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Démythier le foncier  Etat des lieux de la recherche

Démythifier le foncier. Etat des lieux de la recherche

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Démythifier le foncier. Etat des lieux de la recherche

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Démythifier le foncier  

Etat des lieux de la recherche

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Association des études foncières

7 avenue de la république - 75011 Paris www.adef.org

Démythifier le foncier Etat des lieux de la recherche

Avril 2012

Clotilde Buhot adef

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Outre l’auteur principal, trois chercheurs ont contribué à ce rapport :

Guilhem Boulay, auteur de la partie consacrée à la rente (La rente : une résurgence à la faveur des phénomènes rentiers, pp.47-50)

Catherine Herrera, auteur de la partie consacrée à la propriété

(La propriété : un droit fondamental ou inadapté aux enjeux contemporains ?, pp.51-56)

Josselin Dupont, auteur d’une description détaillée du réseau européen COST (COST : réseau européen de coopération, pp.102-104).

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Introduction La croissance exceptionnelle des prix fonciers et immobiliers, depuis 2000, place la question foncière au cœur des préoccupations de nombreux acteurs de l’aménagement… et interpelle les chercheurs. Si le sujet soulève des questions de société a priori évidentes - accès au logement, ségrégation urbaine, captation de plus-values -, le monde de la recherche n’est pas « traditionnellement » investi, en France, sur les questions foncières. Qu’en est-il en 2012 ? La dynamique actuelle est-elle de nature à susciter un renouveau de la recherche sur le foncier ? C’est dans ce cadre que s’inscrit ce travail, initié par l’adef avec le concours du Plan Urbanisme Construction et Architecture (PUCA), de l’Institut pour la recherche de la Caisse des Dépôts et du Département Politique de la Ville et Développement Urbain de la Caisse des Dépôts. Il vise à répondre à un double objectif : - repérer les principaux thèmes de recherche sur les questions foncières depuis 2000 ; - dégager des pistes de recherche/réflexion intéressantes à mener dans le futur. Le premier objectif - l’identification des travaux de recherche - devant s’accompagner d’un recensement des chercheurs1 et équipes travaillant sur ce sujet et le second - le potentiel de recherche -, identifié sur la base des premiers résultats recueillis. Ce présent travail fait écho à une réflexion menée, il y a tout juste 25 ans, par l’adef à la demande du Plan Urbain. Elle avait donné lieu à la publication d’un ouvrage : Etats des lieux – Pour une relance de la recherche sur le foncier (1988), qui réunissait les contributions de trois chercheurs : Jean-Jacques Granelle (économiste), Arlette Heymann-Doat (juriste) et Guy Jalabert (géographe). Ces derniers avaient, chacun pour leur discipline, identifié les équipes, les travaux et les thèmes en suspens. Parallèlement, il s’agissait aussi d’inventorier les besoins de connaissance des décideurs et des praticiens. Le parallèle entre les interrogations formulées à l’époque par le Plan Urbain et la commande actuelle est remarquable : « Depuis une dizaine d’années, les travaux de recherche sur le foncier semblent assez généralement délaissés. La raison de ce désintérêt n’est pas mystérieuse : la très nette détente des marchés fonciers. Les « problèmes » fonciers n’en étaient plus. Or on assiste actuellement à un certain retournement de tendance sur les marchés fonciers… : les milieux professionnels et les administrations redécouvrent le foncier comme pouvant être un « problème ». C’est dans ce contexte que se situe notre démarche. » (Comby, 1988). De fait, un rapide sondage auprès des experts de la question révèle que, pas plus qu’à la fin des années 1980, les chercheurs ne se sont massivement engouffrés dans la brèche. Comme l’a justement résumé Sylvie Landriève2 : « le foncier n’est pas à la mode pourtant, c’est un sujet d’actualité ». Au-delà d’un indispensable travail d’actualisation et de prolongement des résultats obtenus en 1988 (identification des équipes et des thèmes de recherche), ce présent travail entend élargir la réflexion dans deux directions complémentaires. D’abord, via une analyse des motifs pour lesquels la recherche délaisse les questions foncières. Et ensuite, dans le prolongement de cette réflexion, par la formulation de propositions pour relancer une dynamique de recherche. A la fois inventaire et critique, cet état des lieux vise aussi à susciter l’appétence des chercheurs et des commanditaires sur les questions foncières. Le plan choisi répond à cette logique. Une première partie analyse la façon dont les chercheurs se saisissent de la question foncière (définition, disciplines, lieux de débat, et équipes engagées). Il s’agit de comprendre, en creux, les difficultés et motifs de désintérêt des chercheurs pour les questions foncières. Une deuxième partie identifie la production et les thèmes de réflexion actuels. Elle fait le point d’une part sur trois décennies d’articles de la revue études foncières ainsi que sur les sujets de thèses                                                                                                                          1 Le terme chercheurs désigne les chercheurs exerçant au sein d’une université ou d’un institut de recherche. La recherche est donc entendue ici au sens académique du terme. 2 Lors de la conclusion du Séminaire « Les praticiens interpellent la Recherche » organisé le 13 janvier 2012.

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soutenues depuis 2000, et, d’autre part, propose, via une réflexion de fond, des thèmes de recherche à investir ou réinvestir. Enfin, une troisième partie formule des propositions concrètes pour dynamiser la recherche sur les questions foncières, notamment à travers la création et la pérennisation d’un réseau de recherche sur le foncier.

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1. « Exorciser le foncier » Comme tous les objets saisis par les sciences humaines, le foncier fait l’objet de définitions multiples. Si la polysémie du terme peut expliquer une part des freins à son appréhension, nous posons l’hypothèse qu’il comporte par ailleurs des spécificités, qui expliquent les réticences des chercheurs. Après avoir rapidement exploré les définitions qui sont données du foncier, trois axes sont abordés, à la recherche des « spécificités foncières » : d’abord, l’implication des différentes disciplines dans cet objet réputé interdisciplinaire ; ensuite, les espaces de valorisation des recherches et leurs particularités ; enfin, la place des praticiens, au sein d’un objet directement lié à l’aménagement. 1.1. Un (faux-) problème de définition ? Définir le terme foncier est, en soi, une démarche souvent paradoxale. En effet, le mot est souvent défini (car utilisé) en tant que nom : le foncier ; alors qu’il s’agit, d’après les dictionnaires de langue française, d’un adjectif. Le mot foncier est initialement un terme de droit. En témoigne la formation fortement marquée par le droit des praticiens des questions foncières (notaires, géomètres-experts, etc.). Cet adjectif est utilisé pour désigner un bien-fonds 3 , terme relativement désuet, auquel même les notaires, acteurs incontournables des questions foncières en France, préfèrent souvent le mot immobilier. Dès lors, pourquoi continue-t-on à utiliser le mot foncier ? Nous avons, dans un premier temps, interrogé l’ensemble des membres du Comité Scientifique de l’adef. Celui-ci est composé de spécialistes de la question foncière, en majorité chercheurs (cf. annexes 1 et 2). Les définitions recueillies pour le mot foncier témoignent de la richesse du terme, qui ne s’arrête ni à un bien physique ni aux règles de droit y afférant. Trois approches, parallèles et complémentaires, peuvent être distinguées : a. Une première, « traditionnelle », fortement marquée par l’économie : ce qui a trait au sol pris comme un bien échangeable et comme une marchandise - un espace quand il devient un bien échangeable - l’étude de la valeur des droits ; cette acception est communément rencontrée chez les économistes et les juristes ; b. Une seconde, « techniciste », centrée sur l’aménagement : c’est la matière première des politiques d’urbanisme - c’est le terrain dans une perspective de construction - c’est le terrain qu’on exploite, soit de façon agricole soit quand on fait de la ville ; ce sont plus fréquemment les praticiens qui l’utilisent. c. Une dernière, « extensive », insistant sur la dimension sociale : c’est un objet de convoitise - l’enjeu principal des collectivités et des individus - qui traduit un rapport social, ce sens est partagé par des chercheurs en Sciences Sociales de différents horizons : géographes, historiens, économistes ou sociologues. Joseph Comby précise par exemple qu’« étudier le foncier ne consiste pas à étudier les terrains dans leur réalité physique. (…) Dans l’approche foncière, le terrain n’est abordé qu’à travers les ressources qu’il peut procurer pour l’habitat, les loisirs, l’activité économique, la production agricole, etc. », avant d’ajouter : « L’objet du foncier [c’est] d’étudier la valeur des droits sur l’espace ». S’il contourne la question de la définition (il définit l’objet du foncier - des études foncières-, et non le foncier), il nous met sur deux pistes importantes : la ressource, que constitue le foncier, et la question des droits, qui jouent un rôle essentiel et surtout, ne sont jamais totalement exclusifs et absolus. On sent déjà la spécificité des questions foncières pour les économistes, le foncier n’étant pas un bien comme les autres : on n’emporte pas son terrain avec soi. Nous reviendrons plus loin sur les difficultés de l’économie face au foncier.  Michel Lussault (Lévy et Lussault, 2003), géographe, renvoie quant à lui à la valeur marchande du terrain également : « Ensemble des manifestations et des conséquences de la valeur marchande d’une                                                                                                                          3 La propriété foncière emporte le sol et le sous-sol (art. 552 du Code civil), même si l’exploitation de ce dernier peut être limitée par le Code minier ou des servitudes de passage de canalisation par exemple.

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étendue ». Mais surtout, il insiste sur le caractère « non naturel » du foncier : « Au sein du foncier, la terre est transformée en terrain et en sol, biens certes immeubles, mais reproductibles, amendables, extensibles et interchangeables ». Le foncier serait donc un produit, et non un donné, contrairement à ce que l’intuition pourrait laisser penser. Enfin, Joseph Comby propose, avec Vincent Renard (1996), une troisième définition : « On peut être tenté de définir la politique foncière en transposant la définition que donne Joan Robinson de l'économie. L'objet de la science économique – dit-elle - consiste à déterminer « comment doivent être allouées des ressources rares entre des usages concurrents ». L'objet de la « science » foncière serait ainsi de permettre de fixer, soit en termes de résultats, soit en termes de méthode, comment les terrains seront alloués entre les différentes utilisations possibles. Ce seul énoncé soulève aussitôt une question centrale, qui trouve son origine dans la nature économique très particulière du « sol » ». Le mot « sol » est, en quelque sorte, lâché… mais il est ennuyeux, car il paraît relever davantage des sciences naturelles que de l’économie ou des sciences humaines d’une façon générale. Peut-on proposer, sur ces bases, une définition du foncier ? D’abord, l’usage autant des praticiens que des chercheurs a consacré le terme en tant que nom. C’est donc autant de l’adjectif que du nom dont nous proposons une définition. Le foncier est une production sociale. Le mot désigne le sol, non pas en tant qu’élément physique donné, mais en tant que production de l’activité sociale. Les questions foncières constituent donc un champ d’étude investi par les sciences humaines et sociales en priorité. Même si des disciplines relevant des sciences expérimentales peuvent contribuer à la réflexion : géographie physique, géosciences, agronomie, etc. Dans ce qu’il est convenu d’appeler les études foncières, ce qui intéresse les analystes, c’est l’appropriation du sol par les acteurs. L’appropriation doit ici être comprise dans deux sens (Leroy, 2011) : en tant que transformation, il s’agit alors de « rendre propre » le sol, de le destiner à un usage particulier ; et en tant que réservation, plus ou moins exclusive, du sol par un individu ou un groupe. Notre définition a deux conséquences en matière d’analyse.

-­‐ d’abord, la notion de rareté est toujours contingente : la pénurie foncière n’existe donc pas dans l’absolu. La rareté foncière dépend en effet de ce que les acteurs souhaitent faire des terrains, des modes d’usages, et de la volonté ou non de s’en rendre maître. Cela s’exprime bien dans les zones urbaines, où le manque de terrains à bâtir dépendra en premier lieu d’objectifs plus ou moins partagés par les acteurs.

-­‐ ensuite, si l’économie est souvent privilégiée pour aborder les questions foncières, on ne peut pas réduire ces dernières à cette discipline – aussi fondamentale soit-elle. Les questions foncières sont au cœur d’un système d’acteurs, au sein duquel sont présentes des dimensions non seulement juridiques, politiques et économiques (Renard, 2001), mais également sociologiques, géographiques ou anthropologiques par exemple. Ce qui autorise l’ensemble des sciences humaines à se saisir de ces questions.

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1.2. Une recherche éclatée et « marginalisée » ? Si les questions foncières renvoient souvent aujourd’hui à l’aménagement, elles sont surtout, historiquement, à l’origine de la science économique. Nous commencerons donc par essayer d’identifier les laboratoires axés sur cette problématique. Nous nous interrogerons, dans une seconde partie, sur les équipes engagées sur la question dans les autres sciences sociales. 1.2.1 Le foncier abandonné par les économistes ? Un panorama des équipes investies sur la question foncière conduit à repérer trois approches dominantes :

- la première via l’économie « spatiale » ou « régionale » ; - la seconde via l’économie territoriale ; - la troisième via l’économie immobilière.

Economie spatiale Les travaux de ces chercheurs font appel à l’économie urbaine et à ses problématiques (localisation des activités, mobilité et étalement urbain notamment) et appliquent ses concepts à la compréhension des dynamiques foncières, notamment à la formation des prix.

o Ecodéveloppement – INRA Avignon : travaux portant sur les déterminants des politiques publiques sur les prix fonciers (Claude Napoléone et Ghislain Geniaux)

o INRA AGROSUP – INRA Dijon : travaux portant sur le prix du paysage (Jean Cavailhès)

o GRETHA (Groupe de Recherche en Économie Théorique et Appliquée) - Bordeaux 4 (Guillaume Pouyanne et Frédéric Gaschet). Cette équipe a été porteur de l’ANR Jeunes Chercheurs « Dyfu » : Dynamiques foncières et nouvelles configurations urbaines (2006-2009) ; le foncier y était appréhendé comme indispensable à la compréhension des phénomènes urbains.

Economie territoriale Ce type d’approche fait une place importante aux jeux d’acteurs, ce qui la conduit à s’intéresser notamment à des thèmes tels que la gouvernance, foncière notamment. Elle est souvent moins mathématisée que la précédente, ce qui lui permet de se faire en lien avec d’autres.

o SAD – INRA Agro Paris Tech : travaux portant sur les conflits d’usages et notamment liés à l’aménagement et l’urbanisation (André Torre et Thierry Kirat)

o DTM / Développement des territoires montagnards – IRSTEA Grenoble : dont les travaux portent sur la pression foncière sur les territoires ruraux et montagnards (Nathalie Bertrand et Emmanuelle Marcelpoil)

o ADBX / Aménités et dynamiques des espaces ruraux – IRSTEA Bordeaux : leurs travaux sont davantage axés sur les enjeux environnementaux (Jeanne Dachary-Bernard)

o Lab’Urba – Paris-Créteil : les travaux (de Sonia Guelton notamment) sont y centrés sur l’économie de l’aménagement ; ils abordent régulièrement les questions foncières comme une clef d’analyse (via les finances locales par exemple).

Economie immobilière Cette approche est tout entière vouée à l’analyse de la formation des prix immobiliers. Elle peut ainsi emprunter parfois aux entrées précédentes (approches hédoniques issues de la nouvelle économie urbaine par exemple). Son objet bien spécifique la distingue des premières toutefois. De plus, elle entretient un lien direct et obligatoire avec le foncier, contrairement aux précédentes : impossible de comprendre la formation des prix immobiliers sans passer par la question foncière.

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o Paris Dauphine : travaux portant sur la ville, le logement et l’immobilier, à travers la chaire Ville et Immobilier (Claire Juillard)

o Essec : travaux axés sur l’immobilier d’entreprise, à travers la chaire Immobilier (Ingrid Nappi-Choulet).

o D’autres chercheurs, plus isolés, travaillent sur la question au sein de leurs labos respectifs. On notera : Natacha Aveline (géographe de formation), sur l’économie immobilière en Asie ; Christian Tutin (Paris 12) et Benoît Filippi (ATEMHA-OLAP) ; Hubert Jayet et Bertrand Zuindeau (Lille 1) ; ou encore Isabelle Maleyre (Université de Paris Est-Créteil), sur l’immobilier résidentiel ; et Michel Mouillart (observatoire Clameur).

Des synergies existent, par exemple dans le cadre de PSDR4, entre les équipes de l’IRSTEA5 et de l’INRA6 ou entre universitaires et instituts. Au regard de ce panorama, il est faux d’affirmer qu’aucun économiste ne s’intéresse aux questions foncières. Toutefois, si certains le font, c’est souvent de façon marginale. D’abord, les laboratoires ne sont pas constitués autour de cette question. Ensuite, ceux dont l’entrée est intrinsèquement liée au foncier (économie immobilière) paraissent d’autant plus isolés. Difficile, dans ce cadre, de mobiliser des équipes substantielles pour répondre à des programmes de recherche ambitieux. Parallèlement, il n’existe pas de référent clairement identifié sur le foncier, comme a pu l’être J.J. Granelle en son temps (lequel a d’ailleurs directement contribué à la formation d’une partie des chercheurs actuels). L’économie est considérée comme primordiale pour les questions foncières : pour reprendre les mots de Guy Jalabert (1988) : « les économistes occupent une place de choix et font autorité en matière d’études foncières ». Pourtant, écrit C. Lacour (2011) : « Les analyses économiques sont scrutées tout à la fois avec intérêt et suspicion. Leurs fondements théoriques comme leurs applications dans les pratiques séduisent tout autant qu’ils irritent. ». Car, malgré les apparences de la « robustesse », l’économie « reste une science sociale » (Granelle, 2008). En fait, la discipline ne semble plus répondre aux questions posées « il y a un fossé entre l’économie réaliste et l’économie tendance économétrie et statistique »7. Pourquoi cet éloignement du réel ? La spécialisation des économistes vers de la modélisation et de l’économétrie les conduit à publier dans des revues « très mathématisées » anglo-saxonnes et les travaux sur la fiscalité, levier essentiel en termes de politiques publiques, sont abandonnés. Le PUCA constate d’ailleurs lui aussi que peu d’économistes répondent et participent aux programmes de recherche, orientés autour de l’aménagement, qu’il initie. Si le constat d’un éclatement de la discipline et d’un désintérêt actuel des économistes pour les questions foncières peut être imputé à un certain manque d’encadrants scientifiques actuels (HDR) pour de jeunes doctorants, beaucoup voient dans les difficultés d’accès aux données une limite structurelle et fondamentale hypothéquant le développement des recherches en économie foncière et immobilière. J.-J. Granelle, (2008), constatait que peu de recherches appliquées avaient été engagées en 20 ans, la raison tenant évidemment « à la difficulté de réunir des données par comparaison avec d’autres domaines de recherche empêchant toute analyse sérieuse de l’évolution du marché foncier ». Il faut aux chercheurs déployer beaucoup d’énergie pour obtenir les données fiables et sur une longue période. Toutefois, plusieurs éléments tentent à limiter la portée de ce seul argument : - dans les années 1970, durant lesquelles les données n’étaient guère plus accessibles, les recherches étaient beaucoup plus nombreuses notamment parce qu’elles étaient alimentées par les débats sur la

                                                                                                                         4 Programmes de recherche "Pour et sur le développement régional". 5 Ex-CEMAGREF devenu en 2011 l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture. 6 Institut national de la recherche agronomique. 7 Vincent Renard, 2012, « Economie foncière, économie immobilière, économie de l’aménagement » in Séminaire « Les praticiens interpellent la Recherche », 13 janvier 2011, adef.

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rente. Une génération d’économistes a alors investi le sujet comme Vincent Renard, Christian Tutin, Hubert Jayet ou Claude Lacour. Mais le thème est aujourd’hui au point mort (à l’exception des travaux de Thierry Rebour ou Natacha Aveline, géographes de formation) ; - des recherches basées sur l’analyse des prix hédoniques existent et reposent sur des séries conséquentes, preuve qu’il est tout de même possible d’y accéder ; - l’amélioration de l’accès aux données sur la propriété foncière (via l’informatisation des fichiers fonciers) ces dernières années n’a pas pour autant correspondu à un développement des travaux sur ce sujet. 1.2.2 Les autres sciences sociales : un investissement en demi-teinte Le droit, l’aménagement et la géographie ; mais également l’histoire et la sociologie, constituent des compléments à l’approche économique8. Ils ont « naturellement » investi les études foncières, soit en appui à des questions économiques (les études foncières portent sur la « valeur des droits » selon Comby), soit via des approches qui leur sont propres. Le droit : le foncier sans le dire Les juristes abordent la question via deux entrées ; la première fondamentale, théorique, porte principalement sur l’évolution du droit de propriété. Avec le développement de la règlementation de police administrative (urbanisme, environnement notamment), le droit de propriété a perdu son caractère « sacré ». Sont opposés intérêt individuel (droit du propriétaire) et intérêt général (de la collectivité). La seconde approche, recherche appliquée, vise à décortiquer les mécanismes existants au regard notamment de l’interprétation jurisprudentielle pour les comprendre et donc mieux les appliquer pour qu’ils permettent d’atteindre les objectifs politiques poursuivis : le droit est nécessairement au service d’une politique. Si cette recherche met en évidence des lacunes ou des obstacles, elle cherche à aboutir à des propositions d’améliorations sous forme de réformes législatives, réglementaires voire de pratiques administratives. En fait, les recherches en urbanisme et en environnement relèvent très majoritairement du droit public parce que ce sont deux politiques administratives. Si les recherches sont cloisonnées entre droit privé et public, les équipes ne le sont pas toujours. Il est donc difficile d’identifier les équipes investies sur les questions foncières, d’autant que les publicistes font du droit privé (notamment en matière de pollution des sols et qu’inversement, ceux qui se disent privatistes de l’environnement ne peuvent échapper au droit public. En droit de l’environnement, le Centre de recherche en droit économique (CREDECO) à Nice dont l’un des axes de recherche porte sur les conséquences de la régulation marchande sur l’environnement. Les études menées mettent en lumière le passage d’un droit de police (administrative) de l’environnement, à un droit économique de l’environnement. C'est-à-dire un droit de l’environnement qui met en œuvre des instruments juridiques relevant aussi du droit privé : contrat, responsabilité, concurrence. L’imbrication droit public-droit privé est ici réelle. En recherche appliquée, les laboratoires sont structurés autour de réflexions sur l’urbanisme et l’environnement principalement. On pense ici au GRIDAUH (Groupement de Recherche sur les Institutions, et le droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme et de l’Habitat), qui rassemble 16 centres de recherche. Leurs axes de recherche se situent essentiellement en droit public, via des thèmes comme l’évaluation des politiques publiques et le contentieux d’urbanisme. Parmi les équipes, on retiendra : - le CERDEAU - Paris (Jean-Philippe Brouant, Norbert Foulquier, Yves Jegouzo) - le CERETE (CEntre de REcherche sur les Territoires et l’environnement) - Poitiers (Christian Debouy) - DCS (Droit et Changement Social) - Nantes (Jean-François Struillou)                                                                                                                          8 Nous n’avons pas recensé de travaux en Sciences Politiques ou en Sciences de Gestion sur les questions foncières, lesquelles ne sont pas abordées directement par les chercheurs de ces deux disciplines.

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- le Lab’Urba (ex-CRETEIL) - Paris 12 (Jocelyne Dubois-Maury) - le CEJU (Centre d'Etudes Juridiques d'Urbanisme) - Aix-Marseille (Françoise Zitouni) - le CRIDEAU (Centre de Recherches Interdisciplinaires en Droit de l'Environnement, de l'Aménagement et de l'Urbanisme) – Limoges (Michel Prieur) Mais les recherches menées abordent, ici encore, le foncier via l’urbanisme, et, ainsi, davantage les « atteintes » (via les Codes de l’urbanisme et de l’environnement) à un droit de propriété initialement considéré comme exclusif et absolu, plutôt que la conception de la propriété foncière. D’ailleurs, la terminologie des textes législatifs est aussi révélatrice de l’invisibilité du foncier en droit. Depuis la LOF (Loi d’Orientation Foncière) de 1967, aucune loi ne contient le mot foncier. Les plus récentes (comme la loi SRU) ou les documents et outils (PLU, SCOT, DTA, etc.) font davantage mention des termes urbanisme et aménagement. Aménagement, géographie, sociologie et histoire : des chercheurs isolés Les aménageurs et les géographes sont presque naturellement mis à contribution par les économistes. On voit bien le rôle que peuvent en effet avoir les structures foncières sur l’aménagement et la structuration des territoires. Certains abordent également les questions foncières sans se situer nécessairement en support de l’approche économique, mais ont développé, via les questions d’appropriation et de production territoriale, leur propre regard sur le foncier (Daligaux, 1995 ; Duvillard, 2001 par exemple). Le développement de la géomatique a également contribué à développer la connaissance et les réflexions sur les usages des sols. Toutefois, ici encore, il n’existe pas d’équipe se saisissant explicitement des questions foncières, pour en faire un enjeu central. Ce sont donc des individualités qui portent ces réflexions : Sylvie Duvillard à Grenoble (laboratoire PACTE), Roelof Verhage à Lyon (Institut d’urbanisme), Eric Charmes à Lyon (ENTPE), Guillaume Schmitt à Valenciennes (Laboratoire Territoires, Villes, Environnement, Société), Laure Casanova à Avignon (ESPACE) ou encore Annette Groux à Lille (Laboratoire Territoires, Villes, Environnement, Société). Historiens et sociologues occupent une place un peu particulière. Les approches économiques, ou géographiques, n’épuisent évidemment pas la réalité foncière. « Les approches économistes semblent parfois insuffisantes : l’acteur social n’obéit pas exclusivement à des motivations-impulsions d’ordre économique », rappelait déjà G. Jalabert (1988). Ils sont pourtant très peu nombreux à s’investir sur ces questions. Quelques chercheurs sont impliqués sur la question de l’évaluation cadastrale (Nadine Vivier - Le Mans - ou Florence Bourillon - UPEC -) En fait, l’urbanisation généralisée et le déclin du « monde paysan » a signé le déclin de la sociologie rurale et de l’histoire rurale. L’intérêt de l’histoire pour les questions foncières émane initialement de la capacité des structures de propriété à éclairer les hiérarchies sociales et donc la société (autant en ville que dans l’espace rural). Les années 1955 à 1980 correspondent à la grande période où la propriété foncière était analysée en détail. Si la rente foncière et le marché immobilier sont encore investis par les historiens, la mise à jour des conditions d’élaboration des cadastres et sa confrontation à d’autres données comme celles des marchés fonciers a suscité un développement récent (travaux de Florence Bourillon et Nadine Vivier sur la mesure cadastrale - Bourillon et Vivier, 2012), qui font écho aux interrogations très actuelles portant sur la réforme de la fiscalité. La propriété est également un sujet qui a retenu l’attention des sociologues, mais indirectement via les thèmes de recherche sur la famille ou le logement. En effet, la propriété n’est pas un thème de recherche en tant que tel : elle apparaît indirectement dans le champ de recherche plus vaste de la sociologie économique de la famille. En fait, les questions foncières sont ignorées, car elles ne correspondent pas à une entrée classique. La gentrification, processus d’embourgeoisement des quartiers centraux des grandes villes françaises, a attiré ainsi de très nombreux jeunes chercheurs ces dix dernières années ; en revanche, le rôle de la propriété foncière n’est pas du tout appréhendé par la discipline. Il faut revenir aux travaux d’histoire et d’anthropologie rurale et historique pour trouver des études précises de la place des biens économiques dans les mécanismes de transmission du statut social au sein de la famille.

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L’anthropologie : un autre regard Tout un pan de la recherche académique française travaille sur les pays des Suds. Elle est parfois minorée ou ignorée, en raison de son caractère « exotique ». Sur les questions foncières, les travaux sont nombreux, depuis longtemps. Mais surtout, cet axe est riche de chercheurs qui font des questions foncières leur centre d’intérêt. Peut-être est-ce dû aux mutations foncières particulièrement stimulantes qui prennent place dans les pays analysés : transformation du droit de propriété (plus individuel), émergence de marchés, accès à la terre, etc. ? Quatre lieux de recherche principaux se distinguent :

- le Pôle foncier de Montpellier, constitué en GIS (Groupe d’intérêt scientifique) réunissant l’IRD, le CIRAD, l’Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier et SupAgro. Les chercheurs rattachés à ces institutions travaillent sur les questions de gouvernance et d’accès à la terre. On retiendra d’ailleurs qu’une équipe de l’IRD est entièrement vouée aux questions foncières : « Régulations foncières, politiques publiques et logiques d'acteurs », unité de recherche 095 à laquelle sont rattachés Pierre-Yves Le Meur, Jean-Pierre Chauveau et Jean-Philippe Colin.

- le LAJP, Laboratoire d’Anthropologie Juridique de Paris, fondé par E. Le Roy9 et aujourd’hui dirigé par Alain Rochegude. Leurs travaux portent plus particulièrement sur les régimes de propriété et d’appropriation. Cet anthropologue du droit est d’ailleurs un des seuls chercheurs français, dernièrement, à publier un ouvrage titrant sur le foncier (La terre de l’autre. Une anthropologie des régimes d’appropriation foncière).

- Le laboratoire ADES (Aménagement, Développement, Environnement, Santé, Sociétés) de Bordeaux 3, notamment avec les travaux de Marie Mellac (géographe) sur le Vietnam.

- Enfin, le SEDET (Société en développement. Etudes Trandisciplinaires) à l’université Paris Diderot. Les chercheurs rattachés à ce laboratoire développent des travaux davantage sur l’urbain.

Ce qui unit ces approches est souvent l’anthropologie, même si certains auteurs ont une autre origine disciplinaire (géographie, économie, sociologie), elle en constitue le ciment. Enfin, on notera que si ces recherches portent essentiellement sur les « Suds » (notamment l’Afrique et dans une moindre mesure l’Amérique latine et l’Asie), elles font écho, par leur contenu et la remise en cause de la conception universalisante du droit de propriété individuel, aux réflexions menées sur des pays du Nord par l’école de pensée de la « common property », dont Elinor Ostrom est le fer de lance.

                                                                                                                         9 Cet anthropologue du droit est d’ailleurs un des seuls chercheurs français, dernièrement, à publier un ouvrage titrant sur le foncier : La terre de l’autre. Une anthropologie des régimes d’appropriation foncière (Le Roy, 2011a).

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1.3. L’absence de lieux d’échanges et d’espaces de valorisation Répondant à la marginalisation des questions foncières au sein des disciplines, les « lieux » de valorisation de la recherche sont peu en vue, quand ils ne sont pas inexistants. En effet, il n’existe ni revue scientifique spécialisée sur les questions foncières, ni réseaux ou communautés de chercheurs réunis autour du sujet, ni formation universitaire diplômante, ou encore d’événement d’envergure nationale tel qu’un colloque dédié aux questions foncières. Les chercheurs rencontrés au cours de ce travail ont, à maintes reprises, expliqué leur inconfort pour valoriser les travaux produits sur le sujet. En termes de diffusion tout d’abord, il n’existe pas de revue académique publiant des articles abordant les questions foncières. Si les revues constituent un outil essentiel d’animation et de diffusion permanente dans le milieu de la recherche, la désormais classique évaluation, notamment par le recours à la scientométrie, favorise les publications dans les revues classées « Les chercheurs hésitent désormais à s’engager dans une activité qui n’est pas comptabilisée par les évaluateurs10 ». La seule revue française qui fasse consensus sur le sujet est études foncières, car c’est la seule qui valorise les travaux sur le sujet, mais elle n’est pas classée par l’AERES11. Cette absence de reconnaissance peut handicaper la publication des résultats de recherche sur le foncier, car ne sont comptabilisés dans le bilan des chercheurs que les revues « classées ». L’AERES résume sans le savoir l’incohérence du système d’évaluation : « Les approches pluridisciplinaires dominent aujourd’hui le paysage intellectuel et de nombreux chercheurs publient logiquement dans des revues qui relèvent d’autres disciplines que les leurs. ». La logique ne serait-elle pas plutôt que les revues pluridisciplinaires soient reconnues ? Quelques revues disciplinaires sont susceptibles de publier des articles abordant les questions foncières : Revue d’Economie Régionale et Urbaine, Revue d’Histoire Urbaine, Etudes rurales, Economie Publique, Nature, Science et Société, etc. mais cela reste aléatoire et épisodique. Ensuite, aucun réseau de recherche à ce jour n’existe sur le champ foncier. Or la fédération de chercheurs autour d’un sujet, qui manque d’équipes constituées, permet l’organisation de groupes de travail et des séminaires destinés à identifier les orientations souhaitables pour la recherche ou à mettre en commun des méthodologies. L’animation d’un réseau de recherche dynamique, qui plus est interdisciplinaire, doit permettre des temps de rencontres physiques de chercheurs, seuls à même d’initier une appétence pour un développement des recherches, renouveler le milieu en aidant des doctorants à s'y insérer, proposer une meilleure visibilité, etc.. L’existence d’un réseau peut par ailleurs permettre de surmonter une autre difficulté : l’absence d’événement scientifique d’envergure nationale dédié au foncier. En effet, il n’existe à notre connaissance aucun colloque permettant la rencontre entre chercheurs et la valorisation des travaux par le biais de communications orales. Seule l’ASRDLF (Association de Science Régionale De Langue Française) organise, depuis 2009, une session spéciale sur le foncier. Enfin, dernière difficulté identifiée : l’absence de formation universitaire diplômante. Si certains cursus proposent un parcours ou une UE consacré aux questions foncières (notamment les Master en Urbanisme et/ou Aménagement), les formations sont rares et entièrement destinées à la profession d’experts fonciers ou immobiliers (Master "Identification, Aménagement et Gestion du Foncier" de l’ESGT – Le Mans ou du Master 2 Expertise Foncière de l’Université Jules Verne - Picardie). Cette professionnalisation des formations universitaires est dans l’air du temps. Elle renvoie à une volonté d’être davantage en phase avec les demandes des praticiens, qu’il s’agisse d’insérer les étudiants professionnellement ou de développer la recherche.

                                                                                                                         10 Pour une véritable politique en faveur des revues de SHS, propos de la rédaction d’Actes de la recherche en sciences sociales dans le n°176-177. 11 AERES : agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

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1.4. Praticiens et chercheurs : comment « traduire » une problématique ? Le dialogue entre praticiens et chercheurs existe, et de fait, de nombreux travaux sur les questions foncières entrent dans ce que l’on qualifie de recherche-action. Les contrats de recherche financés par des collectivités ou des organismes publics se sont multipliés ces dernières années, parallèlement à la diminution des crédits alloués par l’Etat aux chercheurs. Ici, les questions foncières se heurtent aux problèmes classiques des relations entre praticiens et chercheurs : intérêts, temporalités et enjeux de carrières divergents. Doit-on favoriser une recherche fondamentale et de haut niveau, extrêmement exigeante (en temps et en investissement), de plus en plus essentielle pour espérer faire avancer une carrière, au risque de se déconnecter des demandes des praticiens ? Ou favoriser des travaux appliqués qui, s’ils seront davantage en phase avec les demandes des praticiens, publics et privés, seront moins reconnus d’un point de vue académique ? Cette déconnection entre les deux types d’approches (recherche fondamentale / appliquée) est liée à la nécessité, pour un chercheur travaillant dans une optique appliquée, d’appréhender le réel dans sa globalité. Et donc, bien souvent, de faire appel à d’autres disciplines que la sienne. C’est particulièrement vrai pour les questions foncières. Or, en termes de diffusion des travaux de recherche, la valorisation est disciplinaire. Et la publication dans des revues dites « classées » est un leitmotiv. Si les chercheurs réclament de l’interdisciplinarité comme source d’enrichissement, le besoin de disciplinarité est fondamental car c’est sur cette base que s’opère le jugement. L’excellence disciplinaire est indispensable pour publier. Ainsi, dans un projet de recherche, la valorisation intermédiaire des travaux est pluridisciplinaire, mais la valorisation scientifique sera disciplinaire. Dans ce contexte, l’interdisciplinarité reste le parent pauvre de la recherche, en cause notamment la formation. A ce titre, Yves Michaud, concepteur et organisateur de l’Université de tous les savoirs, expliquait : « Il y a aujourd’hui une forte demande pour un savoir multidisciplinaire. Lequel n’est pas assuré par l’université, organisée en spécialités ». La recherche de financements, qui est devenue désormais indispensable pour financer à la fois les recherches mais aussi le fonctionnement des équipes (doctorants, post-doctorants, techniciens notamment), encourage certainement la recherche à entrer en contact avec les praticiens… au risque d’un délaissement de la recherche fondamentale. La dynamique de financement par projet pose des problèmes connus et régulièrement discutés. Si ce fonctionnement laisse une grande liberté dans le choix des sujets, en permettant de faire émerger des sujets innovants, on peut s’interroger sur la place laissée aux sujets orphelins au regard de celle accordée aux thèmes davantage dans l’ère du temps : « La nouvelle politique de la recherche risque aussi de renforcer la tendance à déserter des domaines, qui, bien que socialement importants, ne sont pas économiquement rentables. » (Duval et Heilbron, 2006) Inversement, on peut constater que des projets ont pu émerger, et notamment, le développement de programmes « PSDR » (cf. encadré), ainsi que le développement de bourses « CIFRE » (cf. supra). Ce type de projets a réellement favorisé la mise en avant des questions foncières au sein de la recherche, puisque plusieurs projets font explicitement mention au foncier dans leur titre. L’évaluation de ces programmes, encore récents, sera l’occasion de mieux cerner la durabilité de ce type de modèle, ainsi que ses apports. Il paraît cependant essentiel de rappeler que répondre à un projet de recherche requiert du temps et les axes dans lesquels s’intègrent les sujets étant parfois très larges12, peu en phase avec les interrogations relativement « immédiates » des praticiens, notamment dans le champ du foncier. La question récurrente de la prédiction de l’évolution des prix en est une bonne illustration. La transparence des données de marché et leur « fraîcheur » constituent des enjeux essentiels pour les chercheurs. Ils le sont aussi dans une certaine mesure pour les praticiens. Toutefois, l’obsolescence très rapide des

                                                                                                                         12 « L’ANR décline sa programmation scientifique autour de six domaines thématiques : biologie-santé, écosystèmes et développement durable, énergie durable et environnement, ingénierie, procédés et sécurité, sciences humaines et sociales et sciences et technologies de l’information et de la communication. Les programmes non-thématiques constituent le septième axe. » www.agence-nationale-recherche.fr

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données est évidente et il paraît illusoire, pour des chercheurs, de courir en permanence derrière des marchés qui évoluent continuellement, même si certains praticiens voudraient disposer d’analyses en temps réel. La tendance à développer des bases fondées sur des ventes non définitives (promesses de vente pour les bases notariales) répond à cette course en avant dont on peut se demander quels seront ses apports en matière de recherche. La demande centrale des acteurs est celle la prévision. Or, jusqu’à présent, aucun modèle ne s’avère pertinent. Au-delà des impasses théoriques qui pourraient être mises en avant pour expliquer ces échecs, la recherche d’un modèle prédictif, en sciences humaines, ne relève-t-elle pas de la Quête du Graal davantage que de la problématique scientifique ? Les PSDR13 : un programme de recherche co-construit entre collectivités et chercheurs Les programmes de recherche "Pour et sur le développement régional" (PSDR) sont consacrés à l'analyse des dynamiques territoriales et au rôle qu’y jouent les activités économiques (dont l'agriculture) et les espaces ruraux. Ces programmes sont co-construits entre régions, collectivités locales et chercheurs. Les thématiques sont donc très fortement liées aux préoccupations des politiques et des techniciens, ce qui explique l’intégration des questions foncières dans plusieurs projets. En effet, les PSDR sont cofinancés à part égale entre les régions et les organismes de recherche. Lancés en 1995, les premiers programmes PSDR (1996-1999) ont d’abord concerné trois régions (Languedoc-Roussillon, Pays de la Loire et Rhône-Alpes), avant de s’étendre à la Bourgogne et à Midi-Pyrénées, pour enfin concerner 10 régions administratives au cours du PSDR 3 (2007-2011). Les questions foncières sont présentes dans plusieurs programmes du PSDR 314 mais véritablement au cœur pour 3 d’entre eux : -­‐ Dytefort (PSDR Grand-Ouest) Acronyme : Dynamiques territoriales et foncières dans le rural en transition du Grand Ouest de la France Responsable : Christine Margétic, géographe à l’Université de Nantes Problématique : Ce projet a pour principal objectif d’évaluer la marge de manœuvre dont disposent les acteurs économiques et les politiques pour anticiper et encadrer les mutations en cours ou à venir notamment foncières dans les espaces ruraux « en transition » (3ème couronne périurbaine). -­‐ TerAgri (PSDR Bourgogne) Acronyme : Agriculteurs et territoires : quelles inscriptions pour quel développement ? Responsable : Yannick Sencébé, sociologue à AgroSup Dijon Problématique : Les recherches menées visent à explorer les conditions, les formes et limites de l’articulation entre les territoires tels qu’ils sont institués en termes de politique de développement rural et les territoires tels qu’ils sont appropriés par les divers habitants des espaces ruraux avec une attention particulière portée à la position paradoxale qu’occupe l’agriculture, à la fois minoritaire dans la population et prépondérante du point de vue de sa contribution à l’aménagement de l’espace. -­‐ Popfongo (PSDR Rhône-Alpes) Acronyme : Dispositifs de gouvernance foncière des espaces agricoles et naturels périurbains Responsable : Nathalie Bertrand, économiste au Cemagref Grenoble. Problématique : La maîtrise foncière constitue un enjeu pour le développement régional, en particulier pour les espaces non urbanisés périurbains qui, dans le contexte Rhône-Alpin, sont souvent soumis à des tensions sur les usages et les destinations. Ce projet vise à mieux comprendre la mise en valeur et les modalités de gouvernance du foncier non urbanisé, ressource territoriale rare. Dans ces trois programmes, les responsables sont issues de 3 disciplines différentes (sociologie, géographie et économe) et les deux thèmes transversaux précédemment identifiés : pression foncière périurbaine et pouvoir d’urbanisme. Les résultats de ces 3 programmes sont en cours d’évaluation par les instances du PSDR. La dimension foncière des PSDR pourrait être renforcée dans le 4e volet des PSDR qui devrait démarrer en 2013. Le désarroi des politiques et techniciens en régions ou au sein des collectivités locales pour contenir l’urbanisation et maîtriser les outils et instruments adéquats se traduira vraisemblablement par une poursuite des collaborations et échanges avec les chercheurs dans le cadre des prochains PSDR.                                                                                                                          13 www.inra.fr/les_partenariats/recherches_pour_et_sur/programmes_pour_et_sur_le_developpement_regional 14 Ingeterr, A Gouter, RessTerr, Gouv.Innov, Acter.

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En fait, les questions foncières connaissent plusieurs difficultés qui ne déterminent pas, à proprement parler, l’abandon des réflexions théoriques mais en créent les conditions. On en retiendra que le foncier n’est pas intrinsèquement condamné à la marginalité scientifique. L’enjeu est de se défaire d’un discours trop souvent misérabiliste sur les questions foncières et leur caractère souvent jugé « poussiéreux ». « Exorciser » le foncier et sortir de ce discours très ancré commence par en repérer les raisons objectives. Le foncier, et notamment les réflexions sur la rente, est souvent considéré comme l’origine de la science économique moderne. Les travaux de Ricardo ont constitué, de fait, le départ de l’école dite classique. Or l’économie « standard », dont les fondements font l’objet de remises en cause au sein même de la discipline, a eu tendance à délaisser la question foncière. Les difficultés que posent les questions foncières à l’économie standard sont connues (Aveline, 2005 ; voir également la contribution de Boulay supra). Cette résistance à des hypothèses trop déconnectées du réel concerne d’ailleurs, selon nous, l’ensemble des questions d’aménagement. C’est du moins une lecture que l’on peut faire de la recherche réalisée par S. Guelton, F. Navarre et M.-P. Rousseau pour le PUCA (Guelton et al., 2005). Les auteurs, économistes, vont jusqu’à remettre en cause la capacité intrinsèque de l’économie à traiter des questions d’aménagement. Si cela pose problème pour l’aménagement, le même diagnostic posé pour des questions foncières, pensées et théorisées tout au long des 19eme et 20eme siècles par l’économie, remet en cause une partie essentielle de leurs fondements théoriques… sans que le terrain n’ait vraiment été préparé pour une alternative. « Les travaux qui portent - ou plutôt qui rencontrent - le foncier sont réalisés dans le cadre de disciplines diverses qui ont chacune leurs langages, leurs réseaux, leurs problématiques, et qui ne sont guère habituées à communiquer entre elles », constatait, il y a près de 25 ans, Joseph Comby (1988). Ce constat, toujours d’actualité, se double d’un isolement. Celui des économistes travaillant sur les questions foncières rejoint à l’évidence celle de leur collègues impliqués dans l’économie de l’aménagement : « on sous-entend des enjeux disciplinaires lourds, une fois posée l’évidence de sa nécessaire transdisciplinarité, enjeux d’autant plus essentiels […] que les chercheurs qui travaillent sur ce champ se sentent généralement et souvent à juste titre, marginaux au sein de leur discipline d’origine. » (Lacour, 2011). De fait, essentiellement portées aujourd’hui par l’aménagement/urbanisme, les questions foncières connaissent les mêmes difficultés que la discipline en elle-même. A la fois théorie et pratique, l’aménagement est une discipline de la complexité. Car si la théorie n’est possible que via une approche disciplinaire, abordant le réel en privilégiant une dimension (sociale, économique, juridique, etc.), la pratique s’accommode mal de ces approches : le praticien doit aborder la réalité à travers l’ensemble de ces dimensions à la fois. Or les collaborations pluridisciplinaires sont peu nombreuses15, en raison des enjeux liés à l’excellence académique et aux carrières. Et les laboratoires explicitement pluridisciplinaires sont rares à travailler sur ces questions, exceptions faites du LAB’Urba, de PACTE et de l’UMR MOISA (IRD). On notera, au passage, la richesse des travaux sur les Suds, seuls à véritablement mettre en avant les questions foncières, et proposant une entrée marquée par l’anthropologie. Les freins à l’interdisciplinarité expliquent en partie les difficultés du dialogue chercheurs/praticiens. Des passerelles existent toutefois. Ainsi, la discipline peut-être la mieux à même de faire le lien – l’aménagement/urbanisme – est celle qui connaît le développement le plus rapide (au point même, nous le verrons dans la deuxième partie, de tenir une place prépondérante dans les travaux de thèses en cours). Si le rôle des économistes (encore majoritaire) se réduit, c’est peut-être surtout en raison de l’incapacité de la discipline à répondre seule aux interrogations soulevées.

                                                                                                                         15 L’une des exceptions notables est le travail réalisé par Anne Gotman et André Masson, dont les résultats ont été publiés en 1991 dans Economie et Prévision et intitulé “L’un transmet, l’autre hérite...”, lesquels ont proposé une modélisation micro-économique basée sur les résultats d’une analyse d’entretiens semi-directifs portant sur l’affectation des biens immobiliers hérités.

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2. « Fondements revisités et questions en suspens » Sur quelle(s) base(s) la recherche sur le foncier peut-elle se développer ? C’est bien l’objectif de cette partie que de proposer un retour sur les recherches menées depuis le dernier état des lieux de 1988, afin de mieux pouvoir se projeter dans l’avenir. Les questions de fond sont donc au cœur de cette deuxième partie. Après une présentation de la démarche privilégiée, qui repose sur des entretiens et des recherches bibliographiques, cette partie s’articule autour de trois sous-parties. La première propose un regard sur les thèses soutenues et une rétrospective de la revue études foncières. Dans la continuité, la deuxième développe trois thèmes qui nous ont semblé porteurs et transversaux. Impossible, enfin, de développer une recherche sans réinterroger ses cadres théoriques. C’est l’objet de la dernière sous-partie. Démarche méthodologique La pluridisciplinarité induite par les questions foncières rendait inefficace une démarche traditionnelle : à savoir définir un certain nombre de revues scientifiques et opérer une sélection d’articles par mots-clés. Le choix de procéder de manière différente a également été dicté par la volonté de privilégier la connaissance et l’expérience des membres du Comité Scientifique de l’adef, constitué en juin 2010. Ce dernier est composé de chercheurs en Droit, Economie, Histoire, Géographie et Urbanisme et de praticiens (qu’ils soient promoteur, consultant foncier, directeur d’établissement public foncier ou responsable dans de grandes entreprises). Des entretiens semi-directifs se sont déroulés entre octobre 2010 au janvier 2011 et ont été menés à l’aide d’une grille d’entretiens16. S’ils ont été riches et ont contribué de cerner les difficultés d’émergence d’une recherche dynamique sur le foncier, ils n’ont cependant pas permis d’identifier de travaux marquants, ou de mettre en évidence de revues de référence, et d’équipes investies pleinement sur ces questions. Un premier panorama des thèmes développés, des questionnements soulevés, des pistes à investiguer ainsi que des chercheurs/équipes s’intéressant sur les questions foncières a pu toutefois être dressé. Ce premier tour d’horizon confirme surtout l’impression « d’éclatement » de la recherche sur le foncier, ce qui a contribué à insister sur le constat figurant cette première partie. Initialement, il était prévu d’enrichir le contenu de ces entretiens par une revue de bibliographie systématique de quelques revues phares. Toutefois, les revues mentionnées par les membres du CS sont très nombreuses et diverses. Même en ciblant arbitrairement une dizaine de revues (les plus citées par exemple), les résultats auraient été décevants, la fréquence des articles abordant les questions foncières est faible et très aléatoire dans ces revues. En complément des entretiens auprès de chercheurs ou de praticiens, nous avons choisi d’opérer un travail bibliographique dans 3 directions. Tout d’abord, une analyse des articles de la revue études foncières. Ensuite par un recensement des travaux de thèses soutenues depuis 2000 en le complétant d’une analyse plus fine sur les thèses en cours. Enfin, une revue de littérature a été réalisée par des lectures d’articles scientifiques. Cette dernière étape a permis d’accéder et d’identifier des travaux, des thèmes et des auteurs non envisagés au départ. Sources bibliographiques Trois principales sources bibliographiques ont été mobilisées. Il s’agit : a - Des articles de la revue études foncières publiés depuis 1978. Une enquête longitudinale a été menée, reposant sur 117 articles « de fond » publiés entre le n°1 au n°151 (articles d’au moins 3 pages) à intervalles réguliers (tous les 10 numéros). Par le biais d’une lecture approfondie de chaque                                                                                                                          16 Annexe 2.

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article (à l’aide d’une grille de lecture), l’objectif était de mettre en évidence une évolution des questions foncières sur les 30 dernières années. Les thèmes ont-ils profondément évolué ? Dans quel sens et sous quelle influence ? De même, le traitement des sujets/thèmes a-t-il changé ? b – Des travaux de thèse depuis 2000. Même si les entretiens menés auprès des membres du Comité Scientifique de l’adef ont peu mis en avant les travaux de thèse soutenus ces dernières années, leur contribution à la recherche est intéressante pour deux raisons. En premier lieu, parce que les doctorants/jeunes chercheurs s’inscrivent pleinement dans les dynamiques de recherche à l’œuvre : les sujets traités, les terrains investis, les méthodologies mises en œuvre et la représentativité des disciplines reflètent, plus que d’autres, l’ère du temps. La fréquence, l’accaparement ou au contraire le délaissement de certains thèmes sont un indicateur des dynamiques de recherche en cours, de l’intérêt des équipes, de l’investissement des chercheurs encadrants, etc. Depuis 2000, selon que l’on prenne en compte la présence du mot « foncier » dans le titre, le sujet ou le résumé, le nombre de thèses varie considérablement (près de 150 dans le catalogue SUDOC17). Toutefois, il s’agit également d’inclure les travaux de thèses ne contenant pas le mot « foncier » dans le titre ou le résumé alors qu’elles abordent le champ foncier ; nous élargirons à des thèmes proches (immobilier, propriété ou marché). Il va de soi qu’il n’est pas question de détailler l’ensemble des thèses identifiées. Seules les plus significatives seront mentionnées an précisant leur apport. Une seconde réflexion complémentaire sur les thèses ciblera celles actuellement en préparation via these.fr18. Son objectif est d’éclairer la dynamique actuelle de recherche des jeunes chercheurs en s’intéressant plus spécifiquement aux modes de financement des thèses et aux statuts des doctorants (allocataires, contractuels, CIFRE, etc.) Le financement jouant sur les types de sujets et leur caractère plus ou moins appliqué, il révèle également le poids grandissant des allocations des collectivités publiques ou des bourses attribuées par des organismes privés. c – Enfin, une lecture des articles parue dans les revues mentionnées comme les plus pertinentes par les membres du Comité Scientifique. Il s’agit de Revue d’Economie Urbaine et Régionale, Etudes rurales, Revue d’Histoire Urbaine, Actes de la recherche en sciences sociales, Revue française de science politique, Flux, Nature, Science & Sociétés, Regards croisés sur l’économie, Histoire et Mesure et enfin Economie et Statistique. A l’issue de ce travail, une liste d’une trentaine de références bibliographiques sur les questions foncières sera établie. Il s’agira en quelque sorte d’une « bibliothèque idéale du foncier » regroupant les travaux incontournables. Champs de l’étude Bien entendu, ce travail ne vise pas l’exhaustivité. L’éparpillement des travaux (spatial et disciplinaire) a compliqué l’inventaire de la production. Si des travaux ont pu passer au travers de cette recherche, nous pensons être parvenus à mettre en lumière les principaux thèmes d’investigations actuels et les angles proposés par les chercheurs pour y répondre. Il est vrai également que la sous-représentativité de recherches et travaux en langue étrangère tient pour une large part au caractère intraduisible du terme « foncier » en anglais, allemand ou espagnol. Cet obstacle implique une prolongation des recherches, que nous ne pouvions mener au cours du temps imparti. Par ailleurs, peu de liens existent entre chercheurs français et étrangers : ceux qui ont été rencontrés ou contactés mentionnent rarement les travaux à l’étranger, même en Europe, et ne collaborent pas avec d’autres institutions hors de France ; les collaborations / partenariats de recherche se révèlent déjà difficiles au sein même des seuls centres de recherche française.                                                                                                                          17 Sudoc : Système Universitaire de Documentation (www.sudoc.abes.fr). 18 Theses.fr : moteur de recherche des thèses françaises (www.theses.fr), qui a remplacé en 2011 le fichier central des thèses.

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Un parcours rapide des travaux et de la littérature confirme une désaffection apparente du monde de la recherche sur des questions foncières ces dernières années. Pourtant depuis le début des années 2000, le champ suscite un regain d’intérêt en raison de l’extraordinaire croissance des prix - fonciers et immobiliers - qu’a vécue la France, entre autres. Décideurs, professionnels du secteur mais aussi chercheurs semblent à nouveau manifester un intérêt pour le sujet. Dès lors, quels sont les axes de recherche privilégiés depuis 2000 ? Quelles ont les évolutions survenues depuis le constat dressé en 1988 par Guy Jalabert, Jean-Jacques Granelle et Arlette Heymann-Doat ? Quelles sont les pistes porteuses à l’avenir ? Les approches privilégiées sont-elles encore sectorielles et disciplinaires ?

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2.1. L’évolution à travers la revue études foncières et les travaux de thèse

2.1.1 études foncières : du foncier à l’urbanisme Des auteurs dont le profil est stable depuis 1978 études foncières est la seule revue francophone à faire du foncier son objet central. Bien que non reconnue par l’AERES depuis 200919, elle n’en bénéficie pas moins d’une reconnaissance des chercheurs, qui la considèrent comme la seule revue qui donne à voir une vision assez large de ce qui se produit comme discours et comme recherches sur le foncier. études foncières est aussi un pont entre praticiens et chercheurs, les deux contribuant en tant qu’auteurs. Entre 1979 et 2011, 1 439 articles ont été publiés. 63 % d’entre eux (soit 902 articles) ont été écrits par des praticiens, et 36 % sont des contributions de chercheurs20. Les disciplines les plus représentées sont l’urbanisme, le droit, l’économie et pour une moindre part la géographie, qui constituent à elles seules plus de 90 % des entrées disciplinaires des articles d’études foncières. Les autres disciplines (anthropologie, sciences politiques, histoire, sociologie) n’atteignent pas 1 % des contributions. L’urbanisme reste la formation d’origine la plus fréquente des praticiens, suivie par le droit et l’économie. Chez les auteurs chercheurs, les 3 disciplines font jeu égal.

Praticiens Chercheurs Total Urbanisme 31 10 41 Droit 12 10 22 Economie 11 9 21 Géographie 2 5 7

Il faut lire : 31 % des articles d’études foncières publiés entre 1979 et 2011 ont pour auteurs des praticiens avec une formation d’urbaniste. Depuis 2000, la proportion chercheurs/praticiens reste identique, tout comme la formation des auteurs même si la part des auteurs chercheurs en économie recule légèrement. Cette ventilation indique à la fois la permanence des contributeurs et la très large place faite aux entrées disciplinaires traditionnelles : le droit, l’économie et la géographie. La place de l’urbanisme mérite toutefois une place particulière (sur laquelle nous reviendrons plus loin). L’analyse des textes de la revue doit fournir des éléments de compréhension de l’évolution des thèmes et sujets qu’elle privilégie. Une évolution sémantique des questions foncières L’analyse qui suit a été réalisée sur un échantillon de 15 numéros, sélectionnés tous les 10 numéros depuis la parution du premier exemplaire, et a pour objectif, de pouvoir dégager de manière globale, l’évolution de la revue au travers de l’étude de certaines thématiques, identifiées comme récurrentes au fil des années mais aussi des changements notés. Pour ce faire, 117 articles (correspondant à 527 pages) ont été analysés. Cette étude permet de montrer que si certains thèmes sont récurrents, leur traitement dans la revue a évolué c’est justement sur ces changements que nous souhaitons verses au débat. Paru pour la première fois en janvier 1979, ce « bulletin d’information » « voudrait donc contribuer, dans tout ce qui touche au domaine foncier, à cette information réciproque et à ce débat interdisciplinaire des universitaires et des chercheurs, des responsables administratifs et des praticiens ». L’éditorial de Michel Arrou-Vignod y fait déjà le constat d’une « dispersion des                                                                                                                          19 Avant 2009, études foncières bénéficiait auparavant d’un classement C. En 2009, les revues classées A et B ont été fusionnés et constituent les revues reconnues par l’AERES. 20 Reste environ 1% d’articles dont la qualité des auteurs est inconnue.

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sources » et d’une « multiplication des approches » qui le conduit à vouloir rassembler toutes les informations sur le sujet ». Une analyse des articles en 3 temps - le premier court, de1979 à 1991, correspond au début de positionnement de la revue. - le deuxième, de 1992 à 2003, est le reflet de la libéralisation des marchés. - enfin, la troisième, de 2004 à 2011, consacre les questions immobilières. 1979-1991 : un début de positionnement Aborder les questions foncières renvoie dans la première décennie de parution de la revue (1979-1991) à la valeur des sols, aux jeux d’acquisition nécessaires à leur appropriation par différents types d’acteurs et à la formation des prix, qu’il s’agisse de zones urbaines ou rurales. Cette prégnance de la question foncière rend ces premiers numéros un peu « austères » pour des non spécialistes « La formation des prix des terrains à bâtir » (F. Laarman, n°21), « Marseille, baisse des valeurs foncières » (J.P. Toublanc, n°31) ou encore la « connaissance des problèmes fonciers » (J. Comby, n°21). A partir de 1984, cette tendance se transforme pour s’ouvrir à d’autres préoccupations, plus larges : les lois de décentralisation font émerger des articles abordant le rôle des pouvoirs publics. Qu’il s’agisse de la répartition des rôles entre collectivités locales et autres acteurs publics : « la région et la question foncière » (par B. Rémond, qui préconise dès le premier numéro la fondation d’établissements publics à ces fins), « les politiques de réserve foncière en France » (H. Lena, n°1, qui traite de la compétence d’expropriation des communes) ou encore dans le n°11, « un Conseil général à la recherche d’une politique foncière » (G. Saumade) ; ou bien du bien-fondé de certaines interventions foncières avec l’article de M. Prouzet, n°11, « Saynète pour une politique foncière communale ». Les articles deviennent de plus en plus critiques : les auteurs préconisent aux collectivités de tenir un rôle dans la préservation de certains espaces - comme D. Béguin (n°41) dans « Un conservatoire privé pour les espaces naturels », ou C. Chavelet (n°51) avec « La prévention des incendies de forêt » - ou de la construction à l’image de C. Bersani (n°41) « Construire à Paris » ou J. Comby (n°21) « La connaissance des problèmes fonciers ». Si dans un premier temps, les articles posent la question des limites du rôle des pouvoirs publics, au fil des numéros, le ton devient plus critique, qu’il s’agisse de mauvaise gestion ou de la non-intervention. Le contexte de la décentralisation est donc essentiel, les attentes en termes de références et de référents sont encore mal définies. Le thème de l’agriculture va devenir omniprésent dans tous les numéros au cours des années 1980. Sous l’angle de l’agriculture est également soulevée la question de la ruralité en tant que mode de vie. L’agriculture est analysée d’un point de vue strictement foncier sans aucun souci environnemental : les articles évoquent alors le fonctionnement des zones agricoles ou comment ne pas perdre les bonnes terres : « Doctrines foncières en milieu rural » n°1, M.E. Chassagne. Les territoires agricoles sont alors perçus comme une zone à part entière pour lesquels il faut concevoir le meilleur aménagement possible ; les agriculteurs sont alors les principaux acteurs fonciers. Des articles entiers sont dédiés au mode d’exploitation : L'évolution des modes de faire-valoir » (V. Rey, n°31), « irrigation agricole et prix des terrains à bâtir » (M. Falque, n°21) ou encore « le redéploiement des SAFER » (R. Baud, n°51). Les articles publiés sur l’agriculture peuvent aussi parfois avoir une entrée beaucoup plus économique et sociologique en traitant des méthodes d’exploitations et de leurs conséquences sur la société agricoles. C’est notamment le cas de « Terre, parenté, et structure agricole localisée » (n°11, J., Chevalier), des « îles bretonnes, agriculture et insularité » (L. Brigand, n°31). D’une autre manière, les articles sur « l’endettement foncier des agriculteurs » (R. Calmes n°31) et « Disneyland, Mickey fauche les blés » (C. Héripret n°31) posent des questions économiques qui concernent autant l’agriculture en elle-même que la société agricole. Alors qu’au sein des premiers numéros, sont surtout évoquées les pratiques foncières en milieu rural et des comportements des agriculteurs, le souci de l’urbanisation apparaît progressivement : à partir de

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1984 avec « La consommation de l’espace agricole » (N. Windels, n°21) qui se poursuit d’une certaine manière dans le n°31 « Une réponse au morcellement et à la cabanisation » (P. Couttenier, n°31). Cette évolution démontre une progression de l’urbanisation : des questions agriculturo-centrées initialement, les articles glissent vers la perte croissante des sols exploités et ses répercussions sur la société agricole, puis dénotent un souci croissant de l’urbanisation et de la préservation des espaces naturels. Le souci des espaces naturels intervient, quant à lui, un peu plus tard dans la chronologie des articles. La complémentarité espaces naturels-espaces agricoles participe à la constitution d’une certaine proportion d’articles sur la réflexion des territoires non urbains. Il faut attendre le n°21 pour que soit publié un article consacré aux espaces naturels « Politiques contractuelles pour conserver l’espace naturel » (J. Hesse), même s’il s’agit d’une comparaison internationale entre les Pays-Bas et l’Angleterre. A partir de 1989, dans le n°41, D. Béguin propose de véritables préconisations en faveur de la préservation « Un conservatoire privé pour les espaces naturels ». Si cette ouverture sur des préoccupations environnementales est à souligner, elle reste rare et bien souvent la préservation des espaces naturels est appréhendée par le biais des menaces pesant sur l’activité humaine : c’est notamment le cas dans le numéro 51 avec les articles de R. Trapitzine : « Urbanisation et gestion du milieu naturel : quelle complémentarité ? » et de C. Chavelet : « La prévention des incendies de forêts ». Enfin, le fonctionnement des pratiques foncières interpelle aussi nombre d’auteurs, qu’il s’agisse de comprendre comment fonctionnent les mécanismes fonciers, quels en sont les rouages et les leviers d’actions. Dans le n°51, plusieurs auteurs s’interrogent particulièrement sur la responsabilité des pouvoirs publics sur leur capacité propre à gérer une situation mais aussi sur le fait qu’il puisse exister des divergence d’intérêt entre acteurs publics (M. Sauvez, n°51, « Pour une approche normative de la mixité sociale en urbanisme », leur inefficacité, la complexité de la législation, les carences et les sanctions à prendre. Peu à peu, le thème de l’urbanisme et des projets d’aménagement se développe dès lors qu’on parle moins d’agriculture, dans les années 1984-1986, comme par exemple dans le n°31 avec l’article de R. Trapitzine « Pour un urbanisme de qualité ». Certains auteurs cherchent alors à comprendre les conséquences des projets et les relations entre acteurs, tels A de Goriainoff, « Remue-ménage au bout du tunnel » (n°31), et C. Héripret, « Mickey fauche les blés » (n°31). Le thème de la concertation entre les différentes catégories d’intervenants devient alors récurrent dans les articles publiés. 1992-2003 : le reflet de la libéralisation des marchés Les articles publiés entre 1992 et sont fortement marqués par les questions d’urbanisation, et, fait nouveau, par des analyses du marché immobilier. A partir du n°71, « Louer le terrain pour construire » (C. Déléglise) l’immobilier est présent dans tous les numéros étudiés. C’est d’ailleurs à cette même date (1996) qu’on commence à prendre en considération l’impact de l’économie et de la finance « Cycle foncier et fiscalité à Montréal » (n°71, N. Aveline). Dans le numéro 81, le souci des conséquences du système financier se traduit dans « La nouvelle bulle a éclaté en Thaïlande » (E. Charmes) et les dépendances d’un système qui s’internationalise est présent avec un article sur la PAC de R. Levesque (« La course aux hectares subventionnés »). La question financière est ensuite reliée au domaine immobilier dans le n°91 (2001) car ce sujet est traité dans 4 articles des 7 de ce numéro : « Croissance périurbaine et finances communales (B. Lesaffre), « Le prêt à taux zéro : une aide à l’étalement urbain » (R. Grimal), « La crise de la construction neuve à Saint Pétersbourg » (I. Amestoy), « Les aspects financiers de la convention publique d’aménagement » (P. Giami). Que les pouvoirs publics y soient liés ou non, les auteurs témoignent d’une certaine angoisse vis-à-vis d’un système d’aménagement qui dépend de plus en plus de questions financières. Les règles du jeu évoluent et les temps sont moins favorables aux collectivités et pouvoirs publics remettant parfois en cause la pertinence de certaines politiques publiques notamment concernant la maîtrise de l’urbanisation. La question du logement ou de l’habitat devient récurrente dans les numéros parus au cours de la décennie 1990. Le lien entre capacités des ménages à se loger et intervention publique devient central dans plusieurs articles notamment à partir du n°71 : « L’habitat, un enjeu de service public », (D. Béhar), « Prospection foncière en secteur HLM » (R. Dechambre). On s’intéresse également à la

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demande et aux besoins des particuliers : « Les besoins en logement se diversifient » (M. Goze, n°81), « L’essor planétaire des espaces résidentiels sécurisés » (G. Glasze, n°101). A partir du n°81, les effets de l’urbanisation commencent à interpeller les auteurs : « Vers de planchers de densité ? » (N. Fouchier), « Le prêt à taux zéro, une aide à l’étalement urbain » (R. Grimal, n°91). Alors que le terme « aménagement » est très peu usité jusque là, il revient très régulièrement dès lors que les articles abordent la conduite de projets et les stratégies à tenir face à la croissance de l’urbanisation. Certains articles mettent en relief l’importance de la notion de coopération de ces protagonistes. C’est notamment le cas de l’article d’O. Piron (n°61) : « l’aménagement, un jeu à trois » ou de T. Vilmin (n°81) dans « La maîtrise d’ouvrage au gré du cycle conjoncturel » où il explique le rôle des intervenants dans la maîtrise d’ouvrage, description que l’on retrouve également dans « L’identification foncière par les experts » (J. Gastaldi, n°81). Le citoyen fait progressivement son entrée dans ce jeu d’acteurs où plusieurs auteurs déplorent leur manque de prise en compte dans la décision et la conduite de certains projets d’aménagement : « Les enquêtes publiques et la démocratie » (R. Bourny, n°61), « Requiem pour la concertation » (H. Fabre-Luce, n°61) ou « L’aménagement et attente d’une démocratie de participation » (E., Le Cornec, n°101). Si l’action publique est critiquée ouvertement ; c’est l’Etat (en tant que garant des règles de l’action publique en matière de gestion de l’espace) qui est mis en cause ; c’est le cas dans « reprendre la loi littoral » (A. Givaudan, n°61) ou du même auteur : « Urbanisme à la campagne, une bêtise à la française » (n°71). C’est dans cette perspective que certains auteurs se posent également la question de savoir quelle est la responsabilité réelle des collectivités dans des situations de risque telles que « S’accommoder des inondations » (E. Principi, n°71), « risques en montagne, responsabilités communales » (M. Mayo, n°81) ou encore « la responsabilité du préfet en matière de police de l’eau » (J. Boulay, n°91). Enfin, alors que le terme de développement durable n’existe pas encore, la menace que représente l’urbanisation pour les espaces naturels ou dans son extension diffuse, représente une source de contributions nouvelles. L’urbain diffus prend de plus en plus de place et pour préserver les espaces encore naturels, il doit être maîtrisé. Ainsi, « La méditerranée, sur la liste rouge » (P. Bougeant, n°91) et « Littoral, mitage comparé France-Angleterre » (P.A. Sabatier, n°61) expriment la question de la croissance des constructions littorales et les préoccupations environnementales que cela engendre. On ne se situe pas encore alors dans une réflexion de développement durable, les auteurs n’évoquent alors ni réel danger, ni menace. La vigilance à l’égard de l’urbanisation est encore davantage appréhendée comme un problème esthétique, il s’agit de ne pas trop « grignoter » les espaces encore vierges. Avec son article « Reprendre la loi littoral » A. Givaudan (n°61) aborde pour la première fois la préservation d’un espace naturel sans que cela n’ait un intérêt productif pour l’agriculture ou économique dans les stratégies d’acquisition foncière. Il est suivi, dans le n°71 avec « Fragiles espaces sensibles » (G. Ghaye) puis dans le n°81 par P. Bougeant : « La Méditerranée sur liste rouge ». 2004-2011 : l’affirmation des questions immobilières Les articles présents dans cette décennie 2004-2011 reflètent une économie financiarisée et économiquement internationalisée. Les thèmes abordés par les auteurs tournent désormais autour des capacités financières des acteurs de l’aménagement à pouvoir agir pour leurs intérêts et pour une organisation efficiente de l’espace. Dans le contexte de montée des prix immobiliers des années 2000, et en lien avec l’étalement urbain et l’accroissement démographique, la revue fait durant cette décennie la part belle au logement. D’abord en publiant plusieurs articles abordant la hausse des prix : « La hausse des logements : causes réelles et causes fiduciaires » (P. Auréjac, n°111), « Impact d’une rénovation sur le marché immobilier » (F. Barthélémy, n°121) ou ses conséquences sur le marché et ses acteurs : « La géographie complexe de la délégation des aides à la pierre » (J.C. Driant, n°111), « De la planification à la bulle immobilière » (B. Li, n°151). Plusieurs auteurs évoquent la « crise du logement » : tels C.

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Robert (n°141) dans « La Fondation Abbé Pierre, triste témoin de l'évolution du mal-logement depuis 20 ans » ou O. Piron (n°141) avec « d’une crise du logement à l’autre ». Loin d’être désincarné, les comportements sociétaux sont mis en exergue, en déplorant par exemple que faute de moyens, l’accès au logement soit parfois compromis. Cette perspective est également présente avec la notion de propriété, sur laquelle des auteurs s’interrogent. Ainsi, dans le n°151, C. Vorms « Propriété et location » et F. Larceneux « J’habite donc je suis ». Face à ces mutations conjoncturelles, les auteurs s’interrogent sur les mécanismes à l’œuvre : C. Plateau (n°121) « La construction neuve, les tendances » ou encore F. Barthélémy (n°121) « Impact d’une rénovation sur le marché immobilier ». Certains auteurs tentent également d’analyser ces influences à l’échelle internationale en se penchant sur les origines et les mécanismes des crises tels B. Vorms (n°131) avec « Le leçon des subprimes » ; les comparaisons internationales apportant ainsi une perspective intéressante. A partir des années 2000, le regard des auteurs sur la place de l’Etat et des collectivités prend une tournure plus critique : un certain scepticisme quant à la répartition des compétences et à l’efficacité de la loi existe dans « La géographie complexe de la délégation des aides à la pierre » (J.C. Driant, n°111) ou encore « Prise en compte du vieillissement de la population dans les documents d’urbanisme et de planification » (P.M. Chapon, n°141). Certains auteurs dénoncent la complexité des lois comme par exemple J.F. Tribillon dans «Un code de l’urbanisme à inventer » (n°121) qui dénonce le manque de liberté des urbanistes ou du moins une législation trop restrictive. La législation apparaît également comme trop complexe dans « Faut-il réécrire le code de l’urbanisme ? » (A. Cluzet, n°131). D’autres enfin, soulignent le manque d’intervention ou l’inaction des pouvoirs publics comme R. Desjardins (n°131) « Veut-on vraiment lutter contre l’étalement urbain ? » ou P.M. Chapon (n°141) quand il souligne que « La Fondation Abbé Pierre » est mieux armée que le gouvernement pour traiter les problèmes de logement. Au cours des années 2000, les auteurs sont davantage critiques envers les stratégies d’aménagement et les méthodologies utilisées, on assiste même à une remise en cause : comme dans le n°111, avec une comparaison avec le modèle anglo-saxon, P. Birkinshaw avec « Angleterre, flexibilité du droit et maîtrise de l’aménagement ». De la même manière, « Une utopie hygiéniste » (J.P. Demouveaux, n°121), établit un parallèle avec notre société, ses dysfonctionnements et ce qui devrait être amélioré. « Un code de l’urbanise à inventer » (J.F. Tribillon, n°121). Même ce sont des questions d’aménagement qui sont traitées, la récurrence du terme « urbanisme » est frappante. Est-ce à dire que les villes marquent à ce point le territoire qu’on fait abstraction des autres types d’espace ? Ainsi de 1979 à 2011, quatre tendances semblent se dessiner et méritent d’être soulignées : - D’abord le glissement sémantique : du foncier, on passe à l’aménagement puis à l’urbanisme. - Ensuite, la focale mise au départ sur les espaces ruraux bouge évolue sans cesse vers l’espace

urbain et périurbain : les questions immobilières, habitat principalement, émergent progressivement.

- Par ailleurs, les constats et descriptions initiales ont laissé place à des regards et positions plus critiques voire s’accompagnant de recommandations/préconisations

- Enfin, la place accordée aux espaces naturels mais aussi aux thèmes « environnementaux » : développement durable, biodiversité, reconversion des sites pollués semble marginale.

2.1.2 Les thèses soutenues depuis 2000 : du foncier aux politiques publiques L’analyse des thèses de doctorat présente un double intérêt à nos yeux. - Les thèses reflètent la dynamique de recherche sur un sujet : les sujets traités comme ceux non

abordés, les terrains/espaces investis, les méthodologies mises en œuvre et la représentativité des disciplines présentent une indication sur le traitement de la question par la recherche. Nous nous intéresserons donc aux thèses soutenues entre 2000 et 2012. Les doctorants étant les chercheurs de demain, leurs sujets de thèses peuvent devenir leurs thèmes de recherche.

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- Une seconde réflexion complémentaire sera menée sur les thèses en cours. Son objectif est d’éclairer la dynamique actuelle de recherche des jeunes chercheurs en s’intéressant plus spécifiquement aux modes de financement des thèses et aux statuts des doctorants (allocataires, contractuels, CIFRE, etc.)

Nous avons procédé en deux temps. Le premier temps, en identifiant les thèses soutenues entre 2000 et 2012 et comportant les mots foncier/foncière dans le titre ou dans le sujet. Le second est consacré aux thèses en préparation. Méthodologiquement, l’analyse qui suit se fonde sur une exploitation du fonds documentation Sudoc concernant les thèses en langue française soutenues dans une université française. Des recherches complémentaires ont été menées dans la base de données theses.fr, pour les thèses en préparation. 1950-2012 : des travaux de thèses nombreux et de plus en plus diversifiés Depuis 1950, 351 thèses comportant le mot foncier dans le titre ou le sujet ont été soutenues dans une université française. Quantitativement, la période récente (1990-2012) est plus prolifique que les précédentes, avec une dizaine de thèses soutenues annuellement. Les deux premières décennies (1950-1959 et 1960-1969) coïncident avec des sujets quasi-exclusivement liés aux thèmes de la propriété ou du remembrement, comme l’illustre la thèse de G. Escande (1963). Au cours des années 1970-79, la propriété et la rente concernent encore une majorité de thèses, à l’image de celles de G. Macé (1973) ou de C. Tutin (1978). Les années 1980-89 correspondent quant à elles à une sorte d’âge d’or du « foncier agricole » via les approches des géographes comme J. Chevalier (1983) ou P. Estublier (1984) ou de R. Mériaudeau (1985). A partir de 1990, une grande place est accordée aux questions foncières dans les « pays du Sud » : M. Bertrand avec le Mali (1990) ou O. Delahaye (1993) avec le Venezuela. La place de la propriété et celle qu’occupent les propriétaires se singularise (J. Daligaux, 1995). En revanche, le rôle des acteurs du marché commence à soulever l’intérêt des chercheurs, tels J.-P. Boinon (1991) ou N. Moura Lacerda de Melo (1993), laquelle réinterroge la rationalité économique des propriétaires. C’est donc à partir des années 1990 que la recherche liée aux questions foncières se diversifie, en incluant désormais des thèmes comme les risques (L. Sauvage, 1996) ou le tourisme (N. Triantafyllopoulos, 1999). Ventilation par décennie des thèses soutenues (1950-2012)

2000-2012 : le foncier redeviendrait-il un thème de recherche ? La décennie la plus récente, depuis 2000, commence donc sous les meilleurs auspices, tant qualitativement (par une diversification des thèmes développés) que quantitativement (plus d’une centaine de thèses soutenues). Au total, nous avons recensé 144 thèses soutenues en France et en langue française entre 2000 et 2012.

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Seules 52 comportent un réel intérêt pour l’analyse des thèmes21. Soit parce qu’il s’agit d’erreurs de codification dans le Sudoc, soit il s’agit de thèses portant sur les pays du Sud (77 thèses). Les approches sont bien souvent différentes des thèses portant sur la France ou les pays du Nord, de plus la qualité des thèses est relativement aléatoire). Ces deux raisons nous ont conduit à les exclure de l’analyse. Les 52 thèses qui se ventilent selon 3 principales disciplines : le droit (15 thèses dont 6 en Droit privé), l’économie/les sciences économiques (14 dont 2 économie-finance et économie-gestion) et la Géographie/l’Aménagement (14). La participation des autres disciplines est moindre avec l’histoire et la sociologie (3 chacune) et les sciences de gestion (2). Ventilation des disciplines des thèses soutenues (2000-2012)

Parmi les thèses soutenues au cours des années 2000, certains travaux se distinguent. En économie tout d’abord : où les interrogations sur le fonctionnement des marchés fonciers continuent de dynamiser les recherches. L’effet des documents d’urbanisme sur les prix a été étudié par G. Lecat (2006) et M. Dantas (2008). L’analyse porte aussi sur les effets des politiques de transport (B. Bureau, 2009), des gains d’accessibilité (E. Boucq, 2008 et G. Deymier, 2005). La proximité d’actifs environnementaux tels que le littoral est étudiée par M. Travers. Toutefois, si l’ensemble de ces travaux porte à la fois sur les marchés fonciers et immobiliers, les seconds occupent en général une place plus conséquente dans la thèse ; par ailleurs, la méthode des prix hédoniques est celle la plus couramment employée. La financiarisation de l’immobilier a fait l’objet de deux thèses en économie : celle de A. Prosper-Stroppa (2001) et celle d’I. Thiam (2008). L’approche proposée par C. Napoléone (2005) est dans ce contexte assez originale puisqu’elle révèle des phénomènes d’anticipation face au changement de documents d’urbanisme, lesquels ont une incidence sur les prix. Ensuite, en géographie-aménagement-urbanisme, c’est la place des acteurs dans la gestion, l’aménagement et la mutation des territoires qui apparaît comme le thème récurrent dans les travaux de thèse des 12 dernières années. La place des acquéreurs et des vendeurs dans le marché immobilier et foncier étant perçu comme un indicateur pertinent. Les cas d’étude se sont multipliés à la fois dans les espaces montagnards (A. Guéringer, 2009), insulaires (C. Buhot, 2006) ruraux (S. Duvillard, 2001), urbains (G. Boulay, 2011) ou à une échelle plus régionale (L. Casanova, 2011). L’aide à la décision constitue également un objectif de recherche : celui de G. Schmitt (2009) était de mobiliser les acteurs publics de l’aménagement sur l'évolution des usages de l'espace et sur la connaissance des marchés fonciers, via le développement d’un outil d’observation et de communication : les faire-part fonciers. D’ailleurs, il est intéressant de noter le développement de travaux à la croisée de la géographie et de l’économie : G. Schmitt, G. Boulay et L. Casanova s’appuient autant qu’ils mettent en avant l’importance des données issues de l’observation.

                                                                                                                         21 Annexe 3.

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En droit, les thèses se concentrent en recherche fondamentale. Les questionnements autour du droit de propriété sont donc récurrents : qu’il s’agisse des interactions avec la protection de l’environnement (les servitudes, le droit à la nature) ont eu la faveur de quelques thèses (E. Meiller, 2009 ou I. Thomas, 2005) ou bien plus innovant avec la financiarisation de l’immobilier (V. Chambaud, 2004). Enfin, en sociologie, les trois thèses identifiées interrogent les choix des acteurs : celui des agriculteurs par B. Thareau, 2011) ou celui des héritiers sur l’avenir d’un patrimoine familial (S. Gollac, 2011). L. Bonneval (2008) pour sa part s’est intéressé au rôle joué par les agents immobiliers dans les transactions. Si l’immobilier est davantage un thème investi par les sociologues, les méthodes pourraient facilement être transposées au foncier. Les thèses en préparation : le poids grandissant de la recherche-action Le constat est très proche pour les 82 thèses en préparation. Près de 7 thèses sur 10 comportent une dimension internationale (la très grande majorité concernent des cas d’étude situés dans un pays du Sud). Sur les 25 restantes, près de la moitié sera soutenue en Géographie ou Aménagement, plaçant l’économie et le droit en net recul22. Le périurbain constitue un cadre fréquent dans les thèses en cours et la gouvernance/le rôle de l’action publique des thèmes récurrents. Les acteurs publics sont omniprésents (collectivités, organismes ou établissements publics) en revanche les acteurs privés, notamment les propriétaires, sont quasi absents. Loin de se cantonner à de la recherche fondamentale, les travaux de thèse en cours entrent souvent dans une recherche-action, soit parce qu’elle répond à des demandes de la sphère civile (dont les préoccupations en matière d’étalement urbain occupent une large place), soit parce qu’elle est directement financée par les collectivités, organismes et établissements publics. Le poids que représente la recherche-action provient donc en grande partie du financement des thèses de doctorat (en orientant les sujets). Développé dans la 3e partie, l’exemple des doctorants membres du réseau adef confirme ce constat. Ventilation des disciplines des thèses en préparation (2005-2012)

9 thèses sur les 25 sont préparées dans une université parisienne ou francilienne (incluant l’EHESS). Encore une fois, l’impression d’éclatement de la recherche se confirme : aucun pôle de concentration ne se démarque. Parmi les sujets investis par les doctorants, on relèvera surtout la récurrence des questions portant autour de l’action publique, qu’il s’agisse de s’intéresser aux bonnes pratiques, à la gouvernance, à la maîtrise foncière, à la gestion foncière, etc. Les politiques publiques sont au cœur des travaux en cours. Le cadre périurbain continue de monopoliser les cas d’étude.

                                                                                                                         22 Annexe 4.

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L’analyse des travaux de thèses soutenues ou en préparation invite à trois réflexions : - l’action foncière publique est interrogée, évaluée voire critiquée dans un grand nombre de

travaux via le rôle des collectivités, des établissements et organismes publics ; les jeux d’acteurs et les outils mobilisés sont abordés dans la majorité des thèses. Cette omniprésence de la sphère publique met en lumière l’absence de travaux portant sur les acteurs privés. Qu’il s’agisse des professionnels : promoteurs, aménageurs, notaires ou évaluateurs ou des particuliers, propriétaires en tête.

- si les acteurs publics sont au cœur des questionnements, les approches restent souvent assez générales. En fait, la gouvernance interne (c’est-à-dire le fonctionnement interne) est rarement prise en compte dans les choix opérés. La composition des conseils d’administrations des organismes et établissements publics ou accomplissant des missions de service public (par exemple les EPF, la SAFER ou RFF) et les motifs présidant aux décisions en matière d’intervention foncière ne sont pas étudiés par les chercheurs. De même les décisions des conseils municipaux en matière d’évolution des documents d’urbanisme, n’intéressent pas les chercheurs, alors que ces derniers sont les premiers à dénoncer le « clientélisme foncier » des maires.

- Enfin, le risque des monographies, régulièrement mentionné, est surévalué. D’abord, les monographies (s’entendant pour nos interlocuteurs comme des études à une micro-échelle) apparaissent peu nombreuses. Le danger semble au contraire plutôt inverse : la tentation d’élaborer des perspectives d’ordre plus général dilue en général les apports scientifiques des travaux. Il est d’ailleurs étrange que l’on considère comme monographique l’étude d’une commune rurale aveyronnaise alors que celle d’un quartier lyonnais ou quartier parisien soit considérée comme reproductible… Quoiqu’il en soit, le dédain dont souffrent les monographies est paradoxal dans un contexte de décentralisation et de prise en compte de la participation citoyenne.

L’analyse conjointe des articles d’études foncières entre 1978 et 2011 et des travaux de thèses menés depuis 2000 met en lumière plusieurs points de convergence : - un glissement sémantique, qui fait entrer l’urbanisme et l’aménagement au cœur des questions

foncières, inaugurant de nombreux articles et travaux sur le logement et l’immobilier ; - le périurbain supplante le rural (et l’urbain) comme cadre d’analyse ; - le rôle des acteurs publics et en premier lieu l’éclatement du pouvoir d’urbanisme ; - l’analyse des marchés fonciers et immobiliers suscite toujours des recherches, notamment en

raison de la flambée des prix depuis la fin des années 1990 ; - certains thèmes restent marginaux voire semblent être quasi-orphelins : la financiarisation, les

espaces naturels, la fiscalité alors qu’ils focalisent les discours et les attentes ; - enfin, la propriété foncière semble devenue obsolète, avec son « abandon » par la géographie

et l’histoire.

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2.2. Trois entrées de recherche éclairées par les questions foncières De nombreuses thématiques peuvent être éclairées par les questions foncières. Nous avons choisi d’en privilégier trois : l’étalement urbain, la financiarisation et la préservation de l’environnement. Ce choix, qui comporte une part d’arbitraire assumée, renvoie plus ou moins directement à trois catégories d’espaces23 : urbain, périurbain-rural, et naturel. Si elles sont inégalement traitées par les travaux de recherche récents, elles n’en constituent pas moins chacune trois entrées qui permettent d’ouvrir sur des thématiques plus nombreuses et variées. L’étalement urbain, et son corollaire la périurbanisation, sont l’objet de nombreuses réflexions, qui nuancent progressivement le regard sur ce phénomène encore largement critiqué. L’entrée foncière articule ici deux thèmes qui constituent les deux faces de la même question : la production foncière et la consommation foncière. Toutes deux peuvent être définies comme la transformation de terres agricoles ou non bâties en terrains à urbaniser, la première insistant sur les terrains produits alors que la seconde met en avant les terrains consommés. Le parti-pris d’employer l’un ou l’autre des expressions dépend du positionnement des auteurs qui les emploient : l’expression « production foncière » cherche à répondre à des enjeux d’urbanisation, et se situe historiquement avant la « consommation foncière ». Cette dernière illustre un changement de positionnement des politiques d’aménagement avec la montée en puissance des questions environnementales. Il s’agit ici clairement de poser la question de la protection des espaces ouverts face à l’urbanisation. Dans les deux cas, ce sont des dynamiques foncières qui sont observées et éclairent l’étalement urbain. La financiarisation est une entrée qui reste encore cantonnée à quelques centres urbains dans le monde. La financiarisation de l’économie, sous l’effet de la globalisation des marchés, touche en effet de plus en plus le foncier. Les terrains (et tout ce qui relève des biens immobiliers) sont considérés, par des acteurs de plus en plus nombreux, comme des actifs financiers « comme les autres ». Cela se traduit concrètement par des choix d’investissements, provenant d’opérateurs mondialisés, guidés par des objectifs de rendements soumis aux aléas des marchés financiers, et déconnectés des dynamiques des territoires au sein desquels sont localisés les biens visés. Les acquisitions massives de terres dans les pays du Sud (pays d’Afrique et d’Amérique latine principalement) participent aussi de ce processus. Enfin, la préservation des espaces naturels occupe une place ambiguë au sein des politiques publiques. Sujet d’intérêt, en particulier lorsqu’il s’agit d’espaces d’exception, car élément de valorisation territoriale, la protection d’espaces présente inversement le défaut d’être peu rentable d’un point de vue fiscal. Au-delà du traitement des espaces remarquables menacés de disparition totale par la pression foncière urbaine, la place accordée à la « nature ordinaire » est encore peu discutée. Or la généralisation (des marais aux centres villes) des enjeux liés à la biodiversité pose la question des modes d’intervention, entre réglementation, acquisition et fiscalité, pour des politiques dont les objectifs doivent être pensés et portés sur le long terme.

                                                                                                                         23 Du moins en temps que points de départ respectifs des thèmes abordés.

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2.2.1. Pour une critique plus pertinente de l’étalement urbain L’étalement urbain reste globalement l’objet de critiques qui se traduisent concrètement dans la loi (loi portant Engagement National pour l’Environnement de 2011 pour la dernière en date). Le phénomène perdure malgré tout, depuis les années 1970 en France. Les critiques sont multiples : disparition des espaces naturels, pollution via l’émission de gaz à effet de serre, fragmentation des terres agricoles, en passant par le développement d’espaces propices aux votes extrêmes. Toutefois, les travaux récents démontrent que l’essentiel de ces remarques ont tendance à manquer leur cible. Il est par exemple difficile de stigmatiser l’étalement urbain en matière d’émission de CO2, puisqu’il ne génère que 13 % des émissions totales. Dans ce cadre, l’approche foncière contribue à nuancer, préciser et mieux cibler les enjeux et mécanismes de l’étalement urbain. On distinguera trois types de travaux selon qu’ils s’intéressent : aux politiques foncières, aux marchés, ou aux propriétaires. Politiques foncières : faut-il lutter contre l’étalement urbain ? A l’appui du questionnement sur la consommation foncière, sont souvent cités les chiffres de « l’artificialisation », produits par des services du Ministère de l’agriculture (enquête Teruti-Lucas) ou celui en charge de l’environnement (données satellites Corine Land Cover). Entre 2006 et 2010, les espaces artificialisés ont progressé d’environ 315 000 hectares selon Teruti-Lucas : 9 % du territoire français est ainsi artificialisé en 2010 (Jean et Morel, 2011). Ce rythme correspond à la disparition d’un département tous les 7 ans. Enfin, cette artificialisation se développe très majoritairement au détriment des espaces agricoles (90 % du foncier artificialisé est agricole), et réduit en priorité les terres les plus fertiles. Face aux discours alarmistes sur la disparition des espaces ouverts, les chercheurs (Charmes, 2009) invitent à relativiser le regard. D’une part, face à la situation de ses voisins européens, la France reste peu urbanisée et d’autre part, même à un rythme jugé soutenu (l’urbanisation progresse 4 fois plus rapidement que la croissance démographique), il apparaît difficile d’imaginer que la ville dense occupe, y compris à long terme, une majorité de l’espace français24. Cela conduit les chercheurs à souligner que le problème est davantage qualitatif que quantitatif. Plus précisément, c’est davantage le caractère diffus, ou l’émiettement, du développement urbain qui pose problème que le nombre d’hectares que cela représente. Une parcelle accueillant un terrain n’est jamais construite entièrement. Dans le prolongement de ces réflexions, de nombreux auteurs soulignent ce qu’il est convenu d’appeler la « crise de l’aménagement » et citent à l’appui les chiffres concernant les permis de construire déposés en France. J.-C. Castel (2010) constate ainsi que les surfaces construites en individuel diffus dépassent celles des logements collectifs. Dans le sillage de ce constat, les politiques publiques – leur cadre législatif ainsi que la chaîne décisionnaire – sont mises en cause. La complexité croissante du Code de l’urbanisme a maintes fois été dénoncée (Renard, 2003). Surtout, la multiplication trop rapide des textes aboutit à des résultats parfois contradictoires : le Plafond Légal de Densité, créé en 1975 avec pour objectif de renforcer les opérations périphériques (Comby, 1993)25 n’a été supprimé qu’en 2010 (via une loi de finances rectificative) ; le minimum parcellaire, favorable à l’urbanisation diffuse a été réintégré en 2003 après avoir été supprimé en 2000 ; et les lois Grenelle et de Modernisation Agricole présentent des outils fiscaux aux objectifs contradictoires, l’une visant à décourager la rétention, l’autre à limiter l’urbanisation (Sainteny, 2011). J.-C. Castel (2010) conclut :

                                                                                                                         24 Eric Charmes, dans une interview donnée à La vie des idées, propose le calcul suivant. Il y a actuellement 30 millions de logements en France, et admettons que chacun occupe 1 000 m2 au sol (hypothèse généreuse). Si on multiplie par 2 cette superficie pour tenir compte des infrastructures et commerces, on obtient une France urbanisée à 12 %. 25 Le PLD devait limiter l’exercice du droit de construire au-delà d’un certain plafond. Au-delà, le propriétaire devait acheter un droit supplémentaire via un versement pour dépassement de PLD à la collectivité. L’objectif était de dé-densifier les centres-villes et faire baisser les prix du marché (ce qui n’a pas fonctionné). Le Versement pour sous-densité (VSD), créé fin 2010 par une loi de finances rectificative, vise des objectifs exactement inverses.

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« la lutte affichée contre l’étalement urbain a eu des effets contreproductifs. L’analyse révèle que loin de limiter le phénomène, les textes continuent à favoriser un émiettement de l’urbanisation en périphérie des villes ». Parallèlement à ces débats techniques, la fragmentation communale associée au malthusianisme foncier des élus locaux est régulièrement tenue pour responsable des modalités de l’urbanisation (Charmes, 2009 ; Vilmin, 1999). Le pouvoir d’urbanisme constitue un pré-carré, à la base de la légitimité des élus locaux. B. Needham (2006) souligne le paradoxe de la planification où si beaucoup d’intérêts sont en jeu, seule une minorité possède des droits de propriété et qui plus est à construire. Un consensus se fait ainsi jour pour demander une remontée du pouvoir foncier à l’échelon intercommunal (élaboration d’un plan local d’urbanisme intercommunal par exemple). Les études empiriques manquent aujourd’hui sur une dynamique qui n’est pour l’instant pas imposée par la loi26. On notera que cette évolution, pour bénéfique qu’elle soit, ne résoudra pas consubstantiellement la problématique foncière, qu’il s’agisse d’affirmer la légitimité de la puissance publique à limiter la liberté du propriétaire foncier ou de mener des politiques de long terme. Actuellement, les élus locaux utilisent la réglementation d’urbanisme pour limiter les densités potentielles des constructions et bloquer le développement une fois un seuil de population atteint, sous la pression de leurs administrés. Dans un contexte de prix élevés, cette logique conduit toujours plus loin des centres urbains ceux qui cherchent des terrains à bâtir accessibles et aboutit à une urbanisation en « saut de puce ». Parallèlement, c’est l’instabilité d’une règle soumise à un pouvoir foncier local qui est dénoncée (Delattre et Napoléone, 2011), car la volatilité qui lui est liée a deux conséquences majeures : elle gêne la mise en œuvre des opérations d’aménagement (en raison du risque associé) ; et favorise les logiques d’attente des propriétaires. Ces logiques d’anticipation ont été abordées via l’analyse des marchés fonciers. Les marchés : ne pas oublier la dimension économique de l’étalement Les marchés fonciers de l’étalement urbain sont abordés sous deux angles différents, qui renvoient aux problématiques des difficultés de l’aménagement27 et de la rétention foncière. La première approche est héritée des analyses néo-marxistes de la rente foncière dynamiques entre les années 1970 et la fin des années 1980 (cf. la contribution de Guilhem Boulay infra). Sans renouveler le cadre théorique de la recherche, ces travaux ont contribué à mettre en lumière les différents marchés qui structurent les espaces périurbains (Vilmin, 2012). L’inadéquation entre les formes urbaines projetées par les plans d’urbanisme et les dynamiques de marché est ainsi régulièrement soulignée (Bouteille, 2008 ; Castel, 2011). Les auteurs montrent que des objectifs de densité élevée ne sont réalistes que lorsque les marchés sont tendus. En effet, la densité coûte cher (sous-entendu les coûts de construction sont croissants avec la densité) et les opérateurs n’y trouvent leur intérêt que si les prix immobiliers, et partant fonciers (selon la logique du compte à rebours), sont élevés. La méconnaissance de ces mécanismes expliquerait en partie les échecs de la lutte contre l’étalement urbain, si ce n’est leur inutilité. L’autre école de pensée, davantage marquée par l’économie standard et l’individualisme méthodologique, est héritière des théories de Von Thünen et d’Alonso (1962). Elle s’intéresse aux individus, vendeurs et acquéreurs, qui s’échangent les terrains et s’est développée récemment autour des approches dites « hédonistes »28. Les outils développés apparaissent particulièrement puissants, bien rodés pour l’immobilier, mais nettement moins développés dans le domaine du foncier (Aveline, 2005).

                                                                                                                         26 Même si la version initiale de la loi Grenelle 2 prévoyait une telle obligation, laquelle a finalement été rejetée. 27 La question connexe des coûts de l’étalement urbain sort du cadre de cet état des lieux, même si les marchés fonciers en constituent un déterminant important. En tout état de cause, la recherche sur cette question n’a pas connu d’évolution majeure. On renvoie aux travaux de Guengant (1992,), de Halleux et De Keersmaecker (2002,) ou de Morlet (2001), lequel démontrait que l’étalement pouvait s’avérer rentable pour les finances d’une collectivité). 28 Un terrain peut être découpé en un ensemble de caractéristiques, dont on détermine les valeurs respectives, et dont l’addition a pour résultat le prix total du bien.

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Les auteurs s’intéressent globalement à la difficile résistance des espaces agricoles face à la pression foncière urbaine. Si le modèle centre-périphérie de répartition des prix reste marqué (Napoléone, 2006), les auteurs montrent l’ampleur d’autres facteurs tels que la capitalisation des aménités paysagères (Cavailhès et al., 2005) ou de la proximité du littoral (Gaschet et Pouyanne, 2011) dans les prix. La résistance des terres agricoles à l’urbanisation, dans un contexte de volatilité des zonages d’urbanisme, est mise directement à mal en raison du différentiel de prix (de 1 à 40) existant entre terres de culture et terrains à bâtir dans les franges urbaines. Geniaux et Napoléone (2005) mettent ainsi en lumière des phénomènes d’anticipation des changements d’usage : rétention des propriétaires de terrains agricoles ou acquisition à des prix bien supérieurs à ceux habituellement pratiqués, en attendant une évolution des plans d’urbanisme. Ici encore, est soulignée, in fine, l’importance du rôle des élus locaux, qui cèdent parfois face à la pression de leurs administrés qui cherchent à obtenir des droits à construire. L’émiettement de l’urbanisation est également le fait de la revente d’anciennes résidences d’exploitants à des néo-ruraux, privant par conséquent les jeunes générations d’agriculteurs de logements à proximité de leurs terres, quand ce n’est pas de bâtiments d’exploitation. S’illustre ici une contradiction interne à la profession agriculteur, opposant les retraités qui cherchent à « réaliser » leur patrimoine et les jeunes actifs qui s’installent et demandent des terres et bâtiments à prix en phase avec la rentabilité de leur activité (Jarrige, et al., 2003 ; Jarrige, 2004 ; Vianney, 2005). Sencébé (2001) s’est intéressée aux évolutions sociologiques que cela implique, transformant les représentations de l’espace rural et la perception de l’agriculture, qui peut être perçue à présent comme une source de nuisance pour les habitants de l’espace rural. Elle montre, dans le prolongement, les difficultés rencontrées par des opérateurs publics (notamment la Safer) dont la mission est de réguler les marchés pour préserver l’agriculture (Sencébé, 2012). L’agriculture, qui occupe encore plus de 52 % des espaces périurbains, paraît ainsi de plus en plus marginalisée et les conditions d’un équilibre urbanisation/maintien de l’agriculture restent difficiles à appréhender (Perrin, 2009). La place des propriétaires : le périurbain plébiscité par les citoyens ? Les travaux proposant une entrée explicitement centrée sur les propriétaires fonciers sont rares. La sociologie aborde la question des habitants ou des agriculteurs sans poser le statut de propriétaire comme spécifique (Gollac, 2011). Ce constat constitue un paradoxe important, car les propriétaires sont au cœur du processus d’urbanisation pour la plupart des auteurs. En fait, les comportements des propriétaires sont généralement limités à une rationalité rudimentaire de recherche du profit maximal, comme si toute décision pouvait se résumer à un arbitrage financier. Selon T. Rebour (2000), le développement périurbain trouve ainsi sa source dans la croissance des prix, qui alimente une « centrifugeuse sociale », davantage que des motivations individuelles, telles que la recherche de la vie « à la campagne ». Ce postulat est finalement repris par le programme de recherche « BimBy » qui veut démontrer que la résistance supposée des propriétaires périurbains à la densification (soulignée notamment par X. Desjardins, 2011) n’est pas une fatalité liée au phénomène « Nimby ». Inversement, lorsque les conditions réglementaires sont remplies, des propriétaires bien informés ne résisteraient pas à la perspective du gain représenté par une division parcellaire suivie d’une vente, même si celle-ci favorise la densification. Mais davantage que la question du gain financier, c’est un enjeu de repositionnement du rôle du propriétaire qui est souligné par Touati (2012), en tant qu’acteur à part entière de la production urbaine. Il apparaît pour finir important de ne pas limiter la réflexion aux dynamiques de marché, qui ne concernent finalement pas la majorité des propriétaires. On estime qu’environ 1 terrain sur 30 mute chaque année ; sans compter qu’une grande partie des propriétaires héritent de leur bien immobilier. Des déterminants économiques à l’utilisation du droit des sols par les élus, les questions foncières ont directement contribué à l’analyse de l’étalement urbain et à faire la critique d’approches teintées d’une idéologie pro-densité. La promotion par les pouvoirs publics de la densité et du « reconstruire la ville sur la ville », ont contribué à faire de cette thématique une entrée porteuse, au cours des années 2000-2010 notamment. Loin de s’épuiser, colloque après colloque, la question de l’étalement urbain continue à mobiliser les élus et techniciens des collectivités… et les chercheurs. En témoigne la prégnance du thème dans des

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programmes de recherche récents associant praticiens et chercheurs : nous pensons ici à l’ANR Bimby ("Build in My Back Yard") ainsi qu’à plusieurs projets de recherche PSDR (cf. 1ère partie). On notera toutefois que les zones d’activités, qui constituent une part importante de l’extension urbaine, sont rarement traitées dans ce cadre, ce qui constitue une lacune certaine (et ancienne). Si l’étalement urbain mobilise de nombreuses disciplines, les approches foncières restent globalement le fait d’économistes et d’aménageurs-géographes. Les sociologues ou historiens29 par exemple semblent moins investis. Pourtant, comprendre la dimension foncière de l’étalement urbain nécessite à coup sûr de mobiliser des disciplines différentes : comment résoudre la question de la « loterie » que constitue le zonage et de la répartition de la plus-value accordée aux propriétaires qui se voient dotés de droits à construire sans poser des questions relevant de la science politique et de la sociologie, ou du droit ? L’adage « maire bâtisseur, maire battu », largement repris dans les médias, comme dans une partie de la littérature scientifique, mériterait certainement d’être mis à l’épreuve de travaux empiriques sérieux. Enfin, comprendre les comportements de propriétaires dont une large partie échappe aux dynamiques de marché paraît essentiel. La recherche doit ici s’orienter vers un approfondissement de la compréhension du système foncier local qui constitue « toujours une alchimie complexe entre mécanismes économiques, systèmes juridiques, tradition et coutumes, attitudes vis-à-vis de la propriété » (Renard, 2003), qui donne toute sa place à la compréhension des raisons d’agir des propriétaires, et pas uniquement des professionnels de l’aménagement et des élus.

                                                                                                                         29 En fait, l’histoire fait totalement défaut aux analyses de l’étalement urbain, ce qu’explique Annie Fourcaut (2003) par les difficultés des historiens à appréhender une ville aujourd’hui diffuse et fragmentée alors que la méthode privilégiée par l’historiographie française était la monographie communale. Comment l’historien doit-il découper la ville pour l’appréhender ?

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2.2.2. De patrimoine à actif financier : quand la finance s’empare du foncier Derrière le terme de « financiarisation », défini par N. Aveline (2005) comme « le processus de convergence entre les biens immobiliers et les autres classes d’actifs, sous l’effet de la globalisation financière », se cache à la fois un concept très vendeur (en termes académiques30) mais aussi méconnu et finalement peu investi. Deux phénomènes illustrent cette emprise croissante de la finance sur le foncier et l’immobilier, au détriment de l’économie : la financiarisation de l’immobilier et les acquisitions massives de terre31. Relativement récents puisqu’ils remontent aux années 198032 ces deux phénomènes ont été rendus possibles par l’ouverture des frontières et la libre circulation des capitaux. De nouvelles opportunités de diversification des investissements (Aveline, 2005) se sont ainsi présentées aux investisseurs qui se sont retrouvés libres d’arbitrer entre différents actifs, dont le foncier et l’immobilier font à présent partie. La ville : extension du domaine de la finance Autrefois, un bien immobilier acheté était amorti en quelques années et devenait un patrimoine immobilisé, dont la valeur comptable était nulle. Dès lors qu’il devient un actif exclusivement financier, l’acquisition d’un bien immobilier se négocie en fonction de sa rentabilité locative (Aveline, 2005). Nappi-Choulet (2012a) parle quant à elle de « l’application des méthodes financières à la ville et à l’immobilier, à des actifs patrimoniaux, à des actifs des biens publics ou des territoires (…) rapportant des revenus locatifs récurrents ainsi qu’une plus-value à la revente, le tout intégré dans le calcul d’un rendement dit global (cash-flows locatifs) ». Ce changement implique un changement fondamental dans le calcul de la valeur : autrefois calculée sur une conception « historique » (comparaison avec des transactions passées), celle-ci est à présent fondée sur une valeur future actualisée (calcul probabiliste des revenus escomptés ramenés à une valeur présente) : la fair value ; qui s’impose comme la référence dans la comptabilité des entreprises (normes IFRS). C’est ce qui explique certains décalages voire une déconnection avec d’autres conceptions des marchés immobiliers et fonciers, non imprégnées du monde de la finance (on pense notamment aux collectivités qui acquièrent dans le cadre d’opérations d’aménagement). Et surtout, la connexion de plus en plus importante des marchés immobiliers avec les marchés financiers, via l’acquisition de titres dans différents véhicules d’investissements33, déconnecte les investisseurs du bien qu’ils ne connaissent pas/plus (Renard, 2008) et soumet les marchés immobiliers à l’instabilité structurelle des marchés financiers34. Si ce processus remet en cause la figure classique de l’investisseur, la déterritorialisation et les choix dictés par le rendement de l’immobilier, devenu « actif financier », impactent aussi bien les territoires que les politiques publiques menées.

                                                                                                                         30 Avec un nombre croissant de colloques, séminaires ou articles titrant sur la financiarisation… même si les spécialistes français se comptent sur les doigts d’une seule main. 31 Egalement appelés “accaparements de terres”, ce qui lui donne dans ce cas une connotation assez péjorative. 32 « L’intervention de la finance dans la ville n’est pas un phénomène totalement nouveau », signale D. Lorrain (2011), « les marchands et banquiers ont contribué à l’essor des villes au Moyen Âge et à la Renaissance. », mais « à cette époque, il ne s’agissait pas d’une relation assez forte pour que l’on puisse faire de la financer un acteur essentiel de la fabrique urbaine. Elle n’intervient que sur quelques opérations phares mais minoritaires par rapport aux grand nombre des promoteurs locaux et surtout des petits constructeurs ». 33 N. Aveline (2005) précise : « les plus importants sont les fonds américains nommés REITs (Real Estate Investment Trusts). D’un nombre supérieur à 300 sur le territoire américain, dont 173 cotés en bourse, ils ont pour principal objet l’acquisition et la gestion de biens immobiliers de tous types (immobilier résidentiel et d’entreprise, surfaces commerciales, équipements médicaux et touristiques..). Ils sont exonérés de l’impôt sur le revenu s’ils redistribuent 90 % de leurs revenus locatifs sous forme de dividendes. Lancés dans les années 1960, les REITs ont longtemps été restreints aux investisseurs institutionnels. Ils n’ont pris leur essor qu’à partir du début des années 1990, en s’ouvrant aux particuliers et aux sociétés d’investissement. » 34 D’une façon générale, certains auteurs tels que André Orléan (2012) considèrent que les bulles spéculatives haussières constituent une tendance structurelle du marché financier.

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Si l’activité économique (bureaux, entrepôts ou commerces) absorbe une grande partie des effets des de la financiarisation, le logement semble peu visé. C. Taffin (2012) résumait le peu d’emprise sur les marchés du logement : « […] de manière générale, les questions de logiques financières internationales ont peu d’effets directs sur le marché du logement. Les investissements institutionnels privés se concentrent en effet sur ce qu’on appelle l’immobilier tertiaire, c’est-à-dire les bureaux, les centres commerciaux, les entrepôts, etc., plus rentables et moins lourds à gérer que le logement. Pour la majorité des particuliers, l’effet de la finance internationale, c’est surtout les taux d’intérêt ; pour les plus aisés, c’est aussi l’arbitrage entre les placements financiers et l’investissement dans la pierre ». I. Nappi-Choulet (2012b) avance au contraire que le logement, qui a « longtemps été considéré comme un bien patrimonial et de surcroît valeur refuge contre l’inflation » subit aujourd’hui la financiarisation du secteur immobilier, non pas directement mais parce les investisseurs institutionnels délaissent ce secteur. Considérant le logement comme une nouvelle classe d’actif, perçue comme peu rentable, ces derniers s’en sont en effet désengagés au profit des immeubles banalisés de bureaux ou des centres commerciaux. Dans ce contexte de délaissement du secteur résidentiel au profit d’autres activités plus lucratives, doit-on craindre que le logement ne soit plus qu’une variable secondaire de la production urbaine ? Face à une demande de logements qui surpasse largement l’offre, le président de la République, François Hollande, souhaite mobiliser les foncières cotées et notamment les investisseurs institutionnels, et les pousser à réinvestir le champ du logement locatif intermédiaire (Besses-Boumard, 2012). Ce décalage entre rendements financiers et objectifs de politiques publiques constitue un autre impact de la financiarisation. La plupart des acteurs financiers se projette sur des pas de temps relativement courts, ce qui fait dire à V. Renard que « […] Le court-termisme de ces investisseurs n’est pas compatible avec les perspectives longues des politiques urbaines ». Si la contradiction est évidente, les effets pervers peuvent alors être multiples. I. Nappi-Choulet (1997), dans sa thèse consacrée à la bulle qui a touché l’immobilier de bureau au début des années 1990, le démontre. Quand la rentabilité des loyers a diminué, les investisseurs ont joué la carte de la plus-value en s’appuyant sur des taux d’endettement records (qui ont joué un effet de levier). Avec des fonds propres réduits au minimum, le retour sur investissement peut en effet être considérable. Mais il s’appuie sur une croissance des prix à la revente, alors que les loyers ne suivent pas. Cette course aux plus-values a contribué à la multiplication d’entrepôts ou bureaux vides et sans activité35. L’abandon de locaux d’activités pose par ailleurs des problèmes à certaines collectivités. Alors que ces dernières proposent des estimations très faibles, fondées sur l’usage actuel (on paye seulement « des murs ») ; celles des entreprises, via leurs normes comptables (IFRS), ont tendance à être beaucoup plus élevées, compliquant l’intervention publique. Ainsi, si la finance globale consacre une certaine déterritorialisation des biens fonciers et immobiliers, elle n’en a pas moins des conséquences sur l’aménagement des territoires et la morphologie des villes. Cela se traduit également dans les capacités mêmes de développement des villes. D. Lorrain (2011) relevait ainsi que, en matière d’investissement, « le couple rentabilité/risques conduit à sélectionner des villes déjà réputées ou qui ont un potentiel » et citait une étude réalisée par L. Halbert (2011) qui montrait que plus de 70 % des investissements se font à Paris et en première couronne. La province apparaît ainsi largement à l’écart du mouvement de financiarisation… Sauf à considérer ses effets indirects et le désinvestissement qui en résulte. Celui-ci est d’autant plus préoccupant alors même que le recours à des investisseurs privés, de plus en plus en financiarisés, se développe dans de nombreux champs jusque là réservés à la puissance publique, notamment les équipements publics. La capacité de ces investisseurs à intervenir sur des secteurs jusque-là comme peu ou pas rentables : logement social, renouvellement urbain, etc., où l’aménagement public ne parvient pas à équilibrer les opérations, paraît plus hasardeuse. Cette incompatibilité interroge directement l’adéquation entre économie financiarisée et développement durable.                                                                                                                          35 Que l’on qualifie abusivement de « friches industrielles ou économiques », car il s’agit d’une inactivité et non d’un abandon des locaux.

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Assez logiquement, les chercheurs sont assez critiques sur l’adéquation finance/durabilité. La position défendue par T. Theurillat (2010) est à ce titre sans équivoque, puisqu’il indique que « les relations entre « finance » et « durabilité » dans le cadre de la production urbaine s’avèrent a priori contradictoires ». Dans le domaine du foncier et de l’immobilier, N. Aveline (2005) ne dit finalement pas autre chose : « Comment peut-on espérer promouvoir efficacement la « ville durable », quand les marchés immobiliers urbains deviennent structurellement instables et quand les mouvements de capitaux tendent à niveler vers le haut le prix du sol sur la planète, sans égard pour les énormes écarts de maturité économique entre les pays ? ». Dans les faits, l’amélioration de la qualité environnementale des bâtiments36 (locaux mais aussi parfois immeubles) par exemple implique un surcoût. L’obsolescence technique et la mise aux normes environnementales des bâtiments coûtent cher et conduisent souvent les investisseurs à délaisser les vieux bâtiments au profit de neufs, construits plus loin. Cette pratique produit des zones d’activités partiellement délaissées, et dont la revitalisation passe par des investissements publics coûteux et complexes. La montée en puissance de la « valeur verte » est, dans ce cadre, un phénomène nouveau. Il s’agit de donner une valeur aux qualités « environnementales » des bâtiments : faible consommation énergétique, matériaux respectueux de l’environnement, etc. Si les professionnels ont pu être sceptique autrefois, les travaux d’I. Nappi-Choulet (2009) montrent que les bâtiments verts ou labellisés « surperforment » (i.e. ont des rendements supérieurs à la moyenne), en raison notamment des économies d’énergies qu’ils permettent. La réflexion sur la valeur verte, y compris dans le domaine de l’aménagement (cf. les labels écoquartiers développé par le Ministère en charge de l’aménagement ou HQE), est ouverte et constitue clairement une piste qui méritera d’être explorée. A travers ces réflexions, la financiarisation semble se focaliser essentiellement sur l’immobilier. Ce serait oublier que « c’est le sol et lui seul, qui cristallise l’inflation ou la déflation des actifs immobiliers » écrit N. Aveline (2005) avant d’ajouter « Si la théorie économique a connu des développements récents sur les dynamiques de cycles immobiliers, elle est en revanche muette sur les mécanismes de formation du prix du sol, et […] rien d’éclairant n’est dit sur la spéculation foncière, qui constitue pourtant l’un des principaux fléaux du capitalisme contemporain ». Un sujet de réflexions parallèle à la financiarisation de la ville a émergé depuis le début des années 2000. Il obéit à une logique relativement proche mais s’inscrit, lui, dans un contexte agricole : les acquisitives de terres à grande échelle. Le « land grabbing » : entre mythe et réalité La financiarisation de l’économie a généralisé l’application des techniques financières sur des biens dits « de base » dont font partie les produits et actifs agricoles (Anseeuw et al., 2012). Depuis 2008 et « l’affaire malgache »37 relève G. Chouquer (2012), l’opinion publique mondiale a pris conscience du phénomène, qui se traduit par des acquisitions de terres à grande échelle. Ce mouvement dénommé « land grabbing » en anglais est appelé alternativement « appropriations », « acquisitions », « accaparements » ou « concessions » en français selon le jugement porté. Ce n’est pas un phénomène totalement nouveau, mais le contexte récent de mondialisation et de financiarisation a contribué à son essor considérable depuis une dizaine d’années. Très médiatisé depuis les affaires Daewoo, à Madagascar, ou Benetton, en Argentine, le « land grabbing » qui ont vu des entreprises internationales investir dans des milliers d’hectares dans certains pays. La question intéresse particulièrement les chercheurs travaillant sur les pays du Sud, notamment par les liens et répercussions qu’il entretient ou provoque sur la propriété et les conflits fonciers. Mais le thème contribue par ailleurs à brouiller les cartes qui divisent traditionnellement les chercheurs s’intéressant au Sud et au Nord, car investisseurs et investis se situent dans les deux camps. Ainsi, les investisseurs peuvent être Chinois ou Américains, tandis que les pays ciblés sont situés en Afrique comme en Europe de l’Est.

                                                                                                                         36 « Plus gros consommateur d’énergie avec, selon l’Ademe, 70 millions de tonnes équivalent pétrole consommées par an. Ces valeurs doivent être divisés par quatre d’ici 2050 grâce à la définition de nouvelles normes de qualité environnementale. » - Nappi-Choulet (2009). 37 L’acquisition de 1 765 000 ha par les entreprises coréenne Daewoo et indienne Varun à Madagascar.

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Un phénomène ni nouveau ni simpliste « Il faut faire attention quand on parle de nouveauté car le processus de conquête de territoire est vieux comme le monde » rappelle E. Le Roy (2011b). D’ailleurs, si le contexte a changé, certaines motivations comme l’approvisionnement en produits alimentaires correspondent en partie à celles qui ont guidé la division impériale des tâches entre métropole et colonies (Chauveau, 2011). La changement provient tout d’abord de l’extension spatiale du phénomène qui touche tous les continents : l’Afrique bien sûr (67 % de la superficie des terres achetées38), l’Asie (22 %) et l’Amérique latine (9 %) mais aussi les pays de l’ex-bloc soviétique (principalement l’Ukraine). Ensuite, l’emprise spatiale des projets est considérable en variant de quelques dizaines de milliers d’hectares à plus d’un million dans certains cas. Ce mouvement ne concerne plus des territoires et une revendication de la souveraineté politique comme durant la conquête coloniale mais des propriétés privées à l’intérieur de territoires politiques (Le Roy, 2011b). Cette logique remet ainsi en cause la souveraineté et la gouvernance interne des Etats. De plus, les investisseurs peuvent être aussi divers : des Etats aux entreprises privées, en passant par des organisations financières ou de riches particuliers. Enfin, les objectifs des investissements sont également potentiellement multiples : assurer une sécurité alimentaire ou énergétique pour les pays d’origine des investisseurs, produire des agro-carburants ou spéculer sur un marché perçu comme particulièrement rentable. La forte croissance de la demande en produits agricoles (alimentation et énergie) a participé à cette course aux terres dans le Monde, « les investisseurs sont à la recherche de placements dans des catégories d’actifs sûrs leur permettant d’échapper à la volatilité des marchés » (Chauveau, 2011). Land Matrix39 constate ainsi qu’entre 2001 et 2011, plus de 80 % des transactions concernent le foncier agricole (cultures vivrières ou bio-carburants). Par ailleurs, la flambée des prix des produits agricoles depuis 2008 a en effet offert de nouvelles possibilités de spéculation en diversifiant les placements financiers. C’est pourquoi, les fonds de pension, banques d’investissement ou « hedge fund » ont massivement investi dans le foncier agricole depuis 10 ans : Grain (2011) estime la rentabilité de ces investissements entre 10 % et 20 % par an. Suite à la récente crise financière, les fonds de prévoyance et les gestionnaires de régimes de retraite cherchent à reconstruire et diversifier des holdings à long terme pour leurs clients : « Les terres agricoles sont pour eux une proposition extrêmement attractive. Ils voient dans ces terres ce qu’ils appellent de bons « fondamentaux » : un modèle économique d’offre et de demande clair, qui dans le cas présent, dépend d’une population mondiale croissante qui a besoin d’être nourrie, alors que les ressources nécessaires pour ce faire sont limitées. Les gestionnaires de ces fonds voient des prix fonciers relativement bas dans des pays comme l’Australie, le Soudan, l’Uruguay, la Russie, la Zambie ou le Brésil. » (Grain, 2011). L’arbre qui cache la forêt ? L’opacité de ces projets est de fait souvent soit souhaitée soit entretenue. D’abord, en dépit de la terminologie utilisée, il s’agit rarement d’acquisitions définitives de terres mais davantage de cessions à long terme. Le recours à des baux emphytéotiques d’une durée supérieure à 50 ans ou à des « modalités de contractualisation entre firmes agro-alimentaires et exploitations villageoises » (Chauveau, 2011) est fréquent parce que la propriété foncière n’est pas un objectif pour les investisseurs et ensuite parce les investisseurs ne peuvent pas forcément acheter le foncier. Dans ces pays, la terre n’est pas libre de droits et d’occupants et dans un certain nombre les acquisitions foncières par des étrangers sont interdites (Madagascar ou Bénin). Ces cessions sont souvent négociées en secret et rendues publiques une fois signées. Cette non-prise en compte des populations locales, concernées par le projet ou plus largement, et le mécontentement face aux projets a parfois abouti à des échecs (le plus retentissant s’étant traduit par la démission du président malgache) et conduit de plus en plus à des mobilisations de la population locale, nationale                                                                                                                          38 Chiffres issus de la Land Matrix Database, 2011. 39 The Land Matrix est née de cette idée : tenir une base de données recensant les transactions et vérifier leur effectivité.

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voire internationale, avec l’appui d’ONG (Le Roy, 2011b). Ces transactions démontrent bien la création d’un marché qui est tout sauf transparent. D’autant que les effets d’annonce, vite relayés par les médias (internet en tête), viennent brouiller les cartes entre les intentions et les projets concrétisés. En 2011, près de 1 200 transactions totalisant un peu plus de 80 millions d’hectares de terres ont été recensées, la moitié environ ont pu être vérifiées40. Cette vérification est importante car les effets d’annonce ont largement contribué à la visibilité du phénomène tout en le déformant. A partir des exemples malgaches et maliens, P. Burnod et al. (2011) ont conclu à un décalage substantiel (seulement 0,46 % des 4 100 150 ha annoncés ont été effectifs à Madagascar). Les stratégies des pouvoirs locaux et le contexte politique et réglementaire constituent de fait des facteurs déterminants. A priori déséquilibré, le rapport de forces entre firmes de l’agro-business et élites locales peut être trompeur. J.-P. Chauveau (2011) souligne le bénéfice que la bureaucratie nationale peut titrer d’un changement de législation du foncier et l’écran que constitue la médiatisation des acquisitions foncières à grande échelle. Elle « laisse dans l’ombre les acquisitions foncières (à grande échelle ou à échelle plus modeste, mais nombreuses) par des acteurs nationaux émanant de cercles proches du pouvoir, dans les régions agro-écologiques les plus favorables des différents pays ». Les cessions de 200 ha constituent le seuil retenu par the Land Matrix. Mais la taille n’est pas vraiment un critère fondamental, tout dépend de la superficie du pays, de la densité de population et bien sûr de la disponibilité des terrains. Ainsi « un accaparement de 5 ha en Guinée Bissau ou au Bénin, qui sont des pays où la disponibilité des terrains est très réduite, et où la population est très dense, peut provoquer de grands dommages » (Goita, 2012). Mais ce type de transactions n’est pour l’heure pas inventorié. Insécurités Même s’il ne s’agit pas d’acquisitions définitives, mais des baux ou des engagements contractuels sur le long terme (plusieurs décennies), ces transactions soulèvent néanmoins la question de l’accès à la terre. « Près d'un siècle après l'introduction de la procédure de l'immatriculation foncière en Afrique, la propriété privée de la terre y reste l'exception » relèvent E. Le Roy et al.. (1996). L'absence de sécurité foncière constitue un facteur propice aux investissements réalisés, particulièrement en Afrique, dans le foncier agricole, « une proportion significative des petits producteurs agro-forestiers dans beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne, d’Asie et d’Amérique du Sud occupe le territoire sur la base du droit coutumier et ne détient à cet effet aucun titre de propriété qu’ils pourraient mobiliser sur le plan juridique pour contrer ces transactions » (L’Italien, 2012). En effet, si juridiquement c’est l’Etat, notamment en Afrique, qui détient la plupart des terres rurales et qui plus est forestières, 80 % des terres, estime Paul Mathieu (2009), relèvent d’une propriété légitime socialement acceptée, sans titres légaux. Ainsi, les populations locales courent le risque d’être dépossédées des parcelles qu’elles exploitent et qui constituent leur principale source de revenus et d’approvisionnement alimentaire. C’est donc deux types d’insécurités qui se croisent à travers cette problématique : celle de la propriété (cf. la contribution de C. Herrera infra) pour une perspective plus globale sur ce thème, et celle de l’approvisionnement alimentaire… alors même que les investissements dont il est question sont régulièrement présentés comme une opportunité de développement de la filière agricole.

                                                                                                                         40 Selon the Land Matrix.

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2.2.3. Les milieux naturels face aux logiques de marchés L’émergence du concept de développement durable a fait apparaître de nouveaux axes de recherche et d’innovation : de la lutte contre le réchauffement climatique à la gestion économe des ressources non renouvelables, des inégalités écologiques 41 aux économies d’énergie dans le bâtiment ou à la durabilité, etc. De plus, longtemps focalisé sur la protection des espaces remarquables (l’instauration des sites classés et inscrits date de 1930), l’intérêt pour les espaces ordinaires s’est développé récemment et a ouvert de nouveaux champs de réflexions. En résulte une imbrication croissante du droit de l’urbanisme avec le droit de l’environnement, qui contribue à alimenter les débats entre réglementation, action foncière et fiscalité, avec, en toile de fond supplémentaire, l’idée d’efforts qui doivent nécessairement être pensés et portés sur le (très) long terme. La prise en compte de la « dynamique » naturelle, qui conduit à parler aujourd’hui régulièrement de biodiversité (Doussan, 2010), remet directement en cause des politiques autrefois pensées de façon statique, dans le temps et dans l’espace (Gérard et Gérard, 2012). Comment, dans ce cadre, organiser, si ce n’est la protection, du moins la prise en compte de la Nature dans les politiques d’aménagement ? Le passage par le marché, aujourd’hui à la mode, est-il satisfaisant ? Peut-être parce la protection des milieux naturels longtemps était confinée aux espaces remarquables, elle a peut-être été considérée comme une niche réservée à quelques spécialistes, le plus souvent naturalistes ou agronomes. Avec la multiplication des acteurs et des espaces concernés, qui contribue de fait à une généralisation de la protection, la thématique émerge et est incontestablement un des sujets de réflexion pour les chercheurs en géographie, économie, sociologie ou sciences politiques. Trois thématiques ont été retenues pour illustrer ce questionnement :

- Les difficultés de l’acquisition foncière face à des enjeux naturels élargis aux espaces ordinaires

- Sécuriser les engagements environnementaux sans acquérir le foncier - La montée en puissance des compensations environnementales

Des espaces remarquables aux espaces ordinaires : l’intervention publique en quête d’un nouveau modèle ? Les espaces remarquables comptent parmi les premiers espaces naturels protégés. Les premières associations de protection de la nature datent du 19eme siècle et les réglementations mises en place remontent au début du 20eme siècle (sites classés et inscrits, arrêtés de biotope, espaces naturels sensibles, etc.). Depuis les années 1960, les outils se sont multipliés pour permettre à la puissance publique de pallier les limites de la réglementation. On pense notamment à l’incapacité de cette dernière à contraindre les propriétaires à une action parfois nécessaire (quand un espace remarquable se détériore par exemple), quand ce n’est pas à la volatilité des zonages d’urbanisme, notamment dans les zones de forte pression foncière. L’acquisition d’espaces naturels à des fins de protection s’est donc développée pour permettre à la puissance publique de mettre en œuvre une action positive, qui ne se limite pas à l’interdiction de faire : via les Départements et leur politique d’espaces naturels sensibles, le Conservatoire du littoral, les Conservatoires d’espaces naturels, les Agences de l’eau, ou bien encore via les récentes missions des SAFER ou des EPF sur ce terrain. La maîtrise foncière a longtemps été privilégiée car la propriété était considérée comme la garantie d’une protection définitive (Piquard, 1973). L’action du Conservatoire du littoral ou des départements sur les espaces à enjeux ou sensibles les a soustrait à l’urbanisation. Cette régulation a contribué à en faire des marchés très particuliers, car administrés (Gérard, 2008 ; Gérard et al., 2008) seulement par

                                                                                                                         41 Apparue en tant que telle pour la première fois dans un texte officiel lors du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg en 2002.

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la puissance publique, laquelle pouvait intervenir en raison de prérogatives de puissance publique (recours au droit de préemption notamment). La prépondérance de l’acquisition publique est aujourd’hui partiellement remise en cause pour trois raisons. En raison de son coût financier d’abord, l’acquisition foncière coûte cher, notamment sur des marchés de plus en plus tendus (comme sur les espaces littoraux), même si ce dernier a rarement fait l’objet d’évaluation. L’efficience des politiques publiques de protection : l’évaluation des outils et dispositifs est ainsi peu soulevée et encore moins mesurée, alors qu’ils mobilisent des dépenses publiques considérables. Seuls quelques rapports, déjà anciens, se sont intéressés à l’efficacité et à l’utilisation des deniers publics, tel celui sur l’évaluation des politiques des Espaces Naturels Sensibles menées par les départements (Prats et Rimkine, 1997). Ensuite, en raison de l’élargissement des préoccupations environnementales qui touchent désormais les espaces dits ordinaires : si les espaces remarquables se situent « hors marché », les espaces ordinaires sont au contraire écartelés entre plusieurs marchés et intérêts. Au-delà de l’opposition environnement/agriculture, la nature et les usages de ces espaces sont nombreux. Ainsi les forêts peuvent être acquises à des fins productives, pour exonération fiscale, les terrains de loisirs pour mettre des chevaux, des caravanes ou jardiner. Les prix peuvent donc fortement varier et les opérateurs publics entrer en concurrence. Enfin, en raison de la multiplication du nombre d’opérateurs susceptibles d’intervenir sur ces dits espaces ordinaires. Les opérateurs multiplient leur champ d’intervention : le Conservatoire du littoral avec une compétence officielle sur le DPM depuis 200242), les Safer qui se sont vu attribuer une mission environnementale depuis la loi DTR de 2005, et la récente réforme du statut des EPF d’Etat a également fait apparaître explicitement une mission d’appui aux politiques de préservation de ces opérateurs que l’on a davantage l’habitude de voir sur l’urbain43. Cette dispersion des missions propre à chaque opérateur foncier les transforme en opérateurs hybrides. Sur les espaces naturels et ruraux, leurs secteurs d’intervention sont toutefois mal définis et peuvent aboutir à des concurrences dans l’intervention. L’analyse réalisée par Y. Sencébé (2012) sur la Safer, illustre la difficulté de l’opérateur à se positionner face à la place grandissante de nouveaux « opérateurs urbano-centrés » comme les EPF. Cette évolution qui pose la question de la légitimité des organismes à intervenir renvoie à un champ de recherches encore peu investi, notamment par la sociologie des organisations (Gérard, 2009). La composition exacte des conseils d’administration et des comités techniques est souvent peu transparente et les choix en matière d’intervention ou de non-intervention (motifs et arguments) mériteraient d’être développées par les recherches en SHS. Si les débats sur l’action foncière publique à des fins de protection se limitent d’ailleurs souvent aux seules acquisitions, la réflexion autour de solutions alternatives reposant sur la contractualisation est de plus en plus présente. Sécuriser les engagements environnementaux via les outils conventionnels : une alternative à l’acquisition foncière ? Il n’est pas question d’acquérir tout le territoire pour le protéger, rappellent régulièrement les opérateurs fonciers nationaux. A l’exclusion des servitudes d’utilité publique ou d’autres plus marginales 44 , les alternatives résident le plus souvent dans l’intervention du privé et sa

                                                                                                                         42 L’organisme est intervenu bien avant cette date sur le DPM en réalité (Sillon de Talbert en Côtes d’Armor notamment), mais le cadre n’a été structuré qu’ensuite. 43 Cf. l’ordonnance du 8 septembre 2011 relative aux établissements publics fonciers, aux établissements publics d’aménagement de l’Etat et à l’Agence foncière et technique de la région parisienne. 44 Comme les dispositions contenues dans les cahiers des charges qui s’imposent à un acquéreur d’un bien vendu par la SAFER.

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complémentarité avec l’action publique. Sur les espaces agricoles, les mesures agro-environnementales ou les clauses environnementales inclues dans les baux ruraux sont des contrats de droit privé. Ces derniers présentent cependant le défaut d’être non pérennes (car limités dans la durée) et non attachés au terrain. L’intervention privée et surtout la légitimité et la capacité des systèmes privés à protéger l’environnement voire à compléter l’action publique sont encore peu l’objet de réflexions en France. C’est aussi, parce que la conservation des habitats y reste du ressort de l’Etat, comme en Suisse ou en Suède. A l’inverse, les pays anglo-saxons ont vu se développer une conservation des habitats sous l’égide d’organismes privés : le National Trust en Angleterre et Pays de Galles et le Nature Conservancy et la Land Trust Alliance aux Etats-Unis notamment. Les dispositifs fiscaux, l’appel aux dons privés, l’utilisation de servitudes sont autant de moyens permettant d’inciter les propriétaires privés à protéger les terres. Si les servitudes de conservation n’existent pas (encore) en France, elles sont l’objet de nombreuses réflexions notamment de chercheurs en droit. Les servitudes45 sont des droits et obligations relevant du droit foncier, qui constituent des charges attachées à la terre. Les chercheurs (notamment les juristes tels que J.-F. Struillou, R. Hostiou ou G.L. Martin) distinguent deux types de servitudes :

- d’abord, les servitudes d’utilité publique qui sont des servitudes administratives qui doivent être annexées au plan local d’urbanisme conformément à l'article L126-1 du Code de l’Urbanisme (Hostiou et Struillou, 2012). Elles sont motivées par des motifs d'utilité publique et permettent aux pouvoirs publics de restreindre « pour l’utilité publique ou communale » les usages que les propriétaires peuvent faire de leurs terrains, art. 650 du Code civil) ;

- ensuite, les servitudes privées du Code civil français, appelées souvent servitudes conventionnelles, lesquelles sont des droits « réels », appelés à suivre le fonds, et ce sans limitation de durée (Martin, 2008). Elles sont donc contraignantes pour les successeurs en titre, lesquels n’ont que peu d’intérêt à les accepter.

Ces deux types de servitudes sont toutefois similaires dans leurs effets : l'une comme l'autre affectent le droit d’usage d’un bien, et donc sa valeur. Les débats juridiques portent sur l’efficacité et l’acceptabilité de telles mesures. Sans prétendre les résumer, nous retenons que la solution servitude conventionnelle est certainement mieux acceptée par les propriétaires, qui peuvent la refuser par définition, tandis que la servitude d’utilité publique, si elle paraît difficile à faire accepter dans un système de « non indemnisation des servitudes d’urbanisme », permet de ne pas attendre. L’argument, avancé par certains juristes (dont G. Martin, 2008), de l’économie que peuvent représenter les servitudes par rapport à l’acquisition paraît pour le moins simpliste au regard de la littérature existante sur les coûts de ce type de politiques publiques. La gestion des mécanismes de servitude implique vraisemblablement une capacité de suivi de la part de la puissance publique des évolutions des terrains sous convention, ce qui n’est pas gratuit. Ensuite, il apparaît que l’enjeu est moins la substitution de l’un par l’autre, que l’organisation d’une complémentarité entre des outils adaptés à des espaces aux enjeux différents (Gérard, 2012). Si les servitudes illustrent bien le fait que les propriétaires doivent être partie prenante de la protection, elles témoignent également de la difficulté à obtenir leur consentement. C’est pourquoi une autre piste de réflexions évoquée par les chercheurs, notamment G. Sainteny, est l’incitation fiscale ou éco-fiscalité46. Alors que les logiques d’acquisition foncière relevaient quasi-

                                                                                                                         45 Inscrit dans le Code Civil (article 686), ce dispositif permet « aux propriétaires d’établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble ». Les dispositions de l’article 637 du Code civil définissent la servitude comme « étant une charge imposée à un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ». 46 A la croisée de la fiscalité et des politiques d’environnement : la fiscalité environnementale (ou éco-fiscalité) est définie par l’OCDE comme « les impôts, taxes et redevances dont l’assiette est constituée par un polluant ou un service qui détériore l’environnement ou se traduit par un prélèvement sur des ressources naturelles renouvelables ou non renouvelables ».

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exclusivement de logiques administrées largement aux mains du public, un cadre renouvelé, faisant une grande part au marché, se développe. Les compensations environnementales : la nature a-t-elle un prix ? Si en France, comme dans la majorité des pays d’Europe de l’Ouest, le principe selon lequel les contraintes sur le développement urbain ne donnent pas droit à compensation a été adopté, la situation est inverse concernant les atteintes à l’environnement47. L’objectif d’un développement durable implique comme le rappelle F. Haumont (2007), « à la fois le ‘développement’ qui implique la réalisation de projets divers et la ‘durabilité’ de celui-ci qui suppose la gestion prudente et rationnelle des ressources et la protection de l’environnement ». Si l’atteinte à l’environnement n’est pas condamnée en tant que telle, elle doit être la plus réduite possible. « Eviter les impacts de leurs projets, réduire les impacts non évités, compenser les impacts résiduels » sont trois mesures imposées par le cadre réglementaire français et européen. Si l’idée n’est pas récente, les études d’impacts datent de 1976 en France48, l'adoption de la loi Grenelle 1 en 2009 précise la portée de la compensation avec l'article 20 qui rappelle l'importance de la compensation des impacts résiduels. Lorsque l’évitement ou la réduction des impacts n’ont pu être mises en place, le maître d’ouvrage se trouve dans l’obligation de mettre en place une mesure compensatoire. Deux systèmes existent : la compensation par la demande et la compensation par l’offre. La première oblige le maître d’ouvrage à compenser la perte en termes d’habitats et d’espèces induites par un projet d’aménagement en sécurisant un nombre d’hectares définis. Le maître d’ouvrage peut contractualiser avec un opérateur de la biodiversité, lequel assure alors ses devoirs et obligations. La sécurisation de l’engagement (qui peut porter sur plusieurs décennies) peut se faire via de l’acquisition foncière, des conventions avec les propriétaires ou des baux49. En France, la CDC Biodiversité50 est l’un des opérateurs français proposant un service de mise en œuvre de la compensation destiné aux entreprises souhaitant déléguer ces opérations. La CDC Biodiversité coordonne la réalisation : achat des terrains, pilotage des intervenants et suivi à long terme. Concrètement, lorsqu'un opérateur doit compenser une dégradation de la biodiversité, il s'engage dans un cahier des charges à des actions qu'il doit entreprendre51. Ce document, précise le nombre d'hectares et les types d'écosystème sur lesquels il doit avoir une action additionnelle afin de contrebalancer les atteintes de son projet : « L'hectare est habituellement l'étalon écologique des projets de compensation : une entreprise qui dégrade des forêts devra reboiser et préserver des hectares de forêts et cela pour chaque type d'écosystème52 ». Ce principe des compensations environnementales par la demande soulève toutefois de nombreuses questions voire interrogations quant à sa mise en pratique et son efficience. D’abord, les notions sont volontairement imprécises : « proximité fonctionnelle », « ratio de compensation », leur libre

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           Si l’éco-fiscalité peut constituer un levier, notamment en termes d’incitation fiscale pour les propriétaires, D. Rotillon (2007) et G. Sainteny (1998) résument parfaitement les contradictions du législateur, hésitant entre deux objectifs contradictoires : l’augmentation des recettes fiscales pour l’Etat/la collectivité ou la diminution des méfaits sur l’environnement. La poursuite des deux objectifs en parallèle étant impossible. « Deux formes de fiscalité se distinguent : la fiscalité environnementale et celle des fiscalistes. La première, dont l’objectif est la réduction des dégradations environnementales, diffère de la seconde qui consiste à fournir à l’Etat des recettes stables et prévisibles (…). ». Parmi les références, citons G. Sainteny (1998 et 2012) et D. Rotillon (2007). 47 Ces dernières posent la question de la non-substituabilité de certains biens et ressources. 48 L’article 2 de la loi du 10 juillet 1976, sur la protection de la nature, a introduit dans le droit français l'obligation faite à un maître d'ouvrage d'effectuer une étude d'impacts 49 Dans le cas de l’A65 (Bordeaux-Mont-de-Marsan-Pau), le tiers des hectares à compenser ont fait l’objet d’une acquisition (source : S. Elie, CDC Biodiversité). 50 Filiale de la CDC spécialisée dans le pilotage technique et financier d'actions en faveur de la biodiversité. 51 Une fois le cahier des charges établi, l'opérateur peut au choix réaliser lui-même la compensation ou se tourner vers la CDC Biodiversité pour qu'elle mette en œuvre le projet. Une douzaine de projets sont ainsi pilotés par la CDC Biodiversité. 52 www.actu-environnement.com

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appréciation s’effectue projet par projet : c’est en effet à dire d’experts (locaux) que ces critères sont définis. A cette variabilité des critères s’ajoute que l’assurance de la pérennité du périmètre compensé et l’efficience d’un tel dispositif n’ont encore donné lieu à évaluation, le manque de recul s’expliquant en partie par la jeunesse du dispositif. Enfin, le principe53 que les espaces naturels sont substituables entre eux, voire globalement reproductibles (le « no net loss » ou « pas de perte nette ») est idéologiquement très marqué. Ce changement de paradigme relève d'une approche néolibérale de l'économie et de l'environnement. Comme le souligne I. Doussan (2011), « l’émergence dans le champ du droit d’une approche fonctionnelle de l’environnement, par le biais des services des écosystèmes, n’est pas qu’une simple question d’ordre technique. Au-delà, ce sont des questions d’ordre moral et éthique qui sont posées quant aux valeurs que l’on attribue à l’environnement et que le droit a pour finalité de protéger ». La seconde mesure, la compensation par l’offre, est encore plus récente en France, puisqu’une seule expérimentation de ce dispositif a été menée en France sur le site de la Cossure (Crau, Provence). Le principe, qui s’apparente à celui des banques de mitigation (« mitigation banking »), est celui de systèmes financiers visant à vendre des crédits (rejoint le principe du pollueur/payeur) : « Ce mécanisme consiste à échanger des crédits et des débits en termes de fonctionnalités des zones humides sur la base d'un prix principalement guidé par le coût de restauration ou de création de ces fonctionnalités » (Geniaux, 2002). Le cas du site de la Cossure a été analysé récemment par F. Chabran et C. Napoléone (2012). Les auteurs rendent compte de résultats encourageants sur le plan écologique et restent prudents sur les retombées politiques et économiques de cette première réserve d’actifs naturels en France. L’opération a consisté pour la CDC Biodiversité à restaurer des terrains dénaturés (en l’occurrence un verger intensif abandonné) et à les vendre à ceux qui portaient atteinte à la biodiversité à titre de compensation. En France, un opérateur qui a généré une plus-value écologique sur un milieu naturel « peut transformer les montants investis en actifs, c’est-à-dire en parts négociables dont il devient propriétaire » (Chabran et Napoléone, 2012). Pour les uns, cette dématérialisation de la nature s’apparente à un quitus, une sorte de « droits à détruire » (Béchet, 2011). Pour d’autres, le coût environnemental d’un projet, par l’obligation de compenser, est en mesure d’inciter les maîtres d’ouvrage à des projets alternatifs, moins coûteux sur les plans financier et environnemental (Haumont, 2007). Il n’en reste pas moins plusieurs points soulevés par ce marché des actifs naturels. La non-définition des équivalences écologiques tout d’abord et leur justification. Ensuite, ces mesures de compensation environnementale apparaissent néfastes pour le monde agricole, lequel a l’impression de subir une double peine : premièrement dans la consommation d’espaces lors de l’aménagement et deuxièmement au cours de la compensation. Cela revient à n’accorder que peu voire aucune valeur aux espaces agricoles. Enfin, la pérennité de la protection du site. Dans le cas de la Cossure, la durée des conventions avec la CDC Biodiversité est de 30 ans, pendant lesquels l’opérateur s’engage à assurer la gestion du site54 (son bon état écologique). Au terme de cet engagement, l’opérateur redevient propriétaire de plein droit. Mais alors, quel est l’engagement de la CDC Biodiversité ? Et celle du maître d’ouvrage du projet ? F. Chabran (2011) souligne la confiance toute relative qu’inspire la participation d’opérateurs privés dans la protection des milieux naturels, notamment dans le cadre de logiques financières, peu compatibles avec un engagement sur le long terme. L’intervention d’acteurs privés pose en réalité la question de la pérennité et de l’inaliénabilité de la protection. Seules les propriétés du National Trust sont véritablement inaliénables, comme celles du Conservatoire du littoral. En Wallonie, les agréments donnés par l’Etat belge aux réserves privées courent sur 20 ans et peuvent ne pas être renouvelés (Shine, 1996). Dans d’autres pays, l’Etat peut exproprier les propriétés privées ainsi constituées. Enfin, si l’acquisition foncière est coûteuse, sa gestion l’est également. Ainsi, plusieurs organismes préfèrent dissocier acquisition et gestion, en confiant cette dernière à des tiers : collectivités, associations, propriétaires, etc.                                                                                                                          53 Né aux Etats-Unis, il y a une vingtaine d’années. 54 Le montant des parts d’actifs naturels intègre le coût de la gestion.

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Avant d’approfondir l’analyse et de passer à des aspects plus théoriques, ces premières approches conduisent à confirmer les hypothèses de départ. Les travaux francophones de qualité existent, mais ils restent peu nombreux et, surtout, les avancées théoriques restent limitées. L’émergence de certains thèmes (financiarisation, marchandisation de la nature, ou encore compensations environnementales) nous semblent toutefois de nature à faire évoluer cette situation, pour peu qu’ils soient investis. Ils sont porteurs car ils interrogent, chacun à leur manière, la durabilité de nos sociétés.

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2.3. Trois champs de recherche fondamentaux D’un point de vue théorique, la recherche sur le foncier peut être structurée autour de trois principaux champs, que l’on pourrait qualifier de fondamentaux car ils sont sous-jacents à pratiquement toutes les analyses thématiques : la rente foncière, la propriété foncière et la fiscalité foncière. Les trois contributions de cette partie démontrent leurs interactions (on pourrait parler de « système » tant ils sont interconnectés) et leur impact potentiellement très concret, en lien avec des interrogations de praticiens. Champ délaissé depuis les années 1970, la rente foncière aurait tout intérêt à être réinvestie fortement par les chercheurs. L’amalgame actuel qui consiste à l’utiliser en lieu et place du « prix du sol » évacue totalement les implicites théoriques et méthodologiques sous-tendus. Alors que les prix ont connu une croissance formidable depuis 1997, comment expliquer que ce champ de la recherche reste délaissé ? Marginalisée depuis les années 1980, la propriété foncière constitue toujours un point d’achoppement des politiques publiques (cf. mobilisation du foncier des collectivités locales). Alors que le droit de propriété bénéficie de l’attention particulièrement soutenue de la Cour européenne des droits de l’homme, peut-on considérer que tout débat sur la propriété est clos ? Enfin, la fiscalité foncière attire peu de chercheurs français. En cette période de crise, les effets financiers de la fiscalité foncière sont pourtant multiples. Qu’il s’agisse de trouver des ressources financières pour des collectivités actuellement en difficultés, de mieux répartir les charges entre contribuables et entre propriétaires, ou enfin de développer des outils incitatifs en matière d’aménagement.

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2.3.1. La rente : une résurgence à la faveur des phénomènes rentiers (Guilhem Boulay) La question de la rente foncière est vieille comme la science économique. Si l’on entend le foncier comme l’« ensemble des manifestations et des conséquences de la valeur d’une étendue » (Lévy, Lussault, 2003), il y a consensus parmi les historiens de l’économie pour dire que la science économique moderne « est née et a forgé ses principaux concepts à partir de l’analyse du foncier » (Guigou, 1982), notamment par son « aspect générateur de plus-values » (Granelle, 1970). C’est l’origine de ces plus-values d'une part et les modalités de leur répartition d'autre part qui sont au principe des questionnements sur la rente foncière. Cette dernière est relativement aisée à définir : « c’est le revenu du propriétaire foncier, en même temps que le prix payé par le locataire pour avoir le droit d’utiliser les facultés productives du sol » (Guigou, 1982). En ce sens, la rente foncière est une espèce particulière (la plus fameuse, certes) d’un genre plus étendu : le mot rente « désigne une rémunération liée à un droit de propriété sur une ressource dont la quantité disponible ne dépend pas de la rémunération associée à ce droit » (Guerrien, 2002). Cette définition plus générale a le mérite d’attirer notre attention sur des aspects cruciaux de la théorie de la rente : la prise en compte du système socio-politique concerné, à la fois dans sa dimension juridique et dans ses rapports de pouvoir économique, est essentielle. Tout comme l’identité du marché considéré : les phénomènes rentiers seront d’autant plus probables que la « quantité disponible » d’un bien ou d’un service sera rigide. C’est pour ces raisons que le foncier, très largement encastré dans un système complexe de droits de propriété et par essence monopolistique, a particulièrement intéressé les théoriciens de la rente.

Force est néanmoins de constater que la réflexion sur la rente foncière n’a globalement pas évolué depuis les années 1980. Cette stagnation théorique est surprenante à l’heure où de nombreux pays ont connu, et connaissent encore pour certains, de formidables hausses des prix fonciers et immobiliers. A l’heure où la puissance financière de petits pays pétroliers se donne à voir au monde entier. A l’heure enfin où même l’un des plus respectés et installés économistes de la planète peut intituler son billet du New York Times « Rule by Rentiers » (Krugman, 2011). C’est dans ce paradoxe qu’il faut situer la réflexion sur la rente. Dans l’analyse des conditions actuelles des marchés et à la lumière des apports de plusieurs disciplines, de l’économie à la sociologie en passant par le droit et la géographie, le problème théorique de la rente point à nouveau, même s’il est souvent abordé de manière implicite ou annexe. La crise « de 2008 » a en effet amené certains théoriciens du marché à réexaminer les conditions de la recherche et les a poussés revenir à une appréhension plus sociale et politique des phénomènes de marché. C’est dans ce cocktail d’épanouissement des phénomènes rentiers, de remise en cause de certaines doxas économiques et de connaissance sociale accrues sur le fonctionnement des marchés que nous semblent enfin réunies les conditions d’une reprise de la réflexion sur la rente, notamment foncière. La disparition de la théorie de la rente foncière comme champ de recherche autonome Les années 1960 à 1980 ont vu la rente foncière s’imposer comme un champ de recherche autonome dans divers domaines, de l’histoire de l’économie aux études urbaines. Sous l’effet de nombreux, et souvent aboutis, efforts de rénovation des économies politiques « classiques » (marxienne et ricardienne), l’approche de la rente foncière s’est extrêmement approfondie, nourrie de retours critiques sur les écrits des classiques et de confrontations avec les rapides phénomènes d’urbanisation. C’est dans cette volonté de s’attaquer à des mutations spatiales et des marchés fonciers concrets que résidaient les spécificités de ce type de travaux illustrés, pour s’en tenir au cas français, par les écrits de C. Topalov (1984), A. Lipietz, H. Regnault, A. Farhi, C. Courlet, etc. Ce type de démarche, à l’articulation bien souvent de l’économie, de la sociologie et de l’aménagement était nécessairement attentif à la distribution sociale de la propriété, aux décisions d’aménagement et aux rapports de force qu’elles supposaient et entraînaient. En ce sens, elles correspondaient pleinement aux choix épistémologiques de Ricardo et de Marx, tout en s’en distinguant par la rigueur du recours aux faits, souvent bien vague chez les deux figures tutélaires. C’est à la fin de cette époque que sont publiées deux synthèses à ce jour inégalées : la synthèse de l’adef (1990) fait suite au maître ouvrage de Jean-Louis Guigou, La rente foncière. Les théories et leur évolution depuis 1650 (Guigou, 1982).

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Le fait même que ces synthèses, déjà anciennes, restent indépassables renseigne sur l’actualité de la recherche sur la rente foncière. Bien loin de se renouveler, voire de rester telles quelles sur le devant de la scène, les théories de la rente foncière ont connu en cette fin de 20eme siècle le même destin que celui qu’elles avaient connu à la fin du précédent. En d’autres termes, elles ont été largement dépassées dans le domaine de l’économie foncière et immobilière par d’autres corpus épistémologiques et donc d’autres méthodes de travail. L’économie « standard » (néo-classique), de toute manière très largement majoritaire dans le champ économique depuis la fin du 19eme siècle, a en effet repris le dessus en matière d’innovation méthodologique et conceptuelle dans le domaine foncier-immobilier à partir des années 1980 aux Etats-Unis, et 1990 en France. Forte de sa légitimité académique, l’économie néo-classique a notamment vu se développer le domaine de la méthode des prix hédoniques qui a accédé à une position quasi hégémonique55. Il ne s’agit pas de dire ici qu’une méthode est forcément exclusive d’une autre. En revanche, la majorité de ces types de travaux, fondés sur l’économétrie et l’idée standard d’équilibre, sont de facto incompatibles avec une appréhension sociale des marchés. Dépendants des paradigmes idéologiques et méthodologiques de l’individualisme utilitariste, ils ne raisonnent qu’à l’échelle de l’individu et de ses préférences, qu’on pose comme exogènes à l’analyse (Napoléone, 2005). Dans ce contexte, il est certes possible de trouver mention de « rentes foncières » dans des écrits théoriques récents, mais ce terme est alors synonyme de « prix du sol » et voit tous ces implicites théoriques et méthodologiques évacués. Seule la rent gap hypothesis, un modèle d’évolution des prix fonciers et immobiliers des centres-villes, d’origine nord-américaine, pourrait sembler s’écarter de cette tendance de fond. Développée par Neil Smith, cette hypothèse devenue modèle a été largement remaniée56 et a connu un grand succès. Explicitement présentée comme une théorie foncière de l’évolution des tissus urbains et de la composition sociale des villes, et explicitement fondée sur la géographie néo-marxiste de David Harvey, elle recourt constamment à la notion de rente foncière : le réinvestissement actuel des centres-villes est expliqué par la dissociation progressive (et nécessaire) entre niveaux effectifs et actuels de rente foncière et rente foncière potentielle du fait de la dévalorisation d’un capital fixe et inamovible. Le « gap » se creuse jusqu’à alerter les investisseurs sur les possibilités de réalisation de plus-value en cas de réinvestissement. Cette théorie, si elle est puissamment apte à décrire des évolutions actuelles (Clark, 1988) n’en pose pas moins des problèmes théoriques de fond quant à la conceptualisation de la valeur du sol qui peuvent en réduire la validité (Boulay, 2011). Des rentiers en pleine forme Keynes prévoyait « l’euthanasie des rentiers » avec la baisse générale du taux d’intérêt : les revenus des propriétaires oisifs, fondés sur la rémunération d’activités non productives57, disparaîtraient dans un contexte où l’entrepreneuriat imposerait ses conditions. Les faits ne semblent pourtant pas aller dans le sens prédit par le grand économiste de Cambridge, et comme le dit David Harvey dans la préface à la nouvelle édition de son plus important ouvrage, « Far from the « euthanasia of the rentier » that Keynes envisaged, class power is increasingly articulated through rental payments » (Harvey, 2006). Le militantisme néo-marxiste de Harvey pourrait donner à penser que ce jugement est surdéterminé par l’idéologie sous-jacente de l’auteur. Or il est frappant de constater que nombre de chercheurs formés dans des moules idéologiques et épistémologiques totalement différents formulent des jugements largement concordants. Le terme de « rente » n’est pas nécessairement utilisé mais le recours à une appréhension sociale et agonistique des faits économiques, et notamment de la répartition de la valeur ajoutée, est de plus en plus fréquent. L’exemple le plus frappant est sans doute à chercher chez J. Stiglitz, formé à la très standard école samuelsonienne, prix Nobel d’économie et

                                                                                                                         55 De très nombreuses synthèses présentent cette méthode. Certaines sont très techniques. Pour un panorama efficace et assez rapide, on peut consulter un rapport récent (Donzel et al., 2007) ou une revue de la littérature en anglais (Malpezzi, 2003). 56 Les premiers travaux de N. Smith datent de la fin des années 1970 (Smith, 1979) Ils seront longuement poursuivis, parfois en collaboration, et réinterrogés par d’autres chercheurs (notamment Clark, 1988 et Badcock 1989). 57 La rémunération du capital, rare et donc à l’origine d’une rente.

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titulaire de plusieurs postes très haut placés dans la gouvernance économique et financière étatsunienne et mondiale. Dans la synthèse qu’il consacre à la crise de 2008, il fait référence à de nombreuses reprises à l’« exploitation » de larges franges de la société par le secteur banquier (Stiglitz, 2010). Il semble donc que les conditions de possibilité pour un retour réflexif sur les méthodes et les catégories analytiques utilisées pour penser les phénomènes économiques soient favorables à la réémergence de la notion de rente. Ce point est particulièrement sensible dans le cas des marchés fonciers-immobiliers : bien loin de l’histoire de la théorie économique qui à l’exception du sursaut des années 1960-1980 avait décrédibilisé l’idée de rente en la diluant dans la théorie de l’équilibre général (Guigou, 1982 ; Boulay, 2011), « l’ampleur du phénomène de rente invite aujourd'hui à redécouvrir cette question autrement que sous l’angle d’une simple survivance ou d’un phénomène marginal » (Donzel et al., 2007). Le marché des biens immeubles, quelles que soient leur nature ou leur destination, a en effet connu ces dernières années un mouvement général de hausse des prix, pas nécessairement remis en cause par l’effondrement des prix immobiliers constaté dans certains pays après 2008. C’est l’intensité de cette inflation, bien supérieure à celle des autres biens et services, qui a servi de révélateur. Que l’on parle ou non de « bulle », et donc que les prix soient macro-économiquement justifiés ou pas, cet épisode a mis en valeur le formidable bénéfice que tire le propriétaire d’un état de marché. En d’autres termes, l’instabilité fondamentale des prix a rendu plus ardue une explication uniquement fondée sur l’utilité des caractéristiques des biens, et, quitte à continuer à raisonner sous le paradigme utilitaire, a mis en valeur l’« utilité » de la possession-même d’un bien. L’inflation foncière et immobilière a donc permis de repenser l’articulation entre propriété d’un bien monopolistique et le marché sous l’angle des rapports de pouvoirs permis par des conditions macro non dépendantes de l’action du propriétaire. C’est ce dernier point qui tend à remettre sur la place la rente dans ce qu’elle a de plus abrupt : la possibilité de retirer un montant croissant du seul fait de détenir un bien dont la valeur actuel ne dépend absolument pas des améliorations qu’on a pu y apporter. Cette figure de la rente, très longtemps pensée uniquement sur le mode de sa différenciation spatiale, pousse aussi à accorder plus d’importance à l’étude chronique d’un marché et des phénomènes attentistes qui l’accompagnent. Etudiée pour des terres agricoles périurbaines non urbanisables, la « rente d’anticipation » (Geniaux et Napoléone, 2005) est indéniablement un phénomène central, y compris sur les marchés du logement urbain, où elle explique une bonne part de la tension des marchés en période de hausse. Vers une approche plus systémique de la rente ? Ce retour fracassant des manifestations de la rente dans les marchés fonciers et immobiliers est permis par un contexte particulier. Tout comme chez Ricardo la rente dépendait du prix du blé, et non l’inverse, ce sont actuellement les cours du soja qui dictent les rentes foncières en Argentine (Cocarro et Maldonado, 2009), ou celui des logements en France qui permet aux propriétaires de voir la « valeur » de leur bien multipliée par deux ou trois en dix ans à peine (Boulay, 2011). Le rôle de ce l’un des grands spécialistes de la rente foncière appelle les « conditions courantes » est donc essentiel (Topalof, 1984) dans la création des rentes. Or, malgré de nombreuses pétitions de principe des partisans de la rente dans les années 1970 et 1980, en Europe comme en Amérique du Nord, les approches théoriques de la rente dont on dispose prête assez peu d’attention à l’émergence de ces contextes. Certes, on signale le rôle de la propriété privée, les rapports entre cours du marché et rente, on évalue le rôle du caractère monopolistique, on prend en compte différents segments de marché afin d’identifier d’éventuelles sous espèces de la rente, etc. Mais ces démarches restent extrêmement économicistes et tendent à trop abstraire ces paramètres de leur encastrement socio-psychologique. On sait pourtant combien la création de la valeur est sociale, et nécessite pour être expliquée de mieux en saisir la fabrication. Souscrire à l’idée même de l’existence de revenus rentiers implique de prêter la plus grande attention à leurs conditions de possibilité, qu’on ne peut réduire à de simples déterminations causales linéaires. Cette question dépasse très largement la question spécifique de la rente mais cette dernière aurait tout à gagner à mieux prendre en compte deux grandes problématiques. La première concerne la théorie de la valeur, récemment et radicalement questionnée par des ouvrages de fond (Jorion, 2010 ; Orléan, 2011), et la seconde, plus méthodologique, concerne la nécessaire prise

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en compte des interactions entre valeur économique et représentations sociales. En d’autres termes, si la théorie de la rente veut pouvoir se renouveler, elle ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion de fond sur les rapports entre espace et valeur, et donc entre espace et représentations sociales58. Du fait de la scission fréquente entre les approches dites « qualitatives » et « quantitatives », le défi est majeur, et les bouleversements méthodologiques devront se superposer aux bouleversements des paradigmes conceptuels. On peut en apercevoir des balbutiements dans les travaux sur l’hypothèse du rent gap, évoquée plus haut. Face au mécanisme et à l’apriorisme non avoué des hypothèses de Smith, B. Badcock a par exemple tenté de replacer le renchérissement des quartiers centraux et l’étude des captations de rente qui en résultait dans son contexte. Il montre alors la congruence entre décisions politiques et construction de la valeur des différents quartiers d’Adélaïde (Badcock, 1989). Ce type de travaux reste encore isolé, et souvent limité à des cas précis, malgré les tentatives d’élaboration progressive d’un cadre analytique transposable (Boulay, 2011). Il nécessite clairement de développer les capacités d’appréhension des composantes du système qu’est le marché, en raisonnant davantage en termes systémiques qu’en termes linéaires, comme c’est bien souvent le cas. Ce n’est qu’à travers cet effort que l’on pourra développer un cadre analytique plus performant et renouer avec l’intérêt premier de la théorie de la rente : sa capacité à aller à l’encontre des limites des approches « pures » et aprioriques des modèles néo-classiques. Le contexte actuel est donc favorable à la réémergence d’une réflexion sur la rente, notamment foncière. Les faits plaident en sa faveur, et le traumatisme épistémologique résultant de la crise de 2008, déjà sensible dans bien des publications récentes d’économistes reconnus, pousse en ce sens. Ce contexte constitue donc une formidable occasion, pour les sciences de l’aménagement du territoire, de lancer un vaste chantier de renouvellement des paradigmes. La nature même du foncier, et plus largement des objets pris en compte par l’aménagement du territoire, devrait faciliter l’élaboration de cadres analytiques pluridisciplinaires. Le droit, la géographie ou la sociologie doivent elles aussi s’approprier ces nouveaux objets et ces nouvelles grilles de lecture. L’enjeu est crucial pour l’action publique à l’heure où des prix très élevés et de lourdes évolutions socio-territoriales nécessitent de gérer au mieux le sol et ses usages.

                                                                                                                         58 On dispose déjà de travaux allant dans ce sens pour les ressources territoriales, notamment touristiques (Gumuchian et Pecqueur, 2007).

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2.3.2. La propriété : un droit fondamental ou inadapté aux enjeux contemporains ? (Catherine Herrera) La complexité des enjeux spatiaux contemporains s’affiche désormais comme une réalité vécue et remet l’acte d’appropriation de l’espace au centre des préoccupations des territoires. Les dysfonctionnements socio-spatiaux, environnementaux, la hausse des conflits et l’impuissance politique à faire face à ces nouveaux inputs territoriaux focalisent notamment l’attention sur la propriété privée. Cette dernière, en effet, apparait comme le dénominateur commun des analyses dénonçant l’excès de pouvoir apparent de ce droit sur le devenir des espaces (Mériaudeau, 1985 ; Granelle et al., 1988 ; Duvillard, 2001). Pour autant, aussi étrange que cela puisse paraître, les recherches sur cette thématique semblent rester en marge des questions foncières, du moins en France. Plus de vingt ans après la parution par l’adef d’un recueil de textes pluridisciplinaires faisant déjà état du caractère complexe de ce droit appliqué sur du foncier (adef, 1989), peu de recherches, à quelques exceptions près59, ont été engagées depuis lors sur cette question de l’appropriation du sol et la validité des droits y afférant. Ce constat soulève la question de la définition de la propriété foncière. Selon J. Comby (2002), elle se caractérise par « la propriété d’un droit sur un espace, en concurrence avec d’autres droits que celui du propriétaire ». Elle met alors en synergie deux droits antonymiques, le droit privé et le droit public, autour de la possession de l’espace. L’approche « unitaire » du droit civiliste de la propriété du sol, fortement imprégnée par ce que J. Comby appelle un « mysticisme » construit autour du caractère d’absolutisme, est rendue complexe par la supposition de droits publics conditionnant les modalités d’appropriations de l’espace. Or cette conception juridique fondée sur le dualisme droit privé/droit public, appropriation du sol/appropriation de l’espace, a du mal à s’intégrer aux nouvelles exigences spatiales. Les recherches contemporaines, notamment en géographie, montrent bien une évolution perceptible dans la représentation de l’espace. Compris dans un premier temps comme l’« étendue support » d’une société moderne, l’espace, avec la contemporanéité, s’impose désormais comme une « dimension de la société » (Lussault, 2009), une clef de lecture privilégiée des nouvelles ambitions sociales inscrites dans l’évolution du capitalisme (Lussault, 2009 ; Harvey, 2010). L’espace n’apparaît plus seulement comme le support des ressources potentielles, mais s’impose désormais, lui-même, comme une ressource pour les territoires. Cette mutation dans la perception de l’espace entraîne alors une certaine confusion entre les modalités d’accès à l’espace et celle de l’accès à la ressource, le premier conditionnant le second par l’importance prise par la propriété privée (Ostrom, 1990). Expliquant alors ce nouveau besoin de réinterroger les paradigmes fondateurs du droit de propriété qui apparaît comme l’élément clef des modalités d’appropriation de l’espace. Les études sur la propriété montrent une évolution dans la perception et le rôle de ce droit au sein des institutions sociales, à l’image des cadres d’analyses mobilisés pour comprendre et en justifier les assises. Intéressant d’abord la philosophie politique et le droit, en Europe dans un premier temps puis aux Etats-Unis dans la deuxième moitié du 20eme siècle, il va s’affirmer comme un « droit naturel » légitimant l’avènement d’un nouvel ordre social lors de la Révolution française, en associant l’idée de liberté à celui de propriété. En permettant de « transformer » les choses en biens appropriables, ce droit particulier va être saisi par l’économie anglo-saxonne pour théoriser les principes d’une économie des droits de propriété organisée à l’origine selon trois axes mais qui va rapidement se recentrer sur la première approche : l’allocation des ressources, l’organisation du système de droit de propriété et l’émergence du pluralisme juridique sur ce droit (Cole et Ostrom, 2012). La montée d’une conscience environnementale contrainte par l’idée d’une crise écologique majeure, l’ampleur des dysfonctionnements socio-spatiaux et l’impuissance des politiques à agir sur ces questions, orientent désormais les réflexions non pas tant sur le droit lui-même, que sur la manière dont il est reçu, ce qu’il sous-tend et la façon dont il est inséré dans les sociétés. Complexifiant son                                                                                                                          59 Notamment les études menées par J. Comby, économiste-urbaniste et celles de l’anthropologue du droit E. Le Roy.

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approche, les recherches remettent en avant le sens politique porté par ce droit. Et à ce titre, elles ouvrent la voie à de nouvelles approches pluridisciplinaires, où la géographie, la sociologie et la science politique, sans exclure les disciplines précédentes, sont invitées à réinterroger ce droit sur le mode de la complexité et de la pluralité. Paradoxalement, l’évolution du droit de propriété dans les pays du nord recoupent aujourd’hui les analyses foncières menées dans les pays du sud ; notamment sur le continent africain, où la propriété foncière avait déjà confirmé son caractère de « fait social total » 60 et le besoin d’approches pluridisciplinaires pour coller aux réalités et aux affects engendrés par les usages multiples de l’espace (Le Roy et al., 1996 ; Le Roy, 2011a ; Merlet, 2010). D’un droit unitaire de la propriété à un droit pluriel de la propriété ? Les approches historiques, aménagistes et juridiques ont révélé que les deux systèmes juridiques opérant dans le monde occidental61 ont en commun le principe d’avoir institué un droit de propriété répondant aux attentes, et surtout aux intérêts de la classe dominante des sociétés d’où ils émergeaient. Avec pour justification première, la référence au concept de « droit naturel »62 développée notamment par John Locke. Si l’objectif recherché dans les deux cas, était bien d’en finir avec le féodalisme, en conférant à l’individu et non à la société, les droits constituant la base de la vie en commun ; l’intérêt sous-jacent était lui d’instaurer un nouvel ordre social. Pour les colons anglais s’installant en Amérique, ils devaient asseoir une domination sur les propriétés indiennes par la possession ; alors que pour les révolutionnaires français majoritairement ancrés dans la bourgeoisie, il fallait s’émanciper des privilèges sociaux et fiscaux détenus par la classe nobiliaire pour s’inscrire pleinement dans la logique capitaliste naissante (Comby, 1989 ; Koubi, 1990 ; Krueckeberg, 1995 ; Le Roy, 1999). Pour autant, sur les deux espaces cités, l’application du droit de propriété sur l’objet foncier s’est établie sur la notion d’usage de la terre ainsi que sur sa valeur sociale63, limitant ainsi les visées spéculatives individuelles. Les sociétés sont encore inscrites dans une ruralité où les marchés fonciers sont quasi atones et où la production agricole et la valeur identitaire s’imposent comme garant des espaces et de la société (Mendras, 1967). Les recherches sur les mutations du monde agricole vont montrer comment le droit de propriété, en inscrivant la terre dans un processus marchand, va changer les fondements de la relation de l’homme avec son espace. Avec l’avènement des révolutions industrielles, l’espace garde toujours une visée productiviste, mais les mondes agricoles vont évoluer rapidement sous les effets de changements volontaristes, privilégiant une agriculture capitaliste, plus individualiste, porteuse de nouveaux acteurs et capitaux issus des mondes urbains, imposant un nouveau regard sur les espaces (Guigou, 1982 ; Devienne et al., 2005 ; Hervieu et Viard, 2001). La terre n’apparaît plus seulement comme un facteur de production, un espace-ressource de biens environnementaux ou un cadre de vie mais devient également un actif financier individuel ou un patrimoine dont la plus-value se mesure à l’aune de l’attractivité des territoires (Gumuchian et Pecqueur, 2007). Les évolutions successives du capitalisme en changeant la nature du droit de propriété, ont changé les rapports de force présents sur l’espace. En devenant un moyen de réaliser un profit ou de dégager un revenu, la propriété foncière instaure in fine ce que Krueckeberg nomme un « droit au profit » individuel sur l’espace. Le propriétaire foncier impose de facto une représentation individualiste de son espace approprié même si elle apparaît parfois comme contradictoire aux droits d’affectation des usages du sol porté par les collectivités. La propriété foncière acquière un nouveau pouvoir qui ne tient

                                                                                                                         60 Cité par Le Roy (2011a). Il fait référence à Marcel Mauss, qui élabore ce concept dans son Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques. M. Mauss considère que par essence, un « fait social » est pluridimensionnel et qu’il ne peut être réduit à une ou deux dimensions. 61 Le droit de propriété privée se décline, dans le monde occidental, selon deux acceptions trouvant leur origine dans deux systèmes juridiques fortement historicisés, le « Code Civil » et la « Common Law » (Anglo-saxons). Le premier d’inspiration législative, le second d’origine jurisprudentielle. 62 Ensemble des droits issus de la nature de l’homme. 63 Culturel et régime théocratique pour les colons anglais (Protestants). Culturel et politique (Censitaire) en France.

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pas tant à la relation exclusive d’un individu à son objet, mais bien à la capacité d’imposer cette relation univoque sur cet objet aux autres acteurs intervenant sur l’espace (Krueckeberg, 1995 ; Ruegg, 2008). Or la recherche de profits individuels peut conduire les propriétaires fonciers à privilégier et à maximiser l’intérêt individuel, parfois à l’encontre des intérêts territoriaux64. Et cette déconnexion pose aujourd’hui la question du choix et/ou du maintien des ressources envisagées comme mode de développement des territoires. Autrement dit, le droit d’usage ou de profit d’un propriétaire révèle avant tout le caractère pluriel et contradictoire de la propriété foncière, cumulant intérêt individuel, par le droit privé, et intérêt général, par le droit public s’exerçant sur l’espace qu’elle contraint. Et soulève surtout les limites d’intervention du droit public face à un droit privé auréolé par son référencement aux droits naturels de l’homme rendus inaliénables par les constitutions… La question sous-jacente posée, est de savoir si finalement les droits de pleine propriété sont toujours d’actualité aujourd’hui. Aux Etats-Unis, la philosophie politique va se saisir de cette contradiction générée par la propriété privée et sera l’objet d’une vive controverse entre le mouvement « libertarien »65, proche de la doctrine du « jusnaturalisme » et le mouvement « égalitariste »66. Le premier proclamant les vertus d’une propriété privée absolue dans l’organisation des rapports sociaux en rejetant toute forme d’interventionnisme de l’Etat, le second en affirmant la nécessité d’une approche libérale « égalitaire » avec un interventionnisme étatique ciblé pour rétablir « une égalité des chances », sans forcément supprimer les inégalités si tous les protagonistes augmentent leurs intérêts (Alexander, 2012). Issu du mouvement égalitariste, J. Christman propose de mettre fin au mythe de la propriété absolue en opérant une hiérarchisation des droits et en privilégiant plutôt « les droits d’usage » aux « droits au profit » pour s’inscrire dans une société plus égalitaire. Allant jusqu’à préconiser une dissociation radicale dans la distribution des droits de propriété, en opérant une forme de socialisation des terres aux bénéfices des collectivités en charge des espaces, et le maintien des droits d’usages sous le système privatif. Une idée finalement pas si éloignée de celle réclamant une maîtrise publique foncière et instituant des droits d’usages privatifs sous la forme contractuelle. Mais derrière ces débats, c’est un problème inhérent à la structure même de ce droit fondé sur la primauté d’une valeur sur les autres qui ressurgit. A l’heure où de nouvelles valeurs s’affirment sur l’espace comme moteur d’une nouvelle société se découvrant plurielle dans ses projections spatiales, comment justifier la suprématie d’un droit unitaire lorsqu’il conditionne les autres ? Le droit au logement, le droit à l’environnement67, les droits humains doivent-ils rester des droits mineurs au regard du droit de propriété ? Il est peut-être temps de s’intéresser d’un peu plus près aux travaux portant sur les pays du sud, où le droit d’appropriation s’est construit sur le pluralisme, reflet d’un espace porteurs de valeurs multiples à concilier (Alexander, 2011 ; Christman, 1994 ; Krueckeberg, 1995 ; Pisani, 1977 ; Ruegg, 2008 ; Le Roy, 2011b). Le droit de propriété, un outil au service d’une approche économique libérale Les avancées les plus notables sur les réflexions portant sur les droits de propriété sont à rechercher du côté de l’économie anglo-saxonne. Et notamment avec l’école des « property rights » ancrée dans le courant des Law et Economics68, qui en présentant le rôle et les conséquences économiques des systèmes de droits de propriété, instituent ces derniers comme une réponse optimale aux conditions socio-économiques dans laquelle évoluent des agents rationnels. En réaffirmant la supériorité de la                                                                                                                          64 Compris ici comme un espace institutionnel, c’est-à-dire qui s’identifie par son appartenance à un ensemble de règles, de normes ou de lois. Il peut être de nature législative, contractuel ou une simple représentation. 65 Initié par R. Nozick. Ce courant ultralibéraliste prône pour un droit absolu de la propriété privée. S’oppose à toute forme d’interventionnisme étatique sur ce droit, y compris les prélèvements de taxes ou d’impôts. 66 Initié par J. Rawls, il sera à l’origine de la théorie de la justice avec la parution de son œuvre éponyme en 1971. D’inspiration libérale et contractualiste. 67 Egalement un droit constitutionnel en France avec la charte de l’environnement. 68 Courant néo-libéral très offensif dans les pays de la Common Law. Il rassemble à l’origine des économistes (Alchian, Demsetz) et des juristes (Posner, Calabresi) autour d’une approche recherchant à optimiser l’articulation entre l’économie et le droit. L’intention étant d’étendre les outils, méthodes et finalités de l’économie au système juridique.

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propriété privée dans l’allocation et la gestion des biens et services quelle qu’en soit leur nature (Coase, 1960 ; Alchian et Demsetz, 1973), elle émet l’idée d’un processus inéluctable affectant les systèmes de droits de propriété selon les niveaux de développement socio-économique des sociétés et de la rareté des ressources (Demsetz, 1967) ; la propriété privée devenant un horizon à atteindre. La « tragédie des communs »69 décrite par G. Hardin en sera l’illustration parfaite (Hardin, 1968) … Cette philosophie économique d’inspiration néolibérale réinscrit l’acte d’appropriation privatif comme une nécessité économique permettant de justifier son extension à tous les types de biens et d’espaces. Il est à rappeler que cette approche s’inscrit dans un contexte international de guerre froide où deux modèles idéologiques s’affrontent, le socialisme et le capitalisme. En réduisant les coûts de transactions et en permettant d’internaliser les externalités, cette approche économique du droit de propriété s’impose comme une référence inéluctable pour assurer la gestion des ressources rares. L’idéalisation de la propriété privée permet d’inscrire les rapports sociaux sur un modèle économique libérale, où l’individualisme et les marchés fondent le sens de la société, occultant les autres valeurs en les intégrant dans les logiques marchandes. Qualifiée de « théorie naïve », par Eggertsson (2012), car ne tenant pas compte des arrangements plus ou moins institutionnels qui s’opèrent autour de la gestion des ressources organisée sur le mode privatif, elle sera pourtant à l’origine d’une volonté de généralisation de la propriété privée comme mode d’appropriation foncière, notamment en Afrique et en Amérique Latine. L’octroi de titres fonciers privatifs (exclusifs et absolus), apparaissant comme un préalable pour intégrer les logiques de développement, en permettant de valoriser ce que H. De Soto nomme le « capital mort », c’est-à-dire tous les biens issus de l’extra-légalité ou de l’économie informelle (De Soto, 2005). Et pourtant, cette approche foncière basée sur une foi immodérée en la capacité régulatrice des marchés d’inspiration smithienne, aura du mal à se traduire concrètement dans les pays en voie de développement. La pluralité des usages existant sur ces espaces structure les équilibres socio-économiques en place et ne peut donc être évincée au profit d’un mode d’appropriation « imposé », sans aucune forme d’adhésion des sociétés locales concernées (Ostrom, 1990 ; Le Roy et al., 1996). Plus grave pour les néo-libéraux, cette théorie, bien qu’évolutive, éprouve des difficultés croissantes à expliquer les dysfonctionnements socio-spatiaux à l’œuvre sur les espaces où le mode d’appropriation foncière s’est construit sur le modèle de la propriété privée. Ce dernier point réinterroge également la hiérarchisation des catégories des biens économiques, instaurée par l’économie libérale. Car en privilégiant les biens privés sous le mode du laisser-faire, seul garant de l’intérêt général, elle a inscrit paradoxalement à sa doctrine fondatrice, les biens communs environnementaux dans la tragédie des communs… De nouveaux courants se sont développés pour affiner les analyses et proposer de nouvelles réponses aux enjeux économiques soulevés par ce droit, notamment sur la question des comportements attendus. La théorie des jeux met ainsi en évidence l’incidence de l’information et de la connaissance des règles dans le comportement rationnalisé de l’individu. La théorie des choix publics insiste elle, sur le fait que les acteurs publics, dont l’Etat, ne peuvent échapper à la nécessité de maximiser leurs intérêts personnels, et va démontrer d’une part que la rationalité de l’individu n’est pas une constante mais dépend du contexte, et d’autre part que les acteurs publics et les institutions suivent des intérêts particuliers qui peuvent être facteurs de dérives pour l’intérêt général. L’individu et l’Etat, porteurs respectivement de l’intérêt privé et de l’intérêt général, ne seraient donc pas des référents systématiquement stables pour s’ériger en mode de régulation exclusif. Un constat qui s’inscrit dans une nouvelle demande sociétale tournée vers l’idée d’un développement durable ; où les ressources communes acquièrent le statut de bien non renouvelable, et deviennent ainsi des biens communs à préserver avec l’idée d’un « intérêt collectif » à construire, dépassant la traditionnelle dichotomie entre intérêt individuel et intérêt général. Le droit de propriété où la nécessaire gouvernance Le 21eme siècle s’ouvre sur une ère de complexité, affirmant la nécessité de bousculer les fondements institutionnels qui régissaient l’organisation des rapports sociaux autour de l’appropriation des                                                                                                                          69 Cet article est publié un an avant celui d’Hardin « la Tragédie des communs » montrant la supériorité de la propriété privée sur la propriété commune pour la gestion des ressources rares.

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ressources. Cette nécessité ne doit pas se traduire par l’éviction d’un mode pour un autre. Les recherches empiriques montrent qu’il existe dans le monde une pluralité de mode d’appropriation comme une diversité dans la façon de les utiliser (Cole et Ostrom, 2012 ; Le Roy, 2011a). Ainsi, le droit de propriété privée peut également être perçu comme un contre-pouvoir pouvant légitimer un intérêt individuel en cherchant à révéler la faiblesse de l’intérêt général engagé par la puissance publique au regard des enjeux locaux : inadéquation des projets territoriaux, conflits d’intérêts, etc. (Falque et al., 2008). Mais cette fonction s’inscrit dans le cadre d’analyse juridico-économique construit pour appréhender et formaliser l’appropriation de l’espace. Il met en résonnance deux institutions, publique et privé, qui doivent se comprendre comme une articulation, pour créer ce que Raffestin nomme un « équilibre dynamique des territoires » (Raffestin, 1983). Les approches pluridisciplinaires en France et dans le monde anglo-saxons ont d’ailleurs montré depuis longtemps que l’appropriation du sol, même et peut-être surtout, sous sa forme privative, ne peut s’extraire d’un interventionnisme plus ou moins marqué des institutions publiques en charge de l’espace (Granelle et al., 1988 ; Koubi, 1990 ; Comby, 2010). La question soulevée est alors plutôt de savoir comment organiser ces deux institutions de régulation pour répondre aux nouveaux problèmes posés. Et seront-ils suffisants ? L’idée de la troisième voie suggérée par la théorie des communs élaborée par E. Ostrom s’inscrit dans cette démarche puisqu’elle n’oppose pas les systèmes de régulations existants mais cherche à en montrer les limites respectives dans une perspective de complémentarité. Dans cette approche issue de la nouvelle économie institutionnelle70, la propriété privée n’apparait pas comme un facteur limitant à la définition d’un intérêt général lorsqu’elle s’inscrit dans un système de règles visant une action collective acceptée. Comme les pouvoirs publics ne sont pas un obstacle à l’intérêt privé lorsqu’ils s’insèrent dans d’un agencement social reconnu localement (Ostrom, 1990 ; Ostrom et al., 1994 ; Hess et Ostrom, 2006). Cette approche préconise avant tout de sortir des cadres habituels de pensées, trop cloisonnées pour appréhender « les complexités » des enjeux contemporains. La démarche empirique est donc au cœur de l’élaboration de la théorie des biens communs. L’analyse des formes de gouvernance économique développées autour de ces biens s’appuie sur deux paramètres largement sous-estimés dans l’élaboration des politiques de régulation : la capacité des acteurs à s’auto-organiser et la prise en compte de l’emboitement des niveaux d’analyses. E. Ostrom insiste sur le pluralisme inhérent à cette forme de gestion des « Commons », car les règles construites en réponse à un problème concret ne peuvent émerger que du contexte local, avec des acteurs locaux s’inscrivant tous dans une réalité plus générale (Ostrom, 1990 ; Ostrom et al. 1994 ; Hess et Ostrom, 2006 ; Cole et Ostrom, 2012). Même constat chez E. Le Roy qui dans son dernier ouvrage présente une anthropologie des régimes d’appropriation foncière (2011a) fondé sur de nombreuses recherches empiriques, révélant la richesse des modes de propriété existant autour de l’objet foncier. Une réalité juridique élaborée sur le mode du pluralisme, sachant combiner les composantes endogènes avec les réalités exogènes dans une idée de continuum, plus que d’exclusion. Il propose un cadre d’analyse juridico-économique, la Théorie des maîtrises foncières, inspiré E. Ostrom, mais insistant davantage sur le caractère juridique de la propriété. Les travaux de O. et C. Barrière (2001) complètent cette dernière approche en insistant davantage sur l’accès à la ressource et seront à l’origine de la Théorie des maîtrises fruitières. Autre concept, celui des Régimes institutionnels de ressource (Varone et al., 2008) qui a été développé en croisant les analyses des politiques publiques avec la nouvelle économie institutionnelle inscrite dans la mouvance d’E. Ostrom. Ces dernières analyses ne cherchent pas à remettre en cause les acquis en provenance des théories élaborées sur cette question de la propriété, ni rejeter les systèmes organisationnels qui se sont arrangés autour de la gestion des ressources, mais bien d’en proposer une approche plus complexe basées sur des recherches empiriques et en hybridant les champs d’analyses disciplinaires. L’objectif est bien alors de répondre aux nouvelles exigences spatiales en construisant un cadre d’analyse adapté à la ressource, à la société et à l’espace concerné. La notion de gouvernance est alors envisagée

                                                                                                                         70 Courant économique américain s’intéressant au rôle joué par les institutions (ensembles de règles et de normes) dans la coordination économique. Il donnera naissance à de nombreuses écoles et théories parfois contradictoires.

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comme un moyen de dépasser les limites des approches juridiques et économiques portées par le droit de propriété. La déconnexion produite entre l’appropriation foncière organisée sur le mode privatif et les difficultés à répondre aux exigences collectives des nouveaux usages spatiaux opèrent un renouveau de la recherche autour du droit de propriété sur les modes de la complexité et du pluralisme. La complexité, parce que les enjeux contemporains nécessitent de construire de nouvelles grilles d’analyses endogènes aux espaces étudiés, en tenant compte des systèmes sociaux, économiques et politiques s’organisant autour de la question de l’appropriation foncière, afin d’en comprendre tous les ressorts. Le pluralisme, parce que les réponses à apporter aux problématiques foncières, fortement singularisées par leurs espaces d’appartenance, ne peuvent se concevoir sur le mode unitaire, y compris sur la question juridique. Ce qui renvoie à la nécessité de s’intéresser de plus près à la notion de « juridicité » développé par E. Le Roy, permettant de mieux prendre en compte les réalités plurielles inhérentes à l’appropriation foncière (Le Roy, 2011a). Cette double exigence dévoile la difficulté à explorer de nouvelles pistes de recherche portant sur la compréhension des processus fonciers à l’œuvre sur les espaces. E. Ostrom explique que cela peut être liée à la persistance de modèles théoriques trop simplistes, dépassés ou incomplets qui fondent les cadres d’analyses organisant les réflexions et les réponses à apporter aux problèmes posés. Les démarches itératives, associant les recherches théoriques et empiriques, et les apports interdisciplinaires sont autant de nouvelles pistes à explorer pour enrichir les nouvelles approches sur cette question (Cole et Ostrom, 2012). Car il devient urgent de pouvoir instaurer de nouvelles règles du jeu limitant les excès produits par les institutions sociales et/ou économiques. Peut-être par l’instauration d’un nouveau cadre politique construit autour de la notion de gouvernance, définie ici comme « l’art de bien gouverner ». Cela permettrait d’enrichir la théorie des droits de propriété en donnant un sens à l’action répondant d’abord aux spécificités de la ressource et non à un idéal juridico-économique.

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2.3.3. La fiscalité foncière : un levier d’action largement méconnu Les difficultés financières actuelles des collectivités territoriales, et de l’Etat, placent la fiscalité au cœur du débat public, malgré le caractère a priori technique, pour ne pas dire ésotérique, de la question. Au sein du système fiscal existant, les prélèvements liés à la propriété foncière qu’il s’agisse de la vente ou de la détention revêtent un intérêt particulier. C’est que, parallèlement aux difficultés financières des communes (principales bénéficiaires de ces impôts locaux), la hausse des prix a fait de la fiscalité foncière une source de financement au potentiel considérable. S’il est donc tentant de renforcer la fiscalité foncière, on verra que les enjeux qu’elle soulève, politiques, économiques et sociaux, expliquent que toute évolution nécessite de prendre le temps de la réflexion. Curieusement, les chercheurs restent timorés sur la question. Si des travaux d’économistes ou de juristes existent sur la fiscalité en général, les réflexions théoriques sur la fiscalité foncière sont quasi-inexistantes à l’heure actuelle. La situation n’est certes pas nouvelle, et il est fréquent de comparer la pauvreté des travaux français à la richesse des réflexions entreprises Outre-Atlantique. Au pays de la propriété privée triomphante, les travaux de Henry George, à la fin du 19eme siècle, ont inspiré tout un champ de recherche (cf. infra et développement dans la 3e partie sur le Lincoln Institute of Land Policy). C’est probablement qu’aux Etats-Unis, une part essentielle des ressources locales provient de la taxe foncière… Ce chapitre intervient logiquement dans le prolongement des réflexions précédentes sur la rente foncière, qui pose la question de la formation des prix, donc de la valeur des terres, et sur la propriété, qui interroge la place du propriétaire individuel, absolu et exclusif au sein de la société. Le prélèvement fiscal, parce qu’il constitue une atteinte (certes légitime) à l’absolu du droit de propriété fondée sur la valeur de cette dernière, fait donc la jonction entre ces deux thèmes. Après un retour sur les fondements théoriques de la fiscalité foncière, pour en expliciter la justification, nous ferons état des discussions en cours en évoquant successivement les objectifs de financement, de redistribution et d’aménagement qu’elle peut poursuivre. Fondements théoriques La fiscalité foncière trouve sa source dans l’idée que le revenu qui peut être tiré d’un bien foncier ou immobilier peut être taxé au motif qu’il est en partie généré par la collectivité (investissements publics notamment). On voit bien comment cette idée peut être reliée à celle de rente foncière, et c’est d’ailleurs à partir des réflexions sur cette dernière, à commencer par celles de Ricardo, qu’Henry George (Progress and poverty, 1879) s’est inspiré pour ses propositions. Mais l’utilisation du sol comme « gisement » fiscal est bien antérieure au 19eme siècle. S’il est d’usage de remonter à l’Antiquité pour en trouver les premières expressions, on se contentera de citer, pour la France, l’ensemble des travaux menés sur le Cadastre et ses ancêtres : les censiers, polyptyques, etc. Florence Bourillon et Nadine Vivier (2012) se sont intéressées à la façon dont les évaluations étaient réalisées pour la perception de l’impôt aux époques modernes et contemporaines. Au-delà des techniques utilisées et de la dimension économique, les auteurs soulignent bien, dès cette époque, les enjeux politiques et sociaux qui entourent la fiscalité foncière. Les réflexions sur la propriété foncière et la rente, au 19eme siècle, sont à l’origine de discussions nombreuses, engageant principalement les économistes71. A l’origine, deux théories s’affrontent avec d’une part les partisans de la légitimité d’une rente captée par les seuls propriétaires et de l’autre la suppression de cette rente, assimilée à un « enrichissement sans cause » et sa redistribution. Cette question va prendre une acuité particulière dans la seconde partie du 19eme siècle, en Europe et aux Etats-Unis, avec la croissance démographique et le développement de l’urbanisation, multipliant les

                                                                                                                         71 Citer l’ensemble des travaux en question serait fastidieux dans le cadre du présent rapport. La plupart des auteurs ayant abordé la rente foncière ont également posé la question de la redistribution de cette dernière : la fiscalité en est un moyen. On pourra se reporter utilement à l’indémodable ouvrage de J.L. Guigou sur la rente foncière (1982)

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situations de rente urbaine. Si Adam Smith (1776) avait jeté les bases d’une réflexion sur la fiscalité foncière en introduisant le rôle de l’impôt foncier, John Stuart Mill la développe en se positionnant pour une captation de la rente par l’Etat et introduit l’idée d’évaluation générale des terres (Comby et Renard, 1985). De son côté Henry George, économiste et philosophe social étatsunien, va donner naissance à un courant de pensée72 à partir d’un constat : la pauvreté qui se développe dans les villes, en l’occurrence New York, contraste avec la richesse qui se développe en Californie, dépourvue de grandes villes à l’époque. Une explication centrale pour Henry George : en économie de marché, les fruits des progrès technologiques sont captés par la rente foncière, l’augmentation de valeur des terrains, au profit des propriétaires fonciers, alors que cette hausse ne doit rien, dans le cas général, à leur travail. La solution au problème ne consiste pas en l’acquisition publique des terrains (préconisée par Léon Walras) mais passe par la récupération par voie fiscale de la plus-value (comprise comme l’augmentation de la valeur du terrain qui ne doit rien à l’action du propriétaire). Intuition simple, éthiquement correcte, qui sera martelée avec force par l’auteur dans son principal ouvrage, Progress and poverty, publié en 1879, dans lequel il ne se contente pas de développer son intuition et de l’illustrer, mais en fait la base d’une proposition d’axe de réforme : la « single tax », impôt unique sur la valeur des terrains, supposé se substituer à terme à l’ensemble des impôts. Henry George prône le maintien de la propriété foncière privée mais la captation de la rente, la plus-value, par la collectivité. La pensée de Henry George a connu une postérité variable. Son impact a été important sur le plan théorique chez des économistes tels que Milton Friedmann ou Maurice Allais. D’un point de vue plus pratique, on soulignera que la fiscalité foncière, la property tax en particulier, constitue encore une ressource fondamentale pour les collectivités locales : jusqu’à 70 % des recettes des municipalités états-uniennes (d’après Aveline, 2005). En revanche, en France comme dans l’ensemble de l’Europe Occidentale, cet impôt a beaucoup perdu de son importance (Comby et Renard, 1996). Mais si les théories économiques ont délaissé le champ de la fiscalité foncière au cours du 20eme siècle, le regain d’intérêt dans le débat public et politique est avéré. Peu populaire et relativement technique, la fiscalité foncière constitue en fait un triple enjeu : de finances publiques, d’équité et d’aménagement. Un enjeu de finances publiques Le désintérêt des chercheurs pour les questions touchant à la fiscalité foncière est d’autant plus paradoxale que ses incidences financières sont considérables. Le produit de la fiscalité foncière représente en 2010 près de 25 milliards d’€73 (23,52 MM€ pour la taxe sur le foncier bâti et 0,9 MM€ sur le foncier non-bâti) de fonctionnement des collectivités locales (communes, EPCI, départements et régions). La spectaculaire hausse des prix de l’immobilier (+ 140 % corrigées de l’inflation depuis 1997) et les besoins de financements des collectivités conduisent à souligner l’importance de ces ressources potentielles. Dans les pays du Nord ou ceux du Sud, les Etats connaissent en effet des difficultés de financement structurelles : baisse des ressources du travail dans le premier cas par exemple, croissance démographique et besoins en infrastructures dans l’autre. Ces difficultés, accrues récemment en Europe en raison d’une crise financière, ont conduit au désengagement de l’Etat d’un certain nombre de politiques publiques. Il revient donc aux collectivités locales de trouver les moyens de financer ces nouvelles attributions. Si le recours à la fiscalité paraît légitime, rares sont les pays où les collectivités disposent réellement du pouvoir fiscal, et notamment de celui de fixer librement les taux d’imposition (Ingram et Yu-Hung, 2012), en particulier pour ce qui concerne la fiscalité foncière. Dans ce cadre, la fiscalité foncière se retrouve au cœur de réflexions sur la participation des citoyens à la définition des niveaux d’imposition, les modes de gouvernance, et les relations entre différents niveaux de collectivité (du local au central). Les travaux sur ce qu’il est de coutume d’appeler la « gouvernance »

                                                                                                                         72 Et au Lincoln Institut (en influençant l’industriel John Lincoln qui créera l’Institut Lincoln en 1946). 73 Direction Générale des Collectivités Locales, 2012, Les collectivités locales en chiffres, www.dgcl.interieur.gouv.fr.

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sont nombreux, mais ils abordent rarement la fiscalité foncière en tant que telle74. Les réflexions récentes d’Eric Charmes (2011), fondées sur les travaux de Tiebout, rappellent l’importance des impôts locaux « comme un moyen de fixer le montant de la cotisation annuelle associée à la résidence dans la commune ». D’un point de vue plus technique, la fiscalité foncière destinée au financement général de la collectivité repose généralement soit sur la détention soit sur les mutations des biens fonciers et immobiliers visés75. La fiscalité annuelle sur la détention de terrains comprend la taxe sur le foncier bâti et celle sur le foncier non bâti, dont le calcul repose sur les valeurs locatives. Ces références, qui servent de base à l’imposition annuelle, apparaissent inégal selon les biens considérés et reposent, en France, sur un calcul complexe et peu transparent réalisé par l’Administration. L’un des débats portant sur la fiscalité s’attache à la mesure de l’imposition : sur quelle base imposer la propriété d’un terrain ? La question est ancienne et généralisée (Bourillon et Vivier, 2012) et il semble que rien n’ait réellement changé en la matière depuis plus de 40 ans. L’un des freins à toute réforme en profondeur réside dans ce que N. Aveline (2005) appelle « le consensus en faveur de la propriété », lequel « se traduit par une fiscalité très faible sur la détention de terrains ». En effet, poursuit-elle « Rares sont les pays à taxer lourdement la propriété foncière. On pourra citer, dans cette catégorie, le Canada et les Etats-Unis, où les taux d’imposition effectifs voisinent les 1 % (contre 0,03 % en France) et où les recettes de l’impôt foncier assurent plus de 70 % des revenus des municipalités »76. Pourtant, la question de la refonte du mode de calcul est fréquemment soulevée (Trannoy, 2011) : parmi les plus fréquentes propositions l’imposition reposant sur la valeur vénale des terrains (telle celle en vigueur aux Etats-Unis77), la dissociation des taxes sur le bâti et sur le terrain. D’autres soutiennent l’idée d’un impôt foncier « déclaratif » où le propriétaire estime et déclare la valeur de sa propriété à l’administration fiscale78. La fiscalité sur les mutations intervient quant à elle au changement de propriétaire, soit dans le cas d’une vente (droits de mutation à titre onéreux) soit d’une succession (droits de mutation à titre gratuit). Ce type de taxation, source de financements importants pour certaines collectivités territoriales en France (les départements par exemple), est régulièrement dénoncé par les économistes qui la considèrent comme contraire à la fluidité du marché, donc inefficiente ; et non justifiée d’un point de vue éthique. Ces deux types de taxation peuvent évidemment contribuer aux autres objectifs potentiels assignés à la fiscalité : redistribution et aménagement. La fiscalité sur la détention foncière peut ainsi participer à la récupération de la plus-value latente : c’est d’ailleurs l’objectif poursuivi par les tenants du « géorgisme ». Cet objectif se heurte à un problème bien connu : il est très difficile, en particulier sur le long terme, de différencier la part de la valorisation liée à l’action du propriétaire de celle due aux investissements de la collectivité. C’est pourquoi, en général, la discussion sur la redistribution se focalise sur la captation de la plus-value dans un cadre temporel limité, le plus souvent lié à des opérations d’aménagement (gare, ligne de tramway notamment).                                                                                                                          74 Le cadre de ce rapport ne nous permet pas d’aborder ce très vaste sujet. Nous nous contenterons donc de renvoyer à la thèse de N. Douay, qui propose un point sur les différentes façons de penser les pouvoirs publics et leurs interrelations. 75 Sans oublier l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), seul impôt assis sur la valeur vénale du patrimoine (le foncier et l’immobilier en composant une grande part), telle qu'elle est déclarée par le propriétaire. 76 En fait, il s’agit de 70 % des recettes fiscales des municipalités états-uniennes. 77 La property tax est en effet calculée sur la valeur vénale du terrain et de la construction et donne lieu à une évaluation contradictoire entre l’administration (bénéficiaire) et le propriétaire. On notera toutefois que cette taxe a souffert ces dernières années de nombreuses critiques de la part de propriétaires peu disposés à la payer. De plus, l’irrégularité de certaines réévaluations a conduit à de nombreuses sous-estimations (voir les travaux de Walters, 2011). 78 La perspective d’une taxation de la plus-value ou d’un sinistre réduisant la tentation de sous-estimer le bien (Pisani, 1977).

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Capter les plus-values au nom de l’équité L’équité fiscale se pose à la fois en termes d’équité verticale (entre propriétaires fonciers) et horizontale (entre communes). Et si la recherche de l’équité fiscale résulte de ce qui est considéré comme un « enrichissement injustifié », « les gains provenant des plus-values foncières apparaissent justiciables d’un traitement plus sévère » (Lewandowski et Bilger, 1971). De fait, le taux d’imposition pour ce qui est de la détention est fixé par commune et il n’est pas progressif : on est donc encore loin du compte en France. Ensuite, si la recherche de l’équité impose de récupérer les plus-values (capter la hausse des dernières années), se pose également la question des indemnisations quand l’action publique fait diminuer la valeur. La taxation sur les mutations liées à des plus-values de long terme n’a pas fait l’objet de réflexions poussées. D’un point de vue pratique, en France, la loi a récemment évolué : la taxe nationale sur les plus-values immobilières (TPVI) a été réformée en 2011. Elle a repoussé les délais d’abattement progressif et l’exonération totale intervient au bout de 30 ans, contre 15 années auparavant79. Concernant le foncier non-bâti constructible, c’est une situation inverse qui a prévalue puisqu’après avoir proposé aux communes l’instauration de la taxe foncière sur les terrains devenus constructibles (TFTC) en 2010, une exonération totale de la TFCT au terme d'une durée de 18 ans de détention a été votée. Au même titre que la taxation des mutations en général, ce type de taxe est parfois considérée par les économistes comme un facteur de viscosité du marché. En revanche, récupérer la valeur liée aux dépenses d’équipements publics (école, réseaux de transports, etc.) a fait l’objet d’un certain investissement au cours des dernières années. L’idée est à la fois ancienne : en Grande-Bretagne et en France, les textes fondateurs du droit de l’urbanisme80 les évoquent déjà ; et généralisée : l’Amérique latine a été le siège de nombreuses expérimentations en la matière ces dernières années. La capture de la valeur dans ce cadre aurait de nombreuses vertus, dont celle d’éviter que le coût des infrastructures publiques soit sous-évalué par la puissance publique. C’est notamment autour du financement et de la redistribution des plus-values liées à des infrastructures de transport que les réflexions se sont focalisées81. Les considérations théoriques reposent sur l’hypothèse que des investissements en infrastructures de transport génèrent nécessairement une valorisation des terres situées à proximité. Or cette hypothèse est loin d’être toujours vérifiée. Certains auteurs quantifient positivement la valorisation générée par les infrastructures de transport : comme A. Deboulet (1992) sur l’impact positif du RER A et C. Beckerich (2001) sur le rôle également positif du métro à Lyon. B. Fritsch (2007) est quant à lui plus circonspect sur les effets du tramway de Nantes : en termes de valeurs des biens environnants tout d’abord et ensuite en matière de retour sur investissement pour la collectivité. De même, J.M. Offner (1993) ou J. Comby (2009) constatent peu de lien de causalité entre infrastructures de transport et valorisation foncière. D’autres enfin, tels Didier et Prud’homme (2007) soulignent même les impacts négatifs qu’une infrastructure peut également avoir des impacts négatifs (aéroport et zone résidentielle). Les relations infrastructures/plus-values sont donc complexes et loin d’être mécaniques. Ces incertitudes persistantes soulignent un manque essentiel en matière de formation de prix : l’absence de modèle descriptif, explicatif, et prédictif. Il est ainsi très difficile, même dans le court terme de prévoir une évolution. Même le suivi des transactions est compliqué en France, les données fiables et pertinentes sur les transactions foncières étant difficilement accessibles.

                                                                                                                         79 Cette taxe sur les plus-values concernent toutes les ventes immobilières hors résidence principale : résidences secondaires, terrains et investissements locatifs. 80 Town planning act de 1909 en Grande-Bretagne et Loi Cornudet de 1919 en France. 81 D’un point de vue théorique, le théorème « GHV » est régulièrement repris pour la justification de la taxation dans le cadre des infrastructures de transport. Il reprend et complète les raisonnements de Henry George (le G) sur la redistribution, avec celui de Harold Hotelling (le H) sur le financement des transports via la taxation (pour que le coût du billet soit suffisant pour financer les besoins supplémentaires) et celui de William Vickrey (le V) qui étend le raisonnement pour d’autres services.

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Malgré ces difficultés, la phase de hausse spectaculaire des prix fonciers et immobiliers depuis 1997 a certainement joué en faveur d’une certaine effervescence législative autour de la taxation des plus-values. Ainsi, la Loi d’Engagement National pour le Logement de 2006 et la Loi de Modernisation et d’Orientation Agricole de 2010 ont-elles prévues de taxer les plus-values issues de cessions à titre onéreux de terrains rendus constructibles. Tandis que la loi sur le Grand Paris (2010) prévoyait un dispositif de taxation des plus-values à proximité des gares notamment82, système repris par la loi dite Grenelle 2 et généralisé au niveau national, hors Ile-de-France. La récupération des plus-values, réelles ou potentielles, continue à poser des problèmes structurels, même si elle reste une piste de redistribution et de financement intéressante dans le cas d’équipements publics précis. Le regard mériterait ici d’être porté sur les travaux, notamment empiriques, menés dans de nombreux pays du Sud notamment. L’indemnisation des moins-values, qu’elles soient liées à des servitudes d’urbanisme ou à des équipements, est directement liée à celle de la récupération des plus-values (travaux du Lincoln Institute). De nombreux auteurs, dont Vincent Renard (2003) ont fait le constat, depuis longtemps, que face au principe de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme, les acteurs de l’aménagement ont depuis longtemps trouvé la parade, via des arrangements locaux, plus ou moins en phase avec la loi. De la même façon, la récupération des plus-values est souvent traitée de fait via la contractualisation, dans le cadre des opérations d’aménagement : les opérateurs se voient imposer une participation plus ou moins négociée aux équipements publics. Aménager et contrôler l’urbanisation La fiscalité en lien avec l’aménagement poursuit deux objectifs : financer les coûts de l’urbanisation et limiter la rétention foncière83. Pour le premier objectif, les questions implicites concernent à la fois le choix des outils et celui des contributeurs ; en l’occurrence qui paye l’urbanisation ? Guelton et al. (2011) rappellent que la question « qui doit payer la ville ? » est souvent supplantée par la question pragmatique « qui peut payer ? ». L’équilibre financier l’emporte sur la recherche d’une justice sociale. Sachant que les bénéficiaires sont nombreux, le champ des contributeurs financiers est vaste : usagers de l’aménagement, aménageurs, propriétaires, pouvoirs publics et contribuables. Si le but premier est l’aménagement (au sens large), ce type de fiscalité cherche également à contribuer à des objectifs tant d’équité (captation d’une valorisation liée à un changement de zonage) que de financement (en l’occurrence d’équipements publics). Ici, la littérature s’est longuement penchée sur les dispositifs présentés comme innovants, tels que les péages urbains par exemple, mais nettement moins sur la fiscalité foncière. A défaut, c’est la pratique, traduite dans la loi, qui traite de la question. La récente réforme des taxes d’équipements (en 2011) poursuivait un objectif de simplification légitime. De fait, la loi a permis de condenser 5 taxes et 6 versements en une seule taxe d’aménagement… dont on a pu constater qu’elle restait peu accessible au commun des mortels, tant dans la fixation de son assiette (au niveau national) que dans les taux applicables. Il en va de même avec les outils d’action publique, dont l’usage souvent explicité n’empêche pas un décalage chronique entre théorie et pratique comme le rappelle S. Guelton (2011). Le versement pour sous-densité, créé également dans le cadre de la réforme de 2011, correspond à une volonté de faire peser sur les propriétaires qui ne densifient pas le coût supposé de l’étalement urbain84. Enfin, à côté des traditionnelles Zones d’Aménagement Concertées (ZAC), les Plans Urbains Partenariaux (PUP), qui ont la particularité de correspondre à des opérations d’aménagement d’initiative privée, ont récemment été créés. Ils sont plutôt de nature à renforcer le principe d’une

                                                                                                                         82 Ce dispositif a finalement été abandonné par la loi de finances rectificative pour 2011. 83 On notera enfin qu’en matière d’incitation, quelques réflexions portent aussi, à rebours de la libération des terrains, sur l’encouragement des propriétaires à prendre des mesures de protection de la biodiversité. On retrouve ici les réflexions sur les limites du droit de propriété et la problématique de la non indemnisation des servitudes d’urbanisme (Sainteny, 1991 et 2012). 84 Sur l’étalement urbain, cf. supra.

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contractualisation du cadre de récupération des plus-values. Même si en droit français, la négociation d’un permis de construire contre la réalisation d’équipements est proscrite (le permis de construire est un acte administratif de vérification de la conformité du projet et non politique)… Le second objectif poursuivi par une fiscalité qui « se préoccupe d’aménagement » est de lutter contre la rétention foncière. L’imposition sur le foncier non-bâti constructible étant quasi indolore, la libération de ces terrains se fait trop lentement au regard des besoins d’urbanisation. La lutte contre la rétention de terrains a récemment fait l’objet de deux mesures coercitives. La première concerne les ventes de terrains rendus constructibles : il s’agit de la taxe forfaitaire sur les cessions à titre onéreux de terrains nus devenus constructibles (TFTC) qui a été créée par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 201085. Et dans le cadre de la même loi, une taxe additionnelle nationale (dite taxe LMA) a vu le jour : elle est cumulative et permet par ailleurs une exonération totale au terme de 18 années de détention. Ces mesures qui peuvent toutes les deux contribuer à limiter l’urbanisation ont en réalité des objectifs premiers contradictoires : la taxe LMA affiche clairement la volonté d’inciter à la conservation des terrains agricoles en prévoyant des abattements pour durée de détention et la TFTC a davantage un objectif de partage de la plus-value réalisée par le propriétaire et de financement des équipements publics (Sainteny, 2011), il faut donc pour cela qu’il n’y ait pas de rétention… La seconde mesure consiste au renforcement de la taxe foncière sur les propriétés non-bâties (TFPNB) lorsqu’il s’agit de terrains à bâtir (en zone urbanisable)86. Peu utilisée, elle peut constituer un levier local pour réveiller les propriétaires « dormants » ou lutter contre des formes spéculatives de rétention. En 201287, la majoration des bases de la TFPNB a été étendue aux zones à urbaniser constructibles, avec une possibilité pour le gouvernement de définir les zones où la majoration s’applique de plein droit. En s’attaquant aux zones d’extension future, la loi crée une sorte de taxe d’urbanisation, incitative, qui rappelle celle qui était prévue dans la loi d’orientation foncière de 1967. Enfin, il apparaît évident qu’une taxation sur la détention, fondée sur des valeurs vénales, peut constituer une forte incitation à construire, en plus des objectifs de financement et d’équité qu’elle peut recouvrir. Les discours qui mettent en avant le danger de la taxation sur la valeur, au prétexte qu’ils limiteraient les investissements du propriétaire, sont difficilement tenables lorsque l’on parle du terrain, l’essentiel de la croissance des prix étant liée à des évolutions de zonage ou d’infrastructures éventuellement. Si la possibilité de faire jouer plusieurs rôles aux différents impôts fonciers peut apparaître comme une force, elle est également la source d’une certaine confusion et vraisemblablement d’un manque d’efficience. Comme le résumait P.-H. Derycke (1982) : « L’imposition foncière idéale devrait être tout à la fois rentable, équitable et incitatrice », avant d’ajouter que l’impôt foncier ne peut résoudre à lui-seul ces trois objectifs. Si l’enjeu est à la clarification, il est aussi à la compréhension du fait que la fiscalité n’est pas qu’une affaire de juste calcul. Car la fiscalité foncière pose la question du consentement à payer. S’il y a un consensus chez la plupart des chercheurs et des praticiens sur l’importance de la fiscalité foncière, les propriétaires ne le sont pas toujours (on le voit tant pour la taxe foncière aux US que pour les essais de taxes sur les plus-values). Aux Etats-Unis, K.N. Dillman et L. M. Fisher (2009) ont montré que

                                                                                                                         85 Son produit est affecté à l'Agence de services et de paiement (ASP) pour financer l'installation de jeunes agriculteurs. Cette taxe de 10 % s'applique à la différence entre le prix d'acquisition et le prix de cession du terrain85 et est instituée par les communes, sur délibération du conseil municipal, à la première cession d’un terrain, intervenue après son classement en terrain constructible par le document d’urbanisme. Plus de 6 000 communes ont institué une TFTC à ce jour. 86 Cette taxe, introduite dans la loi ENL du 13 juillet 2006, permet aux communes qui le souhaitent de majorer la valeur locative des terrains constructibles dans la limite de 3 €/m². Cette disposition est, fin 2011, encore faiblement utilisée (moins de 200 communes). 87 Article 28 de la loi de finances rectificative du 14 mars 2012 modifiant l’article 1396 du Code général des impôts.

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l’acceptabilité en ce qui concerne la taxation des plus-values était très variable et dépendait des positions de chacun, des capacités de négociations (des particuliers ou des promoteurs). Enfin, malgré l’actualité de la question et le consensus à faire évoluer cette fiscalité foncière, encore trop inégalitaire et encore peu utilisée comme levier d’action pour l’aménagement et de financement pour les collectivités locales, ce champ de recherche est peu investi par le milieu académique. Ce retour sur la rente, la propriété et la fiscalité permet de voir à quel point les trois questions sont interconnectées et renvoient en définitive à des enjeux très pratiques. On retrouve en définitive ces trois piliers de la recherche sur le foncier en France comme dans les autres pays, notamment anglo-saxons. Par ailleurs, les trois textes concluent au peu de travaux théoriques depuis au moins 30 ans, ce qui oblige finalement les auteurs à se référer à des auteurs anglo-saxons comme fondement de leur appareil conceptuel.

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2.4 Une bibliothèque « idéale » du foncier Pour conclure cette deuxième partie, il nous semblait intéressant de proposer une liste de références incontournables, une sorte « bibliothèque idéale du foncier ». Une trentaine de références, essentiellement des ouvrages et articles composent cette liste. Adef, 1990, La rente foncière. Approches théoriques et empiriques, Paris, adef, 247p. Adef, 1989, Un Droit inviolable et sacré : la propriété, Paris, adef, 238p. Aveline N., 2006, Immobilier - la mondialisation, l’Asie, la bulle, Paris, Cnrs éditions, 304p. Braye D. et Repentin T., 2005, Les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement, Sénat, Rapport d’information n°442, 76p. Cavailhès J. et Joly D. (dir.), 2006, Les paysages périurbains et leur prix, Dijon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 201p. Charmes E., 2011, La ville émiettée, Paris, PUF, 288p. Christman J., 1994, The Myth of Property : Toward an Egalitarian Theory of Ownership, Oxford, Oxford University Press, 219p. Comby J., 2002, « Les avatars du droit de propriété”, études foncières, n°100, pp.14-15. Comby J. et Renard V., 1996, Les politiques foncières, Que sais-je ?, 128p. Demsetz H., 1967, « Toward a theory of property rights », The American economic review 57 (2), pp.347-359. De Soto H. 2005, Le mystère du capital : pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs, Paris, Flammarion, 304p. Donzel A., François D., Geniaux G., Napoléone C., 2007, Les déterminants socio-économiques des marchés fonciers, DRE PACA-PUCA, 120p. Falque M., Lamotte H. et Saglio J.F., 2008, Les ressources foncières : droits de propriété, économie et environnement, Bruylant, 729p. Geniaux G. et Napoléone C., 2005, « Rente foncière et anticipations dans le périurbain », in Économie et Prévision, vol. 2, pp.77-95. Granelle J.-J., 2008, Economie et urbanisme, Du foncier à l’immobilier 1950-2008, Paris, l’Harmattan, 229p. Granelle J.-J., 1998, L’articulation du foncier et de l’immobilier, Paris, adef, 189p. Guengant A., 1992, Les coûts de la croissance périurbaine, Paris, adef, 155p. Guigou J.-L., 1982, La rente foncière. Les théories et leur évolution depuis 1650, Paris, Economica, 954p. Halleux J.-M. et De Keersmaecker M-L., 2002, Les coûts de la désurbanisation, Etudes et documents CPDT, n°1, Ministère de la Région wallonne, 135p. Jarrige F., Jouve A.-M. et Napoléone C., 2003, « Et si le capitalisme patrimonial foncier changeait nos paysages quotidiens ? », Le Courrier de l'environnement de l'INRA, n°49, www.inra.fr. Krueckeberg D.A., 1995, « The difficult character of property : to whom do things belong ? », Journal of the American Planning Association, 61-3, pp.301-309. Lavigne-Deville P. et Durand-Lasserve A., 2008, Gouvernance foncière et sécurisation des droits dans les pays du Sud, libre blanc des acteurs français de la Coopération, septembre 2008, 38p. www.foncier-developpement.fr Le Roy E., 1999, Le jeu des lois une anthropologie dynamique du droit avec des consignes et des conseils au jeune joueur juriste, Paris, Lgdj, 422p. Le Roy E., 2011, La terre de l'autre : une anthropologie des régimes d'appropriation foncière, Paris, Lextenso, 448p. Le Roy E., Karsenty A. et Bertrand A., 1996, La sécurisation foncière en Afrique. Pour une gestion viable des ressources renouvelables, Paris, Karthala, 388p. Lipietz A., 1981, Le tribut foncier urbain, circulation du capital et propriété foncière dans la production du cadre bâti, Paris, Maspéro, 290p. Needham B., 2006, Planning, Law and Economics, London, Routledge, 152p. Ostrom E., 1990, Governing the commons : The evolution of institutions for collective action, Cambridge, Cambridge University Press, 280p.

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2.5. Des pistes pour la recherche Le contexte actuel est favorable à une réflexion théorique : croissance historique des prix, crise économique parallèle à une financiarisation accrue, etc. remettent en cause les présupposés fondamentaux des questions foncières ; qu’il s’agisse de comprendre les marchés et les phénomènes de rente, le rôle de la propriété dans l’aménagement ou encore l’utilisation du levier fiscal dans les politiques publiques. Face à ce constat, il apparaît nécessaire de penser les objets étudiés au sein d’un système pour ne pas sacrifier la complexité des phénomènes étudiés, sous peine de retomber dans les limites actuelles d’approches souvent trop sectorielles ou cloisonnées. C’est la condition pour faire le deuil de solutions largement jugées trop simplistes voire idéalistes. Pour cela, fort des apports passés (notamment de la science économique), les questions foncières doivent résolument s’ouvrir à la question des systèmes d’acteurs et des représentations sociales. C’est à travers ces approches que l’on pourra réinterroger avec pertinence la gouvernance foncière et proposer de nouveaux cadres de l’action publique et privée. Ce repositionnement théorique doit s’appuyer sur des études empiriques qui font souvent défaut. Le foncier est un domaine propice aux mythes et idées toutes faites : de la rétention foncière (toujours dénoncée, jamais véritablement étudiée), aux élus soumis à la logique électoraliste (illustré par l’incontournable « maire bâtisseur – maire battu »), en passant par la rareté foncière ou les vertus attribuées à la densité. On peut regrouper les pistes évoquées dans les textes précédents au sein de trois grands axes de recherche : la valeur du foncier ; les systèmes d’acteurs ; la dynamique des espaces ruraux. La valeur du foncier Les mécanismes de formation des prix restent une question centrale et récurrente. Les liens entre différents secteurs de l’immobilier : bureau, commerce ou encore résidentiel pourraient être davantage explorés (Gaubert et Tutin, 1999). Si les mécanismes de formation des prix répondent à des logiques différentes, les bâtiments partagent le même foncier. Quel impact les marchés de bureau ont-ils sur le foncier résidentiel ? On voit poindre ici les logiques de financiarisation qui sont répandues en matière d’immobilier d’entreprise mais ne touchent le logement que de façon mineure pour l’instant. Les impacts de la financiarisation sur la formation des prix du foncier méritent donc d’être approfondis. Mais la financiarisation ne se limite pas à la sphère immobilière. Les logiques d’investissement dans des portefeuilles d’espaces naturels, qui peinent vraisemblablement à s’imposer, méritent un véritable intérêt. D’autant que de puissants opérateurs se positionnent sur la question (cf. la société Nature Gestion qui dépend de la CDC Biodiversité). D’ailleurs, les espaces de nature sont potentiellement le siège d’une réflexion intense en matière de valeur. La monétarisation de l’environnement ou les logiques de compensation sont d’autant plus intéressantes qu’elles modifient complètement les conditions de marché. En valorisant des espaces autrefois sans intérêt, voire délaissés (marais), ces logiques entrent directement en concurrence avec des opérateurs fonciers de la protection historiques (Conservatoire du littoral, Conservatoires d’espaces naturels, etc.). Quelle est la valeur d’un espace de nature et peut-on en attendre une rentabilité ? Enfin, la fiscalité, largement négligée jusqu’à présent, mérite d’être enfin prise au sérieux. Que peut-on attendre des outils fiscaux en matière de captation de la valeur créée par des équipements publics ? Comment évaluer cette valeur ? La France paraît étrangement en retard sur ces réflexions. Pourtant elles posent tant des questions d’équité que de finances publiques. En l’absence de réflexions sérieuses, les décisions de politiques fiscales semblent davantage dictées par le bon sens que par une démarche scientifique. Si les dispositifs d’aide à l’investissement dans le logement ont rarement fait l’objet d’évaluations ex-ante, que dire de la fiscalité foncière dans son ensemble ?

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Les systèmes d’acteurs Penser les systèmes fonciers, locaux ou nationaux, passe par l’exploration des systèmes d’acteurs. Dans ce cadre, deux entrées peuvent être envisagées : les opérateurs et les propriétaires. Par opérateurs, nous entendons toutes les organisations qui sont professionnalisées dans l’action foncière : des agences notariales aux établissements publics fonciers. Des approches empruntant à la sociologie (du travail, des organisations) ou aux sciences de gestion permettraient d’analyser en finesse les logiques des acteurs, sans les réduire à des comportements monolithiques et mécaniques. Nous pensons par exemple au rôle des notaires ou des marchands de biens sur les marchés fonciers. Il s’agirait également d’explorer le cœur des instances de décision des grands opérateurs fonciers : promoteurs, aménageurs, agences de protection, etc. pour comprendre comment se font les arbitrages et décrypter les rapports de force et les discours. Le même type d’approche pourrait d’ailleurs s’appliquer aux « discussions foncières » des conseils municipaux. Ensuite, si les flux de transactions foncières et immobilières font l’objet de nombreuses attentions, les stocks, qui sont nettement plus importants, sont peu investis. D’ailleurs, parmi les analyses de marché, rares sont les travaux qui s’intéressent au profil des acheteurs et des vendeurs, comme si l’activité marchande était indépendante des personnes qui la font. Cette approche conduit à poser des questions à la fois pratiques et essentielles : que devient l’argent de la vente ? Si une vente peut être une source de redistribution, elle peut aussi aggraver les inégalités. Finalement, quelle est la fonction économique de l’investissement foncier ? On glisse ici aisément vers une des questions centrales des politiques foncières : pourquoi rester propriétaire d’un terrain qu’on n’utilise plus ? D’ailleurs, est-on bien sûr que ce type d’attitude soit répandu ?

La dynamique des espaces ruraux

Les espaces ruraux paraissent délaissés, alors qu’ils sont le siège d’une dynamique importante. L’émiettement communal donne de fait un poids important en matière d’urbanisme à des territoires ne disposant pas ou de peu d’ingénierie. Le comportement des élus dans ces espaces constitue une clef d’analyse importante. L’analyse des effets des documents d’urbanisme, en termes de prix ou de protection par exemple, constitue un axe à la fois classique mais toujours pertinent. Cette entrée ouvre par ailleurs sur la question des coûts de l’étalement urbain, qui reste l’objet de beaucoup de spéculations aujourd’hui. Surtout, ces espaces ruraux posent directement la question de l’échelle du pouvoir d’urbanisme et des enjeux de gouvernance public-public (entre collectivités d’échelon différent) et public-privé (avec les propriétaires par exemple). Ce faisant, les espaces ruraux semblent être les espaces privilégiés de renouvellement de la réflexion sur les questions de propriété. L’échec des politiques de préservation des espaces agricoles face aux dynamiques de marché consacre-t-il le non-sens de la propriété privée ? Evaluation des politiques publiques Une quatrième plus transversale interpelle directement les praticiens : l’évaluation des politiques publiques. Si le terme est d’actualité, rares sont à l’heure actuelle les outils, les dispositifs voire les lois pour lesquels un bilan a été réalisé.  Le recours à des outils tels que l’expropriation ou le droit de préemption est méconnu, aussi bien dans sa fréquence que dans ses effets. C'est également le cas pour un instrument majeur de la politique nationale du logement – comme l’aide fiscale à l’investissement locatif –, alors que le 9e dispositif en 30 ans vient d’être lancé (le « Duflot »).  Dans le même ordre d’idée, la connaissance des patrimoines fonciers, y compris des établissements et organismes publics, est encore largement méconnue.  

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3. Pour un réseau de recherche dédié aux questions foncières Après une seconde partie consacrée aux questions et pistes de fond, l’objectif est à présent de formuler des propositions pour qu’émerge et se structure un réseau de recherche sur les questions foncières ; les conditions de sa pérennité devant d’ores et déjà être prises en compte. Trois voies sont explorées dans cette dernière partie. D’abord, en analysant les points forts de réseaux de recherche à la fois proches en termes de thématiques et déjà constitués. Ensuite en revenant sur la création et le développement du réseau initié par l’adef depuis 2010. Enfin, en rappelant l’intérêt de l’accès aux données pour les chercheurs. 3.1. Les ingrédients des réseaux de recherche L’objectif est ici de voir comment préfigurer un réseau de recherche sur le foncier. Quels sont les éléments structurels à prendre en compte ? Pour ce faire, nous avons choisi de retenir plusieurs réseaux de recherche français et européens dont les thématiques sont proches : le GRIDAUH (Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat crée en 1996), le REHAL (réseau français « Recherche Habitat-Logement », datant de 1991), AESOP (Association of European Schools Of Planning, créée en 198788) et COST (European Cooperation in Science and Technology). Bien que bénéficiant du statut particulier de fondation, nous ne pouvions faire l’impasse sur le Lincoln Institute of Land Policy89 (Etats-Unis), qui fait autorité et constitue incontestablement une référence sur les recherches en matière de marché, de zonage, de propriété et de fiscalité. L’objectif est d’identifier leurs atouts afin de dégager ceux qui semblent préalables et les plus pertinents dans la mise en œuvre d’un réseau de recherche dynamique sur le foncier. Plutôt que de nous livrer à la description successive de ces réseaux90, nous avons privilégié 5 questions structurelles à se poser. 3.1.1. Quelles ressources pour exister et pérenniser ? Les formes juridiques, le financement et les moyens humains dédiés peuvent prendre des formes très variées. Si l’autonomie financière est largement assurée au Lincoln Institute grâce à la dotation initiale de son fondateur, 150 millions de $91, la plupart des réseaux fonctionnent via des subventions annuelles ou pluriannuelles, il s’agit donc d’engagements et de conventions périodiquement négociés.  Ainsi, le REHAL, groupement d’intérêt scientifique entre 1999 et 2007, fonctionnait sur la base d’une collaboration scientifique entre chercheurs et institutions et ne bénéficiait ni d’une autonomie financière, ni de la possibilité de recruter du personnel. Le réseau est donc dépendant de subventions. La convention du GIS est arrivée à échéance en septembre 2007, ce qui explique qu’il soit aujourd’hui en refondation. Le GRIDAUH possède à l’inverse une autonomie financière et juridique92 pour gérer des moyens, le groupement peut exécuter des travaux ou recruter du personnel. Le GIP emploie en effet un temps plein depuis 1995, à la personne de la secrétaire générale, et bénéficie de détachements/mises à disposition par le CNRS (équivalent à 1 poste de chargé de recherche) ; la direction étant assurée de manière bénévole. Par ailleurs, chacun des 12 membres apporte ou une contribution financière (variant de 7 700 € à 21 300 €) ou une contribution en nature (mise à disposition de locaux ou de salles de conférences entre autres).

                                                                                                                         88 Réseau d’urbanistes provenant d’une vingtaine de pays européens. 89 Fondé en 1946. 90 L’annexe 7 détaille pour chacun de ces réseaux : la forme juridique de la structure, les règles de fonctionnement, la place accordée aux praticiens et la place accordée à la valorisation et à la diffusion. 91 Soit 122 millions d’€. 92 Personne morale de droit public.

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AESOP de son côté est autofinancée par les formations en urbanisme (la cotisation s’élève à 600 € en 2012), mais l’association repose entièrement sur l’engagement et le dynamisme de ses membres, elle ne compte aucun salarié permanent. Enfin, COST est hébergé par l’European Science Foundation (ESF) et son secrétariat est assuré par le Conseil de l’Union Européenne. En fait, si nul engagement n’est définitif (excepté la rente dont bénéficie le Lincoln Institute), l’engagement de plusieurs partenaires apparaît indispensable pour stabiliser et pérenniser un réseau. La présence d’une équipe permanente, même réduite à 1 ou 2 salariés, permet de faire vivre toute l’année la recherche alors que le bénévolat des membres (comme ceux du REHAL) est volatile. Les carrières universitaires prennent parfois le pas sur le réseau. 3.1.2. Faut-il produire, coordonner ou financer ? La situation « idéale » est celle du Lincoln Institute qui assure en parallèle les trois missions. Des projets de recherche sont initiés et menés par les chercheurs associés au Lincoln et l’Institut décerne également des bourses de recherche afin de soutenir des étudiants, des chercheurs confirmés voire des praticiens. Environ 70 % de son budget annuel est d’ailleurs consacré à l’activité de recherche. Le Lincoln Institute collecte également des données (sur la fiscalité notamment), mises à disposition de chercheurs, comme il contribue également au développement d’outils et de méthodes. L’animation de la recherche sur les questions d’habitat et de logement que réalise le REHAL consiste à mobiliser les chercheurs, eux-mêmes rattachés à leurs propres équipes de recherche. Ce rôle de plateforme d’échange et de production de réflexions transversales ne produit ni ne finance directement la recherche. Le réseau européen COST fonctionne également sur le même principe : celui d’une mise en réseau des chercheurs. COST ne finance pas directement la recherche ni les chercheurs, et ne produit pas en tant que tel mais il met à leur disposition une plateforme, créant les conditions propices à cette mise en réseau (financement de séjours de recherche, de déplacements, etc.). Le GRIDAUH au contraire repose sur un partenariat institutionnel entre chercheurs et acteurs de l’aménagement et les professionnels du droit, lequel lui permet de répondre directement à des contrats de recherche selon une logique de co-production. Les chercheurs isolés et les équipes de recherche se constituent à l’occasion d’une réponse à un appel d’offre, en fonction des compétences disponibles et nécessaires. Les membres du GIP sont d’ailleurs les commanditaires d’une partie des expertises menées par le GRIDAUH. Animer la recherche peut se faire en produisant directement, en coordonnant voire en finançant des projets de recherche. Le cumul au Lincoln Institute des trois fonctions provient de ses capacités de financement. Seul le GRIDAUH participe directement à la production d’expertises et de recherche, en fonctionnant sur de la co-production avec des équipes de recherche ou des chercheurs isolés. Au-delà des capacités de financement, privilégier la (co-)production, la coordination ou le financement de la recherche traduit aussi une volonté des moyens d’action du réseau. 3.1.3. Faut-il un événement annuel ? Si la plupart des réseaux organise des réunions régulières ou des séminaires de travail, un colloque annuel se révèle souvent comme le point d’orgue des travaux. Il constitue un moment important voire indispensable à la vie du réseau et aux membres ainsi qu’à sa visibilité vis-à-vis de l’extérieur. De l’aveu même de ses adhérents, jusqu’en 2000, AESOP était un réseau encore relativement confidentiel. C’est l’investissement consacré au colloque qui a permis à l’association de se développer et de prendre de l’ampleur, à tel point que le colloque est aujourd’hui considéré comme le temps fort d’AESOP. Organisé chaque année et à tour de rôle par des écoles membres, il réunit environ 500 participants et les sessions en parallèle se déroulent sur plusieurs jours. Le GRIDAUH organise également un colloque annuel, en partenariat avec l’un de ses membres.

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Le REHAL quant à lui, faute de personnel dédié, n’a organisé que tous les deux ans une journée d’étude. Des réunions régulières se tiennent alternativement à Toulouse ou à Paris, elles dépendent de la prise en charge de l’organisation par les chercheurs membres du REHAL. COST enfin n’a organisé qu’un colloque en 2011 à Lisbonne, mais l’action est trop récente pour s’inscrire dans un cycle plus long. L’organisation d’une manifestation annuelle requiert souvent du personnel dédié, cette charge est plus difficile à mettre en œuvre pour les réseaux qui n’ont pas de permanents, comme le REHAL. AESOP s’est récemment doté d’un permanent pour gérer l’organisation du colloque annuel. 3.1.4. Quelle place pour les jeunes chercheurs ? Si ces réseaux de recherche partagent en fait un point commun, il s’agit de la place accordée aux jeunes chercheurs. Ainsi, les Journées Jeunes Chercheurs organisées tous les 2 ans par le REHAL (2005, 2007 et 2009, une 4e est prévue en novembre 2011 à Lyon), prennent une place essentielle dans la vie du réseau. Les chercheurs membres du GIS réfléchissent par ailleurs à l’organisation d’une école d’été qui pourrait avoir lieu en 2013 et permettrait des rencontres avec des professionnels de l’habitat. En parallèle du colloque annuel, l’AESOP organise un PhD Workshop (atelier pour doctorants), réunissant entre 30 et 40 doctorants. Le réseau des Jeunes Chercheurs d’AESOP (AESOP Young Academics Network) n’existait pas à l’origine, il a été lancé récemment ; la mobilisation et la participation des Jeunes Chercheurs est considérée comme une des conditions à la pérennité du réseau. Un représentant Jeunes Chercheurs siège depuis récemment au Council of Representatives. Enfin, l’AESOP a initié en 2010 une Journée d’été pour jeunes urbanistes European Urban Summer School for young planning professionals. Conçue comme une plate-forme d’échanges et de rencontres entre praticiens et jeunes urbanistes, cette rencontre est réservée aux jeunes urbanistes en poste depuis moins de 5 ans. Si le GRIDAUH semble peu intégrer les jeunes chercheurs (doctorants ou post-doctorants) dans son fonctionnement, il décerne chaque année depuis 1999 un prix de mémoires destiné à récompenser les travaux de troisième cycle et un prix de thèse, qui lui est attribué tous les deux ans. La liste de travaux récompensés par le GIP est d’ailleurs accessible sur son site internet. COST de son côté a mis sur pied des rencontres originales, via les Training Schools, qui permettent à des jeunes chercheurs européens de rencontrer des praticiens, lors de sessions de travail. La première s’est déroulée à Lausanne en Suisse, la seconde à Lodz en Pologne. Enfin, pour les jeunes chercheurs spécialisés en finance publique ou économie urbaine, il est possible de venir exposer des travaux dans le cadre du Lincoln Institut Scholars Program, durant 3 jours. Les frais de déplacements sont payés et les jeunes chercheurs retenus reçoivent une gratification de 410 €. L’intégration de jeunes chercheurs est une condition de la pérennité d’un réseau. Si le REHAL en a fait son enjeu principal, l’AESOP, qui n’avait pas prévu initialement de les intégrer, a fini par leur accorder une place importance en créant un réseau dédié. Enfin, le GRIDAUH, à travers ses deux prix, récompense ainsi les étudiants de Master 2 et les jeunes docteurs. 3.1.5. Quelle stratégie de publication et de diffusion ? La diffusion des travaux est une priorité, clairement affichée, des réseaux de recherche. Les communications de Jeunes Chercheurs présentées lors des journées 2005 et 2007 organisées par le REHAL ont ainsi fait l’objet de publications. Une partie des contributions des premières journées en 2005 avait d’ailleurs été publiée via un numéro spécial des Cahiers de l’INED, dans la collection Documents de travail (Bonnet et Bertrand, 2005). L’ensemble des communications de 2005 et 2007 a quant à elle donné lieu à un ouvrage : Être logé, se loger, habiter : Regards de jeunes chercheurs (Berger et Rougé, 2012).

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En dehors des rapports d’étude, le GRIDAUH édite deux publications : les Cahiers du GRIDAUH et le Droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat (DAUH). La première, dont la diffusion est assurée par la Documentation française, ne paraît pas manière régulière. Chaque numéro correspond à un thème défini et rend compte des recherches effectuées par le GRIDAUH, qu’il s’agisse de colloques ou de résultats d’études. La seconde publication, le DAUH, est un inventaire commenté des évolutions juridiques de l’année échue. Cet ouvrage est édité chaque année depuis 1996 par les Editions Dalloz jusqu'en 2001 et depuis par les Editions du Moniteur. De manière structurelle, la publication n’est pas un objectif d’AESOP, d’ailleurs même le colloque annuel n’est pas diffusé sous forme d’actes. Toutefois, la nouvelle Revue internationale d’urbanisme (puisque le premier numéro est prévu pour janvier 2013) publiée par l’APERAU93 bénéficie du soutien d’AESOP. L’association décerne également trois prix dont le Best Published Paper Prize récompensant l’article de l’année et le Best Congress Paper Prize attribué à la meilleure communication. Enfin, le Lincoln Institute édite plusieurs ouvrages par an, mais aussi des working papers proposés par des chercheurs rattachés à l’Institut et évidemment la revue trimestrielle Land Lines. La politique de diffusion du Lincoln favorise la diffusion via internet : quelques uns des ouvrages publiés par le Lincoln sont accessibles en téléchargement, ainsi que l’intégralité des working papers et la revue Land Lines. D’ailleurs, l’ensemble des résultats des projets de recherche, des articles et des rapports produits, sont référencés et d’abord publiés sur le site du Lincoln Institute (www.lincolninst.edu/). Assurer la coordination d’un ouvrage ou l’édition d’une revue nécessite un investissement considérable en temps. Même le GRIDAUH ne peut assurer une diffusion régulière de ses Cahiers et s’appuie sur un éditeur professionnel pour publier chaque année le DAUH. Les difficultés de coordination rencontrées par le REHAL pour valoriser les travaux des jeunes chercheurs l’illustrent. Le GIS Socio-Economie de l’Habitat (ancien nom du REHAL), malgré des membres nombreux et compétents, n’a pu produire davantage.

                                                                                                                         93 Association pour la Promotion de l'Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme.

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3.2. Le Réseau Recherche développé à l’adef

L’absence d’un réseau de recherche sur les questions foncières constitue un handicap pour le développement et la valorisation des travaux. Si l’adef, à travers ses colloques et ses ouvrages édités a accordé une place structurelle aux chercheurs, l’association s’est quelque peu éloignée des chercheurs, en raison de difficultés propres à la structure. Pourtant, l’attribution de plusieurs prix de thèse dans les années 2000 et l’aide à la diffusion de ces travaux (sous forme d’ouvrages) a illustré la volonté de l’adef d’accompagner la recherche sur le foncier, en participant à sa diffusion et à son essor. Depuis 2010, l’association cherche à initier les bases d’un réseau de recherche, en jouant un rôle d’animateur de la recherche française sur le foncier. Deux actions principales et cumulatives ont été menées. D’abord en créant un réseau de jeunes chercheurs, puis en se dotant d’un comité scientifique. 3.2.1. Le réseau Jeunes Chercheurs Le réseau des doctorants du foncier a été créé en 2011 suite au constat d’une dispersion des doctorants travaillant sur les questions foncières ainsi qu’un manque de visibilité de leurs travaux. Rassemblant initialement une quinzaine de doctorants et post-doctorants, il compte actuellement plus d’une trentaine de doctorants et jeunes docteurs. Ces derniers sont issus de plusieurs disciplines : sociologie, géographie, aménagement/urbanisme, droit, économie et sciences de l’environnement ; qui travaillent essentiellement sur le territoire français, et aussi sur l’Inde, le Vietnam, l’Italie, la Suisse, l’Allemagne, le Sénégal ou Madagascar. Conçu initialement, pour permettre des échanges entre les doctorants travaillant sur les questions foncières, ce réseau permet aujourd’hui une circulation d’informations, une capitalisation d’expériences et une meilleure connaissance des milieux professionnels. Depuis le 17 juin 2011, date du premier séminaire doctorant, 3 trois autres se sont tenus (30 novembre 2011, 21 mars et 3 juillet 2012). Les séminaires se déroulent donc 3 à 4 fois par an et réunissent physiquement les doctorants du réseau. Les matinées sont consacrées d’une part au fonctionnement du réseau et à la discussion commune libre autour d’un thème (prédéfini à l’avance). L’après-midi donne lieu à deux interventions de chercheurs confirmés et/ou de professionnels/praticiens, souvent membres de l’adef, lesquelles sont suivies d’échanges avec les doctorants. Un blog www.adef.org/reseaudoctorants a par ailleurs été créé début 2012 : il fournit aux doctorants un espace d’échanges et de partage d’événements, de ressources bibliographiques, de comptes-rendus, etc. Par ailleurs, les jeunes chercheurs contribuent à la revue études foncières, par le biais des positions de thèse (cette rubrique a été inaugurée fin 2011, 5 jeunes chercheurs ont déjà exposé leurs travaux par ce biais), de recensions d’ouvrages ou bien de contributions sous forme d’article. En termes de valorisation, une Journée Jeunes Chercheurs est envisagée pour 2013. La formule privilégiée n’a pas été arrêtée, même si l’exemple de Training Schools, décrits par J. Dupont94, suscite l’intérêt des doctorants. Parmi les 28 jeunes chercheurs initiaux, 26 doctorants sont et 2 sont docteurs/post-doctorants (doctorants en 2011)95. Sur ces 28 jeunes chercheurs, les trois-quarts ont un rattachement disciplinaire Géographie-Urbanisme-Aménagement (sections 23 et 24 du CNU), 4 sont économistes, mais le réseau compte seulement 1 juriste, 1 sociologue et 1 environnementaliste. Les laboratoires d’appartenance sont eux plus variés : Paris (CNAM, EHESS ou laboratoires

                                                                                                                         94 Annexe 7. 95 Depuis la rédaction de ce point, plusieurs doctorants ont adhéré au réseau.

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universitaires) concentre 10 doctorants, suivi par Grenoble (5) et Bordeaux (3). Aix-Marseille, Tours, Rennes et Lausanne fournissent chacune 2 doctorants. Enfin, Besançon et Metz comptent 1 seul doctorant chacune. Deux étudiants sont en cotutelle entre une université française et une autre européenne (Politecnico di Milano et Université de Liège). En termes de financement des thèses, le réseau illustre bien la montée en puissance des financements de collectivités et CIFRE. Si les bourses ministérielles ou d’Etat (appelées aussi « contrat doctoral ») financent encore 8 thèses et les contrats émanant d’organismes de recherche (IRSTEA ou CNRS) 5 autres, les collectivités et les contrats CIFRE, totalisent 10 thèses. Bien que peu nombreuses (3 cas), les thèses autofinancées concernent encore quelques doctorants. Enfin, les sujets de thèse, développés par les doctorants du réseau sont majoritairement liés à l’étalement urbain et aux politiques publiques. L’action publique, les échelons d’intervention et la gouvernance sont des questions soulevées dans 20 des 28 thèses. Cinq abordent les questions de marchés fonciers (2 thèses en économie et 3 en Aménagement). La « financiarisation » est l’objet d’une seule thèse (sur le Brésil) et la question du développement durable totalement absente. 3.2.2. Le comité scientifique Parallèlement au réseau des doctorants, l’adef s’est dotée d’un Comité Scientifique en juillet 2010. Ce dernier rassemble des personnalités qualifiées sur les questions foncières, qu’ils soient chercheurs ou praticiens. 13 chercheurs et 5 praticiens composent le comité scientifique en 2012 (annexe 1). Il a principalement, sur cette période, tenu un rôle de conseil, en accompagnant cet état des lieux de la recherche sur le foncier. Chacun des membres a en effet joué un rôle actif dans la prospection et l’identification des thèmes de recherche, par le biais des entretiens approfondis conduits dans le cadre de ce travail. Le Comité Scientifique s’est réuni à deux reprises : en juillet 2010 et en mars 2012. Les réunions à venir, vraisemblablement plus régulières, doivent permettre d’affiner et de faire évoluer les pistes de recherches identifiées dans cet état des lieux, au fur et à mesure que les travaux des chercheurs avanceront. L’état des lieux marque le début de ce processus, qui vise à favoriser l’émergence de thèmes partagés entre chercheurs, financeurs et praticiens. Dans le cadre de la relance du prix de thèse, le comité scientifique sera ainsi certainement amené à tenir le rôle de jury. Décerné pour la 1re fois en 1999, le prix de thèse de l’adef a été délivré jusqu’en 2007, de manière sporadique : quatre lauréats ont en effet été primés96. Ce prix de thèse est né à la fois de la volonté d’encourager la valorisation et la diffusion des thèses soutenues sur le foncier et de développer la politique d’édition de l’adef. Le/la lauréat(e) s’engageait alors à réécrire sa thèse sous un format ouvrage (d’environ 200 pages) avec l’aide de l’adef, laquelle assurait également la publication et la diffusion de l’ouvrage. Lauréats et lauréates du Prix de thèse adef entre 1999 et 2007 (titre des ouvrages publiés)

2007

VISSE-CAUSSE Séverine Droit L’appellation d’origine

FAUSTO BRITO Adriana Urbanisme Les marchés des vides urbains

2000 BECKERICH Christophe Economie Biens publics et valeurs immobilières

1999 CAVAILLE Fabienne Géographie L’expérience de l’expropriation

                                                                                                                         96 Les quatre lauréats de ce prix sont aujourd’hui maîtres de conférences.

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La récente mise en place du réseau de doctorants permet aujourd’hui d’envisager une relance de ce prix de thèse, dans la mesure où le vivier d’auteurs est désormais identifié et que plusieurs thèses sont susceptibles d’être éligibles. Si d’autres prix de thèse sont actuellement décernés, nous pensons notamment au prix Aydalot97 (ASRDLF) et au prix de thèse sur la ville (APERAU / CERTU / FNAU/ PUCA), les thèses portant sur les questions foncières y sont marginales98. Parmi les thèses primées par le prix Aydalot, signalons celle de Stéphanie Peres (en économie), récompensée en 2008 et celle de Jean-Marie Halleux (en géographie économique), nominée en 2006. Parmi les dernières thèses primées par le prix de thèse sur la ville figurent deux docteurs de l’EHESS : Athina Vitopoulou (en histoire), récompensée par le 1er prix en 2010, et celle de Claude Napoléone (en économie) qui a obtenu en 2006 le 2e prix aequo. 3.2.3. Quelles suites donner à ce réseau ? Joseph Comby et Vincent Renard (1983) rappelaient qu’« une bonne utilisation des potentialités des équipes de recherche qui, à des titres divers, travaillent sur le foncier, suppose que quatre conditions soient remplies : l’organisation du questionnement, le désenclavement des équipes, la diffusion des études et l’exploitation des résultats ». Bien que ce travail ne prétende pas à l’exhaustivité, la 2nde partie de cet état de lieux a tenté de structurer l’organisation du questionnement en rappelant que les recherches théoriques apparaissent une condition nécessaire voire indispensable au renouveau de la recherche sur le foncier (cf. supra). Ensuite, la constitution d’un réseau de recherche dédié aux questions foncières participe à ce désenclavement des équipes et peut contribuer à la diffusion des études et des travaux. La mise en place d’un réseau apparaît donc à la fois comme une condition et un moyen pour développer les travaux. La pérennité de ce réseau est de nature à dynamiser les chercheurs et à réenclencher une appétence des chercheurs mais aussi des commanditaires, en devenant un intermédiaire entre producteurs et financeurs de la recherche. Car si les structures qui fonctionnent contribuent à la production de travaux, elles sont avant tout de formidables vecteurs de projets financés à destination de chercheurs. L’exploitation des résultats, pour reprendre le terme usité par J. Comby et V. Renard (1983), ne doit pas être négligée. Car il ne suffit pas que la production de recherche se développe, l’enjeu consiste également à la faire connaître. Cette valorisation active des travaux peut prendre plusieurs voies : colloque annuel, publications d’ouvrages, soumission d’articles dans les revues.

                                                                                                                         97 Le prix de thèse en Science Régionale de langue française, dit « Philippe Aydalot », est décerné depuis 2000 par l’ASRDLF (Association de Science Régionale De Langue Française). Il a pour but de récompenser la meilleure thèse francophone en science régionale, en s’adressant aux jeunes docteurs en économie, géographie, aménagement, gestion, sociologie ou politiques publiques. Chaque thèse est examinée par deux évaluateurs non membres des jurys de soutenance, choisis par le (la) Président(e) sur une liste composée de collègues confirmés. Le/la lauréat(e) s’engage à venir présenter ses recherches lors du colloque de l’ASRDLF et à soumettre un article à la RERU dans l’année. Une dizaine de thèses sont soumises chaque année au Prix Aydalot. Le prix de thèse sur la ville, est quant à lui décerné conjointement par l’APERAU, le CERTU (Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques), la FNAU (Fédération nationale des agences d'urbanisme) et le PUCA. Il existe depuis 2006 et a pour objet de récompenser les meilleures thèses de doctorat soutenues en France ou à l’étranger en 2011, rédigées en langue française et traitant de la ville. Le but est également d’encourager les chercheurs à engager des doctorats sur la ville dans ses différentes dimensions et d’inciter les enseignants et les centres de recherche à les soutenir dans cette orientation. Le Prix de thèse sur la ville est décerné par un jury dont les membres sont choisis chaque année par le comité d'organisation du Prix, composé des représentants des institutions partenaires du Prix. Le Grand prix est honoré d’une récompense de 3 000 €. Les prix spéciaux sont honorés chacun d’une récompense de 1 000 €. Le financement de ces récompenses est assuré par le Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, via le CERTU et le PUCA. En 2011 et 2012, une soixantaine de thèses ont été soumises au prix de thèse sur la ville. 98 L’annexe 6 présente la liste des lauréat(e)s de ces deux prix.

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Cette connexion très forte déjà existante entre production et diffusion via études foncières, peut également être déclinée au travers des séminaires de recherche ou de séminaires praticiens/chercheurs. Les rencontres régulières contribuent à rendre visible et attractive la production mais aussi ceux et celles qui la font vivre. Enfin, la capitalisation des connaissances est un point à ne pas négliger dans la mesure où la pluridisciplinarité induite par le foncier, implique une forte déperdition physique des travaux (i.e. : une dispersion spatiale des travaux sur le sujet). Née de cette idée, la « bibliothèque idéale du foncier » proposée dans ce travail (cf. supra) est succincte mais elle incite à poursuivre dans cette voie par la création d’un centre de ressources documentaires sur le foncier… en s’inspirant du Lincoln Institute dont la politique de diffusion allie à la fois des publications en format papier (ouvrages) et celles dématérialisées et en accès libre depuis son site internet. Certains ouvrages, rapports, mais aussi des cours, séminaires et conférences peuvent être consultés via le web. Le site du Lincoln propose enfin des liens vers un grand nombre de sites, incluant des bases de données en accès libre, sans égal en France. L’une des missions de l’Institut étant d’être une ressource pour les chercheurs, les praticiens, les décideurs et les médias, plusieurs bases de données sont en accès libre et gratuit. Principalement axées sur les Etats-Unis, ces dernières présentent des séries de données sur les prix des terres, les niveaux des loyers ou l’évolution de la fiscalité. De quoi laisser rêveurs les chercheurs français, y compris en 2012…

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3.3. Favoriser l’accès aux données foncières Essentiel pour les économistes, l’accès aux données n’en reste pas moins indispensable pour les autres chercheurs en sciences humaines et sociales. L’observation est actuellement dans un contexte propice à son développement, rappellent Yann Gérard et Guillaume Schmitt (2012), pour deux raisons principales. La première est d’ordre technologique. Les avancées récentes : dématérialisation de données de référence, diffusion via des sites Internet dédiés ou encore démocratisation d’outils de représentation de l’espace (webSIG, cartographie en ligne, etc.) facilitent la diffusion des données. La seconde, essentielle tant elle traduit des évolutions idéologiques profondes, est d’ordre juridique. Très concrètement, la position de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui a fait de l’égalité des armes un principe majeur du droit de propriété (Arrêt Yvon, 2003), joue un rôle fondamental dans la pression qui s’exerce aujourd’hui sur les pouvoirs publics, en matière de diffusion des données de marché. L’open data est donc en marche… reste que les chercheurs travaillant sur les questions foncières tardent à en mesurer les conséquences (Boulay et al., 2012). L’observation et la connaissance du foncier constitue un enjeu essentiel sous au moins trois angles : - D’abord, pour l’action foncière, notamment publique. La connaissance est l’une des premières conditions de la gestion territoriale, de l’élaboration de stratégies et de l’action foncière. Elle est également indispensable dans les études de faisabilité des opérations d’aménagement et dans les démarches de repérage du potentiel foncier et du niveau de mutabilité des parcelles. Enfin, la valorisation du patrimoine, de plus en plus importante, nécessite des outils de mesure. En permettant la transparence des prix notamment, l’observation a aussi pour vocation de contribuer à la (l’auto) régulation des prix en organisant une certaine égalité des individus voire de limiter les phénomènes spéculatifs. - Ensuite, pour l’évaluation des politiques publiques et la prospective. La connaissance permet, par exemple, à une collectivité de se doter de moyens d’intervention en rapport avec les marchés de son territoire. La fonction de veille est essentielle pour repérer, suffisamment en amont, grâce aux transactions, les secteurs où des changements non souhaités sont en cours (ventes avec modification de la destination des biens). Une connaissance précise et exhaustive devient par ailleurs impérative face à des phénomènes diffus difficilement réparables. - Enfin, pour la recherche. Disposer d’informations fiables est effectivement important pour questionner la durabilité, la valeur (et ainsi reposer la question de la rente foncière et de l’articulation entre le foncier et l’immobilier) ou les conflits territoriaux. En effet, les dynamiques foncières sont des révélateurs des évolutions des territoires (Duvillard, 2008 ; Schmitt, 2009). Si le manque de données est un facteur qui explique l’insuffisance de la recherche sur les questions foncières, aujourd’hui, en France, il semble néanmoins que celles-ci connaissent un regain d’intérêt dans des travaux récents, qui s’appuient autant qu’ils mettent en avant l’importance des données issues de l’observation. Travaux insuffisamment nombreux toutefois pour répondre aux questions soulevées. Les progrès concernant les stocks ont été remarquables ces dernières années avec la mise en place de MAJIC 3 (données cadastrales), même si le traitement reste encore largement affaire d’informaticiens. Toutefois, le statu quo pour l’accès aux données des marchés fonciers pose encore nombre de difficultés. Favoriser l’accès à ce type de données est une des conditions pour que se développent des travaux, mais ce dernier doit être réalisé sous certaines conditions : - les données doivent être fiables, sans quoi, elles hypothèquent les résultats obtenus. - elles doivent être disponibles sur des séries longues ; un intervalle de 30 ans serait idéal pour confirmer des tendances et offrir la possibilité de comparaisons. - elles doivent être mises à disposition gratuitement pour les chercheurs. L’achat des données par les laboratoires de recherche est possible quand leur volume reste limité, mais devient difficile si les chercheurs travaillent à l’échelle départementale voire régionale. - ces données doivent être les plus complètes possibles. Le prix, le type de bien et la localisation sont trois données essentielles, mais qui ne suffisent pas. Un des enjeux repose sur l’obtention de données relatives aux acteurs du marché : profession ou code APE pour les personnes morales, âge ou date de naissance, statut matrimonial, lieu de résidence et de naissance entre autres. Ces données sont

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indispensables à une meilleure compréhension des comportements des individus (via leurs caractéristiques sociodémographiques), ainsi qu’à une appréhension plus fine des phénomènes tels que la ségrégation, la formation des prix ou la segmentation des marchés. Comme le résume Claude Napoléone (2009) « les enjeux de l’observation ne se focalisent donc pas sur la question de la légitimité de l’observation elle-même, mais plutôt de savoir quand l’administration en charge de cette observation va consentir à la diffuser efficacement auprès d’institutions œuvrant pour l’action publique ou son évaluation ». A l’exception de quelques chercheurs, qui faute de données disponibles, fiables ou accessibles, ont constitué leur propre base de données de référence99, la grande majorité des recherches doit être conduite sous l’égide de données fournies par la puissance publique, en l’occurrence soit le MEDDTL ou le Ministère des Finances Publiques. « Il serait illusoire d’attendre des travaux de recherche et des études de type universitaire, la création des données nouvelles et encore moins l’entretien des données existantes », précisait J. Comby en conclusion de l’Etat des lieux de 1988. Ce sont là des tâches que seules l’administration est en mesure de mener à bien. Cette centralisation est en effet apte à permettre une harmonisation à l’échelle nationale et une transparence sur les données utilisées. Dans ce cadre, la nouvelle base de données « Demande de Valeurs Foncières » constitue une avancée. DVF est issue du croisement du fichier des données de la Conservation des Hypothèques et de celui des données cadastrales, cette base de données recense l’ensemble des transactions foncières et immobilières survenues au cours des cinq dernières années. A la fois exhaustive, anonymisée et gratuite, cette donnée présente aussi l’avantage d’être homogénéisée à l’échelle nationale. Elle possède également encore quelques limites pour les chercheurs notamment. Présentée sous un format .csv, elle n’est pour l’instant accessible qu’aux informaticiens et surtout ne comporte pas d’informations relatives aux vendeurs ou acquéreurs du bien. Toutefois, le principal obstacle à leur utilisation dans des travaux de recherche est la non-éligibilité des chercheurs à la donnée DVF. Un appel à signatures, relayé dans études foncières (n°158, juillet-août 2012), convie les chercheurs à exprimer leur volonté d’accéder à cette donnée, en interpellant la DGFIP. En guise de conclusion, la constitution de réseau de recherche est une condition sine qua non pour faire se rencontrer les chercheurs, faire circuler des idées et diffuser les travaux. A partir de quelques exemples de réseaux, plusieurs ingrédients paraissent indispensables au bon fonctionnement et à la pérennité d’un futur réseau de recherche sur le foncier. L’exemple du réseau des doctorants du foncier illustre bien à la fois que le thème n’est pas abandonné et que de jeunes chercheurs s’y investissent. Au bout d’une année d’existence, plusieurs projets, dont celui d’un ouvrage collectif, commencent à émerger. Pour qu’il perdure, un réseau de recherche nécessite d’abord une structure institutionnalisée, s’appuyant sur une équipe permanente. L’intégration de jeunes chercheurs, la recherche de financement pour la valorisation et la diffusion de travaux, les liens avec les praticiens et l’organisation d’un événement annuel ne peuvent être pleinement assurés par des chercheurs bénévoles, aussi motivés soient-ils. Une structure adossée aux chercheurs qui contribuerait à la mise en réseau des chercheurs, à la diffusion des travaux, et à la connexion avec des professionnels, est le seul moyen – selon nous – d’apporter de manière pérenne une visibilité de la recherche, autant auprès des chercheurs que des financeurs.

                                                                                                                         99 On citera néanmoins le cas particulier, et restreint à l’immobilier d’entreprises, des bases de données créées par Ingrid Nappi-Choulet.

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Conclusion Quel bilan peut-on dresser de 25 ans de travaux sur le foncier ? Au-delà de cette question, c’est l’hypothèse d’un désintérêt pour les questions foncières qui a motivé le présent travail. Il apparaît que celle-ci doit être relativisée. D’abord, des chercheurs restent investis sur la question et ensuite, l’économie, discipline historique du foncier, continue bon an mal an à alimenter les réflexions, tandis que les approches relevant de « l’aménagement / urbanisme » montent en puissance. Mais surtout, la perte de dynamisme constatée est moins liée à l’absence de chercheurs qu’au caractère secondaire de ce type de recherches dans les carrières universitaires. Ceci explique certainement que si les travaux de qualité existent, il s’agit pour l’essentiel de recherche appliquée : on ne constate pas d’avancées théoriques majeures. Cette analyse est renforcée par le recours systématique et nécessaire aux auteurs anglo-saxons quand les auteurs développent leur cadre conceptuel d’analyse. En découle un certain paradoxe : comment expliquer qu’alors que les chercheurs s’attachent à des démarches assez appliquées – au détriment d’approches théoriques - les praticiens se plaignent de l’éloignement des questionnements de recherche ? N’est-ce pas que le détour par la recherche théorique est nécessaire pour identifier et répondre aux questions des praticiens, contrairement à ce que l’intuition ou le bon sens nous dicte parfois ? La question du dynamisme de la recherche sur le foncier n’est pas nouvelle. Elle a déjà été posée, à peu près dans les mêmes termes qu’aujourd’hui, il y a plus de 25 ans et a fait l’objet d’un ouvrage, publié en 1988. Sa réémergence ne doit pas étonner : la période actuelle, et son instabilité économique notamment – croissance exceptionnelle des prix -, est propice à une remise en cause des cadres de pensée en matière de questions foncières. Les pistes de recherche sont donc nombreuses et stimulantes. Nous en proposons quelques-unes qui nous ont paru porteuses, dans la mesure où elles permettent de faire le lien entre des enjeux théoriques et des questions pratiques. Tout d’abord, le champ de la valeur constitue un axe de recherche à réinvestir. De la formation des prix à l’évaluation fiscale en passant par la monétarisation de chaque parcelle du territoire et la financiarisation, les enjeux sont de taille. Il en va de la capacité d’intervention tant d’opérateurs publics et privés que de la collectivité dans son ensemble. Si la recherche d’un modèle prédictif de l’évolution des prix relève, nous semble-t-il, d’un autre temps, il importe malgré tout de poursuivre l’analyse de la valeur et de la valorisation foncière. Notamment parce que celle-ci investit à présent de nouveaux territoires, jusqu’à présent quasiment « hors marchés » (espaces de nature notamment). Comprendre les marchés ne saurait se faire sans une interrogation sur les acteurs qui en sont à l’origine. Plus largement, la recherche doit porter sur l’analyse des systèmes d’acteurs. Il s’agit d’abord de relancer l’analyse fine des logiques des propriétaires, pour mettre fin aux « mythes fonciers » : rétention, spéculation, rareté, etc. et d’apporter des réponses claires quant à l’utilisation des gigantesques transferts de fond que les mutations occasionnent par exemple. Ensuite, ce sont les logiques des opérateurs fonciers, à travers des analyses de leurs modes de fonctionnement internes, qui doivent être investies, pour arrêter de considérer ces organismes de façon simpliste, comme des structures monolithiques aux actions mécaniques. Enfin, s’interroger sur les systèmes d’acteurs du foncier conduit à la question de la gouvernance. Si les villes sont surinvesties, la recherche aurait tout intérêt à renouveler son regard sur les espaces ruraux. Ces derniers apparaissent en effet propices à l’analyse des emboîtements d’échelle de décision et du rôle des élus (utilisation et effet du zonage notamment). La question du « pouvoir foncier » s’y pose directement et réinterroge le caractère particulier de la propriété. Face à l’ampleur des enjeux, comment faire en sorte que la recherche se saisisse pleinement du foncier, en synergie avec les praticiens ? D’abord, il faut mettre de côté ce qui relève des difficultés de toute approche relevant des sciences humaines et sociales : problèmes de définition ou d’interdisciplinarité. Il ne s’agit pas de les nier, mais d’admettre qu’elles n’expliquent pas fondamentalement l’attrait ou le désintérêt pour une question. Autre enjeu régulièrement cité : l’accès aux données. C’est un problème réel, d’autant plus frustrant que certains pays (Danemark, Etats-Unis entre autres) ne connaissent pas ces difficultés qui paraissent très endémique. La dynamique de l’opendata et les récentes évolutions en matière de données

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cadastrales et de marchés (données Notaires et Finances Publiques) constituent de réelles avancées. Il importe de s’assurer de leur pérennité et de leur accessibilité pour les chercheurs. Ces freins ne font selon nous pas le poids face à un problème plus structurel : celui d’une reconnaissance scientifique qui se fait sur un mode cumulatif. Autrement dit, il est très difficile d’imposer un sujet lorsque celui-ci ne fait plus partie de ceux qui sont porteurs en matière de reconnaissance scientifique. On comprend le dilemme de certains chercheurs qui renoncent à poursuivre ou à se spécialiser dans des questions foncières trop peu valorisées. C’est d’autant plus le cas que la discipline phare qui portait ces questions, la science économique, a renoncé à véritablement valoriser ces questions face aux difficultés épistémologiques qu’elles posaient (en raison de la spécificité du bien « foncier »). Dynamiser la recherche sur le foncier passe donc, selon nous, par la création de réseaux consacrés à sa valorisation. C’est ainsi que sera obtenu l’effet cumulatif recherché. Car de tels réseaux permettent à la fois de rompre avec l’isolement, de développer des projets communs mettant en avant le foncier, mais aussi la publication dans des revues et l’organisation d’événements dédiés, source de reconnaissance. Enfin, dernier enjeu, ce type de réseaux doit pouvoir associer des praticiens, à même de peser dans les orientations des programmes de recherche financés. Tout l’enjeu réside dès lors dans le choix d’une structure adaptée qui porte le réseau. L’analyse des réseaux existants révèle que si la structure idéale n’existe pas, il importe que cette dernière allie une certaine institutionnalisation à la pérennité pour porter une dynamique de qualité dans le temps.

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Table des matières Introduction .......................................................................................................................................... 5 2. « Exorciser le foncier » ................................................................................................................... 7 1.1. Un (faux-) problème de définition ? .............................................................................................. 7 1.2. Une recherche éclatée et « marginalisée » ? ................................................................................. 9 1.2.1. Le foncier abandonné par les économistes ? ............................................................................... 9 1.2.2. Les autres sciences sociales : un investissement en demi-teinte ................................................ 11 1.3. L’absence de lieux d’échanges et d’espaces de valorisation ...................................................... 14 1.4. Praticiens et chercheurs : comment « traduire » une problématique ? ..................................... 15 2. « Fondements revisités et questions en suspens » ........................................................................ 18 2.1. L’évolution à travers la revue études foncières et les travaux de thèse ..................................... 21 2.1.1. études foncières : du foncier à l’urbanisme ............................................................................... 21 2.1.2. Les thèses soutenues depuis 2000 : du foncier aux politiques publiques ................................. 25 2.2. Trois entrées de recherche éclairées par les questions foncières ............................................... 30 2.2.1. Pour une critique plus pertinente de l’étalement urbain ........................................................... 31 2.2.2. De patrimoine à actif financier : quand la finance s’empare du foncier ................................... 35 2.2.3. Les milieux naturels face aux logiques de marchés ................................................................... 40 2.3. Trois champs de recherche fondamentaux ................................................................................. 46 2.3.1. La rente : une résurgence à la faveur des phénomènes rentiers ................................................ 47 2.3.2. La propriété : un droit fondamental ou inadapté aux enjeux contemporains ? ......................... 51 2.3.3. La fiscalité foncière : un levier d’action largement méconnu ................................................... 57 2.4. Une bibliothèque « idéale » du foncier ........................................................................................ 59 2.5. Des pistes pour la recherche ........................................................................................................ 66 3. Pour un réseau de recherche dédié aux questions foncières ...................................................... 68 3.1. Les ingrédients des réseaux de recherche ................................................................................... 68 3.1.1. Quelles ressources pour exister et pérenniser ? ........................................................................ 68 3.1.2. Faut-il produire, coordonner ou financer ? ............................................................................... 69 3.1.3. Faut-il un événement annuel ? ................................................................................................... 69 3.1.4. Quelle place pour les jeunes chercheurs ? ................................................................................ 70 3.1.5. Quelle stratégie de publication et de diffusion ? ....................................................................... 70 3.2. Le Réseau Recherche développé à l’adef .................................................................................... 72 3.2.1. Le réseau Jeunes Chercheurs ..................................................................................................... 72 3.2.2. Le comité scientifique ................................................................................................................. 73 3.2.3. Quelles suites donner à ce réseau ? ........................................................................................... 74 3.3. Favoriser l’accès aux données foncières ..................................................................................... 76 Conclusion ........................................................................................................................................... 78 Références bibliographiques ............................................................................................................. 80 Table des matières .............................................................................................................................. 88 Liste des annexes ................................................................................................................................ 89 Résumé .............................................................................................................................................. 107

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Listes des annexes Annexe 1 - Composition du Comité Scientifique de l’adef en 2012 Annexe 2 - Guide d’entretien des membres du Comité Scientifique Annexe 3 - Liste des thèses soutenues entre 2000 et 2012 Annexe 4 - Liste des thèses en préparation depuis 2005 Annexe 5 - Liste des doctorants membres du Réseau adef Annexe 6 - Liste des lauréats des prix de thèse Aydalot et prix de thèse sur la ville Annexe 7 - Fonctionnement et caractéristiques de quelques réseaux de recherche

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Annexe 1 - Composition du Comité Scientifique de l’adef en 2012 Natacha Aveline, Directeur de recherche en Economie au CNRS Arnaud Bouteille, Gérant Directeur général de FIDERIM Jean-Philippe Brouant, Maître de Conférences en Droit Public, Paris 1

Jean-Charles Castel, Chef de groupe Observation urbaine - CERTU Eric Charmes, Chargé de recherche en Urbanisme à l’Ecole nationale des travaux publics de l’État Pierre Clergeot, Maître de Conférences à l’ESGT et président de FIEF Joseph Comby, Consultant Sylvie Duvillard, Maître de Conférences en Géographie - Université de Grenoble Ghislain Geniaux, Chargé de recherche en Economie - INRA Avignon Gilles Godfrin, Maître de Conférences en Droit Public - CNAM Paris Marc Kaszynski, Directeur de l’Etablissement Public Foncier du Nord Pas de Calais Sylvie Landriève, Co-directrice du Forum Vies mobiles - SNCF Benoît Lefevre, Chercheur en Economie - IDDRI Claude Napoléone, Ingénieur de recherche en Economie - INRA Avignon Vincent Renard, Conseiller auprès de la direction - Programme Fabrique urbaine à l’Iddri Roelof Verhage, Maître de Conférences en Urbanisme - Lyon 2 Nadine Vivier, Professeur en Histoire contemporaine - Le Mans Charlotte Vorms, Maître de conférences en Histoire contemporaine - Paris 1

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Annexe 2 - Guide d’entretien des membres du Comité Scientifique D’où et comment est venu votre intérêt pour les questions foncières ? De quelle discipline venez-vous ? Quelle était l’entrée privilégiée ? Quelles disciplines sont plus vous les plus marquantes quand on aborde les questions foncières ? Avez-vous ressenti une évolution des thématiques, depuis les années 1980 ? Quel parallèle avec l’évolution à l’étranger ? Comment l’expliquer ? Quelles revues sont selon vous les plus marquantes ? Quels travaux ont été les plus marquants ces dix dernières années ? Quelles thèses ont été les plus marquantes ? Quelles équipes/chercheurs vous semblent les plus dynamiques dans les différentes disciplines ? Y a-t-il eu une diffusion des réflexions à la sphère appliquée ? En définitive, comment définiriez-vous simplement le mot « foncier » ?

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Annexe 3 - Liste des thèses soutenues entre 2000 et 2012 Les thèses sont classées par ordre chronologique de soutenance. Les informations sont classées de la manière suivante : titre de la thèse - doctorant(e), date de soutenance, discipline, directeur(s) de thèse et établissement de soutenance Formes urbaines et production de l'espace : l'exemple de Thessalonique (Grèce). Essai de géographie sociale urbaine - Molyvdis Christos 2000 Géographie Petros Petsiméris Caen Biens publics et valorisation immobilière - Beckerich Christophe 2000 Economie Alain Bonnafous Lyon 2 Stratégies des acteurs locaux et mutations foncières dans la montagne auvergnate : contribution aux objectifs de gestion de l'espace – Guéringer Alain 2000 Géographie Jean Paul Diry Clermont-Ferrand Analyse financière des actifs non reproductibles : application aux marchés immobiliers - Prosper-Stroppa Annabel 2001 Economie Philippe Saucier Orléans Vers une territorialisation des politiques de l'habitat ? : le cas de l'agglomération toulousaine - Lotton Taulet Hélène 2001 Géographie Jean Paul Laborie Toulouse Patrimoine foncier pollué et urbanisme - Durousseau Sylvie 2001 Droit Bernard Drobenko Limoges De l'appropriation foncière à la "ville-territoire" : les processus de territorialisation par la propriété foncière dans deux petites villes des montagnes méditerranéennes (Nyons - Sud-Drôme et Aubenas - Sud-Ardèche) - Sylvie Duvillard 2001 Géographie Hervé Gumuchian Grenoble 1 La valorisation du patrimoine immobilier public : l'exemple du domaine hospitalier - Fucher Jean 2002 Economie Michèle Fardeau Paris 1 Les "gated communities" aux Etats-Unis : morceaux de villes ou territoires à part entière ? - Le Goix Renaud 2002 Géographie Thérèse Saint-Julien Paris Panthéon-Sorbonne Le marché immobilier à usage résidentiel dans les aires urbaines de Nice et de Montpellier : analyse spatiale et modélisation - Olivier Florence 2002 Géographie Christine Voiron-Canicio Nice Politique foncière et politique des structures des exploitations agricoles en droit hongrois – Nagy András 2002 Droit Jacques David Poitiers Le management immobilier – Malherbe Stéphanie 2002 Sciences de gestion Marie Laure Moreau Lyon Économie et environnement : une analyse régulationniste de la rente environnementale – Rousseau Sandrine

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2002 Economie François Stankiewicz et Bertrand Zuindeau Lille La fiscalité de la location des immeubles à usage d'habitation - Mayaud Marie-Lyne 2003 Droit Pierre Beltrame Aix-Marseille Dé-collectivisation et reconstruction de l'agriculture albanaise (1989-2002), une transition spécifique ? - Civici Adrian 2003 Economie-gestion Pierre Campagne Montpellier Le droit à la nature en France, entre protection et gestion : mythe ou réalité - Plavinet Jean-Pierre 2003 Droit Privé Jehan de Malafosse Paris 2 Existe-t-il un fonds agricole ? - Campels Christian 2003 Droit Drivé Jean Maury Montpellier La rentabilité de long terme des terres agricoles, de 1950 à 2000 : analyse économique et financière - Sousa Manuela de 2004 Sciences de Gestion Georges Gallais-Hamonno Orléans Le droit de propriété à l'épreuve de la "financiarisation de l'immobilier" - Chambaud Véronique 2004 Droit Privé Philippe Dubois et Bulle Lacourte Paris 10 Les obligations foncières - Galland Maxime 2004 Droit privé Alain Couret Paris 1 Le domaine foncier des communes de 1789 au début de la Troisième République : de la communauté rurale à la collectivité publique - Babouin Jean-François 2004 Histoire du droit Michel Pertué Orléans Prix fonciers et immobiliers, et localisation des ménages au sein d'une agglomération urbaine - Napoléone Claude 2005 Economie Hubert Jayet EHESS Droits fonciers et protection de l'environnement : perspectives de résolution du conflit - Thomas Isabelle 2005 Droit Marguerite Boutelet Dijon Capitalisation immobilière des gains d'accessibilité : étude de cas sur l'agglomération lyonnaise – Deymier Ghislaine 2005 Economie Yves Crozet Lyon 2 La circulation des biens-fonds dans la région de Vernon (1750-1830) : le patrimoine des familles entre logiques du marché et contraintes du cycle de vie - Boudjaaba Fabrice 2005 Histoire Jean-Pierre Bardet Paris 4 La fiscalité optimale du capital - Arefiev Nikolay 2006 Economie Antoine d'Autume Paris 1 Société et structure foncière dans le sud du Jura (1750-1830) - Vendryes Arnaud 2006 Histoire Jean-François Solnon Besançon Marché du logement et division sociale de l'espace. L'exemple des îles du Ponant - Buhot Clotilde 2006 Géographie Louis Brigand Brest

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Une reformulation informationnelle de l'indice de ventes répétées : applications et conséquences pour la mesure du prix de marché de l'immobilier - Simon Arnaud 2006 Sciences de Gestion Laurent Batsch Paris Dauphine La représentation dans la production et l'application du droit : études de cas dans le droit de propriété foncière au Canada/Québec, en France et au Sénégal - Plançon Caroline 2006 Droit Alain Rochegude Paris 1 Le bornage au XIXe siècle : contribution historique à l'étude du droit de propriété - Garlopeau Ambroise 2007 Droit Christine Mengès-Le Pape Poitiers Méthode des prix hédoniques et évaluation des actifs environnementaux : application au cas du littoral - Travers Muriel 2007 Economie Jean Boncoeur Brest Évaluation économique d'une infrastructure de transport en milieu urbain : le cas du tramway T2 Val de Seine - Boucq Élise 2008 Economie Hubert Jayet Lille Les attributions et la responsabilité du conservateur de la propriété foncière depuis 1913 : Une construction historique au cœur d'une convergence normative entre droit musulman et droit romano-germanique - Benachour Berraho 2008 Droit François-Paul Blanc Perpignan Diversification des activités et des privatisations des entreprises de chemin de fer : enseignements des exemples japonais - Doumas Emmanuel 2008 Economie André de Palma Paris Est Le système de financement immobilier en France dans le nouveau concept d'intermédiation financière - Thiam Ibrahima 2008 Economie Alain de Tolédo Paris 8 Les agents immobiliers : place et rôle des intermédiaires sur le marché du logement dans l'agglomération lyonnaise (1990-2006) - Bonneval Loïc 2008 Sociologie Yves Grafmeyer Lyon 2 Valeurs et usages de l'espace : approches méthodologiques des dynamiques foncières dans la région Nord-Pas-de-Calais - Schmitt Guillaume 2009 Géographie Claude Kergomard et Marc Kaszynski Lille La mobilité résidentielle des séniors sur la façade atlantique de l'Europe - Bésingrand Didier 2009 Géographie Jean Soumagne Angers Analyse des effets distributifs de différentes politiques de transport - Bureau Benjamin 2009 Economie et Finance Glachant Mathieu Ecole des Mines La fragilisation de la propriété immobilière - Forestier Isabelle 2009 Droit Privé Pierre Sanz de Alba Toulon La recherche d'une protection efficace de l'acquéreur immobilier par le législateur - Akoda Yaovi 2009 Droit Yves Strickler Strasbourg Contribution à la théorie des servitudes : une approche objective du service foncier - Meiller Éric 2009 Droit Privé Frédéric Zenati-Castaing Lyon 3

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Construire les campagnes méditerranéennes : usages, aménagement et valorisations du foncier agricole périurbain en Provence et en Toscane (1950-2010) - Perrin Coline 2009 Géographie / Aménagement Claudine Durbiano et Giancarlo Paba Aix-Marseille Agriculture, territoire et développement durable : Analyse systémique d'une agriculture littorale sous pression touristique : L'exemple de la Balagne en Corse – Tafani Caroline 2010 Géographie Marie-Antoinette Maupertuis Corte Analyse économique des effets de la planification urbaine sur les prix immobiliers et fonciers en zone littorale : le cas du Bassin d'Arcachon - Monique Dantas 2010 Economie Patrick Point Bordeaux Impôts fonciers locaux et stratégies de développement territorial : le cas du foncier bâti communal en France - Mingou Christian Nala 2011 Aménagement/Urbanisme Sonia Guelton Créteil Réguler l’accès à la terre, la réinvention locale du corporatisme agricole - Morel Thareau Bertille 2011 Sociologie Jean-Claude Billaud Paris Ouest Les dynamiques du foncier à bâtir comme marqueurs du devenir des territoires de Provence intérieure, littorale et préalpine. Éléments de prospective spatiale pour l'action territoriale - Casanova Laure 2011 Géographie Loïc Grasland et Cécile Helle Avignon La pierre de discorde. Stratégies immobilières familiales dans la France contemporaine – Gollac Sybille 2011 Sociologie Florence Weber EHESS Le prix de la ville. Le marché immobilier à usage résidentiel dans l’aire urbaine de Marseille Aix-en-Provence (1990-2010) - Boulay Guilhem 2011 Géographie Bernard Morel Aix Marseille 1 L'obligation d'occupation du logement en droit français - Allati Malika 2012 Droit Daniel Tomasin Toulouse 1 - Capitole

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Annexe 4 - Liste des thèses en préparation depuis 2005 Les informations sont classées de la manière suivante : titre (provisoire) de la thèse - doctorant(e), date d'inscription en thèse, discipline de rattachement, directeur(s) de thèse et établissement de soutenance La maîtrise du foncier comme outil de gestion intégrée des territoires bretons - Josselin Dupont 09/11/07 Géographie Guy Baudelle Rennes 2 Le foncier comme objet d'échange entre la terre et la société : l'exemple d'Athènes - Eleni Panagouli 19/12/06 Géographie Augustin Berque EHESS La gestion du foncier et la protection de l'environnement dans le cadre d'une démarche de développement durable : le cas de la Martinique - Arlette Pujar (Constant) 15/10/06 Droit Public Antoine Delblond, Emmanuel Jos Antilles-Guyane Ressources territoriales et dynamiques de changement : les nouvelles valeurs du foncier dans les espaces ruraux - Catherine Herrera 01/09/07 Géographie Bernard Pecqueur Grenoble Les conflits fonciers sur les territoires insulaires francophone : entre pratiques coutumières et droit étatique - Romain Villard 02/12/11 Droit Comparé Gilda Nicolau Paris 1 Enjeux fonciers aux marges d'une agglomération urbaine : l'exemple de Clermont-Ferrand - Odile Mora (Bonière) 01/11/05 Géographie Jean-Paul Diry Clermont-Ferrand 2 Fonctionnement des marches fonciers et évolution des formes urbaines dans les communes bretonnes de moins de 10 000 habitants - Jean-Christophe Poussin 14/11/10 Aménagement/Urbanisme Guy Baudelle Rennes 2 Le rôle des arènes hybrides dans la construction des politiques de coopération. Le cas du comité technique 'foncier et développement' - Aurore Mansion 28/11/09 Anthropologie Pierre-Yves Le Meur EHESS Intelligence territoriale dans le cadre de l'aménagement durable du territoire : simulation de la mutabilité économique du foncier et indicateurs de performance urbaine - Thomas Brosset 01/10/09 Géographie Pierre Frankhauser Besançon Le rôle régulateur des collectivités locales dans le système d'aménagement urbain. La place du plan local d'urbanisme et son influence sur le fonctionnement des marches immobiliers et fonciers - Romain Maurice 01/12/10 Aménagement/Urbanisme Gilles Novarina Grenoble Analyse du marché financier, politiques d'aménagements et formations des prix du foncier agricole dans le périurbain en Île de France - Salifou Thiam 01/10/07 Sciences de Gestion Louis Job Versailles-St Quentin en Yvelines Circulation de la terre et inscriptions territoriales de l'agriculture : vers de nouvelles formes de partage et de contrôle du foncier ? Une analyse sociologique de l'association terre de liens en Bourgogne et Midi-Pyrénées - Elsa Pibou 01/10/10 Sociologie Anne-Marie Granie et Yannick Sencebe Toulouse 2

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De la propriété foncière collective a la formulation d'un projet communautaire de quartier : le cas des Community Land Trusts - Jean-Philippe Attard 03/12/10 Aménagement/Urbanisme Agnès Deboulet et Vincent Renard Paris 10 Les relations entre logiques foncières et patrimoines dans les territoires ruraux. Le cas de la viticulture bordelaise - Marie Lemarié 18/10/10 Sciences économiques Nathalie Gaussier Bordeaux 4 Cadastre et cartographie : soeurs ennemies ou complémentaires - Claire Galpin 01/12/06 Géographie Michel Kasser Paris 1 Le démembrement du droit de propriété - David Richard 04/01/11 Droit - prive Hugues Perrinet Marquet Paris 2 Croissance périurbaine et offre ferroviaire : quelles interactions ? Application a des agglomérations de l'Ouest français - Anissa Guezgouz (Benaiche) 01/09/11 Géographie Bernard Fritsch et Francois Madoré Nantes Les modalités d’action des EPFL pour les collectivités membres - Loïc Alcaras 08/11/11 Droit Public Jean-Marc Février Perpignan Localisation des productions agricoles, transport et émissions de gaz a effet de serre. Quelle efficacité économique et écologique des politiques environnementales ? - Anne Fournier 23/11/10 Sciences Economiques Pierre-André Jouvet Paris 10 Les nouveaux modes d'organisation urbaine : mobilité et centralité - David Schnee 04/04/08 Sciences Economiques Claude Dupuy Bordeaux 4 Pollution des sols et droit de propriété - Gaëlle Audrain Demey 01/10/11 Droit Public Raphael Romi et Patrick Le Louarn Nantes La durabilité des espaces périurbains - Stanislas Charpentier 23/10/08 Géographie Yamna Djellouli et Rodolphe Dodier Le Mans D'investir à bâtir. Economie immobilière et projet architectural - Alexandru Neagu 21/09/11 Architecture Yankel Fijalkow et Véronique Biau Paris 10 Les propriétés foncières littorales, publiques et privées, face aux risques naturels - Aurore Gaudin 17/11/10 Droit Public Chantal Cans et Christian Debouy Le Mans Enjeux touristiques et pressions foncières en France : quels outils de gestion pour la durabilité des destinations touristiques ? - Gabriel Fablet 06/12/10 Aménagement/Urbanisme Emmanuelle Marcelpoil et Christophe Gauchon Grenoble  

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Annexe 5 - Liste des doctorants membres du Réseau adef

Les liens renvoient à leur fiche détaillée comprenant leur discipline, leurs publications, et leurs coordonnées) sur www.adef.org/reseaudoctorants

• Félix Adisson, Les rencontres d’un réseau technique national et des villes dans la transformation urbaine du domaine public ferroviaire en France et en Italie

• Jean-Philippe Attard, De la propriété collective du foncier à la formulation communautaire d’un projet de quartier : les expériences des community land trusts du nord-est des Etats-Unis

• Célestin Bobi, Pratiques foncières des Ebrié et des Akyé face au défi abidjanais • Guilhem Boulay, Le prix de la ville. Le marché immobilier à usage résidentiel dans l’aire urbaine

de Marseille-Aix-en-Provence (1990-2010) • Thomas Brosset, Mutations sur les différents marchés fonciers : prise en compte du jeu d’acteur

dans les modélisations des évaluations • Olivier Chambord, Le nouveau droit de l’aménagement, contribution à l’étude des rapports entre

acte unilatéral et contrat • Roxane De Flore, Micro-logiques et réseaux d’acteurs privés au sein du processus de production

de la ville émergente – Le cas indien : l’entrée des acteurs villageois dans la dynamique de globalisation

• Chloé Desgranges, Evaluation territoriale des politiques d’anticipation foncière • Yaya Diallo, Recompositions territoriales et enjeux de la gouvernance urbaine à Rufisque

(Sénégal) • Josselin Dupont, La maîtrise du foncier comme outil de gestion intégrée des territoires bretons • Gabriel Fablet, Enjeux touristiques et pressions foncières en Franc : quels outils de gestion pour

la durabilité des destinations touristiques ? • Benjamin Gayon, Maîtrise foncière publique en zone littorale : les politiques locales de régulation

foncière sur la côte basque française • Marie Gibert, Recompositions territoriales de la figure de la rue à Ho Chi Minh Ville • Catherine Herrera, La ressource foncière territoriale, pour une nouvelle modalité de gouvernance

des territoires • Christine Léger, Analyse de l’action publique foncière au travers du portage foncier : utilisations,

évolutions, effets • Marie Lemarié, Les relations entre logiques foncières et patrimoines dans les territoires ruraux. Le

cas de la viticulture bordelaise • Benoît Leroux, Enjeux de l’accès au foncier des agriculteurs biologiques en Île-de-France. État

des lieux et analyse des freins structurels • Aurore Mansion, Le rôle des arènes hybrides dans la construction des politiques de

coopération. Le cas du comité technique « foncier et développement » • Juliette Maulat, Articuler aménagement urbain et réseaux ferrés régionaux : opportunités et limites

d’un « incontournable » de l’urbanisme durable • Romain Maurice, Le rôle des Établissements Publics de Coopération Intercommunale dans le

système d’aménagement urbain. L’utilisation par le Grand Lyon des politiques d’urbanisme pour réguler les marchés du logement

• Nicolas Persyn, Politiques foncières intercommunales en ville moyenne. Quelle(s) solidarité(s) territoriale(s) pour lutter contre l’étalement urbain ?

• Fabien Pousset, Multifonctionnalité des territoires ruraux ; contribution à la mise en place d’une gestion foncière intégrée

• Jean-Christophe Poussin, Fonctionnement des marchés et évolution des formes urbaines dans les communes bretonnes de moins de 10 000 habitants

• Njaka Ranaivoarimanana, Les infrastructures et la plus-value foncière : la mutation et la fragmentation urbaine dans les villes en développement. Le cas d’Antananarivo

• Sara Reux, Économie de l’urbanisation discontinue • Leah Tillemans, La promotion immobilière face aux enjeux de densification urbaine

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• Anastasia Touati, La densification urbaine au défi des espaces pavillonnaires. Mécanismes économiques et sociopolitiques sous-jacents aux politiques et processus de densification

• Philippe Weber, De la production urbaine dans un contexte d’indisponibilité foncière et d’utilisation mesurée du sol. Etudes de stratégies de gestion foncière à l’interface urbain-rural

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Annexe 6 - Liste des lauréats des prix de thèse Aydalot et prix de thèse sur la ville Lauréats et lauréates du Prix Aydalot depuis 2000

2010 GUEYMARD Sandrine Urbanisme

Inégalités environnementales en région Ile-de-France : répartition socio-spatiale des ressources, des handicaps et satisfaction environnementale des

habitants

2009 COQUIO Julien Aménagement La performance adaptative des systèmes de transports collectifs

2008 PERES Stéphanie Sciences Economiques La vigne et la ville : forme urbaine et usage des sols

2007 CHARRON Mathieu Etudes Urbaines La relation entre la forme urbaine et la distance de

navettage : les apports du concept de « possibilité de navettage

2006 DEYMIER Ghislaine Sciences Economiques Capitalisation immobilière des gains d’accessibilité : étude de cas sur l’agglomération lyonnaise

2005 LEIGGENER Regina Sciences Economiques Les relations technologiques locales :

une technologie médicale entre convergences et divergences

2004 WENGLENSKI Sandrine Urbanisme Une mesure des disparités sociales d’accessibilité au

marché de l’emploi en Ile de France

2003 LE GALLO Julie Sciences Economiques Disparités géographiques et convergence des régions européennes : une approche par l’économie spatiale

2002 GASCHET Frédéric Sciences Economiques La polycentralité urbaine

2001 PEGUY Pierre Yves Sciences Economiques Analyse économique des configurations urbaines et leur étalement

2000 ROBERT Didier Géographie Le réseau routier français dans la dynamique des échanges de marchandises de la France avec ses

partenaires d’Europe occidentale Lauréats et lauréates du Grand Prix sur la ville depuis 2006

2011 ROUSSEAU Max Sciences Politiques

Vendre la ville (post) industrielle, Capitalisme, pouvoir et politiques d’image à Roubaix

et à Sheffield (1945-2010)

2010 VITOPOULOU Athina Histoire

Mutations foncières et urbaines pour la production des espaces et équipements publics dans la ville

grecque moderne. Les propriétés de l’armée et de l’université et la formation de l’espace urbain de

Thessalonique de 1912 jusqu’à nos jours

2010 LE RENARD Amélie Sciences Politiques Styles de vie citadins, réinvention des féminités. Une sociologie politique de l’accès aux espaces publics

des jeunes Saoudiennes à Riyad

2009 VINCENT Stéphanie Sociologie Les « altermobilités », analyse sociologique d’usages de déplacements alternatifs à la voiture individuelle.

Des pratiques en émergence

2008 GROSJEAN Bénédicte Architecture

La « ville diffuse » à l'épreuve de l'Histoire – Urbanisme et

urbanisation dans le Brabant belge

2007 LE GOFF William Géographie Divisions sociales et question du logement en Grande

Bretagne, entre technicisation et privatisation ; les cas de Leicester et Bradford

2006 BERLAND-BERTHON Agnès

Aménagement et Urbanisme

La démolition des ensembles de logements sociaux : l'urbanisme entre scènes et coulisses

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Annexe 7 - Fonctionnement et caractéristiques de quelques réseaux de recherche Le REHAL : un GIS de Recherche en refondation Le Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) est un contrat de collaboration scientifique entre chercheurs et institutions, initié afin de répondre à une préoccupation scientifique. Un GIS est doté d’un conseil de gestion ou d’un conseil d’administration, d’un conseil scientifique et d’un directeur. Le réseau français « Recherche Habitat-Logement » (REHAL) a pour objet d’animer la recherche sur les questions d’habitat et de logement, par la mobilisation des chercheurs, la mise en commun de travaux et la production de réflexions transversales. Il a également pour but l’insertion de la recherche française dans les réseaux et les débats internationaux, européens en particulier. Il fait suite au Réseau « Socio-Economie de l'Habitat », créé en 1991 à l'initiative du Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA) - pour développer le potentiel de recherche en sciences sociales sur l'habitat et faciliter les collaborations entre chercheurs, commanditaires de la recherche et professionnels de l'habitat. Il s’est transformé en Groupement de Recherche (GDR) en 1994 , s'insérant ainsi dans le dispositif mis en place à l’époque par le CNRS dans le cadre du Programme Interdisciplinaire de Recherche sur les Villes (PIR-Villes) pour devenir un Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) en septembre 1999 pour poursuivre l’action entreprise. Cette convention de GIS est arrivée à échéance en septembre 2007, même si les activités se sont poursuivies jusqu’en 2010100. Le réseau est actuellement en cours de refondation, la tête de réseau est désormais à Toulouse et les réunions se tiennent alternativement à Toulouse ou à Paris, en fonction de la prise en charge de l’organisation par les chercheurs du REHAL. La priorité du réseau est portée aux jeunes chercheurs : une réflexion en cours sur une Ecole d’été en 2013 qui permettrait des rencontres avec des professionnels de l’habitat s’accompagnent pour 2012 d’une Journée Jeunes Chercheurs, qui se tiendra à Lyon le 22 novembre. L’enjeu du REHAL consiste également à capitaliser les présentations sous forme d’ouvrages, comme le dernier publié en 2012 (Être logé, se loger, habiter : Regards de jeunes chercheurs, Martine Berger et Lionel Rougé (dir.) et résultant des communications de Jeunes Chercheurs de 2005 et 2007. Le GRIDAUH : un GIP entre recherche et expertise Un Groupement d’Intérêt Public (GIP) est une personne morale de droit public, ayant pour objet la mise en commun de moyens pour l'exercice d'activités de recherche ou de développement technologique ou pour la gestion d'équipements d'intérêt commun nécessaires à ces activités. Contrairement à un GIS, un GIP possède une autonomie financière et juridique pour gérer des moyens, peut exécuter des travaux ou recruter du personnel. Un GIP est toujours constitué d’au moins deux personnes morales dont un établissement public ayant une activité de recherche. La majorité des droits statutaires devra être détenue par le secteur public. Lors de sa création en 1996, le GRIDAUH avait été conçu autour d’un triple projet : constituer un réseau national et international fédérant les centres de recherche mais aussi les chercheurs s’intéressant au droit de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat, valoriser cette recherche et organiser un partenariat institutionnel entre les chercheurs et les acteurs de l’aménagement et les professionnels du droit. Aujourd’hui dans sa quatrième période quinquennale (2011-2016), le GRIDAUH fédère aujourd’hui une quinzaine de centres de recherche tout en soutenant les initiatives des chercheurs isolés. Les membres du GIP GRIDAUH sont : le Ministère de la recherche, le Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'urbanisme, la Ville de Paris, le Centre national de la recherche scientifique, l’Université de Paris I, l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, la Fédération nationale des offices publics de l'habitat, le Conseil supérieur du notariat, la Chambre interdépartementale des notaires de Paris, le Barreau de Paris, l’Ordre des géomètres experts, la SCET101 et l’Assemblée des communautés de France.                                                                                                                          100 Cet historique est disponible sur www.rehal.fr 101 Services Conseil Expertises Territoires.

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Le GIP contribue à la publication d’ouvrages et revues (Cahiers du GRIDAUH, Droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat), organise et anime des séminaires permanents praticiens-chercheurs, ainsi qu’un colloque annuel. LE GRIDAUH décerne également chaque année depuis 1999 un prix de mémoires destiné à récompenser les travaux de troisième cycle et un prix de thèse, attribué lui tous les deux ans. Enfin, le GRIDAUH répond à des contrats de recherche selon une logique de co-production. L’ensemble des activités et des productions est accessible sur www.gridauh.fr. AESOP : un réseau européen d’urbanistes L’Association of European Schools Of Planning existe depuis 1987 et constitue un réseau d’urbanistes, provenant d’une vingtaine de pays européens. AESOP est autofinancée par les formations en urbanisme (la cotisation s’élève à 600 € en 2012). Jusqu’en 2000, AESOP était un réseau encore relativement confidentiel. Depuis, l’association se développe et prend de l’ampleur, notamment à travers son colloque annuel. Elle repose entièrement sur l’engagement et le dynamisme de ces membres, elle ne compte aucun salarié permanent. L’association est composée d’un bureau, l’Executive Committee, qui gère les affaires courantes, d’un Conseil d’Administration, le Council of Representatives, où chaque pays dispose de 2 représentants, et d’une Assemblée Générale qui se réunit une fois l’an, au moment du colloque annuel. Ce dernier est le temps fort de l’association, il est organisé chaque année et à tour de rôle par des écoles membres, il réunit environ 500 participants et les sessions en parallèle se déroulent sur plusieurs jours. Un PhD Workshop (atelier pour doctorants), réunissant entre 30 et 40 doctorants est également organisé en parallèle du colloque. La mobilisation et la participation des Jeunes Chercheurs est une volonté forte d’AESOP pour assurer la pérennité le réseau. Le réseau des Jeunes Chercheurs d’AESOP (AESOP Young Academics Network) n’existait pas à l’origine, il a été lancé récemment et a pris de l’ampleur : sa seconde session est organisée en février 2013. Un représentant Jeunes Chercheurs siège au Council of Representatives. Par ailleurs, une Head of Schools Meeting réunit une fois par an les directeurs d’instituts pour discuter d’enseignements/de formation. Les résultats des sessions sont parfois publiés dans Planning Education. Enfin, une Journée d’été pour jeunes urbanistes European Urban Summer School for young planning professionals est organisée seulement depuis 2010, elle est concçue comme une plateforme d’échanges et de rencontres entre praticiens et jeunes urbanistes (en poste depuis moins de 5 ans). En dehors du temps fort que représente le colloque, des groupes thématiques ont vu le jour, ils sont plus ou moins actifs et autonomes. Certains donnent lieu à des réunions organisées à l’initiative des membres de ces groupes, lesquels peuvent donner lieu à publications d’ouvrages ou n° spéciaux de revues. De manière structurelle, la publication n’est pas un objectif d’AESOP, et le colloque annuel n’est pas diffusé sous forme d’actes. AESOP décerne aussi 3 prix : le Excellence in Teaching Prize au meilleur cours en urbanisme, le Best Published Paper Prize à l’article de l’année et enfin, le Best Congress Paper Prize attribué à la meilleure communication. COST : réseau européen de coopération (Josselin Dupont) Le réseau COST, European Cooperation in Science and Technology, a pour objectif de soutenir la coopération entre scientifiques et chercheurs en Europe. COST est hébergé par l’European Science Foundation (ESF) et son secrétariat est assuré par le Conseil de l’Union Européenne. Le principe de fonctionnement du réseau est de proposer aux chercheurs une plateforme de rencontre pour échanger autour d’un projet de recherche particulier. Ce projet particulier est désigné sous le terme d’« action ». Plus de 200 actions sont actuellement en cours au sein de l’un des 9 « domaines scientifiques »102. Il

                                                                                                                         102 Biomédecine et biosciences moléculaires, Alimentation et agriculture, Forêts : produits et services, Physique et nanosciences, Chimie, sciences et technologies moléculaires, « Earth System Science » et gestion de l'environnement, Technologies de l'information et de la communication, Transports et urbanisme et enfin Individus, Société, Culture et Santé.

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faut bien noter que COST ne finance pas directement la recherche ni les chercheurs, mais la « plateforme » qui permet leur mise en réseau. Cela recouvre par exemple les coûts engendrés par les réunions (frais de déplacement et de séjour des participants mais aussi soutien à l’organisateur local), les conférences, les Short Term Scientific Mission (STSM), les Training School, les publications ou bien encore les activités de diffusion. COST ne finance donc pas les recherches mais les rencontres. Dans les actions COST, un « jeune chercheur » - personne préparant un doctorat ou docteur depuis moins de 8 ans – peut, dans le cadre d’une STSM, bénéficier d’un financement pour effectuer un séjour dans une institution privée ou publique étrangère, d’une semaine minimum à six mois maximum. La mission devant être motivée par un projet de recherche argumenté et respectant les conditions requises. Un « jeune chercheur » peut également participer à une Training School dont l’objectif est de partager le savoir et les compétences de toutes les générations de chercheurs impliqués dans une action. Un financement couvre les frais de séjour de trois jours à deux semaines maximum. Les objectifs, le contenu, le déroulement, les participants, mais aussi le lieu et l’institution d’accueil des Training School sont entièrement du ressort du Management Committee (MC) d’une action. La possibilité de bénéficier d’une bourse pour communiquer à des conférences ou colloques fait également partie des possibilités offertes aux jeunes chercheurs du réseau COST. Toutes ces mesures sont encadrées par des règlements et sont validées par le réseau COST, mais ce sont les actions, dans le cadre du MC, qui décident de leur mise en place, de leur nombre et des montants alloués. Conséquence directe de la liberté d’organisation et de budget des actions du réseau COST, la mise en place de ces mesures en faveur des jeunes chercheurs est donc très variable d’une action à une autre. Très rares sont les actions s’intéressant explicitement au foncier, même ici, il s’agit pour l’essentiel d’actions liées à l’agriculture ou à la dépollution des sols. Seule l’action TU0602 intitulée Land management for urban dynamics affiche clairement son intérêt pour la question foncière, dans le domaine de l’aménagement du territoire et des dynamiques urbaines en particulier103. Le déroulement de l’action a permis des échanges, des débats et des visites de terrains deux fois par an environ, à chaque fois dans une structure d'accueil différente (université, centre de recherche ou autre). En interne, l’action était divisée en deux groupes de travail, le premier étudiait les outils institutionnels, le deuxième portait sur des études de cas. Cette action a permis la constitution d’un réseau de jeunes chercheurs, 16 membres issus de 10 pays différents, et baptisé le Junior Reseacher Network. Ainsi une dizaine de STSM sur les enjeux fonciers en Europe ont été réalisés aux Pays-Bays, au Royaume-Uni, au Portugal, en France, en Italie ou encore en Belgique. C’est également dans le cadre de ce réseau qu’ont été mises en place deux Training Schools d’une semaine chacune. La première s’est déroulée à Lausanne en Suisse. Cette première Training School a permis de confronter les politiques et les outils des différents pays à la situation de la Suisse et de la région de Lausanne en particulier, une région caractérisée par une importante demande de terrains à bâtir dans un contexte de fortes contraintes environnementales (relief élevé, zones inondables, etc.) et de pratiques politiques particulières (enchevêtrement des niveaux de décision dans un pays fédéral et contrainte légale forte de protection des terres agricoles). La deuxième Training School s’est déroulée à Lodz en Pologne. L’objectif de cette deuxième semaine d’« immersion sur le terrain » était de proposer des pistes de solutions et de réflexions pour accompagner le développement d’une ville confrontée à la forte incertitude juridique de la propriété du sol (héritage de la période communiste). En termes de bilan on peut signaler la réalisation d’un colloque international à Lisbonne en octobre 2011 ainsi que la publication de 3 ouvrages consacrés aux politiques foncières en Europe (dont un issu

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           Le réseau COST et ses actions sont accessibles à un ensemble de 36 pays. Le budget de COST s’inscrit dans le volet « coopération » du septième programme-cadre de recherche et de développement technologique 2007-2013 de l’Union Européenne, il est financé, à hauteur de 240 millions d’euros sur la période 2007-2013. 103 L’« objectif principal de ce projet est de développer un cadre comparatif des différentes politiques foncières européennes afin de proposer des recommandations en termes de méthodes et d’outils de mobilisation foncière au service d’un développement urbain durable ». Cette action s’est déroulée sur une période de 5 ans (2006-2011) et son évaluation finale par les services centraux de COST a été très positive.

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de l’expérience de la Training School de Lausanne)104. Outre cette dimension « concrète », l’action permet des échanges enrichissants sur la convergence ou non des politiques foncières nationales, ainsi que la mise en place d’un réseau européen de chercheurs sur le foncier tant à l’échelle de l’ensemble des membres de l’action que des jeunes chercheurs. Le Lincoln Institute of Land Policy Le « Lincoln » constitue indiscutablement le meilleur (et pratiquement le seul) exemple de structure de financement de recherche, sur des questions foncières. Créé en 1946 à Phoenix (Arizona, Etats-Unis), The Lincoln Institute of Land Policy est fondé par John C. Lincoln, un industriel de Cleveland qui a fait fortune comme ingénieur. Très sensible aux idées d’Henry George, développées dans l’ouvrage paru en 1879 Progress and Poverty, et notamment celles liées à la propriété et la fiscalité, John Lincoln a créé une fondation, visant à développer autour des idées d’Henry George des activités d’enseignement/formation, de recherche, de publication et d’information. En 1966, la fondation Lincoln installe le Lincoln Institute à l’université de Hartford dans le Connecticut et soutient la création de la Land Reform Training Institute à Taiwan (renommé l’International Center for Land Policy Studies and Training en 1998). Fonctionnant comme une école jusqu’en 1974, elle fonctionne ensuite davantage comme une fondation subventionnant le développement des enseignements, de la recherche et de la diffusion105. En 1993, un programme spécifique à l’Amérique latine et aux Caraïbes est créé ; en 2003, c’est au tour de la Chine. En rassemblant étudiants, praticiens, collectivités, décideurs politiques, médias et citoyens impliqués, le Lincoln Institute rapproche théorie et pratique, et cherche à éclairer le processus décisionnel tout en souhaitant rester un espace indépendant pour aborder tous les points de vue concernant les politiques foncières, à la fois aux Etats-Unis mais aussi à l’échelle internationale. Quatre thèmes majeurs sont objets de recherche et d’enseignement au Lincoln Institute : le zonage/la réglementation, le marché foncier, la fiscalité et les droits de propriété. Le travail au Lincoln Institute est structuré par trois domaines : - Evaluation et fiscalité :

Ce département mène des recherches, dispense des enseignements et collecte des données sur la fiscalité. A travers les questions de fiscalité, d’imposition et d’évaluation, l’objectif est d’informer le public sur la prise de décision. Il s’agit également de mesurer l’acceptabilité de l’impôt, son utilisation et ses effets sur les individus, les entreprises ou les administrations.

- Réglementation et urbanisme Ce département cherche à développer des outils et méthodes visant à améliorer les connaissances en matière de réglementation. Deux axes sont privilégiés : les interactions entre intérêts publics et privés dans l’usage des sols et la propriété, et le lien entre politiques publiques et environnement.

- Département des études internationales L’objectif est ici d’examiner les politiques foncières à l'échelle mondiale, en apportant une expertise aux décideurs politiques et aux fonctionnaires. L’Institut est présent en Chine et en Amérique latine, mais il collabore également avec plusieurs organisations dans le monde

                                                                                                                         104 Lachance-Bernard N., Pinto N.N., Havel B. and Ploegmakers H. (ed.), 2010, Land Management and Mobilization in Europe : Regimes, Policies and Processes - A Comparison Framework Applied to Gland, Switzerland, COST Action TU0602, Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne and Department of Civil Engineering of the University of Coimbra, 128p. Tira M., Van der Krabben E. and Zanon B. (ed.), 2011, Land Management for Urban Dynamics: Innovative methods and practices in a changing Europe, COST Action TU0602, Maggioli Editore, University of Brescia, 575p. Le troisième ouvrage n'est pas encore paru. 105 Environ 28% du budget annuel est consacré aux charges salariales, moins de 1% aux dépenses administratives et le reste est consacré aux programmes de recherche, d’enseignement et de formation (source : A. Flynt, Lincoln Institute).

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entier : à Taïwan et en Europe de l’Est. Au sein de trois départements, les activités du Lincoln Institute sont déclinées à la fois en termes d’enseignement, et de recherche. Le Lincoln Institute (LI) propose à la fois des cours, des conférences, des séminaires et des formations animés par des conférenciers experts ou des universitaires. Ces sessions fournissent des réponses / éclairages pratiques aux participants, visant à clarifier les interrogations autour de l’usage et de la fiscalité, et des documents d’urbanisme. Des cours en ligne sont également proposés grâce à un système d’enseignement à distance. Mais l’essentiel de l’activité du Lincoln est consacré à la recherche. La recherche menée à l’Institut couvre un large panel de sujets et fonctionne soit par projets de recherche internes soit via des bourses de recherche. D’un côté, sont financés des projets de recherche. Initiés et menés par les chercheurs associés au Lincoln, ces programmes comportent des sujets très variés : 26 sont actuellement en cours, tous portent sur l’Amérique latine. En voici quelques exemples : - Scénari de montée du niveau de la rive de Mar De Plata : l’évaluation des impacts socio-économiques et mesures de secours - L’influence des grands projets dans le développement urbain : le cas de Puerto Madero, Buenos Aires. - Insécurité foncière et croissance des colonies informelles sur le périurbain ; une étude de cas de River Estate, Diego Martin, Trinité-et Tobago - Impact du système de bus de transport rapide sur l’utilisation des terres et des prix fonciers, Mexico. L’Institut décerne également des bourses de recherche afin de soutenir les étudiants, les praticiens, et les diplômés à différents stades de leur parcours professionnel ou académique. Ses boursiers contribuent à la fois au développement des connaissances sur la fiscalité et peuvent intervenir dans les enseignements dispensés au Lincoln. Trois types de bourses sont possibles : - les bourses de recherche scientifique : Chaque année, l'Institut parraine un petit nombre de boursiers de recherche (pour l’année 2011-2012, 9 chercheurs ont été retenus), qui ont une expertise particulière dans les questions foncières et de fiscalité. Ces chercheurs sont invités à entreprendre des recherches et participer à des programmes d'éducation de l'Institut. Ils sont accueillis pendant un an au Lincoln Institute. - les bourses de recherche :

• La bourse David C. Lincoln est attribuée depuis 1999 à des projets de recherche portant sur l’évaluation et la fiscalité. Pour chaque projet approuvé, le financement est compris entre 16 000 et 24 000 € par an, cette subvention est renouvelable 2 fois. Entre 3 et 6 bourses sont accordées chaque année.

• La bourse Kingsbury Browne est accordée depuis 2006 à des projets de recherche portant sur le paysage. 2 lauréats sont choisis chaque année.

• Des bourses peuvent être octroyées à des travaux portant sur la Chine, soit à des chercheurs de renommée internationale soit, via l'Université de Pékin-Lincoln Center, aux professeurs et aux chercheurs basés en Chine.

• En partenariat avec l'Institut africain pour la fiscalité basé à Prétoria, le Lincoln a inauguré en 2007 un projet de recherche global de taxes foncières sur le continent africain. Ce projet est toutefois maintenant clos.

• Enfin, pour les jeunes chercheurs spécialisés en finance publique ou économie urbaine, il est possible de venir exposer des travaux dans le cadre du Lincoln Institut Scholars Program, durant 3 jours. Les frais de déplacements sont payés et les jeunes chercheurs retenus reçoivent une gratification de 410 €

- enfin, les bourses d’études supérieures : • Le programme C. Lowell Harriss finance des bourses de thèse à des étudiants, prioritairement

états-uniens. Une subvention de 8 200 € peut être accordée pour soutenir le développement d'un projet de thèse et / ou l’achèvement des travaux de thèse.

• Le programme sur l’Amérique latine et les Caraïbes offre des bourses aux étudiants au

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doctorat et une maîtrise. Pour un étudiant en maîtrise, le financement s’élève à 33 000 € et pour un futur doctorant 57 000 € (au total).

• Enfin, des financements de thèses peuvent être accordés à des étudiants chinois. L’ensemble des résultats des projets de recherche, des articles et des rapports produits sont référencés et d’abord publiés sur le site du Lincoln Institute (www.lincolninst.edu/). Sa force réside aussi dans l’accès gratuit à l’ensemble des ressources produites par l’Institut. Qu’il s’agisse de l’agenda qui présente le programme des activités mais surtout des ressources pédagogiques. Le site rend accessible les détails sur les cours, séminaires et conférences et permet d’accéder aux résumés des programmes de recherche. Quelques-uns des ouvrages publiés par le Lincoln sont accessibles en téléchargement, tout comme les nombreux working papers proposés par des chercheurs du monde entier et évidemment la revue trimestrielle Land Lines. Enfin, le site contient des liens vers un grand nombre de sites, incluant des bases de données en accès libre, sans égal en France. Une partie essentielle de la mission de l’Institut étant d’être une ressource pour les chercheurs, les praticiens, les décideurs et les médias, plusieurs bases de données sont en accès libre et gratuit. Principalement axées sur les Etats-Unis, ces dernières présentent des séries de données sur les prix des terres, les niveaux des loyers ou l’évolution de la fiscalité. Depuis plus de 60 ans, le Lincoln Institute a toujours été fidèle au projet initial de son fondateur : interroger le rôle de la fiscalité. En conservant ce cap, en s’élargissant à plusieurs types de public, en finançant la production de recherche et en rendant visible ces travaux, l’Institut Lincoln est devenu une référence internationale, y compris pour des chercheurs français.

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Résumé La question du dynamisme de la recherche sur le foncier n’est pas nouvelle. Elle a déjà été posée, à peu près dans les mêmes termes qu’aujourd’hui, il y a 25 ans et a fait l’objet d’un ouvrage publié en 1988. Sa réémergence ne doit pas étonner : la période actuelle, et son instabilité économique notamment - croissance exceptionnelle des prix -, est propice à une remise en cause des cadres de pensée en matière de questions foncières. Alors quel bilan peut-on dresser de 25 ans de travaux sur le foncier ? Au-delà de cette question, c’est l’hypothèse d’un désintérêt pour les questions foncières qui a motivé le présent travail. Il apparaît que celle-ci doit être relativisée. En fait, les questions foncières connaissent plusieurs difficultés qui ne déterminent pas, à proprement parler, l’abandon des réflexions théoriques mais en créent les conditions. Le foncier n’est pas intrinsèquement condamné à la marginalité scientifique, l’un des enjeux est de se défaire d’un discours souvent misérabiliste sur les questions foncières et leur caractère souvent jugé « poussiéreux ». « Exorciser » le foncier et sortir de ce discours très ancré commence par en repérer les raisons objectives. D’abord, les chercheurs restent investis sur la question et ensuite, l’économie, discipline historique du foncier, continue bon an mal an à alimenter les réflexions, tandis que les approches relevant de l’aménagement ou de l’urbanisme montent en puissance. Mais surtout, la perte de dynamisme constatée est moins liée à l’absence de chercheurs qu’au caractère secondaire de ce type de recherches dans les carrières universitaires. Si les travaux de qualité existent, il s’agit pour l’essentiel de recherche appliquée : on ne constate pas d’avancées théoriques majeures. Cette analyse est renforcée par le recours systématique et nécessaire aux auteurs anglo-saxons quand les auteurs développent leur cadre conceptuel d’analyse. En découle un certain paradoxe : comment expliquer qu’alors que les chercheurs s’attachent à des démarches assez appliquées – au détriment d’approches théoriques - les praticiens se plaignent de l’éloignement des questionnements de recherche ? N’est-ce pas que le détour par la recherche théorique est nécessaire pour identifier et répondre aux questions des praticiens, contrairement à ce que l’intuition ou le bon sens nous dicte parfois ? Le repositionnement théorique doit s’appuyer sur des études empiriques qui font souvent défaut. Le foncier est un domaine propice aux mythes et idées toutes faites : de la rétention foncière (toujours dénoncée, jamais véritablement étudiée), aux élus soumis à la logique électoraliste (illustré par l’incontournable « maire bâtisseur - maire battu »), en passant par la rareté foncière ou les vertus attribuées à la densité. Afin de démythifier le foncier, sont proposées plusieurs pistes de recherche qui nous ont paru porteuses, dans la mesure où elles permettent de faire le lien entre des enjeux théoriques et des questions pratiques. Tout d’abord, le champ de la valeur constitue un axe de recherche à réinvestir. De la formation des prix à l’évaluation fiscale en passant par la monétarisation de chaque parcelle du territoire et la financiarisation, les enjeux sont de taille. Il en va de la capacité d’intervention tant d’opérateurs publics et privés que de la collectivité dans son ensemble. Ensuite, comprendre les marchés ne saurait se faire sans une interrogation sur les acteurs qui en sont à l’origine. Plus largement, la recherche doit porter sur l’analyse des systèmes d’acteurs. Il s’agit d’abord de relancer l’analyse fine des logiques des propriétaires, pour mettre fin aux « mythes fonciers » : rétention, spéculation, rareté, etc. et d’apporter des réponses claires quant à l’utilisation des gigantesques transferts de fond que les mutations occasionnent par exemple. Ensuite, ce sont les logiques des opérateurs fonciers, à travers des analyses de leurs modes de fonctionnement internes, qui doivent être investies, pour arrêter de considérer ces organismes de façon simpliste, comme des structures monolithiques aux actions mécaniques. Enfin, s’interroger sur les systèmes d’acteurs du foncier conduit à la question de la gouvernance. Si les villes sont surinvesties, la recherche aurait tout intérêt à renouveler son regard sur les espaces ruraux. Ces derniers apparaissent en effet propices à l’analyse des emboîtements d’échelle de décision et du rôle des élus (utilisation et effet du zonage notamment). La question du « pouvoir foncier » s’y pose directement et réinterroge le caractère particulier de la propriété.

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Face à l’ampleur des enjeux, comment faire en sorte que la recherche se saisisse pleinement du foncier, en synergie avec les praticiens ? D’abord, il faut mettre de côté ce qui relève des difficultés de toute approche relevant des sciences humaines et sociales : problèmes de définition, d’interdisciplinarité et d’accès aux informations et données. Il ne s’agit pas de les nier, mais d’admettre qu’elles n’expliquent pas fondamentalement l’attrait ou le désintérêt pour une question. L’accès aux données, par exemple, apparaît comme un problème à la fois important et frustrant dans la mesure où seule une volonté politique peut lever cette difficulté. Ces freins ne font selon nous pas le poids face à un problème plus structurel : celui d’une reconnaissance scientifique qui se fait sur un mode cumulatif. Autrement dit, il est très difficile d’imposer un sujet lorsque celui-ci ne fait plus partie de ceux qui sont porteurs en matière de reconnaissance scientifique. On comprend le dilemme de certains chercheurs qui renoncent à poursuivre ou à se spécialiser dans des questions foncières trop peu valorisées. C’est d’autant plus le cas que la discipline phare qui portait ces questions, la science économique, a renoncé à véritablement valoriser ces questions face aux difficultés épistémologiques qu’elles posaient (en raison de la spécificité du bien « foncier »). Dynamiser la recherche sur le foncier passe donc, selon nous, par la création de réseaux consacrés à sa valorisation ouverts sur l’Europe et le reste du monde. C’est ainsi que sera obtenu l’effet cumulatif recherché. Car de tels réseaux permettent à la fois de rompre avec l’isolement, de développer des projets communs mettant en avant le foncier, mais aussi la publication dans des revues et l’organisation d’événements dédiés, source de reconnaissance. Enfin, dernier enjeu, ce type de réseaux doit pouvoir associer des praticiens, à même de peser dans les orientations des programmes de recherche financés. Tout l’enjeu réside dès lors dans le choix d’une structure adaptée qui porte le réseau. L’analyse des réseaux existants révèle que si la structure idéale n’existe pas, il importe que cette dernière allie une certaine institutionnalisation à la pérennité pour porter une dynamique de qualité dans le temps.