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Révolution industrielle
Au cours de la période précédente, la question de la
nature et de l’environnement a acquis une dimension
supplémentaire
• Elle n’est plus seulement une source de développement
scientifique et technique
• Elle devient un objet économique et parallèlement un enjeu
politique
• Avec la théorisation du libéralisme (par Adam Smith en particulier),
cette transformation de statut sera définitivement actée
Révolution industrielle
Fondation de l’économie moderne : l’influence des
physiocrates sur Adam Smith
• La main invisible a des sources antérieures à Smith
• Le XVIIIe a déjà vu apparaître des principes identiques : Mandeville,
Fable des abeilles
• Pierre de Boisguilbert, Dissertation sur la nature des richesses : par la
spécialisation des professions, les intérêts individuels divergents
deviennent le socle de la prospérité de l’Etat.
• Le libéralisme économique et politique
• Récupération du « laissez faire, laissez passer »
• Nouveau rôle de l’État
Révolution industrielle
Les points de divergence
• Pour Smith, la richesse provient de deux facteurs
• « la proportion de travailleurs occupés à un travail utile » (= non-stérile production de marchandises)
• Agriculture + production manufacturière
• Les services font partie du travail improductif
• « pouvoir productif du travail » (productivité moyenne du travail).
• La productivité s’accroît avec la division du travail
• La division du travail se développe au sein de la société, de l'économie (par la spécialisation des entreprises) et entre les nations.
Révolution industrielle
• L'accumulation du capital précède la division du travail, qui
favorise à son tour la hausse des revenus et donc l'épargne.
• Smith reprend donc les physiocrates (et l’Encyclopédie qui les
a popularisés), et prône une intégration de la production
manufacturière à la richesse, au même titre que l’agriculture
synthèse entre mercantilistes et physiocrates
• Les décennies suivantes vont confirmer ce basculement : la
révolution industrielle va compléter la révolution agricole
Révolution industrielle
Révolution agricole
• L’agriculture est la première à bénéficier des innovations techniques
développement de la productivité, même si cela demeure restreint
• Mécanisation : charrue, moissonneuse
• Développement des engrais (vers 1840) avec les progrès de la chimie
• En même temps se développe la transition démographique
• Malthusianisme vs Marxisme : la démographie est-elle un facteur positif ?
• Lien de profit réciproque entre démographie et agriculture
• La première offre des perspectives de profit à la seconde
• La seconde soutient la croissance de la première
Révolution industrielle
• L’agriculture va se plier aux règles du marché, en
particulier avec la Révolution française qui libère la terre.
Avant la Révolution française : division du territoire
entre village (maisons + jardins) et terres labourées.
• Des pratiques encore archaïques
• Vaine pâture
• Assolement triennal ( cultures de subsistance à faible
rendement)
• Morcellement de la propriété paysanne
Révolution industrielle
• Ainsi, le monde paysan est dans une situation d’extrême précarité• Crises alimentaires de subsistance (1788-89 en particulier)
• Les réformes envisagées par le pouvoir (Turgot, entre 1774 et 1776, propose la libre circulation des grains) passent mal la paysannerie dénonce un « pacte de famine »
La Révolution esquisse une libération de la terre
• Division des biens communaux
• Vente des biens nationaux
• Abolition des droits féodaux
• La nature est clairement un enjeu politique désormais, ce qui a été favorisé par les vues des physiocrates
Révolution industrielle
• La révolution agricole s’est manifestée par un début de
remembrement des terres. Mais comme partout en
Europe, cela prive beaucoup de petits paysans de leurs
moyens de subsistance, les contraignant à l’exode vers
les villes
Révolution industrielle
Transition vers la révolution industrielle
• Révolution agricole = un des facteurs qui a permis la révolution industrielle
• Libération de main d’œuvre
• Besoin de nouvelles productions
• Mais pas de lien univoque de cause à effet : des décalages dans le temps et l’espace
• La révolution agricole n’est pas le préambule unique à la révolution industrielle : les deux se sont influencés mutuellement.
• Un intérêt nouveau pour les techniques (et non plus seulement pour les sciences pratique et théorie sont désormais liées)
• Le but des États devient l’aménagement de leur territoire pour assurer la facilité de la production et des échanges
Révolution industrielle
Révolution industrielle
• La révolution industrielle n’est pas d’apparition brutale : c’est le fruit
d’un long processus qui remonte à la Renaissance.
• Angleterre dès le milieu du XVIIIe siècle, puis France au début du
XIXe.
• Une nouvelle énergie : la vapeur révolution dans les transports, et
dans certains secteurs de production
• Usage du charbon d’abord, puis du fioul plus tard
• Prémisses de l’utilisation d’énergies non-renouvelables
Révolution industrielle
Un nouveau mode de production : l’usine
• À l’origine : ateliers installés en ville ou à la campagne
• Petites entreprises familiales et individuelles
• Un patron, un ou deux ouvriers, un apprenti
• Manufacture prend la relève
• Main d’œuvre nombreuse et plus concentrée
• Pas encore de véritable mécanisation, mais une vraie division du travail Cf. la fabrique d’épingles de l’Encyclopédie ou d’Adam Smith
• Usine
• Reprend les caractères de la manufacture
• Mais avec une mécanisation avancée
Révolution industrielle
• L’usine n’est pas seulement un nouveau mode
d’organisation du travail :
• Elle dessine les contours d’une nouvelle société : les classes
sociales traditionnelles se simplifient, pour ne plus laisser subsister
à terme qu’un prolétariat s’opposant directement à la bourgeoisie
• Elle suppose une nouvelle forme d’aménagement du territoire, et
un renouvellement du paysage : le paysage du XIXe n’est plus
celui des siècles précédents, c’est celui de la ville
Révolution industrielle
• Les usines s’installent dans les villes, car c’est le plus
rationnel pour l’époqueFaubourg Saint Martin
Révolution industrielle
• L’urbanisation suit cette nécessité : il faut loger les
ouvriers à proximité car pas de moyens de transport
• Pression démographique accroît les difficultés : problème de
quantité de logements et de leur qualité
• Certains rapports sont d’ailleurs restés célèbres Ange Guépin :
« vivre pour l’ouvrier, c’est ne pas mourir » (1835).
Rue Champlain
Révolution industrielle
La ville industrielle
• Une ville en opposition avec la ville médiévale
• Au Moyen Âge : villes organisées autour de la cathédrale ou du château, protégées par des remparts.
• Bas Moyen Âge : la population des villes s’accroît considérablement, et la ville fortifiée devient trop étroite
• Construction de faubourgs, nouvelles enceintes
• Densification du tissu urbain et espace public très restreint (quelques voies et parvis)
• Problèmes d'hygiène
Révolution industrielle
• Dans la ville du XIXe :
• Spécialisation des villes elles-mêmes
• villes de pouvoir : préfecture
• villes industrielles
• villes d'eaux
• marchés agricoles…
• Ville conçue pour le maintien de l'ordre (Cf. Haussmann –
souvenirs de 1848) et la productivité
Révolution industrielle
• Rationalisation de l’espace
• Zones industrielles en première périphérie et banlieues
résidentielles en deuxième périphérie.
• Spécialisation fonctionnelle des centres : quartiers de service,
quartiers de production, quartiers d’habitat
• Rationalisation des voies de communication et des
moyens de transport
• Sururbanisation
Révolution industrielle
Diverses idéologies se développent en réaction aux
problèmes urbains :
Certains voient dans cette ville (Ruskin, Howard, Morris)
une conséquence du machinisme aspect inhumain • Veulent revenir à une vision harmonieuse de la ville et de la production
(développement de l’humain par la production)
• Nécessité pour eux de lutter contre le machinisme de la ville : la ville
doit être un lieu esthétique et culturel
• Howard fonde le mouvement de la cité-jardins (1898)
Révolution industrielle
• C’est une vision de la ville à la fois :
• Scientifique : organisation rationnelle
• Romantique : besoin de restaurer un paysage romantique : besoin
de créer un à-côté à la révolution industrielle (arts, spectacles,
bibliothèques, …)
• L’idée est que l’humain se développera dans la
conjonction de ces deux aspects
Révolution industrielle
D’autres (Fourier, Owen, Proudhon) pensent que l’homme
a des besoins que l’on peut déduire scientifiquement car ils
sont universels
Ils n’ont rien de romantique, mais sont parfaitement
scientifiques
• La ville doit devenir fonctionnelle grâce à la science.
• Ne rejettent donc pas le modèle de la ville comme machine, mais
veulent lui rendre un visage humain grâce aux techniques
(hygiène, adduction d’eau, espaces verts, …).
Révolution industrielle
• Un courant dit « hygiéniste » se développe alors dans la droite
ligne de ce courant scientifique• médecine, urbanisme, sports, etc.
• développement des réseaux d’égouts et traitement des eaux usées
• ramassage des détritus
• matériaux de constructions améliorés
• recherche prophylactique se traduit parfois dans les villes par le
comblement de certains bras de fleuves (Nantes en particulier).
• Ce mouvement ne renie pas le caractère industriel de la ville :
ville organisée en fonctions (habitat, culture, travail, loisirs)
• Donne ses fondements à l’urbanisme du XXe
Révolution industrielle
• Il y a dans tous ces projets une visée utopique
• Une nature au service de l’homme
• Perspectives politiques et économiques : libéré des contraintes
naturelles, l’homme serait aussi libéré de tous les modèles
d’organisation politique liés à la nature
• Succession de régimes politiques au XIXe et naissance du
socialisme : recherche de formes stables d’organisation
• Le travail devient une forme nouvelle de rapport à la nature
• Avec ces utopies se développent encore davantage l’idée
d’une libération de l’homme des contraintes naturelles,
grâce à la science.
Révolution industrielle
Quelques exemples d’utopies :
• Grande-Bretagne : Robert Owen (1771-1858)
• New Harmony aux USA (Indiana) en 1824, 500 à 3.000 individus
logés en habitat individuel, éducation communautaire
• Industrie et agriculture doivent disparaître en tant que telles grâce à
la machine, libératrice pour l’homme
Révolution industrielle
• France : Saint-Simon (1760-1825)
• Progrès de l’humanité par le développement industriel
• Parfois considéré comme le père de l’idéologie technocratique
• Prône un gouvernement formé de savants, d'artistes, d'artisans et
de chefs d'entreprise (l'esprit de 1848 en France doit beaucoup à
cette idée)
Révolution industrielle
• France : Fourier (1772-1837) phalanstères
• La science permet de connaître les besoins de l’homme : théorie de l’attraction passionnée
• Il existe 810 types de caractères déduits scientifiquement, il faut que chacun soit représenté dans une communauté pour qu’elle fonctionne 1620 personnes = une phalange
• Chacun choisit librement les groupes qu’il fréquente, tant pour le travail que pour le reste la typologie des caractères fait de ces regroupements une harmonie
• Répartition des revenus selon le travail, le capital et le talent
Révolution industrielle
Remarque : par comparaison, on songe au panoptique de
J. Bentham…
Familistère de Guise
Prison de Kilmainham
Révolution industrielle
La nature prend un rôle particulier :
• Elle devient un cadre, un faire-valoir, un ornement…
• … en même temps qu’une nécessité (car l’agriculture est un point d’appui majeur pour Fourier)
• Cf. description d’un phalanstère par V. Considérant :
Révolution industrielle
• « Contemplons le panorama qui se développe sous nos yeux. Un splendide palais
s’élève du sein des jardins, des parterres et des pelouses ombragées, comme une île
marmoréenne baignant dans un océan de verdure. C’est le séjour royal d’une
population régénérée. Devant le Palais s’étend un vaste carrousel. C’est la cour
d’honneur, le champ de rassemblement des légions industrielles, le point de départ et
d’arrivée des cohortes actives, la place des parades, des grandes hymnes collectives,
des revues et des manœuvres. La route magistrale qui sillonne la campagne de ses
quadruples rangées d’arbres somptueux, bordées de massifs d’arbustes et de fleurs,
arrive, en longeant les deux ailes avancées du Phalanstère, sur la cour d’honneur,
qu’elle sépare des bâtiments industriels et des constructions rurales, développées du
côté des grandes cultures. Au premier rang de la ville industrielle, une ligne de
fabriques, de grands ateliers, de magasins, de greniers de réserve, dresse ses murs
en face du Phalanstère. »
Révolution industrielle
• Ces utopies reposent toutes sur l’idée d’une victoire sur les contraintes naturelles
• Isolement physique et remodelage de l’environnement (dès Thomas More)
• L’homme devient culturellement autonome de son environnement
• L’homme lui-même n’est plus un être naturel, il est seulement perçu comme un être social
• Cette libération doit être l’œuvre de la science
• L’industrie est pour cela le bras armé de la science
• socialistes et capitalistes se retrouvent sur ce point
Révolution industrielle
• Qu’advient-il du paysage urbain ?
• La nature vaincue, on se charge de la faire rentrer dans la ville
sous une forme esthétisée
• Jardins et parcs publics apparaissent massivement en moins de 30
ans
• Tiergarten à Berlin en 1819 : précurseur
• Birkenhead à Liverpool en 1844
• Promenades de Paris à partir de 1852
• Parc de la Tête d’Or à Lyon en 1856
• Central Park à New York en 1873.
• Les jardins ouvriers font leur apparition : héritage des utopies
Révolution industrielle
• Dans cette modification de la ville se trouve un reflet du
rapport à la nature : dominée, elle devient un simple
cadre, un décor flatteur, un prétexte à la bonne santé, une
exigence de confort.
• Les jardins de l’époque ont d’ailleurs changé : le jardin
anglais a pris la place du jardin à la française
recherche d’un aspect bucolique
• La nature devient un alibi, un décor sain. C’est le début
de notre mythe de la nature.
Révolution industrielle
• En filigrane se dessine une opposition : il existe au fond deux idées de nature
• L’une est objet de travail : extraction de richesse• L’autre est objet esthétique : vision romantique
• Cette opposition est la toile de fond de la ville du XIXe, à la fois lieu industriel et partiellement décor purement esthétique
• C’est en même temps l’état actuel de notre conception de l’environnement
• Objet économique• Objet idéologique• Ces deux aspects paraissent désormais irréconciliables
Révolution industrielle
• Preuve de cette disjonction : la peinture dans la 2nde
moitié du siècle impressionnisme
• Les impressionnistes peignent en extérieur, et non dans l’atelier : recherche d’un environnement naturel pour la création
• Les thèmes montrent une dichotomie sur la question de la nature
• Paysage aménagé (jardins d'agrément, ...)
• Monde industriel (usines, gares, ports industriels, ...)
Révolution industrielle
Dans cette dualité apparaît parfois un reproche latent :
• L’homme s’est libéré par rapport à la nature
• Mais cette libération a fait place à une nouvelle
domination : celle de l’homme par l’homme.
Une contrainte semble donc avoir fait place à une
autre, caractéristique du capitalisme
Marx thématise cette confiscation de la nature et
cette domination de l’homme par l’homme
Révolution industrielle
Le marxisme en quelques principes…
1) Transformation philosophique : retour au matérialisme et
critique de l'idéalisme
•Idéalisme = prévalence des idées qui s'incarnent ensuite dans la
matière
le monde suit des lois intellectuelles
lois matérielles = l'incarnation de ces principes.
•Matérialisme = la matière est à la base de tout
idées = transposition dans le cerveau du mouvement réel
des choses
même la pensée est un phénomène naturel
Révolution industrielle
• Hegel : « Le travail théorique produit plus d'effet dans le monde que
le travail pratique ; lorsque le royaume de la représentation est
révolutionné, alors la réalité ne tient plus. »
≠
• Marx : « le mouvement de la pensée n’est que le reflet du mouvement
réel, transporté et transposé dans le cerveau de l’homme. »
Révolution industrielle
2) Transformation de la vision de l'histoire
•L'histoire n'est que l'enchaînement d'évolutions du corps
social application de la dialectique à l'histoire
•C'est l’être social qui explique la conscience sociale
•Là encore, très différent de l'idéalisme historique, dans
lequel l'esprit a une histoire qui s'incarne dans les choses
Révolution industrielle
• Marx : « Dans la production sociale de leur existence, les hommes
entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de
leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de
développement déterminé de leurs forces productives matérielles. »
≠
• Hegel : « J'ai vu l'esprit du monde à cheval » (parlant de Napoléon en
1807)
Révolution industrielle
3) Conséquences sociales et politiques
•La fin de l'histoire est proche, car le capitalisme n'a plus les moyens
de ses ambitions.
•La victoire du prolétariat sera la dernière étape de l'histoire
4) Source de cette transformation
•C'est l'évolution technologique qui a amené Marx à ces conclusions.
•« La technologie met à nu le mode d'action de l'homme vis-à-vis de la
nature, le processus de production de sa vie matérielle, et, par
conséquent, l'origine des rapports sociaux et des idées ou conceptions
intellectuelles qui en découlent » (Le Capital, livre I)
•Pour Marx, l’histoire est la transformation de la Nature par le travail
humain ; ce dernier transformant en retour l'homme lui-même.
Révolution industrielle
Dans tous les domaines s’impose cette manipulation
de la nature par la technologie
•Sur le plan politique : République de la fin du XIXe siècle (Jules
Ferry, …)
•Sur le plan artistique (J. Verne, Zola)
•Sur le plan philosophique : positivisme
•Sur le plan scientifique (médecine, ...)
Tout cela a donc commencé avec une nouvelle pensée de la nature
comme objet de travail et source de l’histoire
Est-ce pour autant la « fin de l’histoire » ? N’avons-nous plus rien à
attendre de l’avenir ? Plus d’évolution à espérer ?