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Crises in Lyric and Form in Nineteenth-Century French Poetry (VIII) Prof Seth Whidden, The Queen’s College [email protected]

Crises in Lyric and Form in Nineteenth-Century French … · Comme le vent du ciel qui berce les nuages ... Des soupirs, des accords Aussi purs que l’extase où son regardme plonge,

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Crises in Lyric and Form in Nineteenth-Century French Poetry

(VIII)

Prof Seth Whidden, The Queen’s [email protected]

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the lyric and its origins

• Aristotle’s three categories of poetry: lyrical, dramatic, epic• musical quality (lyre)• the poet’s personal feelings and innermost emotions

– subjective point of view– distinction between poet and lyric subject blurred

Le propre de la poésie ‘lyrique’ réside bien plutôt dans uneénonciation foncièrement ambivalente. La référence du JE estun mixte indécidable d’autobiographie et de fiction. […] Chaque fois qu’il dit ‘JE’, le poète assume cette tradition, de sorteque, s’élevant à une certaine universalité, il désigne, outre sapersonne propre, celle du Poète archétypique, devenu le personnage d’une fiction allégorique de la création poétique.Dominique Combe, Poésie et récit : une rhétorique des genres, José Corti, 1989, p.163.

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the lyric and its origins

‘The content of a lyric work of art […] must be the individual person and therefore with all the details of his situation and concerns, as well as the way in which his mind with its subjective judgment, its joy, admiration, grief, and, in short, its feeling comes to consciousness of itself in and through such experiences’ (Hegel, Aesthetics, Clarendon Press, 1975, vol. 2, p. 1113).

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the lyric and its limits

‘we know the subjective artist only as a bad artist, and throughout the whole of art we demand above all else the conquest of the subjective, release from the “self,” and the silencing of all individual will and craving; indeed we cannot imagine a truly artistic creation, however unimportant, without objectivity, without a pure and disinterested contemplation. For this reason our aesthetic must first resolve the problem of how it is possible to consider the “lyric poet” as an artist: he who, in the experience of all ages, always says “I” and sings to us through the full chromatic scale of his passions and desires’. (Nietzsche, The Birth of Tragedy, Penguin, 1993, p. 28)

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the limits of language

‘nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent: la pensée demeure incommensurable avec le langage’

‘nos perceptions, sensations, émotions et idées se présentent sous un double aspect: l’un net, précis, mais impersonnel; l’autre confus, infiniment mobile, et inexprimable, parce que le langage ne saurait le saisir sans en fixer la mobilité, ni l’adapter à sa forme banale sans le faire tomber dans le domaine commun.’Henri Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience (1888)

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questioning the ‘sujet lyrique’ (c. 1996)…‘le sujet lyrique en question, c’est-à-dire ce sujet comme question, comme inquiétude, comme force de déplacement. Le sujet lyrique n’est donc pas à entendre comme un donné qui s’exprime selon un certain langage, la langue changée en chant, mais comme un procès, une quête d’identité’

• Dominique Rabaté, ed. Figures du sujet lyrique. PUF / ‘Perspectives littéraires’, 1996. … esp. D. Rabaté, ‘Énonciation poétique, énonciation lyrique’ (quotation is from p. 66)

• Dominique Rabaté, Joëlle de Sermet, and Yves Vadé, eds. Modernités 8: Le sujet lyrique en question. Presses universitaires de Bordeaux, 1996.

• Nathalie Watteyne, ed., Lyrisme et énonciation lyrique. Quebec, Éditions Nota bene, 2006.

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… means questioning everything else (Kristeva) …

• The lyric subject becomes “un individu éclaté, passage à la limite du moi: à la limite de la synthèse logico-syntaxique’ (Julia Kristeva, Polylogue, Seuil, 1977, p. 466).ÞAs the subject is destabilised, so are syntax, logic, and the

entire poetic universe.

• ‘la transformation du langage poétique à la fin du XIXe siècle consiste précisément en ce qu’il devient une pratique [d’une] dialectique du sujet dans le langage’ (Julia Kristeva, La Révolution du langage poétique, Seuil, 1974, p. 81).

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the lyric in French

• « lyrique » – XVe century, pertaining to Greek poetry sung with musical accompaniment (Pierre

Richelet, Nouveau Dictionnaire françois, Cologne, 1695, p. 556)– mid-XVIIIe => the poet’s intimate feelings

• « le lyrisme »• Alfred de Vigny: ‘mouvement lyrique du style, de l’expression’ (1829)• Alfred de Musset: ‘exaltation d’esprit analogue à l’enthousiasme des poètes

lyriques’ (1833)

• enthousiasm: Gk enthousiasmós (Dieu en soi)– inspiration, passion, exaltation

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Themes common to lyric poetry

• Private life• Memories• Human condition• Place in the world• Beauty / ugliness• Good / evil

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the lyric: qui parle?

‘Le lyrisme = chanter le moi’; who is the moi ?

• The poet• The lyric subjectsynonyms:– The ‘moi’, the ‘je’, the ‘I’– The speaking subject– The poetic subject– The lyric ‘je’– Present even if absent (every ‘tu’ supposes a ‘je’)

** Distinctions between the poet and the lyric subject **

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Alphonse de Lamartine (1790-1865)

• Julie Charles and ‘Le Lac’• Méditations poétiques (1820), then Nouvelles

méditations poétiques (1823)• Overnight sensation: Chevalier de la

légion d’honneur, 1825; Académiefrançaise, 1829

• Récits de voyages: Voyage en Orient (1835)full title: Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833), ou Notes d’un voyageur

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Lamartine… vegetarianCf. poems in La Chute d’un Ange (1838) and especially Les Confidences(1849):

‘Ma mère était convaincue, et j’ai gardé à cet égard ses convictions, que tuer les animaux pour se nourrir de leur chair et de leur sang est l’une des plus déplorables et des plus honteuses infirmités de la condition humaine ; que c’est une de ces malédictions jetées sur l’homme par l’endurcissement de sa propre perversité. Elle croyait, et je crois comme elle, que ces habitudes d’endurcissement du cœur à l’égard des animaux les plus doux, ces immolations, ces appétits de sang, cette vue des chairs palpitantes, sont faits pour férociser les instincts du cœur.’ (Les Confidences)

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Lamartine, ‘Le Lac’ (Méditations poétiques, 1820) (link)

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Lamartine, ‘Le Lac’ (Méditations poétiques, 1820) (link)Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,Dans la nuit éternelle emportés sans retour,Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges

Jeter l’ancre un seul jour ?

5 Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre

Où tu la vis s’asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,10 Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,

Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondesSur ses pieds adorés.

Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,

15 Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadenceTes flots harmonieux.

sung by Pol Plançon (1851-1914), music by Louis Niedermeyer, recorded in 1904

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Si tu pouvais jamais égaler, ô ma lyre,Le doux frémissement des ailes du zéphire

À travers les rameaux ;Ou l’onde qui murmure en caressant ces rives,Ou le roucoulement des colombes plaintives

Jouant aux bords des eaux ;

Si, comme ce roseau qu’un souffle heureux anime,Tes cordes exhalaient ce langage sublime,

Divin secret des cieux,Que, dans le pur séjour où l’esprit seul s’envole,Les anges amoureux se parlent sans parole,

Comme les yeux aux yeux ;

Si de ta douce voix la flexible harmonie,Caressant doucement une âme épanouie

Au souffle de l’amour,La berçait mollement sur de vagues images,Comme le vent du ciel qui berce les nuages

Dans la pourpre du jour :

Tandis que sur les fleurs mon amante sommeille,Ma voix murmurerait tout bas à son oreille

Des soupirs, des accordsAussi purs que l’extase où son regard me plonge,Aussi doux que le son que nous apporte un songe

Des ineffables bords.

Ouvre les yeux, dirais-je, ô ma seule lumière !Laisse-moi, laisse-moi lire dans ta paupière

Ma vie et ton amour :Ton regard languissant est plus cher à mon âmeQue le premier rayon de la céleste flamme

Aux yeux privés du jour.

Lamartine, ‘Chant d’amour’ (1822)

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Si tu pouvais jamais égaler, ô ma lyre,Le doux frémissement des ailes du zéphire

À travers les rameaux ;Ou l’onde qui murmure en caressant ces rives,Ou le roucoulement des colombes plaintives

Jouant aux bords des eaux ;

Si, comme ce roseau qu’un souffle heureux anime,Tes cordes exhalaient ce langage sublime,

Divin secret des cieux,Que, dans le pur séjour où l’esprit seul s’envole,Les anges amoureux se parlent sans parole,

Comme les yeux aux yeux ;

Si de ta douce voix la flexible harmonie,Caressant doucement une âme épanouie

Au souffle de l’amour,La berçait mollement sur de vagues images,Comme le vent du ciel qui berce les nuages

Dans la pourpre du jour :

Tandis que sur les fleurs mon amante sommeille,Ma voix murmurerait tout bas à son oreille

Des soupirs, des accordsAussi purs que l’extase où son regard me plonge,Aussi doux que le son que nous apporte un songe

Des ineffables bords.

Ouvre les yeux, dirais-je, ô ma seule lumière !Laisse-moi, laisse-moi lire dans ta paupière

Ma vie et ton amour :Ton regard languissant est plus cher à mon âmeQue le premier rayon de la céleste flamme

Aux yeux privés du jour.

Themes: music/songsounds not associated with musicflightvisions and colors

Lamartine, ‘Chant d’amour’ (1822)

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Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)• Born in Douai (Flandres)• Childhood in Guadeloupe• Successful acting career (Opéra-Comique, Odéon)• Married Prosper Lanchantin, known as Valmore• 10 collections of poems, including:

– Élégies, Marie et Romances (1819)– Poésies (1820)– Les Pleurs (1833)– Bouquets et Prières (1843)– Poésies inédites (1860, posthumous)

• le vers impair• In Les Poètes maudits by Paul Verlaine (2e série, 1888)• ‘Quelque composé nouveau vient déjouer nos formules et troubler nos méthodiques

arrangements. C’est une fleur, une plante qui ne rentre pas dans les familles décrites ; c’est un poète que nos poétiques n’admettaient pas’ (Sainte-Beuve, ‘Mme Desbordes-Valmore’, 1833).

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Desbordes-Valmore, ‘L’Attente’ (Les Pleurs, 1834)Quand je ne te vois pas, le temps m’accable, et l’heure AA je ne sais quel poids impossible à porter : BJe sens languir mon cœur, qui cherche à me quitter ; BEt ma tête se penche, et je souffre et je pleure. A

5 Quand ta voix saisissante atteint mon souvenir, CJe tressaille, j’écoute... et j’espère immobile ; DEt l’on dirait que Dieu touche un roseau débile ; DEt moi, tout moi répond : Dieu ! faites-le venir ! C

Quand sur tes traits charmants j’arrête ma pensée, B10 Tous mes traits sont empreints de crainte et de bonheur ; A

J’ai froid dans mes cheveux ; ma vie est oppressée, BEt ton nom, tout à coup, s’échappe de mon cœur. A

Quand c’est toi-même, enfin ! quand j’ai cessé d’attendre, ETremblante, je me sauve en te tendant les bras ; F

15 Je n’ose te parler, et j’ai peur de t’entendre ; EMais tu cherches mon âme, et toi seul l’obtiendras ! F

Suis-je une sœur tardive à tes vœux accordée ? BEs-tu l’ombre promise à mes timides pas ? FMais je me sens frémir. Moi, ta sœur ! quelle idée ! B

20 Toi, mon frère ! ... ô terreur ! Dis que tu ne l’es pas ! F

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Desbordes-Valmore, ‘L’Attente’ (Les Pleurs, 1834)Quand je ne te vois pas, le temps m’accable, et l’heure AA je ne sais quel poids impossible à porter : BJe sens languir mon cœur, qui cherche à me quitter ; BEt ma tête se penche, et je souffre et je pleure. A

5 Quand ta voix saisissante atteint mon souvenir, CJe tressaille, j’écoute... et j’espère immobile ; DEt l’on dirait que Dieu touche un roseau débile ; DEt moi, tout moi répond : Dieu ! faites-le venir ! C

Quand sur tes traits charmants j’arrête ma pensée, B10 Tous mes traits sont empreints de crainte et de bonheur ; A

J’ai froid dans mes cheveux ; ma vie est oppressée, BEt ton nom, tout à coup, s’échappe de mon cœur. A

Quand c’est toi-même, enfin ! quand j’ai cessé d’attendre, ETremblante, je me sauve en te tendant les bras ; F

15 Je n’ose te parler, et j’ai peur de t’entendre ; EMais tu cherches mon âme, et toi seul l’obtiendras ! F

Suis-je une sœur tardive à tes vœux accordée ? BEs-tu l’ombre promise à mes timides pas ? FMais je me sens frémir. Moi, ta sœur ! quelle idée ! B

20 Toi, mon frère ! ... ô terreur ! Dis que tu ne l’es pas ! F

Cherchez le sujet lyrique…

How does the interaction between the lyric subject (je) and its object (tu) change from one strophe to another?

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Desbordes-Valmore, ‘Les Roses de Saadi’ (Poésies inédites, 1860)

J’ai voulu ce matin te rapporter des roses; AMais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes AQue les nœuds trop serré n’ont pu les contenir. B

Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées A5 Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées. A

Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir. B

La vague en a paru rouge et comme enflammée. ACe soir, ma robe encore en est toute embaumée. . . ARespires-en sur moi l’odorant souvenir. B

Saadi = Persian poet (1210-1283 or 1291), author of the collection Golistan, translated intoFrench for the first time in 1634 as Gulistan ou l'Empire des roses.

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the hendecasyllable (Fr. l’hendécasyllabe [m.]) Desbordes-Valmore, ‘Rêve intermittent d’une nuit triste’ (Poésies inédites, 1860)

Ô champs paternels hérissés de charmillesOù glissent le soir des flots de jeunes filles !

Ô frais pâturage où de limpides eaux Font bondir la chèvre et chanter les roseaux !

5 Ô terre natale ! à votre nom que j’aime, Mon âme s'en va toute hors d'elle-même ;

Mon âme se prend à chanter sans effort ; A pleurer aussi, tant mon amour est fort !

J’ai vécu d'aimer, j’ai donc vécu de larmes ; 10 Et voilà pourquoi mes pleurs eurent leurs charmes ;

Voilà, mon pays, n’en ayant pu mourir, Pourquoi j’aime encore au risque de souffrir ;[…]

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Desbordes-Valmore, ‘Une lettre de femme’ (Poésies inédites, 1860)

Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire ;J’écris pourtant,

Afin que dans mon cœur au loin tu puisses lireComme en partant.

Je ne tracerai rien qui ne soit dans toi-mêmeBeaucoup plus beau :

Mais le mot cent fois dit, venant de ce qu’on aime,Semble nouveau.

Qu’il te porte au bonheur ! Moi, je reste à l’attendre,Bien que, là-bas,

Je sens que je m’en vais, pour voir et pour entendreErrer tes pas.

Ne te détourne point s’il passe une hirondellePar le chemin,

Car je crois que c’est moi qui passerai, fidèle,Toucher ta main.

Tu t’en vas, tout s’en va ! Tout se met en voyage,Lumière et fleurs,

Le bel été te suit, me laissant à l'orage,Lourde de pleurs.

Mais si l’on ne vit plus que d’espoir et d’alarmes,Cessant de voir,

Partageons pour le mieux : moi, je retiens les larmes,Garde l’espoir.

Non, je ne voudrais pas, tant je te suis unie,Te voir souffrir :

Souhaiter la douleur à sa moitié bénie,C’est se haïr.

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The lyric and French romantic poetry

Au reste, le domaine de la poésie est illimité. Sous le monde réel, ilexiste un monde idéal, qui se montre resplendissant à l’œil de ceuxque des méditations graves ont accoutumés à voir dans les choses plus que les choses. Les beaux ouvrages de poésie en tout genre, soit en vers, soit en prose, qui ont honoré notre siècle, ont révélécette vérité, à peine soupçonnée auparavant, que la poésie n’estpas dans la forme des idées, mais dans les idées elles-mêmes. La poésie, c’est tout ce qu’il y a d’intime dans tout.– Victor Hugo (1802-1885), preface to his Odes et ballades (1822)

=> The fluidity of emotions requires the freedom to express them.

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Romanticism and tensions in literature

• 1823: Stendhal, Racine et Shakespeare• 1827: Hugo, preface to Cromwell

• theatre: arguing against les 3 unités (de temps, de lieu, d’action)• ‘[…] la muse moderne verra les choses d’un coup d’œil plus haut et plus large.

Elle sentira que tout dans la création n’est pas humainement beau, quele laid y existe à côté du beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal avec le bien, l’ombre avec la lumière.’

• juxtaposition, not confusion: ‘[…] la poésie fera un grand pas, un pas décisif, un pas qui, pareil à la secousse d’un tremblement de terre, changera toute la face du monde intellectuel. Elle se mettra à faire comme la nature, à mêlerdans ses créations, sans pourtant les confondre, l’ombre à la lumière, le grotesque au sublime, en d’autres termes, le corps à l’âme, la bête à l’esprit.’

• 25 February 1830: la bataille d’Hernani• Théophile Gautier (1811-1872) and his famous gilet rouge

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Romanticism and tensions in the public sphere

• 26–29 July 1830: La Révolution de juillet / les trois glorieuses• Romantic poetry and its social potential

‘Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin’ – Gautier, preface to Mademoiselle de Maupin (1835); commonly summarized as l’art pour l’art

• Les Jeunes-France (Gautier, Gérard de Nerval, Pétrus Borel, Philothée O’Neddy)

• Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit (1842)• Gautier, Émaux et camées (1852) • Nerval, Les Chimères (1854)

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Parnassianism / le Parnasse

• a consensus, not a school– 3 volumes (1866, 1869/71, 1876); Alphonse Lemerre,

passage Choiseul, Paris 2e

–Gautier, Banville, Leconte de Lisle• impersonality, lack of emotion (‘les Impassibles’)• turning back on the present (Leconte de Lisle)• neoclassicism in content and form (cf. Banville)

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Leconte de Lisle: ‘Je hais mon temps’

J’ai beau tourner les yeux vers le passé, je ne l’aperçois qu’à travers la fumée de la houille, condensée en nuées épaisses dans le ciel; j’ai beau tendre l’oreille aux premiers chants de la poésie humaine, les seuls qui méritent d’être écoutés, je les entends à peine, grâce aux clameurs barbares du Pandémonium industriel.Les hymnes et les odes inspirées par la vapeur et la télégraphie électrique m’émeuvent médiocrement, et toutes ces périphrases didactiques, n’ayant rien de commun avec l’art, me démontreraient plutôt que les poëtes deviennent d’heure en heure plus inutiles aux sociétés modernes.[…] je suis invinciblement convaincu que telle sera bientôt, sans exception possible, la destinée inévitable de tous ceux qui refuseront d'annihiler leur nature au profit de je ne sais quelle alliance monstrueuse de la poésie et de l’industrie, c’est par suite de la répulsion naturelle que nous éprouvons pour qui nous tue, que je hais mon temps. Haine inoffensive malheureusement et qui n’attriste que moi. (preface to Poëmes et Poésies, 1855)

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Théodore de Banville respecting poetic form

Et l’outil que nous avons à notre disposition est si bon, qu’un imbécile même, à qui on a appris à s’en servir, peut, en s’appliquant, faire de bons vers. Notre outil, c’est la versification du XVIe siècle, perfectionnée par les grands poètes du XIXe, versification dont toute la science se trouve réunie en un seul livre, La Légende des Siècles de Victor Hugo, qui doit être la Bible et l’Évangile de tout versificateur français.

– Théodore de Banville, Petit traité de poésie française, 1872

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Poems in the 3 volumes of Le Parnasse contemporain

1866 1869/71 1876Théodore de Banville 2 12 24

Théophile Gautier 6 4 0 (died 1872)

Leconte de Lisle 10 1 1

1866 1869/71 1876Charles Baudelaire 16 0 (died 1867) 0

Stéphane Mallarmé 11 1 0

the big 3

2 others

1866 began with 5 by Gautier, 1 by Banville, 5 by Heredia, 9 by Leconte de Lisle

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more ‘typical’ Parnassians: minor (but still interesting) poets

1866 1869/71 1876Émile Blémont 0 0 1

Léon Cladel 0 1 3

François Coppée 5 1 6

Charles Cros 0 2 0

Léon Dierx 7 5 8

Albert Glatigny 0 4 0

José-Maria de Heredia 6 1 25

Ernest d’Hervilly 0 3 7

Arsène Houssaye 11 0 0

Louis Ménard 6 7 0

Catulle Mendès 5 7 1

Albert Mérat 8 7 4

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more ‘typical’ Parnassians: even more minor (but still interesting) poets

1866 1869/71 1876Gustave Pradelle 0 4 0

Louis Ratisbonne 0 0 2

Louis-Xavier de Ricard 10 2 1

Armand Silvestre 0 3 6

Sully Prudhomme 4 5 1

Léon Valade 5 4 4

Paul Verlaine 8 5 0

Villiers de l’Isle-Adam 3 1 0

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more ‘typical’ Parnassians: female poets (no kidding!)

1866 1869/71 1876

Louise Ackermann 0 0 1

Malvina Blanchecotte 0 1 2

Mélanie Bourotte 0 0 1

Nina Callias 0 2 0

Louise Colet 0 2 4

Louisa Siefert 0 6 6

Totals 0 11 14

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Catulle Mendès, ‘L’Absente’, Le Parnasse contemporain (1866)

C’est une chambre où tout languit et s’effémine ;L’or blême et chaud du soir, qu’émousse la persienne,D’un ton de vieil ivoire ou de guipure ancienneApaise l’éclat dur d’un blanc tapis d’hermine.

5 Plein de la voix mêlée autrefois à la sienne,Et triste, un clavecin d’ébène que domineUne coupe où se meurt, tendre, une balsamine,Pleure les doigts défunts de la musicienne.

Sous des rideaux imbus d’odeurs fades et moites,10 De pesants bracelets hors du satin des boîtes

Se répandent le long d’un chevet sans haleine.

Devant la glace, auprès d’une veilleuse éteinte,Bat le pouls d’une blanche horloge en porcelaine,Et le clavecin noir gémit, quand l’heure tinte.

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Parnassian theme: eternal beauty

Tout passe. — L’art robusteSeul à l’éternité.

Le busteSurvit à la cité. (v. 41-44)

[…]

Oui, l’œuvre sort plus belleD’une forme au travail

Rebelle,Vers, marbre, onyx, émail. (v. 1-4)

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The ‘je’ breaking apart in the 1850’s

… in 1835: ‘Il est aussi absurde de dire qu’un homme est un ivrogne parce qu’il décrit une orgie, un débauché parce qu’il raconte une débauche que de prétendre qu’un homme est vertueux parce qu’il a fait un livre de morale; [. . .] C’est le personnage qui parle et non l’auteur.’(Gautier, preface to Mademoiselle de Maupin)

… and in 1853: ‘N’importe, bien ou mal, c’est une délicieuse chose qued’écrire, que de ne plus être soi, mais de circuler dans toute la création dont on parle. Aujourd’hui par exemple, homme et femme tout ensemble, amant et maîtresse à la fois, je me suis promené àcheval dans une forêt, par un après-midi d’automne, sous des feuillesjaunes, et j’étais les chevaux, les feuilles, le vent, les paroles qu’ils se disaient et le soleil rouge qui faisait s’entrefermer leurs paupièresnoyées d’amour’ (Flaubert, letter to Louise Colet, 23rd Dec 1853)

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the Parnassian lyric subject and immobility

De tes formes parfaites,On verra les poëtes,Tourmentés par le mal

De l’idéal,

Attester par leurs charmesLe pouvoir de tes charmesEt l’immortalité

De ta beauté (v. 313-320)

Théodore de Banville, ‘Une femme de Rubens’ (Revue française, 1859, then in Les Exilés, 1874)

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for further reading (Romanticism)• Romantic poetry:

– Lamartine, ‘L’Occident’– Alfred de Vigny, ‘La Mort du loup’ – Victor Hugo, ‘Soleils couchants’; ‘Tristesse d’Olympio’; ‘Demain, dès

l’aube’– Alfred de Musset, ‘La Nuit de mai’, ‘La Nuit de décembre’

• Critical texts:– Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale vol. 1 (‘La Nature des

pronoms’, ‘De la subjectivité dans le langage’, ‘La Notion de "rythme"’)– Catherine Kerbrat-Orecchioni, L’Énonciation: de la subjectivité dans le langage.

Armand Colin, 1980. – Alain Renaut, L’Ère de l’individu: contribution à une histoire de la subjectivité.

Gallimard, 1989.

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for further reading (Parnassian poetry pt. 1)

Luc Badesco, La génération poétique de 1860. 2 vols. A.-G. Nizet, 1971.

Eliane F. Dalmolin, “Modernity Revisited: Past and Present Female Figures in the Poetry of Banville and Baudelaire,” Nineteenth-Century French Studies 25.1-2 (Fall-Winter 1996-97.

Natalie David-Weill, Rêve de pierre: la quête de la femme chez Théophile Gautier. Droz, 1989.

Catulle Mendès, Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. Imprimerie Nationale / E. Fasquelle, 1903.

Steve Murphy, ‘Versifications “parnassiennes” (?)’, Romantisme, 2/2008 (n°140), p. 67-84.

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for further reading (Parnassian poetry pt. 2)

Adrianna M. Paliyenko, Genius Envy: Women Shaping French Poetic History, 1801–1900 (2016)

Gretchen Schultz, The Gendered Lyric: Subjectivity and Difference in Nineteenth-Century French Poetry. Purdue University Press, 1999.

Seth Whidden, Leaving Parnassus: The Lyric Subject in Verlaine and Rimbaud. Rodopi, 2007 (esp. ‘The Dominance of Parnassian Poetry’, p. 17-43)

Nancy J. Vickers, “Diana Described: Scattered Woman and Scattered Rhyme,” Critical Inquiry 8.2 (Winter 1981).