain n’est pas présent sur le segment des fromages à raclette (notification, page 65 et 66).

99. La partie notifiante constate également l’absence d’effets non horizontaux sur la base du testanalytique en trois étapes décrit par la Commission européenne dans ses «lignes directrices surl'appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif aucontrôle des concentrations entre entreprises » (J.O.C.E. C 265, 18 octobre 2008, p. 6 ; ci-après,«lignes directrices sur l'appréciation des concentrations non horizontales ») en vertu duquel laCommission examine, d'abord, si l'entreprise issue de la concentration aurait la capacité d'évincerses concurrents, ensuite, si elle aurait l'incitation économique à le faire et, enfin, si une stratégiede verrouillage du marché aurait un effet néfaste important sur la concurrence, causant ainsi despréjudices aux consommateurs (notification, pages 66 et 67).

100. La partie notifiante souligne que les Parties ne présentent pas de position dominante sur lessegments des fromages à raclette, des fromages à tartiflette et des préparations pour fondue prêtesà consommer. Même dans l'hypothèse où le fromage à raclette, le fromage à tartiflette et lespréparations pour fondue prêtes à consommer seraient reconnus comme constituant des marchésdistincts, ces marchés sont trop petits pour conférer à la partie notifiante une possibilité de tirerprofit de leur position sur les autres marchés au point d'empêcher des concurrents d'entrer sur lemarché. Deuxièmement, la vente liée ou groupée de produits fromagers divers ou de produitsfromagers et d'autres produits laitiers, n'est pas rentable, parce que les distributeurs ont unpuissant pouvoir de négociation, eu égard au nombre de concurrents présents sur ces marchés.Enfin, les distributeurs peuvent facilement rechercher les produits d'autres concurrents, étantdonné que pour chacun segment, un nombre suffisant de concurrents est actif.

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6.1.2. Instruction : Réactions des tiers interrogés

101. La quasi-totalité des tiers ayant répondu à l’étude de marché ont reconnu que dans le marchédes fromages à raclette, la part de marché des produits MDD destinés au consommateurreprésente effectivement plus de 50 % des ventes. En outre, ce segment serait, comme le soulignela partie notifiante dans sa notification, en (légère) progression constante depuis de nombreusesannées (Dossier d’instruction, doc 39, pages 467 à 469).

Plus globalement, cette réflexion valant également pour les deux cas examinés ci-après, celui desfromages à tartiflette et celui des préparations pour fondues prêtes à consommer, cetteprogression s’expliquerait par la conjugaison de deux phénomènes :

« a. la croissance de la demande consommateur pour des produits à positionnement « prix devente consommateur » très compétitif, et

b. le développement de l’offre par la distribution qui d’une offre basique évolue en permanencevers une offre plus large (low price, standard, premium) » (dossier d’instruction, doc 35, page434).

102. La question de l’aspect international des appels d’offres en produits MDD auprès desfabricants étrangers (ouvrant ainsi le marché plus largement) a également recueilli à l’unanimitéles avis favorables tant du point de vue des distributeurs que des concurrents.

Un concurrent des parties estime, à ce titre, que : « … on peut affirmer qu’aujourd’hui la majeurepartie des distributeurs nationaux adhère à des centrales d’achats transnationales à vocationeuropéenne. Les appels d’offres sont, par ailleurs, de plus en plus souvent réalisés par Internet surbase « d’enchères inversées ». Le système offre la possibilité à l’ensemble des acteurs industrielsde la grande Europe de participer aux appels d’offres à égale chance de succès » (dossierd’instruction, doc 35, pages 430 à 442).

103. Tout en reconnaissant les conditions spécifiques du segment de l’approvisionnement desfromages à raclette MDD, les tiers interrogés ont tous, hormis un, souligné la forte volatilité desparts de marché au sein de ce segment où : « … la perte ou le gain d’un client sur un petitsegment peut générer des écarts de 10 à 20% sur les parts de ventes de fabricants.» (dossierd’instruction, doc 31, pages 406 à 417).

104. Quant à l’absence de barrière à l’entrée évoquée par les parties, les résultats de l’enquêtesemblent plus mitigés. Alors qu’un concurrent considère que : « les prix bas + desinvestissements importants sont de réelles barrières à l’entrée » (dossier d’instruction, doc 31,pages 406 à 417), un autre estime que : «n’importe quel industriel fabriquant des pâtes presséespeut fabriquer de la raclette ou du fromage à tartiflette. Idem pour les fabricants de fondus oumême de soupe pour la préparation à fondue. » (dossier d’instruction, doc 35, pages 430 à 442).

105. Enfin, en ce qui concerne l’éventuelle substituabilité avec les préparations « faites maison »,les réponses des concurrents sont fort divergentes (dossier d’instruction, doc 18, pages 313 à318 ; doc 39, pages 467 à 469).

6.2. Les fromages à tartiflette

6.2.1. Position des parties106. La partie notifiante estime que l’opération n'engendre aucun problème concurrentiel tant auniveau horizontal qu’au niveau non horizontal (notification, pages 69 et 70).

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107. La concentration ne génère pas d’effets non coordonnés pour les raisons suivantes :

- Les parts de ventes combinées des parties sur les segments des fromages à tartiflette n'indiquentpas une position de marché qui constituerait une entrave significative à la concurrence.

- Les produits MDD représentent plus ou moins 40% du marché des fromages à tartiflette.Certains MDD ne sont pas nécessairement identifiables par les consommateurs et disposent d’unpositionnement similaire à un produit MDF.

- La tartiflette est une recette développée au cours des années 80 qui est encore en voied’émergence en Belgique.

108. Pour le surplus, la partie notifiante renvoie aux arguments exposés à l’occasion de l’analyseconcurrentielle des fromages à raclette.

109. En ce qui concerne l’absence d’effets coordonnés et l’absence d’effets non horizontaux, lapartie notifiante renvoie également aux arguments exposés à l’occasion de l’analyseconcurrentielle des fromages à raclette.

6.2.2. Instruction : Réactions des tiers interrogés

110. En ce qui concerne la question de l’aspect international des appels d’offres en produitstartiflette MDD auprès des fabricants étrangers et les conditions spécifiques de ce segment del’approvisionnement, les mêmes conclusions que celles tirées sur le marché des fromages àraclettes peuvent être faites.

Quant à l’éventuelle substituabilité avec les préparations « faites maison », il apparaît que: « …oui les tartiflettes sont très généralement réalisées avec du Reblochon, et le ‘fromage à tartiflette’est un artifice marketing pour s’affranchir des contraintes de l’AOC Reblochon » (dossierd’instruction, doc 35, page 433).

6.3. Les préparations pour fondues prêtes à consommer

6.3.1. Position des parties

111. La partie notifiante estime que l’opération n'engendre aucun problème concurrentiel tant auniveau horizontal qu’au niveau non horizontal (notification, pages 67 à 69) :

- Les parts de ventes combinées des parties sur les segments des préparations pour fondue prêtes àconsommer n'indiquent pas une position de marché qui constituerait une entrave significative à laconcurrence.

- Les produits MDD représentent plus ou moins 40% du marché des préparations pour fondueprêtes à consommer et sont particulièrement ressemblants aux produits MDF (au niveau du prix,de l’emballage, de la réputation, …). Il y a donc une forte pression concurrentielle entre lesproduits MDD et MDF. En outre, la marque Chalet du groupe Emmi, la référence en la matière,reste leader du marché des préparations pour fondue prêtes à consommer.

- Les préparations pour fondue prêtes à consommer sont en concurrence avec les préparationsfaites maison par les consommateurs.

- Le marché des préparations pour fondue prêtes à consommer ne présente pas de barrièretechnique ou réglementaire. Un entrant potentiel peut s’introduire sur le marché en moins d’un anà faible coût (quelques centaines de milliers d’euros).

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- Dans l'hypothèse d'une hausse légère à caractère permanent de 5 à 10% des prix despréparations pour fondue prêtes à consommer, les consommateurs se reporteraient en premier lieusur d'autres fromages à consommer chauds (par exemple les fromages à tartiflette, les fromages àraclette, etc.).

112. Pour le surplus, la partie notifiante renvoie aux arguments exposés à l’occasion de l’analyseconcurrentielle des fromages à raclette.

113. En ce qui concerne l’absence d’effets coordonnés et l’absence d’effets non horizontaux, lapartie notifiante renvoie également aux arguments exposés à l’occasion de l’analyseconcurrentielle des fromages à raclette.

6.3.2. Instruction : Réactions des tiers interrogés

114. En ce qui concerne la question de l’aspect international des appels d’offres pour despréparations pour fondue prêtes à consommer auprès des fabricants étrangers et les conditionsspécifiques de ce segment de l’approvisionnement, les mêmes conclusions que celles tirées sur lemarché des fromages à raclettes ou à tartiflette peuvent être faites.

VII. Conclusion générale que tire l’auditeur de son analyseconcurrentielle

7.1. Effets horizontaux

7.1.1. Conclusion de l’analyse concurrentielle pour les fromages pouvant constituer desmarchés affectés : fromages à raclette, fromages à tartiflette et préparations pour fondueprêtes à consommer

7.1.1.1. Considérations générales115. Lors de l’instruction, la Direction générale de la concurrence a interrogé différentsintervenants dont des concurrents, des distributeurs et des grossistes. Aucun des tiers interrogésn’a identifié d’autres marchés affectés que ceux potentiellement avancés par l’auditeur et pourlesquels les parties ont, en conséquence, fourni des informations spécifiques : fromages à raclette,fromages à tartiflette et préparations pour fondue prêtes à consommer.

116. Ces trois produits constituent les seuls marchés qui, s’ils étaient considérés comme marchéspertinents, seraient retenus comme étant des marchés affectés au sens de loi.

117. Les réponses reçues ont permis, pour les trois marchés identifiés, de lever certainesincertitudes liées notamment aux parts de marchés élevées des parties. Les arguments sont lessuivants :

- La demande représentée par le secteur de la grande distribution est particulièrement concentréeet les centrales d'achat exercent une pression commerciale très forte sur les fromagers.

- Les contrats de fourniture des fromages MDD sont soumis à des cahiers de charges stricts etsont généralement conclus pour une durée maximale d'un an. Les distributeurs peuvent dés lorsfacilement réorienter leur approvisionnement auprès des acteurs du marché.

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- Les MDD représentent une part des ventes très importante sur les segments du fromage àraclette, des fromages à tartiflette et des préparations pour fondue prêtes à consommer etpoursuivent, comme tout produit fromager MDD, leur croissance « régulière » au détriment desproduits MDF. Pour rappel, les ventes de fromages à raclette MDD représentent plus de 60% dumarché total et plus de 35 % pour les préparations pour fondue prêtes à consommer et lesfromages à tartiflette.

- Les différences entre MDF et MDD ne sont pas ou plus significatives. Les emballages desproduits sont particulièrement ressemblants et les contenus sont souvent comparables en termesde goût et de qualité.

- Les technologies et savoir-faire des fromages à raclette, des fromages à tartiflette et despréparations pour fondue prêtes à consommer sont largement disponibles et ne sont pas soumisesà des brevets, à du savoir-faire ou à d'autres droits de propriété intellectuelle qui limiteraientl'accès au marché.

- Les marchés des fromages à raclette, des fromages à tartiflette et les préparations pour fondueprêtes à consommer constituent des segments de petite taille qui ne pourraient conférer auxparties une possibilité de tirer profit de leur rassemblement.

7.1.1.2. Effets anticoncurrentiels possibles au niveau horizontal118. Suivant l’approche de la Commission européenne reprise dans les lignes directrices surl'appréciation des concentrations horizontales», les concentrations horizontales peuvent, de deuxmanières principales, entraver de manière significative la concurrence effective: elles peuventavoir des effets non coordonnés ou coordonnés.

119. Pour ce qui concerne les effets non coordonnés, une concentration peut entraver de manièresignificative la concurrence effective sur un marché en supprimant d'importantes pressionsconcurrentielles sur un ou plusieurs vendeurs, dont le pouvoir de marché se trouve enconséquence accru. Ainsi, la diminution de ces contraintes concurrentielles peut déboucher surdes augmentations sensibles des prix sur le marché en cause.

120. Les lignes directrices énumèrent un certain nombre de facteurs qui, pris séparément, ne sontpas nécessairement déterminants, mais qui peuvent influer sur la probabilité qu'une opération deconcentration entraîne des effets non coordonnés significatifs :

(i) Parts de marché importantes : la nouvelle entité détiendra des parts de marché importantes (de[20 à 80]% suivant la définition retenue) sur le seul marché du fromage à raclette, mais sans qu’ily ait un risque d’une augmentation significative du pouvoir de marché compte tenu de la petitetaille du marché, de l’existence de concurrents potentiellement importants et de l’absence debarrière technique ou réglementaire au niveau de la production.

(ii) Les parties à la concentration sont des concurrents proches : Sodiaal et Entremont rentrentpartiellement dans cette catégorie mais, dans ce contexte, les lignes directrices précisent qu’il y amoins de risques qu'une opération de concentration entrave de manière significative laconcurrence effective, notamment par création ou renforcement d'une position dominante, s'ilexiste un degré de substituabilité élevé entre les produits des parties à la concentration et ceux deproducteurs rivaux. Or, les produits des concurrents sont de ce point de vue totalementsubstituables. En outre, il est très facile pour un concurrent potentiel de venir sur ce marché avecdes produits identiques.

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(iii) Les clients ont peu de possibilités de changer de fournisseur : ce n’est pas le cas. Les tiersinterrogés ont souligné la forte volatilité des parts de marché au sein de ce marché où les produitsMDD représentent plus de 50% des ventes et où les appels d’offre s’internationalisent.

(iv) Non accroissement de la production des concurrents en cas d’augmentation des prix : ce n’estpas non plus le cas. Les concurrents actuels et potentiels disposent de capacités de productionsuffisantes pour augmenter leurs ventes et ce à un coût relativement limité.

121. En conséquence, l’opération en cause ne risque pas de donner lieu à des effets noncoordonnés qui entraverait de manière significative la concurrence effective sur les marchés encause.

122. Pour ce qui concerne les effets coordonnés, l’auditeur peut se rallier aux arguments avancéspar la partie notifiante lorsque cette dernière se réfère aux caractéristiques des effets coordonnéstelles que retenues par l’arrêt Airtours et constate que de tels effets ne sont pas rencontrées enl’espèce.

123. Compte tenu de ce qui précède, l’auditeur conclut que l’opération envisagée n’aura pas pourconséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative sur ces troismarchés affectés.

7.1.2. Autres marchés horizontaux

124. En vue d’avoir une information complète sur l’impact possible de l’opération sur lesdifférents marchés de fromages concernés sur lesquels les deux parties sont actives (relationhorizontale), l’auditeur a aussi analysé brièvement les parts de marché et la force relative desparties par référence aux différents niveaux de définition de marchés possibles.

7.1.2.1. Marché global du fromage pour le consommateur125. L’auditeur conclut que la concentration ne crée pas de problème de concurrence vu la faiblepart de marché combinée des parties (largement inférieure à 10%) et vu l’existence deconcurrents nombreux et importants.

7.1.2.2. Marché des fromages à pâte pressée126. L’auditeur a analysé de manière distincte les activités des parties sur le marché des fromagesà pâte pressée. Dans la mesure où une distinction peut également être faite entre fromages à pâtepressée cuite et non cuite, un examen a été réalisé par la partie notifiante à la demande del’Auditorat en ce qui concerne le segment des fromages à pâte pressée non cuite, seul segment oùles activités des Parties se recoupent.

127. Ce marché est examiné par l’auditeur tant sur l’aval où la demande émane du consommateurfinal (sur ce marché en aval, tant les produits MDF que les produits MDD sont présents) que surl’amont, où la demande émane de la grande distribution, mais en distinguant à ce niveau amontles produits commercialisés sous MDF et les produits commercialisés sous MDD (voir supra,numéro 95).

128. Quel que soit le marché considéré, l’auditeur conclut que la concentration ne crée pas deproblème de concurrence eu égard au fait que la part de marché combinée des parties est limitée à[5-15]% au maximum et eu égard à l’existence de concurrents d’importance similaire.

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7.2. Effets congloméraux

129. Comme le relève la décision de l’Autorité de la concurrence française du 1er septembre 2010précitée (voir supra, numéro 77), une concentration est susceptible d’avoir des effetscongloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dontla connexité peut lui permettre d’accroître son pouvoir de marché.

130. A la suite de l’opération, outre le renforcement de sa présence - actuellement exercée àtravers CFR - sur les marchés des fromages à raclette et à tartiflette (y compris le Reblochon) quifont partie du marché plus large des fromages à pâte pressée non cuite, ainsi que sur le marchédes préparations pour fondue prêtes à consommer, Sodiaal entrera sur les marchés belges desfromages à pâte pressée cuite (Emmental, Comté, Parmesan et Beaufort) sur lesquels Entremontdispose de parts de marché importantes voire très importantes (notification, pages 48 à 61) etd’une marque « Entremont » reconnue, sur le marché des fromages fondus (avec une part demarché largement inférieure à 10% et une présence uniquement sur le segment MDD) et sur lemarché des fromages à usage culinaire (fromages râpés ) sur lequel Entremont détient une part demarché de [10 à 20] % (avec une présence tant en MDF qu’en MDD).

131. Pour rappel, Sodiaal à travers CFR est présent en Belgique sur le marché des pâtes mollesavec une part de marché de [5-10]% en valeur et [5-15]% en volume. Si l’on retient unedistinction par type de fromage, CFR a des parts en volume, sur le marché du Camembert, de [30-40]% en MDF et [45-55]% en MDD, sur le marché du Coulommiers, de [65-75]% en MDFuniquement et sur le marché du brie, de [50-60]% en MDF et [45-55]% en MDD.

132. Suivant l’approche de la Commission européenne reprise dans les lignes directrices surl'appréciation des concentrations non horizontales, les concentrations non horizontales peuvent,de deux manières principales, entraver de manière significative la concurrence effective: ellespeuvent avoir des effets non coordonnés ou coordonnés.

133. Des effets non coordonnés peuvent principalement se produire lorsque les concentrationsnon horizontales entraînent un verrouillage du marché. Des effets coordonnés se produisentlorsque l'opération de concentration change la nature de la concurrence de telle sorte que lesentreprises qui, jusque-là, ne coordonnaient pas leur comportement, seraient dorénavant beaucoupplus susceptibles de le faire pour augmenter leurs prix ou porter atteinte, d'une autre manière, à laconcurrence effective. Une opération de concentration peut également faciliter, stabiliser ourendre plus efficace la coordination entre des entreprises qui coordonnaient déjà leurcomportement avant l'opération (paragraphes 18 et 19 des lignes directrices sur l'appréciation desconcentrations non horizontales).

134. La Commission rappelle également que les concentrations non horizontales ne constituentpas une menace pour la concurrence effective, à moins que l'entité issue de la concentration n'aitun degré de pouvoir de marché significatif (qui ne se traduit pas nécessairement par une positiondominante) sur au moins un des marchés concernés.

135. En matière d’effets non coordonnés, le principal motif de préoccupation lié auxconcentrations conglomérales concerne le verrouillage du marché. La combinaison de produitssur des marchés liés peut conférer à l'entité issue de la concentration la capacité et la motivationd'exploiter, par un effet de levier, la forte position qu'elle occupe sur un marché en recourant à desventes liées ou groupées ou encore à d'autres pratiques d'exclusion. Les lignes directricesprécisent toutefois que les ventes liées et groupées constituent, en tant que telles, des pratiques

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courantes n'ayant que rarement des effets anticoncurrentiels même si ces pratiques peuventnéanmoins provoquer, dans certains cas, une réduction de la capacité ou de la motivation desconcurrents existants ou potentiels à faire face à la concurrence.

136. La possibilité d’un verrouillage du marché présuppose donc l’existence d’un ou plusieursmarchés sur lequel l’entité issue de la concentration dispose d’un pouvoir de marché significatif àpartir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier. Dans le cadre de l’analyse effectuée parl’Autorité de la concurrence française sur le volet français de l’opération, cette dernière fait enoutre remarquer que « la possession par les parties d'un ou plusieurs produits, ou d'une ouplusieurs marques, considérés par de nombreux clients comme particulièrement importants, voireincontournables, peut conférer à une entreprise un pouvoir de marché, particulièrement si une partsuffisante des acheteurs est susceptible d'être intéressée par l’achat simultané des produits encause et si les concurrents ne sont pas en mesure d'offrir une gamme aussi complète de produitsou un éventail de marques aussi attractifs ».

137. Dans le cas d’espèce, les seuls marchés affectés (horizontaux) sur lesquels la nouvelle entitédispose de parts de marché significatives sont les marchés des fromages à raclette et à tartifletteainsi que le marché des préparations pour fondue prêtes à consommer, qui sont des marchés troppetits pour lui conférer une possibilité de tirer profit de sa position sur d’autres marchés au pointd’empêcher des concurrents d’entrer sur le marché. Il en est de même par rapport aux marchés surlesquels Sodiaal à travers CFR dispose de parts de marché plus importantes (Camembert,Coulommiers ou Brie), outre le fait que les distributeurs gardent la possibilité de s’approvisionnerauprès d’un nombre suffisant de concurrents.

138. Ces mêmes concurrents disposent également d’un large portefeuille de marques et d’unegamme de produits étendue à l’instar de Lactalis (marques Président, Société, Rondelé,…), deBongrain (marques Caprice des Dieux, Saint Albray, Chavroux, Chaumes,…) ou encore de Bel(Babybel, La Vache qui rit, Kiri, Leerdamer, …).

139. La partie notifiante relève en outre avec raison que la vente liée ou groupée de produitsfromagers divers n’est pas rentable parce que les distributeurs ont un puissant pouvoir denégociation, eu égard au nombre de concurrents présents sur le marché.

140 . Cette concurrence entre producteurs est d’autant plus forte en Belgique que les habitudes deconsommation portent non seulement sur les fromages d’origine française mais également surd’autres fromages principalement ceux d’origine belge et hollandaise. L’instruction a ainsi puétablir que la part des fromages d’origine française ne dépassait pas 30 à 45% des ventes totalesdes fromages dans la grande distribution. L’impact de la présente concentration est donc àrelativiser de ce point de vue également, même si les marchés couverts par l’offre de fromagebelge et hollandais se rapportent essentiellement aux fromages à pâte pressée dure.

141. Ce pouvoir de négociation des distributeurs a été confirmé par les concurrents interrogés, quiont notamment indiqué que « Dans le cas mentionné, la’ Force’ reste totalement dans les mainsdu distributeur, en effet, suivant les données Nielsen le rapprochement des industriels concernésreprésenterait une PDM consolidée de moins de [0-10]% du segment des pâtes pressées alors quel’on peut penser que le poids des distributeurs auprès de ces industriels représente au moins [10-20]% du CA des industriels concernés sur la distribution alimentaire. Par ailleurs, de façongénérale et quelque soit le segment du marché, le ‘Pouvoir’ restera toujours entre les mains desdistributeurs ; En effet, de par la concentration de distributeurs, les trois acteurs majeurs sur lemarché belge représente(nt) chacun entre 20% et 30% de part de marché de l’univers alimentaire.

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Ils sont donc incontournables pour les industriels s’adressant aux consommateurs. Il estgénéralement admis qu’un distributeur majeur réalise plus de 20% du chiffre d’affaires d’un’industriel fromager’ alors que le poids de ce même industriel chez un distributeur représente aumaximum 0,5% de CA du distributeur. » (dossier d’instruction, doc 35, page 435).

142. L’instruction a également permis de relever qu’aucune marque distribuée par les partiesn’avait une notoriété suffisante pour être considérée comme incontournable aux yeux desdistributeurs, seul un distributeur considérant les marques « Entremont » et « Richemont »comme incontournables. Cela s’explique notamment par l’importance des produits MDD dans lesecteur du fromage – et ce quel que soit le marché retenu- et par l’existence de nombreuxconcurrents.

143. Pour rappel, en matière d’effets coordonnées, les parties indiquent que les conditionsnécessaires pour caractériser l’existence d’un risque d’effets coordonnés telles que retenues dansl’arrêt Airtours précité ne sont pas rencontrées. En effet, la transparence requise sur le segmentdes fromages à raclette fait défaut. Le segment se caractérise en effet par une forte opacité desprix, notamment en ce qui concerne les négociations commerciales entre les fournisseurs et leschaînes de distribution. Aucun opérateur n'est en mesure de connaître le niveau des margesarrières consenties à chaque distributeur. En outre, la concentration envisagée entre Sodiaal etEntremont n'engendrera pas pour autant un alignement parfait de comportements économiquesentre Sodiaal et CFR qui se trouve sous contrôle conjoint avec Bongrain. Même si Sodiaal estactionnaire dans CFR, cela ne signifie pas que Sodiaal n'exploitera pas les activités d'Entremontreprises dans le cadre de l'opération de concentration dans son propre et seul intérêt. Enfin,comme indiqué précédemment, les producteurs de fromages sont confrontés à des clients de taillemajeure, bien souvent supérieure à celle de CFR et Entremont, dont la puissance d'achat sera denature à mettre en échec toute éventuelle coordination des producteurs de fromages.

144. Pour l’ensemble de ces raisons, le risque d’effets congloméraux qui seraient de nature àporter atteinte à la concurrence sur les marchés du fromage peut être écarté dans le cadre de laprésente opération.

7.3. Conclusion de l’auditeur

145. Les éléments d'information recueillis lors de l'instruction effectuée par la Direction généralede la concurrence ont fait apparaître que l’opération envisagée n’aura pas pour conséquencequ’une concurrence effective serait entravée de manière significative sur les trois marchésconsidérés comme affectés par la concentration, à savoir les marchés des fromages à raclette, desfromages à tartiflette (y compris le Reblochon), ainsi que sur le marché des préparations pourfondue prêtes à consommer. L’opération n’est pas non plus de nature à porter atteinte à laconcurrence par le biais d’effets congloméraux.

VIII. Décision du Conseil

146. Le Conseil se rallie à l’analyse de l’auditeur suivant laquelle la concentration n’aura paspour conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dans lemarché belge ou une partie substantielle de celui-ci, quelle que soit la délimitation précise desmarchés, qui peut, dès lors, être laissée ouverte.

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147. Ainsi, le Conseil décide qu’il n’y a pas de doutes sérieux que la concentration notifiée n’aurapas pour conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dansle marché belge ou une partie substantielle de celui-ci.

Elle doit dès lors être approuvée.

Par ces motifs,

Le Conseil de la concurrence, après en avoir délibéré,

Constate que la concentration notifiée au Conseil de la concurrence dans l’affaire CONC-C/C-10/0021 tombe dans le champ d’application de la loi sur la protection de la concurrenceéconomique, coordonnée le 15 septembre 2006,

Décide que cette concentration est admissible.

Ainsi décidé et prononcé en date du 28 octobre 2010 par la quatorzième chambre du Conseil de laconcurrence, composée de Monsieur Stefaan Raes, président du Conseil de la concurrence etprésident de la quatorzième chambre, Monsieur Christian Huveneers, vice-président du Conseilde concurrence, et Monsieur Pierre Battard, conseiller.

La présente décision est notifiée aux parties à la concentration et au Ministre qui a l’Economiedans ses attributions, conformément à l’article 67 de la loi sur la protection de la concurrenceéconomique, coordonnée le 15 septembre 2006.