64

Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

  • Upload
    others

  • View
    8

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Cours introductif de M2

Algèbres de Lie semi-simples et leurs

représentations

Jean-François Dat

2013-2014

Résumé

Dans ce cours, on étudie la structure des algèbres de Lie et de leurs �représentationslinéaires�, principalement sur un corps algébriquement clos de caractéristique nulle.On sera amené à la jolie combinatoire des �systèmes de racines�.

Table des matières

1 Algèbres de Lie et Groupes de Lie 2

1.1 Algèbres de Lie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21.2 Groupes de Lie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.3 L'algèbre de Lie d'un groupe de Lie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

2 Algèbres de Lie : généralités 12

2.1 Modules et représentations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122.2 Algèbre enveloppante d'une algèbre de Lie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202.3 Forme de Killing. Opérateurs de Casimir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242.4 Algèbres de Lie nilpotentes et résolubles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252.5 Algèbres de Lie semi-simples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

3 Structure des algèbres de Lie semi-simples 35

3.1 Sous-algèbres de Cartan et racines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353.2 Systèmes de racines �abstraits� . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 433.3 Classi�cation des algèbres de Lie semi-simples . . . . . . . . . . . . . . . . 523.4 Classi�cation des systèmes de racines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

4 Représentations des algèbres de Lie semi-simples 60

4.1 Modules de plus haut poids . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 604.2 Classi�cation des modules simples de dimension �nie . . . . . . . . . . . . 63

1

Page 2: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

1 Algèbres de Lie et Groupes de Lie

Dans ce chapitre, nous commençons par les dé�nitions de base des algèbres de Lie,puis nous justi�ons ces dé�nitions en expliquant comment elles proviennent de la notionnaturelle de groupe de Lie.

1.1 Algèbres de Lie

Soit K un corps commutatif.

1.1.1 Définition.� Une K-algèbre de Lie est un K-ev L muni d'une application K-bilinéaire

[ , ] : L× L → L(X, Y ) 7→ [X, Y ]

appelée �crochet de Lie� et satisfaisant les deux axiomes :

i) [X,X] = 0 pour tout X ∈ L (ce qui équivaut à [X, Y ] = −[Y,X] pour tous X, Y sicar(K) 6= 2).

ii) [X, [Y, Z]] + [Y, [Z,X]] + [Z, [X, Y ]] = 0 pour tous X, Y, Z ∈ L. (identité de Jacobi)

Remarque. � Le rôle du second axiome est le même que celui de l'axiome d'associativitédans la dé�nition des algèbres associatives.

Exemple. � Tout K-ev muni du crochet nul !

Voici quelques exemples moins triviaux.

1.1.2 Algèbre de Lie sous-jacente à une algèbre associative. Si A est une K-algèbreassociative, alors [x, y] := xy − yx dé�nit un crochet de Lie sur A (exercice). L'exemplele plus important ici est l'algèbre A = EndK (V ) des endomorphismes K-linéaires d'unK-espace vectoriel V . Lorsque V est de dimension �nie, tout choix de base fournit unisomorphisme avec Mn(K). Pour une raison qui apparaitra plus tard, on note l'algèbre deLie ainsi obtenue gln(K), resp. gl(V ).

1.1.3 Dérivations d'une algèbre. Soit A une K-algèbre associative. Une dérivation ∂de A est un endomorphisme du K-espace vectoriel sous-jacent à A véri�ant la formulede Leibniz : ∂(ab) = (∂a)b + a(∂b). L'ensemble Der(A) des dérivations de A est un sous-espace vectoriel de EndK(A). Le composé ∂◦∂′ de deux dérivations ∂, ∂′ n'est en général pasune dérivation (autrement dit, Der(A) n'est pas une sous-algèbre de l'algèbre associativeEndK (A)), mais [∂, ∂′] := ∂ ◦ ∂′ − ∂′ ◦ ∂ est encore une dérivation de A (exercice !). Ainsi,Der(A) est une sous-algèbre de Lie de l'algèbre de Lie gl(A).

Exemple. � Soit M une variété lisse (i.e. di�érentiable de classe C∞, aussi appelée�smooth manifold� en anglais). On rappelle, cf tout cours de géo di� de base, qu'un champde vecteurs est une section lisse ξ : M −→ TM du �bré tangent de M (intuitivement, la

2

Page 3: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

donnée pour tout x ∈M d'un vecteur ξ(x) tangent à M en x et dépendant de manière C∞de x). Un tel champ de vecteurs dé�nit une dérivation de l'algèbre C∞(M,R) des fonctionslisses sur M qui envoie une fonction f sur la fonction x 7→ dxf(ξ(x)). On montre parun calcul local que l'application V(M) −→ Der(C∞(M,R)) ainsi obtenue est bijective.Il s'ensuit que le R-espace vectoriel (de dimension in�nie) V(M) de tous les champs devecteurs sur M est muni d'une structure de R-algèbre de Lie.

De même, on dé�nit une dérivation d'une K-algèbre de Lie L comme un élément ∂ deEndK(L) véri�ant ∂([X, Y ]) = [∂X, Y ] + [X, ∂Y ]. Ici encore, le sous-K-ev Der(L) n'est passtable par produit (composition) mais est stable par crochet. C'est donc une sous-algèbrede Lie de l'algèbre de Lie gl(L)

Exemple. � Voici un exemple très important de dérivation d'une algèbre de Lie. PourZ ∈ L, notons

adZ : L → LX 7→ adZ(X) := [Z,X]

.

Compte tenu de l'antisymétrie du crochet, l'identité de Jacobi nous dit exactement queadZ est une dérivation de L.

1.1.4 Définition.� Un morphisme d'algèbres de Lie est une application K-linéairef : L −→ L qui commute au crochet, ie ∀X, Y ∈ L, f([X, Y ]) = [f(X), f(Y )].

Exemple. � La trace tr : gl(V ) −→ K est un morphisme d'algèbres de Lie. (Sur K onmet l'unique crochet de Lie possible, à savoir le crochet nul).

Cas particulier remarquable : représentations.Unmorphisme d'algèbres de Lie r : L −→gln(K) est appelé �représentation matricielle de L�. Plus intrinsèquement, si V est un K-ev,un morphisme d'algèbres de Lie r : L −→ gl(V ) est appelé �représentation linéaire de L�.On dit alors que V est l'espace de la représentation r. Voici un exemple très important.

1.1.5 Représentation adjointe d'une algèbre de Lie. L'identité de Jacobi montre quel'application

ad : L → gl(L)Z 7→ adZ

est un morphisme d'algèbres de Lie. On l'appelle représentation adjointe de L. Comme onl'a vu plus haut, son image est contenue dans la sous-algèbre de Lie des dérivations de L ;on a donc ad(L) ⊂ Der(L) ⊂ EndK (L).

1.2 Groupes de Lie

1.2.1 Définition.� Un groupe de Lie est une variété lisse G munie d'une loi degroupe lisse m : G × G −→ G, (x, y) 7→ xy dont l'application �passage à l'inverse� i :G −→ G, x 7→ x−1 est aussi lisse.

3

Page 4: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Exemples : tout groupe discret (disons dénombrable), le groupe additif (R,+), le groupemultiplicatif (R×, ·), son analogue complexe (C×, ·), et le cercle unité (S1, ·).

1.2.2 Groupes généraux linéaires. Ce sont en quelque sorte les exemples fondamentauxde groupes de Lie. Nous les rencontrerons sous deux formes.

Forme matricielle. G = GLn(R), muni de la structure C∞ d'ouvert de Mn(R) ' Rn2.

La multiplication (A,B) 7→ AB est polynômiale en les entrées de A et B, donc C∞.L'application inverse A 7→ A−1 = 1

detAcom(A) est analytique, donc en particulier C∞.Forme intrinsèque. Si V est un R-espace vectoriel de dimension �nie, GL(V ) := AutR(V ).

Bien sûr, si n est la dimension de V , un choix de base de V fournit une bijection GL(V )∼−→

GLn(R) qui est un isomorphisme de groupes de Lie au sens de la dé�nition suivante.De même, GLn(C) est naturellement un groupe de Lie, et si V est un C-espace vectoriel,

alors GL(V ) := AutC(V ) est un groupe de Lie.

1.2.3 Définition.� Un morphisme de groupes de Lie (parfois on dira simplementmorphisme lisse) est une application G

ϕ−→ G′ qui est lisse et commute aux lois de groupe.

Exemples.� Le déterminant det : GLn(R) −→ R×.� L'exponentielle (R,+)

exp−→ (R×>0, ·) est un isomorphisme d'inverse le log.� L'enroulement de la droite sur le cercle : θ ∈ (R,+) 7→ exp(2iπθ) ∈ S1 est undi�éomorphisme local surjectif.

� Les enroulements d'une droite sur le tore : θ ∈ (R,+) 7→ (exp(2iπθ), exp(2iπθα)) ∈S1 × S1. Si α ∈ R \ Q, c'est une immersion injective, mais pas un plongement carl'image est dense.

Cas particuliers remarquables.� Les morphismes λ : (R,+) −→ G sont appelés (abusivement) sous-groupes à 1paramètre.

� Un morphisme du type ρ : G −→ GL(V ) est appelé représentation (linéaire) de Gsur V . L'espace V est aussi appelé �espace sous-jacent� à la représentation ρ.

1.2.4 Variante holomorphe. Un groupe de Lie complexe est une variété complexe mu-nie d'une structure de groupe telle que la multiplication et l'inverse sont holomorphes. Unmorphisme de groupe de Lie complexe est un morphisme de groupe holomorphe. Par ex-emple, GLn(C) est un groupe de Lie complexe et l'exponentielle (C,+) −→ (C×, .). est unmorphisme holomorphe.

1.2.5 Variante algébrique. Soit K un corps algébriquement clos, un groupe algébriquea�ne sur K est un sous-ensemble d'un Kn dé�ni par des équations polynomiales et munid'une structure de groupe dont le produit et l'inverse sont des polynômes en les coordon-nées. Par exemple GLn(K) est un groupe algébrique surK. Par contre il n'y a généralementpas d'analogue algébrique de l'exponentielle.

4

Page 5: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

1.2.6 Définition.� Un sous-groupe de Lie H d'un groupe de Lie G est une sous-variété qui est aussi un sous-groupe. De manière équivalente, l'injection H ↪→ G est unplongement de groupes de Lie.

Exemples.� H = Z dans G = R.� H = S1 dans G = C×.

Puisqu'il est sous-variété, un sous-groupe de Lie est localement fermé. En utilisantl'action de translation, il est facile de prouver qu'il est en fait fermé. Le théorème suivantdonne une réciproque assez spectaculaire, qui est source de nombreux exemples.

1.2.7 Théorème. (Cartan, Von-Neumann)� Tout sous-groupe fermé H d'un groupede Lie G est un sous-groupe de Lie. Plus précisément, il existe une structure de groupe deLie sur H (nécessairement unique) qui fait de H une sous-variété de G.

Nous renvoyons aux notes [GALM2] pour une preuve. L'intérêt pratique de ce théorèmeest qu'il devient facile de produire plein de nouveaux exemples de groupes de Lie. Lasituation suivante est notamment féconde : supposons que G agisse de manière lisse surune variété lisse M (i.e. que l'action G ×M −→ M soit lisse). Alors le �xateur Gm d'unpoint m ∈M est fermé, donc est un groupe de Lie.

En particulier, tous les �groupes classiques� sont des groupes de Lie. Comme ce sont lesexemples les plus intéressants, nous en rappelons la liste ci-dessous. La lettre K désigneindi�éremment les corps R et C, et V désigne un K-espace vectoriel de dimension �nie n.

1.2.8 Groupes spéciaux linéaires. Le déterminant GL(V ) −→ GL1(K) étant un ho-momorphisme continu de groupes topologiques, son noyau SL(V ) est fermé donc un sous-groupe de Lie. On l'appelle groupe spécial linéaire de V . Un choix de base de V l'identi�eà SLn(K).

Exercice. � Le centre de SLn(K) est formé des homothéties de déterminant 1, donc ilest isomorphe au groupe µn(K) des racines n-ièmes de l'unité dans K∗ (d'ordre n si K = C,d'ordre 1 ou 2 si K = R).

1.2.9 Groupes orthogonaux. Notons SymK(V ) le K-espace vectoriel des formes K-bilinéaires symétriques Φ : V × V −→ K. On a une action linéaire, donc continue, deGL(V ) sur SymK(V ), donnée par gΦ(v, w) := Φ(g−1v, g−1w). Le stabilisateur de Φ pourcette action est donc fermé dans GL(V ), donc un sous-groupe de Lie. On le note

O(Φ) := {g ∈ GL(V ), Φ(gv, gw) = Φ(v, w),∀v, w ∈ V }.

Si Φ est non-dégénérée, on l'appelle groupe orthogonal de Φ.Rappelons que deux formes quadratiques sont équivalentes si elles appartiennent à

la même orbite sous GL(V ). Il s'ensuit que leurs groupes orthogonaux sont conjuguésdans GL(V ), et en particulier isomorphes. Lorsque K = C, on sait que toutes les formes

5

Page 6: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

quadratiques sont équivalentes, de sorte que O(Φ) est isomorphe au groupe orthogonalcomplexe usuel

O(n,C) = {M ∈ Mn(C), tMM = In}.Lorsque K = R, le théorème de Sylvester a�rme l'existence d'un entier p 6 n et d'unebase e1, · · · , en dans laquelle

Φ

(n∑i=1

xiei,

n∑i=1

yiei

)=

p∑i=1

xiyi −n∑

i=p+1

xiyi.

Le couple d'entiers (p, q := n − p) s'appelle la signature de Φ. Ainsi O(Φ) est isomorpheau groupe matriciel

O(p, q) :={M ∈ Mp+q(R), tM.Dp,q.M = Dp,q

}où Dp,q = D(1, · · · , 1,−1, · · · ,−1) est la matrice diagonale où 1 est répété p fois et −1 l'estq fois. Pour p = n et p = 0, on retrouve le groupe orthogonal euclidien O(n, 0) = O(n) qui,comme on le sait bien, est compact. Les autres groupes orthogonaux ne sont pas compacts.On a O(p, q) = O(q, p) et on montre que les O(p, q) pour q 6 p sont deux à deux nonisomorphes.

Exemple. � Pour la forme xx′ + yy′ + zz′ − tt′ sur l'espace-temps R4, on obtient ainsile groupe de Lorentz O(3, 1) qui intervient dans la théorie de la relativité générale.

Par ailleurs, on dé�nit les groupes spéciaux orthogonaux par

SO(p, q) := O(p, q) ∩ SLp+q(R).

1.2.10 Groupes unitaires. Ici K = C. Notons Herm(V ) le R-espace vectoriel des formeshermitiennes Ψ : V × V −→ C. On a une action linéaire, donc continue, de GL(V ) surHerm(V ), donnée par gΨ(v, w) := Ψ(g−1v, g−1w). Le stabilisateur de Ψ pour cette actionest donc fermé dans GL(V ), donc un sous-groupe de Lie. On le note

U(Ψ) := {g ∈ GL(V/C), Ψ(gv, gw) = Ψ(v, w),∀v, w ∈ V }.

Si Ψ est non-dégénérée, on l'appelle groupe unitaire de Ψ.Comme dans le cas symétrique, deux formes hermitiennes sont équivalentes si elles sont

dans la même orbite sous GL(V ). Dans ce cas, leurs groupes unitaires sont isomorphes etmême conjugués. Ici aussi, les formes hermitiennes sont classi�ées par leur signature : lethéorème de Sylvester a�rme l'existence d'un entier p 6 n et d'une base e1, · · · , en danslaquelle

Ψ

(n∑i=1

xiei,

n∑i=1

yiei

)=

p∑i=1

xiyi −n∑

i=p+1

xiyi.

Ainsi, posant q = n− p, le groupe topologique U(Ψ) est isomorphe au groupe matriciel

U(p, q) :={M ∈ Mp+q(C), tM.Dp,q.M = Dp,q

}6

Page 7: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Pour pq = 0, on retrouve le groupe unitaire habituel U(n, 0) = U(n) qui, comme on le sait,est compact. Les autres groupes unitaires ne sont pas compacts. On a U(p, q) = U(q, p) eton montre que les U(p, q) pour q 6 p sont deux à deux non isomorphes.

Remarque. � Les groupes U(1, n− 1) jouent un rôle prépondérant dans des problèmesactuels de théorie des nombres.

De même que précédemment, on a le groupe spécial unitaire

SU(p, q) := U(p, q) ∩ SLp+q(C).

Exercice. � Déterminer les centres de U(n), SU(n), O(n), SO(n).

1.2.11 Groupes symplectiques. À nouveau, K désigne R ou C. Notons AltK(V ) leK-espace vectoriel des formes K-bilinéaires alternées ψ : V × V −→ K. On a une actionlinéaire, donc continue, de GL(V ) sur AltK(V ), donnée par gψ(v, w) := ψ(g−1v, g−1w). Lestabilisateur de ψ pour cette action est donc fermé dans GL(V ), donc un sous-groupe deLie. On le note

Sp(ψ) := {g ∈ GL(V ), ψ(gv, gw) = ψ(v, w),∀v, w ∈ V }.

Si ψ est non-dégénérée (on parle alors de forme symplectique), on l'appelle groupe symplec-tique de ψ. La dimension de V est alors nécessairement paire, et on change la notation endimK(V ) = 2n. Comme plus haut, ce groupe ne dépend, à isomorphisme près, que de laclasse d'équivalence de ψ. Or, on sait que toutes les formes symplectiques sont équivalentes.En particulier, il existe une base e1, · · · , e2n de V dans laquelle on a

ψ

(n∑i=1

xiei,n∑i=1

yiei

)=

n∑i=1

(xiyn+i − xn+iyi).

En d'autres termes, la matrice de ψ dans cette base est la matrice antisymétrique J =

J2n =

(0n In−In 0n

). On voit alors que Sp(ψ) est isomorphe au groupe symplectique

Sp2n(K) = {M ∈ GL2n(K), tMJM = J}.

Ainsi, Sp2(K) = SL2(K). Plus généralement, on démontre que le déterminant d'une matricesymplectique vaut toujours 1, de sorte que pour tout n, Sp2n(K) est un sous-groupe fermé,non compact, de SL2n(K).

Exercice. � Montrer que la partie réelle (resp. imaginaire) d'une forme hermitienne surun espace vectoriel V/C est une forme R-bilinéaire symétrique (resp. alternée) sur le R-espace vectoriel sous-jacent V . En déduire que dans GLn(C) ' {P ∈ GL2n(R), P−1J2nP =J2n} ⊂ GL2n(R), on a U(n) = O(2n) ∩ Sp2n(R).

7

Page 8: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

1.2.12 Importance des groupes classiques. Ils interviennent dans des domaines assezvariés.

Géométrie. C'est leur domaine de prédilection. Ces groupes sont souvent des groupesde symétries d'espaces remarquables (sphères, hyperboloïdes...), et en tant que tels sontdes modèles pour des géométries non-euclidiennes.

Théorie des Nombres. Voilà une application un peu plus surprenante, mais depuis unecentaine d'années, on étudie des espaces de fonctions, formes di�érentielles etc sur desespaces de la forme G(Z)\G(R)/K où G est un groupe classique réel et K un sous-groupe compact maximal de G. Par exemple pour G = GL1, on obtient les fonctionstrigonométriques, pour G = GL2 les formes modulaires, pour G général on parle de �formesautomorphes�. Ces objets interviennent de manière cruciale dans la preuve du théorème deFermat, par exemple.

Physique.� Le groupe de Lorentz de la relativité générale est O(1, 3). C'est le groupe �associé àla géométrie de l'espace-temps�.

� Certaines particules élémentaires sont classi�ées par des représentations �irréductibles�de SU(3).

� Les niveaux d'énergie d'un atome d'hydrogène sont donnés par les valeurs propresdu Laplacien sphérique sur la sphère S2, que l'on calculera plus tard en utilisant la�décomposition spectrale� de C∞(S2) sous l'action de SO3(R).

Remarque. � Les groupes SLn(C), Sp2n(C) et On(C) sont des groupes de Lie complexes,et même algébriques. Le groupe U(n) n'est pas un groupe de Lie complexe (mais il est dé�nipar des applications polynomiales sur R).

1.3 L'algèbre de Lie d'un groupe de Lie

Il y a plusieurs manières de munir l'espace tangent TeG d'un groupe de Lie en sonélément neutre d'une structure de R-algèbre de Lie.

1.3.1 Via les champs de vecteurs invariants à gauche. C'est probablement la plusrapide. L'idée est que tout vecteur tangent en e dé�nit, grâce à l'action de translation àgauche, un champ de vecteurs �invariant à gauche�, et que cette construction est bijective.Formellement, faisons agir G sur lui-même par translations à gauche, en notant Lg(x) = gx.Ceci induit une action sur le �bré tangent TG, compatible à la projection π, et que nousnoterons (g, θ) 7→ Ltg(θ). L'application

TG → G× TeGθ 7→ (π(θ), Ltπ−1(θ)(θ))

est un di�éomorphisme compatible aux projections sur G, dont l'inverse est donné par

G× TeG → TG(g,X) 7→ (g, deLg(X))

.

8

Page 9: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Le �bré tangent de G est donc �parallélisable�. Soit alors X ∈ Lie(G) := TeG. On peutdonc lui associer un champ de vecteurs invariant à gauche (ie tel que ξ(gh) = dh(Lg)(ξ(h))pour tous h, g ∈ G) ξX par la formule :

∀g ∈ G, ξX(g) := deLg(X).

Soit V(G) le R-espace vectoriel des champs de vecteurs sur G et V(G)L le sous-espacedes champs invariants à gauche. On voit clairement que l'application X 7→ ξX est un

isomorphisme R-linéaire TeG∼−→ V(G)L dont l'inverse est ξ 7→ ξ(e). Maintenant, la

dérivation associée à un champ de vecteurs invariant à gauche est aussi invariante à gauche,et un calcul montre que le crochet de deux dérivations invariantes à gauche est encoreinvariante à gauche. Cela dé�nit un crochet de Lie sur TeG.

1.3.2 Par di�érentiation de la représentation adjointe de G. Pour un élément x ∈ G,on note

Intx : G → Gy 7→ xyx−1 et Adx := de(Intx) : TeG −→ TeG.

Puisque Intx ◦ Intx′ = Intxx′ , on a aussi Adx ◦Adx′ = Adxx′ , si bien que Adx est inversibleet que l'application

Ad : G → GL(TeG)x 7→ Adx

est un homomorphisme de groupes. Comme l'application G×G −→ G, (x, y) 7→ xyx−1 estlisse, l'application obtenue par di�érentiation G×TeG −→ TeG, (x, Y ) 7→ Adx(Y ) est lisseaussi, et par conséquent le morphisme Ad est lisse. On l'appelle représentation adjointe deG. Son espace sous-jacent est donc l'espace tangent en e.

Comme GL(TeG) est un ouvert du R-espace vectoriel EndR (TeG), on peut identi�erce dernier à l'espace tangent en tout point de GL(TeG) et en particulier au point e. Endi�érentiant Ad au point e on obtient alors une application R-linéaire

ad := deAd : TeG → EndR(TeG)X 7→ adX

.

Il ne reste plus qu'à dé�nir le crochet par :

[X, Y ] := adX(Y ), pour X, Y ∈ TeG.

Par construction, c'est bien une application bilinéaire L × L −→ L. Pour la véri�cationdes axiomes i) et ii) des crochets de Lie, on renvoie à [GALM2] 1.5.4 et 1.5.6. Et pour lavéri�cation que ce crochet coïncide avec le précédent, voir [GALM2] 1.8.4.

Propriétés. �

i) tout morphisme de groupes de Lie ϕ : G −→ G′ induit un morphisme d'algèbres deLie dϕ : Lie(G) −→ Lie(G) par dérivation en l'élément neutre.

ii) Lie(G×G′) = Lie(G)× Lie(G′) (clair).

9

Page 10: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

iii) Lie(G) = Lie(G0) (composante connexe contenant e).

Exemples. � i) L'algèbre de Lie d'un groupe discret est nulle.

ii) Lie(R) = Lie(R×) = Lie(S1) = R (muni du crochet nul). Plus généralement, lecrochet de Lie d'un groupe de Lie abélien est nul.

iii) Lie(GLn(R)) = gln(R) (cf notation plus haut) et la représentation adjointe est donnéepar la conjugaison. En e�et, l'espace tangent en In s'identi�e à Mn(R). Soient x, y ∈GLn(R) et supposons y = In + Y avec ||Y || < 1. L'égalité xyx−1 = In + xY x−1

montre que Adx est la conjugaison par x sur Mn(R). Supposons x = In + X avec||X|| < 1. On a alors Adx(Y ) = (In +X)Y (In −X) + o(X) = Y + [X, Y ] + o(X), cequi montre que adX(Y ) = [X, Y ].

iv) Plus intrinsèquement, Lie(GL(V )) = gl(V ).

Exercice. � Montrer que la di�érentielle du déterminant det : GLn(R) −→ R× est latrace tr : gln(R) −→ R.

1.3.3 L'exponentielle. La théorie des équations di�érentielles sur une variété lissemontre qu'il existe une unique application

expG : Lie(G) −→ G

telle que pour tout X, l'application t ∈ R 7→ expG(tX) soit un sous-groupe à un paramètrede G dont la di�érentielle en 0 est X. Concrètement, ce sous-groupe à un paramètre est lacourbe intégrale au champ de vecteurs ξX passant par e, ou autrement dit, expG(X) est lavaleur au temps t = 1 et au point e ∈ G du �ot du champs de vecteurs ξX , cf [GALM2],1.7.

Exemple. � Pour G = GLn(R), expG est tout simplement l'exponentielle usuelle dé�niepar exp(X) =

∑n∈N

Xn

n!pour X ∈ gln(R).

L'unicité de l'exponentielle implique que si ϕ : G −→ G′ est un morphisme lisse, on a

expG′ ◦ dϕ = ϕ ◦ expG.

En particulier, l'exponentielle d'un sous-groupe de Lie est la restriction de celle du groupeambiant.

La très forte interaction entre un groupe de Lie et son algèbre de Lie provient de lapropriété suivante, qui découle aussi de la théorie des équations di�érentielles dépendantd'un paramètre (ou peut se voir directement dans le cas de GLn(R) :

l'application expG est lisse et réalise un di�éomorphisme d'un voisinage de 0 dans Lie(G)sur un voisinage de e dans G. De plus, l'image de expG engendre la composante connexe

G0 de G qui contient e.

10

Page 11: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

1.3.4 Algèbres de Lie classiques. Le théorème de Cartan-Von Neumann nous dit qu'unsous-groupe fermé H d'un groupe de Lie G est une sous-variété. C'est donc un groupe deLie et son algèbre de Lie Lie(H) est une sous-algèbre de Lie de Lie(G), i.e. son crochetest induit par celui de Lie(G). Par ailleurs, l'exponentielle nous fournit la caractérisationsuivante de Lie(H) en tant que sous-ensemble de Lie(G) :

Lie(H) = {X ∈ Lie(G), ∀t ∈ R, expG(tX) ∈ H}.

En appliquant cela à G = GLn(R) ou GL(V ), on peut calculer les algèbres de Lie desgroupes classiques.

Par exemple, l'égalité exp(tr(u)) = det(exp(u)) montre que

sl(V ) := Lie(SL(V )) = {u ∈ gl(V ), tr(u) = 0}.

Remarquons que c'est toujours un K-sev (pas seulement un R-sev). En termes matriciels,cela donne

i) sln(R) = {X ∈ gln(R), tr(X) = 0} (matrices de trace nulle). Sa dimension est n2− 1.

ii) sln(C) = {X ∈ gln(C), tr(X) = 0}. Sa dimension réelle est 2n2 − 2.

Par ailleurs, supposons G = {g ∈ GL(V ), Ψ(gv, gw),∀v, w ∈ V } dé�ni par une formebilinéaire non dégénérée Ψ (qu'elle soit symétrique, alternée ou hermitienne). En d'autrestermes, si g∗ désigne l'adjoint de g pour Ψ, on a G = {g ∈ GL(V ), gg∗ = idV }. Commeexp(u)∗ = exp(u∗) (par passage à la limite), on constate que

g = {u ∈ gl(V ), u+ u∗ = 0}.

Notons d'ailleurs que c'est toujours un K-espace vectoriel, sauf dans le cas unitaire, oùK = C mais g n'est qu'un R-espace vectoriel. En termes matriciels, cela donne :

iii) son(R) = Lie(O(n)) = Lie(SO(n)) = {X ∈ gln(R), X + tX = 0} est l'ensemble desmatrices antisymétriques. Sa dimension est n(n− 1)/2.

iv) son(C) = Lie(O(n,C)) = {X ∈ gln(C), X+ tX = 0}. Sa dimension réelle est n(n−1).

v) un = Lie(U(n)) = {X ∈ gln(C), X + tX = 0}. Par exemple, u1 = iR ⊂ gl1(C) = C.Sa dimension est n2.

vi) sun = Lie(SU(n)) = un ∩ sln(C). Sa dimension est n2 − 1.

vii) sp2n(K) = Lie(Sp2n(K)) = {X ∈ gl2n(K), tXJ2n + J2nX = 0}. Pour calculer ladimension on remarque que tXJ2n +J2nX = 0⇔ (J2nX symétrique). On trouve quela dimension réelle est n(n+ 1)/2 si K = R et n(n+ 1) si K = C.

Remarque. � Les équations dé�nissant sln, son et sp2n font sens sur n'importe quel corpsK, nous fournissant ainsi des exemples d'algèbres de Lie sur un corps général.

De plus, si l'on se donne une extension quadratique K ′ de K, on peut aussi dé�nir unesous-K-algèbre de Lie un(K ′/K) de gln(K ′) analogue à un dans gln(C).

11

Page 12: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

1.3.5 Interaction entre un groupe de Lie et son algèbre. Voici quelques propriétésd'un groupe ou d'un morphisme de groupes de Lie qui se lisent sur son algèbre ou sur lemorphisme d'algèbres de Lie induit.

� Un sous-groupe de Lie connexe H de G connexe est distingué si et seulement siLie(H) est un idéal de Lie(G) (i.e. [Lie(H),Lie(G)] ⊂ Lie(G)).

� Un sous-groupe de Lie connexe H de G connexe est central si et seulement si[Lie(H),Lie(G)] = 0.

� Si G est connexe, le noyau de la représentation adjointe est le centre de G.

Soit ϕ : G −→ G′ un morphisme de groupes de Lie.� dϕ est surjective ⇔ ϕ(G) ⊃ G′0,� Lie(Kerϕ) = Ker(dϕ). En particulier, dϕ est injective ⇔ Ker(ϕ) est discret,� Si G′ est connexe, alors dϕ est bijective ⇔ ϕ est un revêtement.

Comme le montrent ces propriétés, le passage du groupe à son algèbre est plus intéres-sant lorsque le groupe est connexe (penser que l'algèbre de Lie d'un groupe �ni est nulle...)et encore plus intéressant lorsqu'il est simplement connexe. Par exemple le théorème 1.9.2de [GALM2] dit :

Théorème. � Soient G,G′ deux groupes de Lie. L'application

HomGp.Lie(G,G′) → HomR−AL(Lie(G),Lie(G′))ϕ 7→ dϕ

est :

i) injective, si G est connexe.

ii) bijective, si G est simplement connexe.

Par ailleurs on peut montrer que toute R-algèbre de Lie de dimension �nie provient d'ungroupe de Lie. On a alors le corollaire impressionnant suivant : le foncteur G 7→ Lie(G) estune équivalence de catégories

{Gpes de Lie simplement connexes} ∼−→ {R-algs de Lie de dim �nie}.

1.3.6 Variantes complexes. Si G est un groupe de Lie complexe, Lie(G) est naturelle-ment une C-algèbre de Lie. De plus, la di�érentielle dϕ d'un morphisme holomorpheϕ : G −→ G′ est C-linéaire.

2 Algèbres de Lie : généralités

2.1 Modules et représentations

Soit K un corps commutatif. En copiant la dé�nition d'un module sur une K-algèbreassociative, on obtient la notion suivante

12

Page 13: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

2.1.1 Définition.� Un module sur une K-algèbre de Lie g (ou g-module) est un K-espace vectoriel V muni d'une application K-bilinéaire

g× V → V(X, v) 7→ X · v

telle que [X, Y ] · v = X · (Y · v)− Y · (X · v) pour tous X, Y ∈ g et v ∈ V .

En d'autres termes, en notant r(X) ∈ EndK (V ) l'endomorphisme v 7→ X.v, le cou-ple (V, r) est une représentation de g au sens donné plus haut. Il faut donc penser auxreprésentations comme aux analogues des modules sur une algèbre associative. Cela nousconduira souvent à simpli�er la notation en écrivant X ·v (ou même Xv) au lieu de r(X)(v)et à parler indi�éremment de �g-module� ou de �représentation de g�.

Exemple. � La représentation adjointe n'est autre que le g-module g obtenu en faisantagir g sur elle-même à gauche, par le crochet : X.Y := [X, Y ].

2.1.2 Catégories de représentations de g. Comme pour les algèbres associatives, unmorphisme entre g-modules est une application linéaire qui commute aux actions de g.En termes de représentations, un morphisme entre (V, r) et (V ′, r′) est une application K-linéaire f : V −→ V ′ telle que ∀X ∈ g, r′(X) ◦ f = f ◦ r(X), ce qui en notation simpli�éedonne ∀X ∈ g,∀v ∈ V, f(Xv) = Xf(v). On note Homg(V, V

′) le K-e.v. formé par cesmorphismes.

On obtient une catégorie RepK(g) (ou simplement Rep(g)), dont les objets sont lesreprésentations et les morphismes sont comme ci-dessus. C'est en fait une catégorie abéli-enne et les noyaux, conoyaux et sommes directes commutent au foncteur d'oubli vers lacatégorie desK-espaces vectoriels. En d'autres termes, si f : V −→ V ′ est un morphisme dereprésentations, alors son noyau (au sens des espaces vectoriels) est une sous-représentationde V (ou si l'on préfère, un sous g-module de V ), son image une sous-représentation deV ′, et son conoyau possède une unique structure de représentation rendant la projectiondepuis V ′ compatible aux actions (�représentation quotient�). De même on dé�nit la sommedirecte de deux représentations comme la somme directe des espaces sous-jacents muniede l'action évidente de g.

Exemple. � Un idéal de g n'est autre qu'un sous g-module de g, ou encore une sous-représentation de la représentation adjointe de g.

On notera aussi Repdf(g) la sous-catégorie pleine de Rep(g) formée des représentationsde dimension �nies sur K.

2.1.3 Représentations de groupes de Lie et foncteur �dérivation� . La notion de g-module est inspirée du contexte des algèbres associatives. Si l'on utilise aussi la terminologie�représentation�, c'est en raison des liens qui les unissent aux groupes de Lie. Supposons,pour ce paragraphe, que K = R ou C.

Si (V, ρ) est une représentation de G, on peut lui associer par dérivation une représen-tation (V, dρ) de Lie(G). De plus, si f : V −→ V ′ est un morphisme de représentations de

13

Page 14: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

G, c'est aussi un morphisme des représentations de Lie(G) associées, puisque en dérivantau point g = e l'égalité f ◦ρ(g) = ρ′(g)◦f on trouve ∀X ∈ Lie(G), f ◦dρ(X) = dρ′(X)◦f .On obtient ainsi un foncteur exact

RepdfK(G) → Repdf

K(Lie(G))(V, ρ) 7→ (V, dρ)

,

qui est l'outil le plus important pour étudier les représentations de G.

Proposition. � Le foncteur �dérivation� ci-dessus est :

i) pleinement �dèle si G est connexe.

ii) essentiellement surjectif (et donc une équivalence de catégories) si G est simplementconnexe.

Voir [GALM2], 1.12.2.

Remarque. � Il est important ici de se limiter aux représentations de dimension �nie.Il existe des représentations de dimension in�nie de sl2(C) qui ne s'intègrent pas à SL2(C).

Les dé�nitions et constructions qui suivent sont parallèles à des dé�nitions et construc-tions concernant les représentations de groupes (et qui pour la plupart n'ont pas d'analogueschez les modules sur une algèbre associative). Il parait donc intéressant de traiter les deuxcontextes en parallèle.

2.1.4 Représentations triviales, unités, vecteurs invariants. Soit V l'espace vectorield'une représentation d'un groupe G ou d'une algèbre de Lie g. On note

� (groupes) : V G := {v ∈ V, ∀g ∈ G, gv = v} le s.e.v. des vecteurs invariants sous G.� (algèbres) : V g := {v ∈ V, ∀X ∈ g, Xv = 0} le s.e.v. des vecteurs annulés par g.

Remarque. � Si (V, ρ) est une représentation d'un groupe de Lie G connexe, on montrefacilement que V Lie(G) = V G.

Une représentation V de G, resp. de g, est dite triviale si V = V G, resp. si V = V g.La représentation unité de G, resp. g, est l'espace vectoriel K muni de la représentation

triviale. On la note simplement K en l'absence d'ambiguïté.

2.1.5 Produit tensoriel, contragrédiente, Hom interne. Soient V , V ′ deux K-espacesvectoriels sous-jacents de représentations ρ, ρ′ d'un groupe, ou r, r′ d'une algèbre de Lie g.

i) On munit V ⊗K V ′ de la représentation produit tensoriel dé�nie par :� (groupes) g 7→ ρ(g)⊗ ρ′(g), ou encore g(v ⊗ v′) := gv ⊗ gv′, ∀v ∈ V, v′ ∈ V ′.� (algèbres) X 7→ r(X)⊗ idV ′ + idV ⊗r′(X), ou encore X(v⊗ v′) := Xv⊗ v′+ v⊗Xv′,∀v ∈ V, v′ ∈ V ′.

Exercice. � Véri�er que la seconde dé�nition fournit bien une représentation de g, puisvéri�er que lorsque G est un groupe de Lie, la dérivée de ρ⊗ ρ′ est bien dρ⊗ id + id⊗dρ′.

14

Page 15: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Exercice. � Si V ′ = K est la représentation unité, véri�er que V ⊗K K ' V (ceciexpliquant la terminologie �représentation unité�).

Remarque. � Il n'y pas de notion de produit tensoriel de A-modules, pour une algèbreassociative A quelconque.

ii) On munit HomK(V, V ′) de la représentation Hom interne dé�nie par� (groupes) (g, f) 7→ ρ′(g) ◦ f ◦ ρ(g−1), ou encore : (gf)(v) := gf(g−1v), ∀v ∈ V .� (algèbres) (X, f) 7→ r′(X) ◦ f − f ◦ r(X), ou encore : (Xf)(v) := Xf(v) − f(Xv),∀v ∈ V .

On notera HomK(V, V ′) cette représentation Hom-interne (avec un H).

Exercice. � Véri�er que ces formules dé�nissent bien des représentations, et que ladérivée du Hom interne pour un groupe de Lie G est le Hom interne pour Lie(G).

Remarque. � On a HomG(V, V ′) = HomK(V, V ′)G et Homg(V, V′) = HomK(V, V ′)g.

iii) Un cas particulier important du ii) est lorsque V ′ = K est la représentation unité.Dans ce cas on note simplement V ∨ := HomK(V,K) et on l'appelle contragrédiente (ouaussi duale) de V .

Le produit tensoriel et le Hom interne sont liés de la manière suivante :

Lemme. � Si V et V ′ sont de dimension �nie, le morphisme V ∨⊗KV ′ −→ HomK(V, V ′)qui envoie v∗ ⊗ v′ sur le morphisme (v, v′) 7→ 〈v, v∗〉v′ est un isomorphisme de représenta-tions.

Démonstration. Exercice.

2.1.6 Réduction des représentations. Une représentation V (d'un groupe ou d'unealgèbre de Lie) est dite :

� irréductible si ses seules sous-représentations sont {0} et V .� complètement réductible si elle est somme directe de sous-représentations irréductibles.� indécomposable si elle n'est pas somme directe de deux sous-représentations.

Exemple. (Le cas g = K) � Supposons g de dimension 1, et soit X ∈ g. Une représen-tation (V, r) de g est alors déterminée par l'endomorphisme r(X) ∈ EndK (V ). Lorsque Kest algébriquement clos, on voit que :

� V est irréductible si et seulement si dimK(V ) = 1 (existence de droites propres.)� V est complètement réductible si et seulement si r(X) est diagonalisable.� V est indécomposable si et seulement si dans la décomposition de Jordan r(X) =r(X)s + r(X)n, l'ordre de nilpotence de r(X)n est la dimension de V (et r(X)s estalors une homothétie). En d'autres termes, r(X) a un seul bloc de Jordan.

Par contre, lorsque K n'est pas algébriquement clos, une représentation irréductible deg peut être de dimension > 1. Par exemple pour K = R, celle de dimension 2 donnée par

r(X) =

(0 1−1 0

).

15

Page 16: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Remarque. � Si (V, ρ) est une représentation de dimension �nie d'un groupe de Lie con-nexe G, alors (V, ρ) est irréductible, resp. indécomposable, resp. complètement réductible,si et seulement si (V, dρ) l'est.

Exercice. � Montrer que V est irréducible, indécomposable ou complètement réductiblesi et seulement si V ∨ l'est.

On voit facilement par récurrence descendante sur la dimension que toute représenta-tion de dimension �nie est somme directe de sous-représentations indécomposables. Ainsi,comprendre la catégorie Repdf(G) ou Repdf(g) nécessite a priori de classi�er les représen-tations indécomposables. Dans l'exemple ci-dessus, elles sont classi�ées par la dimension etl'unique valeur propre de X. Mais en général, ce problème peut devenir trop di�cile, voiresans espoir, par exemple pour l'algèbre de Lie abélienne (i.e. avec crochet nul) g = K3

(pour laquelle une représentation revient à se donner 3 endomorphismes commutant 2 à 2d'un espace V ).

Les choses se simpli�ent beaucoup si l'on sait que les représentations de G ou de g sonttoutes complètement réductibles. Dans ce cas, l'application du lemme de Schur ci-dessousmontre qu'il su�t de classi�er les irréductibles, et cela s'avère souvent plus facile.

2.1.7 Lemme de Schur. Soit f : V −→ V ′ un morphisme de représentations irré-ductibles. Si f est non nul, on a Ker(f) 6= V donc Ker(f) = 0 par irréducibilité de V , etde même Im(f) 6= 0 donc Im(f) = V ′ par irréductibilité de V ′. Ainsi, f est soit nul, soitinversible.

En particulier, si V est irréductible de dimension �nie, Endg (V ) est une K-algèbre àdivision de dimension �nie. Lorsque K est algébriquement clos, cela implique Endg(V ) = K(lemme de Schur).

Application. � Une représentation complètement réductible V s'écrit de manière unique(à l'ordre près) sous la forme V = V ⊕e11 ⊕ · · · ⊕ V ⊕err avec V1, · · · , Vr des représentationsirréductibles 2 à 2 non isomorphes. En e�et, on retrouve la multiplicité ei par la formule

ei = dimK(Homg(Vi, V ))/ dimK(Endg(Vi)).

Remarque. � Pour une représentation qui n'est pas complètement réductible, il existeaussi un résultat d'unicité de décomposition en somme directe d'indécomposables, connusous le nom de théorème de Krull-Schmidt-Azumaya. Sa preuve est plus délicate et nousn'en aurons pas besoin. On pourra consulter un des livres de theorie des représentationsde Curtis et Reiner.

2.1.8 Nous verrons plus tard que cette propriété de complète réductibilité est satisfaitepour les algèbres de Lie �semi-simples� sur un corps de caractéristique nulle. En attendant,familiarisons-nous avec cette notion.

Lemme. � Pour une représentation V , les propriétés suivantes sont équivalentes :

i) toute sous-représentation W de V admet un supplémentaire stable (donc une sous-représentation) W ′ ⊕W = V .

16

Page 17: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

ii) V est complètement réductible,

iii) V est somme de ses sous-représentations irréductibles.

Démonstration. i)⇒ ii). Par récurrence sur la dimension de V . Si V est irréductible (doncen particulier si dim(V ) = 1) il n'y a rien à faire. Sinon, prenons une sous-représentationW de V de dimension > 0 minimale. Elle est donc irréductible et, par hypothèse, admetun supplémentaire stable V ′. Montrons que V ′ satisfait encore i). Soit W ′ ⊂ V ′ une sous-représentation, et soitW ′′ un supplémentaire stable deW⊕W ′ dans V . Alors sa projectionsur V ′ (le long de W ) est un supplémentaire stable de W ′ dans V ′. Ainsi V ′ satisfait i)et par hypothèse de récurrence, V ′ est somme directe d'irréductibles. Donc V = W ⊕ V ′aussi.

ii)⇒ iii) est tautologique.iii)⇒ i). Montrons que W ⊂ V admet un supplémentaire stable par récurrence sur la

codimension de W . Si la codimension est nulle il n'y a rien à faire. Sinon, il existe (parhypothèse) une représentation irréductible U de V telle que U 6⊂ W , et donc W ∩U = {0}.L'hypothèse de récurrence appliquée à W ⊕ U nous fournit W ′

1 supplémentaire de W ⊕ Uet il n'y a plus qu'à poser W ′ := U ⊕W ′

1.

Voici un exemple de situation de complète réductibilité.

Exemple. � Supposons que K = C. Soit V une représentation munie d'un produitscalaire hermitien invariant au sens suivant :

� (groupes) ∀v, v′ ∈ V, ∀g ∈ G, 〈gv, gv′〉 = 〈v, v′〉� (algèbres) ∀v, v′ ∈ V, ∀X ∈ g, 〈Xv, v′〉+ 〈v,Xv′〉 = 0.

Alors V est complètement réductible. En e�et, si W ⊂ V un sous-espace stable, alors sonorthogonal W⊥ = {v ∈ V, ∀w ∈ W, 〈v, w〉 = 0} est en somme directe W ⊕W⊥ (puisque 〈, 〉est dé�ni positif) et est stable.

Exercice. � Soit G un groupe �ni, V une représentation de G et 〈., .〉 un produit hermi-tien sur V . Montrer que la formule (v, w) := 1

|G|∑

g∈G〈gv, gw〉 dé�nit un produit hermitienG-invariant. En conclure que toute représentation complexe d'un groupe �ni est complète-ment réductible.

2.1.9 Représentations d'un produit. Soient G,G′ deux groupes, ou g, g′ deux algèbresde Lie. Si W est une représentation complexe de G, resp. g, et W ′ une représentation deG′, resp. g′, on munit W ⊗K W ′ de la représentation (g, g′)(v ⊗ v′) := (gv, gv′) de G×G′,resp. (X,X ′)(v ⊗ v′) := Xv ⊗ v′ + v ⊗X ′v′ de g⊕ g′.

Proposition. � Supposons K algébriquement clos. Dans chacune des deux situations(groupes ou algèbres), on a :

i) Si W et W ′ sont irréductibles, alors W ⊗K W ′ l'est aussi (pour le produit !).

ii) Toute représentation irréductible V de G×G′, resp. g⊕g′, est de la forme W ⊗KW ′

comme ci-dessus.

iii) Si W et W ′ sont complètement réductibles, alors W ⊗K W ′ aussi.

17

Page 18: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Démonstration. Nous traitons le cas des algèbres de Lie. Celui des groupes est totalement ana-logue. Commençons par une construction générale. Si W ∈ Rep(g) et V ∈ Rep(g⊕ g′), on munitHomg(W,V ) de la représentation de g′ dé�nie par (X ′f)(w) := X ′ · f(w) (c'est une variante de laconstruction �Hom interne�). On a alors une application d'évaluation :

evW,V : W ⊗K Homg(W,V ) → Vw ⊗ f 7→ f(w)

.

On véri�e aisément que c'est un morphisme de représentations de g⊕ g′ (exercice : le véri�er !).Supposons maintenant que V et W sont irréductibles, et que W est isomorphe à une sous-

représentation irréductible de V|g. Dans ce cas, evW,V est non nulle, et donc surjective. Soit n′ :=

dimK(Homg(W,V )). On a donc une surjection W⊕n′� V , qui montre que V est complètement

réductible en tant que g-module, et isomorphe à W⊕e pour un e 6 n′. Mais alors, puisque K estalgébriquement clos, le lemme de Schur nous dit que n′ = e, et �nalement on a montré que evW,Vest un isomorphisme. Il s'ensuit aussi que W ′ := Homg(W,V ) est un g′-module irréductible etque, en tant que g′-module, on a V 'W ′⊕n où n = dimK(W ).

On a donc prouvé ii). On en déduit aussi i) en appliquant ceci à une sous-représentationirréductible non nulle de W ⊗K W ′.

Il reste à prouver iii). Mais si W =⊕

iWi et W′ =

⊕jW

′j avec les Wi et les W

′j irréductibles,

alors W ⊗W ′ =⊕

i,jWi ⊗W ′j est une décomposition en somme d'irréductibles.

2.1.10 Représentations irréductibles de g = sl2 en caractéristique nulle. À titre d'ex-emple, mais surtout parce que les techniques et résultats intermédiaires utilisés serontfondamentaux pour notre étude ultérieure des algèbres de Lie �semi-simples�, nous classi-�ons ici les représentations irréductibles de sl2, sous l'hypothèse que K est algébriquementclos de caractéristique nulle.

Rappelons que sl2 est de dimension 3. On utilisera la base (E,H, F ) suivante :

E =

(0 10 0

), H =

(1 00 −1

), F =

(0 01 0

).

Le crochet de g := sl2 y est déterminé par les formules suivantes :

[H,E] = 2E, [H,F ] = −2F, [E,F ] = H.

Si (V, r) est une représentation de g = sl2 et λ ∈ K, on notera

Vλ := Ker(r(H)− λ idV ).

Si Vλ 6= 0, c'est l'espace propre de la valeur propre λ de r(H). On dit alors que λ est unpoids de H dans V .

Lemme. � Soit (V, r) une représentation de g et λ ∈ K un poids de H dans V . Alorsr(E)Vλ ⊂ Vλ+2 et r(F )Vλ ⊂ Vλ−2.

Démonstration. Soit v ∈ Vλ. On a HEv = EHv + [H,E]v = λEv + 2Ev = (λ+ 2)Ev. Demême HFv = (λ− 2)Fv.

18

Page 19: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Proposition. � Pour tout entier m ∈ N, il existe une unique (à isomorphisme près)représentation irréductible (Vm, rm) de g de dimension m+ 1. De plus, les poids de H dansVm sont {−m,−m+ 2, · · · ,m− 2,m}.

Démonstration. i) Montrons d'abord l'unicité. Soit V une représentation irréductible dedimension �nie de g. Comme K est algébriquement clos, l'ensemble des poids de V est nonvide. Comme cet ensemble est aussi �ni et K est de caractéristique nulle, il existe un poidsλ0 tel que λ0 + 2 ne soit pas un poids. Soit v0 ∈ Vλ0 non nul. D'après le lemme précédent,on a alors EVλ0 = 0.

Posons vk := 1k!F kv0 et W = VectK{vk, k ∈ N} l'espace engendré par les vk. Par

construction, cet espace est stable par F , et puisque les vk sont vecteurs propres de H(lemme précédent), il est aussi stable par H. Montrons qu'il est stable par E. On a vu queEv0 = 0. Pour k > 1, on a

Evk =1

kEFvk−1 =

1

k(FEvk−1 + [E,F ]vk−1) =

1

k(FEvk−1 + (λ0 − 2k + 2)vk−1) .

Ceci nous permet de montrer par récurrence que Evk = (λ0 − k + 1)vk−1.On en conclut que W est une sous-représentation non nulle de V , donc par irré-

ductibilité, que W = V . Les vk non nuls sont linéairement indépendants, puisque associésà des valeurs propres 2 à 2 distinctes de H, d'où une base v0, · · · , vm de V , en posantm = dimK(V )− 1.

Pour déterminer λ0, on remarque que puisque H = [E,F ], on doit avoir tr(r(H)) = 0.Or, tr(r(H)) = λ0 + (λ0 − 2) + · · ·+ (λ0 − 2m) = (m+ 1)λ0 −m(m+ 1). Il vient λ0 = met �nalement les poids sont bien ceux annoncés.

ii) Il faut maintenant véri�er l'existence. Pour cela, il su�t de véri�er que les matricesde Mm+1(K) suivantes :

Hm :=m+1∑i=1

(m− 2i+ 2)Ei,i, Em :=m∑i=1

(m− i+ 1)Ei,i+1, et Fm :=m∑i=1

iEi+1,i

satisfont les relations [Hm, Em] = 2Em, [Hm, Fm] = −2Fm et [Em, Fm] = Hm. Après quoiil ne reste qu'à poser rm(H) := Hm, rm(E) := Em et rm(F ) := Fm.

Remarque. � En petite dimension, on reconnait des représentations familières :� (V0, r0) est la représentation unité de g.� (V1, r1) est la représentation �standard� donnée par l'inclusion g ⊂ gl2(K).� (V2, r2) est la représentation adjointe g −→ gl(gK) ' gl3(K).En général, on peut montrer que (Vm, rm) ' Symm(V1, r1), la puissance symétrique

m-ème (V1, r1) dont l'espace sous-jacent est Symm(V1) = (V1⊗ V1⊗ · · · ⊗ V1)Sm et l'actionde g est quotient de la représentation produit tensoriel.

Remarque. � La représentation (Vm, rm) est appelée représentation irréductible de plushaut poids m. Notons que les seules propriétés de la base E,H, F qui entrent dans lapreuve sont les formules [H,E] = 2E, [H,F ] = 2F et [E,F ] = H. Toute autre base

19

Page 20: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

(E ′, H ′, F ′) véri�ant ces propriétés est conjuguée à (E,H, F ) sous l'action de GL2(K). Ene�et, les formules du ii) de la preuve ci-dessus appliquées à la représentation standard nousfournissent une base v0, v1 de K2 dans laquelle les matrices de (E ′, H ′, F ′) sont justementE,H, F .

Exercice. � i) Montrer que l'applicationK-linéaire sl2(K)r−→ EndK(K[x, y]) dé�nie

par r(H) = x ∂∂x− y ∂

∂y, r(E) = x ∂

∂yet r(F ) = y ∂

∂xest une représentation de sl2(K).

ii) Soit Pm := {f(x, y) ∈ K[x, y], homogènes de degré m}. Montrer que Pm est stablepar sl2(K) et que la représentation (Pm, r) ainsi obtenue est isomorphe à la représen-tation (Vm, rm), irréductible de plus haut poids m.

2.2 Algèbre enveloppante d'une algèbre de Lie

Ici (comme ailleurs), toutes les K-algèbres associatives sont supposées unitaires. Rap-pelons qu'une telle algèbre associative peut être vue comme une K-algèbre de Lie avecpour crochet [a, b] = ab− ba.

2.2.1 Théorème.� Soit g une K-algèbre de Lie. Il existe une paire (Ug, ι) formée� d'une K-algèbre associative Ug et� d'un morphisme d'algèbres de Lie g −→ Ug.

satisfaisant la propriété universelle suivante : pour toute K-algèbre associative A, l'appli-cation HomK−alg(Ug, A) −→ HomK−ALie(g, A), f 7→ f ◦ ι est bijective.

La propriété universelle assure l'unicité, à isomorphisme unique près, de la paire (Ug, ι).Pour ceux qui aiment les catégories, on peut paraphraser le théorème en disant, au choix, que

� pour toute g, le foncteur A 7→ HomK−ALie(g, A) est représentable.� le foncteur qui à une algèbre associative associe son algèbre de Lie sous-jacente possède

un adjoint à gauche. Cette formulation parait plus forte car elle inclut la fonctorialité deg 7→ Ug, mais elle est en fait équivalente.

Démonstration. Considérons Tg =⊕

n∈N Tng où T ng = g⊗n = g ⊗K g ⊗K · · · ⊗K g. On

munit ce K-espace vectoriel du produit de concaténation, qui envoie T nG × TmG dansT n+mG et qui est donné sur les tenseurs élémentaires par

(x1 ⊗ · · · ⊗ xn)(y1 ⊗ · · · ⊗ ym) = x1 ⊗ · · · ⊗ xn ⊗ y1 ⊗ · · · ⊗ ym.

On obtient ainsi une K-algèbre associative graduée Tg, appelée algèbre tensorielle de g.Noter que cette construction ne dépend en fait que du K-ev sous-jacent à g, et s'ap-plique à n'importe quel K-ev. L'algèbre Tg, munie de l'application g = T 1g ↪→ Tg pos-sède la propriété universelle suivante : pour toute K-algèbre associative A, l'applicationHomK−alg(Tg, A) −→ HomK(g, A) est bijective. En d'autres termes, le foncteur V 7→ TV est

adjoint à gauche du foncteur qui à une algèbre associe son espace vectoriel sous-jacent. La véri-�cation de ceci est facile mais on ne donne pas de détails, voir tout livre d'algèbre (Langpar exemple).

20

Page 21: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Considérons maintenant l'idéal bilatère I engendré par les éléments de la forme

x⊗ y − y ⊗ x− [x, y] ∈ T62g.

Noter que ce n'est pas un idéal homogène. Posons en�n Ug := Tg/I. C'est une algèbreassociative, non graduée, mais tout de même �ltrée : si Ug6n est l'image de T6ng, alorsUg6nUg6m ⊂ Ug6n+m. Par construction, on a

HomK−alg(Ug, A) = {f ∈ HomK−alg(Tg, A), ∀x, y ∈ g, f(x)f(y)− f(y)f(x) = f([x, y])}.

La propriété universelle annoncée pour Ug munie de ι : g ↪→ Tg � Ug découle donc decelle de Tg.

Application. � Si (V, ρ) est une K-représentation de g, le morphisme ρ : g −→ gl(V )provient d'un (unique) morphisme d'algèbre Ug −→ EndK(V ) qui fait de V un Ug-moduleà gauche. On obtient ainsi une équivalence de catégories

Rep(g) = g−Mod∼−→ Ug−Mod

entre la catégorie des g-modules à gauche et celle des Ug-modules à gauche. Notammentles représentations irréductibles de g correspondent aux modules simples de Ug.

Exemples. � Remarquons d'abord que Ugln(K) 6= Mn(K) ! ! ! Par exemple pour n = 2,l'élément E = E12 est nilpotent d'ordre 2 dans M2(K). Mais dans la représentation Vmqu'on a construite plus haut, son image est nilpotente d'ordre m + 1, ce qui implique,puisque m est arbitraire, que dans Ugl2, son image n'est pas nilpotente du tout ! En fait,Ug est de dimension in�nie en général.

i) g = K. On véri�e que Ug = K[T ] avec g = K∼−→ K.T convient.

ii) g abélienne. Dans ce cas, l'idéal par lequel on quotiente Tg est engendré par lesx ⊗ y − y ⊗ x. L'algèbre obtenue est l'algèbre symétrique Sg =

⊕n∈N S

ng, qui estcommutative et graduée, et dont la construction s'applique à tout K-ev. Le foncteur

V 7→ SV est adjoint à gauche du foncteur qui à une algèbre commutative associe son e.v.

sous-jacent. On a Sng = (T ng)Sn (coinvariants sous le groupe symétrique). Tout choixde base de g induit un isomorphisme Sg

∼−→ K[T1, · · · , Tdimg].

iii) g = sl2(K). On peut donner la présentation suivante : Usl2 est l'algèbre associative degénérateurs e, f, h soumis aux relations he−eh = 2e, hf −fh = −2f et ef −fe = h.LorsqueK est de caractéristique di�érente de 2, elle contient un élément remarquable,l'opérateur de Casimir donné par

C := ef + fe+1

2h2.

Exercice. � g désigne encore sl2 et car(K) 6= 2.

(a) Montrer que C commute à e, f, h, et donc appartient au centre de Ug.

21

Page 22: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

(b) Si K est algébriquement clos, en déduire que C agit par un scalaire sur chaquereprésentation irréductible.

(c) Montrer que ce scalaire, sur la représentation Vm est λm = 12m(m+ 2).

(d) Montrer que l'action de C sur K[x, y] (comme dans le dernier exercice de 2.1)est donnée par (x ∂

∂x+ y ∂

∂y) + 1

2(x ∂

∂x+ y ∂

∂y)2 et retrouver le scalaire précédent.

2.2.2 Algèbre enveloppante et opérateurs di�érentiels. Pour une variété lisseM , notonsDiff(C∞(M)) l'algèbre (associative) des opérateurs di�érentiels de M , ie la sous-R-algèbrede EndR(C∞(M)) engendrée par les dérivations. Un opérateur di�érentiel est donc locale-ment combinaison linéaire d'opérateurs de la forme f · ∂r

∂xr11 ···∂x

rnn

avec f fonction C∞.Supposons maintenant que g = Lie(G) est l'algèbre de Lie d'un groupe de LieG (et donc

K = R), et considérons la sous-algèbre Diff(C∞(G))L des opérateurs di�érentiels invariantsà gauche. La propriété universelle de ULie(G) nous permet d'étendre l'application X ∈Lie(G) 7→ ξX ∈ Vec(G)L en un morphisme d'algèbres

ULie(G) −→ Diff(C∞(G))L.

On peut montrer que ce morphisme est un isomorphisme

2.2.3 Algèbres de Lie libres. Soit I un ensemble. Une K-algèbre de Lie L munied'éléments (Xi)i∈I est appelée algèbre de Lie libre sur I si pour toute K-algèbre de Lie g,l'application

(∗) HomK−ALie(L, g) −→ gI = HomEns(I, g), f 7→ (f(Xi))i∈I

est bijective. Il revient au même de dire que (L, (Xi)i∈I) est un objet initial dans la catégorie des

paires formées d'une K-algèbre de Lie et d'une famille d'éléments indexée par I. Vu l'universal-ité de la condition, une algèbre de Lie libre sur I est unique à isomorphisme unique près.Montrons son existence. Notons V :=

⊕i∈I KXi un espace vectoriel de base (Xi)i∈I . L'al-

gèbre tensorielle TV est visiblement une algèbre associative libre sur I (avec une dé�nitionsemblable à ci-dessus). En particulier, pour toute K-algèbre de Lie g, l'application

HomK−Alg(TV,Ug) −→ UgI = HomEns(I,Ug), f 7→ (f(Xi))i∈I

est bijective. Dé�nissons L comme la sous-algèbre de Lie de TV engendrée par les éléments(de degré 1) Xi, i ∈ I. L'application (∗) est alors clairement injective (puisque les Xi

engendrent L). Pour voir la surjectivité, on admet temporairement que g −→ Ug estinjective (voir prochain paragraphe), et on identi�e g à une sous algèbre de Lie de Ug.Partons d'éléments (Yi)i∈I dans g ⊂ Ug et considérons le morphisme d'algèbres associé parla bijection précédente f : TV −→ Ug. Alors f(V ) ⊂ g donc f(L) ⊂ g et f(Xi) = Yicomme voulu.

Exercice. � Montrer que l'algèbre enveloppante de l'algèbre de Lie libre sur I est l'al-gèbre associative libre sur I.

22

Page 23: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

2.2.4 Théorème de Poincaré-Birkho�-Witt. Revenons à la surjection π : Tg � Ug.C'est un morphisme d'algèbres associatives �ltrées, si l'on munit Tg de la �ltration Tg6m :=⊕

k6m Tkg et Ug de la �ltration image. En passant aux gradués associés, on obtient donc

un morphisme d'algèbres graduées, encore surjectif,

gr π : Tg∼−→ gr(Tg) :=

⊕k∈N

Tg6k/Tg6k−1 −→ gr(Ug) :=⊕k∈N

Ug6k/Ug6k−1.

Puisque pour x, y ∈ g on a π(x⊗y−y⊗x) = π([x, y]), on a aussi grπ(x⊗y) = gr π(y⊗x).Il s'ensuit que gr π se factorise par l'algèbre symétrique (cf exemple ii) ci-dessus) en unmorphisme surjectif d'algèbres graduées Sg −→ gr(Ug), et en particulier que gr(Ug) estcommutative.

Théorème. (PBW, première formulation) � Le morphisme Sggrπ−→ gr(Ug) ci-dessus

est injectif. C'est donc un isomorphisme de K-algèbres graduées.

Nous ne démontrons pas ce théorème ici, faute de temps (voir par exemple le livre deCarter ou celui de Humphreys). Voici un exemple de conséquence intéressante.

Corollaire. � i) L'application ι : g −→ Ug est injective.

ii) Pour toute sous-algèbre h ⊂ g, le morphisme Uh −→ Ug associé est injectif.

Noter que, lorsque g est de dimension �nie, le i) découle aussi du théorème d'Ado quidit que g se plonge dans un gl(V ) et donc dans EndK (V ).

Voici maintenant une formulation plus concrète, mais moins précise, du théorème précé-dent, dans le cas où g est de dimension �nie.

Théorème. (PBW, deuxième formulation) � Soit x1, · · · , xn une base de g sur KAlors les monômes de la forme xi1xi2 · · ·xik avec i1 6 i2 6 · · · 6 ik forment une base deUg sur K.

On peut donner un énoncé analogue en dimension in�nie en choisissant une base to-talement ordonnée de g.

2.2.5 Structure de bigèbre. Terminons par la remarque suivante, qui montre qu'unealgèbre enveloppante possède plus de structure que celle d'algèbre associative. Considéronsl'application g −→ Ug ⊗K Ug qui envoie x sur ι(x) ⊗ 1 + 1 ⊗ ι(x). On peut montrer quec'est un morphisme d'algèbres de Lie (exercice). Il induit donc un morphisme d'algèbres∆ : Ug −→ Ug⊗K Ug. On peut alors montrer l'identité (∆⊗ id)◦∆ = (id⊗∆)◦∆ (axiomede coassociativité). On dit que ∆ est un coproduit, et que Ug est une bigèbre (et même une�algèbre de Hopf�). Nous n'en ferons rien de plus ici, mais ce point de vue est fondamentaldans la théorie des groupes quantiques. Ces derniers ne sont pas vraiment des groupes, maisplutôt des �déformations� d'une algèbre enveloppante classique.

23

Page 24: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

2.3 Forme de Killing. Opérateurs de Casimir

2.3.1 Définition.� Soit g une K-algèbre de Lie. Une forme K-bilinéaire B sur g estdite invariante si B(adZ(X), Y ) +B(X, adZ(Y )) = 0 pour tous X, Y, Z ∈ g.

Exemple. � Le paradigme de forme bilinéaire invariante est la forme

(X, Y ) 7→ tr(XY ) sur gln(K).

Cela donne un moyen d'en constuire plein d'autres : pour toute représentation r : g −→gl(V ), la forme bilinéaire Br(X, Y ) := tr(r(X)r(Y )) sur g est invariante.

Propriété. � Si B est une forme bilinéaire invariante sur g et h ⊂ g est un idéal de g,alors son orthogonal h⊥ = {X ∈ g, ∀Y ∈ h, B(X, Y ) = 0} est aussi un idéal de g. Enparticulier, g⊥ est un idéal de g.

Forme de Killing. � La forme de Killing Bad sur g est la forme bilinéaire invarianteassociée à la représentation r = ad comme ci-dessus. On a donc Bad(X, Y ) = tr(adXadY ).

2.3.2 Lemme.� Si h est un idéal 1 de g, alors la forme de Killing de h est la restrictionà h de la forme de Killing de g.

Démonstration. Pour X, Y ∈ h, on a adXadY (g) ⊂ h. Donc tr(adXadY |g) = tr(adXadY |h).

2.3.3 Formes bilinéaires invariantes non dégénérées. Supposons maintenant donnée uneforme bilinéaire B non dégénérée sur g. On lui associe un élément de l'algèbre enveloppanteCB ∈ Ug, appelé opérateur de Casimir, et dé�ni par

CB =n∑i=1

XiX∗i

où X1, · · · , Xn désigne une base de g et X∗1 , · · · , X∗n désigne la base duale pour la formenon dégénérée B.

Lemme. � Cette dé�nition ne dépend pas du choix de la base.

Démonstration. Soit en e�et Y1, · · · , Yn une autre base de g. On a Yi =∑

k B(Yi, X∗k)Xk

et Y ∗i =∑

lB(Y ∗i , Xl)X∗l . D'où∑

i

YiY∗i =

∑k,l

(∑i

B(Yi, X∗k)B(Y ∗i , Xl)

)XkX

∗l

=∑k,l

(B

(∑i

YiB(Y ∗i , Xl), X∗k

))XkX

∗l =

∑k,l

B(Xl, X∗k)XkX

∗l = CB

1. Attention ce n'est pas vrai si h est simplement une sous-algèbre de Lie

24

Page 25: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Exemple. � g = gln(K) et B la forme bilinéaire standard dé�nie par (X, Y ) 7→ tr(XY ).Elle est non dégénérée et la base duale de la base canonique (Eij)i,j est donnée par E∗ij = Eji.

Exemple. � Soit g = sl2(K), et B = Bstd la forme bilinéaire standard dé�nie par(X, Y ) 7→ tr(XY ). Lorsque car(K) 6= 2, on véri�e aisément qu'elle est non dégénéréeet que la base duale de la base (E,H, F ) est (F, 1

2H,E). On retrouve l'opérateur C =

EF + 12H2 + FE introduit plus haut.

Exercice. � i) Véri�er que (X, Y ) 7→ tr(XY ) est non dégénérée sur gln(K) et sur lesalgèbres de Lie classiques (so, sl, sp).

ii) (K = R ou C). Montrer que pour toute sous-algèbre de Lie g de gln(R) stable partransposition, la forme bilinéaire (X, Y ) 7→ tr(XY ) est non dégénérée.

On a vu dans un exercice que la vertu de l'opérateur de Casimir de sl2 était d'appartenirau centre de Usl2. Plus généralement :

Proposition. � L'opérateur CB appartient au centre de Ug.

Démonstration. Il su�t de montrer qu'il commute à tout X ∈ g. Or on a

XCB − CBX =∑i

(XXiX∗i −XiX

∗iX) =

∑i

([X,Xi]X∗i −Xi[X

∗i , X])

=∑i

∑k

(B([X,Xi], X∗k)XkX

∗i −B(Xk, [X

∗i , X])XiX

∗k)

=∑i,k

(B([X,Xk], X∗i ) +B(Xk, [X,X

∗i ]))XiX

∗k = 0

par invariance de la forme bilinéaire B.

Comme dans le cas de sl2, une conséquence intéressante est que sur toute représentation(V, r) de g, l'élément C induit un opérateur r(C) =

∑i r(Xi)r(X

∗i ) qui commute à l'action

de g. En particulier, si V est irréductible et si K est algébriquement clos (K = C parexemple), alors r(C) est une homothétie, par le lemme de Schur.

2.4 Algèbres de Lie nilpotentes et résolubles

Soit g une K-algèbre de Lie. Pour deux idéaux h1, h2 de g, on dé�nit

[h1, h2] = {K-esp.vect. engendré par les [x1, x2], x1 ∈ h1, x2 ∈ h2}.

C'est encore un idéal de g, d'après l'identité de Jacobi.

Exemple. (idéal dérivé) � L'idéal [g, g] est appelé idéal dérivé de g. Il est nul si etseulement si g est abélienne. En général, il est contenu dans tout morphisme de g vers unealgèbre de Lie abélienne, si bien que gab := g/[g, g] est le plus grand quotient abélien de g.

Plus généralement, on dé�nit deux suites décroissantes (pour l'inclusion) d'idéaux :

25

Page 26: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

i) la suite centrale dé�nie par C0g := g et Cn+1g := [g, Cng], pour n > 0.

ii) la suite dérivée dé�nie par D0g := g et Dn+1g := [Dng, Dng], pour n > 0.

On a C1g = D1g = [g, g] et pour n > 1 on a Cng ⊃ Dng.

2.4.1 Définition.� On dit que g est� nilpotente s'il existe n ∈ N tel que Cng = 0.� résoluble s'il existe n ∈ N tel que Dng = 0.

On a donc �abélienne� ⇒ �nilpotente� ⇒ �résoluble�. On remarquera aussi le parallèleavec les notions de nilpotence et de résolubilité des groupes �nis.

Exercice. � Soit g une K-algèbre de Lie.

i) (a) Montrer que g est nilpotente si et seulement s'il existe une suite d'idéaux g =h0 ⊃ h2 ⊃ .... ⊃ hn = 0 de g tels que [g, hi] ⊂ hi+1 pour tout i.

(b) En déduire que toute sous-algèbre de Lie et toute algèbre quotient d'une algèbrede Lie nilpotente est nilpotente.

(c) Montrer que g est nilpotente si et seulement si ad(g) = g/z(g) l'est.

ii) (a) Montrer que g est résoluble si et seulement s'il existe une suite d'idéaux g =h0 ⊃ h2 ⊃ .... ⊃ hn = 0 de g tels que hi/hi+1 est abélienne pour tout i.

(b) En déduire que si h est un idéal de g, alors g est résoluble si et seulement si 2 het g/h le sont.

2.4.2 Définition.� Soit V un K-ev de dimension �nie n. Un drapeau complet de Vest une suite croissante de s.e.v V = (0 = V0 ⊂ V1 ⊂ · · · ⊂ Vn = V ) avec dim(Vi) = i. Onlui associe deux sous-algèbres de Lie de gl(V ) :

b(V) := {X ∈ gl(V ), X(Vi) ⊂ Vi, pour i = 1, · · · , n.}, et

bnilp(V) := {X ∈ gl(V ), X(Vi) ⊂ Vi−1, pour i = 1, · · · , n.}.

Remarque. � Si on choisit une base v1, · · · , vn telle que Vi = vect(v1, · · · , vi) alors l'iso-morphisme gl(V )

∼−→ gln(K) qui en résulte identi�e b(V), resp. bnilp(V) à l'espace desmatrices triangulaires supérieures, resp. strictement triangulaires supérieures, dans Mn(K).

Exercice. � Véri�er que b(V) est bien une sous-algèbre de Lie de gl(V ), puis montrer :

i) [b(V), b(V)] = bnilp(V), et [b(V), bnilp(V)] = bnilp(V).

ii) pour k > 1, Ck(bnilp(V)) = {X ∈ gl(V ), X(Vi) ⊂ Vi−k, pour i = 1, · · · , n.}En déduire que bnilp(V) est nilpotente, et que b(V) est résoluble mais pas nilpotente.

2. Attention, le �si� n'est pas vrai pour �nilpotente�

26

Page 27: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

2.4.3 Caractérisation par la théorie des représentations. On suppose iciK algébrique-

ment clos et de caractéristique nulle, et il n'y a pas de mal à se limiter à K = C.Nous allons d'abord voir que l'exemple d'algèbre résoluble ci-dessus est typique.

Théorème. (Lie) � Soit g une K-algèbre de Lie avec K algébriquement clos. On aéquivalence entre :

i) g est résoluble.

ii) Toute représentation irréductible de g est de dimension 1.

ii)' Toute représentation de g contient un vecteur propre pour g.

iii) Toute représentation (V, r) de g est trigonalisable, au sens où il existe un drapeau Vde V tel que r(g) ⊂ b(V).

Démonstration. L'équivalence ii)⇔ ii)′ est claire, tout comme l'implication iii)⇒ ii)′, etl'implication ii)′ ⇒ iii) se voit par une récurrence évidente.

Montrons que iii) ⇒ i). Appliquons iii) à la représentation adjointe. On obtient undrapeau complet de sous-espaces 0 ⊂ h1 ⊂ · · · ⊂ hn = g tel que adg(hi) ⊂ hi, ce qui signi�eque les hi sont des idéaux de g. Comme le quotient hi/hi+1 est de dimension 1, c'est unealgèbre de Lie abélienne, et on peut appliquer le critère de l'exercice ci-dessus pour endéduire que g est résoluble.

Montrons maintenant que i)⇒ ii)′ par récurrence sur dim(g). Si dim(g) = 1, le résultatest clair puisque tout endomorphisme d'un K-ev de dimension �nie possède un vecteurpropre (K est algébriquement clos). Supposons dim(g) > 1 et soit h un hyperplan de gcontenant Dg (noter que g/Dg 6= 0). Alors, h est un idéal de g, et par hypothèse derécurrence il existe un vecteur propre v de V commun à tous les éléments de h. Soit λ laforme linéaire sur h dé�nie par X.v = λ(X)v pour tout X dans h. Posons

Vλ := {v ∈ V, ∀X ∈ h, X.v = λ(X)v},

le sous-espace �λ-propre� de V sous l'action de h, qui est donc non nul. Admettons uninstant que Vλ est stable par g. Soit Y un générateur d'une droite supplémentaire de hdans g. Comme K est algébriquement clos, Y admet un vecteur propre v′ ∈ Vλ. Alors, v′,qui est propre pour h, l'est pour g toute entière, et le théorème est démontré.

Il reste à prouver que Vλ est stable par g. Par l'égalité

XY v = Y Xv + [X, Y ]v = λ(X)Y v + λ([X, Y ])v

valable pour tout X ∈ h, Y ∈ g, v ∈ Vλ, on est ramené à prouver que λ([X, Y ]) = 0 pourtout X ∈ h, Y ∈ g. Pour cela, �xons un vecteur w 6= 0 de Vλ, et notons

Wk := vect{w, Y w, · · · , Y kw}

La formule XY kw = Y XY (k−1)w + [X, Y ]Y (k−1)w montre par récurrence que

∀X ∈ h, XWk ⊂ Wk et (∗) : XY kw ∈ λ(X)Y kw +Wk−1.

27

Page 28: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Considérons alors la réunion W des Wk. C'est un sous-espace stable par h et (∗) montreque ∀X ∈ h on a tr(X|W ) = dim(W ).λ(X). En particulier on a dim(W ).λ([X, Y ]) =tr([X, Y ]|W ). Or, par construction, W est aussi stable par Y , si bien que tr([X, Y ]|W ) =tr([X|W , Y|W ] = 0. On a donc λ([X, Y ]) = 0 comme voulu (car dim(W ) est non nul dansK supposé de caractéristique nulle).

Remarque. � Ce théorème généralise le résultat classique d'algèbre linéaire qui ditqu'une famille d'endomorphismes commutant 2 à 2 est simultanément trigonalisable.

A�n de donner une caractérisation des algèbres nilpotentes par leurs représentations,introduisons quelques dé�nitions et notations. Si λ : g −→ K est une application et (V, r)une représentation, on note

Vλ := {v ∈ V, ∀X ∈ g, r(X)v = λ(X)v}

l'espace propre associé, et

V λ := {v ∈ V, ∃n ∈ N,∀X ∈ g, (r(X)− λ(X))nv = 0}

l'espace propre �généralisé� (ou espace �caractéristique�) associé.

Définition. � Si Vλ 6= 0, on dit que λ est un poids de g dans la représentation (V, r).Alors Vλ est l'espace de poids λ et V λ l'espace de poids généralisé.

Exercice. � Si λ est un poids d'une représentation, alors λ estK-linéaire et λ([g, g]) = 0.C'est donc un élément du dual g∗ab de l'abélianisée de g.

Remarquer que, en général, il n'est pas clair que V λ soit stable par g.

Proposition. (Théorème de Engel) � Si V = V λ alors λ ∈ g∗ab et il existe un drapeaucomplet V de V tel que (r − λ)(g) ⊂ bnilp(V).

Remarque. � Concrètement, cela dit que si pour tout X il existe une base dans laqueller(X) est triangulaire supérieures avec des λ(X) sur la diagonale, alors il existe en fait unebase dans laquelle tout r(X) est de cette forme.

Démonstration. Par hypothèse, on a tr(r(X)) = λ(X) dim(V ) pour tout X ∈ g. Cecimontre (si K est de caractéristique 0 pour que dim(V ) 6= 0 dans K) que λ est K-linéaire etnulle sur [g, g], donc provient de g∗ab. Mais alors l'application X 7→ r(X)−λ(X) idV dé�nitune représentation de g sur le même espace V . Quitte à remplacer r par r − λ, on peutdonc supposer que λ = 0. Par un argument de récurrence, il nous su�t alors de prouver :

(∗) pour toute représentation (V, r) t.q. r(X) est nilpotent ∀X, on a V g 6= 0.

Nous le ferons par récurrence sur dim(g). Si dim(g) = 1, on a V g = Ker(r(X)) pour toutX non nul de g. Comme r(X) est supposé nilpotent, son noyau est non nul, comme voulu.Supposons maintenant dim(g) > 1, et supposons que l'on dispose d'un idéal h non trivial,i.e. distinct de {0} et de g. Alors l'hypothèse de récurrence appliquée à h nous dit que

28

Page 29: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

V h 6= {0}. De plus, V h est stable par l'action de g, laquelle se factorise par g/h. Ainsil'hypothèse de récurrence appliquée à g/h nous dit que (V h)g/h 6= 0. Or, on a V g = (V h)g/h.

Il reste donc à prouver l'existence d'un idéal h non trivial. Quittes à remplacer g parr(g), on peut supposer que g ⊂ gl(V ). Choisissons alors une sous-algèbre de Lie propre hde g de dimension maximale. La représentation adjointe ad de g restreinte à h induit unereprésentation de h sur le quotient g/h. L'image de h par cette représentation est forméed'endomorphismes nilpotents. En e�et, d'après l'exercice ci-dessous, pour tout X ∈ g,l'endomorphisme ad(X) de g est nilpotent. On peut donc appliquer notre hypothèse derécurrence pour en déduire l'existence d'un élément X 6= 0 dans g/h annulé par l'action deh. Soit X ∈ g au-dessus de X. On a donc X /∈ h et [h, X] = ad(h)(X) ⊆ h. Ceci impliqueque h⊕K.X est une algèbre de Lie contenant h comme idéal. Mais par maximalité de h,on a h⊕K.X = g. Ainsi, h est un idéal de g de codimension 1.

Exercice. � Soit A une K-algèbre associative et ad(x)(y) = [x, y] := xy − yx pourx, y ∈ A. Montrer que ad(x)n(y) ∈ VectK{xkyxn−k, k = 0, · · · , n}.

Corollaire. � Soit g une K-algèbre de Lie de dimension �nie. Alors g est nilpotentesi et seulement si adX est nilpotent pour tout X ∈ g.

Démonstration. Puisque adnX(g) ⊂ Cng, on voit que la condition est nécessaire. Récipro-quement, supposons adX nilpotent pour tout X ∈ g. D'après la proposition ci-dessus (avecλ = 0), il existe un drapeau h1 ⊂ h2 ⊂ · · · hn = h tel que adX(hi) ⊂ hi−1 pour tout X, ie telque [g, hi] ⊂ hi−1. Quitte à renuméroter hi en hn−i, on reconnait là le critère de nilpotencequi suit la dé�nition.

Lemme. � Soit g une K-algèbre de Lie nilpotente, h ⊂ g une sous-algèbre de Lie,λ : h −→ K une application, et V λ l'espace propre généralisé. Alors V λ est stable par g.

Démonstration. Soit Y ∈ g, X ∈ h et v ∈ V λ. On veut montrer que

(r(X)− λ(X))nr(Y )v = 0 pour n assez grand.

Or, pour f, g deux endomorphismes de V , on montre par récurrence (exercice) que

fn ◦ g =n∑k=0

(k

n

)(adf )

k(g) ◦ fn−k.

Posons f = r(X)− λ(X) et g = r(Y ). Choisissons m tel que fm(v) = 0 et admf (g) = 0 (ene�et adf = adr(X) et g, donc r(g) est nilpotente). Alors la formule ci-dessus nous donnef 2m ◦ g(v) = 0. On a donc montré que V λ est stable par g.

Théorème. � Supposons K algébriquement clos, et soit g une K-algèbre de Lie dedimension �nie. On a alors équivalence entre :

i) g est nilpotente,

ii) toute représentation (V, r) se décompose V =⊕

λ Vλ où λ parcours les poids de g

dans V et V λ est stable par g.

29

Page 30: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Démonstration. ii) ⇒ i). Appliquons ii) à la représentation adjointe. On en tire une dé-composition g =

⊕λ g

λ en somme directe d'idéaux. Montrons que gλ 6= 0 ⇒ λ = 0. Ene�et soit Y ∈ gλ. L'endomorphisme (adY − λ(Y ))|gλ est nilpotent et (adY )|gλ n'est pasinversible puisque adY (Y ) = 0. Il s'ensuit que λ(Y ) = 0 et donc λ|gλ = 0. Mais puisque[gλ′, gλ] ⊂ gλ

′ ∩ gλ, on a aussi λ|gλ′ = 0 pour les autres poids, et donc �nalement, λ = 0.D'après le corollaire ci-dessus, g est donc nilpotente.

i)⇒ ii). Par récurrence sur dim(V ). Si tous les r(X) n'ont qu'une valeur propre, alorsV = V λ pour une fonction λ, et on a vu que λ est un poids (proposition ci-dessus). Sinon,il existe X ayant au moins deux valeurs propres distinctes (K algébriquement clos). D'oùune décomposition non triviale V = V λ1

X ⊕ · · ·VλkX en sous-espaces propres généralisés de

r(X). D'après le lemme précédent, chaque V λiX est stable par g et on peut lui appliquer

l'hypothése de récurrence.

Remarque. � Ce théorème donne une �forme de Jordan simultanée� pour les élémentsde r(g).

2.4.4 Caractérisation par la forme de Killing. On suppose toujours K algébrique-

ment clos de caractéristique nulle.

Proposition. � Soit g une K-sous-algèbre de Lie de gln(K) telle que tr(XY ) = 0pour tout X, Y ∈ g. Alors, [g, g] est nilpotente, et donc g est résoluble.

Remarque. � La résolubilité de g découle du ii)(b) de l'exercice sous la dé�nition 2.3.1appliqué à h = [g, g] et g/h = gab qui est abélien.

Démonstration. Par simplicité, nous supposerons que K = C ou K = Q ⊂ C (remarquonsque si K a au plus la puissance du continu (at most second-countable), il est connu (enadmettant l'axiome du choix non dénombrable) que K est en e�et isomorphe à C ou àQ ⊂ C). Par le théorème de Engel, il su�t de voir que tout élément X de [g, g] ⊂ gln(K)est nilpotent, autrement dit, que ses valeurs propres λ1, · · · , λn sont nulles. Choisissonsun polynôme f ∈ K[T ] tel que f(λi) = λi pour tout i (un polynôme interpolateur deLagrange par exemple). Soit X = Xs + Xn la décomposition de Jordan de X. Alorstr(f(Xs)X) =

∑i λiλi =

∑i |λi|2. Il nous su�ra donc de prouver que tr(f(Xs)X) = 0.

Comme X ∈ [g, g] est une combinaison linéaire de [Y, Z] avec Y, Z ∈ g, et comme

tr(f(Xs)[Y, Z]) = tr([f(Xs), Y ]Z),

il su�t de montrer que adf(Xs)(g) ⊂ g, pour pouvoir appliquer l'hypothèse. Or, l'endo-morphisme adf(Xs) de gln(K) est diagonalisable dans une même base que l'endomorphismeadXs . Plus précisément, si (e1, · · · , en) est une base de Kn qui diagonalise Xs (avec valeurspropres λ1, · · ·λn) et si (Eij)16i,j6n est la base de gln(K) correspondante, alors Eij estvecteur propre de adXs , resp. de adf(Xs) pour la valeur λi−λj, resp. f(λi)−f(λj) = λi − λj.Il s'ensuit que pour tout polynôme g ∈ K[T ] tel que g(λi − λj) = λi − λj (et il en existe,par exemple un polynôme interpolateur), on a adf(Xs) = g(adXs). Il nous su�t donc de

30

Page 31: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

prouver que adXs(g) ⊂ g. Or, adXs est la partie semi-simple de adX dans sa décompositionde Jordan (cf remarque ci-dessous), donc c'est un polynôme en adX , et puisque adX(g) ⊂ g,on a terminé.

Remarque. � On a utilisé le fait que siX = Xs+Xn est la décomposition de Jordan d'unendomorphisme K-linéaire d'un K-ev V , alors adX = adXs + adXn est la décompositionde Jordan de l'endomorphisme adX de gl(V ). En e�et, on a déjà remarqué que adXn estnilpotent (exercice sous le théorème de Engel), et on vient d'expliquer dans la preuve ci-dessus que adXs est diagonalisable. Il su�t donc de remarquer que adXs et adXn commutent.

Corollaire. (Critère de Cartan) � Soit g une K-algèbre de dimension �nie. Alors gest résoluble si et seulement si on a Bad(g, [g, g]) = 0.

Démonstration. ⇒. Si g est résoluble, le théorème de Lie nous dit qu'il existe un drapeauV = (h1 ⊂ · · · ⊂ hn) dans g tel que ad(g) ⊂ b(V). Mais alors ad([g, g]) ⊂ [ad(g), ad(g)] ⊂bnilp(V), donc pour tout X ∈ g et Y ∈ [g, g], on a adXadY ∈ bnilp(V), et par conséquenttr(adXadY ) = 0.⇐. Soit h := ad([g, g]) où ad : g −→ gl(g) est la représentation adjointe de g. Puisque

h ' [g, g]/(z(g)∩ [g, g]) et g/[g, g] est abélienne, on voit que g est résoluble si et seulementsi h l'est (cf ii)(b) de l'exercice sous la dé�nition 2.3.1). Or la résolubilité de h découle dela proposition précédente.

2.5 Algèbres de Lie semi-simples

Si h, h′ sont deux idéaux résolubles d'une K-algèbre de Lie g, alors leur somme h + h′

est encore résoluble, puisque c'est un quotient de la somme directe h⊕ h′. Cela permet dedé�nir le radical rad(g) comme le plus grand idéal résoluble de g.

2.5.1 Définition.� Une K-algèbre de Lie g est dite� simple si dim(g) > 1 et ses seuls idéaux sont {0} et g.� semi-simple si rad(g) = 0 ( ie si g n'a pas d'idéal abélien non nul).� réductive si rad(g) = z(g).

Remarque. � La condition dim(g) > 1 dans la dé�nition de �simple� est là pour éviterl'algèbre �triviale� g = K qui a pour seuls idéaux {0} et g. Avec ces dé�nitions on a

g simple ⇒ g semi-simple ⇒ g réductive

Exercice. �

i) Montrer que g simple ⇒ g semi-simple.

ii) Montrer que pour g quelconque, g/rad(g) est semi-simple.

iii) Montrer qu'une somme directe de semi-simples est semi-simple.

Nous allons voir que toutes les algèbres de Lie classiques sont réductives, et mêmesimples dès que leur centre est trivial.

31

Page 32: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

2.5.2 Caractérisation par la forme de Killing. On suppose dorénavant que K est

algébriquement clos de caractéristique nulle.

Lemme. � Soit (V, r) une représentation irréductible de g. Alors tout X ∈ rad(g) agitpar un scalaire, et donc r([g, rad(g)]) = 0.

Démonstration. Par le théorème de Lie, il existe dans V un vecteur propre pour rad(g).Notons λ : rad(g) −→ K la �valeur propre� associée et Vλ l'espace propre. Il nous su�tde prouver que Vλ est stable par g. Or pour tous Y ∈ g, X ∈ rad(g) et v ∈ Vλ, on aXY v = [X, Y ]v + Y Xv = λ([X, Y ])v + λ(X)Y v. Comme dans la preuve du théorème deLie, on prouve que λ([X, Y ]) = 0 et on conclut.

Corollaire. � Si g admet une représentation (V, r) telle que la forme bilinéaire Br

est non-dégénérée, alors g est réductive.

Démonstration. D'après le lemme, l'idéal [g, rad(g)] agit trivialement sur toute représen-tation irréductible de g. Soit alors 0 ⊂ V1 ⊂ V2 ⊂ · · · ⊂ Vl = V une suite croissante desous-représentations de V dont les quotients successifs Vi/Vi−1 sont irréductibles. On a doncr(Y )(Vi) ⊂ Vi pour tout Y ∈ g et r(X)(Vi) ⊂ Vi−1 pour X ∈ [g, rad(g)]. Par conséquentr(X)r(Y ) est nilpotent, donc de trace nulle, et il s'ensuit que [g, rad(g)] est inclus dansle noyau de Br. Comme celle-ci est supposée non-dégénérée, on a [g, rad(g)] = 0, ce quiéquivaut à rad(g) ⊂ z(g). L'inclusion réciproque est tautologique.

Exemples. � En appliquant ce corollaire à la représentation standard d'une algèbre deLie classique, on constate que gln(K) et u(n) (pour K = R) sont réductives, et que sln(K),son(K)( pour n > 2), sp2n(K), su(n) (pour K = R) sont réductives, et même semi-simplespuisque (exercice) leur centre est nul.

Théorème. (Cartan) � Une K-algèbre de Lie g est semi-simple si et seulement si laforme de Killing Bad est non dégénérée.

Démonstration. Supposons Bad non-dégénérée. Cela implique évidemment que Ker(ad) =z(g) = 0, et d'après le corollaire ci-dessus cela implique aussi que g est réductive. Donc gest semi-simple.

Réciproquement, supposons g semi-simple. Alors z(g) = 0 donc ad : g −→ gl(g) estinjective. Soit h = g⊥ le noyau de Bad. D'après le critère de Cartan, h est résoluble, donch = 0.

Théorème. � Une K-algèbre de Lie semi-simple g est somme directe d'idéaux simples.En particulier, g = [g, g].

Démonstration. Soit h un idéal de g et h⊥ son orthogonal pour la forme de Killing de g.Alors la forme de Killing de h ∩ h⊥, qui est la restriction de celle de g, est nulle donch∩ h⊥ est un idéal résoluble, donc il est nul. Comme Bad est non dégénérée, il s'ensuit queg = h⊕ h⊥ et que les formes de Killing de h et h⊥ sont non dégénérées. Une récurrence surla dimension permet alors de conclure.

32

Page 33: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

2.5.3 Caractérisation par les représentations. On suppose toujours K algébriquementclos de caractéristique nulle.

Théorème. (Weyl) � Une K-algèbre de Lie g est semi-simple si et seulement si toutesses représentations (de dimension �nie) sont complètement réductibles.

La preuve originale de ce théorème par Weyl (pourK = C) utilisait son �astuce unitaire�(unitary trick) qui consiste à trouver une forme réelle de g qui s'intègre en un groupe deLie compact pour utiliser le fait connu que les représentations continues de dimension �nied'un groupe compact sont complètement réductibles (grâce à l'existence de mesures deHaar). Voir les notes [GALM2], notamment le corollaire 1.12.7 et son �application�. Voiciune preuve plus directe dûe à Casimir (un physicien !).

Démonstration. Si les représentations sont complètement réductibles, en particulier lareprésentation adjointe l'est. Ecrivons g = ⊕igi avec gi sous-représentations irréduciblesde (g, ad). Alors les gi sont des idéaux (car stables par adg) et simples ou de dimension 1(car irréductibles). Or g ne peut pas avoir de facteur direct de dimension 1 puisqu'on a vuque les représentations de K ne sont pas nécessairement complètement réductibles. Doncg est semi-simple.

Supposons maintenant g semi-simple. Soit (V, r) ∈ RepK(g) et W ⊂ V une sous-représentation ; on veut trouver un supplémentaire de W stable sous g. Pour cela, il su�tde trouver un ϕ ∈ HomKg(V,W ) tel que ϕ|W = λ idW avec λ 6= 0. Car en e�et, on auraV = W ⊕Ker(ϕ) avec Ker(ϕ) stable.

Première étape : on se ramène au cas où V/W est la représentation unité. Considéronsla représentation Hom interne H = HomK(V,W ), et ses sous-espaces A := {ϕ ∈ H,ϕ|W ∈K idW} et B := {ϕ ∈ A,ϕ|W = 0}. Si ϕ ∈ A, on voit que pour tout X ∈ g on a(Xϕ)(w) = Xϕ(w) − ϕ(Xw) = Xλw − λXw = 0, donc Xϕ ∈ B. En particulier A et Bsont des sous-représentations de H et B/A est la représentation unité. Supposons que Badmette un supplémentaire, c'est-à-dire une droite D ⊂ Ag telle que B ⊕ D = A. Alors,comme expliqué ci-dessus, on a W ⊕Ker(ϕ) = V .

Deuxième étape : opérateurs de Casimir et récurrence. On suppose dorénavant que V/West la représentation unité, et on montre l'existence d'une droite stable supplémentaire deW par récurrence sur dim(V ). Fixons une suite croissante 0 = V0 ⊂ V1 ⊂ · · · ⊂ Vl−1 = W ⊂Vl = V de sous-représentations telles que Vi/Vi−1 soit irréductible pour tout i = 1, · · · , l.

Si tous les Vi/Vi−1 sont isomorphes à la représentation unité, alors on est en présenced'un drapeau complet V de V tel que r(g) ⊂ bnilp(V). Mais comme g = [g, g] = Cng pourtout n, on en déduit pour n = dim(V ) que r(g) = r(Cng) = Cnbnilp(V) = 0, donc V estune représentation triviale et n'importe quelle droite supplémentaire de W est stable.

Sinon, il existe i tel que (U, rU) := Vi/Vi−1 soit distinct de la représentation unité.L'image rU(g) est alors non nulle, et on peut choisir un facteur simple gU de g tel querU(gU) 6= 0. Alors, gU

∼−→ rU(gU) donc rU(gU) est simple et la forme bilinéaire BrU associéeà rU est non nulle (à cause du critère de Cartan qui impliquerait la résolubilité de rU(gU)).Son noyau est alors un idéal propre de gU , donc nul, et �nalement, BrU est non dégénéréesur gU . Soit alors CU l'opérateur de Casimir associé, qui appartient au centre de UgU et

33

Page 34: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

donc à celui de Ug (en e�et U(h⊕ h′) = Uh⊗K Uh′). Alors r(CU) est un endomorphismede V qui commute à l'action de g, donc g stabilise ses sous-espaces caractéristiques. On ar(CU)(V ) ⊂ W , donc 0 est valeur propre et l'espace caractéristique V0 := Ker(r(CU)n) n'estpas contenu dans W . Soit V 0 la somme des autres sous-espaces caractéristiques de r(CU).On a alors une somme directe V 0 ⊕ V0 de V en sous-espaces stables. Si l'on prouve queV 0 6= 0, alors on peut appliquer l'hypothèse de récurrence à V0. Nous devons donc prouverque r(CU) possède une valeur propre non nulle. Il su�t pour cela de véri�er que rU(CU) enpossède une. Notons que rU(CU) est une homothétie, par le lemme de Schur. Il su�t doncde montrer que sa trace est non nulle. Or tr(rU(CU)) =

∑dimgU

i=1 tr(rU(Xi)rU(X∗i )) où Xi estune base de gU et X∗i la base duale pour la forme bilinéaire BrU (X, Y ) = tr(rU(X)rU(Y )).On a donc tr(rU(CU)) = dim gU 6= 0.

Corollaire. � Une K-algèbre de Lie g est réductive si et seulement si g = z(g)⊕[g, g]avec [g, g] semi-simple.

Démonstration. Que la condition soit su�sante est clair. Montrons qu'elle est nécessaire.Soit g réductive. Alors la représentation adjointe ad : g −→ gl(g) se factorise par ad(g) =g/z(g) qui est semi-simple. Elle est donc complètement réductible. Comme z(g) ⊂ g eststable par ad(g), il existe une décomposition g = z(g)⊕g1⊕· · ·⊕gk avec les gi irréductiblesdonc simples. Il s'ensuit que [g, g] = [g1, g1]⊕ · · · ⊕ [gk, gk] = g1 ⊕ · · · ⊕ gk.

2.5.4 Décomposition de Jordan. Voici une première application du théorème de com-plète réductibilité de Weyl.

Théorème. � Soit X un élément d'une algèbre de Lie semi-simple g. Il existe uneunique décomposition X = Xs + Xn telle que pour toute représentation (r, V ), on aitr(Xs) = r(X)s et r(Xn) = r(X)n, où r(X)s + r(X)n est la décomposition de Jordan del'endomorphisme r(X) de V . De plus, on a [Xs, Xn] = 0.

Démonstration. Première étape : Pour toute représentation (V, r), on a r(X)s ∈ r(g) etr(X)n ∈ r(g).

Remarquons d'abord que, puisque r(X)s et r(X)n sont des polynômes en r(X), toutesous-représentationW de V est stable sous r(X)s et r(X)n. De plus, on a tr(r(X)n|W ) = 0puisque r(X)n est nilpotent, et on a donc aussi tr(r(X)s|W ) = tr(r(X)|W ) = 0 puisqueg = [g, g].

Par ailleurs, puisque adr(X)s et adr(X)n sont des polynômes en adr(X) (se rappeler queadr(X)s + adr(X)n est la décomposition de Jordan de adr(X)) et comme [r(X), r(g)] =adr(X)(g) ⊂ g, on a aussi [r(X)s, r(g)] = adr(X)s(g) ⊂ g et [r(X)n, r(g)] = adr(X)n(g) ⊂ g .

Introduisons alors le normalisateur n := {u ∈ gl(V ), [u, r(g)] ⊂ r(g)}, une sous-algèbrede Lie de gl(V ) qui contient r(g) comme idéal, et sa sous-algèbre de Lie

n′ := {u ∈ n, pour tout sous-g-module W ⊂ V, u(W ) = W avec tr(u|W ) = 0}

qui contient toujours r(g) comme idéal et contient aussi r(X)s et r(X)n. Il nous su�radonc de prouver que r(g) = n′.

34

Page 35: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Faisant agir r(g) sur n′ par l'action adjointe, le théorème de Weyl dit qu'on peut trouverun supplémentaire stable m de r(g) dans n′. Soit alors u ∈ m. Puisque [r(g), n′] ⊂ r(g),on a [r(g),m] ⊂ m ∩ r(g) = {0} donc en particulier [r(g), u] = 0. Il s'ensuit que pourtoute sous-g-représentation irréducible W de V , l'action de u|W commute à celle de g donc(lemme de Schur) est une homothétie de rapport λW,u ∈ K. Mais puisque tr(u|W ) = 0, ona aussi λW,u = 0, donc W ⊂ Ker(u). Or (encore le théorème de Weyl), V est somme de sessous-représentations irréductibles. Donc V ⊂ Ker(u) et u = 0, m = 0, et n′ = r(g).

Deuxième étape. Appliquons la première étape à la représentation adjointe (g, adg).

Le morphisme gadg−→ gl(g) étant injectif, l'élément X possède une unique décomposition

X = Xs + Xn telle que adg(Xs) = adg(X)s et adg(Xn) = adg(X)n. On a évidemment[Xs, Xn] = 0.

Montrons que pour toute représentation (V, r) on a r(Xs) = r(X)s et r(Xn) = r(X)n.Comme l'endomorphisme adg(X) de g induit, après passage au quotient, l'endomorphismeadr(g)(r(X)) de r(g), on a adr(g)(r(Xs)) = adr(g)(r(X))s et adr(g)(r(Xn)) = adr(g)(r(X))n.Par ailleurs, on sait que adgl(V )(r(X)s) = adgl(V )(r(X))s et adgl(V )(r(X)n) = adgl(V )(r(X))n,ce qui par restriction de ces endomorphismes à r(g) donne adr(g)(r(X)s) = adr(g)(r(X))set adr(g)(r(X)n) = adr(g)(r(X))n. Il s'ensuit que

adr(g)(r(Xs)) = adr(g)(r(X)s) et adr(g)(r(Xn)) = adr(g)(r(X)n),

mais puique adr(g) est injective, on obtient r(Xs) = r(X)s et r(Xn) = r(X)n commevoulu.

Définition. � Un élement X d'une algèbre semi-simple g sera dit semi-simple siX = Xs, et nilpotent si X = Xn.

Concrètement, la preuve du théorème montre que X est semi-simple si et seulement siadX est diagonalisable, et X est nilpotent si et seulement si adX est un endomorphismenilpotent. Elle montre aussi que pour une sous-algèbre semi-simple de gln(K), par exem-ple son, spn ou sln, un élément est semi-simple, resp. nilpotent, si et seulement si il estdiagonalisable, resp. nilpotent, en tant que matrice.

Exercice. � Soit h une sous-algèbre de Lie d'une algèbre de Lie semi-simple g égale àson normalisateur : h = {X ∈ g, [X, h] ⊂ h}. Montrer que h est stable par décompositionde Jordan.

3 Structure des algèbres de Lie semi-simples

Dans toute cette partie, K désigne un corps algébriquement clos de caractéristiquenulle.

3.1 Sous-algèbres de Cartan et racines

Soit g une K-algèbre de Lie. Si h ⊂ g est une sous-algèbre de Lie, on note N(h) :={X ∈ g, adX(h) ⊂ h} son normalisateur, qui est aussi une sous-algèbre de Lie de g (le

35

Page 36: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

véri�er).

Définition. � Une sous-algèbre de Cartan de g est une sous-algèbre nilpotente h telleque N(h) = h.

Nous allons montrer que de telles sous-algèbres existent bel et bien. Pour X ∈ g,notons gX,0 :=

⋃n∈NKer(adX)n ⊂ g l'espace caractéristique de adX pour la valeur propre

0. Notons que dimK(gX,0) est la multiplicité de 0 dans le polynôme caractéristique de adX .On dira que X est quasi-régulier si gX,0 est minimal, pour l'inclusion, parmi tous les gZ,0où Z ∈ g.

Proposition. � Si X est quasi-régulier, gX,0 est une sous-algèbre de Cartan de g.Inversement toute sous-algèbre de Cartan est de cette forme.

Démonstration. i) Notons que gX,0 est toujours une sous-algèbre de Lie. Cela découle ene�et de la formule (à prouver par récurrence)

(adX)n([Y, Z]) =n∑k=0

(n

k

)[(adX)k(Y ), (adX)n−k(Z)].

De plus,X ∈ gX,0, donc adX(N(gX,0)) ⊂ gX,0. Il s'ensuit que (adX)dim(gX,0)+1(N(gX,0)) = 0,donc N(gX,0) ⊂ gX,0 et �nalement N(gX,0) = gX,0.

ii) Supposons maintenant X quasi-régulier et montrons que gX,0 est nilpotente. Il suf-�t de montrer que pour tout Y ∈ gX,0, l'endomorphisme (adY )|gX,0 est nilpotent. Posonsh := gX,0 et r := dim(gX,0) pour simpli�er les notations. Nous noterons Φg

adY∈ K[T ] le

polynôme caractéristique de adY dans EndK (g). Comme adY stabilise h, on a une fac-torisation Φg

adY= Φh

adYΦ

g/hadY

et nous voulons prouver que ΦhadY

= T r. Fixons une baseX1, · · · , Xr de h et écrivons Y =

∑i yiXi avec yi ∈ K. Alors il existe des polynômes

Φg, Φh et Φg/h dans K[Y1, · · · , Yr, T ], uniques puisque K est in�ni, qui par spécialisationYi 7→ yi donnent Φg

adY, Φh

adYet Φ

g/hadY

. On a aussi une factorisation Φg = ΦhΦg/h dansl'anneau K[Y1, · · · , Yr, T ] qui est factoriel. Nous devons montrer que Φh = T r. NotonsordT (f) la T -valuation d'un polynôme f (i.e. le plus grand entier k tel que T k divise f).Puisque Φh est un polynôme monique de degré r en T (à coe�cients dans K[Y1, · · · , Yr]),il su�t de prouver que ordT (Φh) = r. Remarquons que par dé�nition de h, T ne divisepas Φ

g/hadX

dans K[T ]. Comme Φg/hadX

est une spécialisation de Φg/h, il s'ensuit que T nedivise pas Φg/h dans K[Y1, · · · , Yr, T ], et donc ordT (Φh) = ordT (Φg). Puisque K est in-�ni, on peut trouver une spécialisation Yi 7→ zi telle que, en notant Z =

∑i ziXi, on ait

ordT (ΦhadZ

) = ordT (Φh) et ordT (ΦgadZ

) = ordT (Φg). L'égalité ordT (ΦhadZ

) = ordT (ΦgadZ

) im-plique alors que gZ,0 ⊂ h = gX,0. Mais puisque X est régulier, il s'ensuit que gZ,0 = h = gX,0et donc ordT (Φg

adZ) = r et �nalement ordT (Φh) = r comme voulu.

iii) Soit maintenant h une sous-algèbre de Cartan de g. Fixons une base X1, · · · , Xr de het considérons la factorisation Φg = ΦhΦg/h dans K[Y1, · · · , Yr, T ] comme ci-dessus. Commeh est nilpotente, on sait que Φh = T r. De plus, si T divisait Φg/h, alors 0 serait un poids deh dans g/h, et par le théorème de Engel, g/h aurait un élément non nul Z annulé par h.

36

Page 37: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Cela signi�e que si Z ∈ g est une préimage de Z, alors Z /∈ h et [h, Z] ⊂ h. Mais alors Znormalise h et contredit l'hypothèse h = N(h). Donc T ne divise pas Φg/h. En spécialisantconvenablement, on obtient un élément X ∈ h tel que T ne divise pas Φ

g/hadX

. Ceci impliqueque gX,0 ⊂ h. Comme h est nilpotente, on a aussi h ⊂ gX,0 et �nalement h = gX,0.

L'existence d'une sous-algèbre de Cartan étant maintenant acquise, on s'intéresse àson �unicité à conjugaison près�. Remarquons qu'il n'est même pas clair a priori que lessous-algèbres de Cartan aient toutes la même dimension.

Définition. � On appelle rang de g l'entier rk(g) := minX∈g(dimK(gX,0)). Un élémentX ∈ g est dit régulier si dim(gX,0) = rk(g).

Un élément régulier est donc quasi-régulier, et la sous-algèbre de Cartan associée gX,0est de dimension r = rk(g).

Exercice. � Soit g = gln(K), et b, resp. bnilp, la sous-algèbre des matrices triangulairessupérieures, resp. triangulaires supérieures nilpotentes.

i) En utilisant que [b, b] ⊂ bnilp, montrer que rk(g) > n.

ii) Si X =∑n

i=1 xiEii avec les xi tous distincts, montrer que gX,0 est la sous-algèbre desmatrices diagonales. En conclure que rk(g) = n. Montrer aussi que rk(sln(K)) = n−1.

iii) Montrer que X ∈ gln(K) est régulier si et seulement si toutes ses valeurs propressont distinctes.

Lemme. � L'ensemble greg des éléments réguliers de g est un ouvert de Zariski nonvide de g. En particulier, si K = C, c'est un ouvert dense et connexe de g pour la topologieanalytique (i.e. de C-espace vectoriel de dimension �nie).

Démonstration. Si, comme dans la preuve précédente, on choisit une base de g et onconsidère la fonction �polynôme caractéristique� X 7→ ΦadX comme un élément Φ deK[Y1, · · · , Ydimg, T ], alors r n'est autre que la T -valuation de Φ, de sorte qu'il existe unpolynôme non-nul ar = ar(Y1, · · ·Ydimg) ∈ K[Y1, · · · , Ydimg] tel que

Φ ≡ arTr modulo (T r+1).

Un élément X est alors régulier si et seulement si ar(X) 6= 0, où ar(X) désigne le polynômear évalué en les coordonnées de X dans la base choisie. Ainsi, greg est un ouvert de Zariski,et est non vide puisque K est algébriquement clos (Nullstellensatz). Lorsque K = C, il est,comme tout ouvert de Zariski d'un espace a�ne, ouvert dense et connexe par arcs pour latopologie analytique.

Théorème. � Supposons K = C et notons Int(g) le sous-groupe fermé de Aut g en-gendré par les exp(adX) pour X ∈ g. Alors toutes les sous-algèbres de Cartan de g sontconjuguées sous Int(g).

37

Page 38: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Remarque. � Ce théorème est valable sur n'importe quel K algébriquement clos decaractéristique nulle en remplaçant Int(g) par le sous-groupe engendré par les exp(adX)pour adX nilpotent (de sorte que l'exponentielle est bien dé�nie). La preuve est alorsélémentaire, mais longue et ardue. Dans le cas K = C nous allons donner une preuve assezcourte, mais qui utilise un peu de géométrie di�érentielle.

Remarque. � Le théorème implique aussi que tout élément quasi-régulier est régulier.

Démonstration. Le point crucial est le suivant. Soit h une sous-algèbre de Cartan, et hqreg

l'ensemble de ses éléments quasi-réguliers, qui est un ouvert de Zariski (et donc un ouvertanalytique) d'après la �n de la preuve de la proposition précédente (c'est le lieu des pointsoù T ne divise pas Φ

g/hadX

). Notons simplement G := Int(g), qui est un sous-groupe de Liede GL(g), puisque fermé. Alors

l'application G× hqreg −→ g, (g,X) 7→ g ·X est submersive.

Admettons-le pour l'instant. Une première conséquence est que l'image de cette applicationest ouverte, et intersecte donc non trivialement l'ouvert dense greg. Il s'ensuit que hreg :=h ∩ greg est non vide, et donc, puisque ouvert de Zariski, est un ouvert dense de h. Onconsidère alors la relation d'équivalence sur greg dé�nie par

X ∼ Y si gX,0 et gY,0 sont conjuguées

Pour X ∈ hreg, la submersivité ci-dessus montre qu'il existe un voisinage ouvert de Xdans greg formé d'éléments équivalents à X. Ainsi, les classes d'équivalence de la relationci-dessus sont ouvertes. Mais puisque greg est connexe, il n'y a qu'une classe d'équivalence,et le théorème s'ensuit.

Reste à prouver la submersivité ci-dessus. Grâce aux translations sous G, il su�t deprouver la surjectivité de l'application tangente aux points (e,X) pour X ∈ hqreg. Pardé�nition, l'espace tangent Lie(G) de G en e est la sous-algèbre de Lie de gl(g) engendréepar les adY , Y ∈ g. On a donc Lie(G) = ad(g). Toujours par dé�nition, l'applicationtangente est alors donnée par

f : ad(g)× h −→ g, (adY , H) 7→ adY (X) +H = −adX(Y ) +H.

Son image contient donc h. De plus, par dé�nition de hqreg, adX agit de façon inversiblesur g/h, et donc l'image de f se surjecte sur g/h. Il s'ensuit que f est surjective.

Exemple. � Dans gln(C), toute sous-algèbre de Cartan est conjuguée, sous GLn(C), àla sous-algèbre des matrices diagonalisables.

Exercice. � Montrer un énoncé analogue pour sln et sp2n. En déduire que rk(sp2n) =n. Pour son, la sous-algèbre des matrices diagonales est nulle ! Mais on peut changer laforme bilinéaire symétrique non dégénérée. Au lieu de la forme standard, on considère,en dimension paire, la forme ψ2n(v, w) = 2

∑ni=1 viwi+n, et en dimension impaire la forme

ψ2n+1(v, w) = 2∑n

i=1 viwi+n + v2n+1w2n+1. Alors so(ψm) est isomorphe à som et on montreque la sous-algèbre des matrices diagonales est une sous-algèbre de Cartan. On constatealors que rk(so2n) = rk(so2n+1) = n.

38

Page 39: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

3.1.1 Racines d'une sous-algèbre de Cartan. Soit g une K-algèbre de Lie et h ⊂ gune sous-algèbre de Cartan. Faisons agir h sur g par la restriction à h de la représentationadjointe (g, ad) de g. Pour toute forme linéaire λ ∈ h∗ab, on a l'espace propre généralisé

gλ = {Y ∈ g,∀X ∈ h, (adX − λ(X))n(Y ) = 0 pour n > dim g}.

Lemme. � On a g0 = h, et pour toutes λ, µ ∈ h∗ab, on a [gλ, gµ] ⊂ gλ+µ.

Démonstration. Puisque h est nilpotente, (adX)|h est nilpotent pour tout X ∈ h donch ⊂ g0. Réciproquement, h agit par opérateurs nilpotents sur g0/h. Donc si g0 ) h, ilexiste X ∈ g0 \ h dont l'image X dans g0/h est annulée par h. Mais cela signi�e que[h, X] ⊂ h donc X ∈ N(h) = h : contradiction.

La deuxième assertion découle de la formule

(adX − λ(X)− µ(X))n([Y, Z]) =n∑k=0

(n

k

)[(adX − λ(X))k(Y ), (adX − µ(X))n−k(Z)],

laissée au lecteur.

Définition. � Une racine de h dans g est un poids non nul de h dans (g, ad). Nousnoterons Φ l'ensemble des racines.

Le théorème sur les représentations d'algèbres nilpotentes nous fournit une décomposi-tion

g =⊕

α∈Φ∪{0}

gα,

et la proposition précédente nous dit que pour α, β ∈ Φ, le crochet [gα, gβ] est nul siα + β /∈ Φ ∪ {0}, est contenu dans h si α + β = 0, et dans gα+β si α + β ∈ Φ.

Exemple. � Regardons le cas de g = sln(K) et h la sous-algèbre de Cartan des matricesdiagonales. La formule [

∑xiiEii,

∑i,j aijEij] =

∑i,j(xii − xjj)ai,jEij montre que

Φ = {αij ∈ h∗, 1 6 i 6= j 6 n}, où αij

(∑i

xiiEii

)= xii − xjj

et que gαij = gαij = KEij. Ainsi les espaces de poids généralisés de h sont des espaces depoids �tout court�, et de dimension 1. Nous allons voir que c'est un fait général pour lesalgèbres semi-simples.

On suppose dorénavant que g est semi-simple.

On notera 〈X, Y 〉 = Bad(X, Y ) la forme de Killing de g, qui est donc non dégénérée.

3.1.2 Proposition.� Pour g semi-simple et h sous-algèbre de Cartan, on a :

i) Pour α, β ∈ Φ ∪ {0} telles que α + β 6= 0, on a 〈gα, gβ〉 = 0.

39

Page 40: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

ii) 〈., .〉|h est non dégénérée.

iii) 〈., .〉|gα×g−α induit une dualité entre gα et g−α.

Démonstration. i) Soit λ ∈ Φ ∪ {0}, X ∈ gα et Y ∈ gβ. Alors adXadY (gλ) ⊂ gλ+α+β etλ + α + β 6= λ. Il s'ensuit que dans une base subordonnée à la décomposition g =

⊕λ g

λ,la matrice de adXadY a une diagonale nulle, donc tr(adXadY ) = 0.

ii) Soit X ∈ h. On a X ∈ gα,⊥ pour toute racine α ∈ Φ d'après le i). Donc si X ∈ h⊥,on a X ∈ g⊥ et donc X = 0.

iii) SoitX ∈ gα. On aX ∈ gβ,⊥ pour tout poids β 6= −α d'après le i). Donc siX ∈ g⊥−α,on a X ∈ g⊥ et donc X = 0.

Remarque. � La non dégénérescence de la restriction de 〈., .〉 à h n'est pas en contra-diction avec la nilpotence de h. En e�et, comme h n'est pas un idéal, cette restricition n'aa priori (et a posteriori non plus) rien à voir avec la forme de Killing de h.

Exercice. � Montrer que l'énoncé de la proposition reste vrai si l'on remplace la formede Killing par n'importe quelle forme bilinéaire non-dégénérée.

Corollaire. � Mêmes hypothèses. Alors h est abélienne, formée d'éléments semi-simples, et Φ engendre son dual h∗.

Démonstration. i) Soit V un drapeau de g tel que ad(h) ⊂ b(V) (puisque h est résoluble).On a donc ad([h, h]) ⊂ bnilp(V). Soit alors Y ∈ [h, h]. Pour tout X ∈ h, on a adXadY ∈bnilp(V) donc tr(adXadY ) = 0. On a donc Y ∈ h⊥ et par le ii) de la proposition précédente,il vient Y = 0. Donc [h, h] = 0 et h est bien abélienne.

ii) Soit X ∈ h. On veut montrer X = Xs, ou encore Xn = 0. Puisque h est égale à sonnormalisateur, elle est stable par décomposition de Jordan, et donc Xn ∈ h. Mais puisqueh est abélienne, adY adXn est nilpotent, donc de trace nulle, pour tout Y ∈ h. En d'autrestermes, Xn ∈ h⊥ et donc Xn = 0.

iii) Soit Y tel que α(Y ) = 0 pour tout α ∈ Φ. Alors toutes les valeurs propres de adYsont nulles, donc adY est nilpotent. Comme ci-dessus, on montre que Y ∈ h⊥ et le ii) de laproposition nous donne Y = 0.

Exercice. � Montrer que ce corollaire est encore vrai pour g réductive, excepté le faitque Φ engendre h∗.

Conséquence : Puisque chaque adX , X ∈ h est diagonalisable et h est abélienne, l'actionadjointe de h sur g est simultanément diagonalisable.

Ainsi, pour toute racine α, on a gα = gα.

3.1.3 Proposition.� ∀α ∈ Φ, on a dim(gα) = 1 et {n ∈ Z, nα ∈ Φ} = {±1}.

Démonstration. Soit Eα ∈ gα. On a donc ∀H ∈ h, [H,Eα] = α(H)Eα. Choisissons F ∈ g−αtel que 〈Eα, F 〉 = 1 et posons H ′α := [Eα, F ] ∈ h = g0. Alors pour tout H ∈ h, on a

(∗) 〈H,H ′α〉 = 〈H, [Eα, F ]〉 = 〈[H,Eα], F 〉 = α(H)〈Eα, F 〉 = α(H).

40

Page 41: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Montrons que α(H ′α) 6= 0. En e�et, le iii) du corollaire ci-dessus assure l'existencede β telle que β(H ′α) 6= 0. Considérons alors W :=

∑n∈Z gβ+nα. Alors W est stable

par adEα et par adF , donc aussi par ad[Eα,F ] = adH′α et on a de plus tr((adH′α)|W ) =tr([(adEα)|W , (adF )|W ]) = 0. Or,

tr((adH′α)|W ) =∑n∈Z

tr((adH′α)|gβ+nα) =

∑n∈Z

(β + nα)(H ′α) dim(gβ+nα).

Puisque β(H ′α) 6= 0, on doit donc avoir α(H ′α) 6= 0.Montrons que adEα(g−α) ⊂ K.H ′α. En e�et, pour tout Y ∈ g−α et tout H ∈ h, on a

〈H, [Eα, Y ]〉 = 〈[H,Eα], Y 〉 = α(H)〈Eα, Y 〉, donc, vu (∗), on a [Eα, Y ] = 〈Eα, Y 〉H ′α.Posons maintenant

V := K.Eα ⊕K.H ′α ⊕

(⊕n<0

gnα

).

Par construction, V est stable par adF , et on vient de voir qu'il est stable aussi par adEα .Comme ci-dessus, on en déduit qu'il est stable par adH′α et que tr((adH′α)|V ) = 0. Or,tr((adH′α)|V ) = α(H ′α)(1+

∑n<0 n dim(gnα)). Comme α(H ′α) 6= 0, on en déduit le théorème.

Corollaire. � Pour H,H ′ ∈ h, on a 〈H,H ′〉 =∑

α∈Φ α(H)α(H ′).

Démonstration. Clair puisque adHadH′(gα) ⊂ gα et gα = gα est de dimension 1.

3.1.4 Corollaire.� Le K-espace vectoriel slα := g−α ⊕ [gα, g−α] ⊕ gα est une sous-algèbre de Lie de g isomorphe à sl2(K). Plus précisément :

� Il existe un unique Hα ∈ [gα, g−α] tel que α(Hα) = 2,� Si l'on �xe Eα ∈ gα \ {0}, il existe un unique Fα ∈ g−α tel que [Eα, Fα] = Hα.

Le triplet (Eα, Hα, Fα) est alors un sl2-triplet.

Démonstration. Avec les notations de la preuve précédente, on a adEα(g−α) = K.H ′α, donc[gα, g−α] = K.H ′α est de dimension 1. Il existe donc un unique Hα ∈ [gα, g−α] tel queα(Hα) = 2. Explicitement, on a Hα = 2H′α

α(H′α)= 2H′α〈H′α,H′α〉

. Il existe maintenant un unique

Fα ∈ g−α tel que 〈Eα, Fα〉 = 2〈H′α,H′α〉

. On a alors [Eα, Fα] = Hα et le triplet (Eα, Hα, Fα)est donc un sl2-triplet.

Exemple. � Dans le cas de sln et avec les notations de l'exemple précédent, on a[gαij , gαji ] = K(Eii − Ejj) pour tous i 6= j et (Eij, Eii − Ejj, Eji) est un sl2-triplet.

3.1.5 Proposition.� Soit β ∈ Φ telle que β 6= ±α. Alorsi) β(Hα) ∈ Z et β − β(Hα) ∈ Φ. De plus, {n ∈ Z, β + nα ∈ Φ} est un intervalle de Z.ii) Si β + α ∈ Φ alors [gα, gβ] = gα+β.

41

Page 42: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Démonstration. Considérons gβ+Zα :=⊕

n∈Z gβ+nα. C'est un sous-espace de g stable paradEα et adFα donc une représentation de slα. Les poids de Hα dans gβ+Zα sont

{β(Hα) + 2n, avec n tel que gα+nβ 6= 0}.

La théorie des représentations de sl2(K) nous dit que ces poids sont entiers, donc β(Hα) ∈Z. Elle nous dit aussi que, puisque ces poids ont multiplicité 1 et sont de même parité, gβ+Zαest une représentation irréductible de slα, et ses poids sont aussi de la forme {−m,−m +2, · · · ,m− 2,m}. On en déduit la propriété d'intervalle du i) et aussi que −β(Hα) est unpoids, puisque β(Hα) en est un. Donc gβ−β(Hα)α 6= 0 et β − β(Hα)α ∈ Φ.

ii) Supposons gβ+α 6= 0. C'est donc l'espace de poids β(Hα) + 2 pour Hα. D'après lastructure connue d'une représentation irréductible de sl2, on a [gα, gβ] = adEα(gβ) = gα+β

car gβ est l'espace de poids β(Hα) pour Hα.

Corollaire. � Pour α ∈ Φ, on a Φ ∩Kα = {±α}.

Démonstration. Supposons qu'il existe β ∈ Φ∩Kα distincte de α et −α. Comme β(Hα) ∈Z, on a β ∈ 1

2Zα. Ecrivons β = n

2α avec n impair. Alors puisque −β ∈ Φ la propriété

d'intervalle du i) de la proposition nous assure que 12α ∈ Φ. Mais d'après la proposition

2.5.5, les seuls multiples de 12α dans Φ sont±1

2α, d'où une contradiction, puisque α ∈ Φ.

3.1.6 Propriétés de rationalité de Φ. Récapitulons ce que nous avons prouvé jusqu'icià propos de l'ensemble Φ :

i) Φ engendre le K-espace vectoriel h∗,

ii) Pour toute racine α ∈ Φ, on a Φ ∩Kα = {±α}iii) Pour deux racines β, α, on a β(Hα) ∈ Z et si β 6= −α alors {n ∈ Z, β + nα ∈ Φ} est

un intervalle contenant −β(Hα).

Posons maintenant

hQ := VectQ{Hα, α ∈ Φ}, et h∗Q := VectQ{α, α ∈ Φ}

Proposition. � Avec les notations ci-dessus,

i) dimQ(hQ) = dimQ(h∗Q) = dimK(h),

ii) la dualité h× h∗ −→ K induit une dualité hQ × h∗Q −→ Q,iii) la forme de Killing induit une forme rationnelle 〈., .〉 : hQ × hQ −→ Q,iv) L'extension de 〈., .〉 à hR est dé�nie positive.

Démonstration. i) Soit α1, · · · , αr une base de h∗ formée d'éléments de Φ. Alors les Hαi

sont une K-base de h (notons que 〈Hαi , H〉 =〈Hαi ,Hαi 〉

2αi(H) = 2

〈H′αi ,H′αi〉αi(H)). Pour

α ∈ Φ, écrivons Hα =∑r

i=1 λiHαi avec λi ∈ K. Nous devons montrer que λi ∈ Q,∀i. SoitM ∈ Mr(K) la matrice (〈Hαi , Hαj〉)16i,j6r. Alors M est inversible (puisque 〈., .〉 est non

42

Page 43: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

dégénérée) et λ = (λ1, · · · , λr) ∈ Kr est l'unique solution du système linéaire M.λ = µαavec µα = (〈Hα1 , Hα〉, · · · , 〈Hαr , Hα〉) ∈ Kr. Or pour deux racines α, β on a

〈Hα, Hβ〉 =∑γ∈Φ

γ(Hα)γ(Hβ) ∈ Z,

donc M ∈ Mr(Q), µα ∈ Qr, et �nalement λ ∈ Qr. Il s'ensuit que les Hαi , i = 1, · · · , rforment une Q-base de hQ. On prouve de la même manière que α1, · · · , αr forment uneQ-base de h∗Q.

ii) la K-dualité entre h et h∗ envoie bien hQ×h∗Q dans Q puisque β(Hα) ∈ Z pour toutesα, β ∈ Φ. Comme hQ, resp. h∗Q, engendre h, resp. h∗, sur K, l'accouplement est parfait.

iii) idem. On a vu que 〈hQ, hQ〉 ⊂ Q et comme hQ engendre h, l'accouplement est nondégénéré.

iv) Comme 〈H,H〉 =∑

α α(H)2, la forme bilinéaire réelle considérée est positive. Or,on sait qu'elle est non dégénérée, donc elle est aussi dé�nie.

3.2 Systèmes de racines �abstraits�

3.2.1 Définition.� Soit V un R-espace vectoriel de dimension �nie. Un système deracines (réduit) dans V est la donnée de deux ensembles Φ ⊂ V et Φ∨ ⊂ V ∗ munis d'unebijection α 7→ α∨ tels que :

i) Φ est �ni, engendre V sur R, et 0 /∈ Φ,

ii) ∀α ∈ Φ, α∨(Φ) ⊂ Ziii) ∀α ∈ Φ, α∨(α) = 2 et sα(Φ) = Φ en posant sα(v) := v − α∨(v)α.

iv) ∀α ∈ Φ, Φ ∩ Rα = {±α}.La dimension de V est le �rang� du système de racines, et α∨ est la �coracine� associée àla racine α.

Exemple. � Soit g une K-algèbre de Lie semi-simple (K alg. clos de car. nulle) et h unesous-algèbre de Cartan, Φ ⊂ h∗Q ⊂ h∗ l'ensemble des racines et Φ∨ = {Hα, α ∈ Φ} ⊂ hQ ⊂h. Alors d'après la proposition précédente,

(V := R⊗Q h∗Q,Φ,Φ∨, α 7→ α∨ := Hα)

est un système de racines, que nous noterons Φ(g, h).

Le cas linéaire : g = sln(K) et h = {matrices diagonales}. Soit e1, · · · , en la basecanonique de Rn et e∗1, · · · , e∗n sa base duale. Alors on peut décrire le système de racine de(g, h) comme ceci :

V =

{n∑i=1

xiei ∈ Rn,n∑i=1

xi = 0

}⊂ Rn et V ∗ =

{n∑i=1

xie∗i ∈ (Rn)∗,

∑i

xi = 0

}⊂ (Rn)∗

43

Page 44: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

avec accouplement de dualité induit par l'accouplement entre Rn et (Rn)∗, et

Φ = {αij = (ei − ej), 1 6 i 6= j 6 n} et Φ∨ = {α∨ij = (e∗i − e∗j), 1 6 i 6= j 6 n}

avec bijection évidente. Dans cette description, e∗i correspond à la matrice diagonale Eii(qui est dans gln) et ei correspond à la forme linéaire sur h donnée par

∑k λkEkk 7→ λii.

Le cas symplectique : g = sp2n(K) et h = {matrices diagonales}. Les matrices diago-nales de sp2n sont de la forme X =

∑ni=1 xi(Eii − Ei+n,i+n). Notons alors ei la forme

bilinéaire X 7→ xi sur h, et V l'espace vectoriel de base e1, · · · , en. On peut véri�er que lesystème de racines de (g, h) est de la forme suivante :

Φ = {(±ei ± ej), i 6= j, 2ei} et Φ∨ = {(±e∗i +±e∗j), i 6= j, e∗i }

avec bijection évidente. Dans cette description, les e∗i sont la base duale des ei et corres-pondent donc aux matrices diagonales Eii − Ei+n,i+n.

Le cas orthogonal impair : g = so(ψ2n+1) et h = {matrices diagonales}. Les matricesdiagonales de so(ψ2n+1) sont aussi de la forme X =

∑ni=1 xi(Eii − Ei+n,i+n). Notons alors

ei la forme bilinéaire X 7→ xi sur h, et V l'espace vectoriel de base e1, · · · , en. On peutvéri�er que le système de racines de (g, h) est de la forme suivante :

Φ = {(±ei ± ej), i 6= j, ei} et Φ∨ = {(±e∗i +±e∗j), i 6= j, 2e∗i }

avec bijection évidente. Dans cette description, les e∗i sont la base duale des ei et corre-spondent donc aux matrices diagonales Eii − Ei+n,i+n.

Le cas orthogonal pair : g = so(ψ2n), (n > 1) et h = {matrices diagonales}. Les matricesdiagonales de so(ψ2n) sont toujours de la forme X =

∑ni=1 xi(Eii−Ei+n,i+n). Notons encore

ei la forme bilinéaire X 7→ xi sur h, et V l'espace vectoriel de base e1, · · · , en. On peutvéri�er que le système de racines de (g, h) est de la forme suivante :

Φ = {(±ei ± ej), i 6= j} et Φ∨ = {(±e∗i +±e∗j), i 6= j}

avec bijection évidente. Dans cette description, les e∗i sont la base duale des ei et corre-spondent donc aux matrices diagonales Eii − Ei+n,i+n.

3.2.2 Groupe de Weyl. Notons que l'endomorphisme sα de V introduit au point iii)de la dé�nition ci-dessus est la ré�exion d'axe Ker(α∨) et de direction R.α. En d'autrestermes on a

s2α = idV , Ker(sα + idV ) = Rα et Ker(sα − idV ) = Ker(α∨).

Définition. � Le sous-groupe W ⊂ GL(V ) engendré par les sα, α ∈ Φ est appelégroupe de Weyl du système de racines.

44

Page 45: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Par l'axiome iii) des systèmes de racines, W.Φ ⊂ Φ. En fait, puisque Φ engendre V ,le morphisme W −→ SΦ donnant l'action de W sur Φ est injectif. En particulier, W est�ni. On sait alors construire des produits scalaires euclidiens sur V invariants sous W (cfexercice du paragraphe 2.1.8). Pour un tel produit scalaire 〈., .〉, le groupe de Weyl W estdonc un groupe d'isométries de l'espace euclidien (V, 〈., .〉). En particulier, la ré�exion sαest alors simplement la ré�exion orthogonale d'axe α⊥, donc de la forme

sα(v) = v − 2〈v, α〉〈α, α〉

α.

Exemple. � Soit Φ le système de racines de (g, h). On a vu que la forme de Killinginduit sur hR un produit scalaire euclidien. On peut le transporter par dualité à h∗R. Puisqueα(H) = 2

〈Hα,Hα〉〈Hα, H〉, on obtient le produit scalaire

〈α, β〉 :=4〈Hα, Hβ〉

〈Hα, Hα〉〈Hβ, Hβ〉.

On a alors

sα(β) = β − β(Hα)α = β − 〈Hα, Hα〉2

〈α, β〉α = β − 2〈α, β〉〈α, α〉

α,

ce qui montre que sα est la ré�ection orthogonale d'axe α⊥ et donc que 〈., .〉 estW -invariant.

Le cas linéaire : dans l'exemple de sln(K) le produit scalaire obtenu est 2n fois celuiinduit par le produit euclidien canonique sur Rn. La ré�ection sαij est donc la restriction à Vde la ré�ection orthogonale sij de Rn d'axe Hij = {(xk)k, xi = xj}. On a donc sij(ei) = ejet sij(ek) = ek pour k 6= i, j. Cela identi�e W au groupe symétrique Sn agissant parpermutation de la base canonique.

Les autres cas classiques : dans chacun des cas sp2n, so2n ' so(ψ2n) et so2n+1 'so(ψ2n+1), la forme de Killing induit un multiple (respectivement 4n+ 4, 4n− 4 et 4n− 2)du produit scalaire �canonique� qui fait de e1, · · · , en une base orthonormée. Pour i 6= j,la ré�exion sij associée à ei − ej échange ei et ej et laisse �xe les autres ek, tandis que laré�exion s′ij associée à ei + ej échange ei et −ej et laisse �xe les autres ek.

Dans les cas symplectique et orthogonal impair, la ré�exion si associée à ei ou 2eienvoie ei sur −ei et préserve les autres ek. Cela permet d'identi�er W au produit semi-direct Sno {±1}n, le groupe des matrices dont chaque ligne et colonne possède un uniqueélément non nul, qui est un signe.

Dans le cas orthogonal pair, on peut véri�er que W est le sous-groupe de Sn o {±1}nformé des matrices dont le nombre de −1 est pair.

3.2.3 Isomorphismes, somme directes, systèmes réduits. Soient Φ = (Φ, V,Φ∨, α 7→ α∨)et Φ′ = (Φ′, V ′,Φ′∨, α′ 7→ α′∨) deux systèmes de racines.

45

Page 46: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

� Un isomorphisme entre Φ et Φ′ est un isomorphisme R-linéaire f : V∼−→ V ′ qui

induit une bijection entre Φ et Φ′ et tel que la bijection duale soit compatible avec lesapplications α 7→ α∨.

� La somme directe Φ ⊕ Φ′ est le système de racines Φ t Φ′ dans V ⊕ V ′ avec pourcoracines Φ∨ tΦ′∨ ⊂ V ∗ ⊕ V ′∗ = (V ⊕ V ′)∗ et la bijection évidente. On voit en particulierque W (Φ⊕ Φ′) = W (Φ)×W (Φ′).

On dit qu'un système de racines est irréductible s'il n'est pas somme directe de deuxsystèmes de racines.

Exercice. � Soit Φ un système de racines, et munissons V d'un produit scalaire W -invariant. Montrer que Φ est réductible si et seulement si on peut écrire Φ = Φ1 tΦ2 avecΦ1 et Φ2 orthogonaux.

Proposition. � Soit g une K-algèbre de Lie semi-simple.

i) Le système de racines Φ(g, h) est indépendant, à isomorphisme près, de la sous-algèbre de Cartan h. On note Φ(g) sa classe d'isomorphisme.

ii) Φ(g1 ⊕ g2) = Φ(g1) ⊕ Φ(g2). De plus, Φ(g) est irréductible si et seulement si g estsimple.

Démonstration. i) On a vu que si h′ est une autre sous-algèbre de Cartan, il existe g ∈Int(G) tel que h′ = g·h. Ainsi g induit un isomorphismeK-linéaire h

∼−→ h′. L'isomorphismedual envoie clairement Φ(g, h′) sur Φ(g, h) et l'unicité des Hα montre que g envoie Φ(g, h)∨

sur Φ(g, h′)∨ en préservant les bijections. Bref, g induit un isomorphisme Φ(g, h′)∼−→

Φ(g, h).ii) La première assertion est claire et implique que si g n'est pas simple alors Φ(g)

n'est pas irréductible. Réciproquement, supposons Φ(g, h) réductible. Alors en particulierl'ensemble Φ(g, h)∨ des Hα, α ∈ Φ est union disjonte Φ∨1 t Φ∨2 de deux sous-ensemblesorthogonaux pour la forme de Killing restreinte à h. On en déduit une décompositionorthogonale h = h1 ⊕ h2 où hi = VectK(Φ∨i ), Posons alors g1 := h1 ⊕

⊕α∈Φ1

gα et g2 :=h1⊕

⊕α∈Φ2

gα. On a donc g = g1⊕g2. De plus, pour α1 ∈ Φ1 et α2 ∈ Φ2, on a α1 +α2 /∈ Φdonc [gα1 , gα2 ] = 0. On constate donc que [g1, g2] = 0 et donc que g1 et g2 sont des idéaux,montrant que g n'est pas simple.

3.2.4 Dualité. Fixons un produit scalaire W -invariant sur V . Si l'on identi�e V ∗ à Vau moyen de 〈., .〉, on déduit de la formule

sα(v) = v − 2〈v, α〉〈α, α〉

α = v − α∨(v)α

que α∨ = 2〈α,α〉α (et symétriquement que α = 2

〈α∨,α∨〉α∨). On constate donc que sα∨ = sα

préserve Φ∨. On en déduit que

(Φ∨,Φ, α∨ 7→ α) est un système de racines dans V ∗.

46

Page 47: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

On l'appelle système de racines dual de (Φ,Φ∨, α 7→ α∨). La discussion ci-dessus montreque l'application sα 7→ sα∨ induit un isomorphisme des groupes de WeylW (Φ)

∼−→ W (Φ∨).

Exemple. � On peut observer que les systèmes de racines de sp2n et so2n+1 sont duauxl'un de l'autre. Par contre, les systèmes de racines de sln et so2n sont �auto-duaux�.

3.2.5 Contraintes sur deux racines. Donnons-nous deux racines α, β ∈ Φ non propor-tionnelles et non orthogonales. Quittes à remplacer α par −α et à échanger α et β, nouspouvons supposer que

〈α, β〉 < 0 et 〈α, α〉 6 〈β, β〉.

On a alors les contraintes suivantes :

0 <〈α, β〉2

〈α, α〉〈β, β〉< 1 avec α∨(β) = 2

〈α, β〉〈α, α〉

∈ Z et β∨(α) = 2〈α, β〉〈β, β〉

∈ Z

qui entrainent les inégalités0 < α∨(β)β∨(α) < 4.

Ceci ne laisse que trois possibilités :

i) α∨(β) = β∨(α) = −1, auquel cas 〈α, α〉 = 〈β, β〉. et l'angle (α, β) = 2π3.

ii) α∨(β) = −2, β∨(α) = −1, auquel cas 2〈α, α〉 = 〈β, β〉. et l'angle (α, β) = 3π4.

iii) α∨(β) = −3, β∨(α) = −1, auquel cas 3〈α, α〉 = 〈β, β〉. et l'angle (α, β) = 5π6.

Exemple. � Soient α = αij, β = αkl dans le système de racines de sln. On voit que� {i, j} ∩ {k, l} = ∅ ⇒ α et β orthogonales.� |{i, j} ∩ {k, l}| = 1⇒ situation i) (même longueur, et angle 2π

3).

Exemple. � Pour g = sp2n, α = ei − ej et β = 2ej, on est dans la situation ii).

Exercice. � Véri�er que dans le cas orthogonal pair, on est toujours dans la situationi) dès que 〈α, β〉 < 0. Par contre dans le cas orthogonal impair, la situation ii) peut seproduire.

Remarque. � Dès que 〈α, β〉 < 0 on a α+β ∈ Φ. En e�et, on peut supposer ‖α‖ 6 ‖β‖et dans tous les cas ci-dessus, on a α + β = sβ(α).

Application : classi�cation des systèmes de racines de rang 2. Soit Φ ⊂ R2 un systèmede racines de rang 2, et supposons que le produit scalaire canonique de R2 estW -invariant.Choisissons α, β ∈ Φ non colinéaires de sorte que ‖α‖ 6 ‖β‖ et que 〈α,β〉

‖α‖‖β‖ soit minimal(l'angle entre α et β est donc le plus ouvert possible, sans être plat). On a alors −1 <〈α,β〉‖α‖‖β‖ 6 0. On peut supposer, après rotation et homothétie, que α = e1 (vecteur de la basecanonique), puis après éventuellement symétrie d'axe (e1), que l'angle (α, β) est entre π

2et

π. On a alors les possibilités suivantes :

47

Page 48: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

i) Si 〈α, β〉 = 0, on a Φ = {±α,±β}. Quitteà changer le produit scalaire, on voit queΦ est isomorphe au système de racinesréductible ci-contre, qui n'est autre quecelui de sl2 ⊕ sl2.

Si 〈α, β〉 < 0, on est dans l'une des troissituations considérées plus haut.

β = e2

α = e1

ii) Lorsque α∨(β) = −1, β a pour coor-données polaires (1, 2π

3). On constate que

α + β est aussi racine, de sorte que Φ ⊃{±α,±β,±(α+ β)}. De plus, s'il existaitune autre racine, cela contredirait la mini-malité de 〈α,β〉

‖α‖‖β‖ . Cela est plus clair surla �gure ci-contre. Les système de racinesobtenu est isomorphe à celui de sl3.

β

α

α + β

iii) Lorsque α∨(β) = −2, β a pour coordon-nées polaires (

√2, 3π

4) donc β = e2 − e1.

Grâce aux ré�exions sα et sβ, on obtientque Φ ⊃ {±e1,±e2,±e1±e2}. Comme ci-dessus, s'il y avait une autre racine, ellecontredirait la minimalité de 〈α,β〉

‖α‖‖β‖ . Lesystème de racines obtenu est isomorpheà celui de sp4 et celui de so5.

α = e1

β = e2 − e1β + α β + 2α

iv) Lorsque α∨(β) = 3, β a pour coordonnéespolaires (

√3, 5π

6). Grâce aux ré�exions sα

et sβ, on obtient que Φ ⊃ {±α,±β,±(β+α)± (β+ 2α),±(β+ 3α),±(2β+ 3α)}, etcomme ci-dessus, on véri�e qu'on a toutesles racines. Le système de racines obtenun'est pas celui d'une algèbre de Lie clas-sique.

β + α

α

β + 2αβ

2β + 3α

β + 3α

3.2.6 Racines simples. Fixons une forme linéaire f ∈ V ∗ ne s'annulant sur aucuneracine. On dit alors que α est f -positive (ou positive si pas d'ambiguïté) si f(α) > 0.On note Φ+ l'ensemble des racines f -positives et Φ− := −Φ+. On obtient une partitionΦ = Φ+tΦ− (pas orthogonale ! !). On dit que α est f -simple (ou simple si pas d'ambiguïté),si α est positive et n'est pas somme de deux racines positives. On note ∆ = ∆f l'ensembledes racines simples.

48

Page 49: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Exemple. � Pour g = sln(K). Prenons la forme linéaire f : (xi)i 7→ −∑

i ixi sur Rn etrestreignons-là à V . Alors Φ+ = {αij, i < j}, et ∆ = {αi,i+1, i = 1, · · · , n− 1}.

Théorème. � Avec les notations ci-dessus, on a

i) Φ+ ⊂∑

α∈∆Nαii) ∆ est une base de V .

Démonstration. i) par l'absurde : soit β ∈ Φ+ \ (∑

α∈∆Nα) tel que f(β) soit minimal.Alors β /∈ ∆ donc β = β1 + β2 avec βi ∈ Φ+. Mais alors f(βi) < f(β) donc par minimalitéβi ∈

∑α∈∆Nα, puis β ∈

∑α∈∆Nα : contradiction.

ii) Par le i), ∆ est génératrice. Il faut montrer qu'elle est libre. Choisissons un produitscalaireW -invariant et remarquons d'abord que 〈α, β〉 6 0 pour toutes α, β ∈ ∆ distinctes.En e�et si 〈α, β〉 > 0, on a remarqué dans le paragraphe précédent que α − β est uneracine. Si elle est positive alors α = β + (α− β) contredisant la simplicité de α, sinon c'estla simplicité de β qui est contredite.

Maintenant, soit∑

α∈∆ λαα = 0 une relation de dépendance linéaire. Soit

∆+ = {α ∈ ∆, λα > 0} et ∆− = ∆ \∆+.

Ecrivons la relation sous la forme∑α∈∆+

λαα = −∑β∈∆−

λββ =: v.

Alors 〈v, v〉 =∑

α∈∆+,β∈∆−

−λαλβ〈α, β〉 6 0, donc v = 0. Il s'ensuit que∑

α∈∆+λαα = 0 et

donc∑

α∈∆+λαf(α) = 0 si bien que λα = 0, ∀α ∈ ∆+ et de même λβ = 0, ∀β ∈ ∆−.

Définition. � Une base de Φ est un ensemble ∆ = ∆f de racines f -simples pourf ∈ V ∗ comme ci-dessus.

On peut se demander à quelle condition sur f et f ′ on a ∆f = ∆f ′ . Pour cela, rappelonsque f est un élément de X = V ∗ \

⋃αKer(α), le complémentaire dans V ∗ d'une réunion

d'hyperplans (appelés murs). Les composantes connexes de X sont donc des cônes ouvertsconvexes appelés chambres de Weyl et les éléments f, f ′ sont dans la même chambre deWeyl si et seulement si f(α) et f ′(α) sont du même signe pour toute racine α ∈ Φ. On enconclut que ∆f = ∆f ′ si et seulement si f et f ′ sont dans la même chambre de Weyl.

Exemple. � Considérons le système deracines de rang 2 de sl3 vu plus haut etidenti�ons V et V ∗ au moyen du produitscalaire (et donc Ker(α) à α⊥). En prenantf = 〈e1 + e2, .〉, on obtient comme base∆f = {α, β}. La �gure montre les murs et lachambre de Weyl C∆ associée à ∆ = ∆f .

∆ = {α, β}

C∆

β

α

49

Page 50: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

On peut observer deux faits intéressants sur cet exemple.� D'une part, W est engendré par sα et sβ. En e�et, on a remarqué que W = S3 et onsait bien que ce groupe symétrique est engendré par les transpositions sα = (1, 2) etsβ = (2, 3).

� D'autre part, il y a 6 = 3! = |W | chambres de Weyl. En fait, l'action de W surV ∗ permute les chambres de Weyl de manière simplement transitive. De manièreéquivalente, son action sur Φ permute simplement transitivement les bases de Φ.

Nous allons voir que ces deux faits restent vrais en général.

3.2.7 Proposition.� Soit ∆ une base de Φ. Appelons ré�exion simple une ré�exionsα avec α ∈ ∆.

i) Toute racine est l'image d'une racine simple par un produit de ré�exions simples.

ii) Le groupe de Weyl est engendré par les ré�exions simples.

Le lemme suivant sera utilisé plusieurs fois.

Lemme. � Soit α ∈ ∆ une racine simple. On a sα(Φ+ \ {α}) = Φ+ \ {α}.

Démonstration. Soit γ une racine positive distincte de α. Ecrivons-là γ =∑

β∈∆ nββ dansla base ∆, avec nβ ∈ N. On a sα(γ) =

∑β∈∆ n

′ββ avec n′β = nβ si β 6= α et n′α = nα−α∨(γ).

Mais puisque γ 6= α, il existe β telle que n′β = nβ > 0. Par le i) du théorème, on en déduitque sα(γ) n'est pas négative, donc est positive. Par ailleurs on a évidemment sα(γ) 6= α.

Démonstration de la proposition. i) Il su�t de le faire pour γ positive, puisque si γ = w(β)alors −γ = wsβ(β). Soit donc γ ∈ Φ+. Dé�nissons la hauteur de γ comme la sommeh(γ) =

∑β nβ des coordonnées de γ dans la base ∆, et raisonnons par récurrence sur h(γ).

Si h(γ) = 1 alors γ est simple et il n'y a rien à prouver. Sinon, on peut trouver α ∈ ∆

telle que α∨(γ) > 0. En e�et, pour un produit scalaireW -invariant 〈., .〉 on a α∨(γ) = 2〈γ,α〉〈α,α〉

et ‖γ‖2 =∑

β∈∆ nβ〈γ, β〉 > 0. Mais alors, comme dans le lemme ci-dessus, la racine sα(γ)est positive et h(sα(γ)) = h(γ)− α∨(γ) < h(γ). On peut donc conclure par récurrence surla hauteur.

ii) Par dé�nition, W est engendré par toutes les ré�exions sγ, γ ∈ Φ. Par le i), on peutécrire γ = w(α) avec w un produit de ré�exions simples et α ∈ ∆. Puisque sγ est, pour unproduit scalaire W -invariant, la ré�exion orthogonale d'axe γ⊥, on a alors sγ = wsαw

−1.Donc sγ est bien un produit de ré�exions simples.

3.2.8 Théorème.� L'action de W sur Φ permute simplement transitivement les basesde Φ.

Démonstration. Remarquons tout d'abord que si ∆ = ∆f , l'ensemble w(∆) = ∆w∗(f) estencore une base de Φ. L'action de W permute donc bien les bases de Φ.

i) Montrons d'abord que cette action est transitive. Soit ∆′ une autre base de Φ. Nousallons montrer que ∆′ ∈ W.∆ par récurrence sur le cardinal d(∆′) = |Φ+(∆) ∩Φ−(∆′)|. Si

50

Page 51: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

d(∆′) = 0 on a ∆ = ∆′ donc l'assertion est alors claire. Supposons donc d(∆′) > 0, i.e.Φ+(∆) ∩ Φ−(∆′) 6= ∅. Alors on a aussi Φ−(∆) ∩∆′ 6= ∅ (car sinon on aurait ∆′ ⊂ Φ+(∆)donc Φ+(∆′) = Φ+(∆) et �nalement ∆′ = ∆) Choisissons donc α′ ∈ Φ−(∆) ∩∆′. D'aprèsle dernier lemme ci-dessus, on a sα′(Φ−(∆′)) = Φ−(∆′) \ {−α′} ∪ {α′}. Or on a aussisα′(Φ−(∆′)) = Φ−(sα′(∆

′)), donc Φ+(∆) ∩ Φ−(sα′(∆′)) = Φ+(∆) ∩ Φ−(∆′) \ {−α′} et

�nalement d(sα′(∆′)) = d(∆′)− 1. Par l'hypothèse de récurrence, il existe w ∈ W tel que

sα′(∆′) = w(∆), ce qui nous donne ∆′ = sα′w(∆) comme voulu.

ii) Soit maintenant w ∈ W , w 6= 1. Écrivons-le comme un produit s1s2 · · · sl de ré�exionssimples avec l minimal. Notons αi ∈ ∆ la racine simple telle que si = sαi . Nous allonsmontrer que w(αl) ∈ Φ−, ce qui implique que w(∆) 6= ∆.

Raisonnons par l'absurde et supposons que w(αl) ∈ Φ+. Notons alors j le plus grandentier i tel que βi := sisi+1 · · · sl(αl) ∈ Φ+. Puisque sl(αl) ∈ Φ−, on a j < l donc βj+1

est bien dé�nie et négative. Puisque βj+1 = sj(βj) et βj ∈ Φ+ le dernier lemme ci-dessusassure que βj = αj. Il s'ensuit que sβj = (sj · · · sl)sαl(sj · · · sl)−1, ce que l'on peut réécrire :sj+1 · · · sl = sj · · · sl−1. Mais alors on obtient w = s1 · · · sj−1sj+1 · · · sl−1, une expression delongueur l − 2 qui contredit la minimalité de l.

Exercice. � Véri�er que {(ei − ei+1), i = 1, · · · , n − 1} ∪ {en} est une base du systèmede racines de so2n+1, tandis que {(ei− ei+1), i = 1, · · · , n− 1}∪ {2en} est une base de celuide sp2n. Trouver une base de celui de so2n.

Exercice. � Soit Φ un système de racines et ∆ une base de Φ, dont on se donne unepartition ∆ = ∆1 t∆2.

i) Notons Vi := VectR(∆i) et Φi := Φ ∩ Vi. Montrer que Φi est un système de racinesdans Vi (compléter les objets), de groupe de Weyl Wi le groupe engendré par lessα, α ∈ ∆i.

ii) Supposons dorénavant que ∆1 ⊥ ∆2, pour un produit scalaire W -invariant. Montrerque W = W1 ×W2 et que W2 agit trivialement sur ∆1.

iii) Toujours sous l'hypothèse ∆1 ⊥ ∆2, montrer que Φ = Φ1tΦ2, [On pourra utiliser le i)

de la proposition 3.2.7 ci-dessus] et en conclure que Φ est somme directe des systèmesde racines Φ1 et Φ2.

Exercice. � Soit Φ un système de racines et ∆ une base de Φ, et supposons �xé un pro-duit scalaire W -invariant sur V . On dé�nit une relation d'ordre partiel sur Φ en déclarantque γ 4 γ′ si γ′ − γ ∈

∑α∈∆Nα. Soit β une racine maximale pour cet ordre.

i) Véri�er que β est positive et montrer que pour toute α ∈ ∆ on a 〈β, α〉 > 0.

ii) Ecrivons β =∑

α∈∆ nαα et notons ∆1 := {α, nα = 0} et ∆2 = ∆ \∆1. Montrer que∆1 ⊥ ∆2.

iii) Montrer que si 〈γ, γ′〉 > 0, alors γ 4 γ′ ou γ′ 4 γ. [Remarquer d'abord que dans cette

situation, γ − γ′ ∈ Φ]

iv) On suppose dorénavant que Φ est irréductible, et donc, d'après l'exercice précédent,que ∆ n'est pas union disjointe de deux sous-ensembles propres orthogonaux. Montrer

51

Page 52: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

que β est l'unique élément maximal de Φ (on l'appelle la �plus grande racine�). [Siβ′ est une autre racine maximale, utiliser i) et ii) pour prouver 〈β′, β〉 > 0, puis iii) pour

conclure que β = β′.]

3.3 Classi�cation des algèbres de Lie semi-simples

Soit g une K-algèbre de Lie semi-simple, h une sous-algèbre de Cartan, Φ le systèmede racines de h dans g. Fixons une base ∆ de Φ.

3.3.1 Proposition.� Pour chaque α ∈ ∆ choisissons un générateur Eα de la droitegα et notons Fα l'unique élément de g−α tel que [Eα, Fα] = Hα. Alors g est engendrée parles éléments Eα et Fα pour α parcourant ∆.

Démonstration. Notons g′ la sous-algèbre de Lie de g engendrée par les Eα et les Fα. Ellecontient les Hα qui forment une base de h, donc elle contient h. Pour γ positive, montronspar récurrence sur la hauteur h(γ) que gγ ⊂ g′. Si h(γ) = 1, γ est simple donc c'est vraipar construction. Sinon, comme dans la preuve de la proposition 3.2.7, il existe α ∈ ∆ telleque 〈α, γ〉 > 0, auquel cas β := γ − α ∈ Φ est de hauteur h(β) = h(γ)− 1. Par récurrence,on a gβ ⊂ g′. Mais alors, d'après la proposition 3.1.5, on a gγ = [gβ, gα] ⊂ g′. De même onmontre gβ ⊂ g′ pour β négative.

3.3.2 Corollaire.� Soit g′, h′,Φ′,∆′, E ′α′ des données comme ci-dessus. Supposons

aussi donné un isomorphisme de systèmes de racines f : Φ(g, h)∼−→ Φ(g′, h′) tel que

f(∆) = ∆′. Alors il existe un unique isomorphisme de K algèbres de Lie f : g∼−→ g′ tel

que f(Eα) = E ′f(α) et f(Hα) = H ′f(α) pour toute racine simple α ∈ ∆.

Démonstration. Si un tel isomorphisme existe il doit aussi envoyer les Fα sur les F ′f(α)

(puisque F est déterminé par l'égalité [E,F ] = H). Par la proposition précédente, ceciassure l'unicité de cet isomorphisme.

Pour prouver l'existence, on peut supposer que Φ est irréductible, i.e. que g et g′ sontsimples (exercice : s'en convaincre). Considérons alors la sous-algèbre g′′ de g⊕g′ engendréepar les E ′′α := (Eα, E

′f(α)) et les F

′′α := (Fα, F

′f(α)). Nous allons montrer que les projections

g′′π1−→ g et g′′

π2−→ g′ sont des isomorphismes de K-algèbres de Lie. Si c'est bien le cas,l'isomorphisme π2 ◦ π−1 satisfera les requêtes de l'énoncé.

Notons que π1 et π2 sont évidemment des morphismes de K-algèbres de Lie et qu'ilssont surjectifs par la proposition précédente. Reste à voir qu'ils sont injectifs. Le noyauKer(π1) = g′′ ∩ (0 ⊕ g′) est un idéal de 0 ⊕ g′ (le véri�er), donc puisque g′ est simple, ilest non nul si et seulement si g′′ contient g′ = 0 ⊕ g′, ce qui équivaut aussi à ce que g′′

contienne g⊕0, vu la dé�nition de g′′, et qui est donc encore équivalent à g′′ = g⊕g′. Bref,il nous su�t de montrer que g′′ 6= g⊕ g′.

Soit γ la plus grande racine de Φ (cf exercice ci-dessus). Alors γ′ = f(γ) est la plusgrande racine de Φ′. Choisissons X ∈ gγ \ {0} et X ′ ∈ g′γ′ \ {0}, posons X ′′ := (X,X ′) ∈

52

Page 53: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

g⊕ g′, et considérons le sous-K-espace vectoriel V de g⊕ g′ engendré par tous les élémentsde la forme adF ′′αmadF ′′αm−1

· · · adF ′′α1(X ′′) où m ∈ N et αi ∈ ∆. Par dé�nition, on voit que

i) V ∩ (gγ ⊕ g′γ′) = K.X ′′ et donc V 6= g⊕ g′.

ii) V est stable par les adF ′′α , α ∈ ∆.

Montrons que V est aussi stable par les adE′′α . Pour cela, remarquons que adE′′α commute àadF ′′β dès que α 6= β, puisqu'alors [E ′′α, F

′′β ] ∈ gα−β ⊕ g′f(α)−f(β) = 0 car α− β n'est pas une

racine. Ainsi, en utilisant que adE′′αadF ′′α = adF ′′αadE′′α + ad[E′′α,F′′α ] et que adE′′α(X ′′) = 0 (car

γ + α n'est pas une racine par maximalité de γ), on se ramène par un argument inductifà montrer que V est stable par les adH′′α où H ′′α = [E ′′α, F

′′α ]. Mais cela découle du même

argument inductif basé sur l'égalité adH′′αadF ′′β = adF ′′β adH′′α + α∨(β)adF ′′β et le fait que X ′′

est propre pour adH′′α .Ainsi V est stable sous ad(g′′). Si on avait g′′ = g⊕ g′, V serait donc un idéal propre de

g⊕g′′. En particulier V serait semi-simple, donc V = [V, V ] = [V, g]⊕ [V, g′] avec [V, g] = 0ou [V, g′] = 0, et donc V ⊂ g ou V ⊂ g′, ce qui n'est pas le cas puisque X ′′ /∈ g ∪ g′.

3.3.3 Vers une classi�cation. Ce corollaire donne une stratégie possible pour classi�ertoutes les K-algèbres de Lie simples.

i) Classi�er tous les systèmes de racines irréductibles.

ii) Déterminer lesquels apparaissent bien comme systèmes de racines d'une algèbre deLie simple.

Nous allons traiter i) plus loin. Le point ii) a une réponse agréable : tous les systèmes deracines �abstraits� apparaissent dans les algèbres de Lie simples (on voit d'ailleurs ainsi quela classi�cation ne dépend pas du corps K supposé algébriquement clos de caractéristiquenulle.) En fait, on a de la chance : la classi�cation des systèmes de racines fait apparaitre4 familles in�nies qui correspondent à des algèbres déjà connues (sln, so2n+1, sp2n et so2n)et un nombre �ni d'autres possibilités pour lesquelles il est donc envisageable de construire�à la main� les algèbres de Lie correspondantes.

3.3.4 Générateurs et relations. Cependant, la proposition précédente suggère une autremanière, plus conceptuelle et plus uniforme, de construire l'algèbre de Lie associée à unsystème de racines : par générateurs et relations. La proposition nous fournit des généra-teurs Eα, Fα pour α ∈ ∆. Pour écrire les relations connues entre ces générateurs, il est plusagréable d'introduire aussi les Hα. Ces relations s'écrivent alors

(R0) [Hα, Hβ] = 0,(R1) [Eα, Fβ] = δαβHα

(R2) [Hα, Eβ] = α∨(β)Eβ et [Hα, Fβ] = −α∨(β)Fβ.Considérons alors l'algèbre g0(Φ) de générateurs Eα, Fα, Hα, α ∈ ∆ soumis aux rela-tions (R0), (R1) et (R2). Techniquement, c'est le quotient de l'algèbre de Lie libre sur{Eα, Fα, Hα}α∈∆ par l'idéal engendré par les éléments [Hα, Hβ], [Eα, Fβ]−δαβHα, [Hα, Eβ]−α∨(β)Eβ et [Hα, Fβ] + α∨(β)Fβ. On peut montrer (cf le livre de Humphreys, 18.2 par ex-emple) que les Hα y engendrent une sous-algèbre abélienne h de la bonne dimension et que

53

Page 54: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

g0(Φ) est somme de ses sous-espaces de poids pour h. Mais en général, l'ensemble des poidsest in�ni, et g0(Φ) n'est donc pas l'algèbre cherchée. Il nous manque donc des relationsimposant que l'ensemble des poids non nuls dans le quotient soit bien Φ.

Pour en trouver, rappelons que pour α, β ∈ ∆ on β−α /∈ Φ. Par conséquent on a aussisα(β − α) = β + (−α∨(β) + 1)α /∈ Φ. Il s'ensuit que dans une éventuelle algèbre de Lie gde système de racines Φ, on doit avoir les relations (dites relations de Serre) :

(S) (adEα)−α∨(β)+1(gβ) = 0 et (adFα)−α

∨(β)+1(g−β) = 0.Serre a alors montré que ces nouvelles relations su�sent à construire l'algèbre de Lie

g(Φ) désirée. Plus précisément :

Théorème. � (Construction des K-algèbres de Lie semi-simples)

i) Soit g une K-algèbre de Lie semi-simple, h une sous-algèbre de Cartan, Φ le systèmede racines de h dans g. Fixons une base ∆ de Φ et rappelons que α∨(β) = β(Hα).Alors g est engendrée par les Eα, Hα, Fα pour α ∈ ∆, avec pour seules relations :

(a) [Hα, Hβ] = 0,

(b) [Eα, Fβ] = δαβHα

(c) [Hα, Eβ] = α∨(β)Eβ et [Hα, Fβ] = −α∨(β)Fβ,

(d) (adEα)−α∨(β)+1(gβ) = 0 et (adFα)−α

∨(β)+1(g−β) = 0

pour α, β ∈ ∆.

ii) Soit (V,Φ,Φ∨) un système de racines (réduit) et ∆ une base de Φ. Alors la présen-tation ci-dessus dé�nit une K-algèbre de Lie semi-simple.

iii) Les procédés décrits ci-dessus induisent une bijection

{ K-algèbres de Lie semi-simples }/isom ↔ { Systèmes de racines (réduits)}/isom.

On pourra consulter les livres de Serre, Carter ou Humphreys pour une preuve de cerésultat.

3.3.5 Automorphismes. Soit (g, h,Φ,∆, (Eα)α∈∆) comme plus haut. Une autre con-séquence du corollaire 3.3.2 (ou du théorème ci-dessus), est que tout automorphisme de Φinduit un automorphisme de g

Exemple. � Considérons l'automorphisme θ : α 7→ −α de Φ. On a donc θ(∆) = −∆.Posons g′ = g, h′ = h,Φ′ = Φ,∆′ = −∆ et E ′−α := −Fα. Le corollaire 3.3.2 nous assurealors l'existence d'un unique automorphisme θ de g tel que Eα 7→ −Fα et Hα 7→ −Hα. Cetautomorphisme envoie donc aussi Fα sur Eα, et par conséquent est une involution de g.

Par exemple dans le cas g = sln, on a θ(X) = −tX (transposée). Cet automorphismen'est pas intérieur sauf si n = 2.

3.4 Classi�cation des systèmes de racines

Que l'on utilise le théorème de Serre ci-dessus, ou que l'on se contente du corollaire3.3.2, il nous faut maintenant classi�er les systèmes de racines irréductibles. Cela passe par

54

Page 55: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

deux invariants associés à un système de racine Φ : sa matrice de Cartan et son diagrammede Dynkin.

3.4.1 Définition. (Matrice de Cartan)� Soit ∆ un ensemble �ni. Une matrice deCartan sur ∆ est une collection d'entiers cα,β, α, β ∈ ∆ telle que

(C1) cα,α = 2 et cα,β ∈ {0,−1,−2,−3} si α 6= β.

(C2) cα,β = 0⇒ cβ,α = 0.

(C3) la forme quadratique Q(x) =∑

α x2α−∑

α 6=β√cα,β cβ,α xαxβ sur l'espace vectoriel R∆

est dé�nie positive.

On dit que deux matrices de Cartan, l'une sur ∆, l'autre sur ∆′ sont équivalentes s'il existeune bijection α 7→ α′ de ∆ sur ∆′ telle que cα′,β′ = cα,β pour tous α, β ∈ ∆.

On peut obtenir une �vraie� matrice de taille r × r, r = |∆| en ordonnant l'ensemble∆. La �vraie� matrice est alors dé�nie à permutation près de la base (i.e. conjugaison parune matrice permutation).

Lemme. � Soit Φ un système de racines.

i) Si ∆ est une base de Φ, les cα,β := α∨(β) forment une matrice de Cartan C(Φ,∆).

ii) Si ∆′ est une autre base, C(Φ,∆) et C(Φ,∆′) sont équivalentes.

iii) Φ est déterminé, à isomorphisme près par C(Φ).

iv) Φ est réductible si et seulement si C(Φ) est (équivalente à) une matrice diagonale parblocs, avec au moins 2 blocs.

v) C(Φ∨) est la transposée de C(Φ).

Démonstration. i) On a déjà vu que la matrice C(Φ,∆) satisfait la propriété (C1) d'unematrice de Cartan. Pour voir la propriété (C2), il su�t de rappeler que α∨(β) = 2 〈α,β〉‖α‖2 pourun produit scalaire W -invariant sur V , puis d'utiliser la symétrie de ce produit scalaire.Pour la propriété (C3), on utilise à nouveau ce produit scalaire et cette égalité. Appliquéeaussi à β∨, cette égalité nous dit que α∨(β)β∨(α) = 4 〈α,β〉2

‖α‖2‖β‖2 , mais puisqu'on sait que

〈α, β〉 6 0, on en tire que√α∨(β)β∨(α) = −2 〈α,β〉‖α‖‖β‖ . Il s'ensuit que pour tout x =

∑xαα,

on a Q(x) = ‖y‖2 si l'on pose y =∑

αxα‖α‖α. Ceci montre que Q est dé�nie positive.

ii) L'unique w ∈ W tel que w(∆) = ∆′ permet d'identi�er C(Φ,∆) et C(Φ,∆′) puisquecw(α),w(β) = 2 〈w(α),w(β)〉

‖w(α)‖2 = 2 〈α,β〉‖α‖2 = cα,β.iii) Il s'agit de voir comment retrouver Φ à partir de ∆ et des cα,β. Or, les cα,β détermi-

nent les ré�exions sα, α ∈ ∆, on sait que ces ré�exions engendrent le groupe de Weyl W ,et on sait que W.∆ = Φ.

iv) Le sens direct est clair. Supposons donc C(Φ,∆) équivalente à une matrice diagonalepar blocs. Cela signi�e qu'on peut partitionner ∆ = ∆1t∆2 de sorte que cα,β = 0 si α ∈ ∆1

et β ∈ ∆2. On a donc ∆1 ⊥ ∆2 pour tout produit scalaire W -invariant, et on a vu dansun exercice plus haut que Φ est alors réductible.

v) est clair.

55

Page 56: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Exemple. � La matrice de Cartan de Φ(sln) dans la base des αi = ei − ei+1, i =1, · · · , n− 1 est : (par convention ce qui n'est pas rempli est nul)

2 −1

−1. . . . . .. . . . . . . . .

. . . . . . −1−1 2

Les matrices de Cartan de Φ(so2n+1) et Φ(sp2n) dans la base des αi = ei− ei+1 (i 6 n− 1)et αn = ei, resp. 2ei sont respectivement

2 −1

−1. . . . . .. . . . . . −1

. . . . . . −2−1 2

2 −1

−1. . . . . .. . . . . . . . .

−1. . . −1−2 2

Exercice. � Trouver une base de Φ(so2n) dans laquelle la matrice de Cartan est de la

forme 2 −1

−1. . . . . .. . . . . . −1 −1−1 2−1 2

Exercice. � Trouver une base du système de racines de rang 2 non-classique du para-

graphe 3.2.5, et écrire sa matrice de Cartan.

La propriété iii) de ce lemme nous suggère de classi�er les matrices de Cartan. Pourcela nous aurons besoin du lemme suivant et d'un invariant de la matrice appelé graphe(ou diagramme) de Dynkin.

3.4.2 Lemme.� Soit C = (cα,β)α,β∈∆ une matrice de Cartan sur un ensemble ∆.

i) Si ∆′ ⊂ ∆, la matrice C ′ = (cα,β)α,β∈∆′ extraite de C est une matrice de Cartan sur∆′.

ii) Si cα,β < 0, alors cα,β = −1 ou cβ,α = −1.

iii) Soit C ′ = (c′α,β)α,β∈∆ une matrice telle que c′α,β > cα,β pour tout α, β. Si C ′ satisfaitles propriétés (C1) et (C2), c'est une matrice de Cartan.

Démonstration. i) est clair. Appliquons le à ∆′ = {α, β} avec α, β telles que cα,β < 0. Lediscriminant de la forme bilinéaire Q′ sur Rα⊕Rβ est cα,βcβ,α−4. Pour que Q′ soit dé�nie,

56

Page 57: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

il faut que ce discriminant soit < 0. On en déduit que 0 < cα,βcβ,α < 4, ce qui, vu lescontraintes sur les cα,β, impose que cα,β = −1 ou cβ,α = −1.

Pour iii), notons Q′ la forme quadratique sur R∆ associée à C ′. Pour x =∑

α xαα ∈ R∆,notons |x| :=

∑α |xα|α. Alors Q′(x) > Q′(|x|) > Q(|x|). On en conclut que Q′ est dé�nie

positive.

3.4.3 Définition.� Un diagramme Γ sur un ensemble ∆ est un graphe partiellementorienté du type suivant

� l'ensemble des sommets est ∆.� Pour α 6= β ∈ ∆, le nombre d'arêtes reliant α et β est noté nαβ.� Si nαβ > 1, on se donne une orientation α→ β ou β → α commune à ces nαβ arêtes.

Le diagramme est dit de Dynkin si la forme quadratique Q(x) =∑

α x2α−∑

α 6=β√nαβxαxβ

sur R∆ est dé�nie positive.

Remarquer que le fait que Γ est de Dynkin ou pas ne dépend pas des éventuellesorientations. Voici le lien entre matrices et diagrammes.

Soit C = (cα,β)α,β une matrice de Cartan sur ∆. On lui associe un diagramme Γ(C)sur ∆ en posant nα,β = cα,βcβ,α. Si nαβ > 1 et |cα,β| = 1, on oriente les arêtes de α vers β.(Noter que par le lemme précédent, on sait que |cα,β| = 1 ou |cβ,α| = 1).

Réciproquement, on associe à un diagramme Γ la matrice C(Γ) dé�nie par cα,α = 2 et� cα,β = −nαβ si nα,β < 2 ou β → α� cα,β = −1 si nα,β > 2 et α→ β.

Si Γ est un diagramme de Dynkin, alors C(Γ) est une matrice de Cartan (noter que lecaractère dé�ni de Q implique que nαβ < 4 comme dans le lemme ci-dessus).

Lemme. � Ces constructions dé�nissent des bijections réciproques entre matrices deCartan et diagrammes de Dynkin. De plus, on a les propriétés suivantes :

� les composantes connexes de Γ(C) sont en bijection avec les �blocs diagonaux� deC. En particulier, si C = C(Φ), alors Φ est irréductible si et seulement si Γ(C) estconnexe.

� le diagramme de tC s'obtient en renversant les orientations.� Si C ′ est extraite de C, alors Γ(C ′) est extrait de Γ(C) (en un sens évident).� Les matrices C ′ comme dans le iii) du lemme précédent correspondent aux dia-grammes obtenus en e�açant des arêtes de Γ(C).

Démonstration. Laissée au lecteur.

Exemple. � Voici les diagrammes de Dynkin des algèbres de Lie classiques.

An C'est le diagramme de Dynkin de Φ(sln+1),avec n sommets.

Bn > C'est le diagramme de Dynkin de Φ(so2n+1),avec n sommets.

57

Page 58: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Cn < C'est le diagramme de Dynkin de Φ(sp2n),avec n sommets.

Dn

C'est le diagramme de Dynkin de Φ(so2n),avec n > 1 sommets (so2 n'est pas simple).Noter que D2 = A1 t A1 est non-connexe.

On est donc amené à classi�er les diagrammes de Dynkin. Le théorème de classi�cationest le suivant.

3.4.4 Théorème.� Tout diagramme de Dynkin connexe est de l'un des types �clas-siques� An, Bn, Cn, Dn(n > 2), ou de l'un des types �exceptionnels� suivants :

G2 > F4 > E6

E7 E8

Démonstration. Elle repose sur le fait que tout diagramme extrait d'un diagramme deDynkin doit être de Dynkin (cf les deux derniers lemmes). La stratégie consiste donc endeux étapes :

(a) Exhiber une liste de diagrammes �interdits� dont la forme bilinéaire associée estdégénérée.

(b) Montrer que si un diagramme ne contient pas un diagramme �interdit�, alors il estdu type décrit dans le i) du théorème.

(a) Voici la liste des diagrammes �interdits� utilisés (l'indice dans la notation est lenombre de sommets - 1).

An

Bn

E6

Cn

Dn

E7

F5

G3

E8

Pour voir qu'ils sont bien interdits, il su�t d'exhiber un vecteur isotrope pour la formequadratique associée. On laisse au lecteur le soin de véri�er que les vecteurs suivantsconviennent :

An : (1, 1, · · · , 1)

Bn : ( 1√2, 1√

2,√

2, · · ·√

2, 1)

E6

23

13

13

23 1

23

13

Cn : (1,√

2, · · ·√

2, 1)

Dn : (1, 1, 2, · · · 2, 1, 1)

E7

12

14

24

34 1 3

424

14

F5 : (1, 2, 3, 2√

2,√

2)

G3 : (√

3, 2, 1)

E8

12

13

23 1 5

646

36

26

16

58

Page 59: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

(b) Reste à voir que si un diagramme Γ ne contient aucun diagramme interdit, alorsil est d'un des types décrits dans le théorème. C'est une véri�cation élémentaire. Traitonspar exemple le cas où Γ n'a que des arêtes simples.

� Si Γ n'a pas de bifurcation (sommet ayant au moins 3 voisins), alors le diagrammeinterdit An nous dit que Γ est de type An.

� Soit α un sommet ayant au moins 3 voisins. Le diagramme interdit D4 nous dit queα a exactement 3 voisins, et le diagramme interdit Dn nous dit que α est l'uniquepoint de bifurcation. On a donc 3 branches b1, b2, b3 qui partent de α et le diagrammeinterdit An nous dit que ces branches sont bien distinctes.

� Le diagramme interdit E6 nous dit que l'une de ces branches, disons b1, ne possèdequ'un seul sommet (en plus de α).

� Le diagramme interdit E7 nous dit que l'une des deux autres branches, disons b2 pos-sède au plus deux sommets (en plus de α). Nous supposerons sans perte de généralitéque b3 est au moins aussi longue que b2.

� Si b2 possède 2 sommets, le diagramme interdit E8 nous dit que Γ est E6, E7 ou E8.� Si b2 ne possède qu'1 sommet, alors Γ est de type Dn.

Les cas où Γ possède des arêtes doubles ou triples sont laissés au lecteur.

Remarque. � Les diagrammes �interdits� utilisés ci-dessus sont eux-aussi remarquables.Ils sont les seuls, en plus des diagrammes de Dynkin, pour lesquels la forme quadratiqueQ est positive (à défaut d'être dé�nie positive). Ces diagrammes correspondent à des �sys-tèmes de racines a�nes�, lesquels classi�ent certaines algèbres de Lie de dimension in�niedites �algèbres de Lie a�nes�. Etant donné un tel diagramme, l'algèbre de Lie a�ne corre-spondante est dé�nie par générateurs et relations exactement comme dans le théorème deSerre.

Réciproquement, il n'est pas encore clair que tous les diagrammes de Dynkin (ou demanière équivalente, toutes les matrices de Cartan) proviennent de systèmes de racines.C'est l'objet du complément ci-dessous.

3.4.5 Théorème.� Chacun des diagrammes du théorème précédent est le diagrammede Dynkin d'un système de racines réduit irréductible. De plus, ces systèmes sont 2 à 2 nonisomorphes à l'exception de A1 = B1 = C1, B2 = C2 et A3 = D3.

Démonstration. L'existence d'un système de racines correspondant a déjà été vue dansles cas classiques An, Bn, Cn et Dn. De plus, on voit immédiatement que le graphe G2

correspond au système de racines de rang 2 de cardinal 12 vu au paragraphe 3.2.5.Dans R4 euclidien, on peut véri�er que l'ensemble

Φ := {(±ei ± ej), i 6= j} ∪ {±ei} ∪{

1

2(±e1 ± e2 ± e3 ± e4)

}est un système de racines de type F4, avec comme base {e2−e3, e3−e4, e4, e1−e2−e3−e4}(par exemple).

59

Page 60: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Dans R8 euclidien, on peut véri�er que l'ensemble

Φ := {(±ei ± ej), i 6= j} ∪{

1

2(±e1 ± e2 ± e3 ± e4 ± e5 ± e6 ± e7 ± e8)

}+

où dans l'ensemble de droite on n'autorise qu'un nombre pair de signes −1, est un systèmede racines de type E8, dont une base est donnée par α1 = (e1−e2−e3−e4−e5−e6−e7+e8),α2 = e1 + e2, αi = ei−1 − ei−2, i = 3, · · · , 8.

Puisque les diagrammes E7 et E6 sont contenus dans celui de E8, cela assure l'existencedes systèmes de racines correspondants : il su�t de prendre le sous-système de racinesengendré par les racines simples correspondant. En l'occurence, avec les notations ci-dessus,il s'agit des racines simples α1, · · · , αi, et pour Ei, i = 6 ou 7.

En�n, on a déjà vu que le procédé Φ 7→ C 7→ Γ est injectif (sur les classes d'isomor-phismes de systèmes de racines), donc le dernier point de l'énoncé est clair.

Remarque. � Grâce au théorème de présentation de Serre, les identités �exceptionnelles�de diagrammes de Dynkin dans le ii) du théorème se traduisent en isomorphismes �excep-tionnels� sl2(K) ' sp2(K) ' so3(K), so5(K) ' sp4(K), et sl4(K) ' so6(K). L'identitéD2 = A1tA1 re�ète un isomorphisme so4(K) ' sl2(K)⊕sl2(K). On prendra garde au faitque certains de ces isomorphismes ne sont pas valables sur un corps non algébriquementclos. Par exemple sl2(R) 6= so3(R) !

Exercice. � Notons g(Γ) l'algèbre de Lie associée au système de racines Φ(Γ). Montrerque si Γ′ est un diagramme de Dynkin obtenu à partir de Γ en e�açant des sommets (etles arêtes en partant), alors on peut plonger g(Γ′) dans g(Γ). En déduire que toute algèbrede Lie classique de rang n contient une sous-algèbre isomorphe à sln.

Exercice. � Soit g, h,Φ,∆ comme d'habitude, et notons n+ :=⊕

α∈Φ+gα. Construire

un homomorphisme du groupe d'automorphismes du diagramme de Dynkin de g vers lesous-groupe des automorphismes de g qui stabilisent h et n+.

Expliciter Aut(Γ(g)) et l'image du morphisme obtenu dans le cas de sln.

4 Représentations des algèbres de Lie semi-simples

On a vu que les représentations de dimension �nie d'une algèbre de Lie semi-simple gsont complètement réductibles. Cela signi�e qu'il su�t de classi�er les irréductibles pourcomprendre toute la théorie des représentations de dimension �nie de g. Mais pour arriverà cette classi�cation, nous allons aussi considérer certaines représentations de dimensionin�nie.

4.1 Modules de plus haut poids

Soit g une algèbre de Lie semi-simple, h une sous-algèbre de Cartan, Φ ⊂ h∗ l'ensembledes racines, et Φ∨ = {α∨ = Hα, α ∈ Φ} ⊂ h l'ensemble des coracines.

60

Page 61: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

Pour une représentation V de g et λ ∈ h∗, on note comme d'habitude

Vλ := {v ∈ V, ∀H ∈ h, H.v = λ(H)v},

et on dit que λ est un poids de V si Vλ 6= 0. On rappelle que pour toute racine α ∈ Φ, ona gα.Vλ ⊂ Vλ+α. On notera P (V ) l'ensemble des poids de V . On dit que V est somme deses sous-espaces de poids si V =

∑λ∈P (V ) Vλ.

Exercice. � Montrer que si V est somme de ses sous-espaces de poids, alors toute sous-représentation de V et tout quotient de V a la même propriété. (On ne suppose pas V dedimension �nie).

On note aussi P := {λ ∈ h∗, λ(Φ∨) ⊂ Z}. C'est un groupe abélien libre de rang dim happelé �réseau des poids entiers� de Φ.

4.1.1 Proposition.� Supposons (V, r) de dimension �nie. Alors V est somme de sessous-espaces de poids, et P (V ) ⊂ P .

Démonstration. On a vu que h est formée d'éléments semi-simples de g, donc r(h) est for-mée d'éléments diagonalisables de gl(V ). Comme r(h) est une sous-algèbre commutative,ces éléments sont simultanément diagonalisables, d'où la première assertion. Pour la sec-onde, soit α ∈ Φ et slα = gα⊕K.Hα⊕ gα. On sait qu'il existe un isomorphisme sl2

∼−→ slαqui envoie H sur Hα. Les poids de H dans V vue comme représentation de sl2 via cet iso-morphismes sont les λ(Hα) = α∨(λ), pour λ ∈ P (V ). Mais la théorie des représentationsde sl2 nous dit que ces poids sont entiers.

Fixons maintenant une base ∆ de Φ et notons Φ+ l'ensemble des racines positivesassocié. On a une décomposition g = n− ⊕ h⊕ n+ avec n± =

∑α∈Φ±

gα.

4.1.2 Définition.� Un vecteur v ∈ V sera dit primitif de poids λ si v ∈ Vλ et sin+.v = 0.

Exercice. � Montrer que c'est équivalent à demander que gα.v = 0 pour α ∈ ∆.

Lorsque V est de dimension �nie, la �nitude de P (V ) et l'inclusion gα.Vλ ⊂ Vλ+α

assurent l'existence de vecteurs primitifs dans V . Si V est de plus irréductible, on voit queV est engendrée par un vecteur primitif. Ceci conduit à la notion de représentation �deplus haut poids�.

4.1.3 Définition.� Une représentation V (pas nécessairement de dimension �nie) estdite de plus haut poids si elle est engendrée par un vecteur v primitif. Dans ce cas, on ditque v est un �vecteur de plus haut poids�, et que le poids λ de v est un �plus haut poids deV �.

La terminologie est expliquée par le i) du résultat suivant.

4.1.4 Proposition.� Soit V une représentation de plus haut poids λ.

61

Page 62: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

i) P (V ) ⊂ λ−∑

α∈∆Nα. En d'autres termes, λ est le plus grand élément de P (V ) pourl'ordre (partiel) sur h∗ dé�ni par λ′ 4 λ⇔ λ− λ′ ∈

∑α∈∆Nα.

ii) V =∑

µ∈P (V ) Vµ, i.e. V est somme de ses sous-espaces de poids.

iii) Chaque Vµ est de dimension �nie et dimVλ = 1.

Démonstration. Soit b := h⊕n+. Si l'on étend la représentation V à l'algèbre enveloppanteUg, la droite Kv est stable sous Ub. Par ailleurs, si l'on choisit pour chaque α ∈ Φ+ unélément non nul Fα de g−α, le théorème de Poincaré-Birkho�-Witt nous dit que Ug, entant que Ub-module à droite, est engendré par les éléments de la forme FαsFαs−1 · · ·Fα1 oùs ∈ N et (αi)i ∈ (Φ+)s (si s = 0, on convient que ce produit est 1). En d'autres termes, ona

Ug =∑s∈N

∑(αi)i∈(Φ+)s

FαsFαs−1 · · ·Fα1Ub.

On en conclut que V , en tant que K-espace vectoriel, est engendré par les vecteurs de laforme FαsFα2 · · ·Fα1 .v. Or un tel vecteur est de poids λ−

∑si=1 αi. On en déduit le i) et le

ii), ainsi que dim(Vλ) = 1. Pour voir la �nitude de dimVµ il su�t de remarquer qu'il y aun nombre �ni de suites α1, α2, · · · , αs telles que µ = λ−

∑si=1 αi.

Remarque. � Une représentation de plus haut poids V est indécomposable. En e�et, siV = V1⊕V2 (décomposition stable sous g), alors Vλ = V1,λ⊕V2,λ. Mais puisque dim(Vλ) = 1,il y a un i = 1 ou 2 tel que Vλ = Vi,λ. Or, V est engendré par Vλ, donc V ⊂ Vi.

4.1.5 Modules de Verma. La preuve ci-dessus suggère la dé�nition d'une représentationde plus haut poids �universelle�. Posons en e�et

M(λ) := Ug⊗Ub Kλ.

C'est le Ug-module �induit� du Ub-module de dimension 1 donné par la forme linéaire b�h

λ−→ K. Par propriété d'adjonction du produit tensoriel on a pour toute représentationV

Homg(M(λ), V ) ' Homb(Kλ, V ) = {v ∈ Vλ, n+v = 0}.On voit en particulier que toute représentation de plus haut poids λ est quotient de M(λ).Ce dernier est appelé �module de Verma de poids λ�.

4.1.6 Théorème.� (Ici les représentations peuvent être de dimension in�nie).

i) Pour tout λ ∈ h∗, il existe une représentation irréductible V (λ) de plus haut poids λ,unique à isomorphisme près.

ii) Si V (λ) ' V (λ′), alors λ = λ′.

Démonstration. ii) Supposons V (λ) ' V (λ′) =: V . Alors P (V ) ⊂ λ −∑

α∈∆Nα, doncλ′ 4 λ. Mais on a aussi P (V ) ⊂ λ′ −

∑α∈∆Nα donc λ 4 λ′. Il s'ensuit que λ = λ′.

i) Soit V une représentation de plus haut poids λ, par exemple V = M(λ). SoientW1,W2 deux sous-g-modules stricts de V . D'après la proposition ci-dessus, V est somme

62

Page 63: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

de ses sous-espaces de poids, donc d'après un exercice plus haut, chaque Wi est sommede ses sous-espaces de poids. Puisque Wi est strict, on a donc Wi ⊂

∑µ≺λ Vµ, et par

conséquent la somme W = W1 +W2 est aussi contenue dans∑

µ≺λ Vµ et donc est un sousg-module strict de V . On peut donc considérer le plus grand sous-module strict U de V .Explicitement, on a U =

∑W V W , qui véri�e U V . Mais alors le quotient V := V/U

est non nul, de plus haut poids λ (avec pour vecteur primitif l'image d'un vecteur primitifde V ) et irréductible, puisque si W ⊂ V est non nul, alors l'image réciproque W de Wdans V contient strictement U donc est égale à V . De plus, la construction montre queV est l'unique quotient irréductible de V (car la projection V � V se factorise par toutmorphisme surjectif non nul V � V ′).

Reste à voir que tous les modules simples de plus haut poids λ sont isomorphes. Maiscomme on vient de le voir au-dessus du théorème, un tel module est quotient de M(λ),donc isomorphe à l'unique quotient irréductible V (λ) de M(λ) construit ci-dessus.

4.2 Classi�cation des modules simples de dimension �nie

Puisque toutes les représentations irréductibles de dimension �nie sont des représenta-tions de plus haut poids, elles sont de la forme V (λ) pour un unique λ ∈ h∗. Il nous restedonc à déterminer quand V (λ) est de dimension �nie. On a vu qu'une condition nécessaireest que λ ∈ P . Mais ce n'est pas une condition su�sante :

4.2.1 Théorème.� Soit λ ∈ h∗ et V (λ) l'unique g-module simple de plus haut poidsλ. Alors V (λ) est de dimension �nie si et seulement si λ(Hα) ∈ N, ∀α ∈ ∆.

Démonstration. Commençons par la remarque suivante. Soit v un vecteur primitif de V (λ)et α ∈ ∆. Alors v engendre un slα-module V (λ, α) de plus haut poids λ(Hα).

i) Si V (λ) est de dimension �nie, alors V (λ, α) est aussi de dimension �nie, et on sait quele plus haut poids d'un sl2-module de dimension �nie est un entier naturel, i.e. λ(Hα) ∈ N.

ii) Réciproquement, supposons que λ(Hα) ∈ N pour toute α ∈ ∆. Notre but est deprouver que P (V (λ)) est stable sous l'action de W et d'appliquer le lemme géométriqueci-dessous qui nous dit que P (V (λ)) est alors �ni, ce qui nous su�t pour conclure que V (λ)est de dimension �nie puisque les V (λ)µ le sont.

Puisque W est engendré par les ré�exions simples, il nous su�t de montrer que P (V )est stable par les sα, α ∈ ∆. Notons que si µ ∈ P (V ), alors vu notre hypothèse et laforme de P (V ), on a µ(Hα) ∈ Z. Si µ(Hα) = 0 alors sα(µ) = µ et on n'a rien à ajouter.Si µ(Hα) > 0, on a F µ(Hα)

α (V (λ)µ) ⊂ V (λ)sα(µ) et il nous su�rait donc de prouver que

Fµ(Hα)α (V (λ)µ) 6= 0. Si µ(Hα) < 0, on a E−µ(Hα)

α (V (λ)µ) ⊂ V (λ)sα(µ) et il nous su�rait

donc de prouver que Eµ(Hα)α (V (λ)µ) 6= 0. Or on sait que dans une représentation W de

dimension �nie de slα et pour m ∈ N, on a Fmα (Wm) = W−m et Em

α (W−m) = Wm. Il noussu�rait donc, pour conclure que sα(P (V )) = P (V ), de montrer que V est somme de sousslα-modules de dimension �nie.

Considérons donc la somme V (λ)α des sous-slα-modules de dimension �nie de V , etcommençons par remarquer qu'elle est stable par g. En e�et, si V ′ est un sous slα-module de

63

Page 64: Cours introductif de M2 Algèbres de Lie semi-simples et leurs ...jean-francois.dat/...de x). Un tel champ de vecteurs dé nit une dérivation de l'algèbre C1(M;R) des fonctions lisses

Université Pierre et Marie Curie Master de Mathématiques

dimension �nie, alors∑

X∈gXV′ est aussi un sous slα-module de dimension �nie (noter que

la somme peut n'être prise que sur une base de g). On voudrait montrer que V (λ)α = V (λ).Par irréductibilité de V (λ), il su�t maintenant de prouver que V (λ)α 6= 0, donc d'exhiberun sous slα-module de dimension �nie.

Nous allons prouver que V (λ, α) (dé�ni au début de la preuve) est de dimension �nie.Comme v est propre pour bα = KHα ⊕ gα, on a V (λ, α) = VectK{F i

αv, i ∈ N}. Rappelonsla formule

Eα.Fiαv = i(λ(Hα)− i+ 1)F i−1

α v

déjà utilisée dans l'étude des représentations irréductibles de sl2 (et facile à prouver parrécurrence). Elle montre en particulier que Eα.F

λ(Hα)+1α (v) = 0. Par ailleurs, pour β ∈

∆ \ {α}, on sait que Eβ commute avec Fα donc Eβ.Fλ(Hα)+1α (v) = F

λ(Hα)+1α .Eβv = 0

(car v est primitif). Il s'ensuit que le vecteur F λ(Hα)+1α (v) est primitif. Or il est de poids

λ′ = λ− (λ(Hα) + 1)α 6= λ. D'après le ii) du théorème précédent, λ′ n'est pas un plus hautpoids de V (λ), donc F λ(Hα)+1

α (v) = 0. Il s'ensuit que V (λ, α) est de dimension �nie.

Lemme. � Soit C :=∑

α∈∆R+α ∈ V le cône positif engendré par une base ∆ d'unsystème de racines Φ. Alors pour tout x ∈ V , ∩w∈Ww(x− C) est compact.

Démonstration. Soit w0 l'unique élément (d'ordre 2) de W tel que w0(∆) = −∆. Il noussu�ra de prouver que (x−C)∩w0(x−C) est compact. Soit (ωα)α la base duale de ∆ dansV ∗. On a alors w0(ωα) = −ω−w0(α). Par dé�nition,

x− C = {v ∈ V, ∀α ∈ ∆, 〈ωα, v〉 6 〈ωα, x〉}

et

w0(x− C) = {v ∈ V, ∀α ∈ ∆, 〈ωα, w0(v)〉 6 〈ωα, x〉}= {v ∈ V, ∀α ∈ ∆, 〈−ω−w0(α), v〉 6 〈ωα, x〉},

donc

(x− C) ∩ w0(x− C) = {v ∈ V, ∀α ∈ ∆, 〈−ω−ω0(α), x〉 6 〈ωα, v〉 6 〈ωα, x〉}

qui est visiblement compact puisque (ωα)α est une base de V ∗.

64