Dossier pédagogique Le Faiseur de Balzac

Mise en scène de Robin Renucci

Les Tréteaux de France

Création mars 2015 Représentation à L’arc - scène nationale Le Creusot, le 16 octobre 2015

Avant le spectacle

Première approche du spectacle

- L’auteur, Balzac

Louis-Auguste Bisson, 1842 Une biographie de l’auteur figure dans le dossier pédagogique des Tréteaux de France disponible sur leur site (www.treteauxdefrance.com). Ce dossier est également disponible sur le site de L’arc.

Balzac est surtout connu pour ses romans, et pour le cycle de la Comédie humaine, ce qui ne l’empêche pas de consacrer énormément d’efforts à ses pièces, et notamment aux Faiseur. Il travaille sur la pièce à partir de 1840, et cherche à la faire jouer en 1848. Entre ces deux dates, la pièce est réécrite, retravaillée. Elle est jouée en 1851, un an après la mort de son auteur. Balzac cherche à gagner en vivacité dans les dialogues. Le Faiseur est joué en 1868 à la Comédie-Française, puis au XXe siècle elle est montée par Charles Dullin en 1934, par Jean Vilar en 1957, puis par Emmanuel Demarcy-Mota en 2014. C’est donc une pièce du répertoire, qui a peu été jouée.

- Le titre « Le Faiseur » Que peut signifier ce titre ? A quoi, à qui peut-il faire référence ? Il s’agit d’un personnage : que peut-il « faire » ? Questionner les élèves, sans répondre. Le but est d’éveiller leur curiosité à partir du titre.

Découverte du texte

- La scène d’exposition Sans indication, distribuer à deux élèves l’extrait de l’exposition. Leur faire lire les échanges à voix haute, en demandant au reste de la classe d’être très attentif. L’objectif est de placer la majorité des élèves dans la position du spectateur face à une scène d’exposition (ce moment peut permettre de montrer aux élèves les fonctions d’une scène d’exposition, l’intrigue est présentée, les personnages le sont, à plusieurs reprises, pour bien ancrer leurs identités, une date est donnée).

L'action se passe en 1839. La scène représente, pendant toute la pièce, le salon principal de

l'appartement de Mercadet

BRÉDIF, d'abord seul, puis MERCADET.

Brédif. Un appartement de onze pièces, superbes, au cœur de Paris, rue de Grammont !... et pour

deux mille cinq cents francs ! J'y perds trois mille francs tous les ans... et cela, depuis la

révolution de Juillet. Ah ! le plus grand inconvénient des révolutions, c'est cette subite diminution

des loyers qui... Non, je n'aurais pas dû faire de bail en 1830 !... Heureusement, Monsieur

Mercadet est en arrière de six termes, les meubles sont saisis, et, en les faisant vendre...

Mercadet, qui a entendu les derniers mots. Faire vendre mes meubles ! Et vous vous êtes réveillé

dès le jour pour causer un si violent chagrin à l'un de vos semblables ?...

Brédif. Vous n'êtes, Dieu merci ! pas mon semblable, Monsieur Mercadet !... Vous êtes criblé de

dettes, et moi je ne dois rien ; je suis dans ma maison, et vous êtes mon locataire.

Mercadet. Ah ! oui, l'égalité ne sera jamais qu'un mot ! Nous serons toujours divisés en deux

castes : les débiteurs et les créanciers […] ; allons, […] cher Monsieur Brédif, touchez là !

Brédif. J'aimerais mieux toucher mes loyers, mon cher Monsieur Mercadet.

Mercadet. Vous êtes le seul de mes créanciers qui possède un gage... réel ! Depuis dix-huit mois

vous avez saisi, décrit pièce à pièce, avec le plus grand soin, ce mobilier qui certes vaudra bien

quinze mille francs, et je ne vous devrai deux années de loyer que... dans quatre mois.

Brédif. Et les intérêts de mes fonds ?... Je les perds.

Mercadet. Demandez les intérêts judiciairement !... Je me laisserai condamner,

Brédif. Mon cher Monsieur Mercadet, je ne fais pas de spéculation, moi ! Je vis de mes revenus,

et si tous mes locataires vous ressemblaient... Ah ! tenez, il faut en finir...

Mercadet. Comment, mon cher Monsieur Brédif, moi qui suis depuis onze ans dans votre maison,

vous m'en chasseriez ? Vous qui connaissez tous mes malheurs, vous, le témoin de mes efforts !

Enfin, vous savez que je suis la victime d'un abus de confiance, Godeau...

Brédif. Allez-vous encore me recommencer l'histoire de la fuite de votre associé ! mais je la sais,

et tous vos créanciers la savent aussi. Puis, après tout. […] Godeau était un homme d'une rare

énergie et un bon vivant !... Il vivait avec une petite femme... délicieuse...

Mercadet. De laquelle il avait un enfant, et qu'ils ont abandonné...

Brédif. Mais Duval, votre ancien caissier, touché par les prières de cette charmante femme, ne

s'est-il pas chargé de ce jeune homme ?

Mercadet. Et Godeau s'est chargé de notre caisse.

Brédif. Il vous a emprunté cent cinquante mille francs... violemment, j'en conviens ; mais il vous

a laissé toutes les autres valeurs de la liquidation... et vous avez continué les affaires ! […] Le

gouvernement veut ses impôts et ne se paie pas avec des raisons. Je suis donc, à mon grand

regret, forcé d'agir avec rigueur.

Mercadet. Je vous croyais si bon ! Ne savez-vous pas que je vais marier ma fille... laissez-moi

conclure ce mariage ! vous y assisterez... allons ! Madame Brédif dansera !... Peut-être vous

paierai-je demain.

Brédif. Demain, c'est le cadet ; aujourd'hui c’est l'aîné. Je suis au désespoir d' effaroucher votre

gendre ; mais vous avez dû recevoir un petit commandement avant-hier, et si vous ne payez pas

aujourd'hui, les affiches seront apposées demain.

Après cette première découverte orale du texte, demander aux élèves : - Qui jouait Mercadet ? - Quelle semble être l’intrigue ? Distribuer ensuite le texte à tous les élèves, refaire une lecture en expliquant le vocabulaire (les affiches de la vente aux enchères, les termes…). Reprendre l’identification des personnages. Brédif est le propriétaire de l’appartement que loue Mercadet, et pour obtenir l’argent des loyers il va faire saisir les meubles de son locataire. Dans quelle situation se trouve Mercadet ? Pourquoi est-il ruiné ? Après ce temps de réflexion, s’interroger : qui est le faiseur ? Que signifie ce terme ? Le faiseur est le spéculateur, celui qui fait de l’argent à partir de rien. Expliquer le fonctionnement de la spéculation si nécessaire.

- Résumer l’intrigue : Pour sauver ses finances, fort endommagées par ses jeux boursiers, Mercadet n’a qu’une seule solution : marier sa fille à un riche héritier qui pourra financer de nouvelles spéculations.

- Poursuivre l’intrigue : Comment poursuivre ? Que peut-il se passer ? Comment faire pour que ce projet de mariage soit difficile à réaliser ? (ressort comique : la laideur de la jeune fille, qui la rend plus difficile à marier)

- Inventer A partir de la liste des personnages et du résumé de l’intrigue, demander aux élèves quels rapports ils peuvent imaginer entre les personnages, à partir de leur expérience des comédies classiques (rôle des serviteurs, des amants)

AUGUSTE MERCADET, spéculateur.

ADOLPHE MINARD, teneur de comptes.

MONSIEUR DE LA BRIVE, jeune homme élégant.

DE MÉRICOURT, autre jeune homme.

BRÉDIF, propriétaire.

BERCHUT, courtier marron.

VERDELIN, ami de Mercadet.

GOULARD, homme d'affaires, créancier de Mercadet

PIERQUIN, usurier, créancier de Mercadet

VIOLETTE, courtier d'affaires,

JUSTIN, valet de chambre.

MADAME MERCADET.

JULIE MERCADET, fille de Mercadet

THÉRÈSE, femme de chambre.

VIRGINIE, cuisinière.

Une comédie Faire réfléchir les élèves aux points suivants : Comment et pourquoi faire rire au sujet de l’argent ? Pourquoi monter cette pièce aujourd’hui ?

La mise en scène Quels choix de mise en scène feraient les élèves ? Un décor contemporain ou d’époque, pourquoi chaque choix ? Robin Renucci, qui monte le spectacle dans le cadre des Tréteaux de France, a fait le choix d’une forme hybride : des costumes d’époque, caricaturés, un peu déformés. Un travail peut être fait sur les costumes d’époque et la façon de les déformer. Des études des costumes figurent sur le site des Tréteaux. Les photographies que nous utilisons proviennent du même site. Sans ce travail, montrer aux élèves les costumes et les photos du spectacle, les laisser s’exprimer sur les choix faits par la compagnie, puis essayer de les justifier. Le costume a une fonction comique. Comment constitue-t-on un spectacle visuel à partir d’un texte ? Quels choix sont-ils à faire ?

Pour chaque photographie, demander aux élèves qui sont les personnages, à quel moment de l’intrigue la pièce peut se jouer, que disent les postures des relations entre les personnages ?

Après la représentation

- Ecrire / construire Imaginer une carte postale du spectacle : une image, associée à un court texte, qui donne un aperçu du spectacle.

- Parler Demander aux élèves d’expliquer le comportement de Minard, le fils secret de Godeau, l’associé de Mercadet. Est-il un héros ? Pourquoi ? Pourquoi pas ? Tirer les analyses des élèves vers le mouvement littéraire et culturel du réalisme : l’ambiguïté des personnages est pour Balzac une condition du réalisme.

- Jouer Demander aux élèves, par groupes, de rejouer un extrait de la pièce qui les a marqués (le spéculateur et ses créanciers, Julie, son amant et son soupirant, le couple Mercadet et les domestiques). Leur demander de jouer la scène dans le registre comique, comme ils l’ont vue, et de pointer les formes du comique (de geste, de mot, de caractère, de situation… Une « comédie de caractère », c’est ainsi que Balzac la désigne dans une correspondance échangée avec sa mère). Après ce jeu, expliquer que Balzac s’est battu pour que sa pièce reste une comédie, alors qu’un autre auteur tentait d’en faire un mélodrame ; demander aux élèves si la même pièce, jouée dans le registre pathétique, pourrait fonctionner. Pointer avec eux les ressorts du comique dans l’intrigue : la laideur de Julie, qui a des conséquences grotesques et satiriques, sur le plan psychologique, sur le plan de l’intrigue, sur le plan social. Que se passerait-il si la fille était belle ? Si on ne pouvait pas se moquer de sa laideur ? Insister sur le passage par la fiction.

- Echanger Que nous dit cette comédie du rapport à l’argent ? Que nous dit-il de notre société, d’aujourd’hui ? Quel intérêt cela peut-il avoir de passer par une comédie pour parler d’argent ? (Pour ne pas ennuyer, pour dédramatiser, pour se moquer, pour attirer l’attention sur un problème, pour apaiser en envisageant des solutions heureuses) Est-ce que le théâtre est fait pour résoudre les problèmes de la société ?

Dossier établi par Mathilde Aubague, professeur missionnée images : droits réservés - Tréteaux de France