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© Lionel Lizet Crédit photo : Université Bordeaux Montaigne. www .aquisuds.fr D é cembr e-2015

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© Lionel Lizet

Crédit photo : Université Bordeaux Montaigne.

www.aquisuds.fr Décembre-2015

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La Belle & la Bête

elin, 2012

© Eric Mazeau

Manuel Zapata Olivella P.4

(écrivain afro-colombien)

Il y a-t-il une rhétorique des événements? P.6

Les avantages du séjour linguistique P.8

Le mouvement folk portugais P.12

Visiter quelques coins cachés de l’Afrique P.15

Macao, une province portugaise en terre chinoise P.19

D’autres dimensions du monde arabo-musulman..... P.23

L’équipe qui a réalisé ce numéro se présente.....Directeur de La publication : Rafael Lucas

Rédacteur en chef du magazine : Farid Najah

Rédacteurs(trices) : Carolina Sierra Diaz, Pamela Nsi, Karmen Hajj, Frédéric Fernandes

Clébert Agénor Njimeni, Jacqueline Amilhac, Odile Bruzel, Ghalia et Dania

Maquettiste : Rédaction Aquisuds-Magazine

Imprimé au PPI de l’Université Bordeaux-Montaigne

Edité Par Association AQUISUDS

16 CHEMIN DE BENEDIGUE

Rés. PARC LAFITTE A 202

33400TALENCE

SIREN 791 858 491

[email protected]

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La Belle & la Bête

Dans ce numéro spécial basé sur des textes d’étudiants, le thème proposé est « Découvertes ou Faire découvrir ». La curiosité agit parfois comme un filet lancé au hasard sur des expériences inédites ou des coups de cœur. Les textes de ce numéro composent un parcours inattendu à travers des univers très variés.

De la Colombie andine, amazonienne et caraïbe, Carolina Sierra Diaz a choisi de présenter un au-teur incarnant le visage africain du métissage culturel colombien, Manuel Zapata Olivella, auteur d’un roman riche en références historiques et anthropologiques, Changô, ce sacré dieu ». Changô le terrible dieu yoruba, présent dans le Vaudou haïtien, la Santería cubaine, et la Macumba brésilienne, a fait le voyage vers l’Amérique dans la cale d’un bateau négrier. Il sera le témoin d’une histoire mouvementée dans les terres du Nouveau Monde. Frédéric Fernandes revisite pour nous la musique folk portugaise, en la distinguant du folklore du Nord du pays, popularisé dans l’immigration par ses costumes colorés et ses danses virevoltantes, sur fond d’accordéon, de cavaquinho et de grosse caisse. On connaît peu ce folk lusitanien qui s’est développé après la Révolution des Oeillets (25 avril 1974). Des compositeurs curieux ont entrepris de remettre au goût du jour plusieurs instru-ments disparus, afin de les mettre au service d’une inspiration à la fois novatrice et enracinée dans un terreau culturel bien portugais. Karmen Hajj, Libanaise arabophone, nous fait partager l’expérience de sa découverte de la langue française familière vécue au quotidien, tellement éloignée d’une francophonie officielle, institutionnelle et académique.

Suite au drame du 13 novembre 2015 à Paris, Pamela Nsi explore « la Rhétorique de l’événement », autrement dit, elle s’intéresse au style utilisé par la presse et par les acteurs politiques pour relater cette tragédie. Elle interroge aussi les stratégies et arrière-pensées à l’œuvre dans la communica-tion à propos du choc émotionnel causé par les attentats. Odile, Dania et Ghalia mettent en relief d’autres dimensions du monde arabo-musulman, ayant trait à l’énorme diversité culturelle et aux valeurs humaines, dont le pilier est l’hospitalité. Jacqueline Amilhac choisit de nous amener à Ma-cao, ancienne colonie portugaise en territoire chinois. Quelles références avions-nous sur Macao, à part « l’enfer du jeu » et un tenace parfum d’exotisme oriental ? Il y a pourtant une bien curieuse histoire derrière les stéréotypes, celle d’une longue cohabitation culturelle aux résultats étonnants. Quant à Clébert Agénor Ndjimeni, il nous entraîne à l’extrême Nord du Cameroun dans des pay-sages à la beauté quasiment irréelle ou intemporelle, digne d’un décor de cinéma. On y découvre des pratiques culturelles surprenantes par leur double aspect de particularisme et d’universalité. Il évoque aussi avec humour les malentendus cocasses résultant d’une mauvaise compréhension du langage amoureux chez les Mossi du Burkina Faso., comme par exemple la gaffe éliminatoire que l’on commet si l’on offre des ailes de poulet à la personne que l’on veut séduire…

Par Rafael Lucas

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Chan-gó, ce sacré dieu

Manuel Zapata Olivella : mémoire littéraire du métissage et de la diaspora

africaine en Amérique

Mûlatre et Zambo en même temps, j’ai la fièvre africaine dans les yeux, et l’ombre indienne dans l’âme.

(ZapataOlivella,1991,p.391)

Manuel Zapata Olivella né le 17 mars 1920 à Lorica près de la côte caribéenne en Colombie, décédé le 19novembre 2004 à Bogota, est un écrivain, médecin, anthropologue, folkloriste, et intellectuel qualifié de « Doyen de la littérature afro- hispanique». Zapata Olivella est aussi un des romanciers les plus importants de la littérature afro-colombienne du XXe siècle. Cleotilde son arrière-grand-mère paternelle, était une femme noire qui fut marquée au fer rouge. Son père, Antonio María Zapata était un mulâtre qui créa l’école de la «Fraternité» à Lorica, puis à Carthagène, où Zapata Olivella entame ses études. Sa mère Edelmira Olivella, était fille d’une indigène et d’un catalan. Elle lui apprend à «ne pas transgresser la parole des per-sonnes âgées, la mémoire des défunts, et la loi de la tribu» . La variété des racines ethniques et culturelles de Zapata Olivella enrichit extraordinairement sa quête littéraire et folklorique aussi bien que ses œuvres.

Le choc de la ségrégation

En 1939 il entame des études de médecine à l’Université Nationale de Bogotá, où on le surnomme « le noir ». Il est confronté à la ségrégation ethnique qui provoque en lui une certaine crise d’identité. Zapata Olivella se perçoit lui-même comme un « spirit vagabond », il arrête donc ses études de médecine et décide de parcourir à pied la Colombie, puis le Panamá, le Guatemala, le Nicaragua, le Mexique et finalement les États-Unis. Ce parcours à pied à travers ces différents pays de l’Amérique, lui permet de prendre conscience de la problématique de ségrégation ethnique envers la population afro-descendante. Cela suscite en lui un grand désir d’étudier en profondeur l’Histoire des Africains en Amérique. En 1947 il publie son premier roman «Tierra Mojada » (Terre mouillée), et termine ses études de médecine. Avec sa sœur Delia Zapata, il crée le Groupe de Danses Folkloriques en 1954. Ils explorent l’expression des ancêtres africains à travers la danse, la musique et le théâtre. Ce groupe connaît la célébrité et contribue à la reconnaissance nationale et internationale de la culture colombienne, avec des représentations en Amérique, en Asie et en Europe.

Parcours universitaire

Entre 1978 et 1985 Zapata Olivella organise les premiers congrès de la culture noire des Amériques. Il est professeur invité de différentes universités comme celles de Howard, du Kansas et de Toronto au Canada. Zapata Olivella est l’auteur des nombreux romans dont les plus connus sont : Pasión vagabunda » (passion vag-abonde, 1948), La calle 10 » (la rue 10, 1960), Chambacú, corral de negros, Chambacú, enclos de Noirs, 1963).Son œuvre littéraire reflète la vision d’un Noir. Il s’intéresse particulièrement à l’oppression et à la résistance des Noirs en Amérique. Malgré la valeur et l’importance de ses livres à caractère afro, très peu d’entre eux ont été traduit en français et en anglais. Parmi les traductions en français, nous trouvons : « Lève-toi, mulâtre !: l’esprit parlera à travers ma race» (1987) , « Un saint naît à Chima» (1991) et « Chango, ce sacré dieu » (1991).

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Chan-gó, ce sacré dieu

30 dalles, béton, peinture dorée, L 180 x l 90 x h 10 cm (1 dalle)

Changó, ce sacré dieu

« Changó, el gran putas » (Chango ce sacré dieu) est publié en espagnol en 1983, et puis en fran-çais en 1991, par la maison d’édition Miroirs. Considéré comme le chef d’œuvre de Zapata Olivella, Chango ce sacré dieu est le fruit de vingt ans de recherche. Dans ce roman nous suiv-ons le voyage de Chango , un dieu yoruba, et guerrier africain qui s’embarque dans un navire négrier avec les africains condamnés à chercher leur liberté dans le Nouveau-Monde. Avec plus de cinq cents pages, et divisé en cinq parties, le roman explore l’Histoire en mettant l’accent sur la résistance et les pratiques africaines pen-dant et après l’esclavage en Amérique. Autre-ment dit, Chango, est une tentative pour com-prendre l’Histoire à partir du point de vue des Africains. L’écrivain colombien intègre quelques notions de philosophie africaine Muntu pour les transformer et les adapter aux besoins narratifs de son roman ; c’est ainsi que Zapata Olivella

propose dans son roman Le Muntu Américain : « Mountou signifie homme libre et libre et libérateur »(Zapata Olivella, 1991, p. 537). Ce roman peut également être considéré comme un roman total-isant, étant donné qu’il offre une version littéraire de l’histoire des Africains en Amérique ; une angois-sante aventure qui comprend plus de trois siècles d’Histoire. Le travail de recherche de Zapata Olivel-la lui permet de lier connaissance avec des intellectuels qui s’occupent d’intérêts similaires : Langston Hughes, Aimé Césaire, Nicolas Guillén, Léopold Sédar Senghor, Franz Fanon, León Damas et Édourad Glissant. Des mouvements culturels tels que la Negro Renaissance de Harlem aux États-Unis, et la Négri-

tude en France ont contribué au développement de l’homme africain dans les romans de Zapata Olivella.

Un regard nouveau sur la culture africaine en Amérique Latine

Enfin, Zapata Olivella est l’un des premiers écrivains colombiens à mettre en avant et à explorer la cul-ture africaine dans le domaine littéraire. À travers son œuvre, l’écrivain fait revivre et valorise la culture africaine en la positionnant comme une des plus importantes composantes du nouvel homme américain. L’œuvre de Zapata Olivella porte un regard historique et philosophique qui nous renvoie à la magnifi-cence africaine, magnificence méconnue pendant de très longues périodes d’Histoire latino-américaine.

Par Carolina Sierra DiazJosé Luis Garcés(Garcés, 2002) Traduit de l’espagnol par l’auteur de cet article:“no transgredir la palabra de los mayores, la memoria de los difuntos, ni la ley de la tribu”

Chango fait partie des divinités afro, dans les traditions religieuses yoruba ; dieu de la guerre, la fécondité, et la danse.

RéférencesGarcés, G. J. (2002). Manuel Zapata Olivella, Caminante de la literatura y de la historia.Bogotá: Ministerio de Cultura.

Zapata Olivella, M. (1991). Chango, ce sacré dieu. Condé-sur- l’Escault: Miroirs.

Zapata Olivella, M. (2010). Changó, el gran putas. Bogotá : Ministerio de Cultura .

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© Carolina Sierra Diaz

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Il y a-t-il une rhétorique des événements ?

…Et la parole fut !

Je suppose que les anciens, parmi lesquels Aristote, « précurseur » de la « Rhétorique ancien-ne », n’avaient pas mesuré la portée de la stratégie oratoire sur l’imaginaire du monde moderne.

L’une des particularités du modernisme, est la question de la puissance des mass média, sous toutes ses for-mes. Considérés comme quatrième pouvoir, leur omniprésence dans les pratiques sociales s’est embrasée dans la conscience collective, au point de devenir un fait culturel. Les médias dictent le jeu dans la fabrication ou la manipulation de l’opinion publique. L’événement détermine une formulation linguistique particulière qui influe sur l’opinion publique. On ne peut nier l’apport des médias dans la rhétorique de l’événement,

la persuasion est le fondement de la rhétorique. Elle structure la prise de parole de manière à gagner l’ad-hésion des lecteurs ou de l’auditoire. Je découvre alors qu’il n’y a aucune prise de parole fortuite car il s’agit d’influencer la perception du récepteur de l’information en lui montrant une certaine réalité des choses. De ce fait, la diffusion médiatique et le discours politique sur un évènement sont inévitable-ment liés à l’acte langagier. Ils ne peuvent être dissociés des techniques de prise de parole ni prétendre à un traitement purement objectif d’une information. Un bon usage technique de la parole modifie no-tre perception des choses, notamment la réception des discours politiques et de l’actualité médiatique. Je suis très étonnée de constater que mon quotidien est alimenté par l’évènement que ma radio, ma télé

ou mon réseau social veulent bien me donner. Il y-a-t-il une rhétorique de l’évènement ? Certainement !

Dis-moi ce que tu regardes et entends, je te dirai qui tu es !

« Cette fois, c’est la guerre » ; « La Guerre à Paris », « La Terreur à Paris »…Voilà les grands ti-tres de journaux qui ont alimenté mon quotidien cette semaine du 13 au 20 novembre 2015.

Ces formulations médiatiques présentent une forte résonance de guerre et de terreur collective, relevant la spécificité des « évènements du Bataclan » et de « l’Assaut des forces de l’ordre ». On privilégie des formulations interpellatives. Je remarque qu’elles ont été écrites en gras, entre guillemets et en première page, ce qui peut être fortuit ou normal pour un lecteur lambda. Néanmoins ce sont des procédés rédac-tionnels qui servent à orienter le lecteur sur l’importance de l’évènement, en jouant sur son émotivité.

On observe un double phénomène. D’abord, l’événement, lorsqu’il est médiatisé, exerce un lourd impact sur la mé-moire collective. Puis il s’inscrit dans l’histoire en acquérant une forte dimension symbolique et sacrée. Comment les évènements tels que « la viande de cheval », «les attentats de Charlie Hebdo »etc., ont-ils gagné en importance, si ce n’est par l’utilisation de nombreux procédés d’amplification, ou procédés hyperboliques, dans le récit des mass media.

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La rhétorique de l’information

Il n’est pas question de négliger l’ampleur et les conséquences des crimes qui ont frappé la France cette année. Il s’agit de voir comment l’évènement prend un sens plus marquant à partir du moment où il fait l’objet d’une « dif-fusion », ou d’une « sur-diffusion », voire d’un matraquage de l’information. La rhétorique consiste également à solliciter l’imaginaire psy-chologique. Ce sont les medias, dans le cas de notre relecture du 13 Novembre, qui décident de la particularité des faits. La dimension rhéto-rique s’établit sur la « surévaluation » ou la « su-rinterprétation » d’un événement et du discours tenu autour de celui-ci.

Observons quelques réactions politiques : Valls : «Nous allons vivre longtemps avec cette menace terroriste». Marine Le Pen : «Les Français se réar-ment psychologiquement en récupérant une lucidi-té sur la situation du pays. Les attentats ont mon-tré que beaucoup de choses qui auraient dû être faites ne l’ont pas été. », sans parler de formules telles que: « Etat Islamique » ; « Daesh » ; « Etat d’urgence » ; « Attentats de Paris ». En somme, la rhétorique employée par les acteurs politiques consiste à orienter la manière dont le public per-çoit les événements tragiques de novembre.

Il convient également d’observer les formules produites, sous forme de groupes nominaux, autour de l’évènement : « Etat d’urgence », « Fermeture des frontières ». La nomination des événements, sur le plan linguistique, des construit à elle seule cette rhétorique. L’utilisation répétée de l’hyperbole par exem-ple renforce l’aspect dramatique. L’évènement se trouve alors dénaturé, accentué, reformulé et débattu, dans l’espace public. La rhétorique dramatisante de l’événement finit par modifier le comportement de la population et ses rapports à l’espace public. L’omniprésence des médias change radicalement la per-ception d’un individu. Le fonctionnement des médias actuels ne se focalise plus sur les règles des cinq W (Who, What, When, Where, Why). Le média ne se limite pas à informer le spectateur, il modifie son rapport au monde. Nous avons pu faire une « relecture » de l’évènement du 13 novembre, à travers les discours qui ont été tenus autour de celui-ci. Les médias ont d’abord décrit l’ampleur d’une telle « ter-reur » ; puis, ils ont orienté l’interprétation et la compréhension des faits. Il y a de leur part comme une forme de construction langagière propre à chaque évènement, qui vise à formater l’opinion commune.

Par Pamela Nsi7

© Pamela Nsi

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François

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Les avantages du séjour linguistique pour le perfectionnement d’une deuxième langue

L’acquisition d’une langue étrangère est un processus long et complexe. Ce secteur de recherche est étudié depuis les années 70. Il est aujourd’hui à la charnière entre la didactique et la linguistique. De nombreux travaux ont contribué au développement de ce domaine notamment pour ce qui est de l’acquisition d’une seconde langue (les travaux HPD : Klein & Dittmar 1979 ; ZISA : Clashen, Meisel & Pienemann, 1983 et ESF : Klein & Perdue, 1992 ; Perdue 1995, etc.). Ce domaine m’intéresse tout particulièrement en tant que doctorante étrangère en Science du langage et ayant eu le Français comme deuxième langue.

Dans cet article, j’aimerais partager avec vous un aspect intéressant que j’ai vécu au cours de mes études en France. Ainsi, je porterai une attention particulière au contexte naturel qui constitue un facteur primordial dans l’acquisition des compétences socio-pragmatiques d’une deuxième langue. De plus, je m’intéresserai à mettre en relation l’appropriation du français deuxième langue en milieu guidé avec son acquisition en milieu naturel.

Acquisition et apprentissage d’une languePlus de 6912 langues existent dans le monde, toutefois, le concept d’acquisition d’une langue est com-mun à toutes les langues. Selon Chomsky (1960), il s’agit d’un dispositif biologique inné nous permet-tant d’acquérir notre première langue. Ainsi, un enfant acquiert sa langue maternelle sans aucune diffi-culté, il passe d’abord par ses parents et commence à parler au fur et à mesure, sans même connaître les règles de celle-ci, contrairement à un enfant qui est en train d’apprendre une deuxième langue à l’école.

D’ailleurs, il convient de faire la distinction entre «acquisition» et «apprentissage». Le pre-mier terme désigne «un processus cognitif, inconscient, non planifié, non observable» par lequel passe l’apprenant d’une langue étrangère pour perfectionner ses connaissances en cette langue en mi-lieu naturel. Par contre, le mécanisme de l’apprentissage d’une langue étrangère se fait d’une manière consciente, planifiée et dans un contexte artificiel, comme par exemple les institutions scolaires.

Dans les cadres institutionnels, l’apprentissage du français deuxième langue passe es-sentiellement par l’enseignement des règles de la grammaire, du vocabulaire pour se trouver al-ors, face à une langue figée. En revanche, ce n’est qu’en milieu naturel que l’on découvre un nou-veau parler français beaucoup plus dynamique et mouvant que celui que l’on apprend à l’école.

D’après mon expérience personnelle en France, je peux affirmer qu’être en contact avec le fran-çais naturel et échanger avec des natifs français est très bénéfique pour améliorer nos connais-sances en cette langue et à tous les niveaux : phonétique, syntaxique, lexical, pragmatique, etc.

A la découverte du français familier : taf, bouffe, bof, mec, fric…En effet, après avoir suivi une formation scolaire et universitaire francophone au Liban, j’ai eu l’occasion de voyager en France pour poursuivre mes études supérieures. Donc, j’ai appris le Français dès mon plus jeune âge. Pourtant, durant les séances de Français, nous travaillions la grammaire, l’orthographe, la lec-ture, etc. et très rarement l’oral. Ce qui fait que l’on connait bien les règles de la langue française mais faute de pratique, nous rencontrions des difficultés à les appliquer automatiquement en communicant, d’où la fréquence et le grand nombre d’erreurs à l’oral. De plus, on étudiait le français détaché de ses faits cul-turels, ce qui explique les malentendus qui arrivent durant une conversation exolingue ou le fait qu’on ne comprend pas l’humour français ou certaines expressions dont la majorité est liée à la culture française.

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Une fois en France, j’étais choquée par la grande différence qui existe entre les différents niveaux de langue. Le français courant que j’ai appris à l’école diffère du français familier parlé par les Français, que ce soit au niveau lexical, syntaxique ou même phonétique. Ces derniers recourent à des usages spécifiques. Ils abrègent ou mangent souvent les mots et les verbes («dispo» au lieu de» disponible», «appart» au lieu de «apparte-ment», «chui» à la place de «je suis», «t’es» à la place de «tu es» etc.). Ils emploient des expressions et des termes familiers (le taf, la bagnole, bosser, la bouffe, bourré, chialer, les chiottes, mec, fric, flic, poser un lapin, s’occuper de ses oignons, avoir la pêche, les carottes sont cuites, avoir un chat dans la gorge, etc.). Ils omettent la particule «ne» quand il s’agit d’une négation («je sais pas» à la place de «je ne sais pas») et recourent à des onomatopées comme : bam, bof, tac tac, etc.). En plus, ils émaillent leurs propos de termes tels que : ben oui, ah bah oui, hein, eh bé)

Au début, je n’osais pas parler pour éviter d’être critiquée par les Français en disant des mots que eux n’utilisent pas souvent dans leurs conversations, tels que : «pour cela» au lieu de «pour ça», «car» au lieu de «parce que» … ou encore de déformer la prononciation d’un mot en roulant le «r».

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© Karmen Hajj

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Influences linguistiques réciproques

Il m’a fallu du temps pour m’habituer à ce nouveau type de langage et pour parvenir à parler aisément en français. Durant la première période de mon séjour, je ne pouvais pas cacher mon embarras quand quelqu’un lançait un mot ou une expression que je ne comprenais pas ou si quelqu’un me corrigeait quand je m’étais trompée de mots. Tout cela m’a vexée au début, surtout parce que je faisais à cette époque, un Master en Lettres Modernes. Il était pour moi scandaleux de commettre des erreurs en Français. Mais, j’ai compris plus tard que l’erreur est humaine et qu’il est normal de faire des erreurs dans une langue qui n’est pas la sienne. Plus tard, j’ai été rassurée de me rendre compte que mon Français oral était en entrain de s’améliorer et de s’enrichir.

Evidemment, lors d’une situation communicationnelle avec un natif Français, de nouveaux concepts et des valeurs symboliques entrent en jeu et s’affrontent avec ceux de ma langue maternelle. Par conséquent, mon L1 influe sur mon L2. Cela se traduit par le biais des emprunts, des interférences et des transferts que j’effectue de mon L1 vers la langue cible. Néanmoins, l’influence peut être dans les deux sens : le français commence à influer sur ma langue maternelle au niveau de l’ordre des mots, de l’organisation de la phrase, des métaphores, des proverbes, etc. Je lance des mots français dans une conversation qui se déroule en-tièrement dans ma langue maternelle ou je formule une phrase calquée sur le Français ou encore j’emploie des interjections pour exprimer mon étonnement ou ma déception, tels que : Oh la la !, bof, tac tac, etc.

Vivre dans un contexte purement francophone m’a permis de découvrir les faits culturels liés à la langue française. Autrement dit, la culture française m’a permis de mieux comprendre le fonc-tionnement de la langue de Molière. Ainsi, je me sens plus à l’aise aujourd’hui quand j’entame une conversation en Français et je n’ai plus honte de demander le sens d’un mot ou d’une expression dont j’ignore le sens. Donc, s’intégrer dans la société française, découvrir sa culture, ses rites, ses traditions, sa gastronomie, est la meilleure méthode pour maîtriser et développer des compétences langagières.

La langue ne peut être dissociée de son contexte culturel

La langue ne peut donc pas être dissociée de son contexte culturel. C’est en milieu naturel que l’on acquiert les compétences socio-pragmatiques nécessaires pour comprendre certains usages propres à la langue fran-çaise. Prenons par exemple l’usage du conditionnel : ce n’est qu’en France que j’ai bien compris comment l’utiliser de façon appropriée. Il est employé pour atténuer une demande, pour exprimer un regret, donner un conseil, etc. De même, comme le concept de vouvoiement et tutoiement n’existe pas dans ma culture, j’avais tendance à tutoyer tout le monde au début de mon séjour… Tous ces indices m’amènent à constater que l’on apprend une langue en communicant. Cependant, la conversation exo lingue doit être constructive dans le sens où le natif intervient par un mouvement «d’hétérostructuration» pour corriger un non-natif et ce dernier doit comprendre la correction et l’intégrer à son discours par un mouvement de «double d’interprétation».

De ce fait, l’acquisition dépend du contexte et le contexte influe sur l’acquisition. Je me suis aperçu récemment qu’en parlant français, j’ai tendance à adopter des conduites langagières adéquates aux com-munautés françaises. Ces conduites langagières se traduisent par l’omission de «ne» dans «ne ... pas» quant il s’agit d’une négation dans une situation formelle, par l’usage des mots et des expressions familières, j’ai même tendance à ponctuer mes propos par des expressions du type : «ça alors !», «ah oui ?», «eh bé !», etc.

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Nous recourons également à des variations sociales pour marquer notre intégration dans la so-ciété libanaise. Par ailleurs, dans un contexte naturel, nous remettons en question les normes sco-laires selon lesquelles par exemple, nous sommes obligés d’utiliser les deux termes de la négation.

Par conséquent, ce contexte naturel a une importance majeure dans l’acquisition conceptuelle. Il nous per-met de comprendre comment le Français encode ces concepts à partir des structurations ou des mécanismes cognitifs. Ces compétences socio-pragmatiques sont difficiles à acquérir dans un cadre institutionnel, d’où l’importance du séjour linguistique dans la société dont il est question. Toutefois, on ne peut pas renier l’importance de l’enseignement scolaire qui permet de maîtriser les règles de la morphosyntaxique. Si nous prenons par exemple le concept de tutoiement et vouvoiement, cela suppose l’apprentissage de la conjugaison française et une maîtrise incomplète de celle-ci peut avoir des effets contraignants sur l’usage du «tu» et «vous».

Avantages et inconvénients de l’acquisition de la langue en milieu naturel

Pour conclure, le contexte d’acquisition demeure l’un des aspects les plus importants dans l’acquisition d’une L2. Le milieu naturel est un lieu d’acquisition pour tout apprenant qu’il soit guidé ou non, du fait qu’il le met en contact direct avec la deuxième langue et contribue à son développement. Avec le progrès des moyens de communication, l’étudiant guidé pourrait aussi être en contact avec la langue et la culture française via Skype. Il est à la mode aujourd’hui de skyper avec des natifs pour améliorer son niveau de langue ou bien par le biais des sites qui cherchent à promouvoir la langue de Molière comme TV5MONDE. Cependant, on ne peut pas renier l’importance des milieux guidés qui permettent à l’apprenant de maîtriser le code écrit de la langue et les mécanismes morphosyntaxiques de la phrase ainsi qu’à structurer ses énoncés. Donc, ces deux processus se complètent pour permettre aux apprenants d’une L2 d’atteindre un niveau de fluidité très élevé. D’ailleurs, d’autres facteurs d’ordre social, cognitif et affectif interviennent pendant l’acquisition ou l’apprentissage d’une deuxième langue, comme l’âge, la motivation, le désir d’apprendre, la capacité d’apprendre, etc.

Pour finir, l’acquisition des langues étrangères dans un milieu naturel, si elle est très avan-tageuse, ne participe-t-elle pas aussi à déformer le langage chez les apprenants qui s’approprient des pratiques langagières plus ou moins bénéfiques comme l’usage des mots familiers par exemple ?

Par Karmen Hajj

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Le mouvement folk portugais

En matière de musique portugaise, seul le fado a réussi à se frayer un chemin jusqu’à la scène in-ternationale. Une fois n’est pas coutume, l’arbre parvient à cacher la forêt. Mais d’autres styles mu-sicaux originaux existent pourtant dans cet ancien royaume péninsulaire ; ils méritent que l’on s’y intéresse. Certains deviennent le support vivant des aspirations populaires. Tel est le cas du mouvement folk portugais qui s’est imposé par ses qualités musicales intrinsèques, sa capaci-té à réanimer un patrimoine culturel et historique, et sa tendance à être un outil de revendication.

Un folk non folkloriqueLe mouvement folk est apparu au cours de la deuxième moitié du vingtième siècle et a pour caractéristique fon-damentale de puiser dans le patrimoine culturel et populaire ses sources d’inspiration. Il emprunte son nom au terme anglais « folk » signifiant peuple, et il y reste viscéralement attaché. Il se distingue de la musique dite « folk-lorique » par le fait qu’il ne se borne pas à donner une représentation figée dans le temps d’une tradition culturelle, mais cherche plutôt à donner naissance à des créations originales en s’inspirant de l’héritage culturel existant.

La tradition inspire l’innovationAinsi, le mouvement folk revisite le patrimoine musical régional, pour alimenter de nouvelles composi-tions, souvent ancrées dans un « terroir » culturel particulier. Il peut s’inspirer des structures ou des mé-lodies d’airs traditionnels, ou faire appel à des instruments spécifiques. Les instruments traditionnels clas-siques (tel le violon, la cornemuse, la vielle à roue) ou régionaux (flûte à trois trous, tambourin, rebec, banjo, cavaquinho, bandolim ou gaitas) sont privilégiés, permettant de revenir à des sonorités plus typées et d’interpréter un répertoire spécifique. Néanmoins le mouvement folk garde son ouverture et accueille des instruments électriques ou issus d’autres traditions et culture, toujours prêt à se réinventer et se métisser.

Une musique de contestationAncrée dans le passé, la musique folk a pour caractéristique d’être porteuse de revendications actuelles. Ainsi, au Portugal, elle fait irruption dans la fin des années 60, en plein Estado Novo, une dictature con-servatrice instaurée par Antonio de Oliveira Salazar. La propagande d’État favorisait alors les thématiques d’inspiration traditionnelle, idéalisant un Portugal rural, humble mais attaché à son identité multiséculaire. Une partie de la littérature, de la musique (le fado par exemple), des arts plastiques, du cinéma ont été ré-cupérés pour faire l’apologie des idéaux du régime. Néanmoins, le mouvement folk, quant à lui, apparaît à cette période d’oppression comme un espace de contestation, refusant de laisser le loisir à la dictature d’accaparer le patrimoine culturel du pays. Des artistes engagés comme José Afonso, s’inspirent du patrimoine poétique laissé par les troubadours du Moyen Âge, reprenant leur simplicité et la structure particulière de leurs compositions (répétitions musicales au niveau des vers, reprise de genres comme la balade), pour re-vendiquer l’émancipation politique. Ainsi, le 25 avril 1974, ce fut une chanson du Trobador (José Afonso) qui fut diffusée sur les ondes de Radio Renascença pour donner le départ de la révolution des Œillets. Cette chanson, Grândola Vila Morena, devint l’emblème de la révolution des capitaines du mouvement des forces armées (MFA) qui a renversé le régime qui les envoyait en Afrique livrer une guerre coloniale sans fin.

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Rappelons que certains soldats mobilisés dans les colonies exprimaient également leur contestation à trav-ers la musique. Sur les ondes des radios indépendantistes, ou bien le soir, autour des feux de camps, une guitare accompagnait la voix d’un chanteur qui, à travers des paroles plaquées sur des airs populaires en vogue, s’indignait de l’absurdité de la guerre où on l’avait entraîné de force. Ainsi dans le nord du Mo-zambique, le Cancioneiro de Niassa, un recueil de ballades et de fados de protestation, circulait-il clan-destinement entre les soldats excédés, le terme cancioneiro faisant référence aux recueils manuscrits qui incluaient au Moyen Âge les poèmes et chansons des troubadours. Dans les années qui suivirent, des mu-siciens comme Julio Pereira feront la part belle aux instruments d’origine portugaise, ce dernier les célé-bra avec desdisques comme Cavaquinho (1981), Os sete instrumentos (1986) ou O meu bandolim (1992).

Miranda do Douro : le folk revisité . Les décennies ont passé et la société portugaise a beaucoup changé; mais au 21ème siècle, dans un monde qui se globalise, la musique folk continue de soutenir les aspirations populaires. De part sa nature an-crée dans un terroir et dans une culture, le folk constitue un formidable étendard de la revendication de l’identité régionale. Dans le Nord-Est du pays à la frontière avec la Castilla y Léon voisine, dans la région de Miranda do Douro, une culture et sa langue s’affirment à travers la musique. En faisant résonner de nou-veau les instruments traditionnels, en chantant en mirandais (dialecte régional) et en exhumant des textes issus d’antiques manuscrits, des musiciens comme les Galandum Galundaina ou les Roncos do Diabo re-vendiquent fièrement leurs racines culturelles. Autour de cette musique, c’est toute une tradition qui subsiste et s’expose au travers de festivals et de manifestations culturelles, tels les défilés de masques traditionnels.

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© Frédéric Fernandes

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Une musique porte-parole

En cette période de récession économique, le peuple portugais est confronté à une austérité durable. Les jeunes vivent dans la précarité, les anciens ne bénéficient que de misérables pensions. En compagnie de nouveaux styles musicaux plus urbains issus du rock et du hip-hop, le folk continue à faire résonner les protestations populaires. C’est ce que l’on peut noter à travers certains titres du groupe Deolinda, qui évoquent la lutte quo-tidienne de toute une génération déshéritée, le tout à travers des inspirations puisées dans le fado et la musique traditionnelle. D’autre part des artistes comme Antonio Zambujo réinventent le fado en le métissant avec des musiques brésiliennes et avec des techniques vocales issues du Cante Alentejano (récemment répertorié dans le patrimoine immatériel de l’Unesco). Le folk, en faisant résonner les fondations culturelles des peuples, par-vient ainsi à interpeller. Il profite de cette proximité pour être plus qu’un divertissement. Il questionne l’audi-teur sur sa projection dans l’avenir. Protéiforme, se renouvelant constamment, tout en étant lié aux racines qui l’alimentent, le folk se fait le porte-parole des aspirations du peuple et vous invite à la découverte du patrimoine qui l’a façonné. Je vous invite également à découvrir la variété de la musique traditionnelle portugaise avec le projet « A música portuguesa a gostar dela própria », qui a pour but la réalisation d’un documentaire sur la mu-sique portugaise sous toutes ses formes : populaire, traditionnelle, contemporaine, intimiste ou cosmopolite.

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© Frédéric Fernandes

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Visiter quelques coins cachés de l’Afrique Entre frissons et émerveillement

Un vieil adage africain dit qu’un homme qui a parcouru cent villag-es a la sagesse d’un vieillard de cent ans. Lamartine disait plus poé-tiquement : « il n’y a d’homme complet que celui qui a beaucoup voy-agé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie. »

« L’homme fait le voyage, le voyage fait l’homme »

Qui connaît les mœurs des peuples Mossi du Burkina Faso en Afrique de l’Ouest ou qui a parcouru les régions du Nord et de l’Extrême-nord Cameroun a nécessairement vécu des aventures édifiantes, révélatrices de la profond-eur de la notion de l’altérité. C’est dans les impasses de la différence que se manifeste le mieux l’idée de l’universel. C’est également dans la confrontation avec les particularismes que le « global » s’enrichit. Les aventures n’ont véritablement de sens que lorsqu’elles sont chargées d’émotions et qu’elles nous font découvrir la magie de notre expérience intérieure, personnelle. Comme disait Montaigne « l’homme fait le voyage, le voyage fait l’homme ».

Entre mythe et magie : les mystères du paysage

J’allais à la faveur d’un jour chaud et ensoleillé voir planer sur ma conscience cette onde ténébreuse qui est un peu de la frayeur mêlée à de l’indignation et de l’incompréhension. Et bien oui ! De mon tempérament de curieux infatigable, j’allais bientôt constater que j’ai vécu trois années pleines dans les régions du Nord et de l’Extrême-nord Cameroun, du côté de Maroua. J’ai sillonné les coins et les recoins à la recherche de ce que cherchent les touristes, le plaisir de découvrir des contrées et les cultures inconnues. Vous ne le devinez pas ! Au bout d’un voyage au rythme des routes africaines, l’on est rapidement séduit par ce paysage féérique de Mindif où trône, au cœur de la ville, un énorme pic que les touristes épris de fantastique et de mytholo-gie grecque compareraient au phallus d’un dieu mal aimé de l’Olympe, et dont Zeus aurait figé l’organe reproducteur pour l’éternité afin de le punir d’avoir convoité la même mortelle que lui. L’on est ensuite emporté par la magnificence du paysage de Rhumsiki et de Kapsiki avec leurs rochers aux formes si mosa-ïques et régulières que même le pinceau de Picasso aurait peine à reproduire. Ce sont de véritables décors édéniques qui auraient pu être taillés par Hermès lui-même avec les outils sortis de la forge d’Héphaistos.

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Cocktail d’envoûtement et heureuses cicatrices

On est également saisi par le folklore qui montre bien la puissance suggestive d’une culture riche en cou-leurs. Je retiens à titre d’exemple chez les Toupouri, la danse au bâton, le gourna. Il est proscrit de se tromper de pas de danse; sinon, l’on reçoit du suivant immédiat un coup de bâton sur la tête ou sur le dos ! Chez les Guidar, la danse des seins exécutée par des vierges qui offrent sans complexes et dans un rythme mi-endiablé mi-noble, les douceurs d’une beauté sans pareil. Je ne parlerai pas de leur mine mi-naïve mi-coquine qui donne aux rondeurs généreuses de leurs seins nus, mis en exergue par les ondulations régulières de leur buste, la puissance d’un je ne sais quoi d’indescriptible, le tout formant un cocktail d’envoûtement. Je n’en suis pas sorti sans d’heureuses cicatrices : j’ai pris pour épouse une de ces vesta-les. Je crois que c’est cela être heureux. Pour être heureux, je l’étais comme d’ailleurs aujourd’hui encore.

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© Clébert Agénor Njimeni

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Plus ou moins brûlés par le soleil

Toutefois, ma curiosité toujours aussi fertile m’amena à observer qu’au milieu de tant de rêves, ces régions « produisaient » des gens d’un noir ébène Serait-ce parce que le soleil les aurait brûlés, comme dirait la ro-mancière Calixthe Beyala ? Car il fait en effet une chaleur caniculaire une bonne partie de l’année, donnant un aspect désertique à ces régions. On y rencontre aussi des gens au teint clair, les Bororo. Là-bas ne dites jamais à des Peuls qu’ils sont apparentés à des Bororos…. Ils en seront fort irrités … car les Bororos sont considérés à leurs yeux comme des primitifs se plaisant à vivre loin de la «civilisation»…. Je ne parlerai pas de certains habitants de la montagne reconnaissables par leurs innombrables balafres sur le visage, on aurait dit des suppliciés. Cependant ce serait se méprendre sur eux car ces traces représentent des marques excep-

tionnelles de beauté…

Le noir destin des albinos Je disais donc que j’avais rencontré de nombreux types humains mais jamais un seul albi-

nos, qui pourtant constitue un type certes pas présent en grand nombre, mais assez visible tout de même dans toutes les régions du Sud du Cameroun d’où je viens. Vous souvenez-vous de cette onde ténébreuse et paralysante que j’ai évoquée précédemment ? J’ai connu ce sentiment des plus lourds, des plus pesants, en apprenant que les enfants qui naissent démélaninés (albinos), sont considérés comme maudits et tués sur le champ ! Une croy-ance, bien malheureuse, me semble-t-il, considère qu’ils ont été conçus pendant que leur mère était en pleine menstruation. Ceux qui connaissent bien les cultures et les croyances musulmanes (c’est ce que j’ai appris et espère n’avoir pas mal compris) savent qu’une femme, durant cette délicate période qui pourtant fait partie de son existence, est con-

sidérée comme impure. Je n’en dirai pas plus. Je dois dire que cette coutume me blesse profondément. Pas pour les femmes en période dite « d’impureté » mais pour les enfants qui meurent parce qu’ils sont blancs (quand je pense que certaines personnes bien noires s’évertuent à se blanchir la peau, à grand renfort de lo-tions spéciales…) C’est vrai que je n’ai pas interrogé sur ce cas de figure d’enfant bien noir à la naissance et devenu blanc une fois grand…). Mais, le baume qui a apaisé mon cœur est bien l’idée que les rencontres des cultures différentes permettent de repenser nos propres manières de vivre, de voir, de penser. Optimiste non ?

L’albinos

De Tiako Youadjeu Christian (Auteur)

Publié par Harmattan

Publié le : mardi 14 octobre 2014

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ALBINOS

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Pic de Mindif «Dent du Chien»

Du danger des ailes de poulet dans le langage amoureux des Mossis

Comme j’ai évoqué les peuples Mossi de l’Afrique de l’Ouest, comment ne pas partager cette autre expéri-ence. J’apprendrai à la suite d’un séjour au Burkina Faso, qu’en matière d’amour, les langages sont tant et si bien variés qu’ils pourraient rendre perplexe le grand linguiste Ferdinand de Saussure. Vous imaginez-vous en train de parler le langage de l’amour sans dire le moindre mot et seulement en partageant un repas ? Eh bien oui ! Chez les Mossi c’est de l’ordre du naturel. Invitez votre petite amie, copine ou compagne au restaurant et offrez-lui des ailes de poulet à manger. C’est non seulement l’expression de la fin de votre relation amoureuse, mais c’est également l’acte qui la congédie. Au terme du repas, vous êtes en quelque sorte divorcés ! En revanche, ne me demandez pas à quoi ça rime d’offrir le dos du poulet à manger à une jeune dame que vous invitez pour la première fois! Comme on dit au Cameroun : « C’est dans ma bouche que vous voulez prendre ?»… Si vous

tenez à le savoir, rendez-vous au Burkina, invitez-une au resto, offrez-lui le dos du poulet et, waouh !!!!!!!!!!!!!!!

Par Clébert Agénor Njimeni

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Pic de Mindif «Dent du Chien»

Du danger des ailes de poulet dans le langage amoureux des Mossis

Comme j’ai évoqué les peuples Mossi de l’Afrique de l’Ouest, comment ne pas partager cette autre expéri-ence. J’apprendrai à la suite d’un séjour au Burkina Faso, qu’en matière d’amour, les langages sont tant et si bien variés qu’ils pourraient rendre perplexe le grand linguiste Ferdinand de Saussure. Vous imaginez-vous en train de parler le langage de l’amour sans dire le moindre mot et seulement en partageant un repas ? Eh bien oui ! Chez les Mossi c’est de l’ordre du naturel. Invitez votre petite amie, copine ou compagne au restaurant et offrez-lui des ailes de poulet à manger. C’est non seulement l’expression de la fin de votre relation amoureuse, mais c’est également l’acte qui la congédie. Au terme du repas, vous êtes en quelque sorte divorcés ! En revanche, ne me demandez pas à quoi ça rime d’offrir le dos du poulet à manger à une jeune dame que vous invitez pour la première fois! Comme on dit au Cameroun : « C’est dans ma bouche que vous voulez prendre ?»… Si vous

tenez à le savoir, rendez-vous au Burkina, invitez-une au resto, offrez-lui le dos du poulet et, waouh !!!!!!!!!!!!!!!

Par Clébert Agénor Njimeni

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L’interview découverte

Macao, une province portugaise en terre chinoise

Nous avons demandé à Jacqueline Amilhac qui s’intéresse à Macau dans le cadre de ses études universitaires, de nous apporter quelques précisions sur

ce territoire.

AQS : Macao, c’est en Chine mais où exactement ?

— J : Macao –Omoon Kai ou le “marché de Macao”, en cantonais-, sur la rive occidentale du delta de la rivière des Perles, a une petite superficie, même si elle s’est considérablement agrandie en prenant sur la mer, à force de remblais dans les eaux peu profondes qui l’entourent. Aujourd’hui, elle dispose d’une superficie de 29,5 km². La péninsule sur laquelle elle se trouve est reliée par trois ponts à l’île de Taipa, elle-même reliée par un isthme à l’île de Coloane. Au nord, c’est la frontière avec la Chine continentale.

Macao offre cette curiosité d’être l’unique terre de l’ex-Outre-mer portugais où les saisons sont les mêmes que celles de la Métropole et parfaitement synchrones avec elle, l’unique terre par exemple où la messe de minuit est célébrée par une froide nuit d’hiver.

AQS : Que peut-on dire de l’influence portugaise à Macao ?

— J : Il faut tout d’abord avoir à l’esprit que le contact entre culture portugaise et culture macanaise est problématique. C’est sans doute un choc très rude en effet au XVIe, que cette rencontre, inatten-due, entre une population reposant tout entière sur la subordination à la famille et au culte des an-cêtres, imprégnée d’éthique confucianiste et ces Européens aux racines judéo-chrétiennes qui puisaient leur philosophie aux sources de la pensée grecque ! Dès le départ, les deux communautés chinoise et portugaise cohabitent, partageant le même espace mais aucune des deux ne cherche à imposer à l’autre sa manière de vivre, ses hiérarchies, sa façon d’exercer le pouvoir. Cette attitude entraîne une connais-sance superficielle de l’autre. Peut-on alors parler d’une influence portugaise autre que très limitée?

AQS : Quel est le statut de Macao aujourd’hui ?

— J : En 1979, Den Xiaoping, chef suprême de la Chine, ouvre son pays et considère dé-sormais que la présence européenne dans les territoires de Hong Kong et de Macao constitu-ent une humiliation pour la Chine. Dès lors, les négociations peuvent et doivent commencer.

Selon la Déclaration Conjointe sino-portugaise sur la question de Macao, signée à Pékin le 26 mars 1987, le Territoire de Macao, alors sous administration portugaise, devait revenir à la sou-veraineté de la République Populaire de Chine, le 20 décembre 1999, en établissant alors la Ré-gion administrative spéciale de Macao. Le territoire a donc été rétrocédé à la Chine à cette date.

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Aux termes de la Déclaration Conjointe et du droit fondamental de la Région adoptée ensuite par l’Assemblée Populaire Nationale de la République Populaire de Chine, Macao maintiendra, pendant cinquante ans, un système capitaliste, restant directement subordonné au Gouvernement Populaire Central et jouira d’un haut degré d’autonomie, selon le concept “un pays, deux systèmes”, excepté dans ses rapports avec l’étranger et pour toute question relative à la défense. Ainsi, il est reconnu dans la Déclaration conjointe du Gou-vernement de la République Portugaise et du Gouvernement de la République Populaire de Chine sur la question de Macao que “la Région Administrative Spéciale de Macao (R.A.S.M.) pourra “établir des relations économiques à bénéfice mutuel avec le Portugal et d’autres pays” ë…ù et “maintenir et dével-opper toute seule des relations économiques et culturelles et conclure sous ce chapitre des accords avec les pays, régions et organisations internationales intéressés. Si pour certains, il est légitime de considérer le traité avec la Chine avec optimisme, pour d’autres l’inquiétude est de mise pour … “Macao 2049”.

— AQS : A-t-on conservé la langue portugaise ?

J : Le problème du maintien de la culture et de la langue portugaises se pose en effet après le 20 décembre 1999.

Le portugais est la langue maternelle de 1, 8 % à peine des habitants de Macao, mais ceux-ci y étant attachés comme à une partie intégrante de leur identité culturelle et sociale, ils la maintiendront très probablement.

Pour ce qui est du portugais en tant que langue étrangère, l’administration de Macao a fait des ef-forts pour adopter une stratégie réaliste, en créant des structures pertinentes. Les écoles et les cen-tres de langue ont su s’adapter à la nouvelle réalité. La volonté politique du Portugal consiste à apporter une réponse satisfaisante pour présenter la langue portugaise comme langue de commu-nication internationale, comme langue d’affaires dans l’espace de la lusophonie, comme un fa-cilitateur de contacts dans ce vaste espace de 200 millions de personnes qui parlent le portugais.

Il est évident que le portugais ne peut pas être la langue de communication orale pour la population maca-naise, moins de 2 % le parlent couramment. Il est cependant utilisé dans la langue de l’administration et la langue juridique et représente la langue d’accès à une culture qui fait partie du patrimoine local. Dans le souci de prendre en compte cette double culture, le Portugal et la Chine ont fait figurer expressément dans la déclaration conjointe de 1987, le maintien du portugais comme langue officielle, à l’égal du chi-nois, pour une durée de 50 ans à partir de la rétrocession de Macao à la Chine. Par ailleurs dans le cadre du statut très spécial accordé au territoire pour cette durée, la R.A.S.M (Région Administrative Spéciale de Macao) restait libre de définir les politiques de l’éducation, de la culture, de la science et de la technologie.

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AQS : Y-a-t-il des auteurs portugais qui ont écrit sur Macao ou des Macanais qui ont écrit en portugais?

— J : De nombreux écrivains, des journalistes, des poètes, des romanciers, lusophones ou non, ont séjourné à Macao ; certains y ont vécu, travaillé. Tous ont été subjugués par le charme que dé-gageait cette ville. On peut citer entre autres, Joseph Kessel, le poète portugais Camilo Pessanha, on dit même que Luis de Camões y aurait écrit ses célèbres Lusiades, l’épopée nationale du Portugal.

La littérature macanaise est abondante mais peu ou pas connue au Portugal, où le plus souvent elle n’est même pas éditée. Son existence est souvent remise en cause en tant que genre littéraire. Les au-teurs sur lesquels j’ai travaillé, Henrique de Senna Fernandes et Deolinda da Conceição, ont laissé une œuvre profondément attachante et originale. Dans sa nature même, cette littérature d’expression por-tugaise autour de thèmes chinois et de personnages chinois, portugais ou luso-chinois, est révélatrice à la fois de la spécificité de la société macanaise, et de la volonté d’une ouverture à la culture de l’autre.

Par Jacqueline Amilhac

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© Jacqueline DAUBRIAC-AMILHAC

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Dé c o u ve r t e s . . . . . . . .....d’autres dimensions du monde arabo-musulman.....

En ce qui concerne le Moyen Orient, la vision véhiculée et privilégiée dans les medias est de nature catastro-phiste et anxiogène. Cette perception a été alimentée par une succession d’événements mouvementés souvent tragiques : les soubresauts des Printemps arabes (Tunisie, Libye, Égypte), l’état de guerre en Syrie et en Irak. Qui pis est, les informations amènent tous les jours leur lot d’attentats, et d’exodes de migrants fuyant en masse des pays secoués par une crise rendue plus dramatique par les extrémismes religieux. Pourtant ,en parallèle à ce tableau négatif, il y a toute une civilisation qui perdure, avec ses valeurs, ses réussites et de nombreux attraits.

Des pierres et des hommesPar Odile Bruzel

J’ai fait de très nombreux voyages au Moyen Orient, au Liban, en Jordanie, en Iran, en Turquie, en Palestine et en Israël. Partout j’ai vu des lieux chargés d’Histoire. Chaque pierre, chaque muraille a été témoin de tant d’événements historiques, relevant des cultures musulmanes, juives et chrétiennes. En Jordanie, pays d’un entre deux mers (la Mer Rouge et la Mer Morte), les villes romaines et les forteresses des croisés voisinent avec des monuments omeyyades. Le site le plus impressionnant est celui de Pétra, cité encastrée dans la roche à environ 200 km de la capitale Amman. C’était une cité importante qui a dû son succès à sa position straté-gique, sur le trajet des caravanes d’épices, de soie et de perles. La ville est nichée dans des parois rocheuses.

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Le Khazneh de Pétra© http://antikforever.com/

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Le Khazneh de Pétra

Mais au-delà de ce monument, l’une des plus grandes richesses de la région ne réside pas dans ses vestiges de pierre mais dans l’hospitalité des bédouins, qui n’a rien d’une légende. L’hospitalité est d’ailleurs une constante dans tout le monde arabo-musulman. J’ai pu m’en rendre compte en visitant les pays du Moyen Orient. Elle con-stitue un devoir sacré que l’on célèbre généralement autour d’une tasse de thé. La protection de l’hôte fait partie des exigences du savoir-vivre dans ces régions. Au Liban, il faut sortir de Beyrouth et découvrir Baalbek, et ses monuments gréco-romains, et les villes qui gardent le mieux la mémoire de la Phénicie (Tyr et Sidon ou Saïda)

En Iran, j’ai été frappée par la curiosité bienveillante des gens qui s’approchent facilement de vous pour vous parler. J’y ai également éprouvé une impression de sécurité. Ce pays est bien plus moderne et ouvert qu’on ne l’imagine. Il commence d’ailleurs à s’ouvrir au tourisme.

Liban Baalbek

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Baalbek Liban

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L’odeur de l’Histoire

Ghalia et Dania : Je suis surtout attirée par les richesses historiques gréco-romaines, chrétiennes et bien sûr ottomanes. Quant aux traces de la culture chrétienne, on les trouve non seulement dans le Moyen Orient mais aussi en Algérie, pays de Saint-Augustin. Quand on se ballade dans le monde arabo-musul-man, on sent partout l’odeur de l’Histoire. Il faut découvrir également Dubaï, qui en plus de son intense vie commerciale est un pays où règne une ambiance de sécurité. On peut faire tomber son sac sans craindre qu’il soit emporté par un voleur. Cette sécurité omniprésente permet de déambuler en toute tranquillité dans les souks.

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Une autre découverte importante est la langue arabe elle-même. Pour ce qui est de l’écriture, les étudiants d’arabe se passionnent pour la dimension esthétique, autrement dit la calligraphie qui véhicule également un contenu symbolique. Outre l’héritage d’une tradition millénaire, cette calligraphie peut aussi prendre l’aspect de calligrammes et être utilisée pour représenter des dessins figuratifs (animaux, plantes) pleins de fantaisie. Beaucoup de créateurs en font un véhicule de modernité.

Pour en revenir à l’écriture, je note la joie intense des étudiants non arabophones, lorsqu’ils constatent que les caractères, qui leur paraissaient illisibles au début, se laissent finalement apprivoiser. Quant aux chif-fres, ils ont chacun leur mystère. Retenons que le chiffre 7 est porteur de perfection car le premier verset du Coran contient 7 sourates. Le chiffre 11 est plutôt négatif.

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A M. Pierre Miglioretti et Mme Johanna Renaudin, adjoints culturels

A M. Matthieu Laffargue, Directeur du PPI (Pôle de Production Imprimée)

Mélanie Moreau

Fatima Khelef

Zeineb Guessoum

Alpha Barry

A tous les étudiants qui ont participé à la rédaction de ce numéro

spécial.

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Crédit photo : Université Bordeaux Montaigne.

Crédit photo : Université Bor-deaux Montaigne.