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Emilien Rosson Promotion 2011 ESAA 3 CONTRE- NATURE MÉMOIRE DE DIPLÔME analyse des rapports entre l’homme occidental et son environement

Contre Nature

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Mémoire de diplôme

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Comment l’homme occidental perçoit-il la nature ?

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Sommaire

Préface

Introduction

L’homme au centre de ses propres considérations

Une profonde indifférence

S’approprier la nature

La Nature un faire-valoir

Rapports de domination entre homme et nature

L’Homme fuit sa condition animale

Dominer, à tout prix

Une peur profonde

L’éducation

L’Homme et la nature en harmonie

Un regard sensible

Une vision fascinée de la nature

Vivre en harmonie avec la nature : croyances et chamanisme

Conclusion

Bibliographie

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POURQUOI CE SUJET

Etudiant en communication visuelle, on peut au premier abord se demander quelles raisons m’ont poussé à m’intéresser à un sujet aussi éloigné des préoccupations commerciales. Et pourtant, ces deux aspects de ma vie, à savoir la nature dans mes loisirs et la publicité dans mon travail et mes études, ne sont pas totalement incompatibles. Aujourd’hui business et nature se côtoient très souvent. Pour certaines choses, ces deux concepts sont même presque devenus inséparables. Nombreuses sont effectivement les entreprises qui veulent refléter une image écolo voire même être qualifiées de «nature friendly». Durant mes 5 mois de stage en agence de communication, j’ai observé de nombreuses sociétés qui souhaitaient relifter leur charte graphique. Bien souvent, leur choix se tournait vers des propositions aux couleurs vertes et aux formes arrondies : leur demande n’étaient ni plus ni moins qu’un green washing. Il faut dire que ma réflexion sur le sujet était déjà bien entamée lorsque j’ai commencé mon stage, et mes observations n’ont fait que confirmer mes propres aprioris sur la question.

La nature, le végétal, le bio, en somme le vert sont des leviers très puissants en marketing. La dimension écologique d’un produit est éga-lement intergénérationnelle, puisqu’on implique toutes les générations dans le mouvement de préservation et de sauvegarde de notre planète.Ces observations dans le monde de la communication et mes propres intérêts pour le jardinage ou les promenades en forêt m’ont donné envie de découvrir les raisons profondes de ce fonctionnement, de comprendre comment l’homme se comporte face à la nature, ce qu’elle représente pour lui.

Préface

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Cette analyse, en amont d’un travail de communication, est un effort que j’ai eu envie de faire pour mieux comprendre le monde qui m’entoure, mon propre fonctionnement et celui des gens que je ne comprends pas, répondre à des questions que je me pose depuis longtemps. Pour moi, cette étude a non seulement été une réflexion personnelle nécessaire pour mon développement mais aussi un réel plaisir de travailler sur un sujet qui me passionne depuis l’enfance.

DIFFICULTÉS RENCONTRÉES

La première des difficultés que j’ai rencontrée au cours de ma ré-flexion a d’abord été de trouver des ouvrages sur le sujet. Malgré la vague verte qui s’abat sur nos habitudes de vie et de consommation, rares sont les auteurs et philosophes à s’être réellement penchés sur la question. Une fois ces textes (pour la plupart philosophiques) trouvés, il a ensuite fallu les comprendre, chose qui n’a pas toujours été aisée. Mais je dois dire que j’ai fait de belles découvertes au cours de mes recherches.

DÉLIMITATION DU SUJET

Pour des raisons d’intérêts mais aussi pratiques, j’utiliserai souvent le monde végétal comme exemple, ce qui réduit inévitablement la nature globale, mais je pense que ces exemples et cette réflexion seront applicables à l’ensemble de la faune et de la flore.

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IntroductionOn estime que plus de 70 % de la population des pays développés vit en milieu urbain. Les villes ont d’ailleurs longtemps été considérées comme le milieu le plus propice pour s’épanouir. Mais dans un univers entièrement humanisé y-a-t’il encore de la place pour la sensibilité?Le monde occidental dans lequel nous vivons est régi par la science, la technique.

Quelle vision avons nous de la nature? Pourquoi cherchons-nous à affirmer notre suprématie sur le reste de la nature?

La nature semble si dangereuse qu’il est indispensable pour l’homme de se protéger. On pense immédiatement aux catastrophes naturelles. Mais est-ce la seule raison de cette volonté de domination ?Avant toute chose, il me semble indispensable de comprendre préci-sément ce qu’est la nature.

Nature n.f. (lat. natura) Ensemble du monde physique,considéré en dehors de l’homme. Ensemble de ce qui, dans le monde physique, n’apparaît pas comme transformé par l’homme. 1

Par définition, la nature correspond à l’ensemble des éléments que la main de l’homme n’a ni modifié, ni créé. La nature, c’est le sauvage, le laisser-aller, l’incontrôlable, le spontané, la non-humanité. Le mot natura en latin signifiait d’ailleurs l’acte de naissance, et désignait un état naturel et constitutif des choses.Quand on parle de nature, on imagine immédiatement une grande étendue d’arbres, une forêt profonde, une chaine de montagnes, un fond marin, bref de grands espaces. C’est notre première image d’une nature vierge, puissante, impénétrable, incontrôlable. La plupart d’entre nous penseront d’ailleurs immédiatement à la forêt amazo-nienne, grand symbole de la nature indomptable.

1 Dictionaire Encyclopédique Auzon

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Mais où s’arrête notre imagination, et notre représentation de la nature ? Après tout, une mauvaise herbe au fond d’un caniveau d’une grande ville est aussi un élément naturel. Ce brin d’herbe n’a pas eu besoin d’intervention humaine pour se développer, et même si un homme avait déposé initialement une graine, il est difficile d’imaginer quelle force totalement étrangère à l’être humain elle a déployé pour germer puis devenir une jeune pousse dans un environnement tout à fait hostile à sa pérennité.

Cette mauvaise herbe qui évolue et croit dans un milieu façonné par l’homme, fait de béton, métal, et autres matériaux composites (assemblage d’au moins deux matériaux non miscibles, le plus souvent extraits de la nature : pétrole, minerais, matières organiques). Et pourtant… cette mauvaise herbe est bien un élément naturel ! Ainsi, l’agence d’écologie urbaine a recensé plus de 1000 espèces végétales sauvages dans notre capitale. Pour les découvrir, il suffit de baisser les yeux, de passer derrières les palissades de chantiers, ou de mu-sarder le long des voies ferrées. Amenées par le vent ou transportées par des ailes d’oiseaux, les graines prennent racine partout où elles le peuvent : dans les interstices des trottoirs, au pied des monuments ou dans les bacs à sable des enfants1. « Une plante, c’est costaud, et plus autonome qu’un animal» explique Caroline Dagneau, botaniste de l’agence d’écologie urbaine. Il suffit d’une fissure dans un mur pour que s’installe un lichen, une mousse ou une fougère. Voici quelques exemples de ces plantes hyper-résistantes que nous considérons, la plupart du temps, comme des « mauvaises herbes » : le chardon, la mauve des bois qui apprécie les terrains parisiens où les chiens viennent uriner, le coquelicot, le pissenlit dont la graine vole au vent et se disperse facilement.

1 Magazine GEO, Où trouver la nature à Paris ? n°379 - Septembre 2010

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« C’est parce que nous ne les avons pas faits, parce qu’ils étaient là avant nous ! Parce que leur être se déploie sans notre intervention ! ». Cette citation de François Terrasson, écrivain et naturaliste français, montre bien ce qu’est l’élément naturel. Il s’oppose alors complète-ment à l’art, sous sa forme d’artisanat, de création, et d’ingénierie tout droit sorti de l’esprit humain. La nature c’est ce qui se crée par soi-même. Mais à l’heure des organismes génétiquement modifiés, cette repré-sentation ne parait plus aussi nette. Pourtant, c’est bien cette diffé-rence entre nature et technique qui est souvent mise en exergue par les naturalistes et autres spécialistes. La plante se crée elle-même, le plus souvent sans intervention humaine, et souvent contre la volonté de l’homme : c’est le concept de la mauvaise herbe, de la plante enva-hissante qu’on ne peut pas stopper dans son expansion, ou alors en utilisant des moyens radicaux relevant de la technique.

Face à une telle spontanéité, l’homme a des réactions très contrastées qui bien souvent se traduisent par un violent rejet de l’élément naturel. C’est sur ce point que portera ma recherche.

Pour mener à bien cette étude nous nous intéresserons premièrement à l’homme occidental, qui vit au centre de ses propres considérations.Dans un deuxième temps, nous analyserons les rapports de domina-tion entre homme et nature.Enfin, nous verrons que les relations hommes / nature peuvent se dérouler totalement différemment. Certains comportements de fascination voire de fanatisme nous le prouveront aisément.

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Pour comprendre les rapports entre homme et nature, il est nécessaire d’observer les différents types de comportements que l’homme peut avoir au sein de la nature. Cette observation de l’éthique des rapports homme / nature doit nous permettre de comprendre comment l’homme se perçoit face à la nature (supérieur à cette dernière, inférieur ou égal) mais aussi les règles qu’il se fixe dans ses rapports à la nature et ce à quoi il donne de l’importance. En somme, quelle vision l’homme a-t-il de la nature ?

Pour beaucoup de personnes, il n’y a que deux mots qui collent à l’adjectif naturel : ressource naturelle et catastrophe naturelle.1

Cette majorité de personnes considère la nature comme une res-source exploitable de laquelle on peut puiser toutes nos matières premières, mais qui s’avère mystérieuse et risquée.

La plupart des hommes ont une éthique anthropocentrique, or la principale caractéristique de l’anthropocentrisme est de prendre l’homme comme référence pour mesurer tous les éléments qui l’entourent. Ceci implique que tout ce qui s’éloigne trop de l’homme sera considéré comme inférieur.

On entend parfois dire que l’homme est atteint d’anthropomorphisme ; c’est à dire qu’il ne s’intéresse qu’à ce qui se rapproche de lui.Le fonctionnement des plantes, par exemple, est si différent de celui de l’être humain que l’on ne leur accorde aucune valeur intrinsèque, aucune valeur en tant que plante. Il est d’ailleurs aisé d’observer que l’homme ne s’intéresse qu’aux éléments proches de lui, qui lui sont semblables. Ainsi, Francis Hallé, professeur de biologie, remarque que l’on accorde que très peu d’at-tention aux plantes sauf si elles présentent un caractère très proche des humains : « Dans tout jardin botanique, c’est auprès des plantes

1 Vincent Roca, chronique sur France Inter : l’homme et la nature

Une profonde indifférence

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carnivores que se presse la foule, bien qu’à la vérité, elles soient plutôt ternes et d’aspect austère […]. Mais elles ont un caractère qui les rend attrayantes. » Ce caractère qui les rend attrayantes, c’est le caractère «carnivore» que nous avons en commun. Ces plantes sont plus proches de nous que les autres végétaux, nous leur accordons donc plus d’attention.

De par leur immobilité, leur silence, les plantes n’attirent pas notre attention. Leur existence est, en effet, terriblement éloignée de la nôtre. Elles font partie du paysage et ce paysage stable évolue dans un référentiel totalement différent du nôtre. En une journée nous par-courons des dizaines, des centaines de kilomètres, parfois même plus ; une plante, même en ayant une croissance très rapide ne gagne-ra qu’une dizaine de centimètres au maximum. Si peu que l’homme ne remarquera aucun changement.

Les plantes, si éloignées de nous, perdent ainsi tout intérêt. On va même jusqu’à oublier qu’elles sont vivantes en les considérant comme de simples objets immobiles.

Un petit enfant qui arracherait les feuilles d’un buisson ne se fera ainsi pas gronder, puisque la plante est si éloignée de l’homme qu’on ne lui accorde aucune valeur intrinsèque. Sauf si cette plante possède une valeur financière, c’est à dire que la plante est considé-rée comme un objet, une décoration ayant une valeur instrumentale. En arrachant une patte à un animal, il serait vu comme sans pitié et sans coeur car l’animal nous ramène plus à notre propre condition qu’un simple végétal.

Nous considérons donc la nature comme « notre chose ». Elle nous appartient. Et même si nous ne lui accordons aucune valeur intrinsèque, elle possède une valeur utilitaire que nous exploitons à outrance.

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Actuellement, il est bien perçu d’aimer la nature, c’est le signe d’appartenance à une classe socioprofessionnelle supérieure. La nature, le monde végétal plus particulièrement est vu comme un passe-temps qui permet de s’élever par rapport au quotidien, ou d’avoir bonne conscience sur la compréhension de l’importance de l’environnement. Tout le monde veut, désormais, avoir chez lui un échantillon de nature : une plante verte, des produits « bio », un jardin, un potager, un mur végétal …

Cet intérêt pour la nature s’explique plus par l’image authentique et respectueuse que les autres vont nous renvoyer de nous-même que par un réel attachement profond pour l’élément naturel. De nombreuses plantes sont d’ailleurs devenues de véritables objets statutaires ! Quoi de plus tendance que de posséder un Zamioculcas zamiifolia du Zanzibar ou toute autre plante dépolluante. On a d’ailleurs vu naître, ces dernières années, des chaines de magasins qui ont su profiter de cette mode : des jardineries où se mêlent plantes exotiques, accessoires tendances pour le jardinage, produits bio, livres et manuels. Profitant de ce créneau, des grandes chaînes comme Botanic ou Nature et Découverte (pour ne citer qu’eux) ont vu le jour dans les grandes villes, dans les plus grandes rues commerçantes, là où, au premier abord, le jardinage parait bien loin des préoccupations quotidiennes. Même les enfants ont désor-mais leur petite fierté en montrant à leurs amis leur tout nouveau viva-rium à fourmis, leur caisse à outils de jardin, ou leur dernière panoplie du parfait petit naturaliste. Et quel bonheur et quelle satisfaction pour les parents de constater que leurs enfants préfèrent martyriser une colonie de fourmis plutôt que de passer la journée devant un jeu vidéo!

S’approprier la nature

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La nature que nous envisageons nous la voulons adaptée à nos besoins, à nos envies, et à notre mode de vie. Aujourd’hui, toutes les plantes d’appartement que l’on peut trouver en jardinerie portent une étiquette ventant leur résistance en milieu domestique : « Plante tropicale indestructible […], air sec, radiateurs électriques, animaux domestiques, cette plante vivace a la capacité de quasiment tout supporter » (exemple tiré de l’étiquette de cette fameuse plante dépolluante : le Zamioculcas) . Une plante n’est tout de même pas un animal et elle doit, dans l’idéal, nous apporter le moins de contraintes possibles ! Peu d’arrosage, résistante au gel, ne craint pas l’obscurité, sont aujourd’hui des arguments qui font mouche auprès des consommateurs qui tiennent malgré tout à leurs loisirs, et à pouvoir partir en vacances sans trop se soucier du devenir des plantes vertes. Or de question, pour les jardiniers des temps modernes, de passer des après-midis entières à prendre soin, couvrir avant l’hiver ou arroser leurs plantations.

Certains extrêmes en sont même arrivés à acheter des plantes en plastique. Il faut reconnaitre, que niveau entretien, elles ont le mérite d’être imbattables !

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Ce qui peut également frapper aujourd’hui, c’est que l’on trouve désormais chez les particuliers des plantes qui ne sont pourtant, au départ, pas du tout adaptées au climat : des palmiers, des bananiers, des oliviers, des kiwis, des orchidées ...etc. Ces plantes exotiques ont le vent en poupe dans les jardineries à la mode ( Botanic, Jardiland, Nature et Découverte …), et leur culture est devenue un réel loisir et une réelle fierté pour les particuliers qui les cultivent sur leurs terrasses, au bord de leurs piscines, ou sur leurs balcons. Ces plantes ont été scientifiquement modifiées pour s’adapter à notre météo, on utilise même des engrais adaptés afin de les faire fleurir ou de leur permettre de résister au froid, au gel ou à la pluie. Plus la plante est exotique et méconnue, plus elle sera prisée du grand publique.La plante a donc dû subir des modifications pour s’accommoder aux envies des consommateurs d’aujourd’hui.

Dans son ouvrage Peur de la Nature, François Terrasson, écrivain et naturaliste, explique que la vision de la nature de la plupart des hommes est faussée. Cette vision basée sur des images irréalistes générerait une déception si ces spectateurs découvraient la nature réelle, grandiose, parfois répugnante, où le sublime peut côtoyer l’immonde. Dans la région des Dombes, dans l’Ain, le pays aux mille étangs, tous les ans, dès les premières chaleurs, l’eau des étangs et des marres se couvre d’une épaisse couche de vase à l’odeur nauséabonde. Mais de cette vase si fertile, naissent alors de magnifiques iris jaunes d’une délicatesse exceptionnelle. On comprend alors, en observant ce spectacle ce qu’est la « vraie » nature : sa puissance, sa diversité. Mais rares sont les personnes à bien vouloir supporter un pareil désagrément pour une simple fleur !

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Or actuellement, la demande est si forte que « l’homme urbain […] modifie la nature pour tenter de la rendre semblable à une concep-tion passablement névrotique. » 1 La nature me valorise : elle est ma chose, et je peux l’utiliser comme objet statutaire. C’est ainsi qu’elle est vue aujourd’hui à travers notre société.

Le simple fait de servir à table une tomate poussée sur le balcon, d’assaisonner une salade avec un brin de basilic tout droit venu du pied, valorisent le plat, la cuisinière, et le jardinier.

Mais cet attrait pour la nature comme je la veux, comme je l’ai déci-dée, ne date pas d’aujourd’hui. Pour ne citer que ce fameux exemple, il suffit de visiter les jardins à la française de Louis XIV pour se rendre compte que posséder son petit coin de nature, a toujours été une fina-lité et un faire-valoir. A Versailles, le roi avait imaginé le plus futuriste des potagers.2

1 François Terrasson, La peur de la nature, Sang de la Terre2 Magazine GEO, Où trouver la nature à Paris ? n°379 - Septembre 2010

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La nature serait-alors devenue un faire-valoir au sein de notre société. Pour en être sur, il suffit de flâner dans les rayons des super-marchés consacrés aux produits cosmétiques : shampooings au gingembre, noix de cajou, orties, eucalyptus, olivier, pamplemousse… La marque le Petit Marseillais en a même fait sa ligne de conduite : « Restez nature ! » est devenu l’un de leurs slogans. Et à voir la confiance que la plupart des consommateurs accordent à ce genre de produits, on se dit que le naturel est vraiment devenu un gage de qualité. On retrouve dans cette même direction des marques comme Yves Rocher et sa fondation « Plantons Pour la Planète », qui lui permet de donner une image tendance et naturelle à sa marque tout en continuant à utiliser des parabènes (dérivés obtenus au bas des colonnes de distillation du pétrole) dans ses crèmes. Après tout, puisque le vert fait vendre et est aujourd’hui très tendance, pourquoi ne pas surfer sur cette vague verte ?

La marque de cosmétiques Garnier compte sur l’image tendance des plantes exotiques les plus lointaines (grenade, fleur de lotus, tiaré, cactus mexicains, algue rouge...). Car c’est justement sur cet aspect mystérieux, cette puissance inexpliquée des plantes que les commu-nicants jouent pour réaliser un ensemble de packaging qui une fois accumulés en rayon créent un véritable bosquet végétal. En utilisant ainsi les pseudo-propriétés médicinales ou techniques des plantes, ils donnent aux produits un aspect sain et efficace. C’est un véritable «green washing» que cette marque a mis en place, en basant l’inté-gralité de sa communication sur le végétal sans toujours en justifier l’utilisation.

La Nature un faire-valoir

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1 Marketing Magazine N°121 - 01/04/2008

Ces stratégies marketing à première vue hypocrites ne sont qu’une réponse à ce que Aurélie Charpentier, rédactrice du magazine Marketing appel «La soif d’idéal». Les consommateurs cherchent à se valoriser eux même au travers de leurs achats. C’est une forme de consommation relativement nouvelle qui nécessite des produits en harmonie avec l’environnement.1

Si cette demande en nature dans les produits de grande consom-mation est si importante c’est que les consommateurs ressentent le besoin d’un retour à la nature, à l’essentiel...Cet intérêt pour les plantes, cette valeur qu’on leur accorde ne sont qu’un leurre qui nous permet de nous donner l’illusion d’une réconci-liation entre l’homme et la nature et par conséquent d’avoir un mode de vie sain.

Pourtant, ces produits sont bien souvent une simple enveloppe marketing qui cache une domination profonde de la nature.

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L’homme est un élément de la nature, doté d’une âme et d’une culture.

La rupture créée entre ceux qui parlent et ceux qui ne parlent pas est à l’origine d’une hiérarchie des espèces pour laquelle l’homme se situe au sommet. Pour tracer la frontière entre l’homme et le reste de la nature, il suffit de marquer son entrée dans la culture.1

Mais, dès l’instant où «l’on franchi le Rubicon du langage, tous les objets sont infiltrés du sens dont nous les imprégnons.»2

Pour Boris Cyrulnick, c’est parce que nous évoluons dans un monde de représentations abstraites qui méprisent le réel que nous en sommes venus à dédaigner nos racines animales, scandaleuses, blasphématoires, pour un homme qui en parlant, fait preuve de son âme.

De tous temps, l’homme a toujours cherché à fuir sa condition animale. Le mythe de Prométhée suggérait déjà la nécessité de faire usage de la technique pour dépasser la faiblesse de notre condition.Dès la fin du XVIIème siècle, l’homme acquiert des connaissances scientifiques et physiques telles, qu’il se sent capable de dominer la nature. C’est d’ailleurs en 1637 que Descartes publie Le discours de la méthode dans lequel il dit avoir découvert une conception de la science qui permet à l’homme de dominer la nature. Il exprime l’importance des connaissances physiques approfondies dans le but «de nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature.»3

La rationalité scientifique permet à l’homme de se détacher de ses sensibilités, de ses peurs, en proposant de reconstruire la nature. Cette volonté dominatrice nous pousse à vivre contre la nature ou du moins en coexistence forcée.

L’Homme fuit sa condition animale

1 http://sergecar.perso.neuf.fr/prepa/nature.htm2 Boris Cyrulnik, L’Ensorcellement du monde, Odile Jacob Poches3 Descartes, Discours de la méthode

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Nos rapports à la nature n’ont cessé de se codifier, de se durcir, de se charger de constructions scientifiques, de gagner en souveraineté. Pris entre l’angoisse de la conservation des espèces et les appétits voraces de l’industrie et de l’agriculture intensive, les hommes ont fait de la nature leur chose. 1

D’ailleurs, quand Martin Heidegger analyse «le monde de la tech-nique» dans lequel nous évoluons, il parle d’un «arraisonnement de la nature». Arraisonner la nature, c’est la soumettre à la volonté de l’homme, dans le but d’y puiser toutes les ressources dont il a besoin.L’homme se nourrit de son environnement. Il est vrai que l’homo erectus était non seulement un chasseur, mais également un cueil-leur. Notre alimentation omnivore nous a donc poussé à exploiter les ressources naturelles afin d’être nourris suffisamment et à notre goût. L’alimentation n’est plus qu’un besoin, elle est devenue un plaisir, voire un loisir.

Pour satisfaire l’estomac de l’humanité, l’homme n’a donc pas hésité à détruire une partie de la forêt Amazonienne pour convertir les zones boisées en champs d’agriculture (le plus souvent de soja). Plus du cinquième de la forêt amazonienne a déjà été détruit, et celle qui reste est menacée. En l’espace de seulement dix ans, la surface de forêt perdue en Amazonie atteint entre 415 000 et 587 000 km². Selon un scénario admis par la Banque mondiale, on envisage au rythme actuel que 40 % de l’Amazonie aura disparu en 2050. Certaines hypo-thèses, et leurs conséquences sur le climat mondial, sont encore plus alarmistes.2

1 Yue Dai Yun et Anne Sauvagnargues, La Nature, Presse littéraires et artistiques de Shanghai2 Chiffres tirés de l’article Wikipedia sur la forêt Amazonienne

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Ainsi la terre perd sa valeur naturelle et devient le support qui permet de produire des aliments. A force de chercher son propre profit, l’homme à établi un rapport utilitaire avec le monde qui l’entoure. La rationalité scientifique l’a emporté sur la sensibilité et l’homme ne pense plus, il calcule.Pour se satisfaire, il a eu recours aux pesticides, herbicides, et autres fongicides qui l’ont aidé à maîtriser les petits désagréments de l’agriculture et à augmenter sa rentabilité. Mais pour l’instant, les conséquences de telles utilisations ne sont ni maitrisées ni vraiment connues et le marché du « Bio » se développe allégrement dans l’alimentation pour les nombreux sceptiques.

L’homme s’approprie également les végétaux en modifiant leurs propriétés et en adaptant les plantes selon ses envies et ses besoins : ainsi, on trouve désormais des maïs qui poussent sans irrigation, des kiwis greffés pour lesquels l’association mâle/femelle n’est plus nécessaire, des tomates ou des fraises qui poussent sans terre (en hydroponie ou même en aéroponie), ou même des brins de blés qui comportent 20 graines plutôt que 10 pour le blé traditionnel. Toutes ces techniques ont été développées afin de permettre à l’être humain d’assouvir ces besoins en loisirs et en alimentation sans contrainte de saisonnalité.

Les OGM (organismes génétiquement modifiés) comme le maïs sans eau ou le soja résistant aux maladies et aux insectes permettent éga-lement de produire en agriculture intensive des céréales tout au long de l’année pour une population toujours grandissante, quelque soit le lieu, et quelques soient les nuisibles présents. Ainsi de grandes firmes comme Mosanto (dont le slogan est tout simplement « Imagine ! » ) ont vu le jour en s’emparant du marché de la modification génétique des végétaux.

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On parle même de biotechnologies. La nature est devenue un produit que l’on développe tout comme les autres produits industriels, en bureaux d’études.

La production d’énergie est aujourd’hui une des raisons principales de destruction de notre environnement. En premier lieu, on pense à l’énergie nucléaire qui questionne actuellement la plupart de nos dirigeants. Après l’explosion de la centrale de Tchernobyl en 1986 puis les accidents de la centrale de Fukushima en 2011, la planète entière a été amenée à s’interroger sur ce que notre société à produit de plus surnaturel : la fission du noyau d’un atome. Cet exploit scientifique, réalisé grâce aux travaux d’Albert Einstein, nous a permis de four-nir des millions de personne en électricité lors de ces 30 dernières années, mais n’oublions pas qu’ils nous a aussi conduit à des catas-trophes sans précédent comme à Fukushima ou Tchernobyl, où des milliers de km² sont devenus complètement inexploitables et malsains.

Conscient de cet impact négatif sur son environnement l’homme met en place des solutions pour en minimiser les conséquences. Il veut s’affranchir de cette image de destructeur ou de pollueur en récon-ciliant homme et nature. Mais ces solutions, elles-mêmes, continuent à placer l’homme comme dominateur de la nature. Les parcs naturels protégés illustrent cette «volonté générale de gouverner la nature en lui accordant le statut d’un bien à protéger».1

On assiste alors à la mise en place d’aménagements d’espaces verts qui doivent permettre de sauvegarder la nature. Mais la nature se trouve contenue, maitrisée, et toute propagation extérieure est sou-vent empêchée. À l’heure actuelle, cet aspect de notre rapport à la nature se mani-feste par l’ouverture de parcs naturels bien définis dans les grandes villes. Les exemples ne manquent pas : Central Park à New-York,

1 Adel Selmi et Vincent Hirtzel, Gouverner la nature, Éditions de L’Herne

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Le Parc de la tête d’Or à Lyon ou encore le Tiergarten de Berlin. Une fois les limites de ces parcs franchies, on se retrouve dans des villes très industrialisées et où le trafic routier est même impressionnant. Rien qu’à regarder une carte d’une des ces villes, on remarque que l’espace vert est restreint et s’arrête très précisément aux limites du parc. Nous voulons faire de façon volontaire ce qui ne s’obtient que de soi-même.1 On est bien loin de la définition de la nature exempte de toute intervention humaine.

Si l’homme occidental réinvente et cherche sans cesse à gérer la nature, c’est qu’il est conscient de la surpuissance de cette dernière et de sa propre faiblesse.

1 François Terrasson, La peur de la nature, Sang de la Terre

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L’homme, si puissant qu’il puisse paraître, ne parviendra jamais à maîtriser totalement la nature. Et ce sentiment d’impuissance qu’il doit affronter le ramène sans cesse à la faiblesse de son existence.On pense directement à la peur des catastrophes naturelles qui peuvent entièrement détruire la vie matérielle d’une population : séismes, raz de marée, tornades, cyclones, inondations. L’angoisse provoquée par ces aléas naturels est relayée par les médias qui couvrent ces catastrophes en nous montrant sans ménagement et de façon presque ostentatoire les conséquences directes de ces catas-trophes. On a d’ailleurs tous en tête les dernières images des trem-blements de terre et Tsunami au Japon, des inondations en Louisiane suite à l’ouragan Katrina en 2005. Devant ces forces monstrueuses, l’homme ne peut que se sentir tout petit et sans défense.

Mais cette peur universelle des évènements météorologique n’est que la partie émergée de l’iceberg. C’est une peur admise par tous ; en revanche, il existe une peur bien plus profonde, bien plus intense, toujours aussi universelle mais cette fois inconsciente. Cette peur, c’est celle du sauvage, du laisser-aller, de l’organique, du non-humain. Les crapauds, les araignées, la vase... constituent tous ces éléments de la nature qui nous répugne voire nous terrifient. Pour illustrer ce sentiment je pense qu’on peut le comparer avec la sensation que provoque un tableau de Bacon, viscéral, cruel, parfois répugnant, ces tableaux nous imposent une vision de nous-mêmes que l’on cherche à effacer. Cette chose que l’on cherche à effacer c’est la vraie nature, l’animalité, la part d’organique. La nature est cette chose effrayante qu’on ne contrôle pas, qu’on ne maîtrise pas : tout ce qui sort de notre environnement urbain.

Une peur profonde

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Les villes ont d’ailleurs longtemps été considérées comme le milieu le plus propice pour s’épanouir. Mais dans un milieu totalement humanisé la peur de l’organique est ancrée dans l’inconscient collectif.

Pour s’en convaincre certaines personnes ont développé une expé-rience un peu particulière : ils proposent de s’abandonner seul en forêt, une nuit, dans le noir. Chez la plupart des gens, cette situation provoquera un profond sentiment de malaise. Le bruit des cimes des arbres s’entrechoquant dans le vent, les feuilles mortes qui craquent sous les pas, la lumière de la lune. Pour François Terrasson, tous ceux dont la formule émotionnelle rejette l’organique sont condamnés à avoir peur de la nature. Lors d’une nuit en pleine nature, même la personne la plus rationnelle se laisserait envahir par ses émotions qu’elle refoule à longueur de journée. Et ce, parce qu’elle cherchera à se rattacher à des éléments familiers. Le jour, nous avons une multitude de références sensorielles sécurisantes qui écrasent l’organique et le laisser-aller : le propre, le sec, le droit, le lisse, l’aseptisé... Mais en pleine nuit, ces repères sont chamboulés et ce qui nous paraît totalement anodin le jour devient hostile lorsque la nuit est tombée. On imagine les scénarios les plus angoissants, tirés des films d’hor-reur, des histoires populaires racontées, dont nous nous souvenons.

Cette réparation de l’angoisse collective s’accomplit d’ordinaire par la désignation d’un bouc émissaire. Son expulsion, son exécution symbolique ou effective massivement pratiquée amène la résolution de l’état de tension.1 L’appropriation, la domination, la destruction de la nature n’est donc due qu’à la peur que cette dernière provoque chez l’homme.

1 Pierre Mannoni, La peur, rapporté par www.reportage.loup.org

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Les explications de cette crainte de l’élément naturel se retrouvent jusque dans les bras de nos parents, ou du moins dans les histoires que ces derniers nous ont lues durant notre enfance.En effet les représentations populaires et traditionnelles de la nature que l’on découvre dès notre plus jeune âge influencent inévitablement notre comportement d’adulte. Cette atmosphère d’insécurité bien souvent associée à la nature que l’on inculque aux enfants sont les bases d’une société dominatrice.

Dans sa Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim, psy-chanalyste et pédagogue américain explique que la forêt est l’un des décors naturels les plus utilisés dans les histoires pour enfants. La traversée de la forêt est une étape qui revient très régulièrement dans les contes. La forêt représente la nature à l’état sauvage, c’est un endroit dangereux où règne en général l’insécurité. Le héros est alors confronté aux puissances de la nature. Il doit faire preuve de courage pour la vaincre et atteindre son objectif.

Le Petit Chaperon rouge rencontre le loup dans la foret, La Belle aux bois dormants se retrouve inopinément envoyée dans une forêt de ronces, ou encore le Petit Poucet est abandonné dans la forêt avec ses frères. Dans tous les cas, la forêt est un terrain éprouvant, et angoissant.1 Dès son plus jeune âge l’enfant apprend à se différencier du reste de la nature. Pour devenir grand, il devra s’affranchir de ses peurs. Malheureusement il est mal perçu de faire preuve de sensibilité face à cette «nature inférieure», la seule solution pour vaincre ses peurs passe donc par la domination.

L’éducation

1 Célia Ricard, La forêt et son symbolisme dans les contes

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Certaines personnes arrivent à dépasser cette culture anti-nature Ainsi, le traité de Jean-Jacques Rousseau, l’Émile, ou De l’éducation propose des solutions pour éduquer un enfant, de sa naissance à l’âge adulte.Ce traité met l’accent sur la liberté indispensable à l’enfant pour son plein épanouissement. Il constate que le fait d’éduquer un enfant, c’est intervenir sur sa vraie nature. Il est important de lui laisser une certaine liberté, pour que sa sensibilité se développe.1

1 Jean Jacques Sellon et Jean Jacques Rousseau, Fragmens de l’Emile de Rousseau et des lettres de Lord Chesterfield sur l’éducation.,

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Nous sommes tous capable d’avoir un regard sensible sur la nature, encore faut-il pouvoir faire l’effort de la regarder et pas seulement la voir passivement.

La majorité des hommes cherchent à rationaliser leurs émotions, à avoir un contrôle total sur eux-mêmes et sur leur environnement.Pourtant certaines personnes s’épanouissent dans l’incontrôlable. Ces personnes marginales s’écartent des modèles culturels et adoptent des éthiques différentes de l’anthropocentrique massivement repen-due. L’éthique biocentrique par exemple, considère l’homme comme une partie de l’écosystème, égale à toutes les autres. Cette éthique accorde à tous les êtres vivants une valeur intrinsèque qu’ils soient humains, animals ou végétals, dotés ou non de raison, dès lors qu’ils vivent...Le biocentrisme prône le respect de tout être et refuse la moindre entrave à l’épanouissement de quelque espèce naturelle qu’il soit.Un tel altruisme menace ainsi l’homme d’extinction ! L’écocentrisme se veut une éthique de l’équilibre. Contrairement à l’anthropocentrisme, l’écocentrisme accorde une valeur à tous les éléments de la nature et pas seulement à l’homme. Cependant, et là où elle s’oppose aussi au biocentrisme, c’est qu’elle ne se préoccupe pas de l’individu en particulier, mais des «ensembles biotiques». Donc le non respect des droits d’un individu en particulier n’altère en rien l’équilibre de la communauté, ce qui poserai évidemment un réel problème dans notre société actuelle.L’écocentrisme peut se définir de la manière suivante : Une chose est juste lorsqu’elle tend à préserver l’intégralité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Elle est injuste lorsqu’elle tend à l’inverse.1

Un regard sensible

1 Aldo Leopold, Land Ethic (cité par Patrick Blandin)

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Quelle que soit l’éthique qu’ils adoptent, ces hommes ont en commun d’accorder une importance supérieure à la nature. C’est leur vision de la nature dont ils ont pris conscience. Cette image de la nature nous l’avons tous cependant elle reste enfouie, écrasée par notre culture centrée autour de nous-mêmes.Au lieu d’avoir peur de la nature, ces personnes lui accordent de l’attention, la respectent voire même la vénèrent. L’aspect effrayant de la nature devient alors fascinant.

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La nature si souvent ignorée, oubliée est pourtant porteuse d’une sym-bolique universelle. Les artistes, les poètes essayent de l’expliquer, de la transmettre.

J’ai découvert il y a quelques années un poème, qui, malgré l’inintérêt que je portais à ce genre d’écrits, m’avait touché.Ce poème de George Sand, À Aurore résume parfaitement la sensi-bilité avec laquelle il faut observer la nature pour avoir accès à des rapports vrais et simples.

À Aurore

La nature est tout ce qu’on voit,Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on aime.Tout ce qu’on sait, tout ce qu’on croit,

Tout ce que l’on sent en soi-même.

Elle est belle pour qui la voit,Elle est bonne à celui qui l’aime,

Elle est juste quand on y croitEt qu’on la respecte en soi-même.

Regarde le ciel, il te voit,Embrasse la terre, elle t’aime.

La vérité c’est ce qu’on croitEn la nature c’est toi-même.

George Sand

Une vision fascinée de la nature

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La lecture de ces poèmes m’avait donné envie d’observer la nature différemment, de voir si moi-même j’étais capable de lui accorder une valeur en tant que telle.

S’attarder devant un arbre est exercice qui permet de se rendre compte de toute sa puissance, sa sagesse. Il s’agit non pas de le voir comme on le fait quotidiennement, mais de l’observer, avec attention, pour Christophe Drénou il faut «lire» les arbres.

L’arbre est plus grand que nous et il vit plus longtemps. Petit, j’es-sayais toujours d’imaginer l’âge que pouvait avoir un arbre. On se sent vite impuissant face à un chêne plusieurs fois centenaire dont le tronc dépasse les deux mètres de diamètre ; cet arbre a survécu à nos parents, à nos grands parents et aux guerres... « Stoïque face aux éléments et aux adversités [...] immobile et constant au lieu qui la vu naitre, muet, l’arbre est l’incarnation même d’une puissance qui nous dépasse, d’une force qui nous surpasse.» 1

1 Jean-Luc Mercier - Essai - Hommage à la plante

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De plus en plus de minorités décident de vivre en harmonie avec l’élément naturel, d’opérer un retour aux sources. C’est la différence avec la société ordinaire qui plait aux partisans de ces croyances et convictions.

Une forme très connue de ces croyances est le chamanisme. Le cha-manisme est une des plus vieilles formes de spiritualité de l’humanité qui a été redécouvert grâce aux écrits de l’ethnologue roumain Mircea Eliade Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase. Les pratiques chamaniques disent recréer les liens entre l’homme et la nature. Sur des sites internet spécialisés dans ce genre de pratiques, on trouve même des slogans comme : « Le chamanisme est donc une véritable passerelle entre la Nature et la Spiritualité qui permet un état d’harmonie entre le monde qui nous entoure et notre propre monde intérieur. »1 Les partisans du chamanisme vivent le plus souvent retirés de notre société, se nourrissent le plus souvent de fruits, graines, et d’autres aliments exclusivement végétariens, et se soignent grâce aux plantes. Les chamans, sortes de guides spirituels, se servent des végétaux et de leurs propriétés pour entrer en contact avec des divini-tés. Ces cérémonies où l’on consomme des plantes afin de rentrer en contact avec des divinités ne datent pas d’aujourd’hui. Par exemple, le peyotl, petit cactus sans épine, est utilisé depuis des siècles dans des cérémonies religieuses, divinatoires ou thérapeutiques par les cha-mans des tribus indigènes du Mexique. Ces pratiques remonteraient même à plus de 3000 ans pour certaines tribus incas. Ce petit cactus, contient de la mescaline, substance fortement psycho-trope, qui permet à celui qui la consomme d’avoir des hallucinations auditives, des visions de type psychédéliques, une forte euphorie, et des délires fiévreux.

Vivre en harmonie avec la nature : croyances et chamanisme

1Tiré du site : www.meditationfrance.com/chamanisme/index.htm

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Le motif principal de la consommation de peyotl est la communication avec les dieux1. Les faits et gestes du chaman étaient alors interprétés comme des messages divins. De tels pratiques étaient également uti-lisées dans l’antiquité grecque avec la Pythie, femme qui, en mâchant des feuilles de Laurier, rentrait dans une transe hystérique qui était vue comme un oracle.

L’Animisme est une autre forme de vie en parfaite harmonie avec l’élément naturel. C’est la croyance en une âme, une force vitale, ani-mant les êtres vivants, et tous les autres éléments naturels : le feu, les pierres, les sous-sols, la terre, les rivières … Un culte est donc voué aux éléments naturels. Le respect des végétaux et de tous les êtres vivants fait donc partie intégrante de la vie de tous les jours pour les animistes.

Mais sans aller jusqu’aux pratiques sectaires, chamaniques, ou aux religions à part entière. Des personnes totalement athées décident de vivre en total adéquation avec notre environnement. Ainsi, pour des raisons plus politiques, pour des idées, des convictions écologiques, certains font des choix de vie qu’ils considèrent en harmonie avec le rythme naturel de notre environnement : consommer des produits issus de l’agriculture biologique à la fois pour leur propre santé et pour celle de notre planète, utiliser des cosmétiques biologiques, s’habiller de textiles qui respectent la nature, devenir végétarien pour éviter les surconsommations d’eau et les productions de gaz carboniques dans les élevages intensifs, consommer des produits du commerce équi-table, produire sont propres compost …etc. sont devenus des gestes de tous les jours pour la plupart des personnes convaincues par cette idéologie « verte ».

1 A. Rouhier, Le Peyotl. La Plante qui fait les yeux émerveillés.

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ConclusionPour conclure, on peut tout d’abord remarquer que la définition de la notion de nature varie beaucoup d’une personne à une autre selon son éducation, sa culture ou sa catégorie socioprofessionnelle. Il suffirait d’observer les comportements d’une population envers l’élément natu-rel pour s’apercevoir que chaque être humain appréhende différem-ment ce concept.

Malgré toutes ces différences, au cours de cette réflexion sur les relations qui lient l’homme à son environnement, trois perceptions éthiques se sont clairement dessinées.

L’anthropocentrisme est massivement répandu en Europe et il place l’homme au centre de ses propres considérations. Il est alors vu comme le centre de son environnement, en tant que référence abso-lue. Tout élément qui se différencie de l’homme perd de l’importance. L’homme occidental évolue dans un milieu totalement détaché de l’organique, du sauvage et de l’incontrôlé. Bien entendu, il a besoin de la nature, mais dans son anthropomorphisme constant, il ne s’intéresse qu’à la nature façonnée, modifiée, pour qu’elle s’adapte à son mode de vie. L’être anthropocentrique dénature son environnement pour en faire un objet qui l’aidera soit à se nourrir soit à se mettre en valeur. Il appréhende alors son avenir par la seule perspective humaine sans se soucier du devenir du reste de l’environnement. L’anthropocentrisme s’accompagne d’un ensemble de comportements qui pourraient expliquer en partie la crise écologique que nous devons actuellement affronter. L’individu anthropocentrique refuse d’admettre sa part d’animalité. Il grandit et se construit dans la science, la tech-nique et la peur de la nature sauvage. Il est conscient de la faiblesse de son existence face à une nature incontrôlable et ne peut qu’en être effrayé. Et au lieu d’admirer ces forces qui le dépassent et d’admettre qu’il n’est qu’un élément de la nature, l’homme cherche à les dominer. C’est donc la peur du sauvage qui pousse l’homme à dominer la nature.

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Pourtant il existe d’autres solutions éthiques qui accordent à la nature une valeur en tant que telle, sans chercher ni à la modifier ni à la domi-ner : les deux autres visions sont l’écocentrisme et le biocentrisme. A la différence de la première théorie, ces deux autres visions placent la nature soit en position de supériorité soit en position d’égalité avec le genre humain.

L’écocentrisme et le biocentrisme sont des positions selon lesquelles les éléments naturels (écosystèmes, biosphère) méritent un respect moral. Cette approche prône une rupture avec l’anthropocentrisme occidental classique que nous avons décrit précédemment et plus lon-guement dans la première partie de cette étude, et nous incite à accor-der une valeur intrinsèque à la nature, c’est-à-dire une valeur indépen-dante de l’utilité qu’elle peut avoir pour nous. Dans cette approche, la nature se suffit à elle-même et l’homme n’est pas pris en compte dans son existence, ou seulement comme simple habitant au même titre que n’importe quel animal, insecte, végétal, ou minéral. On retrouve dans cette approche tous les mouvements écologistes récents qui protègent la planète et placent la survie de la nature sauvage au même niveau que n’importe quelle vie humaine, ou bien les pratiques chamaniques voire animistes ancestrales qui vénèrent toutes les sortes de manifes-tations naturelles, et qui considèrent n’importe quel caillou, n’importe quelle fleur comme un être à part entière possédant une âme propre.

Bien sûr ces théories ne sont pas clôturées et on ne peut pas ranger les comportements humains bien sagement dans chacune des catégo-ries. Mais souvent, les descriptions qui sont faites de ces différentes visions couvrent bien le spectre des attitudes humaines envers l’envi-ronnement et chacun pourra se retrouver dans l’une ou l’autre de ses représentations.

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Au cours de ce mémoire, j’ai eu envie d’aller chercher d’autres solutions vers des civilisations que je n’avais pas prévues initialement d’étudier : des civilisations lointaines qui vivent en harmonie avec leur environnement et ne prélèvent que ce dont ils ont besoin pour se loger, se vêtir et se nourrir. Ce qui m’a paru attrayant dans le mode de fonc-tionnement de ces sociétés est leur capacité à ne pas vouloir s’enrichir grâce à leurs ressources naturelles comme nous le ferions avec nos exploitations des sous-sols ou notre agriculture intensive. Si j’avais plus tard l’opportunité de poursuivre mes recherches, je me tournerais vers ces cultures qui vivent en harmonie avec la nature. Mais cette approche de la question relève plus de l’ethnologie et de l’observation directe de ces populations primitives. Je pense par exemple aux peu-plades d’Amazonie ou aux tribus africaines.

D’un point de vue personnel, ce travail m’a permis de mieux com-prendre mon environnement. Je pense désormais mieux comprendre comment nous percevons la nature, en quoi elle nous fascine, en quoi elle nous répugne, en quoi elle nous terrifie. C’est un atout qui me per-mettra de mieux appréhender un travail de communication, dans lequel la compréhension du fonctionnement des européens est indispensable. A l’ère de la protection de la nature, de la sauvegarde de la biodiver-sité, et des réductions d’émission de gaz à effets de serre, j’ai compris que malgré tout, les gens avaient souvent besoin de se donner une bonne conscience environnementale grâce à des produits plus “verts”, sans pour autant réellement s’engager dans une réelle lutte pour l’environnement. Au bout du compte, même si l’élément naturel parait se trouver aux antipodes de la consommation de masse, cette réflexion m’aura permis de trouver un équilibre entre mes deux passions, et de me situer plus précisément dans ma perception de la nature vis à vis de mes semblables.

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Bibl

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1 - Francis Hallé, Eloge de la plante, Editions du Seuil

2 - François Terrasson, La Peur de la Nature, Sang de la Terre

3 - François Terrasson, La civilisation anti-nature, Sang de la Terre

4 - Boris Cyrulnik, L’Ensorcellement du monde, Odile Jacob poches

5 - Yue Dai Yun et Anne Sauvagnargues, La Nature, Desclée de Brouwer

6 - Kant, La raison pure, Sup (extraits)

7 - Descartes, Discours de la méthode, GF Flammarion (extraits)

8 - Jean-Luc Mercier, Réflexion sur l’arbre et l’homme, hommage à la plante, Essai

9 - Jean-Luc Mercier, Réflexion sur l’herbe et l’homme, bonne et mauvaise herbes, Essai

10 - Christophe Drénou, Face aux arbres : Apprendre à les observer pour les comprendre, ULMER

11 - Judy Allen et John Butler, Dans la forêt vierge, Archimède

12 - Magazine GEO, Où trouver la nature à Paris ? n°379 - Septembre 2010

13 - Marketing Magazine N°121, Avril 2008

14 - Robert DOUILLET, L’arbre et la forêt, du symbolisme culturel à... l’agonie programmée ?

15 - Louisa Jones, Du jardin au paysage, Aubanel

16 - Louisa Jones, L’art de visiter un jardin, Actes Sud

17 - Jean Jacques Sellon et Jean Jacques Rousseau, Fragmens de l’Emile de Rousseau et des lettres de Lord Chesterfield sur l’éducation. (extraits)

18 - Adel Selmi et Vincent Hirtzel, Gouverner la nature, Éditions de L’Herne

19 - Mircea Eliade, Le chamanisme et les techniques archaïque de l’extase

20 - Magazine Télérama, L’appel de la forêt

21 - A. Rouhier, Le Peyotl. La Plante qui fait les yeux émerveillés.

Bibliographie non exhaustive

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www.bio-dynamie.org/newsletter/juin2010/peuv.pdf

www.meditationfrance.com/chamanisme/index.htm

ConférencesVincent Roca, sur France Inter : l’homme et la nature

Jeremy Narby, Plantes et Chamanisme

Patrick Blandin, Les relations homme-nature, perspective éthique

Sites Web

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Crédits photos :FotoliaMacro Livrestalkkok.com

Emilien Rosson