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Cours d’Analyse Fonctionnelle Thierry De Pauw

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Cours d’Analyse FonctionnelleThierry De Pauw

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The drawing on the front is c©Courtney Gibbonsbrownsharpie.courtneygibbons.org

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Table des matières

1 Espaces vectoriels topologiques 41.1 Espaces vectoriels sur R ou C . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.2 Espaces métriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.3 Espaces normés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141.4 Espaces topologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221.5 Espaces vectoriels topologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261.6 Applications linéaires continues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

2 Espaces localement convexes 372.1 Semi-normes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372.2 Fonctions d’essai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 432.3 Théorèmes de Hahn-Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 472.4 Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 522.5 Topologies faible et préfaible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

3 Espaces de Fréchet et de Banach 613.1 Espaces métriques complets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 613.2 Complétion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 643.3 Théorème de Baire et conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . . 693.4 Fonctions continues nulle part dérivables . . . . . . . . . . . . . . 733.5 Espaces normés de dimension finie . . . . . . . . . . . . . . . . . 753.6 Séries dans les espaces de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

4 Espaces de Lebesgue 864.1 Rappels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 864.2 Modes de convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 924.3 Espaces de Lebesgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 954.4 Dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1054.5 Sous-espaces denses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1204.6 Fubini, Tonelli, et support . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1274.7 Produit de convolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131

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TABLE DES MATIÈRES 3

4.8 Approximation de l’unité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1374.9 Régularisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

5 Compacité 1435.1 Espaces métriques ou topologiques compacts . . . . . . . . . . . 1435.2 Théorème de Banach-Alaoglu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1465.3 Théorème de Ascoli-Arzelà . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1495.4 Théorème de Weil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152

6 Distributions et espaces de Sobolev 1536.1 Distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1536.2 Régularisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1576.3 Fonctions et distributions harmoniques . . . . . . . . . . . . . . . 1646.4 Espaces de Sobolev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168

A Ensembles dénombrables 174

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Chapitre 1Espaces vectoriels topologiques

1.1 Espaces vectoriels sur R ou C1.1.1 1.1.1. — On ne considérera que des espaces vectoriels X sur le corps K = R des

réels ou le corps K = C des complexes. Dans ce contexte, les éléments de K sontappelés des scalaires. On rappelle que X est muni d’une opération d’addition

X ×X → X : (x1, x2) 7→ x1 + x2

qui est associative, commutative, qui possède un élément neutre 1 noté 0, et tellequ’à chaque x ∈ X est associé un unique élément −x ∈ X tel que x+ (−x) = 0.On vérifie que −x = (−1)x, le membre de droite étant défini par l’opération demultiplication par un scalaire

K×X → X : (λ, x) 7→ λx

qui vérifie les propriétés suivantes : 1x = x ; λ1(λ2x) = (λ1λ2)x ; λ(x1 + x2) =λx1 + λx2 ; et (λ1 + λ2)x = λ1x + λ2x. Un espace vectoriel n’est jamais videpuisque 0 ∈ X. On dit que X est non trivial si X 6= 0.

Un espace vectoriel X sur C peut aussi être considéré comme espace vectorielsur R en restreignant la multiplication par un scalaire, initialement définie surC×X, à R×X.

Si A ⊆ X, B ⊆ X, x ∈ X et λ ∈ K, on fera usage des notations suivantes :

x+A = X ∩ x+ a : a ∈ Ax−A = X ∩ x− a : a ∈ AA+B = X ∩ a+ b : a ∈ A et b ∈ B

λA = X ∩ λa : a ∈ A .

1. La notation 0 est ambigüe puisqu’elle désigne à la fois l’élément neutre pour l’additiondans R et dans C, mais aussi dans tous les espaces vectoriels que nous allons considérer.

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1.1 Espaces vectoriels sur R ou C 5

Notons que 2A ⊆ A+A, mais l’égalité n’est pas vérifiée pour tout A.Un sous-espace Z ⊆ X (plus précisément un sous-espace vectoriel) est

un sous-ensemble de X qui est lui-même un espace vectoriel sur le même corps.On vérifie qu’un sous-ensemble non vide Z ⊆ X est un sous-espace ssi λ1Z +λ2Z ⊆ Z quels que soient λ1, λ2 ∈ K.

1.1.2 1.1.2. — Une famille 〈xk〉k∈K dans un espace vectoriel X est libre si pourchaque sous-ensemble fini d’indices F ⊆ K et chaque famille de scalaires 〈λk〉k∈F ,la relation

∑k∈F λkxk = 0 entraîne λk = 0 pour chaque k ∈ F .

Le sous-espace engendré par une famille 〈xk〉k∈K dans X est le sous-ensemble de X formé des combinaisons linéaires

∑k∈F λkxk correspondant à

tous les sous-ensembles finis d’indices F ⊆ K et toutes les familles de scalaires〈λk〉k∈F . On vérifie aisément qu’il s’agit d’un sous-espace vectoriel de X, eton le note sev〈xk〉k∈K . Si X = sev〈xk〉k∈K , on dit que la famille 〈xk〉k∈K estgénératrice.

Une famille dans X qui est à la fois libre et génératrice est appelée une basede X. Si X admet une base 〈xk〉k∈K telle que l’ensemble d’indices K est fini,alors toute base 〈xk〉k∈K a la même propriété et, en outre, card K = cardK.Dans ce cas on dit que X est de dimension finie et l’on note dimX l’entiercardK.

1.1.3 1.1.3. — Soient X et Y des espaces vectoriels sur le même corps K. Une ap-plication T : X → Y est linéaire si

T (λ1x1 + λ2x2) = λ1T (x1) + λ2T (x2)

quels que soient x1, x2 ∈ Y et λ1, λ2 ∈ K ; si Y = K on appelle T une formelinéaire sur X. On dit que X et Y sont algébriquement isomorphes s’ilexiste une application linéaire T : X → Y inversible, dont la réciproque T−1 :X → Y est également linéaire (il suffit pour cela qu’il existe une bijection linéaireT : X → Y ). Si X ou Y est de dimension finie, alors X et Y sont algébriquementisomorphes ssi ils sont tous deux de dimension finie et dimX = dimY . Dans cecas, toute injection linéaire X → Y ou toute surjection linéaire X → Y est unebijection.

1.1.4 1.1.4. — Soit S un ensemble non vide. On considère la collection F (S;K) desfonctions u : S → K. Il s’agit d’un espace vectoriel sur K si l’on définit l’additionu1 + u2, et la multiplication par un scalaire λu, «ponctuellement», c’est-à-dire

(u1 + u2)(ξ) := u1(ξ) + u2(ξ)(λu)(ξ) := λu(ξ) ,

quel que soit ξ ∈ S. En fait, si Y est un espace vectoriel sur K, alors il en estde même de la collection des applications S → Y , l’addition et la multiplicationpar un scalaire étant définies «ponctuellement» comme ci-dessus.

Si S est un ensemble fini et n = cardS, on vérifie sans peine que F (S;K) estalgébriquement isomorphe à Kn. En revanche, si S est infini alors F (S;K) n’estpas de dimension finie. En effet, étant donné n ∈ N0 et ξ1, . . . , ξn ∈ S deux à

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1.1 Espaces vectoriels sur R ou C 6

deux distincts, on observe que la famille de fonctions indicatrices 〈1ξk〉k=1,...,nest libre ; si F (S;K) était de dimension finie on aurait dimF (S;K) > n, unecontradiction puisque n est arbitraire.

On a utilisé ci-dessus la notion de fonction indicatrice 1A d’un ensembleA ⊆ S, qui est définie comme suit :

1A : S → K : ξ 7→

1 si x ∈ A0 si x 6∈ A .

Supposons à présent que a < b sont des réels et que S = [a, b]. On désignepar C([a, b];K) (ou, plus simplement, par C[a, b] dans le cas K = R) le sous-ensemble de F ([a, b];K) formé des fonctions continues u : [a, b] → K. Il s’agitd’un sous-espace vectoriel de F ([a, b];K). Lui non plus n’est pas de dimensionfinie (mais on ne pas le vérifier comme ci-dessus car 1ξ n’est pas continue).Pour s’en convaincre, introduisons la notion de support d’une fonction continueu ∈ C([a, b];K) :

suppu := adh ([a, b] ∩ ξ : u(ξ) 6= 0) .

Si c < d et [c, d] ⊆ [a, b] alors il existe u ∈ C([a, b];K) telle que suppu = [c, d].Par exemple, en notant ξ0 = c+d

2 le milieu de l’intervalle [c, d],

u(ξ) =d−c

2 − |ξ − ξ0| si c 6 ξ 6 d0 sinon.

A présent, étant donné n ∈ N0, on choisit n intervalles ouverts non vides, deuxà deux disjoints I1, . . . , In, contenus dans [a, b], et on leur associe u1, . . . , un ∈C([a, b];K) telles que suppuk = adh Ik, k = 1, . . . , n. On se convainc que la fa-mille de fonctions 〈uk〉k=1,...,n est libre dans C([a, b];K) parce que leurs supportsne se chevauchent pas.

Le raisonnement précédent se généralise : si S est un espace métrique (voir§ 1.2) infini alors l’espace vectoriel C(S;K) des fonctions continues S → K n’estpas de dimension finie.

1.1.5 1.1.5 Théorème (G. Hamel). — Tout espace vectoriel non trivial admet unebase 2.

Démonstration. Il s’agit d’une application du lemme de Zorn. Si 〈xk〉k∈K est unefamille libre dans X, alors forcément k 6= k′ entraîne xk 6= xk′ , de sorte que cettefamille peut être identifiée à son image L = xk : k ∈ K ⊆ X. On considère Ela collection des familles libres ∅ 6= L ⊆ X, et l’on note que E 6= ∅ car X 6= 0.On munit E de la structure d’ordre définie comme ceci : L1 4 L2 ssi L1 ⊆ L2.On observe que (E ,4) est inductif. En effet, si 〈Li〉i∈I est une chaîne dans Ealors L = ∪i∈ILi est une famille libre (car toute famille finie 〈xk〉k∈K extraitede L est contenue dans un certain Li) qui majore chaque Li. Le lemme de Zornassure l’existence d’un élément maximal L∗ ∈ E . Si L∗ n’était pas génératrice,il existerait x ∈ X tel que L∗ ∪ x soit libre, une contradiction.

2. On dit aussi une base algébrique ou une base de Hamel

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1.1 Espaces vectoriels sur R ou C 7

1.1.6 1.1.6. — Si 〈xk〉k∈K est une famille libre dans X et Z = sev〈xk〉k∈K (parexemple, si 〈xk〉k∈K est une base de Hamel de X) alors à chaque x ∈ Z corres-pond une unique famille de scalaires 〈λk(x)〉k∈K (qu’on appelle les coordonnéesde x dans cette base de Z) telle que

x =∑k∈K

λk(x)xk .

(La somme ci-dessus est finie car l’ensemble K ∩ k : λk(x) 6= 0 est lui-mêmefini). On vérifie que chaque λk : X → K : x 7→ λk(x), k ∈ K, est une formelinéaire.

1.1.7 1.1.7. — Introduisons à présent du vocabulaire utile. SoitX un espace vectorielsur K. On dit d’une partie A ⊆ X qu’elle est convexe si tA + (1 − t)A ⊆ Aquel que soit le réel 0 6 t 6 1 ; c’est-à-dire tx1 + (1 − t)x2 ∈ A quels quesoient x1, x2 ∈ A. Les éléments de X de la forme tx1 + (1 − t)x2, 0 6 t 6 1,sont appelés des combinaisons convexes de x1 et x2, et leur ensemble estappelé le segment d’extrémités x1 et x2. En d’autres termes, A est convexe siet seulement s’il contient tous les segments d’extrémités des éléments de A. Parexemple X lui-même est convexe, et un sous-espace vectoriel ou un sous-espaceaffine de X sont convexes. Si A et B sont convexes, alors A + B est convexe,comme on le vérifie aisément. Si 〈Ai〉i∈I est une famille de convexes dans Xalors A = ∩i∈IAi est convexe également. Cette remarque permet de définir leplus petit convexe contenant un ensemble quelconque A ⊆ X comme ceci :

convA = ∩B : A ⊆ B ⊆ X et B est convexe .

On appelle convA l’enveloppe convexe de A. On vérifie que l’enveloppeconvexe de A est l’ensemble

convA = X ∩

∑x∈F

txx : F ⊆ A est fini, 0 6 tx 6 1 pour chaque x ∈ F ,

et∑x∈F

tx = 1.

On dit qu’une partie A ⊆ X est équilibrée si λA ⊆ A quel que soit λ ∈ Ktel que |λ| 6 1. On en déduit en particulier que A = −A. Si 〈Ai〉i∈I est unefamille de parties équilibrées, alors A = ∩i∈IAi l’est aussi.

Enfin, on dit de A ⊆ X qu’elle est absorbante si pour tout x ∈ X il existet = t(x) > 0 tel que x ∈ λA quel que soit λ ∈ K tel que |λ| > t. Si A estabsorbante alors X = ∪k∈N0kA.

1.1.8 1.1.8. — Soit S un ensemble non vide. Rappelons les notions de convergenceponctuelle et uniforme d’une suite 〈uk〉k∈N0 extraite de F (S;K) 3. On dit que

3. Pour le faire on utilise librement la notion de convergence dans K, qui est rappelée à lasection suivante.

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1.2 Espaces métriques 8

〈uk〉k∈N0 converge ponctuellement vers u ∈ F (S;K) si pour tout ξ ∈ S on alimk uk(ξ) = u(ξ), en d’autres termes :

(∀ξ ∈ S)(∀ε > 0)(∃k0 ∈ N0)(∀k ∈ N0) : k > k0 ⇒ |uk(ξ)− u(ξ)| < ε .

Par ailleurs on dit que 〈uk〉k∈N0 converge uniformément vers u ∈ F (S;K) sil’indice k0 ci-dessus dépend seulement de ε et pas de ξ, c’est-à-dire si

(∀ε > 0)(∃k0 ∈ N0)(∀ξ ∈ S)(∀k ∈ N0) : k > k0 ⇒ |uk(ξ)− u(ξ)| 6 ε .

Cela s’exprime aussi comme ceci :

(∀ε > 0)(∃k0 ∈ N0)(∀k ∈ N0) : k > k0 ⇒ sup|uk(ξ)− u(ξ)| : ξ ∈ S 6 ε .

Il est clair que si 〈uk〉k∈N0 converge uniformément vers u, alors elle convergeponctuellement vers u aussi. La réciproque est vraie si S est fini, et n’est pasvraie si S est infini. En effet, si S est infini, on choisit une suite 〈ξk〉k∈N0 dansS, formée d’éléments deux à deux distincts, et on considère Ak = ξ1, . . . , ξk,k ∈ N0, et A = ∪k∈N0Ak. Dans ce cas 〈1Ak〉k∈N0 converge ponctuellement vers1A, mais ne converge pas uniformément vers 1A. On se convainc également quela convergence ponctuelle d’une suite dans C[a, b] n’entraîne pas qu’elle convergeuniformément.

Dans la suite de ce chapitre, nous allons munir F (S;K) de topologies quicorrespondent respectivement à la convergence ponctuelle et à la convergenceuniforme des suites de fonctions.

1.2 Espaces métriques1.2

1.2.1 1.2.1. — On rappelle qu’un espace métrique S[d] consiste en la donnée d’unensemble S et d’une distance d sur S ; c’est-à-dire une fonction

d : S × S → R+

vérifiant les trois axiomes suivants :(1) d(ξ1, ξ2) = 0 ssi ξ1 = ξ2 quels que soient ξ1, ξ2 ∈ S ;(2) d(ξ1, ξ2) = d(ξ2, ξ2) quels que soient ξ1, ξ2 ∈ S ;(3) d(ξ1, ξ3) 6 d(ξ1, ξ2) + d(ξ2, ξ3) quels que soient ξ1, ξ2, ξ3 ∈ S.

L’axiome (3) est appelé l’inégalité triangulaire. Il est équivalent à l’inégalité

|d(ξ1, ξ3)− d(ξ2, ξ3)| 6 d(ξ1, ξ2)

quels que soient ξ1, ξ2, ξ3 ∈ S.Par exemple

d : S × S → R+ : (ξ1, ξ2) 7→

1 si ξ1 6= ξ2

0 si ξ1 = ξ2

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1.2 Espaces métriques 9

est une distance sur S, qu’on appelle la distance discrète.Si S[d] est un espace métrique et S′ ⊆ S alors la restriction d′ de d à S′×S′

est une distance sur S′. La structure d’espace métrique S′[d′] sur S′ est diteinduite par celle de S et, sauf mention du contraire, ce sera toujours cellequ’on considérera sur un sous-ensemble d’un espace métrique.

1.2.2 1.2.2. — K = R et K = C sont munis d’une structure canonique d’espacemétrique comme ceci. Si t1, t2 ∈ R on pose d(t1, t2) = |t1− t2| où |t| est la valeurabsolue de t. Si z1, z2 ∈ C on pose d(z1, z2) = |z1 − z2| où |z| est le module dez, c’est-à-dire |z| =

√<(z)2 + =(z)2.

1.2.3 1.2.3. — Une suite 〈ξk〉k∈N0 dans un espace métrique S[d] converge vers ξ ∈ Ssi pour tout ε > 0 il existe k0 = k0(ε) ∈ N0 tel que d(ξk, ξ) < ε quel que soitk > k0. Il est équivalent de dire que la suite 〈d(ξk, ξ)〉k∈N0 converge vers 0 dansR. D’après l’axiome 1.2.1(1) un tel ξ est unique (s’il existe), et on l’appelle lalimite de la suite 〈ξk〉k∈N0 . On écrit ξ = limk ξk ou «ξk → ξ quand k →∞», etl’on dit que la suite 〈ξk〉k∈N0 est convergente.

On dit que ξ est une valeur d’adhérence d’une suite 〈ξk〉k∈N0 s’il existeune sous-suite 〈ξσ(k)〉k∈N0 qui converge vers ξ. Si une suite est convergente alorselle admet une unique valeur d’adhérence (qui est sa limite).

1.2.4 1.2.4. — Soit S[d] un espace métrique, ξ ∈ S, et r > 0. On définit la bouleouverte de centre ξ et de rayon r par l’identité 4

U(ξ, r) = S ∩ ζ : d(ζ, ξ) < r ,

et la boule fermée de centre ξ et de rayon r par l’identité

B(ξ, r) = S ∩ ζ : d(ζ, ξ) 6 r .

On utilisera quelquefois les notations US(ξ, r) et BS(ξ, r) pour désigner lesboules ci-dessus, typiquement lorsque plusieurs espaces métriques sont en jeu,afin d’indiquer explicitement dans quel espace les boules sont considérées.

1.2.5 1.2.5. — Soit S[d] un espace métrique. On dit de V ⊆ X qu’i s’agit d’unvoisinage de ξ ∈ S s’il existe r > 0 tel que U(ξ, r) ⊆ S (ou, de manièreéquivalente, s’il existe r > 0 tel que B(ξ, r) ⊆ S) ; en particulier ξ ∈ V . Onvérifie par exemple que tout boule ouverte contenant ξ est un voisinage de ξ.

La collection V (ξ) des voisinages de ξ est le paradigme de filtre. Un filtresur un ensemble S est une collection F ⊆P(S) telle que(1) F 6= ∅ ;(2) ∅ 6∈ F ;(3) F est stable par intersection finie, c’est-à-dire que si V1, . . . , Vn ∈ F alors∩nj=1Vj ∈ F ;

4. Si B ⊆ S est une boule, ni son centre ni son rayon n’est déterminé univoquement parB ; il arrive qu’une boule soit à la fois une boule ouverte et une boule fermée ; dans certainsespaces (appelés ultramétriques), l’intersection de deux boules est soit vide, soit coïncide avecl’une d’entre elles.

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1.2 Espaces métriques 10

(4) Si V ∈ F , V ′ ∈P(S) et V ⊆ V ′, alors V ′ ∈ F .Pour établir que V (ξ) est un filtre, on observe que S ∈ V (ξ) ; ∅ 6∈ V (ξ) ; siV1, . . . , Vn sont des voisinages de ξ alors il existe r1, . . . , rn tels que U(ξ, rj) ⊆Vj , j = 1, . . . , n, de sorte que U(ξ, r) ⊆ ∩nj=1U(ξ, rj) ⊆ ∩nj=1Vj , où r =minr1, . . . , rn ; enfin si U(ξ, r) ⊆ V et V ⊆ V ′, alors U(ξ, r) ⊆ V ′.

1.2.6 1.2.6. — Soit F un filtre sur un ensemble S. On dit que B ⊆ P(S) est unebase du filtre F (ou que F est engendré par B) si

F = P(S) ∩ V : il existe B ∈ B tel que B ⊆ V .

Une collection B ⊆P(S) est une base de filtre s’il existe un filtre dont c’estune base. Par exemple, si S[d] est un espace métrique et ξ ∈ S, alors

B(ξ) = P(S) ∩

U(ξ,

1k

): k ∈ N0

est une base du filtre V (ξ) des voisinages de ξ. En particulier, ce filtre admetune base dénombrable.

1.2.7 1.2.7. — Soit S[d] un espace métrique. On dit que U ⊆ S est ouvert s’ilest voisinage de chacun de ses points, c’est-à-dire si pour tout ξ ∈ U il exister = r(ξ) > 0 tel que U(ξ, r) ⊆ U . Par exemple ∅ et S lui-même sont ouverts.Tout boule ouverte est un ouvert. La collection T des ouverts de S est appeléela topologie de S ; elle est(1) stable par intersection finie : si U1, . . . , Un ∈ T alors ∩nj=1Uj ∈ T ;(2) stable par réunion quelconque : si 〈Ui〉i∈I est une famille dans T alors∩i∈IUi ∈ T.

Ceci résulte de 1.2.5(3) et (4).L’intérieur d’un ensemble quelconque E ⊆ S, note intE, est le plus grand

ouvert contenu dans E, c’est-à-dire la réunion de tous les ouverts contenus dansE (il s’agit d’un ouvert d’après (2)). En particulier, E est ouvert ssi E = intE.On vérifie aisément que

intE = S ∩ ξ : E est un voisinage de ξ .

1.2.8 1.2.8. — Soit S[d] un espace métrique. On dit que F ⊆ S est fermé si soncomplémentaire S \ F est ouvert. Par exemple ∅ et S sont fermés. On observeaussi que toute boule fermée est fermée. Les relations

∪i∈I(S \ Fi) = S \ ∩i∈IFi

et∩i∈I(S \ Fi) = S \ ∪i∈IFi

ainsi que 1.2.7(1) et (2) entraînent que la collection des fermés de S est stablepar intersection quelconque et par réunion finie.

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1.2 Espaces métriques 11

Etant donné E ⊆ S, on appelle adhérence de E le plus petit fermé contenantE, c’est-à-dire l’intersection de tous les fermés qui contiennent E. En particulier,E est fermé ssi E = adhE. On vérifie aisément que

adhE = S ∩ ξ : E ∩ V 6= ∅ pour tout V ∈ V (ξ) .

Remarquons en fait que ξ ∈ adhE ssi E ∩ V 6= ∅ pour tout V parcourant unebase de voisinages de ξ. Choisissant une telle base dénombrable comme dans 1.2.6on en déduit que ξ ∈ adhE si et seulement s’il existe une suite 〈ξk〉k∈N0 dans Equi converge vers ξ. On peut également le formuler comme ceci : ξ ∈ adhE ssipour tout ε > 0 il existe ζ ∈ E tel que d(ξ, ζ) < ε.

1.2.9 1.2.9. — Soient S[d] et S′[d′] deux espaces métriques, ξ ∈ S, et f : S → S′.On dit que f est continue en ξ si la condition suivante est vérifiée : pour toutesuite 〈ξk〉k∈N0 dans S qui converge vers ξ, la suite 〈f(ξk)〉k∈N0 dans S′ convergevers f(ξ). Si f est continue en chaque point de A ⊆ S, on dit que f est continuedans A, et si A = S on dit simplement que f est continue.

S’il existe C ∈ R+ telle que

d′(f(ξ1), f(ξ2)) 6 Cd(ξ1, ξ2)

quels que soient ξ1, ξ2 ∈ S, on dit que f est lipschitzienne. Dans ce cas, fest également continue. La plus petite constante C qui convient dans l’égalitéci-dessus est appelée la constante de Lipschitz de f , et notée Lip f .

Si ∅ 6= A ⊆ S et ξ ∈ S, on appelle distance de ξ à A, et l’on note dist(ξ, A),le réel

dist(ξ, A) := infd(ξ, ζ) : ζ ∈ A .

L’inégalité triangulaire entraîne que la fonction

S → R+ : ξ 7→ dist(ξ, A)

est lipschitzienne, et que sa constante de Lipschitz est inférieure ou égale à 1.Montrons enfin que ξ ∈ adhA ssi dist(ξ, A) = 0. En effet, si ξ ∈ adhA alors ilexiste une suite 〈ζk〉k∈N0 dans A telle que d(ξ, ζk) → 0 quand k → ∞ (d’après1.2.8), et puisque dist(ξ, A) 6 d(ξ, ζk) pour chaque k ∈ N0, on en déduit quedist(ξ, A) = 0. Réciproquement, si dist(ξ, A) = 0 alors, pour chaque k ∈ N0 ilexiste ζk ∈ A tel que (.ξ, ζk) < k−1. La suite 〈ζk〉k∈N0 converge donc vers ξ et ilsuit (à nouveau de 1.2.8) que ξ ∈ adhA.

1.2.10 1.2.10 Théorème. — Soient S[d] et S′[d′] deux espaces métriques, ξ ∈ S, etf : S → S′. Les conditions suivantes sont équivalentes :(1) f est continue en ξ ;(2) Pour tout voisinage V ′ de f(ξ), f−1(V ′) est un voisinage de ξ.

Démonstration. ¬(2)⇒ ¬(1) Soit V ′ un voisinage de f(ξ) tel que f−1(V ′) n’estpas un voisinage de ξ. Par conséquent, pour chaque k ∈ N0, f−1(V ′) ne contientpas U(ξ, k−1), de sorte qu’il existe ξk ∈ U(ξ, k−1) \ f−1(V ′). On en déduit queξ = limk ξk. Cependant, la suite 〈f(ξk)〉k∈N0 ne converge pas vers f(ξ).

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1.2 Espaces métriques 12

(2) ⇒ (1) Soit 〈ξk〉k∈N0 une suite dans S qui converge vers ξ, et ε > 0.Puisque f−1(U(f(ξ), ε)) est un voisinage de ξ, il existe δ > 0 tel que U(ξ, δ) ⊆f−1(U(f(ξ), ε)). Il existe k0 tel que d(ξk, ξ) < δ pourvu que k > k0. Pour detels k, d′(f(ξk), f(ξ)) < ε, ce qui achève la démonstration.

1.2.11 1.2.11 Théorème. — Soient S[d] et S′[d′] des espaces métriques, et f : S →S′. Les conditions suivantes sont équivalentes :(1) f est continue ;(2) pour tout ouvert U ′ ⊆ S′, f−1(U ′) est ouvert dans S ;(3) pour tout fermé F ′ ⊆ S′, f−1(F ′) est fermé dans S ;(4) pour tout sous-ensemble E ⊆ S, f(adhE) ⊆ adh f(E).

Démonstration. (1) ⇒ (4) Soit ξ ∈ adhE. La caractérisation de adhE quiapparaît à la fin de 1.2.8 garantit l’existence d’une suite 〈ξk〉k∈N0 dans E quiconverge vers ξ. Puisque f est continue, la suite 〈f(ξk)〉k∈N0 dans f(E) convergevers f(ξ), et par conséquent f(ξ) ∈ adh f(E).

(4)⇒ (3) Soit F ′ ⊆ S′ un fermé. D’après (4) on a

f(adh f−1(F ′)) ⊆ adh f(f−1(F ′)) ⊆ adhF ′ = F ′

et, par conséquent,

f−1[f(adh f−1(F ′))] ⊆ f−1(F ′) .

Or l’inclusion E ⊆ f−1(f(E)) appliquée à E = adh f−1(F ′) entraîne queadh f−1(F ′) est contenu dans le membre de gauche de l’inclusion ci-dessus.Donc adh f−1(F ′) ⊆ f−1(F ′). Puisque l’inclusion opposée est toujours valide, ilen résulte que ces ensembles coïncident, de sorte que f−1(F ′) est fermé.

(3)⇒ (2) Cela provient de la relation S \ f−1(U ′) = f−1(S \ U ′).(2) ⇒ (1) Soit ξ ∈ S. On va montrer que f est continue en ξ en se référant

à 1.2.10. Soit V ′ un voisinage de f(ξ). Il existe un ouvert U ′ dans S′ tel quef(ξ) ∈ U ′ ⊆ V ′. Puisque ξ ∈ f−1(U ′) ⊆ f−1(V ′) et que f−1(U ′) est ouvert,f−1(V ′) est un voisinage de ξ et la démonstration est terminée.

1.2.12 1.2.12. — Soient S[d] et S′[d′] deux espaces métriques. Un homéomorphismede S vers S′ est une bijection continue f : S → S′ dont la réciproque f−1 estcontinue également 5. S’il existe une telle f , on dit que S et S′ sont homéo-morphes.

Un lipéomorphisme de S vers S′ est une bijection lipschitzienne f : S → S′

dont la réciproque f−1 est lipschitzienne également.Enfin, une isométrie de S vers S′ est une application f : S → S′ telle que

d′(f(ξ1), f(ξ2)) = d(ξ1, ξ2)

5. Si X et Y sont des espaces vectoriels sur K, et T : X → Y est une bijection linéaire,alors T−1 est automatiquement linéaire. En revanche, dans le cas d’espaces métriques S etS′, la continuité de f−1 ne résulte pas de la bijectivité et de la continuité de f : S → S′, saufdans le cas important où S est compact, voir ...

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1.2 Espaces métriques 13

quels que soient ξ1, ξ2 ∈ S. Il s’ensuit clairement que f est injective, mais onrequiert pas, dans cette définition, que f soit surjective. Si elle l’est, on diraexplicitement qu’il s’agit d’une isométrie surjective.

1.2.13 1.2.13. — Soit S[d] un espace métrique, et E ⊆ S. On dit que E est dense(dans S) si S = adhE. On dit en outre que S est séparable s’il admet unepartie dense dénombrable. Par exemple R (resp. C) est séparable car l’ensembleQ des rationnels (resp. l’ensemble Q+ iQ) y est dense. On en déduit aussi (voir1.2.15) que l’espace R\Q des irrationnels (muni de la métrique induite par cellede R) est séparable.

Si S′[d′] est un autre espace métrique, f : S → S′ est continue, et E ⊆ Sest dense dans E, alors f(E) est dense dans f(S′). En effet, si ζ ∈ f(S) il existeξ ∈ S tel que ζ = f(ξ), et l’on choisit une suite 〈ξk〉k∈N0 dans E telle queξ = limk ξk. Puisque f est continue on en déduit que ζ = limk f(ξk), c’est-à-dire ζ ∈ adh f(E). En particulier, si S et S′ sont homéomorphes, alors S estséparable si et seulement si S′ l’est.

Enfin notons que si E ⊆ S est dense dans S et D ⊆ E est dense dans E (oùE est muni de la métrique induite par celle de S), alors D est dense dans S. Eneffet, si ξ ∈ S et ε > 0, il existe ζ ∈ E tel que d(ξ, ζ) < ε/2, et il existe ω ∈ Dtel que d(ζ, ω) < ε/2. Donc d(ξ, ω) 6 d(ξ, ζ) + d(ζ, ω) < ε.

1.2.14 1.2.14 Théorème. — Soit S[d] un espace métrique. Les conditions suivantessont équivalentes.(1) S est séparable ;(2) il existe un sous-ensemble dénombrable T0 ⊆ T \ ∅ (de la topologie de

S privée de ∅) ayant la propriété suivante : pour tout U ∈ T \ ∅ il existeU ′ ∈ T0 tel que U ′ ⊆ U .

Démonstration. (1)⇒ (2) Soit E ⊆ S un sous-ensemble dense et dénombrable,que l’on numérote : E = ξ1, ξ2, . . .. On considère T0 = P(S) ∩ U(ξk, j−1) :j, k ∈ N0. Il s’agit clairement d’une collection dénombrable d’ouverts non vides.Si U ∈ T \ ∅, on choisit ξ ∈ U , et l’on pose δ = dist(ξ, S \ U). On a δ > 0d’après 1.2.9. On choisit j ∈ N0 tel que j−1 < δ et, ensuite, ξk ∈ E tel qued(ξk, ξ) < j−1. Il résulte de ces choix que T0 3 U(ξk, j−1) ⊆ U ′.

(2) ⇒ (1) On numérote T0 = U1, U2, . . .. Chaque Uk étant non vide, onpeut y choisir ξk ∈ Uk. Il reste à montrer que l’ensemble E := ξ1, ξ2, . . .est dense. Soit ξ ∈ S et V ∈ V (ξ@) : d’après 1.2.8 nous devons établir queE ∩ V 6= ∅. Par définition de voisinage, il existe une boule ouverte U ∈ T telleque x ∈ U ⊆ V . D’après (2) il existe U ′ ∈ T0 tel que U ′ ⊆ U . Puisque E∩U ′ 6= ∅,on en tire que E ∩ V 6= ∅.

1.2.15 1.2.15 Corollaire. — Soit S[d] un espace métrique, et S ⊆ S. Si S est sé-parable, alors S (muni de la métrique induite) l’est aussi.

Démonstration. Arguant de la séparabilité de S, on choisit T0 comme dans1.2.14(2). On pose ensuite T0 = P(S) ∩ U ′ ∩ S : U ′ ∈ T0 et U ′ ∩ S 6= ∅.Il s’agit bien d’une collection d’ouverts non vides de S : si ξ ∈ U ′ ∩ S, alors

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1.3 Espaces normés 14

ξ ∈ U ′ et, puisque U ′ est ouvert dans S, il existe r > 0 tel que US(ξ, r) ⊆ U ′.Mais alors on vérifie aisément que US(ξ, r) = US(ξ, r) ∩ S ⊆ U ′ ∩ S, de sorteque U ′ ∩ S est ouvert dans S. En outre, T0 est clairement dénombrable. Pourconclure, d’après 1.2.14, il reste à montrer que tout ouvert non vide U de Scontient un membre de T0. Soit ξ ∈ U : il existe r > 0 tel que US(ξ, r) ⊆ U . Or,on en a déjà fait l’usage ci-dessus, US(ξ, r) = US(ξ, r) ∩ S. Par conséquent, siT0 3 U ′ ⊆ US(ξ, r), alors T0 3 U ′∩S ⊆ U , ce qui termine la démonstration.

1.2.16 1.2.16. — Soient S1[d1] et S2[d2] des espaces métriques. On munit le produitcartésien S = S1 × S2 d’une distance d définie par la formule

d[(ξ1, ξ2), (ξ′1, ξ′2)] := maxd1(ξ1, ξ′1), d2(ξ2, ξ′2) .

On vérifie aisément que pour tout ξ = (ξ1, ξ2) ∈ S1 × S2, et r > 0, on a

US(ξ, r) = US1(ξ, r)×US2(ξ2, r)BS(ξ, r) = BS1(ξ, r)×BS2(ξ2, r) .

Il résulte de ceci que si Uj ⊆ Sj , j = 1, 2, est ouvert, alors U1 × U2 est ouvert.En outre, pour toute paire Ej ⊆ Sj , j = 1, 2, d’ensembles non vides, on a

adh(E1 × E2) = (adhE1)× (adhE2) .

En effet, si (ξ1, ξ2) ∈ (adhE1) × (adhE2) alors, pour tout ε > 0, il existeξ1 ∈ E1 tel que d1(ξ1, ξ1) < ε, et il existe ξ2 ∈ E2 tel que d2(ξ2, ξ2) < ε.Par conséquent (ξ1, ξ2) ∈ E1 × E2 et d[(ξ1, ξ2), (ξ1, ξ2)] < ε. Puisque ε estarbitraire, on en déduit que (ξ1, ξ2) ∈ adhE1×E2. Réciproquement, supposonsque (ξ1, ξ2) 6∈ (adhE1)× (adhE2), de sorte que ξ1 6∈ adhE1 ou ξ2 6∈ adhE2. Siξ1 6∈ adhE1, l’ensemble ouvert (S1 \adhE1)×S2 contient (ξ1, ξ2) et n’intersectepas E1 × E2. Par conséquent (ξ1, ξ2) 6∈ adh(E1 × E2). Le cas ξ2 6∈ adhE2 estanalogue.

1.3 Espaces normés1.3.1 1.3.1. — Soit X un espace vectoriel sur K. Une norme sur X est une fonction

‖ · ‖ : X → R+ : x 7→ ‖x‖

qui vérifie les trois axiomes suivants :(1) ‖x‖ = 0 ssi x = 0 quel que soit x ∈ X ;(2) ‖λx‖ = |λ|‖x‖ quels que soient λ ∈ K et x ∈ X ;(3) ‖x1 + x2‖ 6 ‖x1‖+ ‖x2‖ quels que soient x1, x2 ∈ X.

On invoque (2) en disant que ‖ ·‖ est homogène, et l’on appelle (3) l’inégalitétriangulaire. Elle entraîne que

|‖x1‖ − ‖x2‖| 6 ‖x1 − x2‖

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1.3 Espaces normés 15

quels que soient x1, x2 ∈ X.Une espace normé X[‖·‖] sur K consiste en la donnée d’un espace vectoriel

sur K, et d’une norme ‖ · ‖ sur X. Par exemple, R[| · |] (valeur absolue) est unespace normé réel, et C[| · |] (module) est un espace normé complexe.

1.3.2 1.3.2. — On associe à un espace normé X[‖ · ‖] une distance d sur X, qui enfait un espace métrique X[d], de la manière canonique que voici :

d(x1, x2) := ‖x1 − x2‖ .

Par conséquent toutes les notions «métriques» introduites à la section précé-dente ont un sens dans le cadre des espaces normés, relativement à cette dis-tance. Notons que les boules

U(x, r) = X ∩ x′ : d(x, x′) < r = X ∩ x′ : ‖x′ − x‖ < r

etB(x, r) = X ∩ x′ : d(x, x′) 6 r = X ∩ x′ : ‖x′ − x‖ 6 r

sont des ensembles convexes. En effet, si x′, x′′ ∈ U(x, r) et 0 6 t 6 1 alors

‖x−[tx′+(1−t)x′′]‖ = ‖t(x−x′)+(1−t)(x−x′′)‖ 6 t‖x−x′‖+(1−t)‖x−x′′‖ < r ,

et le cas des boules fermées est analogue. En outre, les boules centrées à l’originesont équilibrées : si x ∈ U(0, r) et λ ∈ K est tel que |λ| 6 1, alors ‖λx‖ =|λ|‖x‖ 6 ‖x‖ < r, de sorte que λx ∈ U(0, r) ; le cas des boules fermées estsimilaire.

1.3.3 1.3.3 Théorème. — Soit X[‖ · ‖] un espace normé. L’addition

X ×X → X : (x1, x2) 7→ x1 + x2

et la multiplication par un scalaire

K×X → X : (λ, x) 7→ λx

sont continues.

Démonstration. Soit 〈(xk, yk)〉k∈N0 une suite dans X × X qui converge vers(x, y) ∈ X ×X. Cela signifie (voir 1.2.16) que la suite 〈xk〉k∈N0 converge vers x,et que la suite 〈yk〉k∈N0 converge vers y. On observe que

d(xk + yk, x+ y) = ‖(xk + yk)− (x+ y)‖= ‖(xk − x) + (yk − y)‖6 ‖xk − x‖+ ‖yk − y‖= d(xk, x) + d(yk, y)

quel que soit k ∈ N0. On en déduit que la suite 〈xk + yk〉k∈N0 converge versx+ y.

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1.3 Espaces normés 16

De façon analogue, si 〈(λk, xk)〉k∈N0 est une suite dans K×X qui convergevers (λ, x) ∈ K×X, alors 〈λk〉k∈N0 converge vers λ et 〈xk〉k∈N0 converge vers xet, pour tout k ∈ N0, on a

d(λkxk, λx) = ‖λkxk − λx‖= ‖λkxk − λkx+ λkx− λx‖6 ‖λk(xk − x)‖+ ‖(λk − λ)x‖= |λk|‖xk − x‖+ |λk − λ|‖x‖

6

(supk∈N0

|λk|)‖xk − x‖+ |λk − λ|‖x‖ .

Par conséquent, la suite 〈λkxk〉k∈N0 converge vers λx.

1.3.4 1.3.4 (Espaces de fonctions bornées). — Soit S un ensemble non vide. Unefonction u : S → K est bornée s’il existe M ∈ R+ tel que |u(ξ)| 6M pour toutξ ∈ S. On note B(S;K) ⊆ F (S;K) la collection des fonctions bornées S → K,et on vérifie qu’il s’agit d’un sous-espace vectoriel de F (S;K). Si u ∈ B(S;K)on définit

‖u‖∞ := sup|u(ξ)| : ξ ∈ S ∈ R+ .

On vérifie aisément qu’il s’agit d’une norme sur B(S;K). Notons explicitementqu’une suite 〈uk〉k∈N0 dans B(S;K) converge vers u ∈ B(S;K) (au sens dela distance induite par la norme ‖ · ‖∞, voir 1.3.2 et 1.2.3) ssi elle convergeuniformément vers u (voir 1.1.8).

1.3.5 1.3.5 (Espaces de fonctions bornées continues). — Supposons à présent que S[d]est un espace métrique. On définit

BC(S;K) = B(S;K) ∩ u : u est continue .

On vérifie qu’il s’agit d’un sous-espace vectoriel de B(S;K), c’est-à-dire que siu1, u2 ∈ B(S;K) sont continues, et λ1, λ2 ∈ K, alors λ1u1 + λ2u2 est égalementcontinue. La restriction à BC(S;K) de la norme ‖ · ‖∞ définie en 1.3.4 en faitun espace normé.

1.3.6 1.3.6 Théorème. — Soit S[d] un espace métrique. BC(S;K) est fermé dansB(S;K)[‖ · ‖∞].

Démonstration. Soit u ∈ B(S;K) et 〈uk〉k∈N0 une suite dans BC(S;K) quiconverge vers u, c’est-à-dire ‖uk − u‖∞ → 0 quand k →∞. Il s’agit de montrerque u est continue. Soit 〈ξj〉j∈N0 une suite dans S qui converge vers ξ ∈ S, etε > 0. Il existe k ∈ N0 tel que ‖uk−u‖∞ < ε et, puisque uk est continue en ξ, ilexiste j0 ∈ N0 tel que |uk(ξj)− uk(ξ)| < ε quel que soit j > j0. Par conséquent,si j > j0, on a

|u(ξ)− u(ξj)| 6 |u(ξ)− uk(ξ)|+ |uk(ξ)− uk(ξj)|+ |uk(ξj)− u(ξj)|6 ‖u− uk‖∞ + |uk(ξ)− uk(ξj)|+ ‖uk − u‖∞6 3ε ,

ce qui termine la démonstration.

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1.3 Espaces normés 17

1.3.7 1.3.7. — Si S[d] est un espace métrique compact (voir ...) alors toute fonctioncontinue u : S → K est bornée. Dans ce cas on note simplement C(S;K) au lieude BC(S;K). Si K = R on écrit C(S) au lieu de C(S;R), et si S = [a, b] est unintervalle compact on simplifie encore la notation en C[a, b].

1.3.8 1.3.8. — Soit n ∈ N0. Un élément x de l’espace vectoriel Kn est un n-uple notéx = (x(1), . . . , x(n)), c’est-à-dire qu’on y pense comme à une fonction

x : 1, . . . , n → K .

On définit

‖x‖1 :=n∑j=1|x(j)|

et‖x‖∞ := max|x(j)| : j = 1, . . . , n .

On vérifie sans peine qu’il s’agit de normes sur Kn et, pour suivre la tradition, onnotera respectivement `n1 (K) et `n∞(K) les espaces normés Kn[‖·‖1] et Kn[‖·‖∞]correspondant 6. Observons que Kn coïncide avec B(1, . . . , n;K), et que lanorme ‖ · ‖∞ définie ci-dessus sur Kn coïncide avec la norme ‖ · ‖∞ définie surB(1, . . . , n;K) en 1.3.4, de sorte que les notations sont consistantes.

Si 1 < p <∞ et x ∈ Kn on pose

‖x‖p :=

n∑j=1|x(j)|p

1p

.

On vérifie aisément que les axiomes (1) et (2) d’une norme (voir 1.3.1) sontvalides pour ‖ · ‖p. L’inégalité triangulaire quant à elle sera établie en 1.3.12.L’espace normé correspondant Kn[‖ · ‖p] sera noté `np (K).

1.3.9 1.3.9 (Exposants conjugués). — Soient 1 6 p 6 ∞ et 1 6 q 6 ∞. On dit quep et q sont conjugués dans les cas suivants :

1. p = 1 et q =∞ ;2. p =∞ et q = 1 ;3. 1 < p <∞ et 1 < q <∞ et 1

p + 1q = 1.

Notons que si 1 6 p 6 ∞ est donné, il admet un unique «exposant» conjugué1 6 q 6∞, et que q 6∈ 1,∞ ssi p 6∈ 1,∞, auquel cas p(q − 1) = q.

1.3.10 1.3.10 Théorème (Inégalité de Young). — Soient 1 < p < ∞ et 1 < q < ∞des réels conjugués, et a, b ∈ R+. On a

ab 6ap

p+ bq

q.

6. Et par abus de langage, on désignera par les mêmes symboles `n1 (K) et `n

∞(K) l’espacevectoriel Kn sous-jacent.

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1.3 Espaces normés 18

Démonstration. Si a = 0 ou b = 0, c’est évident. Supposons donc que a 6= 0 6= b.Puisque R→ R : t 7→ exp t est convexe, on a

ab = exp(log a+ log b)

= exp(

1p

log ap + 1q

log bq)

61p

exp (log ap) + 1q

exp (log bq)

= ap

p+ bq

q.

1.3.11 1.3.11 Théorème (Inégalité de Hölder). — Soient 1 < p < ∞ et 1 < q < ∞des réels conjugués, et x, y ∈ Kn. On a

n∑j=1|x(j)y(j)| 6 ‖x‖p‖y‖q .

Démonstration. Supposons d’abord que ‖x‖p = 1 = ‖y‖q. Dans ce cas, il suitde l’inégalité de Young que

n∑j=1|x(j)y(j)| 6

n∑j=1

(|x(j)|p

p+ |y(j)|q

q

)= 1p‖x‖pp + 1

q‖y‖qq

= 1 .

Supposons ensuite que ‖x‖p 6= 0 6= ‖y‖q, et posons x = ‖x‖−1p x et y‖y‖−1

q y. Ondéduit de l’homogénéité de ‖ · ‖p et ‖ · ‖q que ‖x‖p = 1 = ‖y‖q, de sorte que lacas précédent entraîne que

1‖x‖p‖y‖q

n∑j=1|x(j)y(j)| =

n∑j=1|x(j)y(j)| 6 1 ,

et il reste à multiplier les deux membres par ‖x‖p‖y‖q. Enfin, si x = 0 ou y = 0,la conclusion est évidente.

1.3.12 1.3.12 Théorème (Inégalité de Minkowski). — Soit 1 < p <∞ et x, y ∈ Kn.On a

‖x+ y‖p 6 ‖x‖p + ‖y‖p .

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1.3 Espaces normés 19

Démonstration. Si x+ y = 0 c’est évident. Supposons donc que x+ y 6= 0. Soitq l’exposant conjugué de p. On déduit de l’inégalité de Hölder que

‖x+ y‖pp =n∑j=1|x(j) + y(j)|p

6n∑j=1

(|x(j)|+ |y(j)|)|x(j) + y(j)|p−1

=n∑j=1|x(j)||x(j) + y(j)|p−1 +

n∑j=1|y(j)||x(j) + y(j)|p−1

6

n∑j=1|x(j)|p

1p n∑j=1|x(j) + y(j)|(p−1)q

1q

+

n∑j=1|y(j)|p

1p n∑j=1|x(j) + y(j)|(p−1)q

1q

= (‖x‖p + ‖y‖p)

n∑j=1|x(j) + y(j)|p

1p (p−1)

= (‖x‖p + ‖y‖p)‖x+ y‖p−1p ,

et il reste à diviser les deux membres de l’inégalité par ‖x+ y‖p−1p .

1.3.13 1.3.13. — Soit X un espace vectoriel sur K. On dit de deux normes ‖ · ‖ et· sur X qu’elles sont équivalentes s’il existe C1, C2 ∈ R+ \ 0 tels que

C1‖x‖ 6x 6 C2‖x‖

quel que soit x ∈ X. Notons que dans ce cas, l’identité id : X[‖ · ‖]→ X[·] :x 7→ x est un lipéomorphisme (et réciproquement, voir 1.6.4).

Par exemple sur X = Kn toutes les normes ‖ · ‖p, 1 6 p 6 ∞ sont deux àdeux équivalentes 7. En fait,

‖x‖∞ 6 ‖x‖p 6 n‖x‖∞

quel que soit x ∈ Kn.1.3.14 1.3.14 (Espaces de suites). — On note `∞(K) l’espace normé B(N0;K)[‖·‖∞],

c’est-à-dire que l’espace vectoriel sous-jacent est l’espace des suites bornées dansK, x : N0 → K. On introduit une nouvelle notation pour sa norme :

‖x‖`∞ = sup|x(j)| : j ∈ N0 .

7. Toutes les normes sur Kn sont équivalentes à ‖ · ‖∞, voir ...

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1.3 Espaces normés 20

On considère également

c0(K) := `∞(K) ∩ x : limj|x(j)| = 0 ,

dont on vérifie sans peine qu’il s’agit d’un sous-espace vectoriel. En outre c0(K)est fermé dans `∞(K) — la démonstration est analogue à celle de 1.3.6.

On considère à présent l’espace `1(K) des séries absolument convergentes :

`1(K) := F (N0;K) ∩

x :∑j∈N0

|x(j)| <∞

.

Etant donné x ∈ `1(K) on pose

‖x‖`1 :=∑j∈N0

|x(j)| ,

et l’on vérifie que `1(K) est un espace vectoriel et que ‖ · ‖`1 est une norme sur`1(K). Puisque le terme général d’une série absolument convergente tend vers0, on a `1(K) ⊆ c0(K). On se convainc aisément que la restriction à `1(K) de lanorme ‖ · ‖`∞ n’est pas équivalente à la norme ‖ · ‖`1 .

Etant donné 1 < p < ∞ on définit ensuite `p(K) comme étant la collectiondes séries p-sommables, c’est-à-dire

`p(K) := F (N0;K) ∩

x :∑j∈N0

|x(j)|p <∞

,

et à x ∈ `p(K) on associe le réel positif

‖x‖`p :=

∑j∈N0

|x(j)|p 1

p

.

On vérifie que `p(K) est un espace vectoriel sur K et que ‖ · ‖`p est une normesur `p(K).

Les espaces de suites `p(K), 1 6 p 6∞, ne sont pas de dimension finie. Eneffet ils contiennent tous la famille 〈ek〉k∈N0 , dont on vérifie qu’elle est libre, où

ek : N0 → K : j 7→

1 si j = k

0 si j 6= k .

1.3.15 1.3.15 Théorème. — Soient n ∈ N0 et 1 6 p 6∞. L’espace normé `np (K) estséparable.

Démonstration. D’après 1.3.13 et 1.2.13, il suffit de le prouver pour p = ∞.Puisque K est séparable, il existe un sous-ensemble dénombrable dense D ⊆ K.On considère E = Kn ∩ x : x(j) ∈ D pour tout j = 1, . . . , n = Dn. Cetensemble est dénombrable. Il est également dense. En effet, si x ∈ Kn et ε > 0,à chaque j = 1, . . . , n on associe y(j) ∈ D tel que |x(j)− y(j)| < ε. On voit quey := (y(1), . . . , y(n)) ∈ E et que ‖x− y‖∞ < ε.

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1.3 Espaces normés 21

1.3.16 1.3.16 Théorème. — Soit 1 6 p <∞. L’espace normé `p(K) est séparable.

Démonstration. A chaque n ∈ N0 on associe

Xn = `p(K) ∩ x : x(j) = 0 pour tout j > n

etEn = Xn ∩ x : x(j) ∈ D pour tout j = 1, . . . , n

où D ⊆ K est dense. On observe que chaque Xn est un sous-espace vectorielde dimension finie (isométriquement) lipéomorphe à `np (K), de sorte que En estdense dans Xn d’après 1.3.14. Puisque chaque En est dénombrable, il en est demême de E = ∪n∈N0En. Il reste à montrer que E est dense dans `p(K).

Soit x ∈ `p(K) et ε > 0. Puisque la série∑j∈N0

|x(j)|p est convergente,il existe n ∈ N0 tel que

∑j>n |x(j)|p < εp. En d’autres mots, si l’on définit

xn ∈ `p(K) par la formule

xn : N0 → K : j 7→x(j) si 1 6 j 6 n0 si j > n ,

alors ‖x − xn‖`p < ε. Puisqu’en outre xn ∈ Xn, il existe y ∈ En ⊆ E tel que‖xn−y‖`p < ε, de sorte que ‖x−y‖`p < 2ε, et la démonstration est terminée.

1.3.17 1.3.17 Théorème. — L’espace normé `∞(K) n’est pas séparable.

Démonstration. On rappelle que l’ensemble P(N0) des parties de N0 n’est pasdénombrable, et l’on définit une application

Υ : P(N0)→ `∞(K) : A 7→ 1A

où 1A, l’indicatrice de A, est

1A : N0 → K : j 7→

1 si j ∈ A0 si j 6∈ A .

On vérifie sans peine que Υ est injective, et l’on pose S = im Υ. Observons quesi x, y ∈ S et x 6= y alors ‖x− y‖`∞ = 1.

On définit un sous-ensemble ouvert Z ⊆ `∞(K), réunion de boules deux àdeux disjointes, comme ceci :

Z =⋃x∈S

U`∞(K)

(x,

12

).

Si `∞(K) était séparable, il existerait un sous-ensemble dense dénombrable D ⊆`∞(K), et on vérifie sans peine que DZ = Z ∩ D serait, lui, dense dans Z.A chaque y ∈ DZ correspond un unique x ∈ S tel que y ∈ U(x, 1/2) ; on lenote f(y). Ceci définit une application f : DZ → S. Elle est surjective, carDZ est dense dans Z. Or DZ est dénombrable, donc S le serait aussi, unecontradiction.

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1.4 Espaces topologiques 22

1.4 Espaces topologiques1.4.1 1.4.1. — A la section 1.2 on a associé à un espace métrique S[d] la collection

T de ses sous-ensembles ouverts, qu’on a appelée la topologie de S[d]. Des dis-tances distinctes sur S peuvent donner lieu à la même topologie. Par exemplesi S = R alors la distance d′(t1, t2) =

√|t1 − t2|, t1, t2 ∈ R, donne lieu à la

même topologie que la distance canonique d (voir 1.2.2). Certains concepts dé-finis explicitement en termes de la distance d ne dépendent, en fait, que de latopologie T. Par exemple, la continuité d’une application f : S → S′ entre deuxespaces métriques S[d] et S′[d′], définie en termes de suites convergentes (voir1.2.9), c’est-à-dire en termes des distances d et d′ (voir 1.2.3), s’exprime de ma-nière équivalente en termes des topologies T et T′ de S et S′ respectivement(voir 1.2.11). On dira d’un tel concept qu’il est topologique, par opposition auxconcepts métriques qui, eux, dépendent «vraiment» des distances données. Parexemple la notion d’homéomorphisme est topologique tandis que la notion de li-péomorphisme est, elle, une notion métrique. En effet, l’identité id : R[d]→ R[d′]est un homéomoprhisme mais n’est pas un lipéomorphisme relativement aux dis-tances d et d′ considérées sur R.

1.4.2 1.4.2. — Soit S un ensemble. Une topologie sur S est une collection T ⊆P(S) de parties de S vérifiant les axiomes suivants :(1) ∅ ∈ T et S ∈ T ;(2) T est stable par intersection finie : si U1, . . . , Un ∈ T alors ∩nj=1Uj ∈ T ;(3) T est stable par réunion quelconque : si 〈Uj〉j∈J est une famille dans T

alors ∪j∈JU − j ∈ T.Par exemple T = ∅, S et T = P(S) sont des topologies sur S. Si S[d] estespace métrique, alors la collection des ouverts de S est une topologie sur S(voir 1.2.7).

Un espace topologique S[T] consiste en la donnée d’un ensemble S etd’une topologie T sur S. Les membres de T sont appelés les ouverts de S(relativement à cette topologie T), et leurs complémentaires sont appelés lesfermés de S. Un espace topologique S[T] est dit métrisable s’il existe unedistance d sur S telle que la topologie T coïncide avec la collection des ouvertsdéfinies relativement à cette distance d (voir 1.2.7). On dit d’une telle distancequ’elle est compatible avec la topologie T.

Un espace topologique S[T] est séparé si pour toute paire ξ1, ξ2 ∈ S depoints distincts, il existe deux ouverts disjoints U1, U2 ∈ T tels que ξ1 ∈ U1 etξ2 ∈ U2. On vérifie sans peine que si S[T] est séparé, alors chaque singleton ξest fermé. Si S n’est ni vide ni un singleton alors S[∅, S] n’est pas séparé. Enrevanche, si S[T] est métrisable, alors il est séparé. En effet, étant donné ξ1 6= ξ2dans S, on pose δ = d(ξ1, ξ2) > 0, où d est une distance compatible avec latopologie T, et l’on observe que U(ξ1, δ/2) ∩U(ξ2, δ/2) = ∅ d’après l’inégalitétriangulaire.

1.4.3 1.4.3. — La notion de voisinage d’un point se généralise au cas des espacestopologiques S[T]. On dit que V ⊆ S est un voisinage de ξ ∈ S s’il existe

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1.4 Espaces topologiques 23

un ouvert U ∈ T tel que ξ ∈ U ⊆ V . On vérifie alors qu’un ensemble E ⊆ Sest ouvert (c’est-à-dire E ∈ T) ssi E est voisinage de chacun de ses points. Onvérifie également que la collection V (ξ) des voisinages de ξ est un filtre (voir1.2.5).

1.4.4 1.4.4. — La notion de convergence d’une suite 〈ξk〉k∈N0 dans un espace topo-logique S[T] est définie comme ceci : on dit que 〈ξk〉k∈N0 converge vers ξ ∈ Ssi pour tout V ∈ V (ξ) il existe k0 ∈ N0 tel que ξk ∈ V quel que soit k > k0.Si S[T] est séparé, un tel ξ est unique (s’il existe), on l’appelle la limite de lasuite 〈ξk〉k∈N0 , et l’on adopte les mêmes notations que celles introduites dansle cas métrique en 1.2.3. On observe que cette définition est consistante aveccelle donnée en 1.2.3 si S[T] est métrisable. Un remarque essentielle au sujet dessuites est faite en 1.4.8 ; elle repose sur l’exemple développé en 1.4.6.

1.4.5 1.4.5. — Soient S[T] et S′[T′] deux espaces topologiques, f : S → S′, et ξ ∈ S.S’inspirant de 1.2.10, on dit que f est continue en ξ si pour tout voisinageV ′ de f(ξ) dans S′, f−1(V ′) est un voisinage de ξ dans S. Comme dans le casmétrique, on dit que f est continue sur une partie A ⊆ S si elle est continueen chaque ξ ∈ A, et qu’elle est continue si A = S. La démonstration de 1.2.10(2)⇒ (1) se généralise : si f est continue en ξ et 〈ξk〉k∈N0 est une suite extraitede S qui converge vers ξ, alors limk f(ξk) = f(ξ). En revanche la réciproquen’est pas valide, comme nous allons le montrer dans l’exemple suivant.

1.4.6 1.4.6 Exemple (Topologie de la convergence ponctuelle). — Soit S un ensemblenon vide. Nous allons munir F (S;K) (voir 1.1.4) d’une topologie notée Ts etappelée topologie de la convergence ponctuelle.

Etant donné u ∈ F (S;K), ξ ∈ S, et ε > 0 on définit

Uuξ;ε := F (S;K) ∩ u′ : |u′(ξ)− u(ξ)| < ε .

On note B(u) la collection des intersections finies d’ensembles du type ci-dessus.En d’autres termes, U ∈ B(u) si et seulement s’il existe n ∈ N0, ξ1, . . . , ξn ∈ S,et ε1 > 0, . . . , εn > 0 tels que

U = F (S;K) ∩ u′ : |u′(ξj)− u(ξj)| < εj pour tout j = 1, . . . , n .

On note Uuξ1,...,ξn;ε1,...,εnl’ensemble ci-dessus. On définit à présent

V (u) = P(F (S;K)) ∩ V : il existe U ∈ B(u) tel que u ∈ U ⊆ V

et on vérifie qu’il s’agit d’un filtre, et que B(u) est une base de ce filtre (voir1.2.5 et 1.2.6).

A présent on est en mesure de définir Ts :

Ts = P(F (S;K)) ∩ U : (∀u ∈ U)(∃V ∈ V (u)) tel que u ∈ U ⊆ V .

Observons que, dans cette définition, on peut remplacer V (u) par B(u). Enutilisant les propriétés de filtre, on vérifie aisément que Ts est une topologie surF (S;K). Montrons que V (u) ⊆ F (S;K) quel que soit u ∈ F (S;K). Puisque Ts

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1.4 Espaces topologiques 24

est une topologie et que Uuξ1,...,ξn;ε1,...,εn= ∩nj=1U

uξj ;εj , il suffit de vérifier que

chaque Uuξ;ε ∈ Ts. Soit u′ ∈ Uuξ;ε. Puisque |u′(ξ) − u(ξ)| < ε, il existe η > 0 telque |u′(ξ)−u(ξ)|+η < ε. On vérifie que u′+Uu′ξ;η ⊆ Uuξ;ε, de sorte que Uuξ;ε ∈ Ts,par définition de Ts.

Enfin, on observe que V (u) est la collection des voisinages de u (au sens de1.4.3) relativement à la topologie Ts. Nous allons à présent justifier la termino-logie «topologie de la convergence ponctuelle» (la convergence ponctuelle a étédéfinie en 1.1.8).

Une suite 〈uk〉k∈N0 dans F (S;K) converge vers u ∈ F (S;K) au sens de latopologie Ts si et seulement elle converge ponctuellement vers u, c’est-à-direu(ξ) = limk uk(ξ) pour tout ξ ∈ S.

En effet, supposons que 〈uk〉k∈N0 converge vers u au sens de Ts, et fixonsξ ∈ S. Pour chaque ε > 0, Uuξ;ε est un Ts-voisinage de u, de sorte qu’il existek0 ∈ N0 tel que uk ∈ Uuξ;ε quel que soit k > k0. Puisque ε est arbitraire, on endéduit que u(ξ) = limk uk(ξ). Par conséquent 〈uk〉k∈N0 converge ponctuellementvers u. Réciproquement, supposons que u(ξ) = limk uk(ξ) quel que soit ξ ∈ S.Soit V ∈ V (u) un Ts-voisinage de u. Il existe U ∈ B(u) tel que u ∈ U ⊆ V .Soient n ∈ N0, ξ1, . . . , ξn ∈ S, et ε1 > 0, . . . , εn > 0 tels que U = Uuξ1,...,ξn;ε1,...,εn

.Etant donné j = 1, . . . , n, on a u(ξj) = limk uk(ξj), de sorte qu’il existe kj ∈ N0tel que |uk(ξj)− u(ξj)| < εj (c’est-à-dire uk ∈ Uuξj ;εj ) quel que soit k > kj . Onpose k0 = maxk1, . . . , kn. Dès lors, uk ∈ U quel que soit k > k0. Puisque Vest arbitraire, la démonstration est terminée.

Nous allons à présent montrer que la continuité (définie en 1.4.5) ne peut pasêtre caractérisée par des suites (contrairement au cas métrique, 1.2.9 et 1.2.10).Dans le reste de ce numéro on suppose que S est infini non dénombrable. Etantdonné u ∈ F (S;K) on définit son «support»

u 6= 0 := S ∩ ξ : u(ξ) 6= 0

et une fonction

f : F (S;K)→ R : u 7→

cardu 6= 0 si u 6= 0 est fini0 si u 6= 0 est infini .

On note 1S la fonction identiquement égale à 1. Nous allons démontrer les deuxassertions suivantes :(1) Si 〈uk〉k∈N0 est une suite dans F (S;K) qui converge vers 1S au sens de Ts

alorslimkf(uk) = f(1S) = 0 ;

(2) f n’est pas continue (au sens de 1.4.5) en 1S .Prouvons (1). On pose Sk = uk 6= 0, k ∈ N0, et N = N ∩ k : Sk est fini.

Supposons que N est infini et considérons la numérotation croissante σ : N→ Nde N . La sous-suite 〈uσ(k)〉k∈N0 converge elle aussi vers u au sens de Ts. PuisqueS := ∪k∈N0Sσ(k) est dénombrable, il existe ξ ∈ S \ S. On voit aisément que

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1.4 Espaces topologiques 25

limk uk(ξ) = 0 6= 1 = 1S(ξ), une contradiction. Par conséquent l’ensemble Nest fini. Si k > maxN alors f(uk) = 0, ce qui démontre (1).

Afin de prouver (2) on considère le voisinage V ′ = (− 12 ,

12 ) de f(1S) = 0

dans R. Si f−1(V ′) était un Ts-voisinage de 1S , il existerait U ∈ B(1S) telque U ⊆ f−1(V ′), c’est-à-dire il existerait n ∈ N0, ξ1, . . . , ξn ∈ S, et ε1 >0, . . . , εn > 0 tels que U = U1S

ξ1,...,ξn;ε1,...,εn⊆ f−1(V ′). Or 1ξ1,...,ξn ∈ U mais

f(1ξ1,...,ξn) = n 6∈ V ′.La discussion ci-dessus montre en particulier que F (S;K)[Ts] n’est pas mé-

trisable. On clôt ce numéro en montrant que cet espace topologique est séparé.En effet, si u1 6= u2 alors il existe ξ ∈ S tel que u1(ξ) 6= u2(ξ). On poseε = 1

2 |u1(ξ) − u2(ξ)| > 0 et on observe que uj ∈ Uujξ;ε ∈ Ts, j = 1, 2, et

Uu1ξ;ε ∩ U

u2ξ;ε = ∅.

1.4.7 1.4.7. — Dans un espace topologique S[T] on définit l’intérieur (resp. l’adhé-rence) d’une partie E ⊆ S comme étant le plus grand ouvert contenu dans E(resp. le plus petit fermé contenant E), et on le note intE (resp. adhE). Onremarque que E est ouvert ssi E = intE (resp. E est fermé ssi E = adhE). Onvérifie également que

intE = S ∩ ξ : (∃V ∈ V (ξ)) tel que V ⊆ EadhE = S ∩ ξ : (∀V ∈ V (ξ)) on a V ∩ E 6= ∅ .

1.4.8 1.4.8. — Soit S[T] un espace topologique séparé, et notons S la collectionformée de toutes les paires 〈ξk〉k∈N0 , ξ où 〈ξk〉k∈N0 est une suite convergenteextraite de S et ξ est sa limite. D’après la définition de suite convergente (voir1.4.4), il est clair que S est entièrement déterminée par T. Si T est métrisable,la réciproque est vraie : T est entièrement déterminée par S . En effet, on vérifieque si S[T] est métrisable alors un ensemble E ⊆ S est ouvert ssi pour toutξ ∈ E et pour toute 〈ξk〉k∈N0 , ξ ∈ S il existe k0 ∈ N0 tel que ξk ∈ E quel quesoit k > k0. De manière équivalente, si S[T] est métrisable alors un ensembleE ⊆ S est fermé ssi pour toute 〈ξk〉k∈N0 , ξ ∈ S telle que ξk ∈ E pour toutk, on a ξ ∈ E. Une troisième formulation équivalente est celle-ci : si S[T] estmétrisable et E ⊆ S alors

adhE = S ∩ ξ : (∃〈ξk〉k∈N0 , ξ ∈ S )(∀k ∈ N0) on a ξk ∈ E .

Ceci n’est pas vrai en général dans les espaces topologiques séparés non mé-trisables. Considérons par exemple (voir 1.4.6) F (S;K)[Ts] où S est infini nondénombrable, et

E = F (S;K) ∩ u : u 6= 0 est fini .

On vérifie que 1S ∈ adhE (voir la preuve de 1.4.6(2)) mais aucune suite extraitede E ne converge ponctuellement vers 1S (si S est infini non dénombrable, voirla preuve de 1.4.6(1)). Dans ce cas il est utile d’introduire la notion de systèmedirigé (ou suite généralisée), ou la notion de filtre. On le fera au chapitre ...

1.4.9 1.4.9 Théorème. — Soient S[T] et S′[T′] deux espace topologiques, et f : S →S′. Les conditions suivantes sont équivalentes :

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1.5 Espaces vectoriels topologiques 26

(1) f est continue ;(2) pour tout ouvert U ′ ⊆ S′, f−1(U ′) est ouvert dans S ;(3) pour tout fermé F ′ ⊆ S′, f−1(F ′) est fermé dans S ;(4) pour tout E ⊆ S, f(adhE) ⊆ adh f(E).

Démonstration. (1) ⇒ (4) Soit ξ ∈ adhE et V ′ un voisinage de f(ξ). Puisquef−1(V ′) est un voisinage de ξ, on a f−1(V ′)∩E 6= ∅, donc aussi V ′ ∩ f(E) 6= ∅.Comme V ′ est arbitraire, f(ξ) ∈ adhE.

Le reste de la preuve est analogue à celle de 1.2.11.

1.4.10 1.4.10. — Notons explicitement que si S[T], S′[T′] et S′′[T′′] sont des espacestopologiques, et si f : S → S′ est continue en ξ ∈ S et g : S′ → S′′ est continueen f(ξ), alors la composée g f est continue en ξ. En particulier, si f et g sontcontinues, alors g f l’est aussi. L’identité idS : S → S : ξ 7→ ξ est toujourscontinue. On appelle homéomorphisme une bijection continue f : S → S′

dont la réciproque f−1 est continue. Si un tel homéomorphisme existe, on ditque S et S′ sont homéomorphes.

1.4.11 1.4.11. — Soient S1[T1] et S2[T2] deux espaces topologiques. Nous allons munirle produit cartésien S = S1×S2 d’une topologie T appelée la topologie produit.On commence par définir B = P(S)∩U1×U2 : U1 ∈ T1 et U2 ∈ T2. Ensuiteon pose T = P(S) ∩ U : (∀ξ ∈ U)(∃U ′ ∈ B) tel que ξ ∈ U ′ ⊆ U. On vérifiequ’il s’agit bien d’une topologie, qu’elle est séparée si T1 et T2 le sont toutes lesdeux, et que pour tout ξ ∈ S la collection B(ξ) = B ∩U : ξ ∈ U est une basedu filtre des T-voisinages de ξ. Ceci étant acquis, on vérifie par un argumentsemblable à celui invoqué en 1.2.16 que adhE1 × E2 = (adhE1) × (adhE2)quels que soient E1 ⊆ S1 et E2 ⊆ S2. Enfin, on remarque que si T1 et T2 sontmétrisables, alors la topologie produit introduite ici coïncide avec la topologieassociée à la métrique définie en 1.2.16.

1.5 Espaces vectoriels topologiques1.5.1 1.5.1. — Un espace vectoriel topologique X[T] est un espace topologique

séparé où X est un espace vectoriel sur K, tel que les applications

X ×X → X : (x1, x2) 7→ x1 + x2

etK×X → X : (λ, x) 7→ λx

sont continues. Par exemple, un espace normé X[‖ · ‖] donne lieu à un espacevectoriel topologique (voir 1.3.3). On montrera en 2.1.4 que F (S;K)[TS ] est unespace vectoriel topologique (voir 1.4.6).

On dit qu’un espace vectoriel topologique X[T] est métrisable s’il existesur X une distance compatible avec sa topologie T, et qu’il est normable s’ilexiste sur X une norme telle que la distance qui lui est associée est compatibleavec T.

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1.5 Espaces vectoriels topologiques 27

1.5.2 1.5.2 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique, x0 ∈ X et λ0 ∈K \ 0. Les applications

X → X : x 7→ x0 + x

etX → X : x 7→ λ0x

sont des homéomorphismes.

Démonstration. Notons Tx0 la première de ces deux applications, et Mλ0 laseconde. Elles sont injectives d’après les axiomes d’espaces vectoriels, et surjec-tives, leurs réciproques étant respectivement T−x0 et Mλ−1

0. La continuité de

ces quatre applications découle des axiomes d’espaces vectoriels topologiques etpermet de conclure.

1.5.3 1.5.3. — En particulier la topologie T est invariante par translation : si E ⊆ X,alors E ∈ T ssi x + E ∈ T pour tout x ∈ E. On en déduit que x + V est unvoisinage de x ssi V est un voisinage de 0.

1.5.4 1.5.4 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique.(1) Si A ⊆ X alors

adhA = ∩A+ V : V est un voisinage de 0 .

(2) Si A,B ⊆ X alors adhA+ adhB ⊆ adh(A+B).(3) Si Z ⊆ X est un sous-espace vectoriel, alors adhZ en est un également.(4) Si A ⊆ X est convexe, alors adhA et intA sont également convexes.(5) Si ∅ 6= A ⊆ X est équilibré alors adhA l’est aussi, et intA est également

équilibré si 0 ∈ intA.

Démonstration. (1) On a x ∈ adhA ssi (x+ V ) ∩A 6= ∅ pour tout voisinage Vde 0 (remarque 1.5.3), ssi x ∈ A∩ (−V ) pour tout tel V . Or V est un voisinagede 0 ssi −V en est un, d’après 1.5.2.

(2) Notons T : X × X → X : (x1, x2) 7→ x1 + x2. D’après 1.4.11 on aadh(A × B) = (adhA) × (adhB) et, puisque T est continue, on déduit de1.4.9(4) que

(adhA) + (adhB) = T [(adhA)× (adhB)]= T [adh(A×B)]⊆ adhT (A×B)= adh(A+B) .

(3) Soient λ1, λ2 ∈ K. Si λj 6= 0 alors λj adhZ = adh(λjZ), j = 1, 2, d’après1.5.2, et la même identité est trivialement valide si λj = 0. On déduit de (2), etde ce que Z est un sous-espace vectoriel, que

λ1 adhZ + λ2 adhZ = (adhλ1Z) + (adhλ2Z)⊆ adh(λ1Z + λ2Z)⊆ adhZ .

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1.5 Espaces vectoriels topologiques 28

(4) Soit 0 < t < 1. On a adh(tA) = t(adhA) et adh(1− t)A = (1− t) adhA,d’après 1.5.2. On déduit de (2) que

(1− t)(adhA) + t(adhA) = (adh(1− t)A) + (adh tA)⊆ adh[(1− t)A+ tA]⊆ adhA ,

et donc adhA est convexe. Par ailleurs, intA ⊆ A, de sorte que

t intA+ (1− t) intA ⊆ A .

Or t intA et (1− t) intA sont ouverts, d’après 1.5.2, donc leur somme t intA+(1− t) intA est également ouvert, toujours d’après 1.5.2. Par conséquent,

t intA+ (1− t) intA ⊆ intA ,

ce qui montre que intA est convexe.(5) Soit λ ∈ K, 0 < |λ| 6 1. On a λ(adhA) = adh(λA) d’après 1.5.2,

donc λ(adhA) = adh(λA) ⊆ adhA. Puisqu’on a aussi 0 ∈ A (car ∅ 6= A etA est équilibré), on a 0. adhA = 0 ⊆ A ⊆ adhA. Par conséquent adhA estéquilibré. Par ailleurs, si λ ∈ K et 0 < |λ| 6 1, alors λ(intA) = int(λA), d’après1.5.2, et l’on en déduit que λ(intA) = int(λA) ⊆ intA. Enfin, si 0 ∈ intA alors0 intA = 0 ⊆ intA. Cela montre que intA est équilibré.

1.5.5 1.5.5 Théorème. — Tout voisinage de 0 dans un espace vectoriel topologiqueest absorbant.

Démonstration. Soit V un voisinage de 0. Supposons que V n’est pas absorbant(voir 1.1.7). Dans ce cas il existerait x ∈ X et, pour chaque k ∈ N0 un λk ∈ Ktel que |λk| > k et x 6∈ λkV . Ceci contredit la convergence vers 0 de la suite〈λ−1k xk〉k∈N0 qui résulte de la continuité de la multiplication par un scalaire et

de ce que λ−1k → 0 quand k →∞.

1.5.6 1.5.6 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique, et V un voisi-nage de 0.(1) Il existe un voisinage ouvert U de 0 tel que −U = U et U + U ⊆ V .(2) V contient un voisinage fermé de 0.(3) V contient un voisinage équilibré de 0.(4) V contient un voisinage fermé équilibré de 0.(5) V contient un voisinage ouvert équilibré de 0.

Démonstration. (1) Il résulte de la continuité de l’addition en (0, 0), et de ceque 0 + 0 = 0, qu’il existe deux voisinages V1 et V2 de 0 tels que V1 + V2 ⊆ V .On pose U = V1∩V2∩ (−V1)∩ (−V2) et on vérifie aisément qu’il a les propriétésrequises.

(2) On choisit U comme dans (1). D’après 1.5.4(1) on a adhU ⊆ U+U ⊆ V ,de sorte que adhU vérifie la thèse.

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1.5 Espaces vectoriels topologiques 29

(3) Puisque la multiplication par un scalaire est continue, il existe δ > 0et un voisinage U de 0 dans X tels que λU ⊆ V quel que soit λ ∈ K tel que|λ| 6 δ. On pose U0 = ∪λU : λ ∈ K et |λ| 6 δ, et on vérifie aisément que U0est équilibré.

(4) D’après (2) il existe un voisinage fermé V1 de 0, contenu dans V . D’après(3), V1 lui-même contient un voisinage équilibré V2 de 0. D’après 1.5.4(5), adhV2est un voisinage équilibré de 0, et adhV2 ⊆ adhV1 = V1 ⊆ V .

(5) D’après (3), V contient un voisinage équilibré de 0. D’après 1.5.4(5),l’intérieur de celui-ci est un voisinage ouvert équilibré de 0.

1.5.7 1.5.7. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique, et B ⊆ X. On dit queB est borné s’il vérifie la condition suivante. Pour tout voisinage V de 0 ilexiste t > 0 tel que B ⊆ sV quel que soit s > t. Les singletons sont bornéscar les voisinages de 0 sont absorbants, d’après 1.5.5. On observe aussi qu’uneréunion finie d’ensembles bornés est bornée. En particulier, les ensembles finissont bornés.

1.5.8.bis 1.5.8 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique, et 〈xk〉k∈N0

une suite convergente dans X. Dans ce cas, l’ensemble X ∩ xk : k ∈ N0 estborné.

Démonstration. On pose x = limk xk. Soit V un voisinage de 0. On choisit unvoisinage de 0 équilibréW ⊆ V , puis un voisinage U de 0 tel que U+U ⊆W (voir1.5.6(3) et (1)). Il existe t0 > 0 tel que t−1

0 x ∈ U . Puisque t−10 x = limk t

−10 xk,

il existe k0 ∈ N0 tel que t−10 xk − t−1

0 x ∈ U , c’est-à-dire xk − x ∈ t0U , quel quesoit k > k0. Pour de tels k on a donc xk ∈ x + t0U ⊆ t0U + t0U ⊆ t0W . Parailleurs, l’ensemble x1, . . . , xk0−1 étant fini, il est contenu dans t1W pour uncertain t1 > 0. Enfin, puisque W est équilibré, les relations s > t > 0 entaînenttW ⊆ sW . Par conséquent X ∩ xk : k ∈ N0 ⊆ sW ⊆ sV pour autant ques > maxt0, t1.

1.5.8 1.5.9 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique et B ⊆ X. Lesconditions suivantes sont équivalentes.(1) B est borné.(2) Pour toute suite 〈xk〉k∈N0 dans B et toute suite 〈λk〉k∈N0 dans K telle que

limk λk = 0, on a limk λkxk = 0.

Démonstration. (1) ⇒ (2) Soit V un voisinage de 0 ; il contient un voisinageéquilibré V0 de 0 (voir 1.5.6(3)). Soit aussi s > 0 tel que B ⊆ sV0. On choisitk0 ∈ N0 tel que |λk|s 6 1 dès que k > k0. Pour un tel k, λkxk ∈ λkB ⊆ λksV0 ⊆V0 car V0 est équilibré. Puisque V est arbitraire, la démonstration est terminée.¬(1)⇒ ¬(2) Si B n’est pas borné, il existe un voisinage V de 0 et une suite

〈sk〉k∈N0 dans R+ \ 0 tels que sk → ∞ quand k → ∞ et B 6⊆ skV , k ∈ N0.On choisit xk ∈ B \ skV . Puisque s−1

k xk 6∈ V , on a ¬(limk s−1k xk = 0).

1.5.9 1.5.10 Théorème. — Soit X[‖·‖] un espace normé, et B ⊆ X. Les conditionssuivantes sont équivalentes.

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1.6 Applications linéaires continues 30

(1) B est borné.(2) sup‖x‖ : x ∈ B <∞.

Démonstration. (1)⇒ (2) Puisque U(0, 1) est un voisinage de 0, il existe s > 0tel que B ⊆ U(0, s).

(2) ⇒ (1) Soit M = sup‖x‖ : x ∈ B, et V un voisinage de 0. Il exister > 0 tel que U(0, r) ⊆ V . On a B ⊆ U(0, sr) = sU(0, r) ⊆ sV dès ques > t = Mr−1.

1.5.10 1.5.11. — Si X[T] est un espace topologique métrisable, et d est une distancecompatible avec T, alors la notion d’être un sous-ensemble borné de X au sensde 1.5.7 n’est en général pas équivalente à la notion usuelle d’être borné rela-tivement à la distance d (sauf si la distance est associée à une norme, commel’exprime 1.5.10).

1.5.11 1.5.12 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique, et B ⊆ X. SiB est borné, alors adhB l’est également.

Démonstration. Soit V un voisinage de 0. D’après 1.5.6(2), V contient un voi-sinage fermé V0 de 0. Puisque B est borné, il existe t > 0 tel que B ⊆ sV0 pourtout s > t. Pour un tel s on a adhB ⊆ adh sV0 = s(adhV0) = sV0 ⊆ sV , d’après1.5.2. Par conséquent adhB est borné.

1.6 Applications linéaires continues1.6.1 1.6.1. — Soient X et Y des espaces vectoriels sur le même corps K. On rappelle

qu’une application T : X → Y est linéaire si T (λ1x1 + λ2x2) = λ1T (x1) +λ2T (x2) quels que soient x1, x2 ∈ K et λ1, λ2 ∈ K. Si Y = K on dit que T estune forme linéaire.

Notons que T (0) = 0 et que T (A) est une sous-espace vectoriel (resp.convexe, équilibré) lorsque A ⊆ X l’est. De même, T−1(B) est un sous-espacevectoriel (resp. convexe, équilibré) lorsque B ⊆ Y l’est. En particulier, le noyaude T est le sous-espace vectoriel

kerT = T−10 = X ∩ x : T (x) = 0 .

1.6.2 1.6.2 Théorème. — Soient X[TX ] et Y [TY ] des espaces vectoriels topolo-giques sur K, et T : X → Y une application linéaire. Les conditions suivantessont équivalentes.(1) T est continue.(2) T est continue en 0.

Démonstration. Il est que évident que (1) entraîne (2), de sorte qu’il reste àprouver la réciproque. Nous devons montrer que T est continue en x0 ∈ X fixéarbitrairement. Etant donné x ∈ X, on écrit

T (x) = T (x0 + (x− x0)) = T (x0) + T (x− x0) .

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1.6 Applications linéaires continues 31

En d’autres termes, on décompose

T = TYT (x0) T TX−x0

où TYT (x0) : Y → Y : y 7→ T (x0) + y est continue, et TX−x0: X → X : x 7→ x− x0

est continue également. La composée est continue en x0 car T est continue en0 = TX−x0

(x0).

1.6.3 1.6.3. — Soient X[TX ] et Y [TY ] des espaces vectoriels topologiques sur K.On note L(X;Y ) la collection des applications linéaires continues X → Y . Ils’agit d’un espace vectoriel sur K. En effet, l’application identiquement nulle0 ∈ L(X;Y ), et si T1, T2 ∈ L(X,Y ) et λ1, λ2 ∈ K alors la composée

λ1T1 + λ2T2 = Mλ1 T1 +Mλ2 T2

est continue (même notation que dans la preuve de 1.5.2). Dans certains cas onmunira L(X;Y ) lui-même d’une topologie vectorielle.

Dans le cas où Y = K, on note X∗ = L(X;K) l’espace des formes linéairescontinues sur X, et on l’appelle l’espace dual de X.

1.6.4 1.6.4 Théorème. — Soient X[‖ · ‖X ] et Y [‖ · ‖Y ] deux espaces normés, etT : X → Y une application linéaire. Les conditions suivantes sont équivalentes.(1) T est lipschitzienne.(2) T est continue.(3) T est bornée, c’est-à-dire que T (B) est borné dans Y dès que B est borné

dans X.(4) Il existe C > 0 tel que ‖T (x)‖Y 6 C‖x‖X quel que soit x ∈ X.

Démonstration. (1)⇒ (2) est évident.(2) ⇒ (3) Soit B ⊆ X borné, et V un voisinage de 0 dans Y . Puisque T

est continue en 0, et que T (0) = 0, T−1(V ) est un voisinage de 0 dans X,donc il existe t > 0 tel que B ⊆ sT−1(V ) si s > t. Par conséquent T (B) ⊆T (sT−1(V )) = sT (T−1(V )) ⊆ sV , quel que soit s > t. Donc T (B) est borné.

(3) ⇒ (4) La boule unité BX = BX(0, 1) = X ∩ x : ‖x‖X 6 1 est bornéed’après 1.5.10, donc T (BX) est borné dans Y d’après (3), c’est-à-dire qu’il existeC > 0 tel que

sup‖y‖Y : y ∈ T (BX) 6 Cd’après 1.5.10. Soit x ∈ X \ 0. Puisque ‖x‖−1

X x ∈ BX , on a

‖x‖−1X ‖T (x)‖Y = ‖T (‖x‖−1

X x)‖Y 6 C ,

et donc, en multipliant les deux membres de l’inégalité par ‖x‖X on obtient lathèse.

(4)⇒ (1) Si x1, x2 ∈ X alors

dY (T (x1), T (x2)) = ‖T (x1)− T (x2)‖Y= ‖T (x1 − x2)‖Y6 C‖x1 − x2‖X= CdX(x1, x2) .

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1.6 Applications linéaires continues 32

1.6.5 1.6.5. — Soient X[‖ · ‖X ] et Y [‖ · ‖Y ] des espaces normés, et T ∈ L(X;Y ). Leplus petit C qui convient dans 1.6.4(4) est noté ‖T‖L(X;Y ). En d’autres termes,

‖T‖L(X;Y ) = sup‖T (x)‖Y : x ∈ X et ‖x‖X 6 1 .

Des vérifications de routine montrent que ‖·‖L(X;Y ) est une norme sur L(X;Y ).Dans le cas particulier où Y = K, on la note ‖ · ‖X∗ . Observons que

‖T (x)‖Y 6 ‖T‖L(X;Y )‖x‖X

pour tout x ∈ X.Si Z[‖ · ‖Z ] est un troisième espace normé et S ∈ L(Y ;Z) alors S T ∈

L(X;Z) et‖S T‖L(X;Z) 6 ‖S‖L(Y ;Z)‖T‖L(X;Y ) .

On dit que X et Y sont isomorphes s’il existe une bijection linéaire conti-nue T : X → Y dont la réciproque T−1 est également continue. Si en outre‖T‖L(X;Y ) = 1 (alors ‖T−1‖L(Y ;X) = 1 et) on dit que X et Y sont isométri-quement isomorphes. Par exemple si 1 6 p 6∞ et 1 6 q 6∞ sont conjuguéset n ∈ N0, alors `np (K)∗ et `nq (K) sont isométriquement isomorphes. Nous allonsétudier la question analogue en dimension infinie.

1.6.6 1.6.6 Théorème. — Soient 1 6 p 6∞ et 1 6 q 6∞ des exposants conjugués,et n ∈ N0. Pour tout x ∈ Kn on a

‖x‖p = max

∣∣∣∣∣∣n∑j=1

x(j)y(j)

∣∣∣∣∣∣ : y ∈ Kn et ‖y‖q 6 1

.

Démonstration. Les cas p = 1 et q = ∞, et p = ∞ et q = 1, sont laissés aulecteur. Supposons donc que 1 < p < ∞ et 1 < q < ∞. Si x = 0 la conclusionest trivialement vérifiée, de sorte qu’on suppose désormais que x 6= 0. Posons

γ = sup

∣∣∣∣∣∣n∑j=1

x(j)y(j)

∣∣∣∣∣∣ : y ∈ Kn et ‖y‖q 6 1

.

Il suit de l’inégalité de Hölder (voir 1.3.11) que γ 6 ‖x‖p. Pour chaque j =1, . . . , n on pose

y(j) = x(j)|x(j)|p−1λ

x(j) =x(j)|x(j)|−1 si x(j) 6= 00 si x(j) = 0

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1.6 Applications linéaires continues 33

(de sorte que x(j)x(j) = |x(j)|), et λ > 0 sera déterminé ci-après. On observeque

n∑j=1|y(j)|q = λq

n∑j=1|x(j)|(p−1)q

= λqn∑j=1|x(j)|p

= λq‖x‖pp ,

d’où‖y‖q = λ‖x‖

pqp .

On choisit λ = ‖x‖−pq

p , ce qui entraîne ‖y‖q = 1. Finalement,

n∑j=1

x(j)y(j) =n∑j=1|x(j)|pλ

= λ‖x‖pp

= ‖x‖p−pq

p

= ‖x‖p .

Par conséquent γ > ‖x‖p, et le supremum dans la définition de γ est un maxi-mum.

1.6.7 1.6.7 Théorème. — Soient 1 < p <∞ et 1 < q <∞ des exposants conjugués.L’application linéaire

T : `q(K)→ `p(K)∗

définie par la relation〈x, T (y)〉 =

∑j∈N0

x(j)y(j)

est un isomorphisme isométrique.

Démonstration. Commençons par montrer que, étant donné x ∈ `p(K) et y ∈`q(K), la série qui définit 〈x, T (y)〉 ci-dessus est (absolument) convergente. Fixonsn ∈ N0 et associons à x et y des éléments xn, yn ∈ Kn obtenus en «tronquant»x et y :

xn = (x(1), . . . , x(n))yn = (y(1), . . . , y(n)) .

D’après l’inégalité de Hölder (voir 1.3.11), on an∑j=1|x(j)y(j)| 6 ‖xn‖p‖yn‖q 6 ‖x‖`p‖y‖`q

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1.6 Applications linéaires continues 34

et il reste à faire n → ∞. Par conséquent 〈x, T (y)〉 est bien défini, et les pro-priétés des séries convergentes dans K assurent que cette expression est linéaireen x et est linéaire en y, et également que

|〈x, T (y)〉| 6 ‖x‖`p‖y‖`q .

On déduit de 1.6.4(4) que T (y) ∈ `p(K)∗, et que

‖T (y)‖`∗p 6 ‖y‖`q .

Nous allons à présent établir l’inégalité opposée. Soit n ∈ N0. On pose yn =(y(1), . . . , y(n)) ∈ Kn. D’après 1.6.6 il existe xn ∈ Kn tel que

n∑j=1

xn(j)yn(j) = ‖yn‖q ,

et ‖xn‖p = 1. On définit xn ∈ `p(K) par la formule

xn(j) =xn(j) si j 6 n0 si j > n .

Il s’ensuit que ‖xn‖`p = 1, et

‖T (y)‖`∗p 6 〈xn, T (y)〉 =n∑j=1

xn(j)yn(j) = ‖yn‖q .

Or limn ‖yn‖q = ‖y‖`q , de sorte que

‖T (y)‖`∗p = ‖y‖`q .

Il reste à établir que T est surjective. Soit S ∈ `p(K)∗. On définit une suiteyS ∈ KN0 par la formule yS(j) = S(ej), j ∈ N0. Commençons par établir queyS ∈ `q(K). A chaque n ∈ N0 on associe ySn = (S(e1), . . . , S(en)) ∈ Kn. D’après1.6.6 il existe xn ∈ Kn tel que ‖xn‖p = 1 et

‖ySn‖q =n∑j=1

ySn (j)xn(j)

=n∑j=1

S(ej)xn(j)

= S

n∑j=1

xn(j)ej

6 ‖S‖`∗p

∥∥∥∥∥∥n∑j=1

xn(j)ej

∥∥∥∥∥∥`p

= ‖S‖`∗p .

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1.6 Applications linéaires continues 35

Puisque limn ‖ySn‖q <∞ on en déduit que yS ∈ `q(K). Il reste à démontrer queS = T (yS). Etant donné x ∈ `p(K) on observe que

x = limn

n∑j=1

x(j)ej , (1.1) eq.1

dans `p(K), c’est-à-dire

limn

∥∥∥∥∥∥x−n∑j=1

x(j)ej

∥∥∥∥∥∥`p

= 0 .

Par conséquent,

〈x, T (yS)〉 =⟨

limn

n∑j=1

x(j)ej , T (yS)⟩

= limn

n∑j=1

x(j)〈ej , T (yS)〉

= limn

n∑j=1

x(j)S(ej)

= limnS

n∑j=1

x(j)ej

= S(x) .

1.6.7.bis 1.6.8. — En particulier `2(K) est isométriquement isomorphe à son espacedual.

1.6.8 1.6.9 Théorème. — Il existe des applications des applications linéaires

T : `1(K)→ c0(K)∗

T : `∞(K)→ `1(K)∗

T : `1(K)→ `∞(K)∗ ,

définies par la même relation qu’en 1.6.7. Elles sont toutes trois des isométries.Seules les deux premières sont surjectives. En particulier `1(K) est isométrique-ment isomorphe à c0(K)∗, et `∞(K) est isométriquement isomorphe à `1(K)∗,tandis que `1(K) n’est pas isométriquement isomorphe à `∞(K)∗.

Démonstration. La démonstration dans le cas des deux premières applicationsest similaire à celle de 1.6.7, et laissée au lecteur. La démonstration du caractèreisométrique de la troisième application est également analogue à celle de 1.6.7,

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1.6 Applications linéaires continues 36

et également laissée au lecteur. La partie de la preuve de 1.6.7 qui n’est pasvalide dans le cas de la troisième application est la relation (1.1). Par exemplesi x ∈ `∞(K) est la suite constante égale à 1, alors

∑nj=1 x(j)ej est la suite dont

les n premiers éléments égalent 1 et les suivants égalent 0, de sorte que∥∥∥∥∥∥x−n∑j=1

x(j)ej

∥∥∥∥∥∥`∞

= 1

quel que soit n ∈ N0. Le fait que cette application T n’est pas surjective seraobtenu en 2.4.7 comme conséquence de ce que `1(K) et `∞(K) ne sont pasisomorphes.

1.6.9 1.6.10 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique sur K, et T :X → K une forme linéaire non identiquement nulle. Les conditions suivantessont équivalentes.(1) T est continue.(2) Le noyau kerT de T est fermé.(3) kerT n’est pas dense dans X.(4) Il existe un voisinage V de 0 dans X tel que T (V ) est borné dans K.

Démonstration. (1) ⇒ (2) kerT = T−10 est fermé car T est continue et 0est fermé dans K.

(2) ⇒ (3) Puisque T 6= 0 on a kerT 6= X. Puisque kerT est fermé, il n’estdonc pas dense.

(3) ⇒ (4) Soit x ∈ X \ adh kerT . D’après 1.5.6(3) il existe un voisinageéquilibré V de 0 tel que (x+V )∩kerT = ∅. Puisque T (V ) est équilibré dans K,s’il n’était pas borné on aurait T (V ) = K, mais alors il existerait y ∈ V tel queT (y) = −T (x), de sorte que x + y ∈ kerT , une contradiction. Par conséquentT (V ) est borné dans K.

(4) ⇒ (1) D’après 1.6.2, il suffit de montrer que T est continue en 0. SoitV un voisinage de 0 dans X, et M ∈ R+ \ 0 tels que |T (x)| 6 M pour toutx ∈ V . Etant donné ε > 0 on définit U = εM−1V , qui est un voisinage de 0d’après 1.5.2, et on note que si x ∈ U alors |T (x)| 6 ε.

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Chapitre 2Espaces localement convexes

2.1 Semi-normes2.1.1 2.1.1. — Soit X[T] en espace vectoriel topologique. On dit qu’il est locale-

ment convexe s’il admet une bease de voisinages de 0 formée d’ensemblesconvexes. Par exemple un espace normé X[‖ · ‖] est localement convexe. Eneffet, la famille de boules 〈B(0, r)〉r>0 forme une base de voisinages de 0, etchaque boule d’un espace normé est convexe.

2.1.2 2.1.2. — Soit X un espace vectoriel sur K. Une semi-norme sur S est unefonction

h : X → R+

vérifiant les trois axiomes suivants :(1) h(0) = 0 ;(2) h(λx) = |λ|h(x) quels que soient λ ∈ K et x ∈ X ;(3) h(x1 + x2) 6 h(x1) + h(x2) quels que soient x1, x2 ∈ X.

Toute norme est une semi-norme. Une semi-norme h est une norme ssi h−10 =0. De manière générale, l’ensemble

h−10 = X ∩ x : h(x) = 0

est un sous-espace vectoriel de X, tandis que les ensembles

X ∩ x : h(x) < ε

correspondant à ε > 0, sont convexes, équilibrés et absorbants.On dit qu’une famille de semi-normes 〈hi〉i∈I est séparante si pour tout

x ∈ X \ 0 il existe i ∈ I tel que hi(x) > 0. Par exemple si X = F (S;K) etξ ∈ S on définit

hξ : F (S;K)→ R+ : u 7→ |u(ξ)| .

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2.1 Semi-normes 38

On vérifie aisément que hξ est une semi-norme et que la famille 〈hξ〉ξ∈S estséparante. La construction qui suit généralise l’exemple 1.4.6.

2.1.3 2.1.3 Théorème. — Soit X un espace vectoriel sur K et 〈hi〉i∈Iune familleséparante de semi-normes sur X. Il existe une topologie vectorielle localementconvexe sur X, et une seule, dont une base de voisinages de 0 est formée desensembles

Ui1,...,in;ε1,...,εn = X ∩ x : hi1(x) < ε1, . . . , hin(x) < εn ,

correspondant aux n-uples i1, . . . , in ∈ I, ε1 > 0, . . . , εn > 0, n ∈ N0.

Démonstration. On note B(0) la collection formée des ensembles Ui1,...,in;ε1,...,εn

décrits dans l’énoncé. Aucun de ces ensembles n’est vide (chacun contient l’ori-gine) et B(0) est stable par intersection finie. Par conséquent la formule suivantedéfinit une topologie sur X :

T = P(X) ∩ U : (∀x ∈ U)(∃V ∈ B(0)) tel que x+ V ⊆ U .

Commençons par montrer que B(0) ⊆ T. Puisque T est stable par intersec-tion finie, il suffit de montrer que Ui;ε ∈ T pour chaque i ∈ I et ε > 0. Soitx ∈ Ui;ε, c’est-à-dire hi(x) < ε. On choisit η > 0 tel que hi(x) + η < ε. Nousallons montrer que x+Ui;η ⊆ Ui;ε, ce qui prouvera l’assertion, par définition deT. Soit y ∈ x+ Ui;η, c’est-à-dire y − x ∈ Ui;η, ou encore hi(y − x) < η. Dans cecas, hi(y) 6 hi(x) + hi(y − x) 6 hi(x) + η < ε, de sorte que y ∈ Ui;ε.

Montrons à présent que l’addition dans X est continue. Soient x1, x2 ∈ X etV un voisinage de x1 + x2. Il existe i1, . . . , in ∈ I et ε1 > 0, . . . , εn > 0 tels quex1 + x2 + Ui1,...,in;ε1,...,εn ⊆ V . Il reste à observer que

V1 := x1 + Ui1,...,in; ε12 ,...,

εn2∈ V (x1)

V2 := x2 + Ui1,...,in; ε12 ,...,

εn2∈ V (x2) ,

d’après le paragraphe précédent, et que V1 + V2 ⊆ V .Montrons ensuite que la multiplication par un scalaire est continue dans

X. Soit (λ, x) ∈ K × X, et V un voisinage de λx. Il existe i1, . . . , in ∈ I etε1 > 0, . . . , εn > 0 tels que λx+Ui1,...,in;ε1,...,εn ⊆ V . Il suffit d’établir l’existencede ρ > 0 et η1 > 0, . . . , ηn > 0 tels que si |λ′−λ| < ρ et x′ ∈ x+Ui1,...,in;η1,...,ηn ,alors λ′x′ ∈ λx+Ui1,...,in;ε1,...,εn . Supposons que λ′ et x′ vérifient les relations ci-dessus, avec ρ et η1, . . . , ηn à déterminer. On observe que, pour tout j = 1, . . . , n,

hij (λ′x′ − λx) = hij (λ′x′ − λx′ + λx′ − λx)6 hij ((λ′ − λ)x′) + hij (λ(x′ − x))6 |λ′ − λ|hij (x′) + |λ|hij (x′ − x)6 ρ(hij (x) + ηj) + |λ|ηj .

Il reste alors à observer que cette dernière expression est strictement inférieureà εj si l’on choisit

ηj := εj3(1 + |λ|) j = 1, . . . , n ,

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2.1 Semi-normes 39

etρ = min

j=1,...,n

εj3

(1

hij (x) + ηj)

).

Nous avons donc établi que X[T] est un espace vectoriel topologique. Ilsuit de la définition de T et de la relation B(0) ⊆ T que B(0) est une basede voisinages de 0. Puisque chaque membre de B(0) est convexe, X[T] est unespace vectoriel topologique localement convexe.

Supposons enfin que T′ est une topologie vectorielle sur X dont une basede voisinages de 0 est B(0). Nous devons montrer que T′ = T. Puisque T′ estvectorielle on déduit de 1.5.2 que x + U : U ∈ B(0) est une base de T′-voisinages de x, quel que soit x ∈ X. Par conséquent, si U ′ ∈ T′ et x ∈ U ′,il existe Ux ∈ B(0) tel que x + Ux ⊆ U ′. Puisque B(0) ⊆ T il s’ensuit queU ′ = ∪x∈U ′(x + Ux) ∈ T, de sorte que T′ ⊆ T. Un raisonnement similaire audeuxième paragraphe de la preuve en cours entraîne que B(0) ⊆ T′. Mais alorsle même argument que ci-dessus en échangeant les rôles de T et T′ donne lieu àl’inclusion T ⊆ T′.

2.1.4 2.1.4 Exemple. — La topologie Ts de la convergence ponctuelle définie surF (S;K) en 1.4.6 est une topologie vectorielle localement convexe. Il suffit eneffet d’observer (mêmes notations qu’en 1.4.6) que Uuξ,ε = u + U0

ξ,ε quels quesoient ξ ∈ S et ε > 0, et d’appliquer 2.1.3 à la famille de semi-normes 〈hξ〉ξ∈Sdéfinie à la fin de 2.1.2.

2.1.5 2.1.5. — Soient X un espace vectoriel sur K et h : X → R. On dit que h estsous-additive si h(x1 +x2) 6 h(x1)+h(x2) quels que soient x1, x2 ∈ X ; on ditque h est positivement homogène si h(tx) = th(x) quels que soient x ∈ Xet t > 0. Par exemple, toute semi-norme et toute application R-linéaire sontsous-additives et positivement homogènes.

Soit A ⊆ X et x ∈ X. On définit

TA(x) = R ∩ t > 0 : t−1x ∈ A .

Si A est absorbant alors TA(x) 6= ∅ et l’on associe à A la fonction

hA : X → R+ : x 7→ inf TA(x)

c’est-à-direhA(x) = inft > 0 : t−1x ∈ A ,

x ∈ X. On appelle hA la fonctionnelle de Minkowski associée à A. Parexemple si X[‖ · ‖] est un espace normé et A = U(0, 1) ou A = B(0, 1) alorshA = ‖ · ‖.

2.1.6 2.1.6 Théorème. — Soit X un espace vectoriel sur K, et A ⊆ X absorbant.(1) hA est positivement homogène ;(2) si A est convexe alors hA est sous-additive ;(3) si A est équilibré alors hA est homogène, c’est-à-dire hA(λx) = |λ|hA(x)

quels que soient λ ∈ K et x ∈ X ;

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2.1 Semi-normes 40

(4) si A est convexe et équilibré, alors hA est une semi-norme ;(5) si A est convexe alors intA ⊆ X ∩ x : hA(x) < 1 ⊆ A.

Démonstration. (1) Soit x ∈ X et s > 0. Observons que pour tout t > 0 on at−1x ∈ A ssi t−1sx ∈ sA ssi (st)−1sx ∈ A, c’est-à-dire t ∈ TA(x) ssi st ∈ TA(sx).Par conséquent hA(sx) = shA(x). Si s = 0, on observe d’abord que hA(0) = 0(car 0 ∈ A, A étant absorbant), de sorte que hA(0x) = hA(0) = 0hA(x).

(2) Soit t ∈ TA(x) et s > t : on a s ∈ TA(x). En effet, t−1x ∈ A et,puisque 0 ∈ A et A est convexe, le segment d’extrémités 0 et t−1x est lui-mêmecontenu dans A, or s−1x appartient à ce segment. Par conséquent TA(x) est unedemi-droite dans R+. Soient à présent x1, x2 ∈ X et t1 > 0, t2 > 0 tels quehA(x1) < t1 et hA(x2) < t2. En d’autres mots t−1

1 x1 ∈ A et t−12 x2 ∈ A. Puisque

A est convexe, on a

1t1 + t2

(x1 + x2) = t1t1 + t2

(t−11 x1) + t2

t1 + t2(t−1

2 x2) ∈ A .

Par conséquent hA(x1 + x2) 6 t1 + t2. On passe ensuite à l’infimum sur t1 puissur t2.

(3) Soient x ∈ X et λ ∈ K \ 0. Supposons que t−1x ∈ A. Puisque A estéquilibré, on a t−1 λ

|λ|x ∈ A, par conséquent hA(x) = hA

(λ|λ|x

). Il suit de (1)

que

hA(λx) = hA

(|λ| λ|λ|x

)= |λ|hA

|λ|x

)= |λ|hA(x) .

(4) est une conséquence de (2) et (3).(5) Si A est convexe alors les TA(x) sont des demi-droites dans R (voir preuve

de (2)). Par conséquent la relation hA(x) < 1 entraîne 1 ∈ TA(x), et donc x ∈ A.Par ailleurs, si x ∈ intA, la continuité de K → X : λ 7→ λx en λ = 1 entraînel’existence de ε > 0 tel que si |1− t| < ε alors tx ∈ intA. Ceci implique aisémentque hA(x) < 1.

2.1.7 2.1.7 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique localement con-vexe et V un voisinage de 0.(1) V contient un voisinage convexe équilibré de 0.(2) V contient un voisinage fermé, convexe et équilibré de 0.(3) V contient un voisinage ouvert, convexe et équilibré de 0.

Démonstration. (1) Puisque X[T] est localement convexe, V contient un voisi-nage convexe de 0, nommons-le U . On pose

A =⋂λ∈K|λ|=1

λU .

D’après 1.5.6(3) U contient un voisinage équilibré de 0, appelons-leW . Si λ ∈ Ket |λ| = 1 alors λ−1W = W , carW est équilibré, de sorte queW ⊆ λU . Puisque

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2.1 Semi-normes 41

λ est arbitraire, on en déduit queW ⊆ A, ce qui entraîne que A est un voisinagede 0. On observe que A est convexe (étant l’intersection de la famille de convexesλU), et par conséquent intA est convexe également d’après 1.5.4(4). Il reste àmontrer que intA est équilibré. Puisque 0 ∈ intA, d’après 1.5.4(5) il suffitd’établir que A est équilibré. Soient 0 6 r 6 1 et β ∈ K tel que |β| = 1. On a

rβA =⋂λ∈K|λ|=1

rβλU =⋂λ∈K|λ|=1

rλU .

Puisque λU est convexe et contient 0, on a rλU ⊆ λU . Donc rβA ⊆ A et ladémonstration est complète.

(2) et (3) sont des conséquences de (1) et de 1.5.4(4) et (5).

2.1.8 2.1.8 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique localement con-vexe, et B une base de voisinages de 0 formée d’ensembles convexes équilibrés(dont l’existence est assurée par 2.1.7). Dans ce cas la famille de semi-normes(fonctionnelles de Minkowski) 〈hV 〉V ∈B est séparante, et T coïncide avec latopologie associé à cette famille en 2.1.3.

Démonstration. Soit x ∈ X \ 0. Puisque la topologie T est séparée, il existeun voisinage V0 de 0 tel que x 6∈ V0. Puisque B est une base de voisinages de 0,il existe B 3 V ⊆ V0. Or x 6∈ V , de sorte que hV (x) > 1, d’après 2.1.6(5). Celamontre que 〈hV 〉V ∈B est séparante.

On observe ensuite que si ε > 0 et V ∈ B alors εV est aussi un voisinage de0. En outre εx : hV (x) < 1 = x : hV (x) < ε. Par conséquent les ensemblesdu type

X ∩ x : hV1(x) < ε1, . . . , hVn(x) < εn ⊇n⋂j=1

int(εjVj)

(où l’on a utilisé 2.1.6(5)) forment une base de T-voisinages de 0. Le caratèreunique de la topologie décrite en 2.1.3 entraîne que celle-ci coïncide avec T.

2.1.9 2.1.9. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique localement convexe. Unefamille de semi-normes 〈hi〉i∈I sur X est déclarée compatible avec T si lesensembles du type

n⋂j=1x : hij (x) < εj ,

correspondant à tous les choix de n ∈ N0, i1, . . . , in ∈ I, et ε1 > 0, . . . , εn > 0,forment une base de T-voisinages de 0. Une telle famille existe d’après 2.1.8.

On dit en outre qu’une telle famille 〈hi〉i∈I est filtrante si pour tous i1, i2 ∈ Iil existe i3 ∈ I tel que maxhi1 , hi2 6 hi3 .

2.1.10 2.1.10 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique et h : X → R+

une semi-norme. Les conditions suivantes sont équivalentes.(1) h est continue.(2) h est continue en 0.

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2.1 Semi-normes 42

Démonstration. Il est clair que (1) ⇒ (2) ; prouvons la réciproque. Soit x ∈ Xet ε > 0. Il existe un voisinage V de 0 tel que y ∈ V entraîne h(y) < ε. Siz ∈ x+ V alors z − x ∈ V de sorte que

|h(z)− h(x)| 6 h(z − x) < ε

d’après l’inégalité triangulaire.

2.1.11 2.1.11 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique localement con-vexe, et 〈hi〉i∈I une famille de semi-normes compatible avec T. Dans ce cas :(1) chaque hi est continue ;(2) un ensemble B ⊆ X est borné ssi supx∈B hi(x) <∞ pour tout i ∈ I.

Démonstration. (1) D’après 2.1.10 il suffit de prouver que hi est continue en0. Cela découle de ce que, par définition de famille compatible de semi-normes,l’ensemble x : hi(x) < ε est un voisinage de 0, quel que soit ε > 0.

(2) Supposons que B est borné. Pour i ∈ I l’ensemble x : hi(x) < 1 estun voisinage de 0, par conséquent il existe t > 0 tel que B ⊆ sV quel que soits > t. On en déduit aisément que supx∈B hi(x) 6 t. Réciproquement, si V estun voisinage de 0 alors il existe i1, . . . , in et ε1 > 0, . . . , εn > 0 tels que

n⋂j=1x : hij (x) < εj ⊆ V .

Cela entraîne que B ⊆ sV dès que s > t := maxj=1,...,nMjε−1j où Mj =

supx∈B hij (x), j = 1, . . . , n.

2.1.12 2.1.12 Théorème. — Soient X[TX ] et Y [TY ] deux espaces vectoriels topolo-giques localement convexes, 〈hXi 〉i∈I une famille filtrante de semi-normes surX compatible avec TX , 〈hYj 〉j∈J une famille de semi-normes sur Y compatibleavec TY , et T : X → Y une application linéaire. Les conditions suivantes sontéquivalentes.(1) T est continue.(2) Pour tout j ∈ J , la semi-norme hYj T sur X est continue.(3) Pour tout j ∈ J il existe C > 0 et i ∈ I tels que

hYj (T (x)) 6 ChXi (x)

quel que soit x ∈ X.

Démonstration. (1)⇒ (2) Puisque T et hYj sont continues (voir 2.1.11(1)), il enest de même de leur composée.

(2) ⇒ (3) Soit j ∈ J . Il existe un voisinage V de 0 dans X tel que larelation x ∈ V entraîne (hYj T )(x) < 1. Par définition de famille compatiblede semi-normes, il existe i1, . . . , in et ε1 > 0, . . . , εn > 0 tels que

n⋂j=1x : hXij (x) < εj ⊆ V .

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2.2 Fonctions d’essai 43

On pose ε = minε1, . . . , εn et l’on choisit i ∈ I tel que hXi > maxhXi1 , . . . , hXin

(caractère filtrant de la famille 〈hXi 〉i∈I), de sorte que

x : hi(x) < ε ⊆ V .

Si x ∈ X alors pour tout t > 0 tel que hXi (tx) < ε on a hYj (T (x)) < 1,c’est-à-dire hYj (T (x)) < t−1. Prenant le supremum sur tous ces t on obtienthYj (T (x)) 6 ε−1hXi (x).

(3) ⇒ (1) D’après 1.6.2 il suffit de prouver que T est continue en 0. Soit Vun voisinage de 0 dans Y . Il existe j1, . . . , jn et ε1 > 0, . . . , εn > 0 tels que

n⋂k=1y : hYjk(y) < εk ⊆ V .

A chaque k = 1, . . . , n on associe ik ∈ I et Ck > 0 tels que hYjk(T (x)) 6 CkhXik(x),x ∈ X. Par conséquent si l’on pose

U =n⋂k=1x : hXik(x) < C−1

k εk

alors U est un voisinage de 0 dans X et U ⊆ T−1(V ).

2.2 Fonctions d’essai2.2.1 2.2.1 (Support d’une fonction continue). — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert non vide.

On note C(Ω) l’espace vectoriel réel constitué des fonctions continues u : Ω→ R.A chaque u ∈ C(Ω) on associe son support défini comme ceci :

suppu = adhΩξ : u(ξ) 6= 0 .

Le symbole adhΩ signifie que ξ : u(ξ) 6= 0 est considéré comme un sous-ensemble de l’espace métrique Ω[d] (où d est la métrique «euclidienne» usuelle),et que son adhérence est prise dans cet espace métrique. En particulier suppu ⊆Ω et suppu est fermé dans Ω, ce qui ne signifie pas qu’il est fermé dans Rm.Afin d’insister sur cet aspect, on dira parfois que suppu est relativement fermédans Ω.

Les propriétés suivantes du support sont aisément vérifiées.(1) suppu = ∅ ssi u = 0 ;(2) supp(λu) ⊆ suppu ;(3) supp(u1 + u2) ⊆ (suppu1) ∪ (suppu2) ;(4) supp(u1u2) ⊆ (suppu1) ∩ (suppu2) ;(5) (suppu1) ∩ (suppu2) = ∅ entraîne u1u2 = 0 ;

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2.2 Fonctions d’essai 44

quels que soient u, u1, u2 ∈ C(Ω) et λ ∈ R.On dit que u est à support compact si suppu est compact (voir ...). On

noteCc(Ω) = C(Ω) ∩ u : u est à support compact ,

et on note que Cc(Ω) est un espace vectoriel réel, d’après (2) et (3) ci-dessus.Enfin, si u ∈ Cc(Ω), alors u est bornée et l’on note

‖u‖∞ := max|u(ξ)| : ξ ∈ Ω = max|u(ξ)| : ξ ∈ suppu .

2.2.2 2.2.2. — Soient Ω ⊆ Rm un ouvert non vide, et u : U → R. On dit que u estde classe C1 si elle est dérivable en chaque ξ ∈ Ω, et sa dérivée Du : Ω →Hom(Rm;R) est continue. Il est équivalent de demander que chaque dérivéepartielle ∂ju existe et soit continue sur Ω, j = 1, . . . ,m. On note ∇u : Ω→ Rmla fonction vecteur gradient définie par ∇u = (∂1u, . . . , ∂mu). Les propriétésélémentaires de dérivées assurent que la collection C1(Ω) des fonctions de classeC1 sur Ω est un sous-espace vectoriel de C(Ω). On observe également que

supp ∂ju ⊆ suppu (2.1) eq.2

quel que soient u ∈ C1(Ω) et j = 1, . . . ,m.2.2.3 2.2.3 (Fonctions d’essai). — Pour une fonction u : Ω→ R et k ∈ N0, on définit

la notion d’être de classe Ck par induction sur k : il s’agit d’être de classeCk−1 et que chaque dérivée partielle ∂j1 . . . ∂jk−1u d’ordre k − 1, j1, . . . , jk−1 ∈1, . . . ,m, soit de classe C1. Bien entendu la collection Ck(Ω) des fonctions declasse Ck sur Ω est un espace vectoriel réel, et il en est de même de C∞(Ω) =∩k∈N0C

k(Ω). Les membres de C∞(Ω) sont appelés fonctions indéfinimentdérivables, tandis que ceux de l’espace vectoriel

D(Ω) = C∞(Ω) ∩ ϕ : suppϕ est compact

sont appelés fonctions d’essai. Etant donné un compact K ⊆ Ω on définitégalement le sous-espace

DK(Ω) = D(Ω) ∩ ϕ : suppϕ ⊆ K .

Un multi-indice est un m-uple α ∈ Nm. On lui associe un «opérateurdifférentiel» linéaire

∂α : C∞(Ω)→ C∞(Ω)

défini par la formule∂α := (∂1)α1 . . . (∂m)αm ,

où l’on convient que (∂j)0 = idC∞(Ω). Un théorème classique garantit quel’ordre dans lequel on effectue les dérivations partielles ci-dessus est indifférent.L’ordre de α est l’entier

|α| = α1 + . . .+ αm ,

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2.2 Fonctions d’essai 45

de sorte que si |α| = 0 alors ∂αu = u, u ∈ C∞(Ω). La relation (2.1) assure que

∂α : DK(Ω)→ DK(Ω) ,

pour tout compact K ⊆ Ω, et donc aussi

∂α : D(Ω)→ D(Ω) .

Enfin, étant donné ψ ∈ C∞(Ω) et ϕ ∈ D(Ω), on vérifie que ψϕ ∈ D(Ω).Que ψϕ ait un support compact résulte de 2.2.1(4). Qu’elle soit indéfinimentdérivable résulte de la formule de Leibniz

∂jψϕ = (∂jψ)ϕ+ ψ(∂jϕ)

appliquée inductivement sur l"ordre d’un multi-indice. En fait, on dispose d’uneformule de Leibniz générale :

∂αψϕ =∑β∈Nmβ6α

(αβ

)(∂α−βψ)(∂βϕ) , (2.2) eq.3

où β 6 α ssi βj 6 αj pour tout j = 1, . . . , n, α−β = (α1−β1, . . . , αm−βm), et(αβ

)= α!β!(β − α)!

et α! = α1! . . . αm!.2.2.4 2.2.4 Théorème. — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert et K ⊆ Ω un compact.

(1) Il existe sur DK(Ω) une topologie vectorielle localement convexe TK carac-térisée par la condition suivante : une suite 〈ϕk〉k∈N0 dans DK(Ω) convergevers 0 au sens de TK ssi elle, et ses dérivées partielles de tous ordres,convergent uniformément vers 0, en d’autres termes limk ‖∂αϕk‖∞ = 0pour tout multi-indice α ∈ Nm.

(2) Cette topologie TK est métrisable. Cependant elle n’est pas normable siintK 6= ∅. 1

(3) Pour tout multi-indice α ∈ Nm, l’application linéaire

∂α : DK(Ω)→ DK(Ω)

est continue.(4) Pour tout ψ ∈ C∞(Ω), l’application linéaire

DK(Ω)→ DK(Ω) : ϕ 7→ ψϕ

est continue.1. Si int K = ∅ alors DK(Ω) = 0.

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2.2 Fonctions d’essai 46

Démonstration. A chaque multi-indice α ∈ Nm on associe une semi-norme hαsur DK(Ω) définie par

hα(ϕ) = ‖∂αϕ‖∞ , ϕ ∈ DK(Ω) .

On observe que la famille 〈hα〉α∈Nm est séparante : en fait h(0,...,0) = ‖ · ‖∞est elle-même une norme. Par TK on désigne la topologie vectorielle localementconvexe associée à cette famille séparante de semi-normes en 2.1.3. Afin d’allégerles notations, nous associons à 〈hα〉α∈N0 une autre famille 〈hj〉j∈N0 de semi-normes, qui définit la même topologie TK , par la formule

hj = maxhα : α ∈ Nm et |α| 6 j ,

j ∈ N0. On vérifie aisément que ces deux familles définissent la même topologiesur DK(Ω). La famille 〈hj〉j∈N0 présente l’avantage d’être filtrante, de sorte queles ensembles du type

DK(Ω) ∩ ϕ : hj(ϕ) < ε ,correspondant à chaque j ∈ N0 et chaque ε > 0, forment une base de TK-voisinages de 0 (raisonner comme dans la preuve de 2.1.12 (2)⇒ (3).

Afin d’établir la caractérisation de TK annoncée en (1), montrons d’abordque cette topologie est métrisable. Cela résulte de ce qu’elle est définie par unefamille dénombrable de semi-normes 〈hj〉j∈N0 . On pose

d(ϕ1, ϕ2) =∑j∈N0

12j

(hj(ϕ1 − ϕ2)

1 + hj(ϕ1 − ϕ2)

), (2.3) eq.3.bis

ϕ1, ϕ2 ∈ DK(Ω). On remarque que la série ci-dessus est convergente, et on vérifiequ’elle définit une distance sur DK(Ω). Notons Td la topologie associée à cettedistance. Pour chaque ϕ0 ∈ DK(Ω) et chaque r > 0 la boule Td-ouverte

Ud(ϕ0, r) = DK(Ω) ∩ ϕ : d(ϕ0, ϕ) < r

est également TK-ouverte. En effet, chaque fonction

X → R : ϕ 7→ hj(ϕ0 − ϕ)1 + hj(ϕ0 − ϕ)

est TK-continue d’après 2.1.11(1), et la série qui définit d converge normalement(donc uniformément) sur X, de sorte que la TK-continuité de

X → R : ϕ 7→ d(ϕ0, ϕ)

résulte de ..., et il en découle aussitôt que Ud(ϕ0, r) ∈ TK . On en déduit doncque Td ⊆ TK . Réciproquement, supposons que U ⊆ DK(Ω) est TK-ouvert. Pourchaque ϕ ∈ U il existe un TK-voisinage Vϕ de 0 tel que ϕ+Vϕ ⊆ U , et d’après lepremier paragraphe il existe jϕ ∈ N0 et εϕ > 0 tel que ϕ : hjϕ(ϕ) < εϕ ⊆ Vϕ.La définition de d entraîne que si d(0, ϕ) < εϕ

2jϕ alors hjϕ(ϕ) < εϕ, et donc aussi

Ud

(ϕ,

εϕ2jϕ)⊆ Vϕ ⊆ U ,

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2.3 Théorèmes de Hahn-Banach 47

puisque d est invariante par translation. Par conséquent U s’exprime commeune réunion de boules Td-ouvertes, d’où TK ⊆ Td.

On a ainsi démontré que la topologie TK est métrisable. Par conséquent elleest entièrement déterminée par la collection des suites TK convergentes (voir1.4.8), et donc aussi par la collection des suites qui convergent vers 0 au sensde TK (voir 1.5.2). Soit 〈ϕk〉k∈N0 une suite dans DK(Ω). Si elle converge vers 0au sens de TK et α est un multi-indice, alors pour tout ε > 0 il existe k0 ∈ N0tel que ϕk ∈ ϕ : h|α|(ϕ) < ε dès que k > k0. Puisque ε est arbitraire, on endéduit que ‖∂αϕk‖∞ → 0 quand k →∞. Réciproquement, supposons que cettecondition est vérifiée pour tout k ∈ N0, et montrons que 〈ϕk〉k∈N0 converge vers0 au sens de TK . Soit V un TK-voisinage de 0. D’après le premier paragraphe, ilexiste j ∈ N0 et ε > 0 tels que ϕ : hj(ϕ) < ε ⊆ V . Puisque pour tout α ∈ Nmtel que |α| 6 j on a hα(ϕk) → 0 quand k → ∞, et que ces multi-indices sonten nombre fini, il suit que hj(ϕk) → 0 quand k → ∞, et donc ϕk ∈ V si k estassez grand. La démonstration de (1) est complète.

Pour terminer la démonstration de (2), il reste à montrer que DK(Ω)[TK ]n’est pas normable. S’il l’était, il existerait un voisinage borné de 0 (une bouleouverte centrée à l’origine, par exemple, d’après 1.5.10). Il suffit donc de montrerqu’aucun TK-voisinage de 0 n’est TK-borné. Si V est un voisinage de 0, il existej ∈ N0 et ε > 0 tels que ϕ : hj(ϕ) < ε ⊆ V . Afin d’établir que V n’est pasborné, il suffit d’établir, d’après 2.1.11(2), que supϕ∈V hj+1(ϕ) =∞. Indiquonsquel est l’argument dans le cas m = 1, Ω = R et K = [−2π, 2π], et laissons lecas général au lecteur. On commence par choisir une fonction χ ∈ D(R) telleque suppχ = [−2π, 2π] et χ(ξ) = 1 pour tout ξ ∈ [−π, π]. Ensuite, pour chaqueentier M ∈ N0 on définit ϕM,j(ξ) = χ(ξ) sinMξ

Mj , ξ ∈ R. On vérifie par récurrenceque ‖ϕ(k)

M,j‖∞ 6 C1(χ, j) pour tout 0 6 k 6 j, où C1(χ) > 0 est une constantequi ne dépend que de χ (et de ses j premières dérivées) et de j, mais égalementque ‖ϕ(j+1)

M,j ‖∞ >MC2(χ, j), où C2(χ) est une constante qui ne dépend que deχ et de j. Par conséquent, un multiple approprié de ϕM,j appartient à V , et ilreste à faire M →∞.

(3) est une conséquence de 2.1.12 et de la relation hj(∂αϕ) 6 hj+|α|(ϕ) quelsque soient α ∈ Nm, j ∈ N0, et ϕ ∈ DK(Ω).

(4) est une conséquence de 2.1.12 et de (2.2), qui entraîne clairement quehj(ψϕ) 6 C(ψ, j)hj(ϕ).

2.3 Théorèmes de Hahn-Banach2.3.1 2.3.1. — Soit X un espace vectoriel sur K et Z0 ⊆ Z ⊆ X des sous-espaces

vectoriels. Si T : Z0 → K est une forme linéaire, on appelle extension de T àZ une forme linéaire T : Z → K telle que T Z0 = T , c’est-à-dire T (x) = T (x)pour tout x ∈ Z0.

Supposons à présent que T est une topologie vectorielle sur X, et que Test continue. On s’intéresse à l’existence d’une extension continue de T à Xtout entier. On verra (voir ...) qu’une telle extension n’existe pas en général,mais bien lorsque T est localement convexe — c’est l’objet des théorèmes de

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2.3 Théorèmes de Hahn-Banach 48

Hahn-Banach. Afin d’évoquer brièvement l’argument, supposons en outre queX[T] est normable et que ‖ · ‖X est une norme compatible avec T. On procèdepar «extensions successives», en commençant par étendre T à un sous-espaceZ0 ⊕ Kx pour un x 6∈ Z0, puis en continuant jusqu’à atteindre un domaineaussi grand que possible pour notre extension. Afin que ce procédé soit efficace,par exemple qu’on puisse l’appliquer une quantité dénombrable de fois, il fautgarantir la norme ‖T‖X∗ d’une extension de T n’excède pas ‖T‖X∗ . C’est l’objetdu résultat suivant.

2.3.2 2.3.2 Théorème. — On suppose que(1) X est un espace vectoriel réel ;(2) h : X → R est sous-additive et positivement homogène ;(3) Z ⊆ X est un sous-espace vectoriel ;(4) T : Z → R est une forme linéaire et T (x) 6 h(x) pour tout x ∈ Z ;(5) y ∈ X \ Z.

Dans ce cas il existe une extension linéaire T de T au sous-espace Z ⊕Ry telleque T (x) 6 h(x) pour tout x ∈ Z ⊕ Ry.

Démonstration. Chaque x ∈ Z ⊕ Ry s’écrit de manière unique sous la formex = z + ty, z ∈ Z et t ∈ R. Puisque l’extension recherchée T soit être linéaire,elle est forcément du type

T (x) = T (z + ty) = T (z) + tT (y) = T (z) + tT (y) .

En fait, n’importe quel choix de T (y) ∈ R définit, via la formule ci-dessus, uneextension linéaire de T à Z ⊕ Ry. Il reste donc à choisir T (y) de sorte quel’extension correspondante T soit dominée par h.

Notons a = T (y) la valeur à déterminer. La thèse s’écrit

T (z) + ta 6 h(z + ty) quels que soient z ∈ Z et t ∈ R . (2.4) eq.4

Cette inégalité est vérifiée pour t = 0 et tout z ∈ Z, par hypothèse. Si t > 0 etz ∈ Z, on pose z = tz′, z′ ∈ Z, et l’on s’aperçoit (puisque h est positivementhomogène) que (2.4) est équivalente à

tT (z′) + ta 6 th(z′ + y) quel que soit z′ ∈ Z ,

c’est-à-dire aussi équivalente à

T (z′) + a 6 h(z′ + y) quel que soit z′ ∈ Z .

Si t < 0 et z ∈ Z, on pose z = (−t)z′′, z′′ ∈ Z, et l’on déduit de l’homogénéitépositive de h que (2.4) est équivalente à

(−t)T (z′′)− (−t)a 6 (−t)h(z′′ − y) quel que soit z′′ ∈ Z ,

qui est elle-même équivalente à

T (z′′)− a 6 h(z′′ − y) quel que soit z′′ ∈ Z .

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2.3 Théorèmes de Hahn-Banach 49

En d’autres mots, la preuve sera terminée si l’on prouve qu’il existe a ∈ R telque

−h(z′′ − y) + T (z′′) 6 a 6 h(z′ + y)− T (z′) quels que soient z′, z′′ ∈ Z .

Afin d’établir cette relation, on fixe z′, z′′ ∈ R et on observe que

T (z′′) + T (z′) = T (z′′ + z′)6 h(z′′ + z′)= h(z′′ − y + z′ + y)6 h(z′′ − y) + h(z′ + y) ,

ou encore−h(z′′ − y) + T (z′′) 6 h(z′ + y)− T (z′) .

On en déduit donc que

supz′′∈Z

(− h(z′′ − y) + T (z′′)

)6 infz′∈Z

(h(z′ + y)− T (z′)

),

ce qui termine la démonstration.

2.3.3 2.3.3 Théorème (Banach). — Sous les mêmes hypothèses (1), (2), (3) et (4)qu’en 2.3.2, T admet une extension linéaire T à X tout entier, telle que T (x) 6h(x) quel que soit x ∈ X.

Démonstration. Il s’agit d’une application du lemme de Zorn et de 2.3.2. Onconsidère la collection

A =

(Z, T ) : Z ⊆ X est un sous-espace vectoriel contenant Z,T : Z → R est une extension linéaire de T,et T (x) 6 h(x) quel que soit x ∈ Z

.

On définit sur A un ordre 4 en déclarant que (Z1, T1) 4 (Z2, T2) ssi Z1 ⊆ Z2et T2 est une extension linéaire de T1 à Z2. On observe que A 6= ∅ car (Z, T ) ∈A . Montrons que si 〈(Zi, Ti)〉i∈I est une famille totalement ordonnée dans A ,alors elle admet un majorant. On pose Z = ∪i∈I Zi et on vérifie aisément qu’ils’agit d’un sous-espace vectoriel de X, précisément parce que cette famille esttotalement ordonnée. Ensuite, à x ∈ Z on associe i ∈ I tel que x ∈ Zi et l’ondéfinit T (x) := Ti(x), on s’aperçoit que la définition ne dépend pas du choix dei, et que T est linéaire. Enfin (Z, T ) ∈ A car T est dominée par h. Par ailleursil est clair que (Zi, Ti) 4 (Z, T ) pour tout i ∈ I.

Il suit du lemme de Zorn qu’il existe un élément maximal (Z∗, T∗) ∈ A . Ondéduit de 2.3.2 que Z∗ = X : si ce n’était pas le cas, il existerait y ∈ X \ Z∗ etune extension T∗ de T∗ à Z∗ = Z∗ ⊕Ry qui est dominée par h, c’est-à-dire telleque (Z∗, T∗) ∈ A ; par conséquent (Z∗, T∗) 4 (Z∗, T∗) et (Z∗, T∗) 6= (Z∗, T∗),contredisant le caractère maximal de (Z∗, T∗).

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2.3 Théorèmes de Hahn-Banach 50

2.3.4 2.3.4. — En vue d’étendre le résultat au corsp K = C, on fait les observationssuivantes. Soit X un espace vectoriel sur C (on rappelle qu’on peut aussi leconsidérer comme espace vectoriel sur R).(1) Si T : X → C est une forme C-linéaire et si S = <(T ), alors S est une

forme R-linéaire et T (x) = S(x)− iS(ix) pour tout x ∈ X.La R-linéarité de S est évidente. Pour chaque z ∈ C on a z = <(z)− i<(iz).

On applique cette identité à z = T (x) et on obtient

T (x) = <(T (x))− i<(iT (x)) = S(x)− iS(ix) .

(2) Si S : X → R est une forme R-linéaire et T (x) = S(x) − iS(ix), x ∈ X,alors T est une forme C-linéaire.

L’additivité de T est évidente. Soit λ ∈ C et x ∈ X :

T (λx) = S(λx)− iS(iλx)= S

[<(λ)x+ i=(λ)x

]− iS

[i<(λ)x−=(λ)x

]= <(λ)S(x) + =(λ)S(ix)− i<(λ)S(ix) + i=(λ)S(x)= λS(x)− iλS(ix)= λT (x) .

2.3.5 2.3.5 Théorème (Hahn). — Supposons que(1) X est un espace vectoriel sur K ;(2) h : X → R+ est une semi-norme ;(3) Z ⊆ X est un sous-espace vectoriel ;(4) T : Z → K est une forme linéaire telle que |T (x)| 6 h(x) pour tout x ∈ Z.

Dans ce cas il existe une extension linéaire T de T à X, telle que |T (x)| 6 h(x)pour tout x ∈ X.

Démonstration. Le cas K = R découle de 2.3.3 car h(−x) = h(x) puisque h estune semi-norme, de sorte que

T (x) 6 h(x)

et aussi−T (x) = T (−x) 6 h(−x) = h(x) ,

et par conséquent |T (x)| 6 h(x), x ∈ X.Passons au cas K = C. On définit S = <(T ), qui est une forme R-linéaire

sur Z d’après 2.3.4(1). Si x ∈ Z on a |S(x)| 6 |T (x)| 6 h(x). Le paragrapheprécédent assure l’existence d’une extension R-linéaire, S, de S à X, telle que|S| 6 h. On définit T : X → C par la formule T (x) = S(x)− iS(ix), x ∈ X, et

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2.3 Théorèmes de Hahn-Banach 51

l’on déduit de 2.3.4(2) que T est C-linéaire. Il reste à montrer que |T | 6 h. Soitx ∈ X. On choisit λ ∈ C tel que |λ| = 1 et |T (x)| = λT (x). On observe que

|T (x)| = λT (x) = T (λx) = S(λx)− iS(iλx)= S(λx)6 h(λx)= |λ|h(x)= h(x)

où la troisième égalité découle de ce que S(λx)− iS(iλx) = |T (x)| ∈ R et S està valeurs dans R.

2.3.6 2.3.6 Théorème. — Soit X[‖ · ‖] un espace normé sur K, et x ∈ X \ 0. Ilexiste x∗ ∈ X∗ telle que ‖x∗‖X∗ = 1 et 〈x, x∗〉 = ‖x‖.

Démonstration. On applique 2.3.5 à h = ‖ · ‖, Z = Rx, et T (tx) = t‖x‖. Onnote x∗ l’extension linéaire qui en résulte. On observe que ‖x∗‖X∗ 6 1, et aussi〈x, x∗〉 = T (x) = ‖x‖, de sorte que ‖x∗‖X∗ = 1.

2.3.7 2.3.7. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique localement convexe réel, etT : X → R une forme linéaire non nulle. Dans ce cas T (U) est ouvert dans R,quel que soit l’ouvert U ⊆ X.

Soit V un voisinage convexe de 0. Puisque V est absorbant on a X =∪k∈N0kV (voir 1.5.5 et 1.1.7), et donc

R = T (X) = ∪k∈N0kT (V ) . (2.5) eq.5

Or T (V ), étant convexe, est un intervalle, et l’on déduit de (2.5) que 0 ∈intT (V ). Soit U ⊆ X un ouvert non vide, et x ∈ U . On choisit un voisinageconvexe de 0, V , tel que x + V ⊆ U . Puisque T (x) + T (V ) ⊆ T (U), on déduitde ce qui précède que T (x) ∈ intT (U).

2.3.8 2.3.8 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique localement con-vexe sur K, A ⊆ X un convexe fermé non vide, et x ∈ X \A. Il existe x∗ ∈ X∗telle que

supy∈A<〈y, x∗〉 < <〈x, x∗〉 .

Démonstration. Faisons la preuve dans le cas où K = R et laissons au lecteurle soin de vérifier que le cas K = C découle alors de 2.3.4. Puisque A est ferméet que x 6∈ A, on déduit de 1.5.4(1) l’existence d’un voisinage V de 0 tel quex 6∈ A + V . Comme T est localement convexe, il n’y a aucune restriction àsupposer en outre que V est ouvert, convexe et équilibré, d’après 2.1.7(3). Ondéfinit

A′ = A+ V − a ,

où a ∈ A est choisi arbitrairement, et on vérifie aisément que A′ est convexeet ouvert. Par conséquent A′ est un voisinage de 0, donc il est absorbant (voir

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2.4 Applications 52

1.5.5) et la fonctionnelle de Minkowski hA′ qui lui est associée est bien définie.Elle est également positivement homogène et sous-additive, A′ étant convexe,d’après 2.1.6(1) et (2). On définit à présent Z = R(x− a) ainsi que

T : Z → R : t(x− a) 7→ t ,

qui est clairement linéaire. Or x− a 6∈ A′, de sorte que hA′(x− a) > 1, d’après2.1.6(5). Par conséquent, si t > 0, alors

T [t(x− a)] = t 6 thA′(x− a) = hA′ [t(x− a)] ,

tandis que si t < 0 alors

T [t(x− a)] = t < 0 6 hA′ [t(x− a)] .

Les hypothèses de 2.3.3 étant vérifiées, T admet une extension linéaire T à X,telle que T 6 hA′ .

Si x ∈ A′ = intA′ alors T (x) 6 hA′(x) < 1, d’après 2.1.6(5), tandis quesi x ∈ −A′ alors T (−x) = −T (x) > −hA′(x) > −1, toujours d’après 2.1.6(5).Donc T est bornée sur A′ ∩ (−A′), qui est un voisinage de 0, de sorte que T estcontinue, d’après 1.6.10(4). Dans le reste la démonstration on pose x∗ = T .

Soient y ∈ A et v ∈ V . Puisque y + v − a ∈ A′ = intA′, il suit de 2.1.6(5)que hA′(y + v − a) < 1. Par conséquent,

〈y, x∗〉 − 〈x+ v, x∗〉+ 1 = 〈y − x− v, x∗〉+ T (x− a)= 〈y − x− v + x− a, x∗〉= 〈y + v − a, x∗〉6 hA′(y + v − a)< 1 .

On en déduit que 〈y, x∗〉 < 〈x + v, x∗〉, quels que soient y ∈ A et v ∈ V .Par conséquent x∗(A) et x∗(V ) sont deux ensembles disjoints dans R. Ils sontégalement convexes, donc des intervalles, car A et V le sont. En outre x∗(V )est ouvert car V l’est, d’après 2.3.7, c’est-à-dire x∗(V ) est un intervalle ouvertcontenant 〈x, x∗〉. La conclusion s’ensuit aisément.

2.4 Applications2.4.1 2.4.1. — Dans un espace vectoriel réel X, un demi-espace est une partie

E ⊆ X qui est du typeE = X ∩ x : T (x) 6 t

pour un certaine forme linéaire T : X → R et un certain t ∈ R. Il est évidentqu’un demi-espace est une partie convexe de X. Si X est muni d’une topologievectorielle T, on vérifie que le demi-espace associé à la paire T , t ci-dessus estfermé ssi T est continue.

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2.4 Applications 53

2.4.2 2.4.2 Théorème (Minkowski). — Soit X[T] un espace vectoriel topologiquelocalement convexe, et A ⊆ X un convexe fermé. Dans ce cas, A coïncide avecl’intersection de tous les demi-espaces fermés le contenant.

Démonstration. Posons

B = ∩E : E est un demi-espace fermé contenant A .

Il est clair que A ⊆ B. Si x ∈ X \ A, alors 2.3.8 assure l’existence d’une formelinéaire continue x∗ ∈ X∗ et de t ∈ R tels que

supy∈A〈y, x∗〉 6 t < 〈x, x∗〉 .

Posant E = x∗ 6 t on en déduit que A ⊆ E 63 x, et donc x 6∈ B, ce qui montreque B ⊆ A.

2.4.3 2.4.3 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique localement convexesur K, et x ∈ X \ 0. Dans ce cas, il existe x∗ ∈ X∗ telle que 〈x, x∗〉 6= 0.

Démonstration. C’est une conséquence de 2.3.8 appliqué à A = 0.

2.4.4 2.4.4. — En particulier, si X 6= 0, alors X∗ 6= 0. L’hypothèse que X[T]soit localement convexe est nécessaire (voir 4.3.11).

2.4.5 2.4.5 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique localement convexesur K, et Z ⊆ X un sous-espace vectoriel ayant la propriété suivante.

(∀x∗ ∈ X∗) : (Z ⊆ kerx∗)⇒ (x∗ = 0) .

Dans ce cas, Z est dense.

Démonstration. Par contraposition : si Z n’est pas dense, il existe x ∈ X \adhZet l’on applique 2.3.8 à A = adhZ (qui est un sous-espace vectoriel fermé,d’après 1.5.4(3)), ce qui donne x∗ ∈ X∗ telle que

supy∈adhZ

〈y, x∗〉 < 〈x, x∗〉 .

Il reste à montrer que Z ⊆ kerx∗. S’il existait y ∈ adhZ tel que 〈y, x∗〉 6= 0 alorsl’ensemble K de tous les scalaires serait contenu dans x∗(adhZ) car λ〈y, x∗〉 =〈λy, x∗〉, λ ∈ K, et λy ∈ adhZ, ce qui est impossible.

2.4.6 2.4.6 Corollaire. — Soit X[‖ · ‖] un espace normé sur K. Si X∗[‖ · ‖X∗ ] estséparable, alors X[‖ · ‖] l’est aussi.

Démonstration. Soit 〈x∗k〉k∈N0 une suite dense dans X∗. A chaque k ∈ N0 onassocie xk ∈ X tel que ‖xk‖ = 1 et 〈xk, x∗k〉 > 3

4‖x∗k‖X∗ . On définit Z =

adh sev〈xk〉k∈N0 . Faisant la preuve par l’absurde, supposons que Z 6= X. D’après

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2.4 Applications 54

2.4.5 il existe x∗ ∈ X∗ telle que Z ⊆ kerx∗ et x∗ 6= 0. On choisit k ∈ N0 tel que‖x∗ − x∗k‖X∗ < 1

4 , ce qui entraîne que ‖x∗k‖X∗ > ‖x∗‖X∗ − 14 >

34 . Par ailleurs,

34‖x

∗k‖k∈N0 < 〈xk, x∗k〉

= 〈xk, x∗k − x∗〉6 ‖xk‖‖x∗k − x∗‖X∗

<14 ,

de sorte que ‖x∗k‖X∗ < 13 , une contradiction.

2.4.7 2.4.7 Exemple. — Finissons la démonstration de 1.6.9. On y avait défini uneapplication linéaire

T : `1(K)→ `∞(K)∗

par la formule〈x, T (y)〉 =

∑j∈N0

x(j)y(j) .

On avait montré que T est isométrique, et il reste à établir qu’elle n’est passurjective. Si elle l’était, `1(K) et `∞(K)∗ seraient isométriquement isomorphes.Or `1(K) étant séparable (voir 1.3.16), `∞(K)∗ le serait aussi (voir 1.2.13), etdonc `∞(K) à sont tour serait séparable, d’après 2.4.6, ce qui n’est pas le cas(voir 1.3.17).

En fait, l’argument ci-dessus démontre un énoncé un peu plus fort : `1(K)et `∞(K)∗ ne sont pas (même non linéairement) homéomorphes. En effet, laréférence à 1.2.13 exige seulement un homéomorphisme.

2.4.8 2.4.8 Exemple (Limites de Banach). — Nous allons donner un exemple deL ∈ `∞(R)∗ qui n’appartient pas à l’image de T décrite en 2.4.7. Il s’agit de cequ’on appelle une limite de Banach, c’est-à-dire une forme linéaire

L : `∞(R)→ R

vérifiant les quatre conditions suivantes :(1) si x ∈ `∞(R) et x(j) > 0 pour tout j ∈ N0, alors 〈x, L〉 > 0 ;(2) 〈x, L〉 = 〈σ(x), L〉 pour tout x ∈ `∞(R), où σ(x)(j) = x(j + 1), j ∈ N0 ;(3) lim infj x(j) 6 〈x, L〉 6 lim supj x(j) pour tout x ∈ `∞(R) ;(4) si x ∈ `∞(R) et limj x(j) existe, alors 〈x, L〉 = limj x(j).Montrons d’abord qu’une telle forme linéaire L existe. Etant donné x ∈

`∞(R) on pose

h(x) = lim supn

1n

n∑j=1

x(j) .

Puisque x est bornée, on a h(x) ∈ R. On observe en outre que h : `∞(R) → Rest sous-additive et positivement homogène, et que

|h(x)| 6 ‖x‖`∞ . (2.6) eq.6

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2.5 Topologies faible et préfaible 55

On définit ensuite

Z = `∞(R) ∩ x : limjx(j) existe ,

qui est clairement un sous-espace vectoriel, et

T : Z → R : x 7→ limjx(j) .

On remarque que T est une forme linéaire sur Z, et on vérifie que T (x) = h(x),x ∈ Z. D’après 2.3.3, T s’étend à X en une forme linéaire qu’on nomme L et quiest dominée par h : L 6 h. Il est clair que L vérifie la condition (4) ci-dessus.Si x ∈ `∞(R) et x(j) 6 0 pour tout j ∈ N0, alors h(x) 6 0, et donc 〈x, L〉 6 0.Par conséquent 〈−x, L〉 = −〈x, L〉 > 0, ce qui montre que L vérifie la condition(1). En vue de prouver (2) on observe que h(x − σ(x)) = h(σ(x) − x) = 0,de sorte que 〈x, L〉 − 〈σ(x), L〉 = 〈x − σ(x), L〉 6 h(x − σ(x)) = 0, et aussi〈σ(x), L〉 − 〈x, L〉 = 〈σ(x) − x, L〉 6 h(σ(x) − x) = 0, ce qui établit (2). Enfin,(3) résulte de ce que h(x) 6 lim supj x(j), de sorte que 〈x, L〉 6 lim supj x(j),et

−〈x, L〉 = 〈−x, L〉 6 h(−x) 6 lim supj

(−x(j)) = − lim infj

x(j) .

La relation (2.6) entraîne que L est continue, c’est-à-dire L ∈ `∞(R)∗. Mon-trons que L n’est pas dans l’image de T décrite en 2.4.7, c’est-à-dire qu’il n’existepas de y ∈ `1(R) tel que

〈x, L〉 =∑j∈N0

x(j)y(j) .

Supposons qu’un tel y existe. Puisque∑j∈N0

|y(j)| <∞, on a aussi limj y(j) =0, et en particulier y ∈ `∞(R) et, d’après (4) ci-dessus, 〈y, L〉 = 0. Or,

〈y, L〉 =∑j∈N0

|y(j)|2

et, par conséquent, y(j) = 0 pour tout j ∈ N0. On en déduit que L = 0, ce quiest absurde.

2.5 Topologies faible et préfaible2.5.1 2.5.1 (Topologie faible). — Soit X[T] un espace vectoriel topologique locale-

ment convexe sur K. A chaque x∗ ∈ X∗ on associe la semi-norme

hx∗ : X → R+ : x 7→ |〈x, x∗〉| .

La famille de semi-normes 〈hx∗〉x∗∈X∗ est séparante, d’après 2.4.3, parce que Xest localement convexe. Par conséquent on peut associer à cette famille de semi-normes une topologie vectorielle localement convexe surX, appelée la topologie

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2.5 Topologies faible et préfaible 56

faible de X (ont dit aussi topologie affaiblie), et notée S(X,X∗). En d’autrestermes, une base de voisinages faiblement ouverts de 0 est formée des ensemblesdu type

X ∩ x : |〈x, x∗j 〉| < εj , j = 1, . . . , n ,

correspondant à tous les choix de n ∈ N0, x∗1, . . . , x∗n ∈ X∗, et ε1 > 0, . . . , εn > 0.Il est évident que les ensembles ci-dessus sont T-ouverts également. Par consé-quent,

S(X,X∗) ⊆ T . (2.7) eq.7

Remarquons qu’une suite 〈xk〉k∈N0 dans X converge faiblement vers 0 (c’est-à-dire au sens de la topologie S(X,X∗)) ssi limk〈xk, x∗〉 = 0 pour toute x∗ ∈ X∗.Cela résulte de la définition des voisinages faibles de 0.

2.5.2 2.5.2 (Topologie préfaible). — Soit X[T] un espace vectoriel topologique surK. A chaque x ∈ X on associe une forme linéaire sur X∗, appelée évaluationen x,

evx : X∗ → K : x∗ 7→ 〈x, x∗〉 ,

ainsi que la semi-norme correspondante | evx |. Il est évident que la famille desemi-normes 〈| evx |〉x∈X est séparante. Par conséquent on peut associer à cettefamille de semi-normes une topologie vectorielle localement convexe sur X∗,appelée topologie préfaible de X∗ (on dit aussi topologie faible*), et notéeS(X∗, X). En d’autres mots, une base de voisinages préfaiblement ouverts de 0est formée des ensembles du type

X∗ ∩ x∗ : |〈xj , x∗〉| < εj : j = 1, . . . , n ,

correspondant à tous les choix de n ∈ N0, x1, . . . , xn ∈ X, et ε1 > 0, . . . , εn > 0.Remarquons qu’une suite 〈x∗k〉k∈N0 dansX∗ converge préfaiblement vers 0 (c’est-à-dire au sens de la topologie S(X∗, X)) ssi limk〈x, x∗k〉 = 0 pour tout x ∈ X.

2.5.3 2.5.3. — Si X[‖ · ‖] est un espace normé, alors son dual X∗ a été doté d’unestructure d’espace normé également (voir 1.6.5), en particulier d’espace loca-lement convexe (voir 2.1.1). Notons ‖ · ‖X∗ la norme de X∗, et T la topologiecorrespondante, et notons X∗∗ l’espace dual de X∗[T] — on l’appelle de bi-dual de X. Dans ce cas on peut définir sur X∗ une topologie faible S(X∗, X∗∗)comme dans 2.5.1, ainsi qu’une topologie préfaible S(X∗, X) comme dans 2.5.2.Ces deux topologies coïncident parfois (voir 2.5.5 et 2.5.6), mais pas toujours(voir 2.5.8). Cependant les inclusions suivantes sont valides en général, et justi-fient la terminologie :

S(X∗, X) ⊆ S(X∗, X∗∗) ⊆ T .

La seconde inclusion provient de (2.7), tandis que la première provient de ce qu’ily a moins de voisinages préfaiblement ouverts de 0 que de voisinages faiblementouverts de 0. Il suffit en effet d’observer que si x ∈ X alors evx ∈ X∗∗ d’après1.6.4, car

|〈x∗, evx〉| = |〈x, x∗〉| 6 ‖x‖‖x∗‖X∗ , (2.8) eq.8

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2.5 Topologies faible et préfaible 57

de sorte que la famille de semi-normes 〈| evx |〉x∈X est «contenue» dans la famillede semi-normes 〈hx∗∗〉x∗∗∈X∗∗ .

2.5.4 2.5.4 Théorème. — Soit X[‖ · ‖] un espace normé et X∗∗[‖ · ‖X∗∗ ] son bidual.L’application

ev : X → X∗∗ : x 7→ evxest une isométrie linéaire.

Démonstration. On a vu ci-dessus que chaque evx : X∗ → R est linéaire etcontinue. Il est clair que x 7→ evx est linéaire. On déduit de (2.8) et de ladéfinition de ‖ · ‖X∗∗ que

‖ evx ‖X∗∗ 6 ‖x‖ .Il reste donc à établir l’inégalité opposée. Elle découle immédiatement de 2.3.6.

2.5.5 2.5.5. — On dit d’un espace normé qu’il est réflexif si l’applicationX → X∗∗ :x 7→ evx est surjective. Dans ce cas X et son bidual X∗∗ sont isométriquementisomorphes, et les topologies faible et préfaible de X∗ coïncident :

S(X∗, X) = S(X∗, X∗∗)

puisque les familles de semi-normes 〈| evx |〉x∈X et 〈hx∗∗〉x∗∗∈X∗∗ sont les mêmes.2.5.6 2.5.6 Théorème. — Soit 1 < p <∞. L’espace `p(K) est réflexif.

Démonstration. Notons 1 < q < ∞ l’exposant conjugué de p (voir 1.3.9). Ondésigne par Tp et Tq les isomorphismes isométriques décrits dans 1.6.7 :

Tp : `q(K)→ `p(K)∗

etTq : `p(K)→ `q(K)∗ .

Soit x∗∗ ∈ `p(K)∗∗, nous devons montrer qu’il est de la forme x∗∗ = evx pourun certain x ∈ `p(K). On observe que x∗∗ Tp ∈ `q(K)∗ et donc, puisque Tqest surjective, il existe x ∈ `p(K) tel que x∗∗ Tp = Tq(x). Soit x∗ ∈ `p(K)∗ :il s’agit d’établir que 〈x∗, x∗∗〉 = 〈x∗, evx〉. Puisque Tp est surjective, il existey ∈ `q(K) tel que x∗ = Tp(y). Il reste à observer que la forme explicite de Tp etTq donnée en 1.6.7 entraîne que

〈x∗, x∗∗〉 = 〈Tp(y), x∗∗〉= 〈y, x∗∗ Tp〉= 〈y, Tq(x)〉

=∑j∈N0

y(j)x(j)

= 〈x, Tp(y)〉= 〈x, x∗〉= 〈x∗, evx〉 .

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2.5 Topologies faible et préfaible 58

2.5.7 2.5.7 Exemple. — Soit 1 < p < ∞. On considère la suite 〈ek〉k∈N0 définie àla fin de 1.3.14. Elle converge faiblement vers 0. En effet si x∗ ∈ `p(K)∗ alors,d’après 1.6.7, il existe y ∈ `q(K) tel que

〈x, x∗〉 =∑j∈N0

x(j)y(j)

quel que soit x ∈ `p(K). Mais alors

limk〈ek, x∗〉 = lim

k

∑j∈N0

ek(j)y(j) = limky(k) = 0

car la série∑k∈N0

|y(k)|q est convergente.Cette suite converge aussi préfaiblement vers 0 si, pour donner un sens à

une topologie préfaible sur `p(K), on identifie `p(K) à `q(K)∗. Cependant ellene converge pas vers 0 au sens de la norme de `p(K) car ‖ek‖`p = 1 pour toutk ∈ N0.

2.5.8 2.5.8 Exemple. — Montrons que les topologies faible et préfaible ne coïn-cident pas sur l’espace c0(K)∗. On rappelle (voir 1.6.9) que cet espace est iden-tifié à l’espace `1(K),

T0 : `1(K)→ c0(K)∗ ,

et que le dual de `1(K) (donc, le bidual de c0(K)) est identifié à `∞(K) :

T1 : `∞(K)→ `1(K)∗ .

On considère la suite 〈T0(ek)〉k∈N0 dans c0(K)∗, et on y pense comme à lasuite 〈ek〉k∈N0 dans `1(K), définie à la fin de 1.3.14. Montrons qu’elle convergepréfaiblement vers 0. Pour tout x ∈ c0(K) on a

limk〈x, T0(ek)〉 = lim

k

∑j∈N0

x(j)yk(j) = limkx(k) = 0

par définition de c0(K). Cependant cette suite ne converge pas faiblement vers0. En effet, tout x∗∗ ∈ c0(K)∗∗ donne lieu à x∗∗ T0 ∈ `1(K)∗, qui s’exprimecomme x∗∗ T0 = T1(x) pour un certain x ∈ `∞(K). On observe que

〈T0(ek), x∗∗〉 = 〈ek, x∗∗ T 〉= 〈ek, T1(x)〉

=∑j∈N0

ek(j)x(j)

= x(k) ,

quel que soit k ∈ N0. Par conséquent limk〈T0(ek), x∗∗〉 6= 0 dès qu’on choisitx ∈ `∞(K) tel que limk x(k) 6= 0.

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2.5 Topologies faible et préfaible 59

2.5.9 2.5.9 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique localement con-vexe et A ⊆ X un convexe. Les conditions suivantes sont équivalentes :(1) A est fermé (c’est-à-dire A est T-fermé) ;(2) A est faiblement fermé (c’est-à-dire A est S(X,X∗)-fermé).

Démonstration. Il est clair que (2) ⇒ (1) car S(X,X∗) ⊆ T. Montrons que(1)⇒ (2). Supposons que A est fermé et x 6∈ A : il faut établir l’existence d’unvoisinage faible de 0, disons V , tel que (x + V ) ∩ A = ∅. D’après 2.3.8 il existex∗ ∈ X∗ et ε > 0 tels que

supy∈A<〈y, x∗〉 < <〈x, x∗〉 − ε .

Le voisinage faibleV = X ∩ v : |〈v, x∗〉| < ε

convient.

2.5.10 2.5.10. — L’hypothèse de convexité est nécessaire dans le théorème précédent.En effet, si 1 < p <∞ alors la «sphère unité»

A = `p(K) ∩ x : ‖x‖`p = 1

est fermée, mais n’est pas faiblement fermée d’après 2.5.7.2.5.11 2.5.11 Théorème. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique localement con-

vexe métrisable, et 〈xk〉k∈N0 une suite dans X qui converge faiblement versx ∈ X. Dans ce cas il existe une suite 〈yk〉k∈N0 dans X telle que :(1) Pour chaque k il existe un ensemble fini Fk ⊆ N0 et des réels 0 6 tk,j 6 1,

j ∈ Fk, tels queyk =

∑j∈Fk

tk,jxj ;

(2) limk yk = x au sens de la topologie T.

Démonstration. Posons S = xk : k ∈ N0 et A = convS. On note que x ∈adhS(X,X∗)A par hypothèse, et donc aussi x ∈ adhTA d’après 2.5.9, car A estconvexe. Puisque T est métrisable, il existe une suite 〈yk〉k∈N0 dans A telle quex = limk yk au sens de la topologie T. La conclusion résulte alors de la formeexplicite de convA donné en 1.1.7.

2.5.12 2.5.12. — Par exemple la suite 〈ek〉k∈N0 converge faiblement vers 0 dans `p(K),1 < p <∞. Pour chaque k ∈ N0 on peut former

yk =k∑j=1

1kej .

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2.5 Topologies faible et préfaible 60

On a bien ‖ek‖`p → 0 quand k →∞ car

‖ek‖p`p =k∑j=1

(1k

)p= kp−1 .

En revanche 2.5.11 n’est pas valide si l’on suppose seulement que X est unespace dual et que la suite 〈xk〉k∈N0 converge préfaiblement vers 0. En effet, lasuite 〈ek〉k∈N0 converge préfaiblement vers 0 dans `1(K) (identifié à c0(K), voir2.5.8), mais toute combinaison convexe

y =∑j∈F

tjej

a la propriété‖y‖`1 =

∑j∈F|tj | = 1 .

Ceci constitue une autre preuve que 〈ek〉k∈N0 ne converge pas faiblement vers 0dans `1(K) (voir 2.5.8).

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Chapitre 3Espaces de Fréchet et de Banach

3.1 Espaces métriques complets3.1.1 3.1.1. — Soit S[d] un espace métrique. On dit d’une suite 〈ξk〉k∈N0 extraite

de S qu’elle est de Cauchy si pour tout ε > 0 il existe k0 ∈ N0 tel qued(ξk1 , ξk2) < ε quels que soient k1 > k0 et k2 > k0. Toute suite convergente estde Cauchy. En effet, si ξ = limk ξk alors, étant donné ε > 0, il existe k0 ∈ N0 telque d(ξ, ξk) < ε/2 pour autant que k > k0. Par conséquent, si mink1, k2 > k0alors d(ξk1 , ξk2) 6 d(ξk1 , ξ) + d(ξ, ξk2) < ε. En revanche, une suite de Cauchyn’est en général pas convergente. Par exemple

√2 ∈ R \Q et il existe une suite

〈ξk〉k∈N0 extraite de Q qui converge vers√

2 au sens de la métrique usuelled. Cette suite est de Cauchy dans les espaces métriques Q[d] et R[d], elle estconvergente dans l’espace métrique R[d], mais elle n’est pas convergente dansl’espace métrique Q[d]. On dit d’un espace métrique qu’il est complet si toutesses suites de Cauchy y admettent une limite.

Prenons soin de noter que la notion de suite de Cauchy est une notionmétrique, et non une notion topologique. En effet, considérons par exempleS = (−π/2, π/2) muni d’une part de la distance usuelle d(ξ1, ξ2) = |ξ1 − ξ2|, etd’autre part de la distance d′(ξ1, ξ2) = | tan(ξ1)− tan(ξ2)|. On vérifie sans peineles distances d et d′ donnent lieu à la même topologie sur S, cependant la suite〈π/2− k−1〉k∈N0 dans S est de Cauchy au sens de d (et n’est pas convergente),mais n’est pas de Cauchy au sens de d′. Il n’est pas difficile d’établir que S[d′]est complet, alors que S[d] ne l’est pas.

3.1.2 3.1.2. — L’exemple fondamental d’espace métrique complet est K[d] muni desa métrique canonique d (voir 1.2.2).

3.1.3 3.1.3 Théorème. — Soit S[d] un espace métrique, et S′ ⊆ S. Si S′[d] est unespace métrique complet, alors S′ est fermé dans S.

Démonstration. Soit 〈ξk〉k∈N0 une suite dans S′ qui converge vers ξ ∈ S. D’après3.1.1, elle est de Cauchy. Puisque S′[d] est complet, elle admet une limite ξ′ ∈ S′.

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3.1 Espaces métriques complets 62

L’unicité de la limite entraîne que ξ = ξ′. Par conséquent ξ ∈ S.

3.1.4 3.1.4 Théorème. — Soit S[d] un espace métrique complet et S′ ⊆ S un fermé.Dans ce cas, S′[d] est un espace métrique complet.

Démonstration. Soit 〈ξk〉k∈N0 une suite de Cauchy extraite de S′. Elle est deCauchy dans S, et puisque S est complet, elle admet une limite ξ ∈ S. Or S′est fermé, par conséquent ξ ∈ S′.

3.1.5 3.1.5. — Un espace de Banach est un espace normé X[‖ · ‖] qui est completrelativement à la métrique qui lui est canoniquement associée (voir 1.3.2). Unespace de Fréchet est un espace vectoriel topologique localement convexeX[T] dont la topologie T est métrisable et tel qu’il existe sur X une distance dcompatible avec T, qui fait de X[d] un espace métrique complet, telle que

d(x1 + x3, x2 + x3) = d(x1, x2)

quels que soient x1, x2, x3 ∈ X. On dit d’une distance d sur X qui vérifie cettedernière relation qu’elle est invariante par translation. On vérifie que toutespace de Banach est un espace de Fréchet. Prenons bonne note que K[| · |] estun espace de Banach.

3.1.6 3.1.6 Théorème. — Soit S un ensemble non vide. L’espace B(S;K)[‖ · ‖∞](voir 1.3.4) est de Banach.

Démonstration. Soit 〈uk〉k∈N0 une suite de Cauchy dans B(S;K). Pour toutu ∈ B(S;K) et tout ξ ∈ S on a |u(ξ)| 6 ‖u‖∞. De cette inégalité on déduit quepour chaque ξ ∈ S, la suite 〈uk(ξ)〉k∈N0 est de Cauchy dans K. Par conséquentelle y admet une limite, que l’on note u(ξ) ∈ K. Il reste à montrer que la fonctionu : S → K ainsi définie est bornée, et que ‖uk − u‖∞ → 0 quand k →∞.

Soit ε > 0. Pour chaque ξ ∈ S il existe k(ξ) ∈ N0 tel que |u(ξ)− uk(ξ)| < εpour autant que k > k(ξ). Il existe également k∗ ∈ N0 tel que ‖uk1 − uk2‖∞ <ε pour autant que mink1, k2 > k∗. Pour chaque ξ ∈ S on pose k∗(ξ) :=maxk(ξ), k∗ et l’on observe que si k > k∗ alors

|u(ξ)− uk(ξ)| 6 |u(ξ)− uk∗(ξ)(ξ)|+ |uk∗(ξ)(ξ)− uk(ξ)|6 |u(ξ)− uk∗(ξ)(ξ)|+ ‖uk∗(ξ) − uk‖∞6 2ε .

En particulier u−uk ∈ B(S;K), et donc u ∈ B(S;K) également. En outre, ξ ∈ Sétant arbitraire dans l’inégalité ci-dessus, on en déduit que ‖u−uk‖∞ 6 2ε pourk > k∗, ce qui termine la démonstration.

3.1.7 3.1.7 Corollaire. — Soit S[d] un espace métrique. L’espace BC(S;K)[‖·‖∞]est de Banach.

Démonstration. D’après 1.3.6 BC(S;K) est fermé dans B(S;K). La conclusionest donc une conséquence de 3.1.4 et 3.1.6.

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3.1 Espaces métriques complets 63

3.1.8 3.1.8 Théorème. — `∞(K) et c0(K) (munis de leur normes usuelles) sont desespaces de Banach.

Démonstration. `∞(K) n’est autre que B(N0;K) muni de la norme ‖ · ‖∞, il estdonc de Banach d’après 3.1.6. Quant à c0(K), il s’agit d’un sous-espace ferméde `∞(K). Par conséquent il est de Banach d’après 3.1.4.

3.1.9 3.1.9 Théorème. — Soit X[‖·‖] un espace normé. Son espace dual X∗[‖·‖X∗ ]est de Banach.

Démonstration. La démonstration est analogue à celle de 3.1.6. Soit 〈x∗k〉k∈N0

une suite de Cauchy dans X∗. Pour chaque x ∈ X on a |〈x, x∗k〉| 6 ‖x‖‖x∗k‖X∗ ,et on en déduit que la suite 〈〈x, x∗k〉〉k∈N0 est de Cauchy dans K. Elle y admetdonc une limite, que l’on note α(x) ∈ K. Cela définit une fonction α : X → K.Montrons que α est linéaire. Si x1, x2 ∈ X et λ1, λ2 ∈ K alors

α(λ1x1 + λ2x2) = limk〈λ1x1 + λ2x2, x

∗k〉

= limk

(λ1〈x1, x∗k〉+ λ2〈x2, x

∗k〉)

= λ1

(limk〈x1, x

∗k〉)

+ λ2

(limk〈x2, x

∗k〉)

= λ1α(x1) + λ2α(x2) .

Il reste à montrer que α est continue et que ‖α− x∗k‖X∗ → 0 quand k →∞.Soit ε > 0. Pour chaque x ∈ X il existe k(x) ∈ N0 tel que |α(x) − 〈x, x∗k〉| < εquel que soit k > k(x). Il existe également k∗ ∈ N0 tel que ‖x∗k1

− x∗k2‖X∗ < ε

pour autant que mink1, k2 > k∗. A x ∈ X on associe k∗(x) = maxk(x), k∗et l’on observe que

|α(x)− 〈x, x∗k〉| 6 |α(x)− 〈x, x∗k∗(x)〉|+ |〈x, x∗k∗(x)〉 − 〈x, x∗k〉|

6 |α(x)− 〈x, x∗k∗(x)〉|+ ‖x‖‖x∗k∗(x) − x∗k‖X∗

6 ε(1 + ‖x‖) ,

quel que soit k > k∗. En particulier α−x∗k∗ ∈ X∗ d’après 1.6.4(4), donc α ∈ X∗.En outre, la définition de ‖ · ‖X∗ entraîne que ‖α− x∗k‖X∗ 6 2ε dès que k > k∗,ce qui termine la démonstration.

3.1.10 3.1.10. — Si X[‖·‖X ] et Y [‖·‖Y ] sont deux espaces normés, et sont isomorphes,alors l’un est de Banach ssi l’autre est de Banach.

Supposons que X est de Banach. Un isomorphisme est une bijection linéaireT : X → Y qui est continue, et dont la réciproque T−1 est également continue.D’après 1.6.4 cela équivalent à l’existence de constantes C1, C2 ∈ R+ \0 tellesque

C1‖x‖X 6 ‖T (x)‖Y 6 C2‖x‖Xquel que soit x ∈ X. Soit 〈yk〉k∈N0 une suite de Cauchy dans Y . A chaquek ∈ N0 on associe xk = T−1(yk) et on observe que ‖xk1−xk2‖X 6 C−1

1 ‖T (xk1−

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3.2 Complétion 64

xk2)‖Y = C−11 ‖yk1 − yk2‖X quels que soient k1, k2 ∈ N0, de sorte que 〈xk〉k∈N0

est une suite de Cauchy dans X. Puisque X est complet par hypothèse, cettesuite admet une limite x ∈ X. On pose y = T (x) et on observe que ‖y− yk‖k =‖T (x) − T (xk)‖Y 6 C2‖x − xk‖X quel que soit k ∈ N0, de sorte que y est lalimite de 〈yk〉k∈N0 .

3.1.11 3.1.11 Théorème. — Soit 1 6 p 6 ∞. L’espace `p(K) (muni de sa normeusuelle) est de Banach.

Démonstration. On rappelle que `p(K) est isométriquement isomorphe à en es-pace dual X∗ : si p = 1 il s’agit de X = c0(K), si p =∞ il s’agit de X = `1(K),si 1 < p < ∞ il s’agit de X = `q(K) où q est l’exposant conjugué de p (voir1.6.7 et 1.6.10). La conclusion résulte donc de 3.1.10 et 3.1.9.

3.2 Complétion3.2.1 3.2.1. — Soit S[d] un espace métrique. Une complétion de S[d] consiste en la

donnée d’un espace métrique S[d] et d’une application φ : S → S de sorte queles conditions suivantes sont vérifiées :(1) S[d] est complet ;(2) φ est une isométrie (voir 1.2.12) ;(3) φ(S) est dense dans S.

Un espace métrique admet toujours une complétion (voir 3.2.3), mais celle-cin’a pas de raison d’être unique. Elle l’est cependant «à isométrie près». Plusprécisément, si S[d] est un espace métrique et Sj [dj ], φj : S → Sj , j = 1, 2, sontdes complétions de S, alors il existe une (unique) isométrie f : S1 → S2 telleque φ2 = φ1 f . On laisse au lecteur le soin de le vérifier.

3.2.2 3.2.2 Théorème (Plongement de Kuratowski). — Soit S[d] un espace métrique.Il existe une isométrie φ : S → BC(S;R).

Démonstration. On fixe ξ0 ∈ S, et on associe à chaque ξ ∈ S une fonction

φ(ξ) : S → R : ζ 7→ d(ζ, ξ)− d(ζ, ξ0) .

Observons que la fonction φ(ξ) est bornée : cela résulte de l’inégalité triangulaire,

|φ(ξ)(ζ)| = |d(ζ, ξ)− d(ζ, ξ0)| 6 d(ξ, ξ0)

(le membre de droite est indépendant de ζ). En outre, cette fonction ζ 7→ φ(ξ)(ζ)est clairement continue. Il reste à montrer que φ est une isométrie. Si ξ1, ξ2 ∈ S,et ζ ∈ S, alors

φ(ξ1)(ζ)−φ(ξ2)(ζ) = d(ζ, ξ1)− d(ζ, ξ0)− d(ζ, ξ2) + d(ζ, ξ0) = d(ζ, ξ1)− d(ζ, ξ2) ,(3.1) eq.9

en particulier,

|φ(ξ1)(ζ)− φ(ξ2)(ζ)| 6 |d(ζ, ξ1)− d(ζ, ξ2)| 6 d(ξ1, ξ2)

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3.2 Complétion 65

d’après l’inégalité triangulaire, de sorte que ‖φ(ξ1) − φ(ξ2)‖∞ 6 d(ξ1, ξ2). Parailleurs, en prenant ζ = ξ2 dans (3.1) on obtient ‖φ(ξ1)−φ(ξ2)‖∞ > d(ξ1, ξ2)

3.2.3 3.2.3 Corollaire. — Tout espace métrique admet une complétion.

Démonstration. Etant donné un espace métrique S[d], on considère le plonge-ment de Kuratowski φ : S → BC(S;R) comme en 3.2.2. On pose S = adhφ(S).Puisque BC(S,R) est complet (d’après 3.1.7), le fermé S l’est également (d’après3.1.4). La métrique considérée sur S est évidemment celle induite par la norme‖ · ‖∞, c’est-à-dire si ξ1, ξ2 ∈ S alors d(ξ1, ξ2) = ‖ξ1 − ξ2‖∞.

3.2.4 3.2.4 (Caractère fonctoriel de la construction). — Ce numéro suppose que lelecteur est au moins légèrement familier avec le langage élémentaire de la théo-rie des catégories. On désigne par Métrique la catégorie dont les objets sont lesespaces métriques, et dont les flèches sont les applications uniformément conti-nues entre ces objets. On désigne par Complet la catégorie dont les objets sontles espaces métriques complets, et dont les flèches sont les applications uniformé-ment continues entre ces objets. Etant donné un espace métrique S, désignonspar F (S) le complété de S obtenu par le procédé décrit en 3.2.3, c’est-à-direF (S) = adhφ(S) où φ est le plongement de Kuratowski associé à S. Cela définitune correspondance

F : Métrique→ Complet

entre les objets des catégories indiquées. Expliquons comment F transporte éga-lement les flèches de Métrique vers les flèches de Complet. Etant donné deux es-paces métriques S1 et S2, et une application uniformément continue f : S1 → S2,si φ1 et φ2 désignent les plongements de Kuratowski de S1 et S2 respectivement,alors φ2 f φ−1

1 : φ1(S1) ⊆ F (S1) → F (S2) est une application uniformé-ment continue, à valeurs dans un espace métrique complet F (S2), définie surun ensemble φ1(S1) dense dans F (S1). Par conséquent elle admet une uniqueextension à F (S1) tout entier, que l’on désigne par le symbole F (f). En d’autrestermes, F (f) est l’unique application uniformément continue F (S1) → F (S2)qui rend le diagramme suivant commutatif.

F (S1) F (f)−−−−→ F (S2)

φ1

x φ2

xS1

f−−−−→ S2

Le caractère fonctoriel de F est la conjonction des deux énoncés suivants :(1) pour tout espace métrique S, F (idS) = idF (S) ;(2) pour tout triplet S1, S2, S3 d’espaces métriques et toute paire d’appli-

cations uniformément continues f : S1 → S2 et g : S2 → S3 on aF (g f) = F (g) F (f).

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3.2 Complétion 66

Montrons par exemple que la condition (2) est vérifiée. Cela résulte de la carac-térisation de F (f) énoncée ci-dessus, et de ce que les deux diagrammes suivantssont commutatifs :

F (S1) F (f)−−−−→ F (S2) F (g)−−−−→ F (S3)

φ1

x φ2

x φ3

xS1

f−−−−→ S2g−−−−→ S3

etF (S1) F (gf)−−−−→ F (S3)

φ1

x φ3

xS1

gf−−−−→ S3

Afin de décrire un foncteur de complétion Métrique→ Complet, il est importantde disposer d’une construction canonique d’un complété d’un espace métrique,c’est-à-dire d’une construction qui s’applique à chaque espace métrique «de lamême manière». Un «désavantage» d’une telle construction est que si S est déjàun espace métrique complet, alors l’ensemble sous-jacent à F (S) n’est pas égalà S. Penser par exemple à F (R).

Une autre construction «canonique» d’un foncteur de complétion est la sui-vante. A chaque espace métrique S[d] on associe l’ensemble S formé des suites deCauchy de S. On définit sur S une relation d’équivalence en déclarant que deuxsuites de Cauchy 〈ξk〉k∈N0 et 〈ζk〉k∈N0 sont équivalentes si limk d(ξk, ζk) = 0. Onnote S le quotient correspondant et on le munit d’une distance d (bien) définiecomme ceci :

d([〈ξk〉k∈N0 ], [〈ζk〉k∈N0 ]) = limkd(ξk, ζk) .

On laisse au lecteur le soin de vérifier que la limite ci-dessus existe, ne dépendpas du choix des représentants de classes d’équivalence, qu’elle définit bien unedistance sur S et en fait un espace métrique complet qui est une complétionde S[d] comme en témoigne l’isométrie S → S : ξ 7→ φ(ξ) où φ(ξ) est la classed’équivalence de la suite constante associée à ξ.

3.2.5 3.2.5 (Complétion d’un espace normé). — Si X[‖ · ‖] est un espace normé (di-sons non complet, pour la discussion ait de l’intérêt) alors l’espace métriqueX[d]qui lui est associé (voir 1.3.2) admet une complétion X[d]. On souhaite montrer«qu’il s’agit d’un espace de Banach», c’est-à-dire que X est naturellement munid’une structure d’espace vectoriel, et que la distance d est associée à une normesur X. Notons que le plongement de Kuratowski décrit dans la démonstrationde 3.2.2 n’a aucune raison d’être linéaire si S est un espace vectoriel.

Considérons le plongement isométrique de X dans son bidual décrit en 2.5.4,

ev : X → X∗∗ : x 7→ evx .

Puisque ev est en outre linéaire, ev(X) est un sous-espace vectoriel de X∗∗. Ilen est de même de X := adh ev(X), d’après 1.5.4(3). Par conséquent X[‖ ·‖X∗∗ ]

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3.2 Complétion 67

est un espace de Banach, et on vérifie sans peine que l’espace métrique X[d] quilui est associé (voir 1.3.2) est une complétion de l’espace métrique X[d] associéà X[‖ · ‖].

Cette discussion générale nous a permis de montrer qu’un espace norméadmet toujours une complétion qui est un espace de Banach, mais le procédéde complétion décrit par le plongement dans le bidual n’est, en pratique, pastoujours éclairant au sujet de la nature des objets qu’on ajoute à l’espace pour«le compléter». Nous traitons cette question par un exemple au numéro suivant.

3.2.9 3.2.6 (Complétion de Cc(Ω) muni de la norme du maximum). — On considèreun ouvert non vide Ω = Rm et Cc(Ω) l’espace des fonctions continues à sup-port compact, défini en 2.2.1. On munit cet espace de la norme du maximum‖ · ‖∞, ce qui a du sens puisque chaque élément de Cc(Ω) est une fonctionbornée. L’espace normé Cc(Ω)[‖ · ‖∞] n’est pas de Banach. Par exemple siΩ = U(0, 1) on remarque que la fonction u(ξ) = dist(ξ,Rm \ Ω) n’appartientpas à Cc(Ω), bien que ‖uk − u‖∞ → 0 quand k →∞ où uk ∈ Cc(Ω) est définiepar uk = max0, u− k−1.

La question posée est de décrire une complétion de Cc(Ω)[‖ ·‖∞]. On n’a pasforcément envie de penser aux objets de la complétion comme à des éléments deBC[Cc(Ω);R] (plongement de Kuratowski), ni à des éléments de Cc(Ω)∗∗ (plon-gement à la Banach-Mazur), ni d’ailleurs à des classes d’équivalence de suites deCauchy extraites de Cc(Ω). Dans ce cas nous disposons en effet d’une descriptionsimple de la complétion : il s’agit des fonctions u ∈ C(Ω) «évanescentes».

On dit que u ∈ C(Ω) est évanescente si la condition suivante est vérifiée :pour tout ε > 0 il existe un compact K ⊆ Ω tel que |u(ξ)| < ε pour toutξ ∈ Ω \K. On désigne par C0(Ω) := C(Ω) ∩ u : u est évanescente. On laisseau lecteur le soin de vérifier que :(1) C0(Ω) est un espace vectoriel réel et ses membres sont des fonctions bor-

nées ;(2) C0(Ω)[‖ · ‖∞] est un espace de Banach ;(3) Cc(Ω) est dense dans C0(Ω).

3.2.10 3.2.7 (C(Ω) comme espace de Fréchet). — On note C(Ω) l’espace vectoriel cons-titué de toutes les fonctions continues u : Ω→ R, Ω ⊆ Rm étant un ouvert nonvide. Les fonctions u ∈ C(Ω) ne sont pas nécessairement bornées, on ne peutdonc pas considérer sup|u(ξ)| : ξ ∈ Ω comme une norme sur C(Ω), puisquece nombre peut être +∞. A chaque compact K ⊆ Ω on associe la semi-normehK(u) = max|u(ξ)| : ξ ∈ K < ∞. On observe que la famille de semi-normes〈hK〉K∈K (Ω) (où K (Ω) désigne la collection des compacts contenus dans Ω) estséparante. Par conséquent il correspond à cette famille une topologie vectoriellelocalement convexe T sur C(Ω), voir 2.1.3.

La lectrice vérifiera les assertions qui suivent. Si 〈Kj〉j∈N0 est une suite crois-sante extraite de K (Ω) telle que Ω = ∪j∈N0Kj , alors la famille de semi-normes〈hKj 〉j∈N0 est compatible avec T. Puisque cette famille est dénombrable, T estmétrisable (raisonner comme en 2.2.4(2) — T n’est pas normable, d’ailleurs). Si

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3.2 Complétion 68

l’on définit une distance d (compatible avec T) par la formule

d(u1, u2) =∑j∈N0

12j

(hKj (u1 − u2)

1 + hKj (u1 − u2)

),

on s’aperçoit que d est invariante par translation au sens de 3.1.5. Enfin onmontre que limk d(u, uk) = 0 ssi pour tout j ∈ N0 on a limk hKj (uk − u) = 0. Ilrésulte de cette observation (et de ce que chaque C(Kj)[‖ · ‖∞] est de Banach)que C(Ω)[d] est un espace métrique complet. Par conséquent C(Ω)[T] est unespace de Fréchet (qui n’est pas un espace de Banach).

3.2.11 3.2.8 Théorème. — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert non vide, et K ⊆ Ω un compact.Dans ce cas l’espace des fonctions d’essai DK(Ω) (muni de la topologie TKdécrite en 2.2.4) est un espace de Fréchet.

Démonstration. Il résulte de 2.2.4 que la topologie vectorielle TK est vectorielle,localement convexe, et métrisable. On considère la métrique d définie en (2.3),qui est compatible avec la topologie TK , et on vérifie aisément qu’elle est in-variante par translation. Il reste à vérifier que l’espace métrique DK(Ω)[d] estcomplet. A cette fin, on commence par observer que si une suite 〈ϕk〉k∈N0 ex-traite de DK(Ω) est de Cauchy relativement à la distance d, alors elle est deCauchy relativement à chaque norme hj , j ∈ N0 (mêmes notations que dansla démonstration de 2.2.4). En effet, cela résulte immédiatement des inégalitéshj(ϕk1 − ϕk2) 6 2jd(ϕk1 , ϕk2), quels que soient j, k1, k2 ∈ N0. On en déduitque 〈∂αϕk〉k∈N0 est une suite de Cauchy relativement à la norme ‖ · ‖∞, quelque soit le multi-indice α ∈ Nm. On note ϕα la limite de cette suite (et l’onabrège ϕ := ϕ(0,...,0)). Montrons que ϕ ∈ DK(Ω). Il est évident que ϕ ∈ C(Ω)et il est facile de montrer que suppϕ ⊆ K. Expliquons pourquoi ϕ ∈ C1(Ω).Il suffit d’établir que chaque dérivée partielle ∂jϕ, j = 1, . . . ,m, existe et estcontinue sur Ω. C’est une conséquence de la convergence uniforme des suitesde dérivées partielles 〈∂jϕk〉k∈N0 et d’un théorème usuel de calcul différentiel.De manière analogue on montre que ϕ ∈ Cl(Ω) par récurrence sur l > 2 enutilisant la convergence uniforme des suites de dérivées partielles 〈∂αϕk〉k∈N0 ,α ∈ Nm tel que |α| = l. Finalement, limk d(ϕk, ϕ) = 0 d’après 2.2.4(1) et car dest compatible avec Tk.

3.2.12 3.2.9. — On munit C[0, 1] d’une norme définie comme ceci :

‖u‖L1 :=∫ 1

0|u(ξ)|dξ ,

u ∈ C[0, 1]. La vérification qu’il s’agit bien d’une norme est élémentaire saufpeut-être l’implication ‖u‖L1 = 0 ⇒ u = 0. Montrons que la contraposée estvalide. Si u 6= 0 il existe ξ0 ∈ (0, 1) tel que |u(ξ0)| > 0. Puisque u est continueil existe aussi 0 < δ 6 minξ0, 1 − ξ0 tel que |u(ξ)| > |u(ξ0)|/2 pour toutξ ∈ [ξ0 − δ, ξ0 + δ]. Par conséquent,

‖u‖L1 =∫ 1

0|u(ξ)|dξ >

∫ ξ0+δ

x0−δ|u(ξ)]dξ > δ|u(ξ0)| > 0 .

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3.3 Théorème de Baire et conséquences 69

Montrons que C[0, 1][‖ · ‖L1 ] n’est pas de Banach. On commence par définirune suite 〈uk〉k>2 dans C[0, 1] comme ceci :

uk(ξ) =

0 si 0 6 ξ 6 1

2 −1k

affine si 12 −

1k 6 ξ 6

12 + 1

k

1 si 12 + 1

k 6 ξ 6 1 .

On remarque que ∫ 12 + 1

k

12−

1k

|uk(ξ)|dξ 6 2k,

et que uk1 = uk2 hors de l’intervalle [1/2 − 1/k1, 1/2 + 1/k1] si k1 6 k2. Parconséquent ‖uk1−uk2‖L1 6 4/mink1, k2 quels que soient k1, k2. Cela entraîneque 〈uk〉k>2 est une suite de Cauchy relativement à la norme ‖ · ‖L1 . Il reste àmontrer qu’il n’existe pas de u ∈ C[0, 1] telle que limk ‖u − uk‖L1 = 0. Pource faire, on définit une fonction v : [0, 1] → R (qui n’est pas continue) par laformule

v(ξ) =

0 si 0 6 ξ 6 12

1 si 12 < ξ 6 1 .

On laisse au lecteur le soin de vérifier que limk

∫ 10 |v(ξ)− uk(ξ)|dξ = 0. Suppo-

sons à présent, par l’absurde, qu’il existe u ∈ C[0, 1] telle que limk

∫ 10 |u(ξ) −

uk(ξ)|dξ = 0. On définit E = [0, 1] ∩ ξ : u(ξ) 6= v(ξ). Supposons queint(E ∩ (0, 1/2)) 6= ∅. Dans ce cas il existerait ε > 0 et (a, b) ⊆ E ∩ (0, 1/2)tel que |u(ξ) − v(ξ)| > ε pour tout ξ ∈ (a, b), car à la fois v et u sont continuesur (0, 1/2). Dans ce cas,

ε(b− a) 6∫ b

a

|u− v| 6∫ 1

0|u− uk|+

∫ 1

0|uk − v| → 0 quand k →∞ ,

ce qui est impossible. Par conséquent intE ∩ (0, 1/2) = ∅. Or, u et v étanttoutes deux continues sur (0, 1/2) il s’ensuit que E ∩ (0, 1/2) est ouvert, et doncE ∩ (0, 1/2) = ∅. Un raisonnement analogue montre que E ∩ (1/2, 1) = ∅. Detout ceci découle que u = v sur (0, 1) \ 1/2, ce qui contredit la continuité deu.

Une description utile d’une complétion de l’espace normé C[0, 1][‖·‖L1 ] n’estpas triviale, et nécessite l’usage de la théorie de l’intégrale de Lebesgue. Cettequestion sera traitée en 4.5.6.

3.3 Théorème de Baire et conséquences3.3.1 3.3.1 Théorème (Baire). — Soit S[d] un espace métrique complet. Si 〈Vk〉k∈N0

est une suite d’ouverts denses dans S, alors ∩k∈N0Vk est dense.

Démonstration. Il n’y aucune restriction à supposer que S 6= ∅. Soit ∅ 6= U ⊆ Sun ouvert. Nous allons définir par récurrence une suite décroissante 〈Bk〉k∈N0 de

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3.3 Théorème de Baire et conséquences 70

boules ouvertes contenues dans U . Puisque V1 est dense, l’ouvert U ∩ V1 n’estpas vide, donc il existe une boule ouverte B1 ⊆ S telle que adhB1 ⊆ U ∩ V1 etdiamB1 < 1. Supposons que B1, . . . , Bk ont été définies. Puisque Bk est ouverteet que Vk+1 est dense, l’ouvert Bk∩Vk+1 n’est pas vide, donc il existe une bouleouverte Bk+1 ⊆ S telle que adhBk+1 ⊆ Bk ∩ Vk+1 et diamBk+1 < 1/(k + 1).On choisit ξk ∈ Bk, k ∈ N0. Puisque la suite 〈Bk〉k∈N0 est décroissante etdiamBk < 1/k, on en déduit que 〈ξk〉k∈N0 est de Cauchy. Or S est complet, donccette suite admet une limite ξ ∈ S. Pour chaque k ∈ N0 on a ξ ∈ adhBk ⊆ Vk,et donc ξ ∈ ∩k∈N0Vk. Enfin ξ ∈ adhB1 ⊆ U . Puisque U est arbitraire, ∩k∈N0Vkest dense.

3.3.2 3.3.2. — Soit S[d] un espace métrique et A ⊆ S. On dit que A est nullepart dense si int adhA = ∅. On dit que A est maigre (dans S) s’il existeune suite 〈Ak〉k∈N0 de parties nulle part denses telle que A = ∪k∈N0Ak. Onnote qu’un sous-ensemble d’un ensemble maigre est maigre, et qu’une réunionfinie ou dénombrable d’ensembles maigres est également maigre. On dit que Aest résiduel (dans S) si son complémentaire maigre (dans S). Le théorèmede Baire est quelquefois énoncé sous cette forme : un espace métrique completn’est pas maigre dans lui-même.

3.3.3 3.3.3 Exemple. — Si l’on écrit Q = ∪k∈N0qk, où 〈qk〉k∈N0 est une énumé-ration de Q, on s’aperçoit que Q est maigre dans R. Par conséquent R \ Q estrésiduel dans R, car R est complet et la réunion de deux ensembles maigresest maigre. En un certain sens, les ensembles maigres sont «petits», tandis queles ensembles résiduels sont «grands». La subtilité réside, bien entendu, dans lalocution «en un certain sens». Montrons par exemple que l’on peut partitionnerR = M ∪N où M est maigre et N est de mesure de Lebesgue nulle. On définitdes ouverts

Oj = ∪k∈N0

(qk −

12j+k , qk + 1

2j+k

),

et l’on observe qu’ils sont tous denses puisque Q ⊆ Oj . On note que la mesure deLebesgue de Oj est inférieure à

∑k∈N0

22j+k = 1

2j−1 . Par conséquent l’ensembleN = ∩j∈N0Oj est de mesure de Lebesgue nulle. Par ailleurs on observe quechaque R\Oj est un ensemble maigre, et par conséquentM = R\N = ∪j∈N0(R\Oj) étant réunion dénombrable d’ensembles maigres, est maigre également.

3.3.4 3.3.4. — SoientX[TX ] et Y [TY ] deux espaces vectoriels topologiques et 〈Ti〉i∈Iune famille d’applications linéaires continues X → Y . En d’autres termes, pourtout i ∈ I et pour tout W ∈ VY (0), il existe V ∈ VX(0) tel que Ti(V ) ⊆ W .Bien entendu le voisinage V dépend de W , mais également de i ∈ I. On dit quela famille 〈Ti〉i∈I est équicontinue si on peut choisir V indépendamment de i,c’est-à-dire si pour tout W ∈ VY (0), il existe V ∈ VX(0) tel que Ti(V ) ⊆ Wquel que soit i ∈ I.

Si X et Y sont des espaces normés, le lecteur vérifiera que 〈Ti〉i∈I est équi-continue ssi supi∈I ‖T‖L(X;Y ) <∞.

3.3.5 3.3.5 Théorème (Principe de la borne uniforme). — On suppose que

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3.3 Théorème de Baire et conséquences 71

(1) X[TX ] est un espace de Fréchet ;(2) Y [TY ] est un espace vectoriel topologique ;(3) 〈Ti〉i∈I est une famille d’applications linéaires continues X → Y ;(4) pour chaque x ∈ X on a Y ∩ Ti(x) : i ∈ I est borné dans Y .

Dans ce cas la famille 〈Ti〉i∈I est équicontinue.

Démonstration. Soit W ∈ VY (0). D’après 1.5.6, il existe U ∈ VY (0) équilibré ettel que (adhU) + (adhU) ⊆W . On pose

A = ∩i∈IT−1i (adhU) .

Si x ∈ X alors il existe k ∈ N0 tel que Y ∩ Ti(x) : i ∈ I ⊆ kU , donck−1x ∈ A, ou encore x ∈ kA. On en déduit que X = ∪k∈N0kA. Or A est fermé,car chaque Ti est continue, donc chaque kA l’est également car x 7→ kx est unhoméomorphisme. Puisque X est espace métrique complet, il suit du théorèmede Baire qu’il existe k ∈ N0 tel que int kA 6= ∅, et par conséquent intA 6= ∅.Soit x ∈ intA. Il existe V ∈ VX(0) tel que V ⊆ x−A. Pour chaque i ∈ I, on a

Ti(V ) ⊆ Ti(x)− Ti(A) ⊆ (adhU)− (adhU) ⊆W ,

ce qui termine la démonstration.

3.3.6 3.3.6 Corollaire. — On suppose que(1) X[TX ] est un espace de Fréchet ;(2) Y [TY ] est un espace vectoriel topologique ;(3) 〈Tk〉k∈N0 est une suite d’applications linéaires continues X → Y ;(4) pour chaque x ∈ X la limite T (x) := limk Tk(x) existe dans Y .

Dans ce cas T : X → Y est linéaire et continue.

Démonstration. Il est évident que T est linéaire (raisonner comme dans la dé-monstration de 3.1.9). En vue d’appliquer 3.3.5, on observe que Y ∩ Tk(x) :k ∈ N0 est borné dans Y , quel que soit x ∈ X, d’après 1.5.8. Soit W ∈ VY (0),et VY (0) 3 W0 ⊆ W tel que W0 soit fermé. Puisque 〈Tk〉k∈N0 est équicontinue,d’après 3.3.5, il existe V ∈ VX(0) tel que Tk(V ) ⊆W0 pour tout k ∈ N0. On endéduit que T (V ) ⊆ adhW0 ⊆W , ce qui établit la continuité de T en 0.

3.3.7 3.3.7 Remarque. — De manière générale, si X et Y sont deux espaces to-pologiques et fk : X → Y , k ∈ N0, sont des applications continues telles quef(x) = limk fk(x) existe pour tout x ∈ X, alors f n’a aucune raison d’êtrecontinue. La continuité est en effet préservée par la convergence uniforme, maispas en général par la convergence ponctuelle. Cela met en perspective le résul-tat précédent, où la continuité de f découle de ce que X et Y sont vectorielstopologiques, les fk linéaires, et X est métrique complet.

3.3.8 3.3.8 Théorème. — Soient X et Y deux espaces normés, et T : X → Y uneapplication linéaire continue telle que T (X) n’est pas maigre dans Y . Pour toutvoisinage V de 0 dans X, adhT (V ) est un voisinage de 0 dans Y .

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3.3 Théorème de Baire et conséquences 72

Démonstration. Soit V un voisinage de 0 dans X. On choisit r > 0 tel queBX(0, 2r) ⊆ V . On observe que X = ∪k∈N0BX(0, kr) = ∪k∈N0kBX(0, r) desorte que

T (X) = ∪k∈N0kT (BX(0, r)) .Puisque T (X) n’est pas maigre, il existe k ∈ N0 tel que int adh kT (BX(0, r)) 6=∅. Or y 7→ ky est un homéomorphisme de Y , par conséquent int adhT (BX(0, r)) 6=∅. Soit U ⊆ Y un ouvert non vide tel que U ⊆ adhT (BX(0, r)). On a

U − U ⊆ adhT (BX(0, r))− adhT (BX(0, r))⊆ adh

(T (BX(0, r))− T (BX(0, r))

)= adh

(T (BX(0, r)−BX(0, r))

)⊆ adh

(T (BX(0, 2r))

)⊆ adhT (V ) .

Il reste à montrer que U − U est un voisinage de 0. Soit y ∈ U et ρ > 0 tel queBY (y, ρ) ⊆ U . Dans ce cas, BY (0, ρ) ⊆ U − U .

3.3.9 3.3.9. — Soient X un espace de Banach, Y un espace normé, T : X → Y uneapplication linéaire continue vérifiant la condition suivante : pour tout r > 0 ilexiste ρ = ρ(r) > 0 tel que BY (0, ρ) ⊆ adhT (BX(0, r)). Dans ce cas, pour toutr > 0 on a BY (0, ρ) ⊆ T (BX(0, 2r)) où ρ est associé à r comme dans la phraseprécédente.

Il suffit en fait qu’il existe un r > 0 ayant la propriété demandée. La linéaritéde T entraîne alors que la propriété est valide pour tout r > 0 et que r → ρ(r)peut être choisie positivement homogène.

Démonstration. On commence par remarquer que pour tout r > 0 on a

BY (T (x), ρ(r)) ⊆ adhT (BX(x, r))

quel que soit x ∈ X, car BY (T (x), ρ(r)) = T (x) + BY (0, ρ(r)). Fixons r > 0 ety ∈ BY (0, ρ(r)). On définit ρk = mink−1, ρ(2−k+1r) (de sorte que limk ρk =0). On définit par récurrence une suite 〈xk〉k∈N dans X telle que(1) xk ∈ BX(xk−1, 2−k+1r) ;(2) T (xk) ∈ BY (y, ρk+1).

On pose x0 = 0. La condition (1) est vide pour k = 0, tandis que la condition (2)est vérifiée pour k = 0 car T (0) = 0 ∈ BY (y, ρ1). Supposons que x0, . . . , xk−1ont été définis. On a y ∈ BY (T (xk−1), ρk) ⊆ adhT (BX(xk−1, 2−k+1r)). Donc ilexiste xk ∈ BX(xk−1, 2−k+1r) tel que T (xk) ∈ BY (y, ρk+1).

Il suit de (1) que la suite 〈xk〉k∈N0 est de Cauchy . PuisqueX est complet, elleconverge. Notons x sa limite. Puisque T est continu on a T (x) = limk T (xk) = y.En outre

‖x‖ = ‖x− x0‖ 6∞∑k=1‖xk − xk−1‖ 6

∞∑k=1

2−k+1r = 2r .

On a donc montré que y ∈ T (BX(0, 2r)).

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3.4 Fonctions continues nulle part dérivables 73

3.3.10 3.3.10 Théorème (De l’application ouverte). — Soient X et Y deux espacesde Banach et T : X → Y une application linéaire continue surjective. Dans cecas, T est ouverte, c’est-à-dire que T (U) est ouvert dans Y , pour tout ouvertU ⊆ X.

Démonstration. Il suffit de montrer que si V est un voisinage de 0 dans X, alorsT (V ) est un voisinage de 0 dans Y . Or adhT (V ) est un voisinage de 0 dans Yd’après 3.3.8 car T est surjective et Y est complet (de sorte que T (X) = Y n’estpas maigre dans Y d’après le théorème de Baire). Mais alors T (V ) lui-même estun voisinage de 0 d’après 3.3.9 car X est complet.

3.3.11 3.3.11 Théorème (De l’inversion de Banach). — Soient X et Y deux espacesde Banach, et T : X → Y une bijection linéaire continue. Dans ce cas T−1 estcontinue, c’est-à-dire T est un isomorphisme.

Démonstration. T est ouverte d’après 3.3.10, c’est-à-dire que T−1 est continue.

3.4 Fonctions continues nulle part dérivables3.4.1 3.4.1. — Dès 1872 K. Weierstrass propose une fonction continue R → R dé-

rivable nulle part. Depuis lors, de nombreux exemples ont été donnés. Si l’onpose

ϕ : R→ R : ξ → dist(ξ,Z)(où dist(ξ,Z) = inf|ξ − ζ| : ζ ∈ Z), alors on peut démontrer que la fonction

u(ξ) =∑k∈N0

2−kϕ(2kξ)

n’est nulle part dérivable. Elle est continue car la série est normalement conver-gente.

3.4.2 3.4.2. — On dit d’une fonction u : [0, 1] → R qu’elle est linéaire par mor-ceaux si elle est continue et s’il existe une partition 0 = ξ0 < ξ1 < . . . < ξκ = 1telle que la restriction de u à chaque intervalle [ξk−1, ξk], k = 1, . . . , κ, est affine.La collection des fonctions linéaires par morceaux définies sur [0, 1] est notéePL[0, 1] ⊆ C[0, 1].

3.4.3 3.4.3 Théorème. — PL[0, 1] est dense dans C[0, 1].

Démonstration. Soit u ∈ C[0, 1] et ε > 0. Puisque u est uniformément continue,il existe δ > 0 tel que |u(ξ) − u(ζ)| < ε quels que soient ξ, ζ ∈ [0, 1] tels que|ξ − ζ| < δ. On choisit une partition 0 = ξ0 < ξ1 < . . . < ξκ = 1 telle que|ξk − ξk−1] < δ, k = 1, . . . , κ. On note v la fonction linéaire par morceaux quiinterpole v aux points ξk. Plus précisément, si ξ ∈ [0, 1] on choisit k = 1, . . . , κtel que ξk−1 6 ξ 6 ξk et on pose

v(ξ) = u(ξk−1) + (ξ − ξk−1)(u(ξk)− u(ξk−1)

ξk − ξk−1

).

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3.4 Fonctions continues nulle part dérivables 74

On observe que

|u(ξ)−v(ξ)| 6 |u(ξ)−u(ξk)|+ |u(ξk)−v(ξk)|+ |v(ξk)−v(ξ)| 6 ε+ |v(ξk)−v(ξ)|

car |ξ − ξk| < δ et u(ξk) = v(ξk). On majore le dernier terme :

|v(ξk)− v(ξ)| =

∣∣∣∣∣∫ ξk

ξ

v′(ζ)dζ

∣∣∣∣∣=∣∣∣∣(ξk − ξ)(u(ξk)− u(ξk−1)

ξk − ξk−1

)∣∣∣∣6 |u(ξk)− u(ξk−1)|< ε .

Puisque ξ ∈ [0, 1] est arbitraire, ‖u− v‖∞ < 2ε.

3.4.4 3.4.4 Théorème (Banach et Mazurkiewicz). — L’ensemble

Z = C[0, 1] ∩ u : u n’est dérivable en aucun point de (0, 1)

est dense dans C[0, 1].

Démonstration. Puisque C[0, 1] (muni de la distance induite par la norme ‖·‖∞)est un espace métrique complet (voir 3.1.7), il suffit, d’après le théorème deBaire, de démontrer que Z est une intersection dénombrable d’ouverts denses,ou encore que son complémentaire est réunion dénombrable de fermés d’intérieurvide.

A chaque entier k ∈ N0 on associe l’ensemble

Ak = C[0, 1] ∩u : (∃ξ ∈ [0, 1− k−1])(∀h ∈ (0, k−1)) on a

|u(ξ + h)− u(ξ)| 6 kh.

Première étape : Ak est fermé. Soit 〈uj〉j∈N0 une suite extraite de Ak quiconverge uniformément vers u ∈ C[0, 1]. Nous devons montrer que u ∈ Ak.Puisque uj ∈ Ak, il existe ξj ∈ [0, 1 − k−1] tel que pour tout h ∈ (0, k−1) ona |uj(ξj + h) − uj(ξj)| 6 kh. Puisque [0, 1 − k−1] est compact, il existe unesous-suite 〈ξσ(j)〉j∈N0 de 〈ξj〉j∈N0 qui converge vers ξ ∈ [0, 1−k−1]. Etant donnéh ∈ (0, k−1), on majore

|u(ξ + h)− u(ξ)| 6 |u(ξ + h)− u(ξσ(j) + h)|+ |u(ξσ(j) + h)− uσ(j)(ξσ(j) + h)|+ |uσ(j)(ξσ(j) + h)− uσ(j)(ξσ(j))|+ |uσ(j)(ξσ(j))− u(ξσ(j))|+ |u(ξσ(j))− u(ξ)|

= I + II + III + IV + V .

Soit ε > 0.

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3.5 Espaces normés de dimension finie 75

(A) Puisque u est uniformément continue, il existe δ > 0 tel que si ζ1, ζ2 ∈ [0, 1]et |ζ1−ζ2| < δ alors |u(ζ1)−u(ζ2)| < ε. Or limj ξσ(j) = ξ, et par conséquentil existe j1 ∈ N0 tel que si j > j1 alors maxI,V < ε.

(B) On choisit j2 ∈ N0 tel que si j > j2 alors ‖u−uσ(j)‖∞ < ε. Par conséquent,pour de tels j on a maxII, IV 6 ‖u− uσ(j)‖∞ < ε.

(C) III 6 kh car uσ(j) ∈ Ak et h ∈ (0, k−1).On applique l’inégalité ci-dessus avec j = maxj1, j2 et on en déduit que

|u(ξ + h)− u(ξ)| 6 kh+ 4ε .

Comme ε est arbitraire, |u(ξ+h)−u(ξ)| 6 kh. Cette inégalité étant valide pourtout h ∈ (0, k−1), on a bien montré que u ∈ Ak.

Deuxième étape : intAk = ∅. Si l’intérieur de Ak n’était pas vide, il contien-drait une boule ouverte, et donc aussi une boule ouverte centrée en un membrede PL[0, 1], car PL[0, 1] est dense. Il suffit donc de prouver que pour toutv ∈ PL[0, 1] et pour tout r > 0 il existe u ∈ C[0, 1] \ Ak tel que ‖u− v‖∞ < r.Etant donné v ∈ PL[0, 1] on note Λ la «pente maximale» des morceaux de v,c’est-à-dire Λ = max|v′d(ξ)| : ξ ∈ [0, 1), où v′d désigne la dérivée à droite.Ensuite on choisit un entier n suffisamment grand pour que nr > k + Λ. Ondéfinit u ∈ C[0, 1] par la relation

u(ξ) = v(ξ) + rϕ(nξ)

où ϕ est la «fonction en dents de scie» définie en 3.4.1. On a

‖u− v‖∞ = r‖ϕ‖∞ = r/2 .

Par ailleurs, pour tout ξ ∈ [0, 1), u a une dérivée à droite en ξ et

|u′d(ξ)| =∣∣v′d(ξ) + rnϕ′d(nξ)

∣∣ > rn− |v′d(ξ)| > k .

Cela entraîne que u 6∈ Ak.On déduit du théorème de Baire que C[0, 1] \ ∪k∈N0Ak est dense. Il reste

à montrer que si u ∈ ∩k∈N0Ack alors u n’est dérivable en aucun ξ ∈ (0, 1).

En effet, si u 6∈ Ak et ξ ∈ [0, 1 − k−1], alors il existe h ∈ (0, k−1) tel que|u(ξ + h)− u(ξ)| > kh. Par conséquent, si u ∈ ∩k∈N0A

ck et ξ ∈ (0, 1), alors

lim suph→0>

|u(ξ + h)− u(ξ)|h

=∞ .

3.5 Espaces normés de dimension finie3.5.0 3.5.1 Théorème. — `n∞(K) est de Banach.

Démonstration. C’est par exemple une conséquence de 3.1.6.

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3.5 Espaces normés de dimension finie 76

3.5.1 3.5.2 Théorème. — Soit X[‖ · ‖] un espace normé de dimension finie sur K,et n = dimX. Dans ce cas X est isomorphe à `n∞(K).

Démonstration. Il n’y a aucune restriction à supposer que n > 1. Soit e1, . . . , enune base algébrique de X. A chaque x ∈ X correspond un unique n-uplet descalaires α1(x), . . . , αn(x) ∈ K tels que

x =n∑j=1

αj(x)ej .

L’unicité de ce n-uplet entraîne aisément que les applications αj : X → K,j = 1, . . . , n, sont linéaires. Par conséquent l’application

T : X → Kn : x 7→ (α1(x), . . . , αn(x))

est linéaire, et sa réciproque est

S : Kn → X : (λ(1), . . . , λ(n)) 7→n∑j=1

λ(j)ej .

D’après les axiomes d’espaces vectoriels topologiques, chaque application K →X : λ 7→ λej est continue. Puisque en outre chaque `n∞(K) → K : λ 7→ λ(j) estcontinue aussi (car elle est linéaire et |λ(j)| 6 ‖λ‖∞), on en déduit que chaque`n∞(K) → X : λ 7→ λ(j)ej est continue et, finalement, que S elle-même estcontinue.

Il reste à montrer que T est continue. On le fait par récurrence sur n. Si n = 1,alors T−10 = 0, de sorte que T est continue d’après 1.6.10(2). Supposons lerésultat vrai pour n−1. Soit j ∈ 1, . . . , n et considérons le sous-espace vectorielde dimension n − 1 défini par Zj = seve1, . . . , ej , . . . , en. Par hypothèse derécurrence, chaque Zj est isomorphe à `n−1

∞ (K), donc est complet d’après 3.1.10(car `n−1

∞ (K) l’est). On en déduit (d’après 3.1.3) que Zj est fermé dans X. OrZj = kerαj , de sorte que αj est continue d’après 1.6.10(2). Finalement,

‖T (x)‖∞ 6 max‖αj‖ : j = 1, . . . , n‖x‖ ,

quel que soit x ∈ X, et la continuité de T résulte de 1.6.4(4).

3.5.2 3.5.3 Corollaire. — Tout espace normé de dimension finie est de Banach.

Démonstration. En effet, il est isomorphe à `n∞(K) (pour un certain n ∈ N0),qui est complet. La conclusion est donc une conséquence de 3.1.10.

3.5.3 3.5.4 Corollaire. — Si X est un espace normé, alors tout sous-espace vec-toriel Z ⊆ X de dimension finie est fermé.

Démonstration. En effet, Z est complet d’après 3.5.3, donc fermé, d’après 3.1.3.

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3.6 Séries dans les espaces de Banach 77

3.5.4 3.5.5 Corollaire. — Si X est un espace normé de dimension finie sur K, etα : X → K est une forme linéaire, alors α est continue.

Démonstration. En effet, kerα est un sous-espace vectoriel de dimension finiede X, donc il est fermé d’après 3.5.4. La conclusion découle de 1.6.10(2).

3.6 Séries dans les espaces de Banach3.6.1 3.6.1. — Soit X[‖·‖] un espace normé. Une série dans X consiste en la donnée

d’une suite de sommes partielles 〈∑kj=1 xj〉k∈N0 associée à une suite 〈xk〉k∈N0

dans X. Pour alléger les notations, une série sera d’habitude notée∑k∈N0

xk, cequi est ambigu puisque la même notation sera utilisée pour désigner la somme decette série au cas où elle est convergente. On dit que

∑k∈N0

xk est convergentes’il existe x ∈ X tel que

limk

∥∥∥∥∥∥x−k∑j=1

xj

∥∥∥∥∥∥ = 0 .

Dans ce cas x est appelé la somme de la série, et noté∑k∈N0

xk.On observe que si

∑k∈N0

xk et∑k∈N0

x′k sont deux séries convergentes dansX, et si λ, λ′ ∈ K, alors la série

∑k∈N0

(λxk + λ′x′k) est convergente et

∑k∈N0

(λxk + λ′x′k) = λ

(∑k∈N0

xk

)+ λ′

(∑k∈N0

x′k

).

On dit d’une série∑k∈N0

xk qu’elle est absolument convergente si la sérienumérique

∑k∈N0

‖xk‖ est convergente, ce qu’on abrégera en général par∑k∈N0

‖xk‖ <∞ .

Si Y est un autre espace normé et T : X → Y est une application linéairecontinue. On déduit de 1.6.4(4) que si

∑k∈N0

xk est une série convergente (resp.absolument convergente) dans X, alors

∑k∈N0

T (xk) est une série convergente(resp. absolument convergente) dans Y .

3.6.2 3.6.2 Théorème. — Soit X un espace normé. Les conditions suivantes sontéquivalentes.(1) X est un espace de Banach.(2) Toute série absolument convergente dans X est convergente.

Démonstration. (1)⇒ (2) Soit∑k∈N0

xk une série absolument convergente dansX. On note sk =

∑kj=1 xj , k ∈ N0, les sommes partielles. On a

‖sj1 − sj2‖ =

∥∥∥∥∥∥j2∑

j=j1+1xj

∥∥∥∥∥∥ 6j2∑j1+1‖xk‖

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3.6 Séries dans les espaces de Banach 78

quels que soient j1 < j2. On en déduit que 〈sj〉j∈N0 est une suite de Cauchydans X. Puisque X est complet, elle est convergente. On vérifie que sa limite sest la somme de la série

∑k∈N0

xk.(2) ⇒ (1) Soit 〈xj〉j∈N0 une suite de Cauchy dans X. On définit par récur-

rence une suite strictement croissante d’entiers 〈j(k)〉k∈N0 telle que ‖xj(k+1) −xj(k)‖ < 2−k. On définit ensuite une série

∑k∈N0

yk en posant y1 = xj(1) puisyk+1 = xj(k+1) − xj(k). Cette série est absolument convergente, et donc elle estconvergente, par hypothèse. Désignons par x sa somme. Puisque

∑kj=1 yk =

xj(k), on en déduit que limk xj(k) = x. Enfin, puisque 〈xk〉k∈N0 est de Cauchy,on conclut que limk xk = x.

3.6.3 3.6.3. — Soit X[‖ · ‖] un espace normé. On dit d’une série∑k∈N0

xk dans Xqu’elle est commutativement convergente si pour tout bijection σ : N0 → N0la série

∑k∈N0

xσ(k) est convergente, et sa somme est indépendante de σ. Bienentendu, toute série commutativement convergente est convergente.

3.6.4 3.6.4 Théorème. — Soit∑k∈N0

tk une série dans R dont tous les termes sontpositifs. Les conditions suivantes sont équivalentes.(1) La série est convergente.(2) La série est commutativement convergente.(3) La série est absolument convergente.

Démonstration. Puisque |tk| = tk, il est clair que (1) et (3) sont équivalents. Ilest tout aussi trivial que (2) entraîne (1). Il reste donc à établir que (1)⇒ (2).Pour chaque bijection σ : N0 → N0 on définit

τσ = sup∑k∈F

tσ(k) : F ⊆ N0 est fini.

Il est aisé de montrer que τσ =∑k∈N0

tσ(k), et également que τσ = τσ′ quellesque soient les permutations σ et σ′ de N0.

3.6.5 3.6.5 Théorème. — Dans un espace de Banach, tout série absolument conver-gente est également commutativement convergente.

Démonstration. Soit∑k∈N0

xk une série absolument convergente dans X, et σune permutation de N0. Puisque la série numérique

∑k∈N0

‖xk‖ est convergente,il en est de même de

∑k∈N0

‖xσ(k)‖, d’après 3.6.4. Les deux séries sont doncconvergentes d’après 3.6.2. On note s =

∑k∈N0

xk et s′ =∑k∈N0

xσ(k). Il resteà établir que s = s′. Soit ε > 0. Nous devons montrer que ‖sn − s′m‖ < ε si met n sont suffisamment grands, où

sn =n∑k=1

xk et s′m =m∑k=1

xσ(k) .

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3.6 Séries dans les espaces de Banach 79

Il existe un entier n0 tel que ∑k>n0

‖xk‖ < ε .

Si on pose m0 = max σ−11, . . . , n0 alors∑k>m0

‖xσ(k)‖ < ε .

On remarque que s′m0− sn0 est une somme finie de termes ±xk où k > n0, par

conséquent ‖s′m0− sn0‖ < ε. Enfin, si n > n0 et m > m0 alors

‖s′m − sn‖ 6 ‖s′m0− sn0‖+

n∑k=n0+1

‖xk‖+m∑

k=m0+1‖xσ(k)‖ < 3ε .

En faisant m→∞ et n→∞ on obtient ‖s′− s‖ < 3ε. Puisque ε est arbitraire,s = s′.

3.6.6 3.6.6 Théorème. — Dans un espace de Banach de dimension finie, une sérieest absolument convergente ssi elle est commutativement convergente.

Démonstration. On commence par observer (voir le dernier paragraphe de 3.6.1)qu’il suffit de démontrer le théorème dans le cas où X = `n∞(K). Soit

∑k∈N0

xkune série commutativement convergente dans X. Montrons que pour tout ε > 0il existe un ensemble fini F ⊆ N0 tel que pour tout ensemble fini G ⊆ N0, siF ∩G = ∅ alors ‖

∑k∈G xk‖ < ε. Raisonnons par l’absurde, et supposons qu’il

existe ε > 0 tel que pour tout F ⊆ N0 fini, il existe G ⊆ N0 fini tel que F ∩G = ∅et ‖

∑k∈G xk‖ > ε. Dans ce cas on construit, par récurrence, une suite 〈Fj〉j∈N0

de sous-ensembles finis de N0, deux à deux disjoints, tels que ‖∑k∈Fj xk‖ > ε

quel que soit j. On associe un ensemble F1 = G à F = ∅, puis, si F1, . . . , Fjont été définis, on associe à F = F1 ∪ . . . ∪ Fj un ensemble Fj+1 = G, commedans notre hypothèse ab absurdum. Cela étant, on montre ensuite qu’il existeune permutation σ de N0 telle que chaque σ(Fj) est un «intervalle» dans N0(un bloc d’entiers consécutifs de longueur cardFj). Il en résulte que la suite dessommes partielles 〈

∑lk=1 xσ(k)〉l∈N0 n’est pas de Cauchy, une contradiction.

Etant donné l’assertion du paragraphe précédent, la démonstration sera ter-minée si on établit que pour tout ensemble fini F ⊆ N0,

∑k∈F

‖xk‖∞ 6 2n supG⊆F

∥∥∥∥∥∑k∈G

xk

∥∥∥∥∥∞

.

On commence par prouver ceci dans le cas où n = 1 et K = R. Etant donnéF on définit F+ = F ∩ k : xk > 0 et F− = F ∩ k : xk < 0. On a∑k∈F |xk| = |

∑k∈F+ xk| + |

∑k∈F− xk|. Un des deux termes du membre de

droite excède forcément la moitié du membre de gauche. Si n > 2 et k ∈ F on

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3.6 Séries dans les espaces de Banach 80

choisit j(k) ∈ 1, . . . , n tel que ‖xk‖∞ = |xk(j(k))|, et l’on abrège Fj = F ∩k :j(k) = j. Il reste à observer que

∑k∈F

‖xk‖∞ =∑k∈F

|xk(j(k))| =n∑j=1

∑k∈Fj

|xk(j)|

6n∑j=1

2 supG⊆Fj

∣∣∣∣∣∑k∈G

xk(j)

∣∣∣∣∣ 6 2n supG⊆F

∥∥∥∥∥∑k∈G

xk

∥∥∥∥∥∞

.

3.6.7 3.6.7 Exemple. — En dimension infinie, la situation est différente. Considé-rons x ∈ `2(R). Montrons que la série

∑k∈N0

x(k)ek est commutativementconvergente, de somme x. Soit σ une permutation de N0, et n ∈ N0. On ob-serve que ∥∥∥∥∥x−

n∑k=1

x(σ(k))eσ(k)

∥∥∥∥∥2

`2

=∞∑j=1

j 6∈σ(1,...,n)

|x(j)|2 .

Etant donné ε > 0 il existe k0 tel que∑k>k0

|x(k)|2 < ε ,

et on lui associe n0 ∈ N0 tel que 1, . . . , k0 ⊆ σ(1, . . . , n0). Si n > n0 on endéduit que ∥∥∥∥∥x−

n∑k=1

x(σ(k))eσ(k)

∥∥∥∥∥2

`2

< ε ,

c’est-à-dire que∑k∈N0

x(k)ek est commutativement convergente dans `2(R). Enrevanche, cette série n’est absolument convergente dans `2(R) que si x ∈ `1(R)car ∑

k∈N0

‖x(k)ek‖`2 =∑k∈N0

|x(k)| .

3.6.8 3.6.8. — Considérons un espace de Banach X de dimension infinie. D’après1.1.5 cet espace admet une base algébrique. Montrons qu’une telle base ne peutpas être dénombrable. Si elle l’était, en la numérotant 〈ek〉k∈N0 , les sous-espacesvectoriels Zn = seve1, . . . , en auraient les propriétés suivantes :(1) Chaque Zn est fermé (car il est de dimension finie, voir 3.5.4) ;(2) Chaque Zn est d’intérieur vide (sinon Zn contiendrait une boule U(x, r),

donc aussi U(0, r), donc aussi X = ∪k∈N0kU(0, r), ce qui est impossiblecar X est de dimension infinie) ;

(3) X = ∪n∈N0Zn (car 〈ek〉k∈N0 est supposée être une base algébrique, desorte que chaque x ∈ X est une combinaison linéaire finie d’éléments decette base, c’est-à-dire appartient à l’un des Zn).

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3.6 Séries dans les espaces de Banach 81

Cela signifierait que X est maigre dans lui-même, en contradiction avec le théo-rème de Baire.

Notons que l’espace vectoriel normé X = c0(K)∩x : suppx est fini admetcomme base algébrique la famille dénombrable 〈ek〉k∈N0 . Cependant, il n’est pascomplet : il est dense dans c0(K), et 〈ek〉k∈N0 n’est pas une base algébrique dec0(K).

Ces remarques justifient la définition suivante.3.6.9 3.6.9. — Soit X[‖ · ‖] un espace de Banach de dimension infinie. Une base

de Schauder de X est une suite 〈ek〉k∈N0 extraite de X ayant la propriétésuivante : pour tout x ∈ X il existe une unique suite de scalaire 〈λk〉k∈N0 ⊆ Ktelle que

limn

∥∥∥∥∥x−n∑k=1

λkek

∥∥∥∥∥ = 0 .

En d’autres termes, x =∑∞k=1 λkek. Plusieurs commentaires s’imposent.

(1) La série∑k∈N0

λkek n’est en général pas commutativement convergente.par conséquent l’ordre dans lequel les éléments de base ek apparaissentn’est pas indifférent ; en d’autres termes une base de Schauder est bienune suite plutôt qu’un ensemble dénombrable de vecteurs.

(2) L’unicité des coefficients λk fait partie intégrante de la définition. Unecondition plus faible consiste à demander que les combinaisons linéairesfinies des ek, k ∈ N0, forment un ensemble dense dans X (voir 3.6.11).

(3) Puisque les λk dépendent univoquement de x, notons-les λk(x). Cettepropriété d’unicité entraîne aisément que les formes λk : X → K : x 7→λk(x) sont linéaires — on laisse au lecteur le soin de s’en convaincre. Ellessont également continues (voir 3.6.10).

(4) Si X admet une base de Schauder 〈ek〉k∈N0 , alors il est séparable. Eneffet, si D ⊆ K est dense et dénombrable, alors X ∩

∑k∈F λkek : F ⊆

N0 est fini et λk ∈ D est dense et dénombrable.(5) La question de savoir si tout espace de Banach séparable admet une base

de Schauder était déjà posée par S. Banach, [?]. La réponse négative a étéapportée par P. Enflo en 1973.

Par exemple la suite 〈ek〉k∈N0 (définie par ek(j) = δk,j) est une base deSchauder dans `p(K), 1 6 p < ∞. Il suffit en effet d’observer que pour chaquex ∈ `p(K),∥∥∥∥∥x−

n∑k=1

x(k)ek

∥∥∥∥∥`p

=( ∞∑k=n+1

|x(k)|p) 1p

→ 0 quand n→∞ ,

et l’unicité des coefficients est aisément vérifiée.3.6.10 3.6.10 Théorème. — Soit X[‖ · ‖] un espace de Banach, et 〈ek〉k∈N0 une base

de Schauder de X. On note λk : X → K, k ∈ N0, les «coefficients» dans cettebase. Il s’agit de formes linéaires continues.

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3.6 Séries dans les espaces de Banach 82

3.6.11 3.6.11. — Soit X un espace normé. On dit d’une famille 〈xi〉i∈I dans X qu’elleest totale si le sous-espace vectoriel qu’elle engendre, sev〈xi〉i∈I , est dense dansX.

3.6.12 3.6.12 Théorème. — Il existe dans tout espace normé séparable de dimensioninfinie X une famille totale, dénombrable, et libre.

Démonstration. Puisque X est séparable, il existe une suite dense 〈xk〉k∈N0 dansX. On va en extraire une sous-suite libre 〈xσ(k)〉k∈N0 ayant la propriété sui-vante : pour tout k ∈ N0 et tout j 6 k, xj est une combinaison linéaire dexσ(1), . . . , xσ(k). On le fait par récurrence sur k. On choisit σ(1) le premier en-tier tel que xσ(1) 6= 0. Ensuite on choisit σ(k+1) le plus petit entier n > σ(k) telque xn n’appartient pas à Zk = sevxσ(1), . . . , xσ(k). Un tel entier n existe cardans le cas contraire on aurait X = adhZk = Zk (la seconde égalité étant uneconséquence de 3.5.4), ce qui est impossible car X est de dimension infinie.

3.6.13 3.6.13. — Ce numéro requiert de la part du lecteur une familiarité avec lesespaces de Hilbert. Si X est un espace de Hilbert séparable, et 〈xk〉k∈N0 unefamille dénombrable, totale, et libre, on lui applique le procédé d’orthogona-lisation de Gram-Schmidt pour en faire une base de Schauder. Plus précisé-ment, on pose e1 := x1‖x1‖−1, puis on considère P1 la projection orthogonalesur Z1 = sev〈e1〉, et on définit e2 := (x2 − P1(x2))‖x2 − P1(x2)‖−1. On vé-rifie que e1, e2 est une famille orthogonale. On continue ainsi par récurrencesur k. Si e1, . . . , ek ont été définis, on note Pk la projection orthogonale sursev〈e1, . . . , ek〉 et on définit ek+1 = (xk+1 − Pk(xk+1))‖xk+1 − Pk(xk+1)‖−1.Les projections orthogonales Pk sont bien définies car chaque sev〈e1, . . . , ek〉est un sous-ensemble convexe complet de X (car il s’agit d’un sous-espace vec-toriel de dimension finie). Il résulte de la construction que la nouvelle famille〈ek〉k∈N0 est libre et engendre le même espace que 〈xk〉k∈N0 , c’est-à-dire qu’ils’agit également d’une famille totale dans X. Il s’agit d’une base de Schauderpour la raison suivante. Si

∑k∈N0

λkek =∑k∈N0

λ′kek alors, pour chaque j ∈ N0,0 = 〈ej ,

∑k∈N0

(λk − λ′k)ek〉 = λj − λ′j .3.6.14 3.6.14 (Noyau de Landau). — Etant donné u ∈ C[0, 1] on définit une exten-

sion u ∈ BC(R) de u à R tout entier par la formule

u(ξ) =

u(0) si ξ < 0u(ξ) si 0 6 ξ 6 1u(1) si 1 < ξ .

On observe que l’application C[0, 1]→ BC(R) : u 7→ u est linéaire et continue.On suppose que

(A) u ∈ C[0, 1], u(0) = u(1) = 0 ;(B) w : R→ R est une fonction polynomiale de degré au plus n.Dans ce cas

v : [0, 1]→ R : ξ 7→∫ 1

−1w(t)u(ξ + t)dt

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3.6 Séries dans les espaces de Banach 83

est également polynomiale de degré au plus n.Pour ξ fixé, la fonction w(t)u(ξ + t) de la variable t est clairement continue

sur [−1, 1], et par conséquent y est intégrable au sens de Riemann. Donc v estbien définie. Puisque u s’annule hors de [0, 1], on a, pour tout ξ ∈ [0, 1],

v(ξ) =∫ 1

−1w(t)u(ξ + t)dt =

∫ 1−ξ

−ξw(t)u(ξ + t)dt .

Faisant le changement de variable s = ξ + t, on obtient

v(ξ) =∫ 1−ξ

−ξw(t)u(ξ + t)dt =

∫ 1

0w(s− ξ)u(s)ds.

Puisque w est polynomiale de degré au plus n on peut écrire w(s − ξ) =∑nk=0 bk(s)ξk (où les bk sont eux-mêmes des polynômes) pour tous ξ, s ∈ R.

Par conséquent,

v(ξ) =n∑k=0

(∫ 1

0bk(s)u(s)ds

)ξk

est polynomiale.Nous allons à présent faire un choix spécifique de «fonctions de poids» w dans

le procédé décrit ci-dessus. A n ∈ N0 on associe le nième noyau de Landauwn : R→ R défini par la formule wn(t) = cn(1− t2)n, t ∈ R, où cn est choisi telque ∫ 1

−1wn(t)dt = 1 . (3.2) eq.10

Pour tout 0 < δ < 1 on a

max∫ −δ−1

wn(t)dt,∫ 1

δ

wn(t)dt→ 0 quand n→∞ . (3.3) eq.11

Commençons par majorer cn. Puisque wn est paire,

1 = cn

∫ 1

−1(1− t2)ndt = 2cn

∫ 1

0(1− t)n(1 + t)ndt > 2cn

∫ 1

0(1− t)ndt = 2cn

n+ 1

et donccn 6

n+ 12 .

On observe ensuite que∫ −δ−1 wn(t)dt =

∫ 1δwn(t)dt parce que wn est paire. Par

ailleurs wn est décroissante sur [0, 1], d’où∫ 1

δ

wn(t)dt = cn

∫ 1

δ

(1− t2)ndt 6 cn∫ 1

δ

(1− δ2)ndt 6 (n+ 1)(1− δ2)n(1− δ)2

Puisque 0 < 1− δ2 < 1 on a (n+ 1)(1− δ2)n → 0 quand n→∞ ce qui achèvela preuve de (3.3).

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3.6 Séries dans les espaces de Banach 84

3.6.15 3.6.15 Théorème (Weierstrass). — Les fonctions polynomiales forment un sous-ensemble dense de C[0, 1].

Démonstration (Landau). Soit u ∈ C[0, 1]. On associe à u la fonction affinep0 ∈ C[0, 1] définie par p0(ξ) = u(0)+ξ(u(1)−u(0)). On observe que u0 = u−p0s’annule aux extrémités de [0, 1]. Par conséquent 3.6.14 appliqué à u0 entraîneque chaque fonction

vn : [0, 1]→ R : ξ 7→∫ 1

−1wn(t)u0(ξ + t)dt

est polynomiale (où les wn sont les noyaux de Landau). Puisque p0 + vn estégalement polynomiale, il reste à montrer que

‖u− (p0 + vn)‖∞ = ‖u0 − vn‖∞ → 0 quand n→∞ .

La fonction u0 étant uniformément continue sur [−1, 2], à chaque ε > 0correspond δ > 0 tel que |u0(ξ1) − u0(ξ2)| < ε pour autant que |ξ1 − ξ2| < δ,ξ1, ξ2 ∈ [−1, 2]. Il en résulte que, pour tout ξ ∈ [0, 1],

|u0(ξ)− vn(ξ)| =∣∣∣∣u0(ξ)

∫ 1

−1wn(t)dt−

∫ 1

−1wn(t)u0(ξ + t)dt

∣∣∣∣=∣∣∣∣∫ 1

−1wn(t)(u0(ξ)− u0(ξ + t))dt

∣∣∣∣6∫ −δ−1

wn(t)|u0(ξ)− u0(ξ + t)|dt

+∫ δ

−δwn(t)|u0(ξ)− u0(ξ + t)|dt

+∫ 1

δ

wn(t)|u0(ξ)− u0(ξ + t)|dt

6 2‖u0‖∞∫ −δ−1

wn(t)dt

+ ε

∫ δ

−δwn(t)dt

+ 2‖u0‖∞∫ 1

δ

wn(t)dt .

Prenant le supremum pour ξ ∈ [0, 1], il vient

‖u0 − vn‖∞ 6 2‖u‖∞

(∫ −δ−1

wn(t)dt+∫ 1

δ

wn(t)dt)

+ ε .

Faisant n→∞ on obtient, d’après (3.3),

lim supn‖u0 − vn‖∞ 6 ε .

Puisque ε > 0 est arbitraire, la preuve est terminée.

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3.6 Séries dans les espaces de Banach 85

3.6.16 3.6.16 Corollaire. — C[0, 1] est séparable.3.6.17 3.6.17. — D’après 3.6.15 la suite de monômes 〈xk〉k∈N est totale dans C[0, 1].

Cependant ce n’est pas une base de Schauder. Si c’était le cas, chaque u ∈ C[0, 1]serait la limite uniforme d’une série :

limn

∥∥∥∥∥u−n∑k=0

λk(u)xk∥∥∥∥∥∞

= 0 .

Le rayon de convergence de la série potentielle∑k∈N λk(u)zk serait au moins

égal à 1, et u, étant la somme d’une telle série, serait réelle analytique surl’ouvert (0, 1) !

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Chapitre 4Espaces de Lebesgue

4.1 Rappels4.1.1 4.1.1. — Soit S un ensemble. Une tribu sur S est une collection A ⊆ P(S) de

parties de S vérifiant les conditions suivantes :(1) ∅ ∈ A ;(2) si A ∈ A alors S \A ∈ A ;(3) si 〈Ak〉k∈N0 est une suite extraite de A alors ∪k∈N0Ak ∈ A.

Par exemple ∅, S et P(S) sont des tribus sur S. Un espace mesurable (S,A)consiste en la donnée d’un ensemble S et d’une tribu A sur S.

Si 〈Ai〉i∈I est une famille non vide de tribus sur un ensemble S, on vérifieque ∩i∈IAi est également une tribu sur S. Par conséquent, si E ⊆ P(S) est unecollection quelconque de parties de S, il existe une plus petite tribu contenantE :

∩A : A est une stribu sur S et E ⊆ A .

Elle est appelée la tribu engendrée par E. Si S est un espace topologique,la tribu engendrée par la collections des ouverts O(S) est notée B(S) et sesmembres sont appelés les boréliens de S. La tribu B(R) des boréliens de R estengendrée par les différentes collections que voici :

E = O(R)E = F(R)E = P(R) ∩ I : I est un intervalle ouvertE = P(R) ∩ (−∞, b) : b ∈ RE = P(R) ∩ (−∞, b) : b ∈ RE = P(R) ∩ [a,+∞) : a ∈ RE = P(R) ∩ (a,+∞) : a ∈ R .

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4.1 Rappels 87

4.1.2 4.1.2. — Soit (S,A) un espace mesurable. Une mesure sur A est une fonction

µ : A→ [0,∞]

vérifiant les conditions suivantes :(1) µ(∅) = 0 ;(2) pour chaque suite disjointe 〈Ak〉k∈N0 extraite de A on a

µ(∪k∈N0Ak) =∑k∈N0

µ(Ak) .

Une suite 〈Ak〉k∈N0 est dite disjointe si Ak ∩Ak′ = ∅ quels que soient k, k′ ∈ N0tels que k 6= k′. Un espace mesuré (S,A, µ) consiste en la donnée d’un espacemesurable (S,A) et d’une mesure µ sur la tribu A. On vérifie immédiatement queµ est croissante : si A,B ∈ A et A ⊆ B alors µ(A) 6 µ(B). En effet A et B \Asont disjoints et leur réunion égale B, de sorte que µ(B) = µ(A) + µ(B \ A) >µ(A). Cependant l’identité µ(B\A) = µ(B)−µ(A) n’a de sens que si µ(A) <∞.On vérifie également que µ est dénombrablement sous-additive, c’est-à-dire quesi 〈Ak〉k∈N0 est une suite quelconque extraite de A alors

µ(∪k∈N0Ak) 6∑k∈N0

µ(Ak) .

Par exemple si S est un ensemble, ξ ∈ S, et A est une tribu sur S, alors

δξ : A→ [0,∞] : A 7→

1 si ξ ∈ A0 si ξ 6∈ A

est une mesure sur A, appelée la mesure de Dirac en ξ.La mesure de comptage sur un espace mesurable (S,A) est définie par

µ : A→ [0,∞] : A 7→

cardA si A est fini+∞ sinon .

Une suite 〈Ak〉k∈N0 est dite croissante (resp. décroissante) si Ak ⊆ Ak+1(resp. Ak ⊇ Ak+1) quel que soit k ∈ N0. On rappelle que si µ est une mesuresur une tribu A alors(1) pour tout suite croissante 〈Ak〉k∈N0 extraite de A on a µ(∪k∈N0Ak) =

limk µ(Ak) ;(2) pour toute suite décroissante 〈Ak〉k∈N0 extraite de A, et telle que µ(A1) <∞, on a µ(∩k∈N0Ak) = limk µ(Ak).

La condition µ(A1) <∞ ne peut pas être omise dans (2). Pour s’en convaincre ilsuffit de considérer la mesure de comptage µ sur l’espace mesurable (N0,P(N0))et la suite Ak = N ∩ n : n > k. On a µ(Ak) = ∞ pour tout k ∈ N0, etµ(∩k∈N0Ak) = µ(∅) = 0.

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4.1 Rappels 88

4.1.3 4.1.3. — Soit (S,A) un espace mesurable et u : S → R. On dit que u est A-mesurable si u−1(B) ∈ A pour tout borélien B ∈ R. On vérifie aisément qu’ilsuffit de demander que u−1(E) ∈ A pour tout E ∈ E, où E est l’une quelconquedes collections qui engendrent B(R) (voir la fin de 4.1.1). Si u1, u2 : S → Rsont A-mesurables, alors les fonctions suivantes le sont également : u1 +u2, λu1(pour tout λ ∈ R), u1u2, u1 ∧ u2 := minu1, u2, u1 ∨ u2 := maxu1, u2. Enparticulier, u+ = maxu, 0 et u− = −minu, 0 sont A-mesurables lorsque ul’est. On observe que u = u+ − u− et |u| = u+ + u− — cette dernière héritedonc aussi de la A-mesurabilité de u. Le quotient u1/u2 de deux fonctions A-mesurables, défini comme ceci

u1

u2: S → R : ξ 7→

u1(ξ)u2(ξ) si u2(ξ) 6= 00 si u2(ξ) = 0

est également A-mesurables.On note L0(S,A) l’espace vectoriel constitué des fonctions A-mesurables

S → R. Si 〈uk〉k∈N0 est une suite minorée (resp. majorée) extraite de L0(S,A),c’est-à-dire s’il existe u ∈ L0(S,A) telle que u 6 uk (resp. u > uk) pour toutk ∈ N0, alors la fonction u∗(ξ) = infk uk(ξ) (resp. u∗ = supk uk(ξ)), ξ ∈ S, estA-mesurable. De manière générale (c’est-à-dire sans supposer que la suite estminorée ou majorée), les fonctions suivantes sont également A-mesurables :

lim infk

uk : S → R : ξ 7→

lim infk uk(ξ) si la suite 〈uk(ξ)〉k∈N0 est minorée0 sinon ,

et

lim supk

uk : S → R : ξ 7→

lim supk uk(ξ) si la suite 〈uk(ξ)〉k∈N0 est majorée0 sinon ,

ainsi que

limkuk : S → R : ξ 7→

limk uk(ξ) si la suite 〈uk(ξ)〉k∈N0 est convergente0 sinon .

4.1.4 4.1.4. — Soit S un ensemble. Une fonction u : S → R est étagée si elle prendun nombre fini de valeurs, c’est-à-dire si im u est un sous-ensemble fini de R. Elleest indicatrice si elle ne prend que les valeurs 0 et 1, c’est-à-dire si im u ⊆ 0, 1.Dans ce cas on dit qu’il s’agit de l’indicatrice de l’ensemble A = u−11 et on lanote u = 1A. La fonction 1∅ est identiquement nulle, tandis que la fonction 1S

est constante égale à 1. Une fonction u est étagée ssi elle est une combinaisonlinéaire de fonctions indicatrices. En fait

u =∑y∈imu

yu−1y .

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4.1 Rappels 89

Par ailleurs, si A1, . . . , An sont des sous-ensembles de S, et y1, . . . , yn ∈ R, alorsla fonction

u =n∑j=1

yj1Aj

est étagée, mais une telle représentation de u n’est unique que si l’on requierten outre que les A1, . . . , An forment une partition de S. Enfin, si A est une tribusur S, alors une fonction étagée u est A-mesurable ssi u−1y ∈ A pour chaquey ∈ im u.

4.1.5 4.1.5 Théorème. — Soit S un ensemble et u : S → R une fonction. Il existeune suite 〈uk〉k∈N0 de fonctions étagées définies sur S, telle que(A) La suite 〈uk〉k∈N0 converge ponctuellement vers u ;(B) Pour chaque k ∈ N0, |uk| 6 |u| ;(C) Si u est bornée, alors la suite 〈uk〉k∈N0 converge uniformément vers u ;(D) Si u > 0 alors uk > 0 pour chaque k ∈ N0, et la suite 〈uk〉k∈N0 est

croissante, c’est-à-dire uk(ξ) 6 uk+1(ξ) quels que soient ξ ∈ S et k ∈ N0 ;(E) Si A est une tribu sur S et u est A-mesurable, alors chaque uk est égale-

ment A-mesurable.

Démonstration. On commence par supposer que u > 0. Etant donné k ∈ N0, onconsidère la partition de R+ en 22k + 1 intervalles,

Ij,k =[j − 1

2k ,j

2k

), j = 1, . . . , 22k ,

etI22k+1,k = [2k,∞) .

On définit les ensembles Aj,k = u−1(Ij,k), j = 1, . . . , 22k + 1, et la fonctionétagée

uk =22k+1∑j=1

j − 12k 1Aj,k .

Concernant la conclusion (E), on remarque immédiatement que si u est A-mesurable alors chaque Aj,k ∈ A et donc chaque uk est A-mesurable.

Montrons que cette suite vérifie les quatre premières conclusions de la pro-position. Soit ξ ∈ S. Si k ∈ N0 est suffisamment grand pour que u(ξ) < 2k alorsil existe un indice j(k, ξ) = 1, . . . , 22k tel que u(ξ) ∈ Ij(k,ξ),k. Il s’ensuit queuk(ξ) = j(k,ξ)−1

2k ∈ Ij(k,ξ),k, et puisque diam Ij(k,ξ),k = 2−k on obtient

|u(ξ)− uk(ξ)| 6 2−k .

Les conclusions (A) et (C) s’ensuivent aisément.On vérifie sans peine que 0 6 uk 6 u, ce qui établit la conclusion (B)

et la première partie de la conclusion (D). Il reste à montrer que 〈uk(ξ)〉k∈N0

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4.1 Rappels 90

est croissante, quel que soit ξ ∈ S. Fixons ξ ∈ S, puis k ∈ N0. Deux casse présentent. Si k est tel que u(ξ) < 2k, alors on choisit l’indice j(k, ξ) =1, . . . , 22k comme ci-dessus, c’est-à-dire tel que u(ξ) ∈ Ij(k,ξ),k. On observe queIj(k,ξ),k = Il1,k+1 ∪ Il2,k+1 où l1 = 2j(k, ξ) − 1 et l2 = 2j(k, ξ). Par conséquentj(k + 1, ξ) = l1 ou j(k + 1, ξ) = l2, et donc

uk+1(ξ) = j(k + 1, ξ)− 12k+1 >

2j(k, ξ)− 1− 12k+1 = j(k, ξ)− 1

2k = uk(ξ) .

Si, au contraire, 2k 6 u(ξ), alors uk(ξ) = 2k. Si u(ξ) < 2k+1 alors j(k + 1, ξ) >22k+1 + 1, de sorte que uk+1(ξ) > 2k = uk(ξ), tandis que si u(ξ) > 2k+1 alorsuk+1(ξ) = 2k+1 > uk(ξ). Ceci termine la preuve de (D).

Il reste à lever l’hypothèse u > 0. On décompose u = u+−u− et on appliquela construction précédente à u+ > 0 et à u− > 0, de manière à obtenir deuxsuites 〈u+

k 〉k∈N0 et 〈u−k 〉k∈N0 . On définit uk = u+k − u

−k , k ∈ N0. La conclusion

(A), dans le cas général, découle aisément du cas particulier. On note ensuiteque (uk)+ = u+

k et que (uk)− = u−k , de sorte que |u| = u+ ∨ u− > u+k ∨ u

−k =

(uk)+ ∨ (uk)− = |uk|, ce qui prouve (B). Si u est bornée alors u+ et u− lesont également, et la conclusion (C), dans le cas général, résulte aussitôt ducas particulier. Enfin, si u ∈ L0(S,A) alors u+, u− ∈ L0(S,A), de sorte que lessuites 〈u+

k 〉k∈N0 et 〈u−k 〉k∈N0 sont extraites de L0(S,A) d’après la conclusion (E)dans le cas particulier, et donc uk = u+

k − u−k ∈ L0(S,A) pour tout k ∈ N0.

4.1.6 4.1.6. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré. On note L0(S,A)+ = L0(S,A)∩u :u > 0. Si u ∈ L0(S,A)+ est étagée, on définit son intégrale de Lebesgue par larelation ∫

S

udµ =∑y∈imu

yµ(u−1y) .

Si u ∈ L0(S,A)+, on définit son intégrale de Lebesgue par∫S

udµ = sup∫

S

vdµ : v 6 u et v ∈ L0(S,A)+ est étagée.

On vérifie que la seconde définition est compatible avec la première dans le casoù u est étagée.

On dit d’une fonction u ∈ L0(S,A) qu’elle est Lebesgue intégrable si∫Su+dµ <∞ et

∫Su−dµ <∞, auquel cas on définit son intégrale de Lebesgue

par la formule ∫S

udµ =∫S

u+dµ−∫S

u−dµ .

On pose également

L1(S,A, µ) = L0(S,A) ∩ u : u est Lebesgue intégrable .

4.1.7 4.1.7 Théorème (Test de comparaison). — Soit (S,A, µ) un espace mesuré,et u ∈ L0(S,A). S’il existe v ∈ L1(S,A, µ) telle que 0 6 |u| 6 v alors u ∈L1(S,A, µ).

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4.1 Rappels 91

4.1.8 4.1.8 Théorème. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré.(1) L1(S,A, µ) est un espace vectoriel réel.(2) La fonctionnelle

L1(S,A, µ)→ R : u 7→∫S

udµ

est linéaire.(3) Cette fonctionnelle est également croissante : si u ∈ L1(S,A, µ) et 0 6 u

alors 0 6∫Sudµ.

(4) Si u ∈ L1(S,A, µ) alors |u| ∈ L1(S,A, µ) et la fonctionnelle

L1(S,A, µ)→ R : u 7→∫S

|u|dµ

est une semi-norme, et ∣∣∣∣∫S

udµ

∣∣∣∣ 6 ∫S

|u|dµ .

4.1.9 4.1.9 Théorème. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré, et u ∈ L1(S,A, µ). Lesconditions suivantes sont équivalentes :(1)

∫S|u|dµ = 0 ;

(2) µ(S ∩ ξ : u(ξ) = 0) = 0.

Démonstration. Faisons la preuve sous l’hypothèse supplémentaire u > 0, le casgénéral étant laissé au lecteur. (2)⇒ (1) Soit v ∈ L0(S,A) une fonction étagéetelle que 0 6 v 6 u. Si y ∈ (im v) \ 0 alors v−1y ⊆ u−1([y,∞)) et doncµ(v−1y) 6 µ(u−1([y,∞)) = 0. Par conséquent

∫Svdµ = 0, et donc aussi∫

Sudµ = 0. ¬(2) ⇒ ¬(1) On pose Z = S ∩ u 6= 0 et Zk = S ∩ u > k−1,

k ∈ N0. Puisque µ(Z) > 0 il existe k ∈ N0 tel que µ(Zk) > 0. La fonctionv = k−1

1Zk ∈ L(S,A)+ est telle que 0 6 v 6 u, de sorte que 0 < k−1µ(Zk) =∫Svdµ 6

∫Sudµ.

4.1.10 4.1.10 Remarque. — Etant donné u ∈ L1(S,A, µ), on pose

‖u‖L1 =∫S

|u|dµ .

En général ‖ · ‖L1 n’est pas une norme sur L1(S,A, µ). D’après 4.1.9, il s’agitd’une norme ssi A ∩ N : µ(N) = 0 = ∅. C’est par exemple le cas de lamesure de comptage µ sur l’espace mesurable (N0,P(N0)). On laisse au lecteurle soin de vérifier que, dans ce cas, l’espace normé L1(N0,P(N0), µ)[‖ · ‖L1 ] estisométriquement isomorphe à l’espace `1(R) (en particulier, c’est un espace deBanach).

4.1.11 4.1.11. — Soit m ∈ N0. On note que la tribu B(Rm) est invariante par trans-lation, c’est-à-dire que si h ∈ Rm et B ∈ B(Rm), alors h+B ∈ B(Rm). Il existeune mesure µ définie sur la tribu des boréliens B(Rm) ayant les propriétés sui-vantes :

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4.2 Modes de convergence 92

(1) pour tout ouvert borné non vide U ⊆ Rm on a 0 < µ(U) <∞ ;(2) pour tout B ∈ B(Rm) et tout h ∈ Rm on a µ(h+B) = µ(B).

En outre, une telle mesure est unique à constante multiplicative près, c’est-à-dire que si µ1 et µ2 sont deux mesures définies sur B(Rm) et vérifiant les deuxpropriétés ci-dessus, alors il existe β ∈ R+ \ 0 tel que µ1 = βµ2. L’uniquemesure µ vérifiant les deux propriétés ci-dessus, telle que µ([0, 1]m) = 1, estappelée la mesure de Lebesgue sur Rm et notée Lm.

4.2 Modes de convergence4.2.1 4.2.1. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré. Un ensemble N ⊆ S est µ négli-

geable s’il existe A ∈ A tel que N ⊆ A et µ(A) = 0. On note que N n’est pasforcément un membre de A. La collection Nµ des ensembles µ négligeables estun σ-idéal, c’est-à-dire que(1) ∅ ∈ Nµ ;(2) si N ⊆ N ′ ⊆ S et N ′ ∈ Nµ alors N ∈ Nµ ;(3) si 〈Nk〉k∈N0 est une suite extraite de Nµ alors ∪k∈N0Nk ∈ Nµ.

On dit de Z ⊆ X qu’il est µ conégligeable si X \ Z est µ négligeable. Si P(ξ)est une proposition de la variable ξ ∈ S, on dit que P est valide µ presquepartout si l’ensemble S ∩ ξ : ¬P(ξ) est µ négligeable. Par exemple on ditqu’une suite 〈uk〉k∈N0 de fonctions S → R converge (ponctuellement) µ presquepartout vers u si

S ∩ξ : lim

kuk(ξ) existe et u(ξ) = lim

kuk(ξ)

est µ conégligeable.

4.2.2 4.2.2. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré, 〈uk〉k∈N0 un suite extraite de L0(S,A),et u ∈ L0(S,A).(1) On rappelle que 〈uk〉k∈N0 converge µ presque partout vers u s’il existe

un ensemble µ négligeable N ⊆ S tel que limk uk(ξ) = u(ξ) pour toutξ ∈ S \N .

(2) On dit que 〈uk〉k∈N0 converge en mesure vers u si pour tout ε > 0,

µ(S ∩ ξ : |uk(ξ)− u(ξ)| > ε)→ 0 quand k →∞ .

(3) On dit que 〈uk〉k∈N0 converge en moyenne vers u si∫S

|uk − u|dµ→ 0 quand k →∞ .

4.2.3 4.2.3 Théorème. — Si 〈uk〉k∈N0 converge en moyenne vers u, alors elle convergeaussi en mesure vers u.

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4.2 Modes de convergence 93

Démonstration. Soit ε > 0. On pose Ak = S ∩ |uk − u| > ε, k ∈ N0, et onobserve que

εµ(Ak) 6∫S

1Ak |uk − u|dµ 6∫S

|uk − u|dµ ,

de sorte queµ(Ak) 6 1

ε

∫S

|uk − u|dµ→ 0 quand k →∞ .

4.2.4 4.2.4 Exemple. — La réciproque n’est pas valide. Considérons l’espace mesu-rable ([0, 1],B([0, 1])) et µ la restriction de la mesure de Lebesgue à B([0, 1]).On définit

uk(ξ) =k si 0 6 ξ 6 1

k

0 si 1k < ξ 6 1 .

On vérifie immédiatement que 〈uk〉k∈N0 converge vers 0 en mesure, cependant‖uk‖L1 = 1 pour tout k.

4.2.5 4.2.5 Théorème. — Si 〈uk〉k∈N0 converge µ presque partout vers u, et µ(S) <∞, alors 〈uk〉k∈N0 converge en mesure vers u.

Démonstration. Soit ε > 0. A chaque k ∈ N0 on associe Ak = S ∩ ξ : |uk(ξ)−u(ξ)| > ε. On définit ensuite Bj = ∪∞k=jAk, j ∈ N0, de sorte que 〈Bj〉j∈N0 estune suite décroissante dans A. Puisque µ(S) <∞ on a µ(∩j∈N0Bj) = limj µ(Bj).Or ∩j∈N0Bj = S ∩ξ : la suite 〈uk(ξ)〉k∈N0 ne converge pas vers u(ξ), et doncµ(∩j∈N0Bj) = 0 par hypothèse. Il s’ensuit que limj µ(Bj) = 0, et donc aussilimk µ(Ak) = 0 car Ak ⊆ Bk pour chaque k.

4.2.6 4.2.6 Exemple. — On ne pas se passer de l’hypothèse µ(S) < ∞. Il suffit eneffet de considérer l’espace mesurable (N0,P(N0)), la mesure de comptage µ, etla suite 〈1Ak〉k∈N0 où Ak = N0 ∩n : n > k. Elle converge ponctuellement vers0 partout, mais elle ne converge pas en mesure vers 0.

4.2.7 4.2.7 Théorème. — Si 〈uk〉k∈N0 converge vers u en mesure, alors elle admetune sous-suite 〈uσ(k)〉k∈N0 qui converge µ presque partout vers u.

Démonstration. L’hypothèse assure que µ(S ∩ ξ : |uk(ξ) − u(ξ)| > ε) → 0quand k →∞, quel que soit ε > 0. Appliquant cette hypothèse successivementaux valeurs ε = k−1, k ∈ N0, on définit une sous-suite 〈uσ(k)〉k∈N0 telle que

µ

(S ∩

ξ : |uσ(k)(ξ)− u(ξ)| > 1

k

)<

12k .

PosonsAk = S ∩

ξ : |uσ(k)(ξ)− u(ξ)| > 1

k

.

Si ξ 6∈ ∩∞j=1 ∪∞k=j Ak alors il existe j ∈ N0 tel que ξ 6∈ Ak quel que soit k > j,ou encore |uσ(k)(ξ) − u(ξ)| < k−1 quel que soit k > j. En particulier la suite

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4.2 Modes de convergence 94

〈uσ(k)(ξ)〉k∈N0 converge vers u(ξ) si ξ 6∈ ∩∞j=1∪∞k=jAk, et il reste donc à montrerque µ(∩∞j=1 ∪∞k=j Ak) = 0. A cette fin on observe que

µ(∪∞j=kAk) 6∞∑j=k

µ(Ak) 6∞∑j=k

12k = 1

2j−1

quel que soit j ∈ N0, et donc

µ(∩∞j=1 ∪∞k=j Ak) 6 infjµ(∪∞k=jAk) = 0 .

4.2.8 4.2.8 Exemple. — On ne peut pas omettre le mot «sous-suite» dans l’énoncéprécédent, comme l’illustre l’exemple que voici. On considère l’espace mesurable([0, 1],B([0, 1]) et µ la restriction de la mesure de Lebesgue L 1 à B([0, 1]). Achaque n ∈ N0 on associe 2n intervalles In,j , j = 1, . . . , 2n, de longueur 2−n, dontla réunion est [0, 1]. Si 〈Ik〉k∈N0 est une énumération de la famille dénombrabled’intervalles In,j : n ∈ N0 et j = 1, . . . , 2n alors la suite 〈1Ik〉k∈N0 convergeen moyenne vers 0 (donc aussi en mesure), cependant lim supk 1Ik(ξ) = 1 pourtout ξ ∈ [0, 1], de sorte qu’elle ne converge nulle part vers 0.

4.2.9 4.2.9 Théorème (Convergence monotone). — Soit 〈uk〉k∈N0 une suite extraitede L0(S,A)+, et u ∈ L0(S,A)+. Si 〈uk〉k∈N0 est croissante et converge µ presquepartout vers u alors ∫

S

udµ = limk

∫S

ukdµ .

4.2.10 4.2.10 Théorème (Beppo Levi). — Soit∑k∈N0

uk une série extraite de L0(S,A)+.Dans ce cas ∫

S

(∑k∈N0

uk

)dµ =

∑k∈N0

∫S

ukdµ .

4.2.11 4.2.11 Théorème (Lemme de Fatou). — Soit 〈uk〉k∈N0 une suite extraite deL0(S,A)+. On a ∫

S

lim infk

ukdµ 6 lim infk

∫S

ukdµ .

4.2.12 4.2.12 Théorème (Convergence dominée). — Soit 〈uk〉k∈N0 une suite extraitede L0(S,A) qui converge µ presque partout vers u ∈ L0(S,A). S’il existe v ∈L1(S,A, µ) telle que |uk| 6 v pour tout k ∈ N0, alors∫

S

udµ = limk

∫S

ukdµ .

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4.3 Espaces de Lebesgue 95

4.3 Espaces de Lebesgue4.3.1 4.3.1. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré, et 1 6 p <∞. On dit de u ∈ L0(S,A)

qu’elle est p sommable si |u|p est Lebesgue intégrable. On note

Lp(S,A, µ) = L0(S,A) ∩ u : u est p sommable

et

‖u‖Lp =(∫

S

|u|pdµ) 1p

lorsque u ∈ Lp(S,A, µ). On observe que Lp(S,A, µ) est un espace vectoriel réel.En effet, si u ∈ Lp(S,A, µ), il aisé de vérifier λu ∈ Lp(S,A, µ) quel que soit λ ∈R, et si u1, u2 ∈ Lp(S,A, µ) alors la convexité de l’ application R+ → R+ : t 7→ tp

entraîne que |u1 + u2|p 6 2p−1(|u1|p + |u2|p), de sorte que u1 + u2 ∈ Lp(S,A, µ)d’après 4.1.8(1) et le test de comparaison.

4.3.2 4.3.2. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré. On dit que u ∈ L0(S,A) est essen-tiellement bornée s’il existe t ∈ R+ tel que S ∩ ξ : |u(ξ)| > t est µ négli-geable. On note L∞(S,A, µ) la collection des fonctions essentiellement bornées,et l’on définit

‖u‖L∞ = inf R+ ∩ t : S ∩ ξ : |u(ξ)| > t est µ négligeable ,

lorsque u ∈ L∞(S,A, µ). Il est évident que λu est essentiellement bornée lorsqueu l’est et λ ∈ R. Par ailleurs, si u1, u2 sont essentiellement bornées, il existet1, t2 ∈ R+ tels que S ∩ |u1| > t1 et S ∩ |u2| > t2 sont µ négligeables.Donc leur réunion est également µ négligeable. Puisqu’elle contient S ∩ |u1 +u2| > t1 + t2, d’après l’inégalité triangulaire, on en déduit que u1 + u2 estessentiellement bornée. Par conséquent L∞(S,A, µ) est un espace vectoriel réel.

4.3.3 4.3.3 Théorème. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré, 1 6 p 6 ∞, et u ∈Lp(S,A, µ). Les conditions suivantes sont équivalentes :(1) ‖u‖Lp = 0 ;(2) µ(S ∩ u 6= 0) = 0.

Démonstration. Si 1 6 p <∞, c’est une conséquence de 4.1.9. Supposons doncque p = ∞. Il est évident, par définition de ‖ · ‖L∞ , que (2) ⇒ (1). Récipro-quement, supposons que ‖u‖L∞ = 0. Dans ce cas il existe une suite 〈tk〉k∈N0

dans R+ telle que limk tk = 0 et chaque Ak = S ∩ |uk| > tk est µ négli-geable. Puisque S ∩u 6= 0 = ∪k∈N0Ak, on en déduit que u est nulle µ presquepartout.

4.3.4 4.3.4 Théorème (Inégalité de Hölder). — Soit (S,A, µ) un espace mesuré, et1 6 p 6 ∞ et 1 6 q 6 ∞ des exposants conjugués. Si u ∈ Lp(S,A, µ) etv ∈ Lq(S,A, µ) alors uv ∈ L1(S,A, µ) et∣∣∣∣∫

S

uvdµ

∣∣∣∣ 6 ‖u‖Lp‖v‖Lq .

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4.3 Espaces de Lebesgue 96

Démonstration. Premier cas : 1 < p < ∞ et 1 < q < ∞. Si ‖u‖Lp = 0 ou‖v‖Lq = 0 alors u ou v s’annule µ presque partout, donc uv s’annule égalementpresque partout, de sorte que uv est intégrable et

∫Suvdµ = 0, ce qui achève

la démonstration dans ce cas. Supposons donc que ‖u‖Lp 6= 0 6= ‖v‖Lq . Etantdonné ξ ∈ S, on applique l’inégalité de Young 1.3.10 à a = |u(ξ)|‖u‖−1

Lpet

b = |v(ξ)|‖v‖−1Lq

:|u(ξ)v(ξ)|‖u‖Lp‖v‖Lq

6|u(ξ)|p

p‖u‖pLp+ |v(ξ)|q

q‖v‖qLq.

On intègre ensuite en ξ ∈ S et on obtient

1‖u‖Lp‖v‖Lq

∫S

|u(ξ)v(ξ)|dµ(ξ) 6∫S|u(ξ)|pdµ(ξ)p‖u‖pLp

+∫S|v(ξ)|qdµ(ξ)q‖v‖qLq

= 1p

+1q

= 1 .

Deuxième cas : p = 1 et q =∞. Pour chaque t ∈ R+ tel que µ|v| > t = 0,l’inégalité |uv| 6 t|u| est valide µ presque partout. Puisque de tels t existent,le test de comparaison entraîne que uv ∈ L1(S,A, µ). En outre, pour ces t ona∫S|uv|dµ 6 t

∫S|u|dµ. Prenant l’infimum de l’ensemble de ces t on obtient

finalement∫S|uv|dµ 6 ‖v‖L∞

∫S|u|dµ.

4.3.5 4.3.5 Théorème (Inégalité de Minkowski). — Soit (S,A, µ) un espace mesuré,et 1 6 p 6∞. Si u, v ∈ Lp(S,A, µ) on a

‖u+ v‖Lp 6 ‖u‖Lp + ‖v‖Lp .

Démonstration. Premier cas : 1 6 p < ∞. On définit w = |u + v| et on note ql’exposé conjugué de p. On observe que, d’après l’inégalité de Hölder,

‖u+ v‖pLp =∫S

|u+ v|pdµ

=∫S

wpdµ

6∫S

wp−1|u|dµ+∫S

wp−1|v|dµ

6 ‖wp−1‖Lq(‖u‖Lp + ‖v‖Lp

).

On note ensuite que

‖wp−1‖Lq =(∫

S

w(p−1)qdµ

) 1q

=(∫

S

wpd

) 1q

= ‖u+ v‖p−1Lp

.

Il reste à diviser les deux membres de l’inégalité ci-dessus par ‖wp−1‖Lq .Deuxième cas : p = ∞. Soient u, v ∈ L∞(S,A, µ), et ε > 0. On choisit

tu, tv ∈ R+ tels que µ(S∩|u| > tu) = 0 = µ(S∩|v| > tv) et tu 6 ε+‖u‖L∞et tv 6 ε+ ‖v‖L∞ . L’inégalité triangulaire entraîne que

|u+ v| > tu + tv ⊆ |u| > tu ∪ |v| > tv

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4.3 Espaces de Lebesgue 97

et par conséquent S ∩ |u + v| > tu + tv est µ négligeable. On en déduitimmédiatement que

‖u+ v‖L∞ 6 tu + tv 6 2ε+ ‖u‖L∞ + ‖v‖L∞ .

Puisque ε est arbitraire, la démonstration est terminée.

4.3.6 4.3.6. — On vérifie aisément que ‖λu‖Lp = |λ|‖u‖Lp lorsque λ ∈ R, u ∈Lp(S,A, µ) et 1 6 p 6 ∞. Par conséquent ‖ · ‖Lp est une semi-norme surLp(S,A, µ), mais pas forcément une norme. Nous allons donc définir un espacequotient adéquat sur lequel ‖ · ‖Lp «devient une norme». On pose

Zp = Lp(S,A, µ) ∩ u : ‖u‖Lp = 0

et on remarque que Zp est un sous-espace vectoriel. On définit ensuite l’espacevectoriel quotient

Lp(S,A, µ) = Lp(S,A, µ)/Zpformé des classes d’équivalence correspondantes. Les éléments de Lp(S,A, µ)seront notés u. Si u ∈ Lp(S,A, µ), u1 ∈ u, et u2 ∈ Lp(S,A, µ), alors u2 ∈u ssi u1 et u2 coïncident µ presque partout. Cela se déduit en effet du faitque Zp = Lp(S,A, µ) ∩ u : u s’annule µ presque partout. Par conséquent, siu ∈ Lp(S,A, µ) alors la formule ‖u‖Lp = ‖u‖Lp =

(∫S|u|pdµ

) 1p , u ∈ u, définit

de manière non ambigüe une fonctionnelle ‖ · ‖Lp sur Lp(S,A, µ). Montronsqu’il s’agit d’une norme. L’homogénéité positive, et l’inégalité triangulaire sevérifient aisément grâce aux mêmes propriétés de la semi-norme ‖ · ‖Lp définiesur Lp(S,A, µ). Enfin, supposons que ‖u‖Lp = 0. Si u ∈ u on a ‖u‖Lp = 0 etdonc u ∈ Zp d’après 4.3.3, c’est-à-dire u = 0.

En d’autres termes, Lp(S,A, µ)[‖ · ‖Lp ] est un espace normé.4.3.7 4.3.7 Théorème (Riesz-Fischer). — Soit (S,A, µ) un espace mesuré, et 1 6

p 6∞. L’espace Lp(S,A, µ)[‖ · ‖Lp ] est de Banach.

Démonstration. D’après 3.6.2 il suffit de montrer que toute série absolumentconvergente est convergente.

Premier cas : 1 6 p <∞. Soit∑k∈N0

uk une série absolument convergentedans Lp(S,A, µ), et choisissons des représentants uk ∈ uk. Définissons v : S →R+ par la formule

v(ξ) =(∑

k∈N0|uk(ξ)|

)p si la série est convergente0 sinon .

Cette fonction est A-mesurable (voir 4.1.3). Pour chaque n ∈ N0 on a, d’aprèsl’inégalité de Minkowski,(∫

S

(n∑k=1|uk|

)pdµ

) 1p

=

∥∥∥∥∥n∑k=1|uk|

∥∥∥∥∥Lp

6n∑k=1‖uk‖Lp .

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4.3 Espaces de Lebesgue 98

On déduit ensuite du théorème de convergence monotone que∫S

(∑k∈N0

|uk|

)pdµ = lim

n

∫S

(n∑k=1|uk|

)pdµ 6

(∑k∈N0

‖uk‖Lp

)p<∞

de sorte que∑k∈N0

|uk(ξ)| <∞ pour µ presque tout ξ ∈ S, et v ∈ L1(S,A, µ).La formule suivante définit une fonction A-mesurable :

u(ξ) =∑

k∈N0uk(ξ) si la série est absolument convergente

0 sinon.

On note que |u|p 6 v, de sorte que u ∈ Lp(S,A, µ) d’après le test de comparai-son. Il reste à établir que∥∥∥∥∥u−

n∑k=1

uk

∥∥∥∥∥p

Lp

=∫S

∣∣∣∣∣u−n∑k=1

uk

∣∣∣∣∣p

dµ→ 0 quand n→∞ .

Cela résulte du théorème de convergence dominée et de ce que

limn

∣∣∣∣∣u(ξ)−n∑k=1

uk(ξ)

∣∣∣∣∣p

= 0

and

supn

∣∣∣∣∣u(ξ)−n∑k=1

uk(ξ)

∣∣∣∣∣p

6 v(ξ)

pour µ presque tout ξ ∈ S.Deuxième cas : p = ∞. Soit

∑k∈N0

uk une série absolument convergentedans L∞(S,A, µ). Choisissons des représentants uk ∈ uk et des ensembles µnégligeables Nk ∈ A tels que |uk(ξ)| 6 ‖uk‖L∞ = ‖uk‖L∞ pour tout ξ ∈ S \Nk.On définit N = ∪k∈N0Nk de sorte que µ(N) = 0. Si ξ ∈ S \ N alors la série∑k∈N0

|uk(ξ)| 6∑k∈N0

‖uk‖L∞ <∞ est convergente. On définit à présent

u(ξ) =∑

k∈N0uk(ξ) si ξ ∈ S \N

0 sinon .

On observe que u est A-mesurable et essentiellement bornée. Il reste à établirque ∥∥∥∥∥u−

n∑k=1

uk

∥∥∥∥∥L∞

→ 0 quand n→∞ .

Soit ε > 0. On choisit n∗ ∈ N0 tel que∞∑

k=n∗

‖uk‖L∞ 6 ε .

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4.3 Espaces de Lebesgue 99

Pour chaque ξ ∈ S \N il existe nξ > n∗ tel que∣∣∣∣∣u(ξ)−n∑k=1

uk(ξ)

∣∣∣∣∣ 6 εpour autant que n > nξ.

Soit ξ ∈ S \N et n > n∗. On a∣∣∣∣∣u(ξ)−n∑k=1

uk(ξ)

∣∣∣∣∣ 6∣∣∣∣∣u(ξ)−

nξ∑k=1

uk(ξ)

∣∣∣∣∣+∞∑

k=n∗

|uk(ξ)|

6

∣∣∣∣∣u(ξ)−nξ∑k=1

uk(ξ)

∣∣∣∣∣+∞∑

k=n∗

‖uk‖L∞

6 2ε .

Puisque µ(N) = 0 on obtient∥∥∥∥∥u−n∑k=1

uk

∥∥∥∥∥L∞

6 2ε

dès que n > n∗.

4.3.8 4.3.8 Théorème. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré tel que µ(S) < ∞, et1 6 p1 6 p2 6∞. L’application linéaire

T : Lp2(U)→ Lp1(U) : u 7→ u

est bien définie et continue. En outre, si p2 6=∞ alors

‖T‖ 6 µ(S)p2−p1p1p2 ,

tandis que si p2 =∞ alors‖T‖ 6 µ(S)

1p1 .

Démonstration. Si p1 = p2, il n’y a rien à démontrer. On suppose donc quep1 < p2.

Premier cas : p2 < ∞. Soit u ∈ Lp2(S,A, µ) et choisissons un représentantu ∈ u. On pose p = p2/p1 et on note que 1 < p <∞. L’exposant conjugué de pest le réel q tel que

1q

= 1− 1p

= 1− p1

p2= p2 − p1

p2.

Observons que |u|p1 ∈ Lp(S,A, µ) (car pp1 = p2) et que 1S ∈ Lq(S,A, µ) (parceque µ(S) <∞). Dès lors, il suit de l’inégalité de Hölder appliquée à |u|p1 et 1S

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4.3 Espaces de Lebesgue 100

que ∫S

|u|p11Sdµ 6

(∫S

|u|pp1dµ

) 1p(∫

S

1qSdµ

) 1q

=(∫

S

|u|p2dµ

) p1p2µ(S)

p2−p1p2

<∞ .

Par conséquent u est p1 sommable. On élève les deux membres de l’inégalité àla puissance 1/p1 et on obtient

‖u‖Lp1=(∫

S

|u|p1dµ

) 1p1

=(∫

S

|u|p11Sdµ

) 1p1

6

(∫S

|u|p2dµ

) 1p2µ(S)

p2−p1p1p2

= ‖u‖Lp2µ(S)

p2−p1p1p2 .

Cela termine la preuve de l’inégalité ‖T‖ 6 µ(S)p2−p1p1p2 .

Deuxième cas : p2 =∞. Soit u ∈ L∞(U). Choisissons un représentant u ∈ u.Puisque |u|p1 est essentiellement bornée, et que µ(U) <∞, on conclut que |u|p1

est Lebesgue intégrable et que

‖u‖Lp1=(∫

S

|u|p1dµ

) 1p16 ‖|u|p1‖

1p1L∞

(∫S

1Sdµ

) 1p1

= ‖u‖L∞µ(S)1p1 .

4.3.9 4.3.9. — Sous les hypothèses du théorème, on a l’inclusion Lp2(S,A, µ) ⊆Lp1(S,A, µ). Si p1 < p2 alors, en général, Lp2(S,A, µ) 6= Lp1(S,A, µ). Parexemple si S = (0, 1) ⊆ R, A = B(0, 1) et µ est la restriction à B(0, 1) dela mesure de Lebesgue L 1, on vérifie que la fonction u(ξ) = ξ−p

−12 appartient à

Lp1(U), mais n’appartient pas à Lp2(0, 1).Si l’on omet l’hypothèse µ(S) <∞ alors les espaces Lp1(S,A, µ) et Lp2(S,A, µ)

ne sont en général pas comparables. Par exemple si 1 6 p1 < p2 6 ∞ alors niLp1(R,B(R),L 1) ⊆ Lp2(R,B(R),L 1) ni Lp2(R,B(R),L 1) ⊆ Lp1(R,B(R),L 1).Que la première inclusion n’ait pas lieu suit du paragraphe précédent. La fonc-tion u(ξ) = 1[1,∞)(ξ)ξp

−11 confirme que la seconde n’a pas lieu non plus.

4.3.14 4.3.10 (Le cas 0 < p < 1). — Soit (S,A, µ) un espace mesuré et 0 < p < 1. Ondéfinit

Lp(S,A, µ) = L0(S,A) ∩ u : |u|p est Lebesgue intégrable ,

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4.3 Espaces de Lebesgue 101

puisZp = Lp(S,A, µ) ∩ u : u s’annule µ presque partout

etLp(S,A, µ) = Lp(S,A, µ)/Zp .

La quantité ‖u‖Lp =(∫S|u|pdµ

) 1p ne vérifie pas l’inégalité triangulaire. Pour

s’en convaincre il suffit de considérer des fonctions indicatrices 1A et 1B de deuxensembles disjoints A,B ∈ A tels que 0 < µ(A) = µ(B) < ∞. Cependant, laformule

dp(u, v) =∫S

|u− v|pdµ ,

u, v ∈ Lp(S,A, µ) définit une «semi-distance» sur Lp(S,A, µ). L’inégalité trian-gulaire, dans ce cas, suit de l’inégalité

(a+ b)p 6 ap + bp

qui est valide quels que soient a, b ∈ R+, 0 < p < 1 (considérer la fonctionf(t) = (1 + t)p − 1 − tp, t ∈ R+, vérifier que f(0) = 0 et f ′(t) < 0 quelque soit t > 0, de sorte que f(t) < 0 quel que soit t > 0, et appliquer cetteobservation à t = a/b). On observe en outre que si dp(u, v) = 0 alors u et vcoïncident µ presque partout. Par conséquent la formule dp(u,v) = dp(u, v),u,v ∈ Lp(S,A, µ), u ∈ u, v ∈ v, définit une distance sur Lp(S,A, µ).

Il est possible de montrer que Lp(S,A, µ)[dp] est un espace métrique com-plet. Montrons qu’il s’agit d’un espace vectoriel topologique, c’est-à-dire que lamultiplication par un scalaire et l’addition vectorielle sont continues. Supposonsque limk dp(uk, u) = 0 et limk |λk − λ| = 0, et observons que

dp(λkuk, λu) 6 dp(λkuk, λku)+dp(λku, λu) = |λk|pdp(uk, u)+ |λk−λ|pdp(u, 0) .

Faisant tendre k → ∞ on a ainsi montré que la multiplication par un scalaireest continue. En ce qui concerne l’addition vectorielle, remarquons d’abord quedp est invariante par translation : si u, v, w ∈ Lp(S,A, µ) alors dp(u+w, v+w) =dp(u, v). Supposons que limk dp(uk, u) = 0 et limk dp(vk, v) = 0, et notons que

dp(uk + vk, u+ v) 6 dp(uk + vk, uk + v) + dp(uk + v, u+ v)= dp(vk, v) + dp(uk, u)

et il reste à faire tendre k → ∞ pour établir que l’addition vectorielle estcontinue.

Cependant Lp(S,A, µ)[dp] n’est pas un espace de Fréchet, comme le montrele résultat suivant.

4.3.15 4.3.11 Théorème (Day). — Soit 0 < p < 1. Le dual de l’espace vectorieltopologique Lp([0, 1],B[0, 1],L 1)[dp] est réduit à 0. En particulier, cet espacen’est pas localement convexe.

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4.3 Espaces de Lebesgue 102

Démonstration. Première étape : Si α ∈ Lp([0, 1],B[0, 1],L 1)∗ et u ∈ Lp([0, 1],B[0, 1],L 1)est telle que 〈u, α〉 = 1, alors il existe v ∈ Lp([0, 1],B[0, 1],L 1) telle que〈v, α〉 = 1 et dp(v, 0) 6 2p−1dp(u, 0). On commence par remarquer que l’appli-cation [0, 1]→ Lp([0, 1],B[0, 1],L 1) : t 7→ u1[0,t] est continue. En effet, si u ∈ uet 〈tk〉k∈N0 est une suite extraite de [0, 1] qui converge vers t, alors

limk

dp(u1[0,tk],u1[0,t]) = limk

∫ 1

0

∣∣1[0,tk] − 1[0,t]∣∣ |u|pdL 1 = 0 .

Par conséquent la fonction f : [0, 1] → [0, 1] : t 7→ 〈u1[0,t], α〉 est continue,f(0) = 0, et f(1) = 1. D’après le théorème des valeurs intermédiaires, il existe0 < t < 1 tel que f(t) = 1/2. On pose u1 = u1[0,t] et u2 = u1[t,1] et on déduitde la linéarité de α que

〈u1, α〉+ 〈u2, α〉 = 〈u1 + u2, α〉 = 〈u, α〉 = 1 .

Par conséquent 〈u1, α〉 = 〈u2, α〉 = 1/2. Par ailleurs,

dp(u1, 0) + dp(u2, 0) =∫ t

0|u|pdL 1 +

∫ 1

t

|u|pdL 1 =∫ 1

0|u|pdL 1 = dp(u, 0) .

Par conséquent dp(u1, 0) 6 dp(u, 0)/2 ou dp(u2, 0) 6 dp(u, 0)/2. Quitte à lesrenuméroter, on peut supposer que c’est u1 qui vérifie cette condition. On définitv = 2u1 et on observe que 〈v, α〉 = 2〈u1, α〉 = 1 et dp(v, 0) = 2pdp(u1, 0) 62p−1dp(u, 0).

Deuxième étape : récurrence. Supposons ad absurdum qu’il existe une formelinéaire continue α ∈ Lp([0, 1],B[0, 1],L 1)∗ telle que α 6= 0. Dans ce cas il existeégalement u ∈ Lp([0, 1],B[0, 1],L 1) telle que 〈u, α〉 = 1. La première étape per-met de définir par récurrence une suite 〈uk〉k∈N extraite de Lp([0, 1],B[0, 1],L 1)telle que 〈uk, α〉 = 1 et dp(uk, 0) 6 γkdp(uk−1, 0), où γ = 2p−1 < 1. Mais alorslimk dp(uk, 0) = 0 et limk〈uk, α〉 = 1, ce qui est impossible au vu de la continuitéde α.

Si Lp([0, 1],B[0, 1],L 1) était localement convexe, son dual ne serait pasréduit à 0, d’après 2.4.3.

4.3.16 4.3.12 Remarque. — Si X[T] est un espace vectoriel topologique localementconvexe, alors aucune application linéaire non identiquement nulle

T : Lp([0, 1],B[0, 1],L 1)[dp]→ X[T]

n’est continue. En effet, si T était continue et T 6= 0, alors il existerait u ∈Lp([0, 1],B[0, 1],L 1) tel que T (u) 6= 0 et donc, d’après 2.4.3, il existerait x∗ ∈X∗ telle que 〈T (u), x∗〉 6= 0. Mais alors x∗ T serait une forme linéaire continuenon triviale définie sur Lp([0, 1],B[0, 1],L 1), ce qui est absurde.

4.3.17 4.3.13 (Inégalité de Minkowski renversée). — Soit (X,A, µ) un espace mesuré,0 < p < 1, et u, v ∈ Lp(S,A, µ). Dans ce cas

‖u+ v‖Lp > ‖u‖Lp + ‖v‖Lp .

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4.3 Espaces de Lebesgue 103

4.3.10 4.3.14. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré, 1 6 p 6 ∞, 〈uk〉k∈N0 et 〈uk〉k∈N0

deux suites extraites de Lp(S,A, µ), et u, u ∈ Lp(S,A, µ). On suppose que uk etuk coïncident µ presque partout, quel que soit k ∈ N0, et que u et u coïncidentµ presque partout. Dans ce cas, 〈uk〉k∈N0 converge µ presque partout vers u ssi〈uk〉k∈N0 converge µ presque partout vers u. Pour s’en convaincre, supposonsque 〈uk〉k∈N0 converge µ presque partout vers u et posons

Nk = S ∩ uk 6= uk, k ∈ N0

N∞ = S ∩ u 6= uN ′ = S ∩ u 6= lim

kuk .

On s’aperçoit que N = N ′ ∪N∞ ∪ (∪k∈N0Nk) est µ négligeable, et que si ξ 6∈ Nalors u(ξ) = limk uk(ξ).

On peut par conséquent définit sans ambigüité la notion de convergenceµ presque partout pour des suites extraites de Lp(S,A, µ) : on dit qu’unesuite 〈uk〉k∈N0 extraite de Lp(S,A, µ) converge µ presque partout versu ∈ Lp(S,A, µ) s’il existe des représentants uk ∈ uk, k ∈ N0, et u ∈ u telsque la suite 〈uk〉k∈N0 converge µ presque partout vers u.

4.3.11 4.3.15 Théorème. — Soit 1 6 p 6 ∞. Il n’existe pas de topologie séparéeT sur l’ensemble Lp([0, 1],B[0, 1],L 1) ayant la propriété suivante : une suite〈uk〉k∈N0 extraite de Lp([0, 1],B[0, 1],L 1) converge vers u ∈ Lp([0, 1],B[0, 1],L 1)au sens de T ssi elle converge µ presque partout vers u.

Démonstration. Supposons ad absurdum qu’une telle topologie T existe. Onchoisit une suite 〈uk〉k∈N0 dans Lp([0, 1],B[0, 1],L 1) qui converge vers 0 enmesure, mais ne converge pas L 1 presque partout vers 0 (voir par exemple4.2.8). Puisque 〈uk〉k∈N0 ne converge pas µ presque partout vers 0, il existeun T voisinage de 0 dans Lp([0, 1],B[0, 1],L 1), disons U , et une sous-suite〈uσ(k)〉k∈N0 entièrement contenue dans le complémentaire de U . Or 〈uσ(k)〉k∈N0

converge en mesure vers 0, par conséquent, d’après 4.2.7, elle admet une sous-suite 〈uσ′(k)〉k∈N0 qui converge µ presque partout vers 0. Mais alors uσ′(k) ∈ Usi k est suffisamment grand, une contradiction.

4.3.12 4.3.16. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré. On considère 〈uk〉k∈N0 et 〈uk〉k∈N0

deux suites extraites de L0(S,A), et u, u ∈ L0(S,A). On suppose que uk et ukcoïncident µ presque partout, quel que soit k ∈ N0, et que u et u coïncident µpresque partout. Dans ce cas 〈uk〉k∈N0 converge vers u en mesure ssi 〈uk〉k∈N0

converge vers u en mesure. On le vérifie comme en 4.3.14.Posons

Z0 = L0(S,A) ∩ u : u s’annule µ presque partout ,

et considérons l’espace vectoriel quotient

L0(S,A, µ) = L0(S,A)/Z0 .

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4.3 Espaces de Lebesgue 104

On suppose à présent que µ(S) <∞. Etant donné u, v ∈ L0(S,A) on définit

dµ(u, v) = infε > 0 : µ(S ∩ |u− v| > ε) < ε .

Si u,v ∈ L0(S,A, µ), on vérifie que dµ(u, v) ne dépend pas du choix de repré-sentants u ∈ u et v ∈ v, de sorte que la définition suivante est non ambigüe :

dµ(u,v) = dµ(u, v) .

4.3.13 4.3.17 Théorème. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré tel que µ(S) <∞.(1) L0(S,A, µ)[dµ] est un espace métrique.(2) Une suite 〈uk〉k∈N0 extraite de L0(S,A, µ) converge en mesure vers u ∈

L0(S,A, µ) ssi limk dµ(uk,u) = 0.

Démonstration. On commence par observer que dµ(u,v) <∞ quels que soientu,v ∈ L0(S,A, µ) puisque µ(S) <∞. On a clairement dµ(u,v) = dµ(v,u).

Montrons que dµ(u,v) = 0 ssi u = v. Il est évident que dµ(u,u) = 0.Supposons donc que dµ(u,v) = 0 et choisissons des représentants u ∈ u, v ∈ v.Puisque dµ(u, v) = 0 il existe une suite 〈εk〉k∈N0 telle que

µ(S ∩ |u− v| > εk) < εk .

Quitte à en extraite une sous-suite si nécessaire, on peut également supposerque

∑k∈N0

εk < ∞. On observe que u 6= v = ∪∞k=n|u − v| > εk, pour toutn ∈ N0, et donc

µ(S ∩ u 6= v) 6 infnµ (S ∩ ∪∞k=n|u− v| > εk) 6 inf

n

∞∑k=n

εk = 0 .

Par conséquent u = v.Etablissons l’inégalité triangulaire. Soit u,v,w ∈ L0(S,A, µ). On choisit des

représentants u ∈ u, v ∈ v et w ∈ w. On choisit ensuite une suite décroissante〈εk〉k∈N0 telle que limk εk = dµ(u, v) et µ(S ∩ |u− v| > εk) < εk, et une suitedécroissante 〈ηk〉k∈N0 telle que limk ηk = dµ(v, w) et µ(S∩|v−w| > ηk) < ηk.L’inégalité triangulaire usuelle dans R entraîne que

|u− w| > εk + ηk ⊆ |u− v| > εk ∪ |v − w| > ηk ,

et donc aussiµ(|u− w| > εk + ηk) 6 εk + ηk .

Faisant tendre k →∞ on obtient dµ(u,w) 6 dµ(u, v) +dµ(v, w). La démonstra-tion de la conclusion (1) est terminée.

(2) Supposons que limk dµ(uk, u) = 0. Fixons ε > 0 et 0 < η 6 ε. Il existeun entier k0 tel que

µ(S ∩ |uk − u| > ε) 6 µ(S ∩ |uk − u| > η) < η

dès que k > k0. Par conséquent 〈uk〉k∈N0 converge vers u en mesure. Récipro-quement, supposons que 〈uk〉k∈N0 converge vers u en mesure, et fixons ε > 0.Dans ce cas limk µ(S ∩ |uk − u| > ε) = 0, donc il existe un entier k0 tel queµ(S ∩ |uk − u| > ε) < ε pourvu que k > k0, c’est-à-dire dµ(uk, u) < ε.

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4.4 Dualité 105

4.4 Dualité4.4.1 4.4.1 Théorème. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré, et 1 6 p 6 ∞ et 1 6

q 6∞ des exposants conjugués. L’application

T : Lq(S,A, µ)→ Lp(S,A, µ)∗

définie par la relation〈u, T (v)〉 =

∫S

uvdµ , (4.1) eq.12

u ∈ u ∈ Lp(S,A, µ), v ∈ v ∈ Lq(S,A, µ) est bien définie, linéaire, et continuetelle que ‖T‖ 6 1. En outre, si p 6= 1 (c’est-à-dire q 6= ∞) alors T est uneisométrie (donc aussi injective).

Démonstration. Si u ∈ u ∈ Lp(S,A, µ) et v ∈ v ∈ Lq(S,A, µ) alors uv ∈L1(S,A, µ) d’après l’inégalité de Hölder 4.3.4. En outre, si u′ ∈ u ∈ Lp(S,A, µ),v′ ∈ v ∈ Lq(S,A, µ) alors uv et u′v′ coïncident µ presque partout, de sorteque

∫Suvdµ =

∫Su′v′dµ. Cela montre que (4.1) définit sans ambigüité des

fonctionnelles T (v) : Lp(S,A, µ) → R correspondant à chaque v ∈ Lq(S,A, µ).La linéarité de T (v) suit évidemment de la «linéarité de l’intégrale», 4.1.8(2).Que chaque T (v) soit continue résulte de 1.6.4(4) et de l’inégalité de Hölder4.3.4 :

|〈u, T (v)〉| =∣∣∣∣∫S

uvdµ

∣∣∣∣ 6 ‖u‖Lp‖v‖Lq ,de sorte que

‖T (v)‖L∗p 6 ‖v‖Lq . (4.2) eq.13

La linéarité de T résulte aussi de la linéarité de l’intégrale, et sa continuitérésulte également de 1.6.4(4) et de (4.2), dont on déduit que ‖T‖ 6 1.

Il reste à établir que T est une isométrie sous l’hypothèse p 6= 1. Soit v ∈Lq(S,A, µ), v 6= 0, et choisissons un représentant v ∈ v. On pose

u0 = |v|q−1(signe v)

de sorte que u0 ∈ L0(S,A) et

|u0|p = |v|p(q−1) = |v|q ∈ L1(S,A, µ) .

On en déduit que u0 ∈ Lp(S,A, µ) et que ‖u0‖pLp = ‖v‖qLq . Finalement on pose

u = u0‖v‖− qpLq

de sorte que u ∈ Lp(S,A, µ), ‖u‖Lp = 1, et

〈u, T (v)〉 =∫S

uvdµ

= ‖v‖−qp

Lq

∫S

u0vdµ

= ‖v‖−qp

Lq

∫S

|v|qdµ

= ‖v‖Lq ,

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4.4 Dualité 106

ce qui termine la démonstration.

4.4.2 4.4.2 Remarque. — Deux commentaires s’imposent.(1) Si p = 1 alors T n’est pas forcément injective. Pour s’en convaincre on

considère l’exemple suivant. Soit (S,A) un espace mesurable et N ⊆ Aun σ-idéal de A, c’est-à-dire que (i) ∅ ∈ N ; (ii) si A,B ∈ A, A ⊆ B etB ∈ N alors A ∈ N ; et (iii) si 〈Ak〉k∈N0 est une suite extraite de N alors∪k∈N0Ak ∈ N. On définit ensuite

µ : A→ [0,∞] : A 7→

0 si A ∈ N

+∞ si A 6∈ N .

On vérifie aisément qu’il s’agit d’une mesure et que L1(S,A, µ) = 0, desorte que L1(S,A, µ)∗ = 0. Par ailleurs, si S 6∈ N alors L∞(S,A, µ) 6=0 (car 1S ∈ L∞(S,A, µ) ne s’annule pas µ presque partout), de sorteque T n’est pas injective.

(2) Si 1 < p <∞ alors, en fait, T est une isométrie surjective — une situationanalogue au cas des espaces `p(K) et `q(K) traités en 1.6.7. Cependantla démonstration n’est plus basée sur la construction élémentaire faite en1.6.6, voir 4.4.12.

4.4.3 4.4.3. — Soit X[‖ · ‖] un espace normé. On rappelle que BX désigne la bouleunité deX, c’est-à-direBX = X∩x : ‖x‖ 6 1. On dit qu’il est uniformémentrotond si pour tout ε > 0 il existe δ = δ(ε) > 0 ayant la propriété suivante :

(∀x, y ∈ BX) : ‖x+ y‖ > 2− δ ⇒ ‖x− y‖ < ε .

On observe que cette définition est équivalente à sa version contraposée :X[‖ · ‖] est uniformément rotond si pour tout ε > 0 il existe δ = δ(ε) > 0 ayantla propriété suivante :

(∀x, y ∈ BX) : ‖x− y‖ > ε⇒∥∥∥∥x+ y

2

∥∥∥∥ 6 1− δ .

En d’autres mots si x et y sont des vecteurs des la sphère unité qui ne sontpas trop proches l’un de l’autre (ils sont ε-éloignés), alors le milieu du segmentjoignant x et y ne se trouve pas trop près de la sphère unité (il en est δ-éloigné).

Par exemple si X est un espace préhilbertien, alors il est uniformémentrotond. En effet, la loi du parallélogramme :

‖x+ y‖2 + ‖x− y‖2 = 2(‖x‖2 + ‖y‖2

)entraîne que si x, y ∈ BX et ‖x− y‖ > ε, alors

‖x+ y‖2 = 2(‖x‖2 + ‖y‖2

)− ‖x− y‖2 6 4− ε2

et donc ∥∥∥∥x+ y

2

∥∥∥∥ 6√

1−(ε

2

)2= 1− δ(ε)

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4.4 Dualité 107

δ(ε) = 1−√

1−(ε

2

)2.

On vérifie que l’espace L2(S,A, µ) est hilbertien, et par conséquent il est uni-formément rotond.

Par ailleurs, l’espace L1([0, 1],B[0, 1],L 1) n’est pas uniformément rotond.En effet, il suffit de considérer u = 21[0,1/2] et v = 21[1/2,1] et de constater que‖u‖L1 = ‖v‖L1 = 1, ‖u− v‖L1 = 2, mais∥∥∥∥u + v

2

∥∥∥∥L1

= 1 .

Nous allons à présent montrer que les espaces Lp(S,A, µ) sont uniformémentrotond si 1 < p < ∞, c’est-à-dire trouver un ersatz de l’identité du parallélo-gramme dans ce cas : les inégalités de Clarkson.

4.4.4 4.4.4. — Soient a, b ∈ R+ et 1 6 p <∞. On a

ap + bp 6 (a+ b)p .

On peut évidemment supposer que a 6= 0 6= b. Divisant par ap et posantt = b/a, on est amené à établir que 1 + tp 6 (1 + t)p =: f(t) pour tout t > 0. Ilreste à observer que

(1 + t)p− 1 = f(t)− f(0) =∫ t

0f ′(s)ds =

∫ t

0p(1 + s)p−1ds >

∫ t

0psp−1ds = tp .

4.4.5 4.4.5. — Soient a, b ∈ R, 1 < p 6 2 et q = p/(p− 1) l’exposant conjugué de p.On a

|a+ b|q + |a− b|q 6 2(|a|p + |b|p

)q−1.

Si a = 0 ou b = 0 l’inégalité est trivialement vérifiée (et est une égalité), desorte qu’on peut supposer que a 6= 0 6= b. Divisant les deux membres par |a|qou |b|q et posant t = |b|/|a| ou t = |a|/|b|, on est amené à établir que

(1 + t)q + (1− t)q 6 2(1 + tp)q−1 ,

pour tout 0 < t 6 1. On introduit une nouvelle variable α ∈ [0, 1] et la fonction

ψ(α, t) = (1 + α1−qt)(1 + αt)q−1 + (1− α1−qt)(1− αt)q−1 .

On observe que ψ(1, t) et ψ(tp−1, t) sont respectivement les membres de gaucheet de droite de l’égalité que l’on veut établir. Il suffit donc de prouver que∂α(α, t) 6 0. On se retrousse les manches, et on calcule que

∂α(α, t) = (q − 1)t(1− α−q)(

(1 + αt)q−2 − (1− αt)q−2)

qui est négative car : q − 1 > 0 ; 1 − α−q 6 0 (puisque α 6 1) ; (1 − αt)q−2 6(1 + αt)q−2 (puisque 0 < 1− αt 6 1 + αt et q − 2 > 0).

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4.4 Dualité 108

4.4.6 4.4.6 Théorème (Inégalités de Clarkson). — Soit (S,A, µ) un espace mesuré,1 < p <∞ et 1 < q <∞ des réels conjugués, et u, v ∈ Lp(S,A, µ).(1) Si p > 2 alors∥∥∥∥u+ v

2

∥∥∥∥pLp

+∥∥∥∥u− v2

∥∥∥∥pLp

612

(‖u‖pLp + ‖v‖pLp

).

(2) Si 1 < p 6 2 alors∥∥∥∥u+ v

2

∥∥∥∥qLp

+∥∥∥∥u− v2

∥∥∥∥qLp

612

(‖u‖qLp + ‖v‖qLp

).

Démonstration. (1) Soient x, y ∈ R. On applique 4.4.4 à a = |x+y|2, b = |x−y|2et p/2 (au lieu de p), et l’on obtient

|x+ y|p + |x− y|p 6(|x+ y|2 + |x− y|2

) p2

=(2x2 + 2y2) p2

= 2p(x2

2 + y2

2

) p2

6 2p−1(|x|p + |y|p)

où la dernière inégalité résulte de la convexité de t 7→ tp2 . On déduit de ceci que∣∣∣∣u(ξ) + v(ξ)

2

∣∣∣∣p +∣∣∣∣u(ξ)− v(ξ)

2

∣∣∣∣p 6 12(|u(ξ)|p + |v(ξ)|p

)quel que soit ξ ∈ S. Il reste à intégrer sur S relativement à µ.

(2) On commence par remarquer que pour chaque w ∈ Lp(S,A, µ) on a

‖w‖qLp =(∫

S

|w|pdµ) 1p−1

=(∫

S

|w|(p−1)qdµ

) 1p−1

= ‖|w|q‖Lp−1 .

Or 0 < p − 1 < 1, de sorte l’inégalité triangulaire renversée s’applique (voir4.3.13), que l’on conjugue avec 4.4.5, la convexité de t 7→ tq−1, et l’identité

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4.4 Dualité 109

(q − 1)(p− 1) = 1 pour obtenir

‖u+ v‖qLp + ‖u− v‖qLp = ‖|u+ v|q‖Lp−1+ ‖|u− v|q‖Lp−1

6 ‖|u+ v|q + |u− v|q‖Lp−1

6∥∥2(|u|p + |v|p)q−1∥∥

Lp−1

= 2(∫

S

(|u|p + |v|p)(q−1)(p−1)) 1p−1

= 2(‖u‖pLp + ‖v‖pLp

)q−1

= 2q(‖u‖pLp

2 +‖v‖pLp

2

)q−1

6 2q−1(‖u‖qLp + ‖v‖qLp

).

4.4.7 4.4.7 Théorème (Clarkson). — Soient (S,A, µ) un espace mesuré et 1 < p <∞. Dans ce cas Lp(S,A, µ) est uniformément rotond.

Démonstration. Premier cas : p > 2. Soit u,v ∈ Lp(S,A, µ) tels que ‖u‖Lp 6 1,‖v‖Lp 6 1, et ‖u− v‖Lp > ε. On choisit des représentants u ∈ u et v ∈ v et onapplique l’inégalité de Clarkson :∥∥∥∥u+ v

2

∥∥∥∥pLp

612

(‖u‖pLp + ‖v‖pLp

)−∥∥∥∥u− v2

∥∥∥∥pLp

6 1−(ε

2

)p,

de sorte que ∥∥∥∥u+ v

2

∥∥∥∥Lp

6 1− δ(ε)

avecδ(ε) = 1− p

√1−

(ε2

)p.

Deuxième cas : 1 < p 6 2. Le calcul est analogue à celui fait ci-dessus. Cettefois-ci on utilise la deuxième inégalité de Clarkson et l’on obtient

δ(ε) = 1− q

√1−

(ε2

)q.

4.4.8 4.4.8 Théorème (McShane). — Soit X[‖ · ‖] un espace normé, et α ∈ X∗.Supposons que x, h ∈ X et 1 6 p <∞ sont tels que(1) ‖x‖ = 1 et 〈x, α〉 = ‖α‖X∗ ;

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4.4 Dualité 110

(2) La limite

limt→0

‖x+ th‖p − ‖x‖p

pt

existe dans R.Dans ce cas,

〈h, α〉 = ‖α‖X∗ limt→0

‖x+ th‖p − ‖x‖p

pt.

L’hypothèse (2) revient à supposer l’existence de la dérivée partielle, au pointx dans la direction h, de la pième puissance de la norme ‖ · ‖.

Démonstration. D’après la règle de l’Hospital,

limt→0

〈x+ th, α〉p − 〈x, α〉p

pt= limt→0

(〈x, α〉+ t〈h, α〉)p−1 〈h, α〉

= 〈x, α〉p−1〈h, α〉= ‖α‖p−1

X∗ 〈h, α〉 .

Or 〈x, α〉 = ‖x‖‖α‖X∗ et 〈x + th, α〉 6 ‖x + th‖‖α‖X∗ quel que soit t, parconséquent,

limt→0+

‖α‖pX∗‖x+ th‖p − ‖x‖p

pt> limt→0+

〈x+ th, α〉p − 〈α, x〉p

pt

= ‖α‖p−1X∗ 〈h, α〉

= limt→0−

〈x+ th, α〉p − 〈α, x〉p

pt

> limt→0−

‖α‖pX∗‖x+ th‖p − ‖x‖p

pt,

et d’après l’hypothèse (2), chacune de ces inégalités est une égalité.

4.4.9 4.4.9 Théorème. — Soit X[‖ · ‖] un espace normé. Les conditions suivantessont équivalentes.(1) X est uniformément rotond.(2) Pour toutes suites 〈xk〉k∈N0 et 〈yk〉k∈N0 dans BX , si

limk

∥∥∥∥xk + yk2

∥∥∥∥ = 1 ,

alorslimk‖xk − yk‖ = 0 .

Démonstration. (1) ⇒ (2) Supposons que X est uniformément rotond et queles suites 〈xk〉k∈N0 et 〈yk〉k∈N0 dans BX sont telles que lim supk ‖xk − yk‖ > 0.

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4.4 Dualité 111

Dans ce cas il existe ε > 0 et des sous-suites 〈xσ(k)〉k∈N0 et 〈yσ(k)〉k∈N0 tels que‖xσ(k) − yσ(k)‖ > ε. D’après 4.4.3 il existe δ > 0 tel que∥∥∥∥xσ(k) + yσ(k)

2

∥∥∥∥ 6 1− δ ,

de sorte que lim infk ‖(xk + yk)/2‖ < 1.¬(1) ⇒ ¬(2) Niant la définition d’uniforme rotondité en 4.4.3 on obtient

ceci : il existe ε > 0 tel que pour tout k ∈ N0 il existe xk, yk ∈ BX tels que‖xk − yk‖ > ε et ‖(xk + yk)/2‖ > 1− k−1.

4.4.10 4.4.10 Corollaire. — Soit X[‖ · ‖] un espace de Banach uniformément ro-tond, et α ∈ X∗ \ 0. Dans ce cas il existe un unique x ∈ X tel que ‖x‖ = 1 et〈x, α〉 = ‖α‖X∗ .

Démonstration. Existence. Soit 〈xk〉k∈N0 une suite dansBX telle que limk〈xk, α〉 =‖α‖X∗ . On observe que pour tous k, l ∈ N0

2 > ‖xk + xl‖ > ‖α‖−1X∗ |〈xk + xl, α〉| → 2 quand k, l→∞ .

En d’autres termes, limk,l→∞ ‖(xk + xl)/2‖ = 1. Puisque X est uniformémentrotond, il suit de 4.4.9 que limk,l→∞ ‖xk − xl‖ = 0, c’est-à-dire 〈xk〉k∈N0 estde Cauchy. Or X est complet, donc cette suite admet une limite x ∈ X. On aévidemment x ∈ BX et 〈x, α〉 = ‖α‖X∗ par continuité de α, et aussi ‖x‖ = 1.

Unicité. Soient x, x′ ∈ X tels que ‖x‖ = ‖x′‖ = 1 et 〈x, α〉 = 〈x′, α〉 =‖α‖X∗ . Comme ci-dessus, on a

2 > ‖x+ x′‖ > ‖α‖−1X∗ |〈x+ x′, α〉| = 2 ,

ou encore ‖(x+ x′)/2‖ = 1. Puisque X est uniformément rotond, on en déduitque ‖x− x′‖ < ε, quel que soit ε, donc x = x′.

4.4.11 4.4.11. — Soient a, b ∈ R et 1 < p <∞. La fonction

ϕ : R→ R : t 7→ |a+ tb|p

a les propriétés suivantes :(A) ϕ est de classe C1 et

ϕ′(t) = pb|a+ tb|p−1 signe(a+ tb) ,

en particulier ϕ′(0) = pb|a|p−1(signe a) ;(B) Pour tout −1 6 t 6 1 on a∣∣∣∣ϕ(t)− ϕ(0)

t

∣∣∣∣ 6 p|b|max|a− b|p−1, |a+ b|p−1 .

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4.4 Dualité 112

Faisons la démonstration dans le cas a 6= 0 et laissons au lecteur le soinde la faire dans le cas (plus simple) a = 0. Commençons par observer quela fonction f : R → R : s 7→ |1 + s|p est dérivable en tout s ∈ R, et quef ′(s) = p|1 + s|p−1 signe(1 + s) (on distingue les cas s = −1, s > −1 et s < −1).En particulier, f est de classe C1. Il en résulte également que f ′ est dérivable enchaque s 6= −1 et que f ′′(s) > 0. Par conséquent f est convexe. On en déduitque ϕ est convexe également, car

ϕ(t) = |a|pϕ(tb

a

).

La conclusion (A) est maintenant claire, tandis que (B) résulte de ce que

t 7→ ϕ(t)− ϕ(0)t

et t 7→ ϕ′(t) sont croissantes, de sorte que

ϕ(1)− ϕ(0) =∫ 1

0ϕ′(t)dt 6 ϕ′(1) ,

etϕ(−1)− ϕ(0)

−1 =∫ 0

−1ϕ′(t)dt > ϕ′(−1) ,

d’où ∣∣∣∣ϕ(t)− ϕ(0)t

∣∣∣∣ 6 max|ϕ′(−1)|, |ϕ′(1)| .

4.4.12 4.4.12 Théorème. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré, et 1 < p < ∞ et 1 <q <∞ des exposants conjugués. L’application

T : Lq(S,A, µ)→ Lp(S,A, µ)∗

définie par la relation〈u, T (v)〉 =

∫S

uvdµ ,

u ∈ u ∈ Lp(S,A, µ), v ∈ v ∈ Lq(S,A, µ) est un isomorphisme isométrique.

Démonstration. D’après 4.4.1 il reste seulement à prouver que T est surjective.Soit α ∈ Lp(S,A, µ)∗. On rappelle que Lp(S,A, µ) est de Banach (Riesz-Fischer,4.3.7) et uniformément rotond (Clarkson, 4.4.7). Par conséquent il existe u ∈Lp(S,A, µ) tel que ‖u‖Lp = 1 et 〈u, α〉 = ‖α‖L∗p , d’après 4.4.10. On choisit unreprésentant u ∈ u et on pose

v0 = |u|p−1(signeu)

de sorte que v0 ∈ L0(S,A), |v0|q = |u|q(p−1) = |u|p, et donc v0 ∈ Lq(S,A, µ) et‖v0‖Lq = 1. Nous allons établir que

limt→0

‖u+ th‖pLp − ‖u‖pLp

pt=∫S

hv0dµ, quel que soit h ∈ Lp(S,A, µ) . (4.3) eq.14

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4.4 Dualité 113

D’après 4.4.8 cela entraînera que

〈h, α〉 = ‖α‖L∗p

∫S

hv0dµ

quel que soit h ∈ h ∈ Lp(S,A, µ), de sorte que α = T (v) où v = ‖α‖L∗pv0.On démontre 4.3 en appliquant le théorème de convergence dominée :

limt→0

‖u+ th‖pLp − ‖u‖pLp

pt= limt→0

∫S

|u(ξ) + th(ξ)|p − |u(ξ)|p

ptdµ(ξ)

=∫S

limt→0

|u(ξ) + th(ξ)|p − |u(ξ)|p

ptdµ(ξ)

=∫S

h(ξ)|u(ξ)|p−1(signeu(ξ))dµ(ξ) .

Pour justifier l’application du théorème de convergence dominée, et le calcul dela limite sous le signe intégral, on associe à chaque ξ ∈ S la fonction ϕξ(t) =|u(ξ) + th(ξ)|p, t ∈ R, et on applique 4.4.11. On déduit de 4.4.11(B) que∣∣∣∣ |u+ th|p − |u|p

pt

∣∣∣∣ 6 |h|max|u− h|p−1, |u+ h|p−1 ∈ L1(S,A, µ)

quel que soit −1 6 t 6 1 (de sorte que le théorème de convergence dominées’applique), et on déduit de 4.4.11(A) que

limt→0

|u(ξ) + th(ξ)|p − |u(ξ)|p

pt= h(ξ)|u(ξ)|p−1(signeu(ξ))

quel que soit ξ ∈ S.

4.4.13 4.4.13 Corollaire. — Soient (S,A, µ) un espace mesuré, et 1 < p < ∞.Dans ce cas, l’espace de Banach Lp(S,A, µ) est réflexif.

Démonstration. La preuve, basée sur 4.4.12, est exactement analogue à celle de2.5.6.

4.4.14 4.4.14. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré. On déduit de 4.4.12 que L2(S,A, µ)est isométriquement isomorphe à son espace dual, l’isomorphisme

T : L2(S,A, µ)→ L2(S,A, µ)∗

étant donné par la formule

〈u, T (v)〉 =∫S

uvdµ ,

u,v ∈ L2(S,A, µ), u ∈ u, v ∈ v.

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4.4 Dualité 114

4.4.15 4.4.15. — Si (S,A, µ) est un espace mesuré, alors le dual de L1(S,A, µ) n’estpas forcément isométriquement isomorphe à L∞(S,A, µ). Une obstruction àl’injectivité de l’application linéaire T définie en 4.4.1 est illustrée en 4.4.2(1),tandis que l’obstruction à la surjectivité de T est liée à la validité du théorèmede Radon-Nikodým que nous allons traiter à présent.

Etant donné deux mesures µ et ν définies sur le même espace mesuré (S,A, µ)on dit que ν est absolument continue par rapport à µ (et l’on écrit ν << µ)si µ(A) = 0 entraîne ν(A) = 0 quel que soit A ∈ A.

Supposons que u ∈ u ∈ L1(S,A, µ), u > 0, et posons

ν(A) =∫S

u1Adµ ,

A ∈ A. Il résulte du théorème de convergence monotone que ν est une mesuresur la tribu A, elle est en outre finie car u est Lebesgue intégrable : ν(S) =∫Sudµ <∞. Enfin, elle est absolument continue par rapport à µ, comme on le

vérifie trivialement. Nous allons à présent déterminer des conditions suffisantesau sujet de µ, qui garantissent que tout mesure finie ν qui est absolumentcontinue par rapport à µ est de la forme ν(A) =

∫Su1Adµ pour une certaine

u ∈ L1(S,A, µ), u > 0. Une telle fonction u, si elle existe, sera appelée unedérivée de Radon-Nikodým de ν par rapport à µ.

4.4.16 4.4.16 Théorème (Radon-Nikodým). — Soit (S,A) un espace mesurable etµ, ν deux mesures finies définies sur la tribu A. Si ν est absolument continuepar rapport à µ, alors il existe u ∈ L1(S,A, µ) telle que u > 0 et

ν(A) =∫A

udµ

quel que soit A ∈ A.

Démonstration (J. von Neumann). On considère la mesure finie φ = ν+µ défi-nie sur la tribu A, et l’espace (de Hilbert) correspondant L2(S,A, φ). On observeque L2(S,A, φ) ⊆ L2(S,A, ν) ⊆ L1(S,A, ν) où la dernière inclusion résulte dufait que ν est une mesure finie (voir 4.3.8). On définit une forme linéaire

T : L2(S,A, φ)→ R : u 7→∫S

udν ,

où u ∈ u. Bien entendu la définition n’est pas ambigüe puisque si u, u′ ∈ u alorsν(u 6= u′) 6 φ(u 6= u′) = 0. L’inégalité de Hölder appliquée dans l’espaceL2(S,A, φ) entraîne que

|T (u)| =∣∣∣∣∫S

udν

∣∣∣∣ 6 ∫S

|u|dν 6∫S

|u|dφ 6 φ(S) 12 ‖u‖L2(φ)

et l’on en déduit que T ∈ L2(S,A, φ)∗. Par conséquent, d’après 4.4.14 il existev ∈ L2(S,A, φ) tel que∫

S

udν = T (u) =∫S

uvdφ =∫S

uvdν +∫S

uvdµ

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4.4 Dualité 115

pour tout u ∈ u ∈ L2(S,A, φ). Donc∫S

u(1− v)dν =∫S

uvdµ

pour tout u ∈ L2(S,A, φ).Montrons que 0 6 v < 1 µ presque partout. On pose A− = S ∩ v < 0

et A−k = S ∩ v < −k−1, k ∈ N0, de sorte que A− = ∪k∈N0A−k . On applique

l’identité ci-dessus à u = 1A−k∈ L∞(S,A, φ) ⊆ L2(S,A, φ) et on obtient

0 6∫S

1A−k

(1− v)dν =∫A−k

vdµ 6 −1kµ(A−k ) ,

d’où µ(A−k ) = 0, et donc aussi µ(A−) = µ(∪k∈N0A−k ) = 0. Ensuite on pose

A+ = S ∩ v > 1 et on observe que

0 >∫S

1A+(1− v)dν =∫S

1A+vdµ > µ(A+) .

Puisque v 6= 1 µ presque partout, c’est aussi le cas ν presque partout (carν << µ). On définit

u(ξ) =

11−v(ξ) si v(ξ) 6= 10 sinon .

Cette fonction est A mesurable, et u(1− v) = 1 ν presque partout. Soit A ∈ A.On pose Ak = A ∩ u 6 k de sorte que 〈1Aku〉k∈N0 est une suite croissantequi converge ponctuellement vers 1Au. Or 1Aku ∈ L∞(S,A, φ) ⊆ L2(S,A, φ) etdonc

ν(Ak) =∫S

1Aku(1− v)dν =∫S

1Akuvdµ =∫Ak

v

1− v dµ .

Faisant k →∞ on déduit du théorème de convergence monotone que

ν(A) =∫S

1Adν =∫A

v

1− v dµ .

4.4.17 4.4.17 Théorème (Décomposition de Jordan). — Soit (S,A) un espace me-surable et

ν : A→ Rune fonction telle que ν(∅) = 0, et telle que pour tout suite disjointe 〈Ak〉k∈N0

extraite de A on aν (∪k∈N0Ak) =

∑k∈N0

ν(Ak) .

(On appelle ν une mesure signée). Dans ce cas il existe deux mesures finies ν+

et ν− définies sur A, telles que ν(A) = 0 entraîne ν+(A) = ν−(A) = 0, et

ν(A) = ν+(A)− ν−(A)

quel que soit A ∈ A.

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4.4 Dualité 116

Démonstration. On dit de A ∈ A qu’il est ν-positif (resp. ν-négatif) si pour toutE ∈ A tel que E ⊆ A on a ν(E) > 0 (resp. ν(E) 6 0). Par exemple ∅ est à lafois ν-positif et ν-négatif car ν(∅) = 0 par hypothèse.

Première étape : si A ∈ A et ν(A) < 0 alors il existe un ensemble ν-négatifB ∈ A tel que B ⊆ A et ν(B) 6 ν(A). On pose

δ1 = supν(E) : E ∈ A et E ⊆ A ∈ [0,∞] .

On choisit A1 ⊆ A tel que A1 ⊆ A et ν(A1) > minδ1/2, 1 > 0. On définit, parinduction sur k ∈ N0, des suites 〈δk〉k∈N0 et 〈Ak〉k∈N0 en posant

δk = supν(E) : E ∈ A et E ⊆ A \ ∪k−1

j=1Aj∈ [0,∞] ,

et en choisissant Ak ∈ A tel que Ak ⊆ A\∪k−1j=1Aj et ν(Ak) > minδk/2, 1 > 0.

Ensuite on pose A∞ = ∪k∈N0Ak et B = A \ A∞. Puisque la suite 〈Ak〉k∈N0

est disjointe, et que ν(Ak) > 0 pour tout k, on a ν(A∞) > 0, de sorte queν(A) = ν(A∞) + ν(B) > ν(B). Il reste à montrer que B est ν-négatif. PuisqueR 3 ν(A∞) =

∑k∈N0

ν(Ak) on a limk ν(Ak) = 0, et donc aussi limk δk = 0.Or chaque E ∈ A tel que E ⊆ B a la propriété ν(E) 6 δk pour tout k, d’oùν(E) 6 0.

Deuxième étape : il existe deux ensembles disjoints S+, S− ∈ A tels queS = S+ ∪ S−, S+ est ν-positif, et S− est ν-négatif. On pose

γ = infν(A) : A ∈ A est ν-négatif .

Choisissons une suite 〈Ak〉k∈N0 d’ensembles ν-négatifs dans A, telle que limk ν(Ak) =γ. On pose S− = ∪k∈N0Ak. Montrons d’abord que S− est ν-négatif. En effet, siE ∈ A et E ⊆ S− alors on pose

Ek = E ∩(Ak \ ∪k−1

j=1Aj),

de sorte que E = ∪k∈N0Ek, 〈Ek〉k∈N0 est disjointe, et ν(Ek) 6 0 car Ek ⊆ Akpour tout k, donc

ν(E) =∑k∈N0

ν(Ek) 6 0 .

Montrons ensuite que ν(S−) = γ. Puisque S− est ν-négatif on a évidemmentγ 6 ν(S−). Par ailleurs, k étant fixé, on partitionne

S− = Ak ∪(∪∞j=k+1

(Aj \ ∪j−1

l=kAl

)),

de sorte que

ν(S−) = ν(Ak) +∞∑

j=k+1ν(Aj \ ∪j−1

l=kAl

)6 ν(Ak)

car chaque Aj est ν-négatif. Par conséquent ν(S−) 6 infk ν(Ak) = γ. Il resteà montrer que S+ = S \ S− est ν-positif. Si ce n’était pas le cas, il existerait

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4.4 Dualité 117

A ∈ A tel que A ⊆ S+ et ν(A) < 0. D’après la première étape, il existerait alorsB ∈ A tel que B ⊆ A ⊆ S+, ν(B) 6 ν(A) < 0, et B est ν-négatif. On vérifieaisément que B ∪ S− serait ν-négatif, et ν(B ∪ S−) = ν(B) + ν(S−) < γ, unecontradiction.

Fin de la preuve. Etant donné A ∈ A on pose

ν+(A) = ν(S+ ∩A)ν−(A) = −ν(S− ∩A) .

On vérifie aisément que ν+ et ν− sont des mesures finies telles que ν = ν+−ν−,et ν+(A) = ν−(A) = 0 dès que ν(A) = 0.

4.4.18 4.4.18 Théorème. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré fini. Dans ce cas l’ap-plication linéaire

T : L∞(S,A, µ)→ L1(S,A, µ)∗

définie par〈u, T (v)〉 =

∫S

uvdµ

u ∈ u ∈ L1(S,A, µ), v ∈ v ∈ L∞(S,A, µ), est un isomorphisme isométrique.

Démonstration. Que T soit bien définie, linéaire, continue, et que ‖T (v)‖L∗1 6‖v‖L∞ résulte de 4.4.1. Il reste donc à montrer que T est isométrique et surjec-tive.

T est isométrique. Soit v ∈ L∞(S,A, µ). Nous devons établir que ‖T (v)‖L∗1 >‖v‖L∞ . On peut donc supposer que γ := ‖v‖L∞ > 0. Choisissons un représen-tant v ∈ v, et 0 < ε < γ. Posons

Aε = S ∩ |v| > γ − ε .

On a µ(Aε) > 0, par définition de ‖v‖L∞ . Puisqu’en outre µ(Aε) <∞, on peutdéfinir

uε = µ(Aε)−11Aε(signe v) .

On observe que uε ∈ L1(S,A, µ), ‖uε‖L1 = 1, et

‖T (v)‖L∗1 > 〈uε, T (v)〉

=∫S

uεvdµ

= µ(Aε)−1∫Aε

(signe v)vdµ

= µ(Aε)−1∫Aε

|v|dµ

> γ − ε .

Puisque ε est arbitraire, T est isométrique.

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4.4 Dualité 118

T est surjective. Soit α ∈ L1(S,A, µ)∗. A chaque A ∈ A on associe χA, laclasse d’équivalence de 1A dans L1(S,A, µ), et on définit

ν : A→ R : A 7→ 〈χA, α〉 .

Il est évident que ν(∅) = 0. La linéarité de α entraîne que ν est finiment additive,c’est-à-dire que ν(A ∪ B) = ν(A) + ν(B) si A,B ∈ A et A ∩ B = ∅. En effet,dans ce cas, 1A∪B = 1A + 1B , de sorte que χA∪B = χA + χB , et donc

ν(A ∪B) = 〈χA∪B , α〉 = 〈χA + χB , α〉 = 〈χA, α〉+ 〈χB , α〉 = ν(A) + ν(B) .

Soit à présent 〈Ak〉k∈N0 une suite disjointe dans A, et A = ∪k∈N0Ak. On observeque∥∥∥∥∥χA −

n∑k=1

χAk

∥∥∥∥∥L1

=∥∥∥χA − χ∪n

k=1Ak

∥∥∥L1

= µ (A \ ∪nk=1Ak)→ 0 quand n→∞ .

La continuité de α entraîne alors que

ν (∪k∈N0Ak) = 〈χA, α〉 = limn

⟨n∑k=1

χAk , α

⟩=∑k∈N0

ν(Ak) .

Par conséquent le théorème de décomposition de Jordan 4.4.17 s’applique :ν = ν+ − ν−. On observe que les mesures finies ν+ et ν− sont absolumentcontinues par rapport à µ. En effet, si µ(A) = 0, alors χA = 0 de sorte queν(A) = 〈χA, α〉 = 0, et donc aussi ν+(A) = ν−(A) = 0. Le théorème de Radon-Nikodým 4.4.16 assure l’existence de v+, v− ∈ L1(S,A, µ) telles que v+ > 0,v− > 0, et

ν+(A) =∫A

v+dµ

ν−(A) =∫A

v−dµ ,

(4.4) eq.15

quel que soit A ∈ A.Montrons que v+, v− ∈ L∞(S,A, µ). Faisons l’argument dans le cas de v+,

le cas de v− étant analogue. Soit ε > 0, et

A = S ∩ v+ > ‖α‖L∗1 + ε .

On a

µ(A)(‖α‖L∗1 + ε

)6∫A

v+dµ

= ν+(A) = 〈χA, α〉 6 ‖χA‖L1‖α‖L∗1 = µ(A)‖α‖L∗1 ,

et puisque µ(A) < ∞, il s’ensuit que µ(A) = 0, et donc ‖v+‖L∞ 6 ‖α‖L∗1 + ε.On pose v = v+ − v− ∈ L∞(S,A, µ).

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4.4 Dualité 119

Soit u ∈ L1(S,A, µ) telle que u > 0. Il suit de 4.1.5 et du théorème de conver-gence monotone qu’il existe une suite croissante de fonctions étagées positives〈uk〉k∈N0 extraite de L1(S,A, µ) telle que limk ‖u − uk‖L1 = 0. Les uk étantétagées, il suit de (4.4) que

〈uk, α〉 =∫S

ukdν =∫S

ukdν+ −

∫S

ukdν− =

∫S

ukvdµ .

On déduit à présent de la continuité de α et du théorème de convergence dominéeque

〈u, α〉 = limk〈uk, α〉 = lim

k

∫S

ukvdµ =∫S

uvdµ .

Finalement, si u ∈ L1(S,A, µ) on décompose u = u+−u− et on obtient aisément〈u, α〉 =

∫Suvdµ grâce au pas précédent. Par conséquent α = T (v).

4.4.19 4.4.19. — On dit d’un espace mesuré (S,A, µ) qu’il est σ-fini s’il existe unesuite 〈Ak〉k∈N0 dans A telle que S = ∪k∈N0Ak et µ(Ak) <∞ pour tout k ∈ N0.Par exemple (Rm,B(Rm),Lm) est σ-fini (il suffit de prendre Ak = B(0, k)).On observe également qu’on peut choisir en outre une suite 〈Ak〉k∈N0 disjointecomme ci-dessus.

4.4.20 4.4.20 Théorème. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré σ-fini. Dans ce cas l’ap-plication linéaire

T : L∞(S,A, µ)→ L1(S,A, µ)∗

définie par〈u, T (v)〉 =

∫S

uvdµ

u ∈ u ∈ L1(S,A, µ), v ∈ v ∈ L∞(S,A, µ), est un isomorphisme isométrique.

Démonstration. On choisit une partition A-mesurable 〈Ak〉k∈N0 de S telle queµ(Ak) < ∞ pour tout k ∈ N0. A chaque entier k on associe la tribu Ak =A ∩P(Ak) et une mesure finie

µk : Ak → R+ : E 7→ µ(E) .

On définit un «opérateur d’extension»

Tk : L1(Ak,Ak, µk)→ L1(S,A, µ)

en posant

Tk(u)(ξ) =u(ξ) si ξ ∈ Ak0 sinon

u ∈ u ∈ L1(Ak,Ak, µk). On laisse au lecteur le soin de vérifier que Tk(u) ∈L0(S,A), que ‖Tk(u)‖L1 = ‖u‖L1 et que Tk est linéaire. Soit α ∈ L1(S,A, µ)∗.

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4.5 Sous-espaces denses 120

On a α Tk ∈ L1(Ak,Ak, µk)∗. D’après 4.4.18 il existe vk ∈ L∞(Ak,Ak, µk)telles que ‖vk‖L∞ = ‖Tk α‖L1∗ 6 ‖α‖L∗1 , et

〈u, α Tk〉 =∫Ak

uvkdµk

quelle que soit u ∈ u ∈ L1(Ak,Ak, µk). On définit v : S → R en posant v(ξ) =vk(ξ) si ξ ∈ Ak. Le lecteur vérifiera aisément que v ∈ L0(S,A), et que v estessentiellement bornée.

Si u ∈ L1(S,A, µ) alors uk = u1Ak ∈ L1(Ak,Ak, µk) et u =∑k∈N0

Tk(uk)dans L1(S,A, µ) (d’après le théorème de convergence dominée), de sorte que

〈u, α〉 =∑k∈N0

〈Tk(uk), α〉 =∑k∈N0

∫Ak

ukvkdµ =∑k∈N0

∫S

1Akuvdµ =∫S

uvdµ

(à nouveau d’après le théorème de convergence dominée). Cela montre que Test surjective.

Pour montrer que T est une isométrie, c’est-à-dire (d’après 4.4.1) que ‖T (v)‖L∗1 >‖v‖L∞ , on observe que

‖v‖L∞ = supk∈N0

‖vk‖L∞

et on raisonne comme dans la première partie de la démonstration de 4.4.18.

4.4.21 4.4.21. — Concernant le dual de L∞(Rm,B(Rm),Lm), voir 4.5.9.

4.5 Sous-espaces denses4.5.1 4.5.1 Théorème. — Soit (S,A, µ) un espace mesuré, et 1 6 p < ∞. La col-

lectionLp,s(S,A, µ) = Lp(S,A, µ) ∩ u : ∃ u ∈ u qui est étagée

est un sous-espace vectoriel dense de Lp(S,A, µ)[‖ · ‖Lp ].

Démonstration. On laisse au lecteur la vérification (facile) du fait que Lp,s(S,A, µ)est un espace vectoriel. La densité est une conséquence de 4.1.5 et du théo-rème de convergence dominée. En effet, étant donné u ∈ u ∈ Lp(S,A, µ), onchoisit (grâce à 4.1.5(A), (B) et (E)) une suite 〈uk〉k∈N0 de fonctions étagées,A-mesurables, telle que(1) |uk| 6 |u| pour chaque k ∈ N0 ;(2) limk uk(ξ) = u(ξ) pour tout ξ ∈ S.

On déduit de (1) et du test de comparaison 4.1.7 que uk ∈ Lp(S,A, µ), k ∈ N0.Il reste à vérifier que limk ‖uk − u‖Lp = 0. On déduit de (2) que |uk − u| → 0partout, et on déduit de (1) que |u − uk|p 6 2p−1(|uk|p + |u|p) 6 2p|u|p. Parconséquent,

‖uk − u‖pLp =∫S

|uk − u|pdµ→ 0 quand k →∞ ,

d’après le théorème de convergence dominée.

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4.5 Sous-espaces denses 121

4.5.2 4.5.2 Théorème. — Soit (S,B(S), µ) un espace mesuré, où S est un espacemétrique et B(S) est la tribu des boréliens de S. On suppose que µ est finie,c’est-à-dire µ(S) <∞. Dans ce cas, pour tout borélien B ∈ B(S) on a

µ(B) = infµ(O) : B ⊆ O ∈ O(S)

etµ(B) = supµ(F ) : F(S) 3 F ⊆ B ,

où O(S) et F(S) désignent respectivement la collection des ouverts et la collec-tion des fermés de S.

Démonstration. Désignons par A la collection des boréliens B ∈ B(S) qui vé-rifient les deux conclusions du théorème. On observe que F(S) ⊆ A. En effet siB ⊆ S est fermé, alors la seconde égalité ci-dessus est trivialement vérifiée, etla première est également vérifiée car si l’on pose

Ok = S ∩ ξ : dist(ξ,B) < k−1 ,

alors 〈Ok〉k∈N0 est une suite décroissante d’ouverts tels que B = ∩k∈N0Ok etdonc, puisque µ est finie, µ(B) = limk µ(Ok).

Pour terminer la démonstration, il reste à établir que A est une tribu. SoitA ∈ A : montrons que S \ A ∈ A. Etant donné ε > 0, choisissons O ∈ O(S) etF ∈ F(S) tels que F ⊆ A ⊆ O et µ(F ) + ε > µ(A) > µ(O) − ε. Puisque µ estfinie on a µ(F c)− ε < µ(Ac) < µ(Oc) + ε. Or F(S) 3 Oc ⊆ Ac ⊆ F c ∈ O(S), desorte que Ac ∈ A.

Considérons à présent une suite 〈Ak〉k∈N0 dans A, et montrons que ∪k∈N0Ak ∈A. Etant donné ε > 0 et k ∈ N0, on choisit F(S) 3 Fk ⊆ Ak ⊆ Ok ∈ O(S) telque µ(Fk) + 2−kε > µ(Ak) > µ(Ok)− ε2−k. On note que µ(Ok − Fk) < 2−k+1εpour tout k ∈ N0, et par conséquent

µ ((∪kOk) \ (∪kFk)) 6 µ (∪k(Ok \ Fk)) 6∑k

µ(Ok \ Fk) < 4ε .

La suite 〈(∪∞k=0Ok) \ (∪jk=0Fj)〉j∈N0 étant décroissante, et la mesure µ étantfinie, il existe j ∈ N0 tel que

µ(

(∪∞k=0Ok) \(∪jk=0Fk

))6 5ε .

Il reste à observer que

F(S) 3 ∪jk=0Fk ⊆ ∪∞k=0Ak ⊆ ∪∞k=0Ok ∈ O(S) .

4.5.3 4.5.3 Corollaire. — Soit B ⊆ Rm un borélien tel que Lm(B) < ∞, etε > 0. Il existe un compact C ⊆ Rm et un ouvert U ⊆ Rm tels que C ⊆ B ⊆ Uet Lm(U \ C) < ε.

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4.5 Sous-espaces denses 122

Démonstration. Première étape : le choix de C. On définit µ : B(Rm) → R+

par la relation µ(A) = Lm(B ∩ A), A ∈ B(Rm), et on laisse au lecteur lesoin de vérifier qu’il s’agit d’une mesure (finie). Il suit de 4.5.2 appliqué à(Rm,B(Rm), µ) et à B qu’il existe un fermé F ⊆ B tel que µ(B \ F ) < ε

2 .On définit Fk = F ∩ B(0, k), k ∈ N0, de sorte que 〈Fk〉k∈N0 est une suitecroissante de compacts dont la réunion égale F . Par conséquent, puisque µ estfinie, on a limk µ(B \ Fk) = µ(B \ F ). Il existe donc un entier k ∈ N0 tel queµ(B \ Fk) < ε

2 . On pose C = Fk :

Lm(B \ C) = µ(B \ Fk) < ε

2 .

Deuxième étape : le choix de U . A chaque k ∈ N0 on associe une mesurefinie µk : B(Rm) → R+ définie par la relation µk(A) = Lm(U(0, k) ∩ A),A ∈ B(Rm). On applique 4.5.2 à (Rm,B(Rm), µk) et à Bk = U(0, k) ∩ B : ilexiste un ouvert Ok ⊆ Rm tel que Bk ⊆ Ok et µk(Ok \ Bk) < ε

2k+1 . On définitensuite Uk = U(0, k) ∩Ok, de sorte que Uk est un ouvert contenant Bk tel queµk(Uk \Bk) < ε

2k+1 également. Finalement on pose U = ∪k∈N0Uk : il s’agit d’unouvert contenant B, et

Lm(U \B) = Lm (∪k∈N0Uk \B) 6∑k∈N0

Lm(Uk \B)

6∑k∈N0

Lm(Uk \Bk) =∑k∈N0

µk(Uk \Bk) < ε

2 .

4.5.4 4.5.4. — Si C ⊆ U ⊆ Rm, C est compact et U est ouvert, alors il existeχ ∈ Cc(Rm) telle que 1C 6 χ 6 1U .

Montrons d’abord qu’il existe δ > 0 tel que pour tout ξ ∈ C on a dist(ξ,Rm\U) > δ. En effet, si ce n’était pas le cas, il correspondrait à chaque k ∈ N0 unξk ∈ C et un ζk ∈ Rm \ U tels que |ξk − ζk| < k−1. La compacité de Centraîne l’existence de ξ ∈ C et d’une sous-suite 〈ξσ(k)〉k∈N0 de 〈ξk〉k∈N0 tels queξ = limk ξk. Mais alors limk ζσ(k) = ξ également, de sorte que ξ ∈ Rm \ U carcet ensemble est fermé, une contradiction.

On définitχ(ξ) = max

1− dist(ξ, C)

δ, 0.

Il reste à observer que χ est lipschitzienne, suppχ ⊆ ξ : dist(ξ, C) 6 δ ⊆ U ,et que χ(ξ) = 1 si ξ ∈ C.

4.5.5 4.5.5 Théorème. — Si Ω ⊆ Rm est un ouvert non vide et 1 6 p < ∞ alorsl’image du «plongement»

Cc(Ω)→ Lp(Ω,B(Ω),Lm) : u 7→ u

est dense.

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4.5 Sous-espaces denses 123

Démonstration. Soit u ∈ u ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm) et ε > 0. D’après 4.5.1 il existeune fonction étagée v ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm) telle que ‖u − v‖Lp < ε. Soienty1, . . . , yn ∈ R et B1, . . . , Bn ∈ B(Ω) tels que

v =n∑j=1

yj1Bj .

On pose γ = max1, |y1|, . . . , |yn|. On applique 4.5.3 : il existe Cj ⊆ Bj ⊆ Ujtels que Cj est compact, Uj est ouvert, et

Lm(Uj \ Cj) <(ε

)p.

On applique ensuite 4.5.4 : il existe χj ∈ Cc(Ω) telle que 1Cj 6 χj 6 1Uj . Enparticulier,

‖1Bj − χj‖Lp =(∫

Rm|1Bj − χj |pdLm

) 1p

6 Lm(Uj \ Cj)1p 6

ε

nγ.

Finalement, on définit

ϕ =n∑j=1

yjχj

de sorte que ϕ ∈ Cc(Ω) et

‖v − ϕ‖Lp =

∥∥∥∥∥∥n∑j=1

yj1Bj −n∑j=1

yjχj

∥∥∥∥∥∥Lp

6n∑j=1|yj |‖1Bj − χj‖Lp 6 ε .

4.5.6 4.5.6. — On déduit aisément de 4.5.5 que Lp(Ω,B(Ω),Lm)[‖ · ‖Lp ] est unecomplétion de l’espace normé Cc(Ω)[‖ · ‖Lp ], 1 6 p < ∞. Cela répond à laquestion posée en 3.2.9.

4.5.10 4.5.7 Théorème (Lemme de Dubois-Reymond, version 1). — Soit Ω ⊆ Rmun ouvert non vide, 1 6 q 6 ∞, et v ∈ Lq(Ω,B(Ω),Lm). Si

∫Ω ϕvdL

m = 0pour tout ϕ ∈ Cc(Ω), alors v = 0 Lm presque partout.

Démonstration. Premier cas : q 6= 1. On note p l’exposant conjugué de q. L’hy-pothèse entraîne que 〈ϕ, T (v)〉 = 0 pour tout ϕ ∈ Cc(Ω). Il suit dès lors de 4.5.5que T (v) = 0. Or T est injective (cela suit de 4.4.12 si p 6= ∞ et de 4.4.20 sip =∞), donc v = 0.

Deuxième cas : q = 1. Supposons que v 6= 0. D’après 2.3.6 il existe α ∈L1(Ω,B(Ω),Lm)∗ telle que 〈v, α〉 6= 0. D’après 4.4.18 il existe u ∈ L∞(Ω,B(Ω),Lm)tel que α = T (u), en particulier

∫Ω vudL

m 6= 0. On choisit une suite croissantede compacts 〈Cj〉j∈N0 telle que Ω = ∪j∈N0Cj . Un entier j étant fixé, on observeque u1Cj ∈ L1(Ω,B(Ω),Lm), de sorte que 4.5.5 entraîne l’existence d’une suite

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4.5 Sous-espaces denses 124

〈ϕk〉k∈N0 telle que limk ‖ϕk − u1Cj‖L1 = 0. D’après 4.2.3 et 4.2.7 il existe unesous-suite 〈ϕσ(k)〉k∈N0 qui converge Lm presque partout vers u1Cj . Quitte àremplacer ϕσ(k) par maxϕσ(k), ‖u‖L∞χj ∈ Cc(Ω) (où 1Cj 6 χj 6 1Ω est don-née par 4.5.4) on peut supposer que |vϕσ(k)| 6 ‖u‖L∞ |v|χj ∈ L1(Ω,B(Ω),Lm).Par conséquent, il suit du théorème de convergence dominée que∫

Ωvu1CjdL

m = limk

∫Ωvϕσ(k)dL

m = 0 .

On applique une nouvelle fois le théorème de convergence dominée, faisant varierj, et l’on obtient ∫

ΩvudLm = lim

j

∫Ωvu1CjdL

m = 0 ,

une contradiction.

4.5.11 4.5.8. — Remarquons que la condition p 6= ∞ dans 4.5.5 n’est pas superflue.En fait, si ϕ ∈ Cc(Ω), alors ‖ϕ‖∞ = ‖ϕ‖L∞ . Or la complétion de Cc(Ω)[‖ · ‖∞]est C0(Ω)[‖ · ‖∞] (voir 3.2.6), et C0(Ω) 6= L∞(Ω,B(Ω),Lm). Cependant, le casq = 1 de 4.5.7 entraîne que l’image du plongement

Cc(Ω)→ L∞(Ω,B(Ω),Lm) : u 7→ u

est préfaiblement dense dans L∞(Ω,B(Ω),Lm) (c’est-à-dire relativement à latopologie S(L∗1,L1) où l’on a identifié L∗1 ∼= L∞, 4.4.18). Cela suit de 2.4.5 ap-pliqué à X = L∞(Ω,B(Ω),Lm) muni de la topologie préfaible T = S(L∞,L1)(qui est localement convexe, 2.5.2) et à Z = Cc(Ω). Afin de conclure il suf-fit d’observer que L∞[S(L∞,L1)]∗ ∼= L1 (attention à la confusion potentielleL∞[‖ · ‖L∞ ]∗ 6∼= L1, 4.5.9). Il s’agit en fait d’un énoncé général : si X[T] est unespace vectoriel topologique localement convexe et Y = X[T]∗, alors Y [S(Y,X)]∗est «canoniquement» isomorphe (en tant qu’espace vectoriel) à X. Nous laissonsau lecteur consciencieux le soin de vérifier en détail ces assertions.

4.5.12 4.5.9. — Montrons que l’application linéaire

T : L1(Rm,B(Rm),Lm)→ L∞(Rm,B(Rm),Lm)∗

définie par〈u, T (v)〉 =

∫Rm

uvdLm

u ∈ u ∈ L∞(Rm,B(Rm),Lm), v ∈ v ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm), n’est pas surjec-tive. En d’autres mots, L1 «n’est pas le dual» de L∞ (pour l’espace mesuré enquestion). On considère le «plongement»

P : Cc(Rm)→ L∞(Rm,B(Rm),Lm) : u 7→ u

et on observe que ‖P (u)‖L∞ = ‖u‖∞. On pose Z = imP et on définit sur Zune forme linéaire

α0 : Z → R : P (u) 7→ u(0) .

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4.5 Sous-espaces denses 125

Puisque |〈P (u), α0〉| 6 ‖P (u)‖L∞ on déduit du théorème de Hahn-Banach queα0 s’étend en α ∈ L∞(Rm,B(Rm),Lm)∗. Supposons que α = T (v) pour un cer-tain v ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm). On choisit, à l’aide de 4.5.4, une suite 〈χk〉k∈N0

dans Cc(Rm) telle que 1B(0,k−1) 6 χk 6 1U(0,2k−1). Etant donné ϕ ∈ Cc(Rm)on observe que ϕ(1−χk)→ ϕ partout sauf en ξ = 0 (en particulier Lm presquepartout). Dès lors, il suit du théorème de convergence dominée que∫

RmϕvdLm = lim

k

∫Rm

ϕ(1− χk)vdLm = limk〈ϕ(1− χk), α〉 = 0

car χk(0) = 1 pour chaque k ∈ N0. Puisque ϕ ∈ Cc(Rm) est arbitraire, ilsuit du lemme de Dubois-Reymond (4.5.7, cas q = 1) que v = 0, c’est-à-direα = T (v) = 0, une contradiction.

On suggère au lecteur de vérifier que les résultat de ce numéro entraîne queL1(Rm,B(Rm),Lm) n’est pas réflexif.

4.5.7 4.5.10 (Semi-cubes dyadiques). — Un ensemble D ⊆ Rm est appelé un semi-cube dyadique s’il existe des entiers k, j1, . . . , jm ∈ Z tels que

D = ×mi=1(ji2−k, (ji + 1)2−k] .

Ces entiers k, j1, . . . , jl sont déterminés univoquement par D et l’on appelle k lagénération de D. La collection de tous les semi-cubes dyadiques de générationk dans Rm est notée Dm

k , et la collection de tous les semi-cubes cubes dyadiquesdans Rm est notée Dm.

Les collections Dmk , k ∈ Z, de semi-cubes dyadiques vérifient les propriétés

suivantes.(1) Si D1, D2 ∈ Dm alors l’une des trois conditions suivantes est satisfaite :

(i) D1 ∩D2 = ∅ ;(ii) D1 ⊆ D2, auquel cas D1 est de génération plus grande que D2 ;(iii) D2 ⊆ D1, auquel cas D2 est de génération plus grande que D1 ;

(2) Chaque Dmk est une partition de Rm ;

(3) Si k1 6 k2 alors Dmk2

est un raffinement de Dmk1

au sens suivant : toutD2 ∈ Dm

k2est contenu dans un (unique) D1 ∈ Dm

k1;

(4) Si D ∈ Dmk alors diamD = 2−k

√m.

La conclusion (1) découle aussitôt de la définition dans le cas m = 1. Le casgénéral se ramène au cas m = 1 en observant que si D ∈ Dm

k alors πi(D) ∈D1k, où πi : Rm → R : ξ 7→ ξ(i) est une projection canonique sur un axe de

coordonnées. Ceci établit la conclusion (1), dont on déduit immédiatement quechaque Dm

k est une partition de Rm. Cela démontre la validité de la conclusion(2), tandis que (3) découle également de (1) et (2). Enfin, (4) résulte de ce quele diamètre de (0, 1]m égale

√m et chaque membre de Dm

k est le translaté del’image de (0, 1]m par une homothétie de rapport 2−k.

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4.5 Sous-espaces denses 126

4.5.8 4.5.11 Théorème (Un théorème de recouvrement). — Soit U ⊆ Rm un ou-vert. Il existe une collection C ⊆ Dm de semi-cubes dyadiques deux à deuxdisjoints, telle que

∪C = U .

Démonstration. On définit des collections C1,C2, . . . de semi-cubes dyadiques,par récurrence, de la manière suivante. La première collection est

C1 = Dm1 ∩ D : D ⊆ U .

On définit également A1 = ∪C1. Supposant que Ck est défini, on pose

Ck+1 = Dmk+1 ∩

D : D ⊆ U \ ∪kj=1Aj

et Ak+1 = ∪Ck+1. Il est évident que les membres de la collection C := ∪k>1Cksont deux à deux disjoints. Puisque clairement ∪C ⊆ U , il reste à établir l’in-clusion opposée.

Soit ξ ∈ U . Puisque U est un voisinage de ξ, il suit de 4.5.10(4) qu’il existedes entiers k ∈ N0 tels que l’unique D ∈ Dm

k qui contient ξ est contenu dans U .Notons k(ξ) le plus petit de ces entiers, etD(ξ) le semi-cube dyadique correspon-dant. La définition de k(ξ) et 4.5.10(3) entraînent aisément que D(ξ) ∩ Ak = ∅pour tout 1 6 k < k(ξ). Par conséquent D(ξ) ∈ Ck(ξ) et la démonstration estterminée.

4.5.9 4.5.12 Théorème. — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert non vide, et 1 6 p 6 ∞. Dansce cas Lp(Ω,B(Ω),Lm)[‖ · ‖Lp ] est séparable.

Démonstration. La collection des fonctions w =∑D∈F yD1D où F ⊆ Dm∩P(Ω)

est finie et yD ∈ Q, D ∈ F, est dénombrable. Montrons qu’elle est dense. Soitu ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm) et ε > 0. D’après 4.5.1 il existe une fonction étagéev ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm) telle que ‖u − v‖Lp < ε. On choisit y1, . . . , yn ∈ R etB1, . . . , Bn ∈ B(Ω) tels que

v =n∑j=1

yj1Bj .

On pose γ = max1, |y1|, . . . , |yn|. On applique 4.5.3 : il existe des ouvertsUj ⊇ Bj contenus dans Ω, tels que

Lm(Uj \Bj) <(ε

)p.

Il suit de 4.5.11 qu’il existe des collections finies Cj de semi-cubes dyadiquestelles que

Lm(Uj \ ∪Cj) <(ε

)p.

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4.6 Fubini, Tonelli, et support 127

On déduit de ceci que∥∥1∪Cj − 1Bj∥∥Lp 6 Lm(Bj ∪Cj)1p 6 p√

2(ε

).

On choisit ensuite y′j ∈ Q tels que |y′j | 6 |yj | et

|y′j − yj | <ε

n p√

Lm(Bj).

On définit à présent

w =n∑j=1

y′j1∪Cj =n∑j=1

∑D∈Cj

y′j1D .

Il reste à observer que

‖v − w‖Lp =

∥∥∥∥∥∥n∑j=1

yj1Bj −n∑j=1

y′j1∪Cj

∥∥∥∥∥∥Lp

6n∑j=1|yj − y′j |‖1Bj‖Lp +

n∑j=1|y′j |

∥∥1Bj − 1∪Cj∥∥Lp6 (1 + p

√2)ε .

4.6 Fubini, Tonelli, et support4.6.1 4.6.1. — Considérons trois entiers m1,m2,m ∈ N0 tels que m1 +m2 = m. On

identifie Rm ∼= Rm1 × Rm2 . Etant donné ξ ∈ Rm1 on définit

uξ : Rm2 → R : ζ 7→ u(ξ, ζ) ,

et de manière analogue, on associe à ζ ∈ Rm2 la fonction

uζ : Rm1 → R : ξ 7→ u(ξ, ζ) .

On vérifie que si u ∈ L0(Rm,B(Rm)) alors uξ ∈ L0(Rm2 ,B(Rm2)) pour toutξ ∈ Rm1 , et uζ ∈ L0(Rm1 ,B(Rm1)) pour tout ζ ∈ Rm2 .

4.6.2 4.6.2 Théorème (Fubini). — Soit u ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm).(A) Pour Lm1 presque tout ξ ∈ Rm1 , uξ ∈ L1(Rm2 ,B(Rm2),Lm2), et la

fonction

Rm1 → R : ξ 7→∫

Rm2 uξ(ζ)dLm2(ζ) si uξ ∈ L1(Rm2 ,B(Rm2),Lm2)0 sinon

est B(Rm1)-mesurable et Lm1-sommable ;

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4.6 Fubini, Tonelli, et support 128

(B) Pour Lm2 presque tout ζ ∈ Rm2 , uζ ∈ L1(Rm1 ,B(Rm1),Lm1), et lafonction

Rm2 → R : ζ 7→∫

Rm1 uζ(ξ)dLm1(ξ) si uζ ∈ L1(Rm1 ,B(Rm1),Lm1)

0 sinon

est B(Rm2)-mesurable et Lm2-sommable ;(C) Les intégrales itérées suivantes coïncident avec l’intégrale de u :∫

RmudLm =

∫Rm1

(∫Rm2

uξ(ζ)dLm2(ζ))dLm1(ξ)

=∫Rm2

(∫Rm1

uζ(ξ)dLm1(ξ))dLm2(ζ) .

4.6.3 4.6.3 Théorème (Tonelli). — Soit u ∈ L0(Rm,B(Rm)) une fonction positive.Si l’une des deux conditions suivantes est vérifiée(A) Pour Lm1 presque tout ξ ∈ Rm1 , uξ ∈ L1(Rm2 ,B(Rm2),Lm2), et∫

Rm1

(∫Rm2

uξ(ζ)dLm2(ζ))dLm1(ξ) <∞ ;

(B) Pour Lm2 presque tout ζ ∈ Rm2 , uζ ∈ L1(Rm1 ,B(Rm1),Lm1), et∫Rm2

(∫Rm1

uζ(ξ)dLm1(ξ))dLm2(ζ) <∞ ;

alors u ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm) (et donc, d’après le théorème de Fubini, lesdeux conditions ci-dessus sont vérifiées et les deux intégrales itérées coïncidentavec l’intégrale de u).

4.6.4 4.6.4 (Support d’une classe d’équivalence de fonctions boréliennes). — Soit Ω ⊆Rm un ouvert non vide. On rappelle la notion de support d’une fonction continueu ∈ C(Ω), définie en 2.2.1,

suppu = adhΩξ : u(ξ) 6= 0 .

Certaines propriétés utiles du support ont également été établies en 2.2.1. Noussouhaitons à présent définir une notion analogue pour u ∈ L0(Rm,B(Rm)). Ob-servons qu’on ne peut pas simplement choisir un représentant u ∈ u et déclarerque supp u = adhΩξ : u(ξ) 6= 0. En effet, cet ensemble n’est pas indépendantdu choix d’un représentant u ∈ u. En fait, si D ⊆ Ω est dense et dénombrable,et u ∈ u alors la fonction u : Ω→ R définie par

u(ξ) =

1 si ξ ∈ D et u(ξ) = 0u(ξ) sinon

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4.6 Fubini, Tonelli, et support 129

coïncide Lm presque partout avec u (car Lm(D) = 0) et adhΩξ : u(ξ) 6=0 ⊇ adhΩD = Ω. La notion de support défini de cette manière est doncinintéressante.

Afin de motiver la définition, faisons l’observation suivante. Si u ∈ C(Ω)alors O = Ω \ suppu est un ouvert ayant la propriété que voici : si ξ ∈ Oalors u(ξ) = 0. En fait, il s’agit du plus grand ouvert ayant cette propriété. End’autres mots, suppu est la réunion des ouverts qui jouissent de cette propriété.

Soit u ∈ L0(Ω,B(Ω)). On définit le support de u comme étant l’ensemble(relativement) fermé

suppu = Ω \ ∪O : O est un ouvert de Ωtel que pour Lm presque tout ξ ∈ O on a u(ξ) = 0 .

Observons que si u ∈ C(Ω) alors la nouvelle définition coïncide avec l’ancienne,de sorte que l’usage de la notation suppu dans les deux cas n’introduit pasd’ambigüité.

Remarquons que la collection des ouverts O qui apparaissent dans la dé-finition reste inchangée si u est altérée sur un ensemble Lm négligeable. End’autres mots, si u = u Lm presque partout, alors suppu = supp u. Par consé-quent on peut définir le support de u ∈ L0(Rm,B(Rm)) comme étant celui den’importe lequel de ses représentants, supp u = suppu.

4.6.5 4.6.5 Théorème. — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert non vide, et u,v ∈ L0(Ω,B(Ω)).(A) Pour tout u ∈ u, u(ξ) = 0 pour Lm presque tout ξ ∈ Rm \ supp u ;(B) supp u = ∅ si et seulement si u = 0 ;(C) supp(u + v) ⊆ (supp u) ∪ (supp v) ;(D) supp(uv) ⊆ (supp u) ∩ (supp v) ;(E) (supp u) ∩ (supp v) = ∅ entraîne uv = 0.

Démonstration. (A) On désigne par O la collection des ouverts qui apparaissentdans la définition de suppu, i.e.

O = O : O est un ouvert de Ω et pour Lm presque tout ξ ∈ Oon a u(ξ) = 0 .

On pose O∗ = ∪O = Ω \ suppu. Notre tâche est donc de montrer que O∗ ∈O. Notons que la collection O n’est pas (en général) dénombrable. Elle est«héréditaire» au sens suivant : si O′ ⊆ O ∈ O et O′ est ouvert, alors O′ ∈ O.Pour chaque ξ ∈ Rm notons

B(ξ) = P(Rm) ∩

U(ξ,

1k

): k ∈ N0

,

(qui constitue une base de voisinages de ξ, voir 1.2.6), et désignons par D ⊆ Ωun sous-ensemble dense dénombrable. A chaque ∅ 6= O ∈ O et chaque ξ ∈ O

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4.6 Fubini, Tonelli, et support 130

on peut associer ξ′ ∈ D et k ∈ N0 tels que ξ ∈ U(ξ′, k−1) ⊆ O. On poseU(O, ξ) = U(ξ′, k−1) et on observe que U(O, ξ) ∈ O et que

∪O = ∪O∈Oξ∈O

U(O, ξ) .

Or les ensembles U(O, ξ) sont extraits de la collection dénombrable U : U ∈B(ξ) et ξ ∈ D. Par conséquent il existe une numérotation U(O, ξ) : O ∈O et ξ ∈ O = U1, U2, . . ., et à chaque k ∈ N0 correspond Nk ∈ B(Ω) telque Lm(Nk) = 0 et u(ξ) = 0 pour tout ξ ∈ Uk \ Nk. On pose N = ∪k∈N0Nk,de sorte que Lm(N) = 0, et u(ξ) = 0 pour tout ξ ∈ (∪k∈N0Uk) \ N . Puisque∪k∈N0Uk = O∗, la preuve est terminée.

(B) Si supp u = ∅ et u ∈ u alors il suit de (A) que u s’annule Lm presquepartout, donc u = 0. Réciproquement, si u = 0 et u ∈ u, alors u s’annule Lm

presque partout, de sorte que Ω ∈ O (notation du paragraphe précédent) etdonc supp u = ∅.

(C) Soit u ∈ u et v ∈ v. Supposons que O ⊆ Ω est ouvert et n’intersecte nisupp u ni supp v. Cela signifie que u s’annule Lm presque partout dans O, etque v s’annule Lm presque partout dans O également : c’est donc aussi le casde u+ v. Par conséquent O n’intersecte pas supp(u + v).

(D) Soit u ∈ u et v ∈ v. Supposons que O ⊆ Ω est un ouvert qui n’inter-secte pas supp u ou qui n’intersecte pas supp v. Cela signifie que u s’annule Lm

presque partout dans O, ou que v s’annule Lm presque partout dans O, parconséquent uv s’annule Lm presque partout dans O. Il s’ensuit que O n’inter-secte pas supp(uv).

(E) est une conséquence de (B) et de (D).

4.6.6 4.6.6. — Si u ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm) alors il suit de 4.6.5(A) que u et u1suppucoïncident Lm-presque partout. Par conséquent,∫

RmudLm =

∫suppu

udLm .

On en déduit en particulier la version suivante de l’inégalité de Hölder. Si 1 6p 6 ∞ et 1 6 q 6 ∞ sont des exposants conjugués, u ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm)et v ∈ Lq(Rm,B(Rm),Lm), alors∣∣∣∣∫

RmuvdLm

∣∣∣∣ =∣∣∣∣∫

suppuvuvdLm

∣∣∣∣6

(∫suppuv

|u|pdLm

) 1p(∫

suppuv|v|qdLm

) 1q

6

(∫supp v

|u|pdLm

) 1p(∫

suppu|v|qdLm

) 1q

,

où la dernière inégalité est une conséquence de 4.6.5(D).

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4.7 Produit de convolution 131

4.7 Produit de convolution4.7.1 4.7.1. — Soit u : Rm → R et a ∈ Rm. On définit u : Rm → R par u(ξ) = u(−ξ),

et τau : Rm → R par τau(ξ) = u(ξ − a). Si u est B(Rm)-mesurable, alors u etτau le sont également. En outre, si u et v coïncident Lm presque partout, alorsu et v également, ainsi que τau et τav. Si u ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm), 1 6 p 6∞,alors u, τau ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm) et

‖u‖Lp = ‖u‖Lp = ‖τau‖Lpcar Lm est invariante par translation et symétrie. Par conséquent les opérateurslinéaires

Lp(Rm,B(Rm),Lm)→ Lp(Rm,B(Rm),Lm) : u 7→ u

etLp(Rm,B(Rm),Lm)→ Lp(Rm,B(Rm),Lm) : u 7→ τau

sont bien définis, et continus. On note également que

τa(τhu) = τa+hu, τau = (τau) , τ0u = u .

4.7.2 4.7.2 Théorème. — Soient 1 6 p <∞ et u ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm). L’appli-cation

Φu : Rm → Lp(Rm,B(Rm),Lm) : a 7→ τauest uniformément continue.

Démonstration. Etant donné a, h ∈ Rm on rappelle que

‖τa+hu− τau‖Lp = ‖τhu− u‖Lp ,

par conséquent il suffit d’établir que Φu est continue en a = 0.Premier cas : supposons qu’il existe u 3 u ∈ Cc(Rm). Etant donné ε > 0 on

choisit δ > 0 tel que pour tous ξ, h ∈ Rm, si |h| < δ alors |u(ξ + h)− u(ξ)| < ε.Si |a| < δ alors

‖τau− u‖Lp =(∫

Rm|u(ξ − a)− u(ξ)|p

) 1p

6 ε (Lm(supp τau) + Lm(suppu))1p

= ε(2Lm(suppu))1p .

Par conséquent Φu est continue en a = 0, et donc uniformément continue d’aprèsle premier paragraphe.

Cas général. D’après 4.5.5 il existe une suite 〈uk〉k∈N0 dans Cc(Rm) telle quelimk ‖uk − u‖Lp → 0. On observe que pour tout a ∈ Rm,

‖Φuk(a)− Φu(a)‖Lp = ‖τauk − τau‖Lp= ‖τa(uk − u)‖Lp= ‖uk − u‖Lp .

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4.7 Produit de convolution 132

En d’autres mots, la suite 〈Φuk〉k∈N0 converge uniformément dans Rm vers Φu.Puisque chaque Φuk est uniformément continue (cas précédent), Φu l’est aussi.

4.7.3 4.7.3. — Soient u, v ∈ L0(Rm,B(Rm)). On dit que u et v sont convolables si(τξu)v ∈ L1(Rm) si Lm presque tout ξ ∈ Rm. Pour ces valeurs de ξ on définit

(u ∗ v)(ξ) =∫Rm

(τξu)vdLm =∫Rm

u(ξ − ζ)v(ζ)dLm(ζ) ,

pour les autres valeurs de ξ on pose (u∗v)(ξ) = 0, et l’on appelle u∗v le produitde convolution de u et v. On démontre (de manière analogue à la preuve duthéorème de Fubini) que u ∗ v ∈ L0(Rm,B(Rm)).

4.7.4 4.7.4 Théorème. — Soient u, v, w ∈ L0(Rm,B(Rm)).(A) Si u et v sont convolables, alors v et u le sont également, et (u ∗ v)(ξ) =

(v ∗ u)(ξ) pour Lm presque tout ξ ∈ Rm ;(B) Si u et v sont convolables, et si u et w sont convolables, alors u et v + w

le sont également, et [u ∗ (v + w)](ξ) = (u ∗ v)(ξ) + (u ∗ w)(ξ) pour Lm

presque tout ξ ∈ Rm ;(C) Si u et w sont convolables, et si v et w sont convolables, alors u+ v et w

le sont également, et [(u+ v) ∗ w)](ξ) = (u ∗ w)(ξ) + (v ∗ w)(ξ) pour Lm

presque tout ξ ∈ Rm ;(D) Si u et v sont convolables, alors

supp(u ∗ v) ⊆ adh[supp(u) + supp(v)] ;

(E) Si |u| et |v| sont convolables, alors il en est de même de u et v, et |(u ∗v)(ξ)| 6 (|u| ∗ |v|)(ξ) pour Lm presque tout ξ ∈ Rm.

Démonstration. Il suit du théorème de changement de variables que si (τξu)v ∈L1(Rm,B(Rm),Lm) alors (τξ v)u ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm) :∫

Rmu(ξ − ζ)v(ζ)dLm(ζ) =

∫Rm

u(ω)v(ξ − ω)dLm(ω) .

Cela prouve (A). Si (τξu)w, (τξ v)w ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm) alors leur somme(τξ(u + v) )w ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm) et la deuxième partie de la conclusion(B) suit de la linéarité de l’intégrale. La conclusion (C) est une conséquenceimmédiate de (A) et (B). Démontrons (D). Soient ξ0 ∈ Rm et r > 0 tels queB(ξ0, r) ∩ [supp(u) + supp(v)] = ∅. Soit ξ ∈ B(ξ0, r). On a

supp(τξu)v ⊆ (ξ − suppu) ∩ (supp v) = ∅

sinon il existerait ξ1 ∈ suppu et ξ2 ∈ supp v tels que ξ − ξ1 = ξ2, de sorteque ξ = ξ1 + ξ2 ∈ supp(u) + supp(v), une contradiction. Par conséquent ξ0 6∈suppu ∗ v, ce qui établit (D). En ce qui concerne (E), il suffit d’observer que|(τξu)v| = (τξ(|u| ))|v| pour tout ξ ∈ Rm.

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4.7 Produit de convolution 133

4.7.5 4.7.5. — Concernant la conclusion (D) ci-dessus, notons que même si suppu etsupp v sont fermés, leur somme (suppu) + (supp v) ne l’est pas nécessairement,d’où la nécessité de faire apparaître son adhérence dans l’énoncé. Cependant sisuppu ou supp v est compact, alors leur somme est automatiquement fermée. Eneffet, si F ⊆ Rm est fermé, et C ⊆ Rm est compact, alors F +C est fermé. Pours’en convaincre, considérons une suite 〈ξk〉k∈N0 dans F et une suite 〈ζk〉k∈N0 dansC, telles que la suite 〈ξk + ζk〉k∈N0 converge dans Rm. Nous devons montrer quesa limite appartient à F +C. La compacité de C entraîne l’existence de ζ ∈ C etd’une sous-suite 〈ζσ(k)〉k∈N0 convergeant vers ζ. Puisque 〈ξσ(k) + ζσ(k)〉k∈N0 estégalement convergente, on en déduit que 〈ξσ(k)〉k∈N0 converge aussi. Appelonsξ ∈ Rm sa limite. Puisque F est fermé, on a ξ ∈ F . Par conséquent la limite dela suite 〈ξk + ζk〉k∈N0 est forcément ξ + ζ ∈ F +C. Incidemment, cet argumentest valide pour des sous-ensembles F et C d’un espace normé quelconque.

4.7.6 4.7.6 Théorème. — Soient 1 6 p 6∞ et 1 6 q 6∞ des exposants conjugués,u ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm) et v ∈ Lq(Rm,B(Rm),Lm). Dans ce cas, u et v sontconvolables. En outre,(A) u ∗ v ∈ Cb(Rm) et ‖u ∗ v‖∞ 6 ‖u‖Lp‖v‖Lq ;(B) Si p = 1 et si supp v est compact, alors u ∗ v ∈ C0(Rm) ;(C) Si 1 < p <∞ alors u ∗ v ∈ C0(Rm).

Démonstration. Si ξ ∈ Rm alors τξu ∈ Lp(Rm) d’après le théorème de change-ment de variables, d’où (τξu)v ∈ L1(Rm) d’après l’inégalité de Hölder, et∣∣∣∣∫

Rm(τξu)vdLm

∣∣∣∣ 6 ‖u‖Lp‖v‖Lq .En particulier, u et v sont convolables, et en fait (u ∗ v)(ξ) est défini pour toutξ ∈ Rm et est borné : ‖u ∗ v‖∞ 6 ‖u‖Lp‖v‖Lq . De plus, pour tout h ∈ Rm on a

|(u ∗ v)(ξ + h)− (u ∗ v)(ξ)| =∣∣∣∣∫

Rm(u(ξ + h− ζ)− u(ξ − ζ))v(ζ)dLm(ζ)

∣∣∣∣6 ‖τξ+hu− τξu‖Lp‖v‖Lq .

Si p 6=∞ alors Φu est uniformément continue (voir 4.7.2), et l’on en déduit queu∗v est uniformément continue également, ce qui termine la preuve de (A) dansce cas. Si p = ∞, alors q = 1 et le cas précédent s’applique en échangeant lesrôles de u et v (voir 4.7.4(A)).

(B) Supposons d’abord que suppu est compact également. On déduit de4.7.4(D) et 4.7.5 que

suppu ∗ v ⊆ adh[supp(u) + supp(v)] = supp(u) + supp(v)

qui est un sous-ensemble compact de Rm. Or u ∗ v est continue d’après laconclusion (A), donc u ∗ v ∈ Cc(Rm). Montrons à présent comment se pas-ser de l’hypothèse que suppu est compact. Puisque Cc(Rm) est dense dans

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4.7 Produit de convolution 134

L1(Rm,B(Rm),Lm) d’après 4.5.5, il existe une suite 〈uk〉k∈N0 dans Cc(Rm)telle que limk ‖uk − u‖L1 = 0. Il suit de (A) que

‖uk ∗ v − u ∗ v‖∞ = ‖(uk − u) ∗ v‖∞ 6 ‖uk − u‖L1‖v‖L∞pour tout k ∈ N0, de sorte que 〈uk ∗ v〉k∈N0 converge uniformément dans Rmvers u∗v. Puisque chaque uk ∗v appartient à Cc(Rm), leur limite uniforme u∗vappartient à la complétion de Cc(Rm)[‖ ·‖∞], c’est-à-dire à C0(Rm) (voir 3.2.6).

(C) A nouveau, supposons d’abord que suppu est compact. Choisissons r > 0tel que suppu ⊆ B(0, r). Il suit du théorème de convergence monotone que

limk

∫B(0,k)

|v|qdLm =∫Rm|v|qdLm .

Puisque |v|q ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm) on a aussi

limk

∫Rm\B(0,k)

|v|qdLm = 0 .

Etant donné ε > 0 il existe k0 ∈ N0 tel que∫Rm\B(0,k0) |v|

qdLm 6 ε. Si ξ ∈ Rm

et |ξ| > k0 + r alors supp τξu ⊆ Rm \B(0, k0), et donc

|(u ∗ v)(ξ)| 6∫Rm|(τξu)v|dLm

6 ‖u‖Lp

(∫Rm\B(0,k0)

|v|qdLm

) 1q

6 ‖u‖Lpε1q .

Or u∗v est continue d’après la conclusion (A), de sorte que u∗v ∈ C0(Rm). Dansle cas où suppu n’est pas compact, on termine la preuve de manière analogueau cas (B) ci-dessus.

4.7.7 4.7.7. — Si p = 1, la fonction continue u ∗ v n’est pas forcément évanescente.Pour s’en convaincre il suffit de considérer la fonction constante v = 1Rm . Onobserve que (u ∗ v)(ξ) =

∫Rm τξudL

m =∫Rm udL

m pour tout ξ ∈ Rm. Parconséquent, pour tout u ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm) telle que

∫Rm udL

m 6= 0, u ∗ vest constante non nulle.

4.7.8 4.7.8 Théorème (Inégalité de Young). — Soient 1 6 p 6 ∞ et 1 6 q 6 ∞tels que

1p

+ 1q> 1

et définissons 1 6 r 6∞ par la formule1r

= 1p

+ 1q− 1 .

Si u ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm) et v ∈ Lq(Rm,B(Rm),Lm), alors u et v sontconvolables, u ∗ v ∈ Lr(Rm,B(Rm),Lm) et ‖u ∗ v‖Lr 6 ‖u‖Lp‖v‖Lq .

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4.7 Produit de convolution 135

Démonstration. Si r =∞ alors p et q sont conjugués et les conclusions découlentde 4.7.6. Supposons donc que r <∞, de sorte que p <∞ et q <∞ également.D’après 4.7.4(E), il n’y aucune restriction à supposer en outre que u > 0 etv > 0. Le schéma de la démonstration consiste à montrer que l’intégrale itéréeen ξ et ζ est finie, ensuite invoquer le théorème de Tonelli pour conclure quela fonction correspondante de ξ et ζ est intégrable sur Rm × Rm, et finalements’en référer au théorème de Fubini pour justifier les calculs.

Considérons d’abord le cas p = 1, donc r = q. On applique l’inégalité deHölder à la mesure µ : B(Rm) → R+ définie par µ(B) =

∫BudLm, et l’on

obtient∫Rm

v(ξ − ζ)u(ζ)dLm(ζ) =∫Rm

v(ξ − ζ)dµ(ζ)

6

(∫Rm|v(ξ − ζ)|qdµ(ζ)

) 1q

µ(Rm)1− 1q ,

et donc aussi∫Rm

dLm(ξ)(∫

Rmv(ξ − ζ)u(ζ)dLm(ζ)

)q6

(∫Rm

dLm(ξ)∫Rm

v(ξ − ζ)qu(ζ)dLm(ζ))(∫

Rmu(ζ)dLm(ζ)

)q−1

= ‖u‖L1‖v‖qLq‖u‖q−1

L1= ‖u‖qL1

‖v‖qLq .

Il reste à traiter le cas 1 < p <∞, 1 < q <∞, où l’on a maxp, q < r <∞.On écrit

u(ξ − ζ)v(ζ) = upr (ξ − ζ)v

qr (ζ)u1− pr (ξ − ζ)v1− qr (ζ)

et l’on applique l’inégalité de Hölder à l’exposant r et à son conjugué r′ = rr−1 ,∫

Rmu(ξ − ζ)v(ζ)dLm(ζ)

6

(∫Rm

up(ξ − ζ)vq(ζ)dLm(ζ)) 1r(∫

Rmur−pr−1 (ξ − ζ)v

r−qr−1 (ζ)dLm(ζ)

)1− 1r

.

On majore ensuite la seconde intégrale grâce à l’inégalité de Hölder appliquée àla paire d’exposants conjugués

s = p(r − 1)r − p

et s′ = q(r − 1)r − q

.

On laisse au lecteur le soin de vérifier qu’ils sont effectivement conjugués (choixde r en fonction de p et q). Donc,∫

Rmur−pr−1 (ξ − ζ)v

r−qr−1 (ζ)dLm(ζ)

6

(∫Rm

up(ξ − ζ)dLm(ζ)) r−pp(r−1)

(∫Rm

vq(ζ)dLm(ζ)) r−qq(r−1)

,

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4.7 Produit de convolution 136

et, finalement,∫Rm

dLm(ξ)(∫

Rmu(ξ − ζ)v(ζ)dLm(ζ)

)r6

(∫Rm

dLm(ξ)∫Rm

up(ξ − ζ)vq(ζ)dLm(ζ))×

×(∫

Rmup(ξ − ζ)dLm(ζ)

) r−pp(∫

Rmvq(ζ)dLm(ζ)

) r−qq

= ‖u‖pLp‖v‖qLq‖u‖r−pLp

‖v‖r−qLq= ‖u‖rLp‖v‖

rLq .

4.7.9 4.7.9 Théorème (Commutativité). — Soient 1 6 p 6 ∞, 1 6 q 6 ∞ et1 6 r 6∞ tels que

1p

+ 1q

+ 1r> 2

et définissons 1 6 s 6∞ par la formule

1s

= 1p

+ 1q

+ 1r− 2 .

Si u ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm), v ∈ Lq(Rm,B(Rm),Lm) et w ∈ Lr(Rm,B(Rm),Lm),alors u et v ∗ w sont convolables, u ∗ v et w sont convolables, et

u ∗ (v ∗ w) = (u ∗ v) ∗ w ∈ Ls(Rm,B(Rm),Lm) .

Démonstration. On commence par observer que 1p + 1

q > 1 et 1q + 1

r > 1 de sorteque u et v sont convolables, et v et w sont convolables, d’après 4.7.8, et en outre

u ∗ v ∈ La(Rm,B(Rm),Lm) où 1a

= 1p

+ 1q− 1

v ∗ w ∈ Lb(Rm,B(Rm),Lm) où 1b

= 1q

+ 1r− 1 .

A nouveau d’après 4.7.8, u ∗ v et w sont convolables car

1a

+ 1r

= 1p

+ 1q− 1 + 1

r> 1

et (u ∗ v) ∗ w ∈ Ls(Rm,B(Rm),Lm) où

1s

= 1a

+ 1r− 1 = 1

p+ 1q

+ 1r− 2 .

De manière analogue, u et v∗w sont convolables, et u∗(v∗w) ∈ Ls(Rm,B(Rm),Lm).Il reste à vérifier que u ∗ (v ∗ w) = (u ∗ v) ∗ w. Cela suit du théorème de Fubini

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4.8 Approximation de l’unité 137

et du théorème de changement de variables :

[u ∗ (v ∗ w)(ξ)] =∫Rm

u(ξ − ζ)(v ∗ w)(ζ)dLm(ζ)

=∫Rm

u(ξ − ζ)(∫

Rmv(ζ − ω)w(ω)dLm(ω)

)dLm(ζ)

=∫Rm

w(ω)(∫

Rmu(ξ − ζ)v(ζ − ω)dLm(ζ)

)dLm(ω)

=∫Rm

w(ω)(∫

Rmu(ξ − ζ − ω)v(ζ)dLm(ζ)

)dLm(ω)

=∫Rm

w(ω)(u ∗ v)(ξ − ω)dLm(ω)

= [w ∗ (u ∗ v)](ξ) .

4.8 Approximation de l’unité4.8.1 4.8.1. — Observons que nous avons à présent muni L1(Rm,B(Rm),Lm) de

deux opérations algébriques : l’addition + et le produit de convolution

∗ :L1(Rm,B(Rm),Lm)× L1(Rm,B(Rm),Lm)→ L1(Rm,B(Rm),Lm)(u,v) 7→ u ∗ v .

Il suit en effet de 4.7.8 appliqué à p = q = 1 que si u, v ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm)alors u∗v ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm). Il suit de 4.7.9 que (L1(Rm,B(Rm),Lm),+, ∗)est un anneau commutatif. Il suit également de 4.7.8 que

‖u ∗ v‖L1 6 ‖u‖L1‖v‖L1 .

On laisse au lecteur le soin de vérifier que l’opérateur (bilinéaire) ∗ défini ci-dessus est, par conséquent, continu.

4.8.2 4.8.2 Théorème. — L’anneau commutatif (L1(Rm,B(Rm),Lm),+, ∗) n’ad-met pas d’unité (c’est-à-dire d’élément neutre pour le produit (de convolution)).

Démonstration. Une unité, si elle existait, serait un membre e ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm)tel que u = e ∗ u pour tout u ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm), d’où u = e ∗ u Lm

presque partout, pour tout u ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm). Si l’on suppose en outreque u ∈ L∞(Rm,B(Rm),Lm), alors pour tous ξ, h ∈ Rm on aurait

|(e ∗ u)(ξ + h)− (e ∗ u)(ξ)| 6∫Rm|e(ξ + h− ζ)− e(ξ − ζ)||u(ζ)|dLm(ζ)

6 ‖u‖L∞‖τξ+he− τξe‖L1

= ‖u‖L∞‖τhe− e‖L1 .

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4.8 Approximation de l’unité 138

D’après 4.7.2, e ∗ u serait (uniformément) continue dans Rm. Or il existe desfonctions u ∈ L∞(Rm,B(Rm),Lm) ne sont pas Lm presque partout égalesà une fonction continue (considérer par exemple u = 1A où A ⊆ Rm est unborélien tel que 0 < Lm(A) <∞).

4.8.3 4.8.3. — Supposons à nouveau, comme dans la démonstration ci-dessus, qu’uneunité e existe. A chaque ξ ∈ Rm on associe une mesure «signée» µξ : B(Rm)→R définie par la relation µξ(B) =

∫Bτξ edLm. Pour chaque u ∈ Cc(Rm) on

auraitu(ξ) =

∫Rm

u(ζ)dµξ(ζ) (4.5) eq.16

pour Lm presque tout ξ ∈ Rm. Or les deux membres que l’identité ci-dessussont des fonctions continues de ξ (concernant le membre de droite, cf. la dé-monstration précédente), par conséquent (4.5) serait valide pour tout ξ ∈ R ettout u ∈ Cc(Rm). Or pour ξ ∈ Rm fixé on a

u(ξ) =∫Rm

u(ζ)dδξ(ζ)

quel que soit u ∈ Cc(Rm), de sorte que µξ = δξ est une mesure de Dirac.Ceci nous amène à nouveau à une contradiction, car δξ n’est pas absolumentcontinue par rapport à Lm. Cependant on peut à présent comprendre comment«approximer» l’unité non-existante e par des mesures µξ,k à la fois absolumentcontinues (par rapport à Lm) et «proches» de la mesure singulière δξ.

Une approximation de l’unité est une suite 〈ϕk〉k∈N0 extraite de L1(Rm,B(Rm),Lm)ayant les propriétés suivantes :(A) ϕk > 0 et

∫Rm ϕkdL

m = 1 pour tout k ∈ N0 ;(B) Pour tout ε > 0, limk

∫Rm\B(0,ε) ϕkdL

m = 0.Par exemple, il suit de 3.6.14 que les noyaux de Landau constituent une

approximation de l’unité.4.8.4 4.8.4 Théorème. — Soit ϕ ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm) telle que ϕ > 0 et

∫Rm ϕdL

m =1. Pour chaque k ∈ N∗ on pose

ϕk(ξ) = kmϕ(kξ) , ξ ∈ Rm.

Dans ce cas 〈ϕk〉k∈N0 est une approximation de l’unité.

Démonstration. La condition (A) de la définition est vérifiée par un changementde variables. On pose fk(ξ) = kξ de sorte que ϕk = (ϕfk)Jfk . Puisque Jfk = km

on a1 =

∫Rm

ϕdLm =∫Rm

(ϕ fk)JfkdLm =∫Rm

ϕkdLm .

La condition (B) résulte de ce que∫Rm\B(0,ε)

ϕkdLm =

∫Rm\B(0,ε)

(ϕ fk)JfkdLm

=∫fk(Rm\B(0,ε))

ϕdLm =∫Rm\B(0,εk)

ϕdLm → 0 quand k →∞

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4.8 Approximation de l’unité 139

d’après le théorème de convergence dominée.

4.8.5 4.8.5 Théorème. — Soit 1 6 p < ∞, u ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm), et 〈ϕk〉k∈N0

une approximation de l’unité.(A) Pour tout k on a u ∗ ϕk ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm) ;(B) Pour tout k on a ‖u ∗ ϕk‖Lp 6 ‖u‖Lp ;(C) limk ‖u− u ∗ ϕk‖Lp = 0 ;(D) ‖u− u ∗ ϕk‖Lp 6 sup‖u− τhu‖Lp : h ∈ suppϕk.

Démonstration. Puisque u ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm) et ϕk ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm),les conclusions (A) et (B) résultent de l’inégalité de Young, 4.7.8. Prouvons àprésent (C) et (D). Soit ξ ∈ Rm. On applique l’inégalité de Hölder à la mesureµk : B(Rm)→ R+ définie par µk(B) =

∫BϕkdLm :

|u(ξ)− (u ∗ ϕk)(ξ)| 6∫Rm|u(ξ)− u(ξ − ζ)|dµk(ζ)

6

(∫Rm|u(ξ)− u(ξ − ζ)|dµk(ζ)

) 1p

µk(Rm)1− 1p

=(∫

Rm|u(ξ)− u(ξ − ζ)|ϕk(ζ)dLm(ζ)

) 1p

.

Par conséquent,

‖u− u ∗ ϕk‖pLp =∫Rm|u(ξ)− (u ∗ ϕk)(ξ)|pdLm(ξ)

6∫Rm

dLm(ξ)∫Rm|u(ξ)− (τζu)(ξ)|pϕk(ζ)dLm(ζ)

=∫Rm‖u− τζu‖pLpϕk(ζ)dLm(ζ) .

La conclusion (D) en découle immédiatement. En vue d’établir (C) on rappelle(voir 4.7.2) que

Rm → Lp(Rm,B(Rm),Lm) : h 7→ τhu

est continue en 0. Etant donné ε > 0 il existe δ > 0 tel que ‖u − τhu‖Lp < εquel que soit |h| < δ. Donc,

‖u− u ∗ ϕk‖pLp 6∫B(0,δ)

‖u− τhu‖pLpϕk(h)dLm(h)

+∫Rm\B(0,δ)

‖u− τhu‖pLpϕk(h)dLm(h)

6 εp + 2p‖u‖pLp

∫Rm\B(0,δ)

ϕk(h)dLm(h) .

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4.9 Régularisation 140

Faisant tendre k →∞ on obtient aussitôt

lim supk‖u− u ∗ ϕk‖Lp 6 ε .

Puisque ε est arbitraire, la démonstration est terminée.

4.9 Régularisation4.9.1 4.9.1 Théorème. — Il existe une approximation de l’unité 〈ϕk〉k∈N0 jouissant

des propriétés supplémentaires suivantes :(A) Pour chaque k, ϕk ∈ D(Rm) ;(B) Pour chaque k, suppϕk ⊆ B(0, k−1).

Démonstration. Il suffit d’appliquer 4.8.4 à une fonction d’essai ϕ ∈ D(Rm)telle que suppϕ ⊆ B(0, 1), par exemple

ϕ(ξ) =c exp

(1

|ξ|2−1

)if |ξ| < 1

0 if |ξ| > 1

où la constante c > 0 est choisie telle que∫Rm ϕdL

m = 1.

4.9.2 4.9.2. — Donnons un exemple élémentaire de fonction lipschitzienne (voir 1.2.9).Soit Ω ⊆ Rm un ouvert non vide, convexe, et ϕ ∈ C1

c (Ω). Dans ce cas, ϕ estlipschitzienne. Pour le démontrer, on observe d’abord que |∇ϕ| est bornée, entant que membre de Cc(Ω). Etant donné ξ, ξ′ ∈ Ω on observe ensuite que lesegment de droite Rm ∩ ξ + t(ξ′ − ξ) : 0 6 t 6 1 est entièrement contenudans Ω (car Ω est convexe), et on applique le théorème fondamental du calculdifférentiel et intégral :

|ϕ(ξ′)− ϕ(ξ)| =∣∣∣∣∫ 1

0

d

dtϕ(ξ + t(ξ′ − ξ))dL 1(t)

∣∣∣∣6∫ 1

0|〈∇ϕ(ξ + t(ξ′ − ξ)), ξ′ − ξ〉|dL 1(t)

6 |ξ′ − ξ|‖∇ϕ‖∞ .

4.9.3 4.9.3 Théorème. — Soit 1 6 p 6 ∞, u ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm), et ϕ ∈C1c (Rm). Dans ce cas u ∗ ϕ ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm) ∩ C1(Rm) et, pour tout

j = 1, . . . ,m, ∂j(u ∗ ϕ) = u ∗ ∂jϕ.

Démonstration. Fixons ξ ∈ Rm, j = 1, . . . ,m et une suite 〈tk〉k∈N0 dans R \ 0qui converge vers 0. On définit

vk(ζ) =(ϕ(ξ + tkej − ζ)− ϕ(ξ − ζ)

tk

)u(ζ), ζ ∈ Rm ,

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4.9 Régularisation 141

et l’on observe qu’il s’agit d’une fonction borélienne. De plus, pour chaque ζ ∈Rm, on a

limkvk(ζ) = (∂jϕ)(ξ − ζ)u(ζ) ,

et|vk(ζ)| 6 (Lipϕ)|u(ζ)|1ξ+suppϕ(ζ) .

Notons que (Lipϕ)|u|1ξ+suppϕ ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm) car suppϕ est compactet u ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm). On déduit dès lors du théorème de convergencedominée que

limk

∫Rm

vk(ζ)dLm(ζ) =∫Rm

(∂jϕ)(ξ − ζ)u(ζ)dLm(ζ)

= [(∂jϕ) ∗ u](ξ) .

On observe ensuite que∫Rm

vk(ζ)dLm(ζ) =∫Rm(ϕ(ξ + tkej − ζ)− ϕ(ξ − ζ))u(ζ)dLm(ζ)

tk

= (ϕ ∗ u)(ξ + tkej)− (ϕ ∗ u)(ξ)tk

.

On a donc montré que

limk

(ϕ ∗ u)(ξ + tkej)− (ϕ ∗ u)(ξ)tk

= (u ∗ ∂jϕ)(ξ) .

Puisque la suite 〈tk〉k∈N0 est arbitraire, la démonstration est terminée.

4.9.4 4.9.4 Corollaire. — Soit 1 6 p 6 ∞, u ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm), et ϕ ∈D(Rm). Dans ce cas u ∗ ϕ ∈ Lp(Rm,B(Rm),Lm) ∩ C∞(Rm) et ∂α(u ∗ ϕ) =u ∗ ∂αϕ pour tout multi-indice α.

4.9.5 4.9.5 Théorème. — Si Ω ⊆ Rm est un ouvert non vide et 1 6 p < ∞ alorsl’image du «plongement»

D(Rm)→ Lp(Rm,B(Rm),Lm) : u 7→ u

est dense.

Démonstration. Choisissons une suite croissante 〈Ck〉k∈N0 de sous-ensemblescompacts de Ω dont la réunion est Ω. Par exemple,

Ck = Rm ∩ ξ : |ξ| 6 k et dist(ξ,Rm \ Ω) > k−1 .

Soit u ∈ Lp(Ω). On déduit du théorème de convergence dominée que

limk‖u− u1Ck‖

pLp

= limk

∫Ω|u|p1Ω\CkdL

m = 0 .

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4.9 Régularisation 142

Etant donné ε > 0 on choisit un entier k tel que

‖u− u1Ck‖Lp < ε .

On choisit aussi une approximation de l’unité 〈ϕj〉j∈N0 telle que suppϕj ⊆B(0, j−1). Puisque

suppϕj ∗ (u1Ck) ⊆ B(0, j−1) + supp(u1Ck) ⊆ B(0, j−1) + Ck

on voit que si j > 2k alors suppϕj ∗ (u1Ck) ⊆ U . Par conséquent, étant donnék, on peut choisir j suffisamment grand pour que ϕj ∗ (u1Ck) ∈ D(Ω) et

‖u1Ck − ϕj ∗ (u1Ck)‖Lp < ε ,

et donc‖u− ϕj ∗ (u1Ck)‖Lp < 2ε .

4.9.6 4.9.6 Théorème (Lemme de Dubois-Reymond, version 2). — Soit Ω ⊆ Rmun ouvert non vide, 1 6 q 6 ∞, et v ∈ Lq(Ω,B(Ω),Lm). Si

∫Ω ϕvdL

m = 0pour tout ϕ ∈ D(Ω), alors v = 0 Lm presque partout.

Démonstration. La preuve est identique à celle de 4.5.7, où le résultat de densité4.5.5 est remplacé par 4.9.5.

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Chapitre 5Compacité

5.1 Espaces métriques ou topologiques compacts6.1.1 5.1.1. — Un espace topologique séparé S[T] est compact si tout recouvrement

ouvert 〈Ui〉i∈I de X (c’est-à-dire une famille d’ouverts telle que S = ∪i∈IUi)admet un sous-recouvrement fini (c’est-à-dire qu’il existe une sous-ensemble finiF ⊆ I tel que S = ∪i∈FUi).

Un espace topologique séparé S[T] est séquentiellement compact si toutesuite 〈ξk〉k∈N0 dans S admet une sous-suite convergente 〈ξσ(k)〉k∈N0 . En général,de la compacité et de la compacité séquentielle, l’une n’entraîne pas l’autreet l’autre n’entraîne pas l’une. Elles sont cependant équivalentes si S[T] estmétrisable (voir 5.1.2).

Enfin, on dit d’un espace métrique S[d] qu’il est précompact si, quel quesoit ε > 0, il existe ξ1, . . . , ξn ∈ S tels que S = ∪ni=1U(ξi, ε).

6.1.2 5.1.2 Théorème. — Soit S[d] un espace métrique. Les conditions suivantessont équivalentes.(A) S est compact.(B) S est séquentiellement compact.(C) S est complet et précompact.

Démonstration. (A)⇒ (B) Soit 〈ξk〉k∈N0 une suite dans S. A chaque k ∈ N0 onassocie le sous-ensemble fermé de S défini comme suit : Fk = adhS∩ξj : j > k.Montrons, ad absurdum, que ∩k∈N0Fk 6= ∅. En effet, si ∩k∈N0Fk = ∅, alorsles ouverts Uk = S \ Fk, k ∈ N0, formeraient un recouvrement de S, et lacompacité de S entraînerait l’existence d’un nombre fini d’indices k1, . . . , kntels que S = ∪ni=1Uki . En d’autres mots ∩ni=1Fki = ∅, ce qui est absurde puisquesi k = maxk1, . . . , kn, alors Fk 6= ∅ et Fk ⊆ Fki pour tout i = 1, . . . , n.Supposons à présent que ξ ∈ ∩k∈N0Fk. Définissons par récurrence sur k unesuite strictement croissante d’entiers 〈σ(k)〉k∈N0 telle que limk ξσ(k) = ξ. On

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5.1 Espaces métriques ou topologiques compacts 144

choisit σ(1) tel que d(ξ, ξσ(1)) < 1 : un tel σ(1) existe puisque ξ ∈ F1. Si σ(k)est défini, on choisit σ(k + 1) > σ(k) tel que d(ξ, ξσ(k+1)) < (k + 1)−1 : un telσ(k + 1) existe car ξ ∈ Fσ(k)+1.

(B)⇒ (C) Si 〈ξk〉k∈N0 est une suite dans S, alors elle admet une sous-suiteconvergente. Au cas où 〈ξk〉k∈N0 est de Cauchy, la limite de cette sous-suiteest forcément la limite de la suite elle-même. Donc S est complet, et il resteseulement à montrer qu’il est précompact. S’il ne l’était pas, il existerait ε > 0tel qu’aucune famille finie de boules ouvertes de rayon ε ne recouvre S. Ondéfinit alors une suite 〈ξk〉k∈N0 par récurrence, telle que d(ξj , ξk) > ε quels quesoient j 6= k. On choisit ξ1 ∈ S arbitrairement, puis, si ξ1, . . . , ξk ont été définis,on choisit ξk+1 ∈ S \ ∪ki=1U(ξi, ε). Enfin, on observe qu’aucune sous-suite de〈ξk〉k∈N0 n’est de Cauchy, et donc aucune ne peut être convergente.

(C) ⇒ (A) Par l’absurde. Supposons qu’il existe un recouvrement ouvert〈Ui〉i∈I dont aucune sous-famille finie ne recouvre S. A chaque entier k ∈ N0 onassocie une famille finie U(ξk,j , k−1), j = 1, . . . , nk, de boules dont la réunionest S. Correspondant à k = 1, il existe un indice j1 ∈ 1, . . . , n1 tel qu’au-cune sous-famille finie de 〈Ui〉i∈I ne recouvre U(ξ1,j1 , 1). Procédant par ré-currence sur k, on définit ainsi un indice jk+1 ∈ 1, . . . , nk+1 tel qu’aucunesous-famille finie de 〈Ui〉i∈I ne recouvre ∩k+1

l=1 U(ξl,jl , l−1). On choisit ensuite ar-bitrairement ξk ∈ ∩kl=1U(ξl,jl , l−1) et l’on observe que si k′ > k alors d(ξk, ξk′) 6diam U(ξk,jk , k−1) 6 2k−1, de sorte que 〈ξk〉k∈N0 est une suite de Cauchy. Elleest donc convergente, par hypothèse ; appelons ξ sa limite. On choisit i ∈ I telque ξ ∈ Ui, puis r > 0 tel que U(ξ, 2r) ⊆ Ui, et enfin k ∈ N0 tel que k−1 < r.Mais alors d(ξ, ξk,jk) 6 k−1 de sorte que U(ξk,jk , k−1) ⊆ U(ξ, 2r) ⊆ Ui, encontradiction avec le choix de U(ξk,jk , k−1).

6.1.3 5.1.3 Théorème. — Soit S[T] un espace topologique séparé et séquentielle-ment compact, et f : S → R une fonction continue. Dans ce cas f est majorée(resp. minorée) et il existe ξ ∈ S tel que f(ξ) = sup im f (resp. f(ξ) = inf im f).

Démonstration. On pose γ = supf(ξ) : x ∈ S ∈ (−∞,+∞]. On choisit unesuite 〈ξk〉k∈N0 telle que limk f(ξk) = γ. Puisque S est séquentiellement compact,cette suite admet une sous-suite convergente 〈ξσ(k)〉k∈N0 . Appelons ξ sa limite.La continuité de f assure que f(ξ) = limk f(ξk) = γ, en particulier γ <∞. Pourterminer la démonstration, on applique ceci à la fonction −f .

6.1.4 5.1.4. — Soit X[T] un espace vectoriel topologique localement convexe. Si C ⊆X est séquentiellement compact, alors C est borné. En effet, choisissons unefamille 〈hi〉i∈I de semi-normes compatible avec T (voir 2.1.9). Il suit de 2.1.11(1)que chaque hi est continue, et donc supC hi <∞ d’après 5.1.3, et par conséquentC est borné d’après 2.1.11(2). En particulier, si X[‖ · ‖] est un espace normé etC ⊆ X est compact, alors sup‖x‖ : x ∈ C <∞.

6.1.5 5.1.5 Théorème (Heine). — Soit S[d] un espace métrique compact, et u : S →R une fonction continue. Dans ce cas u est uniformément continue, c’est-à-dire

(∀ε > 0)(∃δ > 0)(∀ξ, ζ ∈ S) : d(ξ, ζ) < δ ⇒ |u(ξ)− u(ζ)| < ε .

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5.1 Espaces métriques ou topologiques compacts 145

Démonstration. Par l’absurde. Supposons qu’il existe ε > 0 tel que pour chaquek ∈ N0 il existe ξk, ζk ∈ S tels que d(ξk, ζk) < k−1 et |u(ξk)−u(ζk)| > ε. PuisqueS est compact, il existe ξ, ζ ∈ S et des sous-suites 〈ξσ(k)〉k∈N0 et 〈ζσ(k)〉k∈N0

convergeant respectivement vers ξ et ζ. Puisque limk d(ξσ(k), ζσ(k)) = 0, on endéduit que ξ = ζ. Par ailleurs |u(ξ) − u(ζ)| = limk |u(ξσ(k)) − u(ζσ(k))| > ε, cequi est absurde.

6.1.49 5.1.6. — Soit X[‖ · ‖] un espace normé, et Z ⊆ X un sous-espace vectorielfermé propre (c’est-à-dire Z 6= X). Pour tout 0 < δ < 1 il existe x ∈ X tel que‖x‖ = 1 et dist(x, Z) > δ.

On remarque que X \Z est un ouvert non vide, de sorte qu’il existe x1 ∈ Xet r > 0 tels que B(x1, r) ⊆ X \ Z. Par conséquent d := dist(x1, Z) > r > 0.Puisque 0 < δ < 1 il existe x0 ∈ Z tel que ‖x1 − x0‖ 6 dδ−1. On pose

x = x1 − x0

‖x1 − x0‖.

Soit z ∈ Z. On a

‖x− z‖ = ‖x1 − (x0 + z‖x1 − x0‖)‖‖x1 − x0‖

>d

dδ−1 = δ .

Puisque z est arbitraire, dist(x, Z) > δ. En outre, ‖x‖ = 1.6.1.50 5.1.7 Théorème (F. Riesz). — Soit X un espace normé. Les conditions sui-

vantes sont équivalentes.(A) La boule unité fermée BX de X est compacte.(B) X est de dimension finie.

Démonstration. (B) ⇒ (A) L’ensemble Kn ∩ ξ : |ξ(j)| 6 1 pour tout j =1, . . . , n est fermé, et on vérifie aisément qu’il est précompact. Il est donc com-pact d’après 5.1.2. On remarque qu’il s’agit de la boule unité de `n∞(K). Laconclusion résulte alors de 3.5.2.¬(B)⇒ ¬(A) Onva définir une suite 〈xk〉k∈N0 dans X et une suite croissante

〈Zk〉k∈N0 de sous-espaces vectoriels de dimension finie de X tels que xk ∈ Zk,‖xk‖ = 1 et dist(xk+1, Zk) > 1/2. On choisit xk ∈ X arbitrairement, tel que‖xk‖ = 1. Si les suites ont été définies jusqu’à l’indice k, on remarque queZk est fermé dans X d’après 3.5.4, de sorte que 5.1.6 s’applique : il existexk+1 ∈ X tel que ‖xk+1‖ = 1 et dist(xk+1, Zk) > 1/2. Enfin, on définit Zk+1 =sev〈x1, . . . , xk+1〈. On observe que la suite 〈xk〉k∈N0 est dans BX , et que ‖xk −xk+j‖ > 1/2 pour tout k, j ∈ N0, car xk ∈ Zk+j , de sorte que 〈xk〉k∈N0 necontient aucune sous-suite qui soit de Cauchy, a fortiori convergente. Donc BXn’est pas compact d’après 5.1.2.

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5.2 Théorème de Banach-Alaoglu 146

5.2 Théorème de Banach-Alaoglu6.2.1 5.2.1 Théorème. — Soit X un espace de Banach séparable. Si 〈x∗k〉k∈N0 est

une suite dans X∗ telle que

sup|〈x, x∗k〉| : k ∈ N0 <∞

pour tout x ∈ X, alors elle admet une sous-suite 〈x∗σ(k)〉k∈N0 préfaiblementconvergente.

Démonstration. Soit 〈xj〉j∈N0 une suite dense dans X. On définit par récurrencesur j des suites d’entiers 〈σj(k)〉k∈N0 telles que 〈σj+1(k)〉k∈N0 est une sous-suite de 〈σj(k)〉k∈N0 , et 〈〈xj , x∗σj(k)〉〉k∈N0 est convergente dans R. Cette dernièrecondition peut-être remplie puisque, par hypothèse,

sup|〈xj , x∗σj−1(k)〉| : k ∈ N0 <∞ .

On définit à présentα(xj) := lim

k〈xj , x∗σj(k)〉

pour tout j ∈ N0, et σ(k) := σk(k), k ∈ N0, de sorte que

α(xj) = limk〈xj , x∗σ(k)〉

car 〈σ(k)〉k∈N0 est une sous-suite de chaque 〈σj(k)〉k>j . Par ailleurs, il suit duprincipe de la borne uniforme 3.3.5 que

γ := sup‖x∗k‖ : k ∈ N0 <∞ .

Etant donné x ∈ X, il existe τ : N0 → N0 telle que la suite 〈xτ(j)〉j∈N0 convergevers x. On observe que la suite 〈α(xτ(j))〉j∈N0 est de Cauchy car

|α(xτ(j))− α(xτ(j′))| = limk|〈xτ(j) − xτ(j′), x

∗σ(k)〉| 6 γ‖xτ(j) − xτ(j′)‖ .

Par conséquent cette suite converge ; nommons α(x) sa limite. Nous allons àprésent démontrer que

α(x) = limk〈x, x∗σ(k)〉 . (5.1) eq.21

En effet, étant donné j, k ∈ N0, on commence par remarquer que

|α(x)− 〈x, x∗σ(k)〉| 6 |α(x)− α(xτ(j))|+ |α(xτ(j))− 〈xτ(j), x

∗σ(k)〉|+ |〈xτ(j) − x, x∗σ(k)〉| .

On fixe ε > 0 et on choisit j ∈ N0 tel que |α(x)−α(xτ(j))| < ε et ‖x−xτ(j)‖ < ε.Pour cet entier j et tout k ∈ N0 on obtient donc

|α(x)− 〈x, x∗σ(k)〉| 6 ε+ |α(xτ(j))− 〈xτ(j), x∗σ(k)〉|+ γε .

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5.2 Théorème de Banach-Alaoglu 147

On fait k →∞ dans l’inégalité ci-dessus et on en déduit que

lim supk|α(x)− 〈x, x∗σ(k)〉| 6 ε(γ + 1) .

Puisque ε est arbitraire (5.1) est valide. Il résulte aussitôt de 3.3.6 que α ∈ X∗.Enfin, 〈x∗σ(k)〉k∈N0 converge préfaiblement vers α puisque x ∈ X est arbitrairedans (5.1).

6.2.2 5.2.2. — Voici plusieurs commentaires utiles.(A) D’après le principe de la borne uniforme (cf. la preuve ci-dessus) l’hypo-

thèsesup|〈x, x∗k〉| : k ∈ N0 <∞

pour tout x ∈ X, est équivalente à l’hypothèse

sup‖x∗k‖ : k ∈ N0 <∞ ,

car X est complet.(B) Le théorème ci-dessus énonce donc que les boules X∗ ∩ x∗ : ‖x∗‖ 6 r,

r > 0, de l’espace dual sont séquentiellement S(X∗, X) compactes. Nousallons établir ci-dessous que les espaces topologiques BX∗(0, r)[S(X∗, X)]sont en fait métrisables (sous l’hypothèse que X est séparable), et donccompacts d’après 5.1.2. Notons cependant que l’espace vectoriel topolo-gique localement convexe X∗[S(X∗, X)] n’est pas métrisable si X n’estpas de dimension finie, 5.2.5.

6.2.3 5.2.3. — Soit S[T] un espace topologique séparé séquentiellement compact. Sup-posons qu’il existe une suite 〈hk〉k∈N0 de fonctions continues S → R ayant lapropriété suivante : pour tout ξ1, x2 ∈ S, si ξ1 6= ξ2 alors il existe k ∈ N0 telsque hk(ξ1) 6= hk(ξ2). Dans ce cas S[T] est métrisable et compact.

On définit une fonction d : S × S → R par la relation suivante :

d(ξ1, ξ2) =∑k∈N0

12k

(|hk(ξ1)− hk(ξ2)|

1 + |hk(ξ1)− hk(ξ2)|

).

On vérifie qu’il s’agit d’une distance sur S. Par ailleurs, puisque chaque hk estT-continue et que la série ci-dessus converge uniformément, on en déduit qued est T × T continue. En particulier, les boules U(ξ, r) = S ∩ ζ : d(ξ, ζ) < rsont T-ouvertes. Par conséquent id : S[T]→ S[d] est continue. Il reste à établirqu’elle est ouverte, ou, ce qui revient au même, qu’elle est fermée. Soit D ⊆ Sun ensemble T fermé : nous devons établir qu’il est fermé relativement à ladistance d. Soit 〈ξk〉k∈N0 une suite dans F , et ξ ∈ S, tels que limk d(ξ, ξk) = 0.Puisque S[T] est séquentiellement compact, il existe une sous-suite 〈ξσ(k)〉k∈N0

qui T converge vers ξ′ ∈ S, et puisque F est T fermé on a en fait ξ′ ∈ F . Lapropriété de continuité de idS établie ci-dessus entraîne que limk d(ξk, ξ′) = 0.Donc ξ = ξ′ et la conclusion s’ensuit.

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5.2 Théorème de Banach-Alaoglu 148

6.2.4 5.2.4 Théorème (Banach-Alaoglu, version 1). — Soit X un espace de Banachséparable, x∗ ∈ X∗ et r > 0. L’espace topologique BX∗(x∗, r)[S(X∗, X)] est mé-trisable et compact.

6.2.4.bis 5.2.5 Théorème. — Soit X un espace de Banach de dimension infinie. Dansce cas X∗[S(X∗, X)] n’est pas métrisable.

Démonstration. Commençons par établir un résultat préliminaire (en langageabstrait, on l’énonce en disant qu’un espace vectoriel topologique métrisable estbornologique 1).

Lemme : Si Y [T] est un espace vectoriel topologique métrisable, et si A est unensemble équilibré qui absorbe toute suite qui converge vers 0 (c’est-à-dire que si〈yk〉k∈N0 est une suite dans Y telle que limk yk = 0 alors il existe t > 0 tel queyk : k ∈ N0 ⊆ sA pour tout s > t), alors A est un voisinage de 0. Soit 〈Uk〉k∈N0

une base dénombrable de voisinages de 0 telle que Uk+1 ⊆ Uk (par exempleUk = Y ∩y : d(0, y) < k−1 où d est une distance sur Y compatible avec T), etA un ensemble équilibré qui absorbe toutes les suites convergeant vers 0. Si An’était pas un voisinage de 0, alors pour tout k ∈ N0 on aurait k−1Uk 6⊆ A, doncil existerait yk ∈ Uk tel que yk 6∈ kA. Par conséquent limk yk = 0, cependant A(étant équilibré) n’absorbe pas yk : k ∈ N0.

Prouvons à présent le théorème, par l’absurde, c’est-à-dire supposons queX∗[S(X∗, X)] est métrisable. On applique le lemme à Y = X∗[S(X∗, X)] etA = BX∗ la boule unité de X∗ (relativement à sa norme. Il s’agit évidemmentd’un ensemble équilibré. En outre il absorbe les suite convergeant vers 0 : eneffet si 〈x∗k〉k∈N0 est une suite telle que limk〈x, x∗k〉 = 0 pour tout x ∈ X, alorssupk∈N0 ‖x

∗k‖ < ∞ d’après le principe de la borne uniforme 3.3.5. Le lemme

entraîne donc que BX∗ est un S(X∗, X) voisinage de 0. Mais alors il contientun sous-espace vectoriel non trivial (en fait, de dimension infinie), ce qui estabsurde.

Démonstration. C’est une conséquence de 5.2.1 et 5.2.3.

6.2.5 5.2.6 Théorème (Banach-Alaoglu, version 2). — Soit X un espace de Banach,x∗ ∈ X∗ et r > 0. L’espace topologique BX∗(x∗, r)[S(X∗, X)] est compact.

6.2.6 5.2.7. — Si X n’est pas séparable, BX∗(x∗, r)[S(X∗, X)] n’est en général passéquentiellement compact. Considérons par exemple l’espace de Banach non sé-parableX = `∞(R), et la suite 〈ek〉k∈N0 dans `1(R) définie en 1.3.14. On rappelleque le dual X∗ de X est identifié au bidual de `1(R), car `∞(R) est isométri-quement isomorphe à `1(R)∗, 1.6.9. La suite 〈ev(ek)〉k∈N0 se trouve donc dansla boule unité de X∗. Supposons qu’elle admette une sous-suite 〈ev(eσ(k))〉k∈N0

qui soit S(`∗∞, `∞) convergente. Dans ce cas, pour tout y ∈ `∞(R), la limitesuivante existerait dans R,

limk〈y, ev(eσ(k))〉 = lim

ky(σ(k)) ,

ce qui est absurde.1. C’est-à-dire que tout convexe équilibré qui absorbe les bornés est un voisinage de 0

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5.3 Théorème de Ascoli-Arzelà 149

6.2.7 5.2.8 Théorème. — Soit X un espace de Banach réflexif séparable, x ∈ X etr > 0. L’espace topologique BX(x, r)[S(X,X∗)] est séquentiellement compact.

Démonstration. Puisque X est séparable, il est isométriquement isomorphe àson bidual X∗∗, par définition, et l’identification étant l’application x 7→ ev(x),elle transporte la topologie faible S(X,X∗) de X sur la topologie préfaibleS(X∗∗, X∗) deX∗∗. La conclusion découle donc du théorème de Banach-Alaoglu5.2.4, et de ce que X∗ est séparable car X∗∗ l’est, 2.4.6.

6.2.8 5.2.9. — L’hypothèse que X soit séparable en 5.2.8 est superflue, c’est-à-direque si X est un espace de Banach réflexif, alors sa boule unité est faiblementséquentiellement compacte (comparer ce résultat à l’exemple 5.2.7). Pour s’enconvaincre, considérons une suite 〈xk〉k∈N0 dans BX(0, 1). On définit le sous-espace vectoriel Z = adh sev〈xk : k ∈ N0〉. Il est clair que Z est fermé, et parconséquent il est réflexif (voir 6.4.4), et il également séparable, par construction.Il suit dès lors de 5.2.8 qu’il existe une sous-suite 〈xσ(k)〉k∈N0 et x ∈ Z tels que〈x, z∗〉 = limk〈xσ(k), z

∗〉 pour tout z∗ ∈ Z∗. Bien entendu, la même conclusionest valide si l’on remplace z∗ par x∗ ∈ X∗, puisque z∗ = x∗ Z ∈ Z∗.

5.3 Théorème de Ascoli-Arzelà6.3.1 5.3.1. — Dans cette section on s’intéresse à l’espace de Banach C(S)[‖·‖∞], où

S[d] est un espace métrique compact. En particulier, on s’attèle à caractériserses sous-ensembles compacts. Considérons par exemple S = [−2, 2]. PuisqueC[−2, 2] est de dimension infinie, sa boule unité fermée n’est pas compacte,d’après le théorème de Riesz 5.1.7. Illustrons ceci par un exemple d’une suitebornée 〈uk〉k∈N0 dans C[−2, 2] qui ne contient aucune sous-suite convergente.On définit

uk(ξ) =

0 si |ξ| > 11 si |ξ| 6 1− 1

k

affine sur l’intervalle − 1 6 ξ 6 −1 + 1k

et sur l’intervalle 1− 1k 6 ξ 6 1 .

On a clairement ‖uk‖∞ = 1, k ∈ N0, et 〈uk〉k∈N0 converge ponctuellement versla fonction indicatrice 1(−1,1). Si une sous-suite 〈uσ(k)〉k∈N0 convergeait unifor-mément vers u ∈ C[−2, 2], alors elle convergerait également ponctuellement versu, et par conséquent u = 1(−1,1), ce qui est absurde.

6.3.2 5.3.2. — On rappelle 5.1.5 : une fonction continue u : S → R sur un espacemétrique compact S[d] est uniformément continue, c’est-à-dire que « le choixdu δ en fonction de ε peut être fait uniformément en ξ ∈ S». On dit d’un sous-ensemble F ⊆ C(S) de fonctions (uniformément) continues qu’il est équicontinusi «le choix du δ en fonction de ε peut être fait uniformément en ξ ∈ S etuniformément en u ∈ F». Plus précisément, F ⊆ C(S) est équicontinu si

(∀ε > 0)(∃δ > 0)(∀ξ, ζ ∈ S)(∀u ∈ F ) : d(ξ, ζ) < δ ⇒ |u(ξ)− u(ζ)| < ε .

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5.3 Théorème de Ascoli-Arzelà 150

Voici quelques exemples et contre-exemples.(1) Tout singleton F = u ⊆ C(S) est un ensemble équicontinu, car u est

uniformément continue, 5.1.5.(2) Tout ensemble fini F = u1, . . . , un ⊆ C(S) est équicontinu. En effet,

étant donné ε > 0 et j = 1, . . . , n, il existe δj > 0 tel que si ξ, ζ ∈ Set d(ξ, ζ) < δj alors |uj(ξ) − uj(ζ)| < ε. Par conséquent, le choix deδ = minδ1, . . . , δn témoigne de ce que F est équicontinu.

(3) Si 〈uk〉k∈N0 est une suite bornée dans C(S), alors l’ensemble F = uk :k ∈ N0 n’est pas forcément équicontinu. Il suffit de considérer l’exemplede la suite donnée en 5.3.1. Etant donné 0 < ε < 1, on remarque que|uk(1)− uk(1− k−1)| = 1 > ε bien que |1− (1− k−1)| → 0 quand k →∞.

(4) On dit d’un ensemble F ⊆ C(S) qu’il est équilipschitzien si chaqueu ∈ F est lipschitzienne, et

λ := supLipu : u ∈ F <∞ .

On vérifie aisément que, dans ce cas, F est équicontinu : étant donné εon pose δ = ε/λ. Par ailleurs, l’ensemble F considéré en (3) ci-dessus estconstitué de fonctions lipschitziennes, mais n’est pas équilipschitzien carLipuk = k, k ∈ N0.

(5) Si F ⊆ C(S) est constitué de fonctions lipschitziennes, alors l’équiconti-nuité de F n’entraîne son équilipschitziannité. Considérons par exempleS = [0, 1], et uk(ξ) = k−1 dist(ξ, 2−kZ), ξ ∈ [0, 1]. On vérifie sans peine queLipuk = k−12k, de sorte que F = uk : k ∈ N0 n’est pas équilipschitzien.En revanche, cet ensemble est équicontinu. En effet, pour tout k ∈ N0 ettout ξ, ζ ∈ [0, 1] on a |uk(ξ)−uk(ζ)| 6 2‖uk‖∞ 6 2k−1. Donc, étant donnéε > 0, on commence par choisir k0 ∈ N0 tel que 2k−1

0 < ε, de sorte que|uk(ξ) − uk(ζ)| < ε quels que soient ξ, ζ ∈ [0, 1] et k > k0. Par ailleurs,pour chaque k = 1, . . . , k0 il existe δk > 0 tel que |uk(ξ)−uk(ζ)| < ε quelsque soient ξ, ζ ∈ [0, 1] tels que |ξ−ζ| < δk — en fait, δk = εk2−k convient.Par conséquent le choix de δ = minδ1, . . . , δk0 témoigne de ce que F estéquicontinu.

6.3.3 5.3.3 Théorème (Arzelà-Ascoli). — Soit S[d] un espace métrique compact, etF un sous-ensemble de l’espace de Banach C(S)[‖·‖∞]. Les conditions suivantessont équivalentes.(1) F est compact.(2) F est fermé, borné, et équicontinu.

Démonstration. (1)⇒ (2) F est fermé d’après ..., et borné d’après 5.1.4. Mon-trons que F est équicontinu. Soit ε > 0. Puisque F est précompact, il existeune famille finie 〈uk〉k∈F ⊆ C(S) ayant la propriété suivante : pour tout u ∈ Fil existe k ∈ F tel que ‖u−uk‖∞ < ε/3. Chaque uk est uniformément continue,donc il existe δk > 0 tel que |uk(ξ) − uk(ζ)| < ε/3 quels que soient ξ, ζ ∈ Stels que d(ξ, ζ) < δk. On pose δ = minδk : k ∈ F. Etant donné u ∈ F , on

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5.3 Théorème de Ascoli-Arzelà 151

commence par choisir un indice k ∈ F tel que ‖u − uk‖∞ < ε/3. Si ξ, ζ ∈ S etd(ξ, ζ) < δ, alors

|u(ξ)− u(ζ)| 6 |u(ξ)− uk(ξ)|+ |uk(ξ)− uk(ζ)|+ |uk(ζ)− u(ζ)|6 ‖u− uk‖∞ + |uk(ξ)− uk(ζ)|+ ‖uk − u‖∞< ε .

Par conséquent F est équicontinu.(2) ⇒ (1) Puisque C(S) est complet (voir 3.1.7) et que F est fermé, il est

également complet, d’après 3.1.4. Au vu de 5.1.2 il suffit donc de montrer que Fest précompact. Puisque F est borné, il existeM ∈ R+ tel que ‖u‖∞ 6M pourtout u ∈ F . Fixons ε > 0. L’équicontinuité de F assure l’existence de δ > 0ayant la propriété suivante : pour tout u ∈ F et tout ξ, ζ ∈ S, si d(ξ, ζ) < δ alors|u(ξ)−u(ζ)| < ε/4. La compacité de S entraîne l’existence de ξ1, . . . , ξJ ∈ S telsque S = ∪Jj=1U(ξj , δ). Ensuite on divise l’intervalle [−M,M ] en 2Mn intervallesde même longueur −M = t0 < t1 < . . . < t2Mn = M , où n ∈ N0 est choisi telque n−1 < ε/4. On considère l’ensemble fini

F = 0, 1, . . . , 2MnJ .

A chaque (i1, . . . , iJ) ∈ F on associe le sous-ensemble (peut-être vide) de Fdéfini comme ceci :

F(i1,...,iJ ) := F ∩ u : |u(ξj)− tij | < ε/4 quel que soit j = 1, . . . , J .

Montrons queF =

⋃(i1,...,iJ )∈F

F(i1,...,iJ ) . (5.2) eq.22

En effet, si u ∈ F , alors, pour chaque j = 1, . . . , J , u(ξj) appartient à l’undes intervalles [tk−1, tk], k = 1, . . . , 2Mn, de longueur n−1 < ε/4, ce qui établit(5.2). Définissons

F = F ∩ (i1, . . . , iJ) : F(i1,...,iJ ) 6= ∅ ,

et pour chaque (i1, . . . , iJ) ∈ F choisissons arbitrairement u(i1,...,iJ ) ∈ F(i1,...,iJ ).Nous allons à présent établir que

F ⊆⋃

(i1,...,iJ )∈F

BC(S)(u(i1,...,iJ ), ε

),

ce qui terminera la démonstration. Soit u ∈ F . D’après (5.2), il existe (i1, . . . , iJ) ∈F tel que u ∈ F(i1,...,iJ ). On a donc, pour chaque j = 1, . . . , J ,

∣∣u(ξj)− u(i1,...,iJ )(ξj)∣∣ 6 |u(ξj)− tij |+

∣∣tij − u(i1,...,iJ )(ξj)∣∣ 6 ε

4 + ε

4 = ε

2 .

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5.4 Théorème de Weil 152

Si ξ ∈ S, on lui associe j = 1, . . . , J tel que d(ξ, ξj) < δ, et on observe que∣∣u(ξ)− u(i1,...,iJ )(ξ)∣∣ 6 |u(ξ)− u(ξj)|+

∣∣u(ξj)− u(i1,...,iJ )(ξj)∣∣

+∣∣u(i1,...,iJ )(ξj)− u(i1,...,iJ )(ξ)

∣∣6ε

4 + ε

2 + ε

4= ε .

Puisque ξ est arbitraire, on en déduit que∥∥u− u(i1,...,iJ )

∥∥∞ 6 ε.

6.3.4 5.3.4 Théorème. — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert, et K ⊆ Ω un compact. Etantdonné F ⊆ DK(Ω), les conditions suivantes sont équivalentes.(1) F est compact.(2) F est fermé et borné.

5.4 Théorème de Weil

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Chapitre 6Distributions et espaces deSobolev

6.1 Distributions5.1.1 6.1.1. — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert non vide. Une distribution dans Ω est une

forme linéaireT : D(Ω)→ R

telle que pour chaque compact K ⊆ Ω, la restriction T DK(Ω) : DK(Ω) →R est continue, voir 2.2.3 et 2.2.4. Il existe en fait une topologie vectoriellelocalement convexe T sur D(Ω) telle que les distributions sur Ω coïncident avecles membres de l’espace dual D(Ω)[T]∗. Cependant nous ne ferons pas un usageexplicite de cette information.

Par exemple si u ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm), 1 6 p 6 ∞, alors on peut associer àu une distribution

Tu : D(Ω)→ R : ϕ 7→∫

ΩuϕdLm .

Pour s’en convaincre, on commence par noter que Tu est bien définie, car uϕ ∈L1(Ω,B(Ω),Lm) d’après l’inégalité de Hölder. Il est évident que Tu est linéaire.La continuité de sa restriction à chaque DK(Ω) est également une conséquencede l’inégalité de Hölder :

|〈ϕ, Tu〉| =∣∣∣∣∫

ΩuϕdLm

∣∣∣∣ 6 ‖u‖Lp‖ϕ‖Lq 6 ‖u‖LpLm(K)1q ‖ϕ‖∞ .

Si 〈ϕk〉k∈N0 est une suite dans DK(Ω) qui TK-converge vers zéro, alors en parti-culier limk ‖ϕk‖∞ = 0 (voir 2.2.4(1)), et donc limk |〈ϕk, Tu〉| = 0. Bien entendu,si u et u coïncident Lm presque partout, alors les distributions Tu et Tu coïn-cident. Enfin, d’après le lemme de Dubois-Reymond 4.9.6, si Tu = 0 alors us’annule Lm presque partout.

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6.1 Distributions 154

En fait Tu est bien définie, et une distribution, sous la seule hypothèse queu ∈ L0(Ω,B(Ω)) et u K ∈ L1(K,B(K),Lm) pour chaque compact K ⊆ Ω.

5.1.2 6.1.2. — On dit qu’une suite 〈Tk〉k∈N0 de distributions dans Ω converge pré-faiblement vers une distribution T dans Ω si limk〈ϕ, Tk〉 = 〈ϕ, T 〉 pour toutefonction d’essai ϕ ∈ D(Ω).

5.1.3 6.1.3 Théorème. — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert non vide, et 〈Tk〉k∈N0 une suitede distributions dans Ω telle que pour chaque fonction d’essai ϕ ∈ D(Ω), lalimite limk〈ϕ, Tk〉 existe. Si l’on pose 〈ϕ, T 〉 := limk〈ϕ, Tk〉, ϕ ∈ D(Ω), alors Test une distribution dans Ω.

Démonstration. La linéarité de T est évidente tandis que, étant donné un com-pact K ⊆ Ω, la continuité de la restriction de T à DK(Ω) est une conséquencede 3.3.6 (corollaire du principe de la borne uniforme) et de ce que DK(Ω) estun espace de Fréchet, 3.2.8.

5.1.4 6.1.4 (Dérivée au sens des distributions). — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert non videet u ∈ C1(Ω). On considère la distribution Tu, associé à u en 6.1.1, ainsi quela distribution T∂ju associé à la dérivée partielle ∂ju, j = 1, . . . ,m. Nous allonsétablir un lien entre ces deux distributions, à savoir

〈ϕ, T∂ju〉 = −〈∂jϕ, Tu〉 (6.1) eq.17

quelle que soit ϕ ∈ D(Ω). Pour s’en convaincre, il suffit «d’intégrer par parties»,c’est-à-dire remarquer que ∂j(uϕ) = (∂ju)ϕ+ u∂jϕ, de sorte que∫

Ω(∂ju)ϕdLm = −

∫Ωu∂jϕdL

m

car ∫Ω∂j(uϕ)dLm = 0 .

Cette dernière identité est établie comme ceci. On choisit r > 0 suffisammentgrand pour que suppuϕ ⊆ [−r, r]m et l’on applique le théorème de Fubini et lethéorème fondamental du calcul différentiel et intégral :∫

Ω∂j(uϕ)dLm

=∫

[−r,r]m−1dLm−1(ξ1, . . . , ξj , . . . , ξm)

∫ r

−r(∂juϕ)(ξ1, . . . , ξm)dL 1(ξj) = 0

car∫ r

−r(∂juϕ)(ξ1, . . . , ξm)dL 1(ξj)

= (uϕ)(ξ1, . . . , r, . . . , ξm)− (uϕ)(ξ1, . . . ,−r, . . . , ξm) = 0 .

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6.1 Distributions 155

Si α ∈ Nm est un multi-indice et u ∈ C |α|(Ω), alors on déduit de (6.1), parrécurrence sur |α|, que

〈ϕ, T∂αu〉 = (−1)|α|〈∂αϕ, Tu〉 (6.2) eq.18

quelle que soit ϕ ∈ D(Ω). Cette observation permet de définir les dérivéespartielles ∂αT d’une distribution T sur Ω par la formule suivante :

〈ϕ, ∂αT 〉 := (−1)|α|〈∂αϕ, T 〉 ,

ϕ ∈ D(Ω). On commence par observer que ∂αT est effectivement une distribu-tion dans Ω, comme il résulte de 2.2.4(3). C’est cette possibilité de considérerles dérivées partielles d’une distribution comme étant elles-mêmes des distribu-tions qui justifie la prise en compte de toutes les dérivées partielles des fonctionsd’essai dans la définition de la topologie TK de l’espace DK(Ω), 2.2.4. Dans cenouveau langage, (6.2) se récrit ∂αTu = T∂αu.

5.1.5 6.1.5 Théorème. — Soit 〈Tk〉k∈N0 une suite de distributions dans Ω, T unedistribution dans Ω, et α ∈ Nm un multi-indice. Si 〈Tk〉k∈N0 converge préfaible-ment vers T , alors 〈∂αTk〉k∈N0 converge préfaiblement vers ∂αT .

Démonstration. Cela résulte aussitôt de 2.2.4(3).

5.1.6 6.1.6 Exemple. — Il résulte de 6.1.1 et 6.1.4 que toute fonction u ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm)et toute fonction u ∈ C(Ω) admet des partielles partielles quelconques «au sensdes distributions». Le calcul (intégration par parties) effectué au début de 6.1.4montre que si en outre u ∈ C∞(Ω) alors toutes ces dérivées partielles au sensdes distributions «coïncident» avec les dérivées partielles classiques de u. Dansce numéro nous traitons quelques exemples de fonctions u qui ne sont pas déri-vables (partout) classiquement, et nous déterminons leurs dérivées au sens desdistributions. Les trois exemples qui suivent sont dans le cadre m = 1 et Ω = R.(1) Considérons u la fonction de Heaviside définie par

u(ξ) =

0 si ξ < 01 si ξ > 0 .

La distribution Tu associée à u est donnée par la relation

〈ϕ, Tu〉 =∫RuϕdL 1 =

∫ ∞0

ϕdL 1 ,

ϕ ∈ D(R). Par conséquent, la dérivée T ′u, qui est définie par 〈ϕ, T ′u〉 =−〈ϕ′, Tu〉, vérifie l’identité

〈ϕ, T ′u〉 = −∫ ∞

0ϕ′dL 1 = ϕ(0) =

∫Rϕdδ0 .

En d’autres mots, T ′u = δ0 est une mesure de Dirac en 0.

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6.1 Distributions 156

(2) On considère la fonction u(ξ) = |ξ|, ξ ∈ R. La distribution Tu qui lui estassociée vérifie la relation

〈ϕ, Tu〉 =∫RuϕdL 1 = −

∫ 0

−∞ξϕ(ξ)dL 1(ξ) +

∫ ∞0

ξϕ(ξ)dL 1(ξ) ,

ϕ ∈ D(R). Par conséquent, sa dérivée T ′u qui est définie par 〈ϕ, T ′u〉 =−〈ϕ′, Tu〉, vérifie la relation

〈ϕ, T ′u〉 = −〈ϕ′, Tu〉

=∫ 0

−∞ξϕ′(ξ)dL 1(ξ)−

∫ ∞0

ξϕ′(ξ)dL 1(ξ)

= [ξϕ(ξ)]ξ=0ξ=−∞ −

∫ 0

−∞ϕ(ξ)dL 1(ξ)− [ξϕ(ξ)]ξ=∞ξ=0 +

∫ ∞0

ϕ(ξ)dL 1(ξ)

= 〈ϕ, Tv〉 ,

où v est définie par

v(ξ) =−1 si ξ < 01 si ξ > 0 .

Bien entendu le choix de la valeur v(ξ) est sans influence. En fait, ladérivée «au sens des distributions» de u coïncide L 1 presque partoutavec sa dérivée au sens classique (contrairement à la dérivée «au sensdes distributions» de la fonction de Heaviside), c’est-à-dire on peut écrireT ′u = Tu′ comme dans le cas des fonctions u de classe C1, mais cette fois u′est seulement définie L 1 presque partout. C’est le cas de manière généralepour les fonctions lipschitziennes.

(3) Reprenons l’exemple 3.4.1 d’une fonction continue u : R → R qui n’estnulle part dérivable. On écrit u =

∑k∈N0

vk (la série étant uniformémentconvergente) où vk(ξ) = 2−kv(2kξ) et v(ξ) = dist(ξ,Z). Un raisonnementanalogue à l’exemple (2) ci-dessus entraîne aisément que T ′v = Tv′ (où v′s’entend L 1 presque partout). Par conséquent, un changement de variableentraîne que T ′vk = Tv′

k, k ∈ N0. Par ailleurs, étant donné ϕ ∈ D(R), le

théorème de convergence dominée entraîne que

〈ϕ, Tu〉 =∫RuϕdL 1 =

∫R

(∑k∈N0

vk

)ϕdL 1

=∑k∈N0

∫RvkϕdL

1 =∑k∈N0

〈ϕ, Tvk〉 .

En d’autres termes, u =∑k∈N0

Tvk préfaiblement. Mais alors, d’après6.1.5 et la remarque ci-dessus au sujet des T ′vk , on a

T ′u =(∑k∈N0

Tvk

)′=∑k∈N0

T ′vk =∑k∈N0

Tv′k.

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6.2 Régularisation 157

6.2 Régularisation5.2.1 6.2.1. — On rappelle les notations τau et u introduites en 4.7.1, et la défi-

nition du produit de convolution (u ∗ v)(ξ) introduite en 4.7.3 : (u ∗ v)(ξ) =∫Rm u(ζ)(τξ v)(ζ)dLm(ζ). En particulier si (par exemple u ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm)et) Tu désigne la distribution associée à u en 6.1.1, alors pour toute fonctiond’essai ϕ ∈ D(Rm) on (u ∗ ϕ)(ξ) = 〈τξϕ, Tu〉. Ceci nous amène à faire la défini-tion suivante. Si T est une distribution dans Rm et ϕ ∈ D(Rm), on définit leurproduit de convolution T ∗ ϕ : Rm → R par la formule

(T ∗ ϕ)(ξ) = 〈τξϕ, T 〉 .

Cette fonction est bien définie puisque τξϕ ∈ D(Rm) quels que soient ξ ∈ Rm etϕ ∈ D(Rm). En outre Tu ∗ ϕ = u ∗ ϕ lorsque u ∈ L1(Rm,B(Rm),Lm), commeon l’a observé ci-dessus.

Nous allons à présent étendre la construction ci-dessus au cas suivant : Ω0 ⊆Ω ⊆ Rm sont des ouverts son vides, T est une distribution dans Ω, et ϕ ∈ D(Rm)est telle que (adh Ω0)− (suppϕ) ⊆ Ω. Sous ces hypothèses, la fonction T ∗ϕ estdéfinie sur l’ouvert Ω0 par la relation (T ∗ϕ)(ξ) = 〈τξϕ, T 〉, ξ ∈ Ω0. La définitiona du sens puisque supp τξϕ = ξ − suppϕ ⊆ Ω, de sorte que τξϕ ∈ D(Ω).

Par ailleurs si u et v sont convolables, et a ∈ Rm, on observe que∫Rm

(τau)vdLm =∫Rm

u(τ−av)dLm .

Etant donné une distribution T sur Rm, l’identité ci-dessus suggère de définirτaT par la relation

〈ψ, τaT 〉 = 〈τ−aψ, T 〉 ,

ψ ∈ D(Rm). On vérifie en effet que τaTu = Tτau si u ∈ L0(Rm,B(Rm)) etu ∈ L1(K,B(K),Lm) quel que soit K ⊆ Rm compact. Comme ci-dessus onsouhaite définir τaT dans le cas où T est une distribution dans un ouvert Ω ⊆Rm. On suppose que Ω0 ⊆ Ω est ouvert, et B ⊆ Rm est un compact tel que(adh Ω0) − B ⊆ Ω, et a ∈ B. Dans ce cas, τaT est une distribution dans Ω0définie par la relation 〈ψ, τaT 〉 = 〈τ−aψ, T 〉, ψ ∈ D(Ω0). Cette relation a du senspuisque supp τ−aψ = (suppψ)− a ⊆ Ω0 −B ⊆ Ω, de sorte que τ−aψ ∈ D(Ω).

5.2.2 6.2.2. — Supposons que r ∈ R\0 et j = 1, . . . ,m. On définit ηj,r : Rm → Rmpar la relation

ηj,r = 1r

(τ0 − τrej

)(τ0 = idRm). Supposons à présent que Ω ⊆ Rm est ouvert, ϕ ∈ D(Ω), et r0 > 0suffisamment petit pour que (suppϕ) +B(0, 2r0) ⊆ Ω. On pose K = (suppϕ) +B(0, r0) et on observe que supp ηj,rϕ ⊆ K pour autant que 0 < |r| 6 r0. Dansce cas, on a

limr→0

ηj,rϕ = ∂jϕ

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6.2 Régularisation 158

au sens de la topologie TK de l’espace des fonctions d’essai DK(Rm). En effet,étant donné ξ ∈ K et 0 < |r| < r0, on observe que

|(ηj,rϕ)(ξ)− (∂jϕ)(ξ)| =∣∣∣∣ϕ(ξ)− ϕ(ξ − rej)

r− ∂jϕ(ξ)

∣∣∣∣=∣∣∣∣1r∫ 1

0

d

dtϕ(ξ − trej)dL 1(t)− ∂jϕ(ξ)

∣∣∣∣=∣∣∣∣∫ 1

0

(∂jϕ(ξ − trej)− ∂jϕ(ξ)

)dL 1(t)

∣∣∣∣6 r(Lip ∂jϕ) .

Rappelons que ∂jϕ est effectivement lipschitzienne, voir 4.9.2. On obtient donc

limr→0‖ηj,rϕ− ∂jϕ‖∞ = 0 . (6.3) eq.19

Etant donné un multi-indice α ∈ Nm, on observe que ∂α(∂jϕ) = ∂j(∂αϕ) etaussi ∂α(ηj,rϕ) = ηj,r(∂αϕ). Par conséquent on peut appliquer (6.3) à ∂αϕ eton obtient donc la conclusion annoncée.

5.2.3 6.2.3 Théorème. — Soient Ω0 ⊆ Ω ⊆ Rm des ouverts, et ϕ ∈ D(Rm) tels que(adh Ω0)− (suppϕ) ⊆ Ω. Si T une distribution dans Ω alors T ∗ ϕ ∈ C∞(Ω0).En outre, pour chaque multi-indice α ∈ Nm on a

∂α(T ∗ ϕ) = (∂αT ) ∗ ϕ = T ∗ ∂αϕ .

Démonstration. Première étape : T ∗ ϕ ∈ C(Ω0). Supposons que 〈ξk〉k∈N0 estune suite convergente dans Ω0, dont la limite est notée ξ, et que ψ ∈ Cc(Rm).Dans ce cas limk ‖τξkψ − τξψ‖∞ = 0. En effet, ψ étant uniformément continue,on a

‖τξkψ − τξψ‖∞ = sup|ψ(ζ − ξk)− ψ(ζ − ξ)| : ζ ∈ Rm6 sup|ψ(ζ)− ψ(ζ ′)| : ζ, ζ ′ ∈ Rm et |ζ − ζ ′| 6 |ξ − ξk|→ 0 quand k →∞ .

On applique cette observation à chaque ψ = ∂αϕ, et l’on conclut que

limk‖∂α(τξk ϕ)− ∂α(τξϕ)‖∞ = lim

k‖τξk∂αϕ− τξ∂αϕ‖∞ = 0 ,

et donc, puisque α est arbitraire, la suite 〈τξk ϕ〉k∈N0 converge vers ϕ dansDK(Ω)[TK ], où K ⊆ Ω est compact qui contient supp τξk ϕ pour chaque k,par exemple K = adh∪k∈N0(ξk − suppϕ). Par conséquent,

limk

(T ∗ ϕ)(ξk) = limk〈τξk ϕ, T 〉 = 〈τξϕ, T 〉 = (T ∗ ϕ)(ξ) .

Deuxième étape : pour tout a ∈ suppϕ on a

τa(T ∗ ϕ) = (τaT ) ∗ ϕ = T ∗ (τaϕ) .

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6.2 Régularisation 159

On vérifie en effet que, pour chaque ξ ∈ Ω0, les relations suivantes sont valides :

τa(T ∗ ϕ)(ξ) = (T ∗ ϕ)(ξ − a)= 〈τξ−aϕ, T 〉 ,

[(τaT ) ∗ ϕ](ξ) = 〈τξϕ, τaT 〉= 〈τ−aτξϕ, T 〉= 〈τξ−aϕ, T 〉 ,

[T ∗ (τaϕ)](ξ) = 〈τξ(τaϕ), T 〉= 〈τξτ−aϕ, T 〉= 〈τξ−aϕ, T 〉 .

Troisième étape : T ∗ ϕ ∈ C1(Ω0), et

∂j(T ∗ ϕ) = T ∗ ∂jϕ ,

j = 1, . . . ,m. Fixons ξ ∈ Ω0. Il suit de 6.2.2 que la limite suivante existe :

∂j(T ∗ ϕ)(ξ) = limr→0

(T ∗ ϕ)(ξ + rej)− (T ∗ ϕ)(ξ)r

= limr→0

〈τξ+rej ϕ, T 〉 − 〈τξϕ, T 〉r

= limr→0

⟨ (τrej − τ0)(τξϕ)r

, T

⟩= limr→0〈−ηj,r(τξϕ), T 〉

= 〈−∂j(τξϕ), T 〉= 〈τξ(∂jϕ) , T 〉= (T ∗ ∂jϕ)(ξ) .

En d’autres mots, la fonction T ∗ϕ admet en chaque point des dérivées partiellesqui vérifient, en outre, la relation ∂j(T ∗ϕ) = T ∗(∂jϕ). Elles sont donc continues,d’après la première étape, ce qui entraîne aussitôt que T ∗ ϕ est (continûment)dérivable sur Ω0.

Dernière étape. Etant donné un multi-indice α ∈ Nm, on démontre parinduction sur |α|, en se référant à l’étape précédente, que la dérivée partielle∂α(T ∗ϕ) existe partout et égale T ∗∂αϕ. Utilisant à nouveau la première étape,on en déduit que T ∗ ϕ ∈ C∞(Ω0). Par ailleurs, on vérifie aisément que pourtout ξ ∈ Ω0 et tout multi-indice α,

τξ((∂αϕ)

)= (−1)|α|∂α(τξϕ) .

On applique T aux deux membres de cette identité, et l’on obtient [T∗(∂αϕ)](ξ) =[(∂αT ) ∗ ϕ](ξ).

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6.2 Régularisation 160

5.2.4 6.2.4 Théorème. — Soient Ω0 ⊆ Ω ⊆ Rm des ouverts, et ϕ ∈ D(Rm) tels que(adh Ω0)− (suppϕ) ⊆ Ω. Si T est une distribution dans Ω0 alors∫

Ω0

ψ(T ∗ ϕ)dLm = 〈ψ ∗ ϕ, T 〉 ,

quelle que soit ψ ∈ D(Ω0).5.2.5 6.2.5. — Pour justifier heuristiquement l’énoncé précédent, on peut remarquer

que si u, ϕ, ψ ∈ D(Rm) alors∫Rm

ψ(u ∗ ϕ)dLm =∫Rm

u(ϕ ∗ ψ)dLm ,

comme il résulte immédiatement du théorème de Fubini. En d’autres termes,6.2.4 est vérifié pour les distributions du type T = Tu. On observe également quele membre de droite de l’identité énoncée en 6.2.4 a du sens puisque supp ϕ∗ψ ⊆(suppψ)− (suppϕ) ⊆ Ω d’après 4.7.4(D) (et 4.7.5).

Démonstration de 6.2.4. Soit ψ ∈ D(Ω0). A chaque entier k ∈ N0 on associe unepartition borélienne finie Bk,1, . . . , Bk,nk de suppψ, telle que diamBk,j 6 k−1,j = 1, . . . , nk. On choisit arbitrairement ξk,j ∈ Bk,j et on définit yk,j = ψ(ξk,j).On considère à présent la suite de fonctions 〈wk〉k∈N0 dans L0(Ω0,B(Ω0)) définiepar

wk(ξ) =nk∑j=1

yk,j1Bk,j (ξ)〈τξk,j ϕ, T 〉 .

Première étape : le théorème de convergence dominée s’applique à la suite〈wk〉k∈N0 , par conséquent∫

Ω0

ψ(T ∗ ϕ)dLm =∫

Ω0

ψ(ξ)〈τξϕ, T 〉dLm(ξ)

= limk

∫Ω0

nk∑j=1

yk,j1Bk,j (ξ)〈τξk,j ϕ, T 〉dLm(ξ) .

On commence par observer qu’il existe un entier k0 tel que B(suppψ, k−1) ⊆ Ω0dès que k > k0. Dans la suite nous supposerons que k > k0. On note ensuiteque

|wk| 6 ‖ψ‖∞ sup|〈τξϕ, T 〉| : ξ ∈ B(suppψ, 1)1B(suppψ,k−1)

∈ L1(Ω0,B(Ω0),Lm)

parce que B(suppψ, k−1) est compact et ξ 7→ 〈τξϕ, T 〉 est continue sur Ω0d’après 6.2.3. Afin d’appliquer le théorème de convergence dominée, il resteà établir que limk wk(ξ) = ψ(ξ)〈τξϕ, T 〉 pour tout ξ ∈ Ω0. On pose u(ξ) =

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6.2 Régularisation 161

〈τξϕ, T 〉, ξ ∈ Ω0, afin d’alléger les notations, et l’on remarque que

|wk(ξ)− ψ(ξ)u(ξ)| 6

∣∣∣∣∣∣nk∑j=1

ψ(ξk,j)1Bk,j (ξ) (u(ξk,j)− u(ξ))

∣∣∣∣∣∣+

∣∣∣∣∣∣ nk∑j=1

ψ(ξk,j)1Bk,j (ξ)− ψ(ξ)

u(ξ)

∣∣∣∣∣∣6 ‖ψ‖∞ osc(u; ξ; k−1) + osc(ψ; ξ; k−1)‖u‖∞ → 0 quand k →∞ .

Deuxième étape :∫Ω0

ψ(T ∗ ϕ)dLm = limk

⟨nk∑j=1

yk,jLm(Bk,j)τξk,j ϕ, T

⟩.

Cela suit immédiatement de la première étape et de la linéarité de l’intégrale :∫Ω0

nk∑j=1

yk,j1Bk,j (ξ)〈τξk,j ϕ, T 〉dLm(ξ) =⟨

nk∑j=1

yk,jLm(Bk,j)τξk,j ϕ, T

quel que soit k > k0.Choisissons à présent un compact K ⊆ Ω tel que

nk∑j=1

yk,jLm(Bk,j)τξk,j ϕ ∈ DK(Ω)

dès que k > k0. Pour terminer la démonstration du théorème, il suffit doncd’établir que :

Dernière étape :

limk

nk∑j=1

yk,jLm(Bk,j)τξk,j ϕ = ψ ∗ ϕ

dans l’espace DK(Ω)[TK ]. On définit

ψk =nk∑j=1

yk,j1Bk,j

et l’on note que, pour toute v ∈ D(Rm) telle que (adh Ω0) − supp v ⊆ Ω on a,

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6.2 Régularisation 162

pour tout ξ ∈ Ω0,∣∣∣∣ nk∑j=1

uk,jLm(Bk,j)(τξk,jv)(ξ)− (ψk ∗ v)(ξ)

∣∣∣∣=∣∣∣∣ nk∑j=1

yk,j

∫Bk,j

(τξk,jv)(ξ)dLm(ζ)

−∫

Ω0

nk∑j=1

yk,j1Bk,j (ζ)(τξ v)(ζ)dLm(ζ)∣∣∣∣

6nk∑j=1|yk,j |

∫Bk,j

|v(ξ − ξk,j)− v(ξ − ζ)|dLm(ζ)

6nk∑j=1|yk,j |Lm(Bk,j) osc(v, k−1)

6 ‖ψ‖∞Lm(B(suppψ, k−10 ) osc(v, k−1)

→ 0 quand k →∞ .

On se donne à présent un multi-indice α ∈ Nm et on applique l’inégalité ci-dessusà v = ∂αϕ, et l’on déduit de 4.9.4 que :

limk

∥∥∥∥∥∥∂αnk∑j=1

yk,jLm(Bk,j)(τξk,j ϕ)− ∂α(ψk ∗ ϕ)

∥∥∥∥∥∥∞

= limk

∥∥∥∥∥∥nk∑j=1

yk,jLm(Bk,j)(τξk,j∂αϕ)− (ψk ∗ ∂αφ)

∥∥∥∥∥∥∞

= 0 .

Par ailleurs, on déduit de 4.7.6(A) que

limk‖∂α(ψk ∗ ϕ)− ∂α(ψ ∗ ϕ)‖∞ = lim

k‖(ψk − ψ) ∗ ∂αϕ‖∞

6 lim supk‖ψk − ψ‖L1‖∂αϕ‖∞ = 0 .

Puisque α est arbitraire, la dernière étape est démontrée.

5.2.6 6.2.6 Théorème. — Soient Ω0 ⊆ Ω des ouverts, et 〈ϕk〉k>k0 une approxima-tion de l’unité comme en 4.9.1, où k0 est tel que K := Rm ∩ ξ : dist(ξ,Ω0) 6k−1

0 ⊆ Ω. Dans ce cas,(1) Pour toute ψ ∈ D(Ω0) on a limk ψ ∗ ϕk = ψ dans DK(Ω)[TK ] ;(2) On pose uk = T ∗ ϕk ∈ C∞(Ω0). La suite de distributions 〈Tuk〉k>k0

définies dans Ω0, converge préfaiblement vers la restriction de T à Ω0.

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6.2 Régularisation 163

Démonstration. Soit v ∈ Cc(Rm), k ∈ N0 et ξ ∈ Rm. On observe que

|v(ξ)− (v ∗ ϕk)(ξ)| =∣∣∣∣v(ξ)−

∫Rm

v(ξ − ζ)ϕk(ζ)dLm(ζ)∣∣∣∣

=∣∣∣∣∫

Rm(v(ξ)− v(ξ − ζ))ϕk(ζ)dLm(ζ)

∣∣∣∣6 osc(v; k−1) .

Par conséquent limk ‖v − v ∗ ϕk‖∞ = 0. Etant donné un multi-indice α ∈ Nm,on applique cette inégalité à v = ∂αψ, et l’on obtient,

limk‖∂αψ − ∂α(ψ ∗ ϕk)‖∞ = lim

k‖∂αψ − (∂αψ) ∗ ϕk‖∞ = 0 ,

d’après 4.9.4. Puisque α est arbitraire, la conclusion (1) est prouvée. Enfin,découle est une conséquence immédiate de (1) et de 6.2.4. En effet, étant donnéψ ∈ D(Ω0), on a

limk〈ψ, Tuk〉 = lim

k〈ψ ∗ ϕk, T 〉 = 〈ψ, T 〉 .

5.2.7 6.2.7. — Le résultat précédent exprime que l’ensemble des distributions Tu as-sociées à des fonctions u ∈ C∞(Ω) est préfaiblement dense dans l’ensemble detoutes les distributions sur Ω. Nous allons déduire de cela, et de ce que l’opé-rateur de dérivée partielle au sens des distributions commute avec l’opérateurde convolution, qu’une distribution de gradient nul dans un ouvert connexe estassociée à une fonction constante. Rappelons que si Ω ⊆ Rm est un ouvertconnexe et si u ∈ C1(Ω) est telle que ∇u = 0, alors la fonction u est constantedans Ω. Le résultat suivant est une généralisation de cet énoncé, aux distribu-tions. Il est valide pour un ouvert connexe, mais nous l’établissons uniquementpour Ω = Rm.

5.2.8 6.2.8 Théorème (Théorème de constance). — Soit T une distribution dansRm telle que ∂jT = 0 pour tout j = 1, . . . ,m. Alors il existe c ∈ R tel que

〈ψ, T 〉 = c

∫Rm

ψdLm

quelle que soit ψ ∈ D(Rm).

Démonstration. On choisit une approximation de l’unité 〈ϕk〉k∈N0 comme en4.9.1. On définit uk = T ∗ ϕk ∈ C∞(Rm). On déduit de 6.2.3 que ∂juk =∂j(T ∗ ϕk) = (∂jT ) ∗ ϕk = 0, j = 1, . . . ,m. Par conséquent il existe ck ∈ Rm telque uk(ξ) = ck pour tout ξ ∈ Rm. Or d’après 6.2.6,

〈ψ, T 〉 = limk〈ψ, Tuk〉 = lim

kck

∫Rm

ψdLm

quelle que soit ψ ∈ D(Rm). Par conséquent, la limite c = limk ck existe, et ladémonstration est terminée.

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6.3 Fonctions et distributions harmoniques 164

6.3 Fonctions et distributions harmoniques5.3.1 6.3.1 (Laplacien). — Etant donné un ouvert Ω ⊆ Rm et u ∈ C1(Ω), on définit

le laplacien de u, noté 4u, par la formule suivante

4u = trace Hess u = div∇u =m∑j=1

∂(j,j)u =m∑j=1

∂2u

∂x2j

.

On dit que u est harmonique dans Ω si 4u = 0.5.3.2 6.3.2 (Coordonnées polaires). — Supposons que m = 2, B(ξ, r) ⊆ Ω) et u ∈

C(Ω). L’intégrale de u sur le disque B(ξ, r) peut être exprimée en coordonnéespolaires comme ceci :∫

B(ξ,r)u(ζ1, ζ2)dL 2(ζ1, ζ2) =

∫ r

0dL 1(ρ)ρ

∫ 2π

0u(ξ1+ρ cos θ, ξ2+ρ sin θ)dL 2(θ) .

On définit l’intégrale de u sur le cercle fr B(ξ, ρ), 0 < ρ 6 r, par la formule∫∂B(ξ,ρ)

u(ζ)dσ1(ζ) := ρ

∫ 2π

0u(ξ1 + ρ cos θ, ξ2 + ρ sin θ)dL 2(θ) ,

de sorte que l’intégrale en coordonnées polaires s’écrit à présent∫B(ξ,r)

u(ζ)dL 2(ζ) =∫ r

0dL 1(ρ)

∫∂B(ξ,ρ)

u(ζ)dσ1(ζ) .

On peut bien entendu «passer en coordonnées polaires» en dimension m > 2quelconque. On définit alors l’intégrale de u sur des hypersphères ∂B(ξ, ρ) desorte que l’intégration en coordonnées polaires s’écrive∫

B(ξ,r)u(ζ)dLm(ζ) =

∫ r

0dL 1(ρ)

∫∂B(ξ,ρ)

u(ζ)dσm−1(ζ) .

5.3.3 6.3.3 (Théorème de Gauss-Green). — On rappelle ici le théorème de Gauss-Green (ou théorème de la divergence) dans le cas des boules. Soit Ω ⊆ Rm unouvert, B(ξ, r) ⊆ Ω une boule (fermée), et v ∈ C1(Ω;Rm) un champ de vecteursde classe C1. On rappelle que sa divergence est définie comme ceci :

div v = trace Dv =m∑j=1〈Dv(ej), ej〉

m∑j=1

∂jvj .

Le théorème de la divergence énonce que∫B(ξ,r)

div v dLm =∫∂B(ξ,r)

〈v, n〉dσm−1

où n désigne la normale unitaire extérieure à l’hypersphère. Plus précisé-ment, si ζ ∈ ∂B(ξ, r) alors

n(ζ) = ζ − ξr

.

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6.3 Fonctions et distributions harmoniques 165

5.3.4 6.3.4 (Valeurs moyennes). — On définit α(m) = Lm(B(0, 1)), la mesure dela boule euclidienne unité dans Rm. On vérifie sans peine que Lm(B(ξ, r)) =α(m)rm, pour tout ξ ∈ Rm et tout r > 0. On déduit de 6.3.2 que

α(m)rm = Lm(B(ξ, r)) =∫ r

0dL 1(ρ)

∫∂B(ξ,r)

1dσm−1 ,

et, par conséquent,∫∂B(ξ,r)

1dσm−1 = d

drLm(B(ξ, r)) = mα(m)rm−1 ,

d’après le théorème fondamental du calcul différentiel et intégral. Dès lors, ondéfinit la moyenne de u ∈ C(Ω) sur une hypersphère ∂B(ξ, r) ⊆ Ω par la formule

−∫∂B(ξ,r)

u(ζ)dσm−1(ζ) := 1mα(m)rm−1

∫∂B(ξ,r)

u(ζ)dσm−1(ζ) .

5.3.5 6.3.5 Théorème (Valeur moyenne pour les fonctions harmoniques). — Soit Ω ⊆Rm un ouvert et u ∈ C2(Ω) une fonction harmonique. Pour tout ξ ∈ Ω et toutr > 0 tels que B(ξ, r) ⊆ Ω on a

u(ξ) = −∫∂B(ξ,r)

u(ζ)dσm−1(ζ) .

Démonstration. On pose

f(ρ) = −∫∂B(ξ,ρ)

u(ζ)dσm−1(ζ) = −∫∂B(0,1)

u(ξ + ρω)dσm−1(ω) ,

0 < ρ 6 r. Dérivant sous le signe intégral, on obtient,

f ′(ρ) = −∫∂B(0,1)

〈∇u(ξ + ρω), ω〉dσm−1(ω) .

On déduit du théorème de Gauss-Green que

f ′(ρ) = −∫∂B(ξ,ρ)

⟨∇u(ζ), ζ − ξ

r

⟩dσm−1(ζ)

= 1mα(m)rm−1

∫B(ξ,r)

div∇u dLm

= 1mα(m)rm−1

∫B(ξ,r)

4u dLm

= 0 .

Par conséquent, f est constante, de sorte que

f(r) = limρ→0+

f(ρ) = limρ→0+

−∫∂B(ξ,ρ)

u(ζ)dσm−1(ζ) = u(ξ)

car u est continue.

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6.3 Fonctions et distributions harmoniques 166

5.3.6 6.3.6. — Une fonction ϕ : Rm → R est dite radiale s’il existe une fonctionf : R+ → R telle que ϕ(ξ) = f(|ξ|), ξ ∈ Rm. Par exemple, les fonctions ϕkdéfinies en 4.9.1 sont radiales.

5.3.7 6.3.7 Théorème. — Soient Ω0 ⊆ Ω ⊆ Rm des ouverts, u ∈ C2(Ω) une fonc-tion harmonique, et ϕ ∈ Cc(Rm) une fonction radiale telle que (adh Ω0) +(suppϕ) ⊆ Ω et

∫Rm ϕdL

m = 1. Dans ce cas

u(ξ) = (u ∗ ϕ)(ξ)

pour tout ξ ∈ Ω0.

Démonstration. On choisit r > 0 tel que suppϕ ⊆ B(0, r). Puisque ϕ est radiale,on peut écrire ϕ(ξ) = f(|ξ|). On déduit de 6.3.5 que

(u ∗ ϕ)(ξ) =∫

Ωu(ξ)ϕ(ξ − ζ)dLm(ζ)

=∫ r

0dL 1(ρ)

∫∂B(ξ,ρ)

u(ζ)ϕ(ξ − ζ)dσm−1(ζ)

=∫ r

0dL 1(ρ)

∫∂B(ξ,ρ)

u(ζ)f(|ξ − ζ|)dσm−1(ζ)

=∫ r

0dL 1(ρ)f(ρ)

∫∂B(ξ,ρ)

u(ζ)dσm−1(ζ)

= u(ξ)∫ r

0dL 1(ρ)f(ρ)

∫∂B(ξ,ρ)

1 dσm−1(ζ)

= u(ξ)∫ r

0dL 1(ρ)

∫∂B(ξ,ρ)

ϕ(ξ − ζ)dσm−1(ζ)

= u(ξ)∫Rm

ϕ(ξ − ζ)dLm(ζ)

= u(ξ) .

5.3.8 6.3.8 Corollaire. — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert et u ∈ C2(Ω) une fonctionharmonique. Dans ce cas u ∈ C∞(Ω).

Démonstration. On considère une approximation de l’unité radiale comme en4.9.1. A chaque k ∈ N0 on associe l’ouvert Ωk = Ω∩ξ : dist(ξ,Rm \Ω) > k−1.On déduit de 6.3.7 que u = u ∗ ϕk sur Ωk. Or u ∗ ϕk ∈ C∞(Ωk) d’après 4.9.4.Puisque k est arbitraire, la démonstration est terminée.

5.3.9 6.3.9. — En fait si u ∈ C2(Ω) est harmonique dans Ω, alors elle est analytiquedans Ω. Cela suit de majorations des dérivées de u, qui découlent de la propriétéde valeur moyenne 6.3.5, et de ce que toutes les dérivées partielles ∂αu sontharmoniques également. Ces majorations permettent en effet de contrôler lescoefficients de la série de Taylor de u en un point ξ ∈ Ω. Nous ne ferons pas

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6.3 Fonctions et distributions harmoniques 167

ces calculs ici. En revanche nous allons montrer que le corollaire se généralisede manière spectaculaire aux distributions. On dit d’une distribution T dans Ωqu’elle est harmonique si 4T = 0, où 4T =

∑mj=1 ∂

(j,j)T , c’est-à-dire

〈ψ,4T 〉 := 〈4ψ, T 〉 ,

ψ ∈ D(Ω).5.3.10 6.3.10 Théorème (Lemme de Weyl). — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert et u ∈ L0(Ω,B(Ω))

une fonction borélienne localement intégrable (c’est-à-dire u K ∈ L1(K,B(K),Lm)pour tout compact K ⊆ Ω). Si la distribution Tu qui lui est associée est harmo-nique, alors u coïncide Lm presque partout dans Ω avec une fonction harmo-nique u ∈ C∞(Ω).

Démonstration. Pour chaque δ > 0 on pose

Ωδ := Ω ∩ ξ : dist(ξ,Rm \ Ω) > δ .

On choisit une approximation de l’unité 〈ϕk〉k∈N0 comme en 4.9.1, telle quechaque ϕk soit radiale. On pose uk := (Tu) ∗ ϕk = u ∗ ϕk, de sorte que uk ∈C∞(Ωk−1). On déduit de 6.2.3 que

4uk = 4(Tu) ∗ ϕk = (4Tu) ∗ ϕk = 0 ,

c’est-à-dire que uk est harmonique dans Ωk−1 . Mais alors, il suit de 6.3.7 quepour tout entier j ∈ N0,

uk = uk ∗ ϕj = (u ∗ ϕk) ∗ ϕj

dans l’ouvert Ωk−1+j−1 . De manière analogue,

uj = uj ∗ ϕk = (u ∗ ϕj) ∗ ϕk

dans cet ouvert Ωj−1+k−1 . Il suit à présent de 4.7.9 que

uk = uj dans Ωk−1+j−1

quels que soient les entiers j, k ∈ N0. Par conséquent, on peut définir une fonctionu : Ω→ R en posant u(ξ) := uk(ξ) où k est tel que ξ ∈ Ω2k−1 (c’est-à-dire uk(ξ)ne dépend pas du choix d’un tel entier k). Puisque chaque uk est harmoniquedans Ωk−1 on en déduit immédiatement que u est harmonique dans Ω. Enfin,si ψ ∈ D(Ω), on observe que ψuk = ψu dès que k est suffisamment grand pourque suppψ ⊆ Ω2k−1 , et il suit de 6.2.6(2) que

〈ψ, Tu〉 = limk〈ψ, Tuk〉 = lim

k

∫ΩψukdL

m =∫

ΩψudLm .

Par conséquent Tu = Tu, de sorte que u et u coïncident Lm presque partout,d’après le lemme de Dubois-Reymond, 4.9.6.

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6.4 Espaces de Sobolev 168

6.4 Espaces de Sobolev5.4.1 6.4.1. — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert. On définit W 1

p (Ω) comme étant le sous-ensemble de Lp(Ω,B(Ω),Lm) constitué des fonctions u ayant la propriété sui-vante : pour chaque entier j = 1, . . . ,m, la dérivée partielle ∂jTu de la dis-tribution Tu est associée à une fonction vj ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm), c’est-à-dire∂Tu = Tvj . En d’autres termes,

W 1p (Ω) = Lp(Ω,B(Ω),Lm) ∩

u : (∀j = 1, . . . ,m)(∃vj ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm))

telle que∫

Ωu∂jϕdL

m = −∫

ΩvjϕdL

m quelle que soit ϕ ∈ D(Ω).

Si u ∈W 1p (Ω), j = 1, . . . ,m, et vj , vj ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm) sont telles que ∂jTu =

Tvj = Tvj , alors vj et vj coïncident Lm presque partout (c’est une conséquencedu lemme de Dubois-Reymond, voir 6.1.1). Une telle fonction sera notée ∂ju etappelée une dérivée partielle faible de u. On utilisera aussi la notation ∇upour désigner

Ω→ Rm : ξ 7→ (∂1u(ξ), . . . , ∂mu(ξ)) .

Si T1, T2 sont deux distributions dans Ω, λ1, λ2 ∈ R, et j = 1, . . . ,m, alors∂j(λ1T1 + λ2T2) = λ1∂jT1 + λ2∂jT2. On en déduit que W 1

p (Ω) est un sous-espace vectoriel de Lp(Ω,B(Ω),Lm) et que si u1, u2 ∈ W 1

p (Ω), λ1, λ2 ∈ R,alors λ1∂ju1 + λ2∂ju2 est une dérivée partielle jième faible de λ1u1 + λ2u2.

Si u ∈W 1p (Ω) on définit

‖u‖W 1p

:=

∫Ω|u|pdLm +

m∑j=1

∫Ω|∂ju|pdLm

1p

=

‖u‖pLp +m∑j=1‖∂ju‖pLp

1p

.

L’inégalité de Minkowski dans `m+1p (R), 1.3.12, et l’inégalité de Minkowski dans

Lp(Ω,B(Ω),Lm), 4.3.5, entraînent que ‖ · ‖W 1pvérifie l’inégalité triangulaire. Il

s’agit donc d’une semi-norme sur W 1p (Ω). On observe aussitôt que ‖u‖W 1

p= 0 si

et seulement si u s’annule Lm presque partout dans Ω. Par conséquent ‖ · ‖W 1p

induit une norme (notée de la même manière) sur l’espace quotient W1p(Ω) :=

W 1p (Ω)/Zp où Zp = W 1

p (Ω)∩ u : u s’annule Lm presque partout. On appellel’espace normé W1

p(Ω)[‖ · ‖W 1p] un espace de Sobolev.

5.4.2 6.4.2 Théorème. — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert, et 1 6 p 6 ∞. L’espace deSobolev W1

p(Ω)[‖ · ‖W 1p] est de Banach.

Démonstration. Soit 〈uk〉k∈N0 une suite de Cauchy dans W1p(Ω), et des repré-

sentants uk ∈ uk, k ∈ N0. On observe que ‖uk‖Lp 6 ‖uk‖W 1p, de sorte que

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6.4 Espaces de Sobolev 169

〈uk〉k∈N0 est également une suite de Cauchy dans Lp(Ω,B(Ω),Lm)[‖ · ‖Lp ]. Ilsuit du théorème de Riesz-Fischer 4.3.7 qu’il existe u ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm) telleque limk ‖u− uk‖Lp = 0. On observe également que, pour chaque j = 1, . . . ,m,‖∂juk‖Lp 6 ‖uk‖Lp , de sorte qu’il existe vj ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm) telle quelimk ‖vj − ∂juk‖Lp = 0, toujours d’après le théorème de Riesz-Fischer.

Montrons que vj est une dérivée partielle faible de u. En effet, la convergencede la suite 〈uk〉k∈N0 vers u relativement à la norme ‖·‖Lp , et l’inégalité de Hölder,entraînent que la suite de distributions 〈Tuk〉k∈N0 converge préfaiblement versla distribution Tu. On en déduit que la suite 〈∂Tuk〉k∈N0 converge préfaiblementvers ∂jTu, d’après 6.1.5. Or la convergence de 〈∂juk〉k∈N0 vers vj relativementà la norme ‖ · ‖Lp , et l’inégalité de Hölder, entraînent que 〈T∂juk〉k∈N0 convergepréfaiblement vers Tvj . Bien entendu ∂jTuk = T∂juk , de sorte que, finalement,∂jTu = Tvj . Ceci établit que u ∈W 1

p (Ω).Enfin, la suite 〈uk〉k∈N0 converge vers u relativement à la norme ‖ · ‖W 1

pcar

‖u− uk‖pW 1p

= ‖u− uk‖pLp +m∑j=1‖vj − ∂juk‖pLp → 0 quand k →∞ .

5.4.3 6.4.3 Exemple. — On désigne par Ω = U(0, R) ⊆ Rm, R > 1, une bouleeuclidienne ouverte, et on fixe 1 6 p < ∞. Etant donné γ > 0 on définit lafonction u ∈ L0(Ω,B(Ω)) par la formule u(ξ) = |ξ|−γ , γ ∈ Ω \ 0. On noteque u ∈ C∞(Ω \ 0) et que, dans cet ouvert, ses dérivées partielles (au sensclassique) vérifient

(∂ju)(ξ) = −γξj|ξ|γ+2 ,

et, en particulier,|∇u(ξ)| = |γ|

|ξ|γ+1 .

Par conséquent |∇u| ∈ Lp(Ω,B(Ω),Lm) si et seulement si (γ + 1)p < m,c’est-à-dire γ < m−p

p . On observe que, sous cette hypothèse, on a aussi u ∈Lp(Ω,B(Ω),Lm).

Nous allons à présent établir que, en fait, u ∈ W 1p (Ω) si et seulement si

γ < m−pp . A cette fin, il suffit de montrer que les fonctions ∂ju définies ci-dessus

sont des dérivées partielles faibles de u sur l’ouvert Ω tout entier. Soit ϕ ∈ D(Ω)et 0 < r < 1. Pour chaque j = 1, . . . ,m, il suit du théorème de Gauss-Greenque∫

Ω\B(0,r)u(∂jϕ)dLm = −

∫Ω\B(0,r)

(∂ju)ϕdLm −∫∂B(0,r)

uϕ〈n, ej〉dσm−1

(6.4) eq.20

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6.4 Espaces de Sobolev 170

où n désigne la normale unitaire extérieure à ∂B(0, r). Or γ+1 6 (γ+1)p < m,de sorte que∣∣∣∣∣∫∂B(0,r)

uϕ〈n, ej〉dσm−1

∣∣∣∣∣ 6 ‖ϕ‖∞∫∂B(0,r)

r−γdσm−1

= ‖ϕ‖∞mα(m)rm−1−γ → 0 quand r → 0 .

Faisant r → 0+ dans (6.4), il suit du théorème de convergence dominée que∫Ωu(∂jϕ)dLm = −

∫Ω

(∂ju)ϕdLm .

Soit à présent Ω = U(0, 1), et 〈ξk〉k∈N0 une suite dense dans Ω. Etant donnéγ < m−p

p , on définit (Lm presque partout sur Ω) une fonction borélienne

u(ξ) =∑k∈N0

2−k|ξ − ξk|−γ =∑k∈N0

2−kτξkv .

où v(ξ) = |ξ|−γ . On a v ∈ W 1p (U(0, 2)) d’après le paragraphe précédent, et

‖τξkv‖W 1p (U(0,1)) 6 ‖v‖W 1

p (U(0,2)) pour tout k ∈ N0. Par conséquent la série∑k∈N0

2−kτξkv est absolument convergente dans W1p(Ω). Il suit de 6.4.2, 3.6.2,

4.2.3 et 4.2.7 que u ∈W1p(Ω). On observe cependant que pour tout ensemble bo-

rélien B ⊆ Ω tel que Lm(B) > 0 on a ‖u‖L∞(B) = +∞ : u n’est essentiellementbornée au voisinage d’aucun point.

5.4.4 6.4.4 Théorème. — Soit X[‖ ·‖] un espace normé réflexif, et Z ⊆ X un sous-espace fermé. Dans ce cas, Z[‖ · ‖] est également réflexif.

Démonstration. On considère l’application de restriction

ρ : X∗ → Z∗ : x∗ 7→ x∗ Z .

Il est évident que ρ est un opérateur linéaire continu. Ensuite on définit l’opé-rateur

ψ : Z∗∗ → X∗∗ : z∗∗ 7→ ψ(z∗∗)

donné par la formule〈x∗, ψ(z∗∗)〉 := 〈ρ(x∗), z∗∗〉 ,

x∗ ∈ X∗. En d’autres mots, ψ(z∗∗) = z∗∗ ρ, de sorte que ψ est bien défini,linéaire et continu. Nous devons montrer que ev : Z → Z∗∗ est surjectif. Soitz∗∗ ∈ Z∗∗. Puisque ev : X → X∗∗ est surjectif (par hypothèse), il existe x ∈ Xtel que ψ(z∗∗) = ev(x), c’est-à-dire

〈x∗ Z, z∗∗〉 = 〈x∗, ψ(z∗∗)〉 = 〈x, x∗〉

quel que soit x∗ ∈ X∗.Montrons que x ∈ Z. Si ce n’était pas le cas, puisque Z est fermé, on déduirait

du théorème de Hahn-Banach 2.3.8 l’existence de x∗ ∈ X∗ telle que Z ⊆ kerx∗

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6.4 Espaces de Sobolev 171

et 〈x, x∗〉 6= 0. Par conséquent ρ(x∗) = x∗ Z = 0, de sorte que 〈x∗, ψ(z∗∗)〉 = 0,ce qui est absurde puisque 〈x∗, ψ(z∗∗)〉 = 〈x, x∗〉.

Montrons que ev(x) = z∗∗. Soit z∗ ∈ Z∗. D’après le théorème de Hahn-Banach, z∗ admet une extension x∗ ∈ X∗ à X tout entier, c’est-à-dire ρ(x∗) =x∗ Z = z∗. Il reste à observer que

〈z∗, z∗∗〉 = 〈x∗ Z, z∗∗〉 = 〈x, x∗〉 = 〈x, z∗〉 = 〈z∗, ev(x)〉 .

5.4.5 6.4.5. — Soient X1, . . . , Xn des espaces normés, et X = ×nj=1Xj leur produitcartésien. Etant donné 1 < p <∞, on le munit de la norme

‖(x1, . . . , xn)‖p =

n∑j=1‖xj‖p

1p

.

On note 1 < q <∞ l’exposant conjugué de p.(A) X∗ est isométriquement isomorphe à ×nj=1X

∗j muni de la norme corres-

pondant à l’exposant q, via l’isomorphisme

ψ : ×nj=1X∗j → X∗

défini par la formule

〈(x1, . . . , xn), ψ(x∗1, . . . , x∗n)〉 :=n∑j=1〈xj , x∗j 〉 .

(B) Si les X1, . . . , Xn sont réflexifs, alors X est réflexif.(C) Si les X1, . . . , Xn sont séparables, alors X est séparable.

On commence par observer que ‖(x1, . . . , xn)‖p définit effectivement unenorme surX, d’après l’inégalité de Minkowski 1.3.12. On laisse ensuite au lecteurle soin de vérifier que ψ(x∗1, . . . , x∗n) est bien une forme linéaire sur X. En outre,l’inégalité de Hölder 1.3.11 entraîne que

|〈(x1, . . . , xn), ψ(x∗1, . . . , x∗n)〉| =

∣∣∣∣∣∣n∑j=1〈xj , x∗j 〉

∣∣∣∣∣∣6

m∑j=1‖xj‖‖x∗j‖

6

n∑j=1‖xj‖p

1p n∑j=1‖x∗j‖q

1q

= ‖(x1, . . . , xn)‖p‖(x∗1, . . . , x∗n)‖q ,

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6.4 Espaces de Sobolev 172

par conséquent ψ(x∗1, . . . , x∗n) ∈ X∗. On laisse ensuite à la lectrice le soin devérifier que ψ est linéaire. Il résulte alors de l’inégalité ci-dessus que ‖ψ‖ 6 1.En vue d’établir (A), il reste donc à montrer que ‖ψ‖ > 1, et que ψ est surjective.Soit (x∗1, . . . , x∗n) ∈ ×nj=1X

∗j . D’après 1.6.6 il existe λ1, . . . , λn ∈ R+ \ 0 tels

que n∑j=1‖x∗j‖q

1q

=n∑j=1

λj‖x∗j‖ ,

et n∑j=1

λpj

1p

= 1, .

Pour chaque j = 1, . . . , n et ε > 0 il existe xj ∈ Xj tel que ‖xj‖ = λj et〈xj , x∗j 〉 > λj(‖x∗j‖ − ε). Par conséquent, ‖(x1, . . . , xn)‖p = 1, de sorte que

‖ψ(x∗1, . . . , x∗n)‖ > 〈(x1, . . . , xn), ψ(x∗1, . . . , x∗n)〉

=n∑j=1〈xj , x∗j 〉

>m∑j=1

λj(‖x∗j‖ − ε) .

Puisque ε est arbitraire, il en résulte que

‖ψ(x∗1, . . . , x∗n)‖ >m∑j=1

λj‖x∗j‖ = ‖(x∗1, . . . , x∗n)‖q ,

de sorte que ‖ψ‖ > 1. En vue de montrer que ψ est surjectif, on considère lesprojections canoniques πj : X → Xj et injections canoniques ιj : Xj → X, desorte que idX =

∑nj=1 ιj πj . Soit x∗ ∈ X∗. On définit x∗j := x∗ ιj ∈ X∗j , et

l’on observe que x∗ = ψ(x∗1, . . . , x∗n) car, pour tout x = (x1, . . . , xn) ∈ X, on a

〈(x1, . . . , xn), ψ(x∗1, . . . , x∗n)〉 =n∑j=1〈xj , x∗j 〉

=n∑j=1〈πj(x), x∗ ιj〉

=⟨ n∑

j=1ιj πj

(x), x∗⟩

= 〈x, x∗〉 .

Cela termine la preuve de (A).

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6.4 Espaces de Sobolev 173

En vue de démontrer (B) on se réfère à (A) pour définir des injectionscanoniques ij : X∗j → X∗ par la formule ij(x∗j ) = ψ(0, . . . , 0, x∗j , 0, . . . , 0)où x∗j apparaît (évidemment) à la jième position. Soit x∗∗ ∈ X∗∗. Posonsx∗∗j := x∗∗ ψ ij ∈ X∗j . Puisque Xj est réflexif, il existe xj ∈ Xj tel quex∗∗j = ev(xj). Il reste à montrer que x∗∗ = ev(x1, . . . , xn). Pour montrer que cesdeux formes linéaires sur X∗ coïncident, il suffit de démontrer qu’elles coïncidentsur l’image de ψ, d’après (A). Fixons j = 1, . . . ,m et x∗j ∈ X∗j . On observe que

〈ψ(0, . . . , 0, x∗j , 0, . . . , 0), x∗∗〉 = 〈(0, . . . , 0, x∗j , 0, . . . , 0), x∗∗ ψ〉= 〈x∗j , x∗∗ ψ ij〉= 〈x∗j , ev(xj)〉= 〈ψ(0, . . . , 0, x∗j , 0, . . . , 0), ev(x1, . . . , xn)〉 .

Puisque j et x∗j sont arbitraires, la linéarité des expressions ci-dessus entraîneque x∗∗ = ev(x1, . . . , xn).

(C) Si D1, . . . , Dn sont des sous-ensembles denses de X1, . . . , Xn, on laissele lecteur se convaincre de ce que D1 × . . .×Dn est dense dans X (cf. 1.3.15).

5.4.6 6.4.6 Théorème. — Soit Ω ⊆ Rm un ouvert, et 1 < p < ∞. Dans ce casW1

p(Ω)[‖ · ‖W 1p] est un espace de Banach séparable réflexif.

Démonstration. On considère le produit cartésien X = ×m+1j=1 Lp(Ω,B(Ω),Lm)

constitué de m+ 1 copies du même espace, muni de la norme

‖(v1, v2, . . . , vm+1)‖p =

m+1∑j=1‖vj‖pLp

1p

.

Il suit de 6.4.5(B) et de 4.4.13 que X est réflexif, et il suit de 6.4.5(C) et 4.5.12que X est séparable. On définit

T : W1p(Ω)→ X : u 7→ (u, ∂1u, . . . , ∂mu) .

On observe que T est une isométrie linéaire, en particulier Z = imT est fermédans X puisqu’il est complet, d’après 6.4.2 et 3.1.3. Par conséquent Z est réflexifd’après 6.4.4, et séparable d’après 1.2.15.

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Annexe AEnsembles dénombrables

A.1 A.1. — Soit S un ensemble. On dit que(1) S est fini s’il est vide ou s’il existe n ∈ N0 et une bijection 1, . . . , n → S ;(2) S est dénombrable s’il existe une bijection N→ S ;(3) S est au plus dénombrable s’il est fini ou dénombrable ;(4) S est infini non dénombrable s’il n’est ni fini ni dénombrable.

Si S est fini et non vide, alors l’entier n qui témoigne de la finitude de S dans(1) ne dépend pas du choix de la bijection. On le note cardS. Par ailleurs, sideux ensembles sont équipotents (c’est-à-dire s’il existe une bijection entre eux),alors l’un est dénombrable ssi l’autre l’est.

A.2 A.2 Exemple. — L’ensemble S des entiers positifs pairs est dénombrable, carN→ S : n 7→ 2n est une bijection. L’ensemble Z des entiers relatifs est dénom-brable parce qu’il existe une bijection f : N→ Z définie comme ceci :

f(n) =m si n = 2m−m− 1 si n = 1 + 2m.

A.3 A.3 Théorème. — N× N est dénombrable.

Démonstration. On partitionne N× N est «lignes diagonales»

Sm = N× N ∩ (p, q) : p+ q = m ,

m ∈ N. On observe que Sm est un ensemble fini, et cardSm = m + 1. Il suffitde partitionner N en «blocs» successifs de longueur m+ 1, et d’utiliser ces blocspour numéroter les Sm. Le premier «bloc» est 0, le deuxième est 1, 2, letroisième est 3, 4, 5, etc. Le meme bloc commence à l’entier

∑mj=1 j = m(m+1)

2 .Ces observations permettent de vérifier que l’application f : N×N→ N définieci-dessous est une bijection.

f(n) =(n− m(m+ 1)

2 ,m(m+ 3)

2 − n)

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où m est tel que n ∈ m(m+ 1)/2, . . . ,m(m+ 2)/2− 1.

A.4 A.4 Théorème. — Tout sous-ensemble de N est au plus dénombrable.

Démonstration. Soit A ⊆ N un ensemble infini. On définit par récurrence unesuite décroissante 〈An〉n∈N de sous-ensembles de A, et une suite croissante d’en-tiers 〈an〉n∈N comme ceci. On pose A0 = A, et a0 = minA0, puis An+1 =An \an et an+1 = minAn+1. Il est clair que An 6= ∅ pour tout n ∈ N, puisqueA n’est pas fini. On considère N→ A : n 7→ an. Cette application est clairementinjective. Elle est surjective car an > n pour tout n ∈ N.

A.5 A.5 Corollaire. — Tout sous-ensemble d’un ensemble dénombrable est auplus dénombrable.

Démonstration. Soit S un ensemble dénombrable, et S′ ⊆ S un sous-ensemble.Il existe une bijection f : N → S. On définit A = f−1(S′). Il est évident quef A : A → S′ est une bijection. Or A est au plus dénombrable d’après A.4,donc S′ l’est aussi.

A.6 A.6 Théorème. — Soit S un ensemble non vide. Les conditions suivantes sontéquivalentes :(1) S est au plus dénombrable ;(2) il existe une surjection N→ S ;(3) il existe une injection S → N.

Démonstration. (1)⇒ (2) Si S est fini, il existe n ∈ N et une bijection 1, . . . , n →S, laquelle peut être étendue arbitrairement à N, en une surjection. Si S est dé-nombrable, il existe une bijection N→ S.

(2) ⇒ (3) Soit f : N → S une surjection. Pour tout ξ ∈ S, f−1ξ 6= ∅. Onpose g(ξ) = min f−1ξ. Il est claire que g est injective.

(3) ⇒ (1) Soit f : S → N une injection. Dans ce cas f : S → f(S) est unebijection, et f(S) est au plus dénombrable d’après A.5.

A.7 A.7 Théorème. — Soient m > 2 et Sj, j = 1, . . . ,m, des ensembles au plusdénombrables (resp. dénombrables). Le produit cartésien ×mj=1Sj est au plusdénombrable (resp. dénombrable).

Démonstration. Puisque ×mj=1Sj et (×m−1j=1 Sj)×Sm sont en bijection, on peut se

ramener, par récurrence sur m, au cas m = 2. Soient fj : N→ Sj , j = 1, 2, desapplications surjectives (resp. bijectives). On vérifie aisément que f : N × N →S1×S2 : (n1, n2) 7→ (f1(n1), f2(n2)) est surjective (resp. bijective). La conclusiondécoule de A.3.

A.8 A.8 Théorème. — Soit J un ensemble au plus dénombrable, et 〈Sj〉j∈J unefamille d’ensembles au plus dénombrables, indicée par J . Dans ce cas ∪j∈JSjest au plus dénombrable.

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Démonstration. A chaque j ∈ J on associe une surjection fj : N → Sj . Ondéfinit f : J × N → S : (j, n) 7→ fj(n). Il s’agit clairement d’une applicationsurjective. La conclusion découle de ce que J × N est au plus dénombrable,d’après A.7.

A.9 A.9 Exemple. — Q est dénombrable. En effet, Z × N0 → Q : (m,n) 7→ m/nest surjective, Z et N0 sont dénombrables, de sorte que Z× N l’est aussi.

A.10 A.10 Théorème (G. Cantor). — P(N) n’est pas dénombrable.

Démonstration. On identifie P(N) à F (N, 0, 1) en associant à A ⊆ N sonindicatrice 1A. Supposons qu’il existe une surjection N→ F (N, 0, 1) : n 7→ fn.On définit f : N→ 0, 1 comme ceci :

f(n) =

0 si fn(n) = 11 si fn(n) = 0 .

On observe que f ne coïncide avec aucune fn, une contradiction.

A.11 A.11 Théorème. — Si a < b sont des réels, alors l’intervalle [a, b] n’est pasdénombrable.

Démonstration. Supposons qu’il existe une surjection N → [a, b] : n 7→ xn. Ondéfinit par récurrence une suite décroissante d’intervalles fermés non dégénérés〈In〉n∈N tels que xn 6∈ In et diam In → 0. Par compacité, A := ∩n∈NIn 6= ∅.Par ailleurs, diamA = 0, de sorte que A est un singleton. Soit n ∈ N tel queA = xn : on aurait xn ∈ In, une contradiction.

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Bibliographie