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Denis ROCHARD Maître de conférences HDR - Université de Poitiers Directeur du Master 2 Droit de l’activité agricole et de l’espace rural et du diplôme supérieur du notariat / Centre de recherche et d’étude sur les territoires et l’environnement (EA 4237) PARTIE I - LA SAFER APRÈS LA LOI D'AVENIR DU 13 OCTOBRE 2014 ET SES TEXTES D'APPLICATION La Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAAF) du 13 octobre 2014 1 et ses textes d’application ( deux décrets : n° 2015-954 du 31 juillet et n° 2015-1018 du 18 août 2015) ont significativement renforcé les pouvoirs des SAFER. L'encre n'était pas encore sèche que la loi dite Macron, n° 2015-990 du 6 août 2015, en rajoutait une couche pour rendre possible une préemption de la part des SAFER sur les donations consenties hors le cadre familial. Tout ce nouveau dispositif est pleinement en vigueur depuis le 1 er janvier 2016. Indiscutablement, il consent à l'institution SAFER de nouveaux droits qui obligent les professionnels agissant en la matière à adopter de nouveaux réflexes ! C'est ce que nous allons expliquer dans ce qui sera notre, ma dernière chronique. Instaurées par la toute première loi d’orientation agricole n° 60-808 du 5 août 1960, les SAFER 2 ont été conçues à l’origine comme un instrument de régulation et de maîtrise du marché foncier en vue d’améliorer la structure des exploitations agricoles et de favoriser l’installation de jeunes exploitants. Dotées d’un droit de préemption dès la loi complémentaire n° 62-933 du 8 août 1962, les SAFER ont vu leurs missions évoluer au fil du temps (au gré des lois qualifiées tantôt d’orientation, d’adaptation, de modernisation de l’agriculture), au point d’apparaître pour certains comme des « acteurs multi-compétents de l’aménagement rural » quand d’autres les jugent dépassées et/ou inutiles. Ceci peut, en partie, expliquer que la LAAAF d’octobre 2014 procède à une réécriture de l’article L 141-1, même si l’analyse du texte révèle qu’il s’agit plus d’être en phase avec le mot d’ordre de la loi d’avenir (la « double performance économique et environnementale ») que de procéder à un bouleversement des missions. Ainsi est-il prévu que les SAFER : 1° « œuvrent prioritairement à la protection des espaces agricoles, naturels et forestiers. Leurs interventions visent à favoriser l'installation, le maintien et la consolidation d'exploitations agricoles ou forestières.. » ; 2° « concourent à la diversité des paysages, à la protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique » ; 3° « contribuent au développement durable des territoires ruraux » ; enfin 4° « assurent la transparence du marché foncier rural ». Pour assurer cela, et en particulier la dernière mission qu’est la transparence du marché foncier, les SAFER doivent pouvoir exploiter un maximum d’informations. Sachant qu’elles sont tenues d’organiser la diffusion de l’information de l’existence de terres à la vente auprès tant des personnes privées que des acteurs publics intéressés, avec comme point d’orgue la LMAP du 27 juillet 2010 qui fait obligation aux 1- Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, JORF n° 0238 du 14 octobre 2014, p. 16601 et s. 2- Elles sont au nombre actuel de 26, dont 23 en métropole ; avant restructuration obligée tant par la refonte de la carte des régions que par la LAAAF du 13 octobre 2014. 1

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Denis ROCHARDMaître de conférences HDR - Université de Poitiers

Directeur du Master 2 Droit de l’activité agricole et de l’espace rural et du diplômesupérieur du notariat / Centre de recherche et d’étude sur les territoires et l’environnement (EA 4237)

PARTIE I - LA SAFER APRÈS LA LOI D'AVENIR DU 13 OCTOBRE 2014 ET SES TEXTES D'APPLICATION

La Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAAF) du 13 octobre 20141 et ses textes

d’application ( deux décrets : n° 2015-954 du 31 juillet et n° 2015-1018 du 18 août 2015) ont

significativement renforcé les pouvoirs des SAFER. L'encre n'était pas encore sèche que la loi dite Macron, n°

2015-990 du 6 août 2015, en rajoutait une couche pour rendre possible une préemption de la part des

SAFER sur les donations consenties hors le cadre familial. Tout ce nouveau dispositif est pleinement en

vigueur depuis le 1er janvier 2016. Indiscutablement, il consent à l'institution SAFER de nouveaux droits qui

obligent les professionnels agissant en la matière à adopter de nouveaux réflexes ! C'est ce que nous allons

expliquer dans ce qui sera notre, ma dernière chronique.

Instaurées par la toute première loi d’orientation agricole n° 60-808 du 5 août 1960, les SAFER2 ont

été conçues à l’origine comme un instrument de régulation et de maîtrise du marché foncier en vue

d’améliorer la structure des exploitations agricoles et de favoriser l’installation de jeunes exploitants.

Dotées d’un droit de préemption dès la loi complémentaire n° 62-933 du 8 août 1962, les SAFER ont

vu leurs missions évoluer au fil du temps (au gré des lois qualifiées tantôt d’orientation, d’adaptation, de

modernisation de l’agriculture), au point d’apparaître pour certains comme des « acteurs multi-compétents

de l’aménagement rural » quand d’autres les jugent dépassées et/ou inutiles.

Ceci peut, en partie, expliquer que la LAAAF d’octobre 2014 procède à une réécriture de l’article L

141-1, même si l’analyse du texte révèle qu’il s’agit plus d’être en phase avec le mot d’ordre de la loi d’avenir

(la « double performance économique et environnementale ») que de procéder à un bouleversement des

missions. Ainsi est-il prévu que les SAFER : 1° « œuvrent prioritairement à la protection des espaces

agricoles, naturels et forestiers. Leurs interventions visent à favoriser l'installation, le maintien et la

consolidation d'exploitations agricoles ou forestières.. » ; 2° « concourent à la diversité des paysages, à la

protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique » ; 3° « contribuent au

développement durable des territoires ruraux » ; enfin 4° « assurent la transparence du marché foncier

rural ».

Pour assurer cela, et en particulier la dernière mission qu’est la transparence du marché foncier, les

SAFER doivent pouvoir exploiter un maximum d’informations. Sachant qu’elles sont tenues d’organiser la

diffusion de l’information de l’existence de terres à la vente auprès tant des personnes privées que des

acteurs publics intéressés, avec comme point d’orgue la LMAP du 27 juillet 2010 qui fait obligation aux

1- Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, JORF n° 0238 du 14 octobre 2014, p. 16601 et s.

2- Elles sont au nombre actuel de 26, dont 23 en métropole ; avant restructuration obligée tant par la refonte de la carte des régions que par laLAAAF du 13 octobre 2014.

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SAFER de communiquer aux services de l’État les informations détenues sur l’évolution des prix et sur les

changements de destination des terres agricoles.

Avec tout cela, les SAFER tenaient leur cheval de bataille, ou plus exactement leur cheval de

« Troie » ! En effet, face à l’obligation mise à leur charge de « collecte et de diffusion » des informations sur

le marché foncier rural, les SAFER ont eu beau jeu de faire remarquer qu’en l’état actuel des textes elles

n’étaient pas prévenues de certaines opérations, notamment en matière de vente d’immeubles ! Pour

illustration, les SAFER n’étaient pas informées des aliénations à titre onéreux portant sur les

démembrements de propriété….. alors même que ces opérations avaient curieusement tendance à se

développer en certains endroits de France.

Être informé est une chose, s’interposer dans l’opération en est une autre ! Aussi les SAFER se sont-

elles employées sur deux fronts : celui de l’information d’une part (I.), et celui de la préemption d’autre part

(II.). A ces évolutions majeures s'ajoutent quelques modifications moins substantielles (III.).

I. - L'information préalable élargie des SAFER

Sur l’information, le mouvement s’est opéré en deux temps. Pour illustration, à l’information

minimale opérée par le décret n° 2012-363 du 14 mars 2012 obligeant un porté à connaissance en cas de

démembrement de la propriété d’immeubles ruraux, la LAAAF du 13 octobre 2014 est venue ajouter une

« obligation générale d’information préalable » de la SAFER.

En effet, jusqu’à présent les SAFER n’étaient informées des opérations réalisées dans leur périmètre

d’intervention qu’au moyen de deux formalités : soit par notification d’un projet d’aliénation soumis au droit

de préemption3, soit par déclaration préalable d’une opération non soumise ou exemptée de ce droit4. Or, la

LAAAF met fin à cette summa divisio prévue dans la partie réglementaire du Code rural et de la pêche

maritime (CRPM), pour la remplacer par une formalité unique prenant place dorénavant dans la partie

législative du Code au nouvel article L 141-1-1, dont le paragraphe premier fixe le champ d’application

quand les deux paragraphes suivants sont consacrés au régime des sanctions applicables en cas de défaut

d’information !

A) Une information élargie quant aux actes

Plus d'actes qu'auparavant sont couverts puisque selon l’article L 141-1-1 & I « Pour l'exercice de

leurs missions, les SAFER sont préalablement informées par le notaire ou, dans le cas d'une cession de parts

ou d'actions de sociétés, par le cédant, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État (D. du 31 juill.

2015), de toute cession entre vifs conclue à titre onéreux ou gratuit ….. Cette obligation d'information vaut

également pour les cessions d'usufruit ou de nue-propriété.. . ».

3- CRPM, anc. art. R 143-4.

4- CRPM, anc. art. R 143-9.

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Il importe alors de souligner que le domaine de l’obligation d’information devient du coup plus large

que celui de la préemption. Pour illustration, toutes les donations doivent dorénavant, quand bien même

elles seraient par exemple consenties dans un cadre familial et par conséquent hors champ du droit de

préemption, faire l'objet d'une information préalable à destination de la SAFER géographiquement

compétente.

B) Une information élargie quant aux biens

Sont visés « les biens ou droit mobiliers ou immobiliers mentionnés au II de l’article L 141-1 » ; texte

qui envisage « les biens ruraux, les terres, les exploitations agricoles ou forestières, les actions ou parts

sociales de sociétés ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole ». Dit autrement : sont

soumis à l’obligation d’information les cessions de biens ou de droits qu’une SAFER peut acquérir à

l’amiable, et pas uniquement dans l’exercice de son droit de préemption ; sous réserve que lesdits biens

soient situés naturellement dans son ressort territorial.

Si les termes de « terres », exploitations « agricoles ou forestières » et actions ou parts de sociétés

ne prêtent guère à discussion, une réelle difficulté d'interprétation existe pour l’expression « biens ruraux »

dans la mesure où il n’en existe aucune définition juridique5. Aussi est-il suggéré -en s'inspirant de ce que le

législateur fait pour définir (ce que nous présenterons plus loin) la notion de « terrains nus à vocation

agricole »- de se référer à la situation du bien cédé au regard des documents d’urbanisme pour déterminer

la nécessité ou non d’informer préalablement la SAFER.

Le résultat du raisonnement peut se résumer de la manière suivante : dès lors qu’il y a « usage

agricole » sur le bien, ou sur des biens mutés dans le cas d’un ensemble, peu importe le zonage puisqu’il y a

lieu d’informer la SAFER compétente ; en l’absence d’usage agricole, est dispensée d’information la vente

d’un bien situé dans une zone urbaine, à urbaniser ou là où les constructions sont possibles ; en dehors

(zone naturelles, agricoles, non urbanisées..), il convient d’informer systématiquement la SAFER de toute

mutation, à titre onéreux comme gratuit, de biens ruraux. Naturellement, sont visés les immeubles. Pour les

meubles corporels, ils ne donneront lieu à information que s'ils sont cédés en même temps que les

immeubles auxquels ils sont économiquement attachés. S'agissant des meubles incorporels, là encore mutés

en même temps que les immeubles ils seront mentionnés dans l'information délivrée. Mutés seuls, la

plupart échapperont à l'information (ex. : marque) sauf ceux qui sont expressément envisagés par la loi,

comme les parts ou actions de sociétés ayant pour objet principal l'exploitation ou la propriété agricole.

C) Le contenu de l’information préalable

Ce sont les nouveaux articles R 141-2-1 et R 141-2-2, issus du Décret du 31 juillet 2015, qui en

précisent la substance. Substance variable suivant que la cession entre vifs porte sur : les biens ruraux, la

totalité ou une partie des parts sociales ou actions de société, un démembrement du droit de propriété ou

encore la cession conjointe de terrains à vocation agricole et des Droits à paiement de base (DPB).

5- Tout au plus une circulaire du 3 mai 2002 les définissant comme « biens géographiquement situés dans un espace rural ou une zone rurale » !

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a) L’information minimale : le cas de la cession de biens ruraux ou d’une partie des parts ou actions6

Ces mentions, obligatoires pour toute cession de biens ruraux, terres, exploitations agricole ou

forestière ou cession partielle de parts ou actions de sociétés agricoles (exploitation ou propriété), doivent

figurer dans la notification adressée à la SAFER. Elles doivent être communiquées par le notaire, ou le cédant

en cas de cession de parts sans intervention du notaire, à la SAFER territorialement compétente par le biais

de la DIA, qui doit mentionner :

- la nature et la consistance du bien ou du droit mobilier cédé,

- l'existence de l’un des obstacles à la préemption prévus à L 143-4 (les 8 cas d’exemption) et L 143-6

(droit de préemption prioritaire ou primauté du preneur en place),

- le prix ou la valeur,

- les conditions demandées,

- les modalités de l’aliénation projetée,

- la désignation cadastrale des parcelles cédées (celles dont la société est propriétaire ou qu’elle

exploite, en cas de cession partielle de parts ou actions),

- leur localisation,

- « le cas échéant » la mention de leur classification dans un document d’urbanisme,

- l’existence d’un mode de production biologique.

Le notaire (ou le cédant pour les parts sociales) fait également connaître les nom, prénoms, date de

naissance, domicile et profession des parties à l’acte de cession.

b) des informations supplémentaires

1° - en cas de la cession de la totalité des parts ou actions7

Le notaire ou le cédant devra, outre les informations précédentes, informer la SAFER en lui

communiquant :

- les statuts à jour de la société,

- son bilan et le compte de résultats des 3 derniers exercices,

- l’avant-contrat de cession,

- les contrats en cours (la liste suffira !)

- les conventions de garantie d’actif et de passif,

« s’il y a lieu et s’ils existent » :

- tout engagement faisant peser sur la société dont les titres sont cédés une incidence financière,

- tout élément relatif à sa situation contentieuse.

6 - CRPM, art. R 141-2-1, al. 1er.

7 - Art. R 141-2-1, al. 2.

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A savoir que la SAFER peut demander, au notaire ou au cédant, dans le délai de 2 mois de

l’information préalable, des « éléments d’information complémentaire nécessaires à l’appréciation des

conditions de transmission des parts ou actions ». Cette demande d'information complémentaire a pour

conséquence la suspension du délai de 2 mois pour exercer la préemption ; délai qui reprend à courir à

compter de la réception par la SAFER des documents, ou de l’indication de la raison pour laquelle le notaire

(ou le cédant) est dans l’impossibilité de les communiquer8.

2° en cas de cession d’usufruit ou de nue-propriété9

Le notaire (ou le cédant) doit, en sus, faire connaître :

- la consistance et la valeur des droits démembrés,

- la durée de l’usufruit,

- son mode d’exploitation,

- les pouvoirs des titulaires des droits.

3° en cas de cession conjointe de terrains à vocation agricole et de DPB10

Le notaire devra en sus mentionner dans la DIA l’ensemble des éléments nécessaires à

l’identification des droits à paiement cédés (nombre, valeur faciale, localisation..) ; le prix de cession des DPB

ne fait pas partie des éléments qu'il convient obligatoirement de communiquer.

On l'a compris, le notaire (s'agissant de la mutation d’immeuble rural et des meubles

éventuellement attachés) et le cédant (s'agissant de la mutation de droits sociaux) ne sauraient se

désintéresser du droit de la SAFER au motif comme certains ont pu l'affirmer à propos du notaire qu'il ne

« serait plus le chef d’orchestre de la procédure »11 puisque c’est dorénavant le travail de la SAFER que de

qualifier l’opération. En effet, d’une part le notaire (ou le cédant) doit connaître les formalités à accomplir

(variables suivant le type d’actes), les exécuter et c'est nouveau, en faire obligatoirement mention dans

l’acte de cession. Par delà, le professionnel délivrant l'information préalable doit sans aucun doute expliquer

et faire mesurer aux candidats à la cession les conséquences de tout ce formalisme, et notamment le risque

de préemption dans les hypothèses où la loi autorise la SAFER à agir.

8 - CRPM, art. R 141-2-1, al. 3.

9 - CRPM, art. R 141-2-1 al. 4.

10 - CRPM, art. R 141-2-2.

11- « Zoom sur la loi d'avenir agricole » : Aperçu rapide par H. Bosse-Platière, S. Besson, B. Travely

et F. Collard, in La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 42, 17 Octobre 2014, act. 1068.

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D) La forme de l’information12

Le notaire (ou le cédant) transmet les informations requises à la SAFER par lettre recommandée avec

avis de réception, ou sous forme électronique13.

En partenariat avec la FNSAFER, le Conseil supérieur du notariat a travaillé à la mise en place de 4

nouveaux formulaires destinés à l’information élargie des SAFER :

- le formulaire A pour les cessions à titre onéreux portant sur des biens mobiliers et/ou immobiliers

ruraux

- le formulaire B pour les cessions à titre onéreux de parts ou d’actions de sociétés agricoles

- le formulaire C pour les cessions à titre gratuit portant sur les biens mobiliers et/ou immobiliers ruraux

- le formulaire D pour les cessions à titre gratuit de parts ou d’actions de sociétés agricoles.

Ces nouveaux documents sont disponibles et utilisables depuis le 1er janvier 2016.

E) Les sanctions du défaut d'information

Dorénavant, les professionnels pourront difficilement se soustraire de la délivrance d'une

information préalable à l'acte de mutation, comme cela a pu être parfois le cas par le passé. Pour illustration,

on peut citer la cession des parts sociales pour laquelle le Code rural et de la pêche maritime prévoyait la

délivrance d’une information à la SAFER14 ; communication pourtant rarement faîte en pratique, par

ignorance ou plus sûrement en raison de l’absence de sanction en cas de défaut. Il en sera à coup sûr

autrement puisque le nouveau texte15 prévoit un régime de sanctions, en prenant soin de distinguer deux

hypothèses suivant que les biens objet de la cession sont ou non dans la sphère du droit de préemption.

S’agissant de la cession de biens préemptables16 pour lesquels l’information n’aurait pas été délivrée

à la SAFER, celle-ci pourra dans les six mois suivant publication de l’acte au fichier immobilier (pour biens

immobiliers) ou dès que la Saler en a connaissance (parts sociales ou actions de sociétés agricoles),

demander au TGI de prononcer l’annulation de l'acte et, éventuellement, de déclarer la SAFER acquéreur en

lieu et place du tiers.

Si le défaut d’information porte sur la cession de biens non préemptables17 (ex.: vente d'une terre par un

père à son fils) le préfet de région pourra prononcer une amende administrative au minimum du montant

d’une contravention de 5ème classe (1 500,00 euros) et au plus de 2% du montant de la transaction. Les frais

12 - CRPM, art. R 141-2-3.

13 - Dans les conditions prévues par les articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil.

14 - CRPM, anc. art. R 143-9 4°.

15 - CRPM, art. L 141-1-1.

16 - CRPM, art. L 141-1-1, &2.

17 - CRPM, art. L 141-1-1, &3.

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d’exécution de la sanction sont à la charge du contrevenant … qui en l’occurrence sera le notaire (ou le

cédant selon les cas) à qui la loi impose de délivrer l’information préalable ! La décision de sanctionner peut

être prise dès la constatation du manquement et au plus tard dans l'année qui suit la constatation des faits ;

elle peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif.

II. - L’extension du droit de préemption de la SAFER

En préambule, il convient de rappeler que chaque SAFER tire son droit de préemption d’un décret

attributif, avec une nouveauté de nature à faire disparaître quelques contentieux. La LAAAF 2014 prévoit

que les décrets habilitant chaque SAFER seront dorénavant à durée indéterminée et non plus adoptés pour

une durée de 5 ans. Décret qui continuera de déterminer la ou les superficies minimum des biens non bâtis

susceptibles d’être préemptés, ainsi que les limites administratives englobant la ou les zones où s'appliquent

des seuils particuliers18.

Comme en matière d'information, l'extension du droit de préemption s'opère tant à l’égard des

actes visés (A) que des biens concernés (B), avec une véritable nouveauté qu'est le droit de préemption

partielle (C).

A) L’extension du droit de préemption SAFER quant aux actes

1° La préemption rendue possible sur les démembrements de propriété

Depuis le 1er janvier 2016, une préemption est désormais possible en cas de cession de la nue-propriété

ou de l’usufruit.

Rappelons que l’évolution s’est opérée en deux temps. D’abord et afin de lutter contre certaines

pratiques abusives et avoir une meilleure information du marché19, les SAFER ont obtenu, par le biais du

décret n° 2012-363 du 14 mars 2012, d’être informées par le notaire des cessions de droits démembrés20.

Avec la LAAAF du 13 octobre 2014, le législateur va beaucoup plus loin en exigeant en premier lieu une

information plus complète, puisque selon le & 2 du nouvel article L 141-1-1 pour « les cessions d’usufruit ou

de nue-propriété.. sont notamment précisées la consistance et la valeur des biens concernés ». Précisions

supplémentaires et somme toute logique puisque dorénavant l’alinéa 5 (nouv.) de l’article L 143-1 dispose

que « Les SAFER peuvent exercer leur droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de l'usufruit

18 - CRPM, art. R 143-1.

19 - Obligation issue de la LMAP du 27 juillet 2010.

20 - CRPM, art. R 143-9 5°.

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ou de la nue-propriété des biens », s’entendant des biens immobiliers à usage agricole et biens mobiliers qui

leur sont attachés ou terrains nus à vocation agricole.

Sachant que le législateur opère une remarquable différence de traitement suivant que l’aliénation à

titre onéreux porte sur l’usufruit ou sur la nue-propriété des biens ou droits visés.

Si sur une aliénation à titre onéreux de l’usufruit la préemption SAFER peut se faire sans condition,

en cas d’aliénation à titre onéreux de la nue-propriété la préemption ne peut se réaliser que « sous

conditions » : soit que la SAFER détient déjà l’usufruit du bien cédé ou qu’elle est en mesure de l’acquérir

concomitamment ou si, quand elle préempte la nue-propriété, la durée de l’usufruit restant à courir ne

dépasse pas 2 ans.21

Naturellement, a été envisagé un cas logique d’exclusion. Afin de garantir les droits du titulaire d’un

démembrement, la loi22 prévoit que les acquisitions de la nue-propriété d’un bien par ses usufruitiers et

celles de l’usufruit d’un bien par ses nus propriétaires échappent au droit de préemption SAFER. Au

passage, ceux qui avaient opportunément utilisé les démembrements de propriété pour contourner le droit

de préemption de la SAFER avant l’évolution opérée par la LAAAF de 2014 vont pouvoir reconstituer de la

pleine propriété …. sans être davantage inquiétés, sauf pour une SAFER à caractériser l’abus de droit !

2° La préemption possible sur les aliénations à titre gratuit « hors cadre familial »

Jusqu’alors, les aliénations à titre gratuit, telles que les donations, étaient soustraites du droit de

préemption de la SAFER, sous réserve d’être effectuées sans fraude (par exemple une vente déguisée en

donation).

Justement, pour lutter contre les situations de fraude, le législateur est intervenu en deux temps,

très proches.

On l'a déjà évoqué, la LAAAF du 13 octobre 2014 va en premier lieu soumettre à information

préalable « toute cession entre vifs conclue à titre onéreux ou gratuit portant sur des biens ou droits

mobiliers ou immobiliers mentionnées au II de l’article L 141-1 ». A ce stage, s’agissant d’une cession à titre

gratuit la SAFER n’a certes pas le droit de préemption, mais ne pas l’informer expose à la sanction prévue en

ce cas, à savoir : « l’autorité administrative peut, d’office ou à la demande de la SAFER, prononcer une

21 - A savoir qu’était prévue une 4ème hypothèse, censurée par le Conseil constitutionnel, qui était la suivante : « ou dans le but de rétrocéder la nue-

propriété, dans un délai maximal de 5 ans, à l’usufruitier des biens ».

22 - CRPM, art. L 143-1, L 143-4 6° et 8°, mod. par LAAAF (art. 29 5° et 8°).

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amende administrative égale au moins au montant prévu pour les contraventions de 5ème classe et au plus

à 2% de la transaction concernée »23.

La loi dite Macron, du 6 août 2015, en son article 113 va plus loin en introduisant dans le Code rural

et de la pêche maritime un nouvel article L 143-16 ; texte qui ouvre le droit de préemption des SAFER aux

donations mais uniquement sur celles consenties hors cadre familial.

Pourquoi une telle extension, prévue à peine un an après l'adoption de la loi d'avenir agricole

étendant largement les pouvoirs des SAFER ? L'objectif avoué est de lutter contre la pratique consistant à

déguiser une vente sous les traits d’une donation fictive …. avec un paiement occulte ! En pratique, de telles

donations fictives se seraient développées principalement au profit des gens du voyage24. Cela explique que

le législateur tient pour suspectes, au regard du droit de préemption SAFER, seules les donations sans lien de

famille, en excluant les donations dans un cadre familial largement, très largement défini.

Le nouveau dispositif, apparaissant dorénavant dans une section 4 intitulée « droit de préemption en

cas de donation entre vifs » et à l’article nouveau L 143-16, a pu être considéré, à défaut de précision dans la

loi Macron elle-même, comme entré en vigueur le 8 août 2015. Maintenant, comme une telle préemption

ne peut se faire qu'à partir de l'information préalable délivrée, il est plus cohérent de considérer que le

nouveau dispositif est pleinement en vigueur depuis le 1er janvier 2016.

a) Le champ d’application du nouvel article L 143-16

1° Les actes

Selon l’article L 143-16, le principe est qu'entrent dans le champ d’application de la préemption les

« cessions entre vifs à titre gratuit ». On notera le choix curieux d'une expression plus large que celle de

« donation » (C. Civ. Art. 894), pourtant mentionnée dans l’intitulé même de la section ! L'idée est semble-t-

il, en cas de doute, de pouvoir englober des opérations telles que les libéralités consenties à un organisme à

but non lucratif, à une association ou fondation.

Le principe d'une soumission à la préemption est assorti d'exception, puisque le texte prévoit des

exclusions lorsque les cessions entre vifs à titre gratuit interviennent :

- entre ascendants et descendants, sans limitation de degré de parenté,

- entre collatéraux jusqu’au 6ème degré,

- entre époux ou partenaires pacsés,

- ou entre une personne et les descendants de son conjoint ou de son partenaire de pacs, ou entre ses

descendants.

23 - CRPM, art. L 141-1-1, & 3.

24 - Rép. Min. en 2011-2012, 2014, évoquant le contournement de la Safer .. et de certaines règles d’urbanisme.

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On soulignera l'approche retenue, particulièrement large s'agissant du « cadre familial », puisque

même entre enfants issus de parents différents et simplement liés par un PACS la donation est exclue de la

préemption SAFER.

2° Les biens

Là aussi, le législateur a fait le choix de limiter l'extension du droit de préemption SAFER aux

donations portant sur certaines catégories de biens.

Ainsi, le 1er alinéa de L 143-16 vise uniquement « les biens, droit réels et droit sociaux »

mentionnés : au 1er alinéa de L 143-1 (= biens immobiliers à usage agricole et biens mobiliers attachés, ou

terrains nus à usage agricole), au 5ème alinéa de L 143-1 (cession de l’usufruit ou de la nue-propriété (dans les

3 hypothèses où la SAFER peut préempter celle-ci)) et au 6ème alinéa de L 143-1 (cession de la totalité des

parts ou actions d’une société à objet principal exploitation ou propriété agricole).

Au vu de la référence précise et limitée à trois alinéas de L 143-1, on en déduit aisément que ne sont

pas soumises au droit de préemption les donations portant sur : les bâtiments d’habitation faisant partie

d’une exploitation agricole, de même qu’autres bâtiments visés au 2ème alinéa de L 143-1 (bâtiments situés

dans les zones ou espaces mentionnés au 1er al. et utilisés pour l’exercice d’une activité agricole au cours des

5 dernières années) et les DPB (visés à l’alinéa 4 de L 143-1).

3° Les modalités de la préemption

Faute de précision dans l'article L 143-16, les dispositions gouvernant le droit de préemption des SAFER

en cas d’aliénation à titre onéreux ont (en principe) vocation à s’appliquer également à l’occasion d’une

« cession entre vifs à titre gratuit ». Ainsi une SAFER devrait-elle pouvoir (si les conditions sont réunies : à

savoir une donation portant sur des biens préemptables et des non préemptables) exercer une préemption

simplement partielle. De même que le donateur devrait pouvoir lui opposer les exceptions légales, tenant

par exemple à la destination du bien (donation avec engagement de construire). Tout comme la SAFER aura

naturellement l'obligation de motiver sa décision de préemption. Avec toutefois un régime qui se singularise

sur deux points : le contenu de la notification et la motivation de la préemption.

S'agissant du contenu de l'information délivrée, il est expressément prévu que le notaire n'est nullement

obligé dans la DIA de mentionner une valeur pour l'opération à titre gratuit qu'il s'apprête à passer.

Pour ce qui est de la motivation, nécessairement circonstanciée, la préemption SAFER peut être mise en

œuvre en cas de cession entre vifs à titre gratuit dans des cas plus limités que pour la préemption à partir

d'un acte à titre onéreux. En effet, la préemption sur donation n’est possible que pour des motifs se

rattachant principalement à certaines missions (les plus fondamentales de la SAFER !), à savoir : favoriser

l’installation, le maintien et la consolidation d’exploitations agricoles ou forestières ou améliorer le

parcellaire des exploitations. Ainsi serait inenvisageable une préemption sur une donation hors cadre

familial pour des motivations par exemple environnementales !

4° La procédure de purge

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a) Le contenu de la DIA

L’article L 143-16 nouveau apporte une précision importante en ce que, par dérogation au 1er alinéa

de L 412-8 (préemption preneur en place), le notaire chargé d’instrumenter ne mentionne pas le prix

comme dans un acte onéreux, ce qui semble parfaitement normal s'agissant d'un acte gratuit !

Mais cela emporte comme conséquence que si une SAFER souhaite préempter, elle doit, dans sa déclaration

adressée au donateur, indiquer l’estimation de la valeur du bien par les services fiscaux25.

A contrario, les autres mentions habituelles doivent figurer dans la DIA : charges, conditions,

modalités de l’aliénation, nom et domicile du bénéficiaire.

b) Mise en œuvre et conséquence

A notre sens, la préemption par la SAFER opère une « novation » du rapport de droit ! D’acte à titre

gratuit, l’opération devient, et ce de la seule initiative de la SAFER, un acte à titre onéreux. C’est d’ailleurs

pourquoi il revient à la SAFER qui souhaite préempter de faire une offre d’achat au propriétaire, à un prix

correspondant à l’estimation du bien par les services fiscaux.

Aussi faut-il sans nul doute admettre -et contrairement à ce qu'affirme la FNSAFER- que le donateur

est libre de renoncer à son projet de donation, et que par conséquent il ne saurait être contraint de vendre

le bien à la SAFER au prix qu’elle propose ! Il n’existe pas d’accord sur la chose et sur le prix (à moins que le

donateur ne l’exprime clairement).

Certes, comme pour élargir le droit de préemption SAFER aux donations le législateur s’est fortement

inspiré du DPU, il eut été préférable (comme c’est le cas pour le DPU) de prévoir expressément cette

possibilité de renonciation à la vente. Maintenant, en l'absence de texte spécifique mais sur le fondement

des principes généraux du droit des contrats, l'on doit admettre que seul le donateur peut accepter que

l'opération voulue « à titre gratuit » mute en une vente au profit de la SAFER, suite à sa décision de

préempter le bien considéré.

5° Les sanctions encourues

La méconnaissance du droit de préemption en cas de donation est sanctionnée pratiquement de la

même manière que pour une aliénation à titre onéreux : nullité de l’opération, sans substitution de la SAFER

au cessionnaire26. L’action est enfermée, à peine de forclusion, dans un délai de 6 mois à compter du jour où

la date de la cession est connue de la SAFER.

A cela peut éventuellement s'y ajouter une autre sanction pour non-respect de l’obligation

d’information. En effet, la loi Macron du 6 août 2015 a adapté le dispositif figurant sous le & 2 de L 141-127

afin de prendre en compte l’inclusion des cessions entre vifs à titre gratuit dans la sphère de préemption.

25 - CRPM, art. L 143-16, al. 7.

26 - Application combinée des articles L 143-8 et al. 3 de L 412-12 du Code rural et de la pêche maritime.

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Aussi, si un bien ou un droit mobilier ou immobilier sur lequel la SAFER est autorisée à préempter, en

application notamment de l'article L 143-16 (cession entre vifs), est aliéné au profit d’un tiers en violation de

l’obligation d’information mentionnée au &1 de l'article L 141-1-1, ladite SAFER peut, dans un délai de 6

mois à compter de la publication de l’acte de donation (texte ne parle plus de « cession entre vifs » !!) ou, à

défaut de publication, dans les 6 mois à compter du jour où l’acte lui est connu, demander au TGI d’annuler

l’acte en cause.

Enfin, et la disposition reste inchangée, une SAFER peut, dans les 6 mois à compter de la date à

laquelle elle en a été informée, demander au TGI d’annuler une cession conclue à titre gratuit si elle estime

que cette cession aurait dû lui être notifiée en tant que cession à titre onéreux.

B) L’extension du droit de préemption SAFER quant aux biens

En préambule, nous formulerons une remarque quant à la structure de l’article L 143-1 modifié.

Auparavant, l’article L 143-128 distinguait entre, d’une part, l’immobilier non bâti et ses accessoires mobiliers

et, d’autre part, l’immobilier bâti en traitant séparément le bâti d’habitation (faisant partie d’une

exploitation) du bâti d’exploitation (ayant conservé son utilisation agricole).

Dorénavant, le nouvel article L 143-1 est structuré comme suit :

- l’alinéa 1er est consacré aux immeubles et meubles accessoires à usage agricole et, d’autre part, aux

terrains nus à vocation agricole …. dit autrement : l’immobilier (bâti ou non) et le mobilier d’exploitation ;

- l’alinéa 2 envisage les bâtiments d’habitation, soit qu’ils fassent partie actuellement d’une exploitation,

soit qu’ils aient été utilisés pour l’exercice d’une activité agricole au cours des 5 dernières années ;

- l’alinéa 3 indique ce qui peut être assimilé à des « terrains nus » visés par l’alinéa 1er ;

- l’alinéa 4 traite de la vente conjointe de terrains à vocation agricole et de droits à paiement découplés.

Maintenant, pour faciliter la compréhension nous nous écarterons de la structure de l'article pour

traiter de l’immobilier avant d’évoquer brièvement la situation des biens mobiliers.

27 - Sanctions du défaut d'information pour une opération entrant dans le champ de la préemption.

28 - Dans sa réaction antérieure à la LAAAF 2014, * l’alinéa 1er de L 143-1 envisageait la préemption pour :

- biens immobiliers à « utilisation » agricole,- biens mobiliers qui leur sont attachés- terrains à vocation agricole,- ainsi que les DPU si ceux-ci sont mis en vente avec l’immeuble ;

* L’alinéa 2 envisageait la préemption pour :- bâtiments d’habitation faisant partie d’une exploitation agricole ou- bâtiments d’exploitation ayant conservé leur utilisation agricole ;

* L’alinéa 3 envisageait la préemption pour :- dans les communes de montagne, les bâtiments ayant été utilisés pour l’exercice d’une activité agricole au cours des 5 dernières années, afin deleur rendre un usage agricole.

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1° L’immobilier

a) S’agissant de l’immobilier (bâti ou non) d’exploitation, deux remarques peuvent être formulées.

La première est d’ordre terminologique, en ce que le texte ne parle plus29 « d’utilisation » mais «

d’usage » agricole30. Cela revient à dire que l’on ne regarde plus ce à quoi est utilisé le bien, mais quel usage

(agricole ou non ?) on peut en faire ! Si la distinction peut apparaître subtile, le sûr est que l’évolution de

langage traduit une conception élargie du champ d’application du droit de préemption.

La seconde remarque a trait à l’ajout d’une définition, de précisions pour les « terrains nus à vocation

agricole » (expression dont la formulation est inchangée !). Pour eux, la vocation agricole résulte désormais

non plus de la réalité mais des documents d’urbanisme31, puisque selon l’alinéa 1er de l’article L 143-1 sont

considérés comme à « vocation agricole » les terrains situés soit :

- dans une ZAP32 ou dans un ENAP33,

- en zone A ou Nat. et For., délimitée par un document d’urbanisme (ex. PLU).

Étant ajouté qu’en l’absence de document d’urbanisme (ex. d'une commune n’ayant ni POS, ni PLU) sont

regardés comme « terrains à vocation agricole » les terrains situés dans les secteurs ou parties non encore

urbanisés des communes, à l’exclusion des bois et forêts.

Avec une précision supplémentaire apportée par l’alinéa 3 du même article L 143-1 modifié, qui assimile

à des « terrains nus » (donc dans la sphère du droit de préemption !) : « les terrains ne supportant que des

friches, des ruines ou des installations temporaires, occupations ou équipements qui ne sont pas de nature à

compromettre définitivement leur vocation agricole ».

La précision législative opérée appelle deux remarques. C’est une réponse « du berger à la bergère », du

législateur aux juges après les décisions relatives à l’exception de préemption concernant les immeubles qui,

avant la date prévue pour leur aliénation, sont le support d'un équipement permanent ou d'une activité sans

rapport avec la destination agricole ou forestière34 ; ce que l’on a coutume d’appeler la jurisprudence des

jardins d’agrément ou des coins de pêche35 ! Maintenant, si l’idée est de mettre un terme à certains

29 - Rédaction antérieure de l’alinéa 1er de L 143-1 : « «biens immobiliers à utilisation agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés» ou deterrains à vocation agricole, quelles que soient leurs dimensions, sous réserve des dispositions prévues au premier alinéa de l’article L 143-7 ».

30 - Définitions extraites du Grand Robert de la langue française, collection en 6 volumes, dirigée par A. REY :« utilisation » : action, manière d’utiliser ; application, destination emploi, maniement« usage » (usus) : fait d’appliquer, de faire agir pour obtenir un effet .. fonction, utilité .. destination.

31 - Remarque : jusqu’à présent, le classement urbanistique était indifférent pour apprécier l’existence du droit de préemption ; il avait uneincidence, dans le cadre des décrets attributifs régionaux, sur le seuil à partir duquel se déclenchait le droit de préemption.

32 - CRPM, art. L 112-2.

33 - C. urba., art. L 113-15 s.

34 - CRPM, anc. art. R. 143-2, 1°, a).

35 - Pour illustration, Cass. 3ème civ., 4 mars 2009, n° 08-11281 ou Cass. 3ème civ., 28 sept. 2011, n° 10-14004.

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contentieux, la formulation retenue va à coup sûr en faire naître d’autres quant à l’interprétation,

l’appréciation de certains termes, relevant de « l’appréciation souveraine des juges du fond » ; pour

exemple, qu’est-ce qu’une « installation, équipement … de nature à compromettre définitivement la

vocation agricole » ?

b) S’agissant de l’immobilier d’habitation

La nouvelle rédaction de l’article L 143-1 supprime la référence explicite au « bâtiment d’exploitation

ayant conservé leur vocation agricole » (compris implicitement dans l’alinéa 1er) et envisage les « bâtiments

d’habitation faisant partie d’une exploitation » à l’alinéa 2, dans une formule inchangée suscitant par

conséquent les mêmes interrogations.

Que faut-il entendre par « faisant partie » ? Prenons un exemple : Pierre, agriculteur, prend sa retraite et

vend ses terres à M. X et sa maison à M. Y ; peut-on considérer qu’elle fait partie d’une exploitation ? En

revanche, si la même maison est louée depuis 8 ans à un citadin, l’on peut sans doute considérer qu’elle

s’est « déspécialisée » et qu’il ne saurait y avoir de droit de préemption de la SAFER. De même, si elle a été

vendue par exemple une première fois à un boulanger qui la revend 5 ans après ; l’on ne peut sans doute pas

considérer dans une telle hypothèse qu’elle « fait partie d’une exploitation » !

Cerner l’expression « exploitation agricole » est plus aisée. Cela vise le logement de l’exploitant, de sa

famille, de ses salariés. Mais sont également concernés les bâtiments qui accueillent une ou plusieurs

activités se situant dans le prolongement de l’activité agricole ou ayant pour support l’exploitation36 (fermes

auberges, gîtes ruraux..).

En fait, la principale évolution se situe ailleurs, avec la généralisation d’une règle prévue à l’origine

pour les seules zones de montagne. En effet, la LOA du 5 janvier 200637 a prévu une exception pour les

bâtiments d’habitation situés en zone de montagne, en autorisant la préemption sur les biens transformés

depuis moins de 5 ans et ce, pour leur rendre un usage agricole38.

Et bien la LAAAF 2014 généralise la règle à l’ensemble du territoire français39, rendant la

préemption possible mais, comme en zone de montagne, sous réserve de satisfaire à trois conditions.

Existent deux conditions a priori : que les bâtiments (d’habitation ou d’exploitation) soient situés dans les

espaces mentionnés au 1er alinéa (de L 143-1), et qu’ils aient « été utilisés pour l’exercice d’une activité

36 - CRPM, art. L 311-1.

37 - Loi n° 2006-11, art. 82.

38 - CRPM, anc. al. 3 de l’article L 143-1.

39 - CRPM, nouvel al. 2 de l’article L 143-1.

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agricole au cours des 5 derniers années qui ont précédé l’aliénation » ; et une condition a posteriori puisque

le texte n'admet la préemption SAFER sur lesdits biens que « pour leur rendre un usage agricole ».

Dans une telle hypothèse, ce n’est donc plus comme avant « l’utilisation » au jour de la vente qui

compte pour les bâtiments d’habitation, mais ce à quoi ils ont pu servir dans un passé récent. Voilà qui va

obliger les notaires à faire l’origine « quinquennale » de l’utilisation du bien bâti vendu !

Maintenant, il n’est pas certain que la SAFER préempte beaucoup (à l'image du faible bilan en zone

de montagne) dans une telle hypothèse car au-delà du fait qu’elle doit « rendre un usage agricole » aux

bâtiments ayant un passé agricole, les textes ne lui permettent de préempter qu’au prix proposé40 ; elle n'est

pas autorisée à faire une offre d’achat à ses propres conditions comme le permet en d’autres circonstances

l’article L 143-10 du Code rural et de la pêche maritime.

A écouter les acteurs locaux, il peut exister des situations (par exemple en Poitou-Charentes les îles

d’Oléron ou de Ré) où pour les exploitants agricoles présents les bâtiments font cruellement défaut. Aussi

peut exister une demande de la profession, des élus, pour le maintien d’agriculteurs, incitant à la

préemption d’anciens bâtiments à usage agricole en vue de leur rétrocession à des exploitants dans le

besoin. Reste que ces anciens bâtiments sont généralement vendus en des endroits où les prix sont élevés !

2° Les biens mobiliers « attachés » aux biens immobiliers

Pour rappel, indiquons que jusqu’en 1999 les SAFER ne disposaient d’un droit de préemption que sur

les immeubles stricto sensu. Comme ce n’est plus le cas, le notaire mandaté pour vendre l’immeuble doit

songer à demander au vendeur du ou des immeubles s’il n’y aurait pas des meubles « attachés à » et vendus

en même temps que l’immobilier.

On peut pousser plus avant la réflexion en se demandant si, vendus séparément de l’immobilier

donc par principe non préemptables, les biens mobiliers sont ou non soumis à l’obligation d’information

élargie préalable ? Certains sont tentés de dire oui, au motif qu’il s’agit de « biens ruraux » ! En fait, il

convient d'être raisonnable et distinguer suivant les meubles. Les corporels, et la plupart des incorporels,

vendus détachés de l’immobilier n’ont pas à faire l’objet d’une information préalable à la SAFER et ne sont

donc pas préemptables. En revanche, s’agissant du cas particulier des meubles incorporels que sont les parts

sociales, les textes ont spécialement prévu que, d’une part, elles doivent faire l’objet d’une information

préalable à la cession et que, d’autre part, la SAFER peut exercer son droit de préemption lorsque

l’aliénation, à titre onéreux ou gratuit, porte sur la totalité des parts ou actions d’une société agricole.

40 - La même contrainte a été prévue dans la règle initialement réservée aux zones de montagne.

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La loi « Sapin II », actuellement en discussion, propose d'aller plus loin avec l'introduction (très

critiquable et très critiquée : voir nos observations in JCP N du 1er juillet 2016 sur « SAFER et sociétés : les

liaisons dangereuses »), par un nouvel article L 143-15-1 dans le Code rural et de la pêche maritime, d'un

droit de préemption de la SAFER même dans l'hypothèse d'une cession simplement partielle des parts ou

actions de sociétés.

a) Les biens meubles corporels

Le décret du 31 juillet 2015 a modifié et simplifié la rédaction de l’article R 143-2. Dorénavant « Sont

considérés comme biens mobiliers, pour l'application de l'article L. 143-1, les cheptels mort ou vif, les stocks

nécessaires à l'exploitation ou tout autre élément ou investissement réalisé en vue d'améliorer le fonds ou de

diversifier et de commercialiser la production, attachés aux biens immobiliers définis au même article. ». On

l’a compris, au-delà d’une approche civiliste est privilégiée l’attache économique : les meubles doivent avoir

un rapport avec l’activité agricole.

b) Les biens meubles incorporels

1. Les droits à paiement de base (DPB)

Depuis la LOA du 5 janvier 2006, l’article L 143-1 dispose qu’il « est institué au profit des sociétés

d'aménagement foncier et d'établissement rural un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux

de biens immobiliers à utilisation agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains à

vocation agricole ….. lorsque l'aliénation à titre onéreux porte de façon conjointe sur des terrains à vocation

agricole et des DPU, ce droit de préemption peut s'exercer globalement sur l'ensemble ainsi constitué aux

seules fins d'une rétrocession conjointe des terrains et des droits ainsi acquis, selon des modalités fixées par

texte d’application »41.

En fait la règle ne change pas, la LAAAF 2014 se contentant d’intégrer la nouvelle terminologie issue

de la dernière réforme de la PAC, pour viser à l’alinéa 4 de L 143-1 nouveau non plus les droits à paiement

unique (DPU) mais les droits à paiement de base (DPB), pour continuer de prévoir : « Lorsque l’aliénation à

titre onéreux porte de façon conjointe sur des terrains à vocation agricole et des droits à paiement découplés

au titre de la PAC … ». La suite du texte est inchangée, en ce que si la SAFER préempte l'ensemble

(immeubles et meules incorporels que sont les DPB) elle devra rétrocéder l'ensemble et ne saurait imaginer

une dissociation entre les meubles et les immeubles.

2. Les parts sociales

41 - CRPM, art. D 143-4-1 ;plus l’arrêté du 2 avr. 2007.

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Avant la LAAAF du 13 octobre 2014, les SAFER n’étaient pas autorisées à préempter des droits

sociaux. Tout au plus avait-il été prévu que, pour réaliser leurs missions, les SAFER puissent acquérir « à

l’amiable » : « des parts de sociétés civiles à objet agricole donnant vocation à l’attribution en propriété ou

en jouissance de biens agricoles ou forestiers (acquisition « partielle ») ou l’intégralité des parts ou actions de

sociétés ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole, et notamment des parts de GFA »42.

Étant rappelé que l’article R 143-9 4° obligeait le rédacteur (notaire ou personne chargé de dresser l’acte

d’aliénation) à notifier aux SAFER par LRAR « les aliénations portant sur des parts sociales, telles que définies

à l’article L 141-1 II 3° »43.

Mais de facto l’acquisition de parts par une SAFER était doublement limitée. D’une part, cela ne

pouvait jouer que pour « les sociétés civiles à objet agricole », et encore envisageable uniquement dans

celles pouvant compter parmi leurs membres des personnes morales44. D’autre part, les parts devaient

donner « vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance de biens agricoles ou forestiers »45. En cas

d’acquisition de la totalité du capital social, le texte prévoyait comme seule condition que la société ait «

pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole ». Et force est de constater qu’en pratique, rares

étaient les cessions de parts sociales portées à la connaissance de la SAFER, sachant que l’article R 143-9 4°

ne prévoyait aucune sanction en cas de défaut d’information !

En la matière, la LAAAF 2014 opère une évolution significative, rendant la préemption possible « en

cas d’aliénation à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal

l’exploitation ou la propriété agricole, lorsque l’exercice de ce droit a pour objet l’installation d’un

agriculteur ». En fait, trois évolutions se dégagent : deux en matière d’information et l’une en matière de

préemption.

S’agissant de l’information, il a été procédé à une réécriture46 du 3° du &2 de l’article L 141-147 pour

indiquer que les SAFER peuvent « acquérir (sous-entendu ici à l’amiable) des actions ou parts de sociétés

42 - CRPM, art. L 141-1 II 3° (réd. LOA 99).

43 - Visait en fait toutes « les cessions à titre onéreux » et ce, encore une fois pour l’exercice du droit d’acquisition de droits sociaux prévu par L 141-

1 seulement (CE 10 nov. 2002) et non par préemption.

44 - En pratique, ne pouvait être concerné que le GFA, pour laquelle la loi a prévu, en faveur des SAFER, une dérogation au principe voulant que ce

type de société soit constitué entre personnes physiques.

45 - Ce qui supposait en pratique que les parts soient numérotées ou affectées à des biens déterminés.

46 - Avant LAAAF : « parts de sociétés civiles à objet agricole donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance de biens agricoles ouforestiers, ou l’intégralité des parts …, et notamment, par dérogation à L 322-1 (GFA société entre pers. phys.) des parts de GFA.

47 - Listant les moyens d’action des SAFER pour mener à bien leurs missions.

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ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole notamment par dérogation à l’article L 322-

148, la totalité ou une partie des parts de groupements fonciers agricoles ou de groupements fonciers

ruraux ». A l’évidence, il s’agit là d’une rédaction simplifiée de nature à faciliter l’acquisition à l’amiable par

une SAFER de toute action ou parts de sociétés (civiles ou commerciales) ayant pour objet l’exploitation

(EARL, SCEA, SARL, SAS …) ou la propriété (GFA, GFR, voire SCI). L’ouverture mérite sans doute d’être

relativisée dans la mesure où, d’une part la participation d’une SAFER dans un GFA ne peut toujours pas

dépasser 30%49 ; d’autre part, une SAFER ne peut toujours pas se retrouver associé d'un GAEC ou d'une

EARL ; enfin se posera la question de l’articulation (et de la compatibilité) avec le droit des sociétés (légal ou

statutaire).

D’autre part et surtout, ne pas informer la SAFER territorialement compétente de mouvements de

parts sociales expose le notaire (ou le cédant, ou son représentant dûment mandaté) à des sanctions,

variables suivant que les biens cédés étaient ou non préemptables50 (cf partie I., D).

En matière de préemption, le nouvel alinéa 6 de l’article L 143-1 prévoit clairement que les SAFER

peuvent « exercer leur droit de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de la totalité des parts ou

actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole, lorsque l’exercice de ce

droit a pour objet l’installation d’un agriculteur ».

La formulation proposée appelle trois remarques. D’une part, la préemption n’est possible qu’en cas

de cession de la « totalité » des parts. D’autre part, peu importe la forme de la société ; ce qui compte c’est

qu’elle ait « pour objet principal l’exploitation » (forme civile comme commerciale) ou « la propriété

agricole » (GFA, SCI..). Enfin, une SAFER ne peut préempter la totalité des parts qu’avec pour finalité

« l’installation d’un agriculteur ».

Maintenant, si au-delà d’une rédaction simplifiée51 la disposition accroît le droit de préemption, il

convient là encore de relativiser l’ouverture car, d’une part, il suffit de ne pas vendre la totalité des parts en

une seule fois pour échapper au droit de préemption de la SAFER (attention à l’abus de droit, et à l'évolution

suggérée par la loi Sapin 2 !) ; d’autre part, la SAFER décidant de préempter la totalité des parts doit être sûr

de son coup, puisque s’il advenait qu’à la suite de sa préemption ne soit pas installé un agriculteur,

48 - Définition du GFA, constitué qu’entre personnes physiques.

49 - CRPM, art. L 322-2.

50 - CRPM, art. L 141-1-1 nouv., & 2 et 3.

51 - Pour rappel, le texte parlait jusqu’alors de « parts de sociétés civiles à objet agricole donnant vocation à l’attribution en propriété ou en

jouissance de biens agricoles ou forestiers, ou l’intégralité des parts …, et notamment, par dérogation à L 322-1 (GFA société entre pers. phys.) desparts de GFA.

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l’acquéreur des parts sociales évincé pourrait légitimement saisir la justice pour contester le bien-fondé de la

préemption ; enfin, pourrait se poser la question une fois encore de la compatibilité entre le droit rural et le

droit des sociétés (légal et/ou statutaire).

C) Le nouveau droit de préemption « partielle » de la SAFER

Le domaine d’application du droit de préemption de la SAFER est susceptible de faire difficulté

quand des terres et/ou bâtiments agricoles sont mis en vente avec par exemple des biens bâtis mais qui ne

sont plus utilisés pour une activité agricole, ou avec un ensemble immobilier résidentiel. En effet, dans une

telle hypothèse le droit de préemption de la SAFER peut se trouver paralysé pour le tout, en raison de

l’indivisibilité des biens aliénés et du principe d’interprétation stricte du droit de préemption.

Aussi les SAFER ont-elles pu se plaindre de ce que leur échappaient certaines terres dont elles

auraient aimé se porter acquéreur en vue de les rétrocéder pour installer des jeunes, conforter des

exploitations.. . Une fois encore leur plainte a été entendue puisque la LAAAF du 13 octobre 2014 revient sur

la règle, en permettant aux SAFER – naturellement sous conditions - d’exercer leur droit de préemption sur

une partie seulement des biens aliénés.

S’il s’agit d’une véritable nouveauté pour le ruraliste, la possibilité d’une préemption partielle existe

déjà en matière de droit de préemption urbain52, ou de droit de préemption du département dans les ENS53

ou ENAP54.

1° - L’entrée en vigueur

L’article 29 6° de la LAAAF du 13 octobre 2014 instaurant le droit de préemption partielle n’a pas

expressément prévu que les conditions d’application de la nouvelle mesure seraient précisées par décret.

Pourtant et à l’évidence, il fallait des mesures d’application, ne serait-ce que pour traiter de questions telles

que l’obligation ou non de ventiler le prix, le délai de réponse du vendeur suite à une décision de

préemption partielle par la SAFER… . C’est l’un des objectifs du décret du 31 juillet 2015 que de préciser les

modalités d’application d’un droit de préemption partielle, dorénavant prévu aux articles L 143-1-1 et L 143-

1-2 du Code rural et de la pêche maritime. Le nouveau dispositif est du coup en vigueur et pleinement

opérationnel depuis le 1er janvier 2016.

52 - C. urba., art. L 211-1 s.

53 - C. urba., art. L 113-8 s.

54 - C. urba., art. L 113-15 et s.

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Le nouvel article R 143-4, qui détaille le droit de préemption partielle, ne figure pas au nombre des

dispositions que l’article 5 &2 du décret déclare applicable aux cessions dont la date de réalisation est

postérieure au 1er mars 2016. Maintenant, l’alinéa 1er de R 143-4 faisant référence à la notification adressée

par le notaire en « application des articles R 141-2-1 ou R 141-2-2 » (nouvelle DIA), les obligations de ces

textes ne sont applicables qu’aux cessions dont la date de réalisation est postérieure au 1er mars 2016 ; aussi

est-il cohérent d’en déduire qu’il en est de même pour l’application du droit de préemption partielle.

2° Le champ d’application de la préemption partielle

Selon l’article L 143-1-1, la SAFER ne peut exercer une préemption partielle que dans l’hypothèse où

l’opération porte simultanément sur :

a) des terrains à usage agricole ou à vocation agricole

et sur une ou plusieurs des catégories de biens suivants :

b) des bâtiments à usage agricole et les biens mobiliers qui leur sont attachés ;

c) et/ou des bâtiments d’habitation faisant partie d’une exploitation agricole et/ou des bâtiments ayant

eu un usage agricole dans les cinq ans ;

d) et/ou des biens pour lesquels elle ne bénéficie pas d'un droit de préemption.

Si ces conditions sont réunies, alors la SAFER peut (sans naturellement y être obligée) exercer une

préemption partielle mais que sur les biens pour lesquels existe son droit de préemption. Ainsi une SAFER

pourrait-elle à sa guise déclarer préempter :

- uniquement sur les terrains nus (à usage ou vocation) et les biens mobiliers attachés.

- ou sur ces mêmes biens et certains, voire sur la totalité des biens préemptables inclus dans la

notification (Bâtiments à usage agricole et les biens mobiliers attachés et/ou des bâtiments d’habitation

faisant partie d’une exploitation agricole et/ou des bâtiments ayant eu un usage agricole dans les 5 ans).

Dit autrement, dans le cadre d’une préemption partielle la SAFER pourrait déclarer préempter sur :

a ou a + b ou a + c ou a + b + c ….. mais jamais sur d !

3° La procédure

Le texte nouveau55 prévoit deux hypothèses distinctes :

- en cas de ventilation de la valeur des biens par le notaire (libre choix), la SAFER peut exercer son droit de

préemption sur les biens préemptables dans les conditions habituelles, c’est-à-dire soit au prix proposé, soit

en faisant une offre d’achat à ses propres conditions ;

55 - CRPM, art. R 143-4.

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- en l’absence de ventilation, la SAFER peut présenter une offre de prix pour les biens sur lesquels elle

souhaite exercer son droit de préemption partielle. Naturellement, une telle offre devra avoir obtenu au

préalable l’accord exprès des commissaires du Gouvernement.

En termes de délai, la décision d’une préemption partielle doit être notifiée dans le délai habituel de

deux mois dont la SAFER dispose pour préempter. Étant précisé que la réponse de la SAFER doit – comme

pour toute DIA – être portée à la connaissance du notaire mais également, et c’est nouveau, à celle du

vendeur. Vendeur informé de la préemption partielle qui dispose alors à son tour d’un délai de deux mois

pour donner sa réponse à la SAFER, réponse transmise par le notaire chargé d’instrumenter. Il faut en la

matière faire preuve de grande prudence pour le notaire et surtout son client puisque le texte56 prévoit que :

le silence gardé par le vendeur vaut acceptation.. et donc accord pour une préemption partielle !

A savoir que le courrier de la SAFER doit rappeler les possibilités d’action offertes au vendeur suite à

sa décision de préemption partielle.

4° La garantie des intérêts du vendeur

Pour préserver au mieux les intérêts du vendeur, la loi lui offre le choix entre trois solutions.

Première option, le vendeur accepte purement et simplement la préemption partielle de la SAFER !

Alors l’opération se poursuit classiquement par la réalisation de la vente au profit de la SAFER, avec

signature de l’acte authentique.

Au titre de la deuxième option, le vendeur peut accepter la préemption partielle, sous réserve

d’indemnisation pour la perte de valeur des biens exclus de la préemption. En effet, on conçoit aisément

que par exemple la maison de campagne (non préemptable parce que jamais d’usage agricole) ait une valeur

moindre si on lui retire quelques hectares autour. A partir de là, la SAFER dispose d’un délai d’un mois pour

faire connaître au notaire sa décision. Trois possibilités s'offrent à elle : renoncer à l’opération (possibilité

non prévue par LAAAF mais subtilement (et heureusement pour la SAFER) ajoutée par le décret du 31 juillet

2015 !), avec pour conséquence que la vente pourra être faite à l’acquéreur pressenti ; accepter le montant

de l’indemnisation (avec avis préalable des CDG), auquel cas la vente est parfaite obligeant la SAFER d’une

part à acquérir les biens et d’autre part à verser l’indemnité « compensatrice » au vendeur ; refuser

l’indemnisation demandée57, décision manifestant le désaccord entre les parties sur le montant de

l’indemnisation et ouvrant alors à la partie la plus diligente un délai de 15 jours pour saisir le TGI afin qu’il en

fixe le montant58.

Mais le vendeur peut préférer la troisième option, par laquelle il demande à la SAFER d’acquérir

l’ensemble de la propriété cédée. Face à une telle demande, la SAFER dispose d’un mois pour : soit renoncer

à l’opération (là encore l’échappatoire n’était pas prévu pour la SAFER par la LAAAF mais a été habilement

ajouté par le décret du 31 juillet 2015 !), sachant que son silence vaut renonciation et acceptation … auquel

cas la vente pourra être faîte au profit de l’acquéreur pressenti ; soit accepter l’acquisition de l’ensemble

56 - CRPM, art. R 143-4 al. 3 in fine.

57 - CRPM, art. R 143-4 al. 4.

58 - On soulignera -pour le regretter- que le texte ne prévoit rien sur les possibilités offertes aux parties après la décision rendue par le TGI !

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cédé : la vente est alors parfaite, la SAFER étant tenue d’acquérir l’ensemble et de rétrocéder les biens pour

lesquels elle ne bénéficie pas d’un droit de préemption et ce, en respectant un ordre de priorité visé par les

textes (le bien non préemptable objet d'une acquisition forcée devra être proposé d'abord à l'acquéreur

évincé , puis s'il refuse au candidat attributaire des biens préemptés, et si ce dernier refuse à tout candidat

dont le projet répond aux objectifs de l'article L 143-2 et, en dernier lieu, à tout candidat dont le projet

s'intègre dans les missions générales de la SAFER telles qu'envisagées à l'article L 141-1 du Code rural et de la

pêche maritime).

A souligner que, quel que soit l’attributaire, le prix de cession de ces biens ne pourra excéder leur

prix d’achat par la SAFER, majoré des frais qu’elle aura supportés (frais de notaire, stockage, gestion) !

Cette possibilité de préemption partielle, encore une fois nouvelle pour les ruralistes, appelle

quelques remarques. En effet, on peut regretter l’absence de « parallélisme » entre la réaction du vendeur

dont le silence vaut « acceptation », et celle de la SAFER dont le silence gardé vaut avantageusement

« renonciation et rétractation ». C’est d’autant plus étonnant que le dispositif a été calqué sur le droit de

préemption urbain, dont les textes prévoient que « le silence gardé par le propriétaire vaut renonciation » à

l’aliénation ! Se pose aussi la question de savoir, dans l’hypothèse où la SAFER est forcée par le vendeur à

acquérir l’ensemble cédé, si elle achète le bien (qui n’est pas dans la sphère de son droit de préemption) au

titre du droit de la vente ou de son droit de préemption qui serait élargi ? Si la seconde solution était

retenue, cela pourrait vouloir dire qu’elle peut peut être faire une contre-offre ? A savoir qu’en matière de

droit de préemption urbain toujours, le Conseil d’État considère que lorsque le vendeur oblige la commune à

tout acheter, c’est au titre de « son droit de préemption » ! Affaire à suivre..

III. - SAFER ET DISPOSITIONS DIVERSES

En plus de ces évolutions tout à fait majeures que sont l'information élargie et un droit de

préemption nettement (trop?) renforcé, le législateur en a profité pour toiletter d'autres dispositions SAFER,

de nature pour certaines à lui assurer un rôle majeur dans l'agriculture.

A) Les opérations locatives.

L’article L 142-6 dispose que « Tout propriétaire peut, par convention, mettre à la disposition d'une

société d'aménagement foncier et d'établissement rural, en vue de leur aménagement parcellaire ou de leur

mise en valeur agricole, pour autant que cette dernière soit effectuée par des agriculteurs, conformément au

but fixé par les articles L. 141-1 à L. 141-5, des immeubles ruraux libres de location. Ces conventions sont

dérogatoires aux dispositions de l'article L. 411-1. La durée maximale des conventions est de six ans,

renouvelable une fois, quelle que soit la superficie des immeubles ruraux mis à disposition. Il en est de

même pour la mise à disposition d'immeubles ruraux dans le cadre de conventions conclues avec l’État, une

collectivité territoriale ou un établissement public. »

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« La durée des conventions est de six ans au maximum, renouvelable une fois, pour les immeubles

ruraux situés dans les périmètres de protection et d'aménagement des espaces naturels et agricoles délimités

en application de l'article L. 113-16 du code de l'urbanisme, ainsi que pour les conventions portant sur la mise

à disposition, pour un usage de pâturage extensif saisonnier, d'immeubles ruraux situés dans les communes

mentionnées à l'article L. 113-2 du présent code ».

« A cet effet, la SAFER consent des baux qui ne sont soumis aux règles résultant du statut du

fermage que pour ce qui concerne le prix. Ces baux déterminent, au moment de leur conclusion, les

améliorations que le preneur s'engage à apporter au fonds et les indemnités qu'il percevra à l'expiration du

bail. »

« A l'expiration de ce bail, lorsque celui-ci excède une durée de six ans, le propriétaire ne peut donner

à bail dans les conditions de l'article L. 411-1 le bien ayant fait l'objet de la convention ci-dessus sans l'avoir

préalablement proposé dans les mêmes conditions au preneur en place. »

Voilà une évolution qui de prime abord paraît peu substantielle, et qui pourtant est de nature à

susciter l'intérêt de bon nombre de propriétaires ruraux. En effet, ceux qui le souhaitent pourront par ce

biais faire exploiter leurs biens, quelle qu'en soit la superficie dorénavant, pendant une durée pouvant aller

jusqu'à 12 ans et ce en franchise pour ainsi dire totale (hormis la fixation du prix) du statut du fermage, jugé

par la plupart des propriétaires comme un carcan dissuasif. Facilité, souplesse d'une location de longue

durée dont les SAFER ne devraient pas manquer de faire la publicité, puisqu'il va de soi que leur intervention

donne lieu au versement d'une commission (forfaitaire ou proportionnelle) au fermage versé.

L'occasion nous est donnée de rappeler les autres modes d'action de la SAFER en matière locative :

la convention d’occupation provisoire et précaire (COOP), sur le foncier dont elle est propriétaire et ce, dans

l'attente de la rétrocession du bien ; l’inter-médiation locative59, pour une mise en relation entre un

propriétaire et un ou plusieurs locataires en vue de conclure un bail rural, dans le but de favoriser une

transmission groupée (par exemple la SAFER rétrocède le foncier). A savoir que chaque locataire est agréé

par la SAFER et il reçoit l’autorisation d’exploiter au sens de la réglementation relative au contrôle des

structures !

B) Nouvelles modalités du contrôle des structures en cas de cession de biens par la SAFER

Jusqu’alors, la rétrocession des biens via la SAFER était soumise soit à autorisation, soit à simple

déclaration60. La LAAAF de prime abord réintègre les opérations SAFER dans le droit commun du contrôle des

structures, mais à y regarder de plus près il s'agit en fait d'une simplification particulièrement favorable à la

SAFER. En effet, lorsque la mise en valeur par le candidat à la rétrocession est soumise à autorisation

d’exploiter, l’avis donné par le commissaire du Gouvernement tient lieu d’autorisation d’exploiter. Si à

l’inverse, le commissaire du gouvernement considère que le candidat à la rétrocession ne doit pas être

59 - CRPM, art. L 141-1 4°.

60 - CRPM, art. L 331-2 & I 7° et L 331-2-2 &2.

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autorisé à exploiter les biens qu’il veut acquérir, le commissaire du Gouvernement en fait mention dans son

avis, mention qui vaut alors refus d’autorisation d’exploiter61.

Autant dire qu'une fois encore, les SAFER devraient mettre en avant cette particularité pour séduire

d'éventuels acquéreurs pour lesquels le contrôle des structures serait un obstacle difficile, voire impossible à

franchir « en direct ».

C) Transmission par la SAFER des informations détenues

Le nouvel article L 141-1-2 du Code rural et de la pêche maritime impose aux SAFER de

communiquer à l’État les informations :

- qu’elles reçoivent sur cessions de parts ou actions de sociétés ayant obtenu l’autorisation d’exploiter ;

- qu’elles détiennent sur : - prix, surface, nature et référence cadastrale des biens concernés par les

cessions, - l’évolution des prix et l’ampleur des changement de destinations des terres.

D) Evolution des modalités de fonctionnement des SAFER62

La nouvelle loi prévoit que les SAFER devront se regrouper, à l’échelon régional ou inter-régional.

Initialement avait été retenue comme date butoir le 1er juillet 2016. Or, pour tenir compte des cas

particuliers où leur zone d’action ne correspond plus aux périmètres des nouvelles régions administratives,

l’échéance est reportée au 1er juillet 201863. Il en résulte comme conséquence naturelle la possible

prorogation des décrets accordant aux SAFER concernées le droit de préemption.

A noter également que la composition de leur conseil d'administration évolue, pour s'ouvrir à

d'autres acteurs du monde rural (ex. un représentant du monde de la chasse).

E) De nouvelles priorités d’attribution dans les rétrocessions SAFER64

1° Agriculture biologique

Dorénavant, quand une SAFER met en vente un terrain dont les productions relèvent du mode de

production « agriculture biologique », elle devra céder le terrain en priorité à un candidat s’engageant à

poursuivre en exploitation bio pour 6 ans au moins ; d’où la nécessité, apparue dans les formulaires de DIA,

61 - CRPM, art. L 331-2 & 3, créé par art. 32 III 1° de la LAAAF 2014.

62 - CRPM, art. L 141-6.

63 - Ord. n° 2016-316, 17 mars 2016 : JORF 18 mars 2016.

64 - CRPM, art. L 142-5-1.

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de signaler si les parcelles vendues font l’objet d’une exploitation de type AB. En revanche, c'est le silence

sur une éventuelle inscription du mode particulier de production dans un cahier des charges, sur les

éventuelles sanctions si le rétrocessionnaire cessait d'exploiter selon le mode de production biologique

(droit de délaissement ?).

2° Les parcelles boisées

a) Référence au classement « cadastral » des parcelles boisées

Par principe, les bois et forêts sont exclus du champ d’application de la préemption, même si leur

cession doit faire l'objet d'une information préalable. Avec la difficulté de savoir ce qu'il faut entendre par

parcelles « boisées » en l'absence de définition juridique du bien. Pour simplifier la tâche, le législateur

propose de reprendre en matière de SAFER la terminologie retenue en matière de droit de préférence et/ou

de préemption sur les parcelles boisées dont bénéficient les voisins contigus, les communes voire l’État.

Dorénavant, référence sera faîte au seul classement cadastral des parcelles boisées. Ainsi, sont à regarder

comme des parcelles classées au cadastre en nature de bois et forêts, les parcelles qui apparaissent sous la

dénomination suivante dans la colonne « Nature de culture ; Groupes et Sous-Groupes » de la matrice

cadastrale : B (bois), BF (Futaies feuillus), BM (Futaies Mixtes), BO (Oseraies), BP (Peupleraies), BR (Futaies

résineuses), BS (Taillis sous futaies), et BT (Taillis simples) et LB (Landes boisées). En rappelant que les

dispositions de l’article 1406, I du Code général des Impôts imposent au vendeur propriétaire de porter à la

connaissance de l’administration fiscale les changements de consistance et d’affectation des propriétés

bâties et non bâties, et de mettre en conformité ses parcelles avec leur nature réelle.

Attention, si le principe est celui de la non préemption SAFER sur les parcelles classées au cadastre en

nature de bois, il importe de rappeler qu'à titre exceptionnel et dans les seules hypothèses visées à l’article L

143-4, 6°, a) à d) du CRPM, la SAFER retrouve un droit de préemption.

b) Vente de parcelles boisées de moins de 10 ha par la SAFER

Obligation est faîte à la SAFER de choisir comme attributaire de parcelles boisées qu'elle propose à la

vente, un propriétaire de terrains boisés (cadastre ou réalité ? .. que la SAFER peut facilement connaître)

contigüs. S'il advenait que plusieurs propriétaires répondent à ces critères, le prioritaire est celui dont les

terrains boisés font l’objet d’un document de gestion visé au 2° de L 122-3 du Code forestier ; s'ils sont

plusieurs dans ce cas, il n'est pas dit si la SAFER choisit librement l'intéressé. Le législateur a toutefois prévu

certains cas dans lesquels cette priorité d’attribution n’est pas applicable : surfaces boisées visées aux b et c

du 6° de L 143-4 ; terrains boisés attribués avec un bâtiment d’habitation ou d’exploitation auxquels ils sont

attenants ; terrains boisés attribués avec d’autres parcelles agricoles non boisées, si la surface agricole est

prépondérante.

F) Droit de préemption spécifique dans les espaces agricoles et naturels périurbains (ENAP)

Par évolution de la rédaction de l’article L 143-7-1 al. 5 du Code rural et de la pêche maritime, une

incertitude est levée en ce que dorénavant la SAFER qui exerce, à la demande et au nom du département, le

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droit de préemption prévu au 9° de l’article L 143-2 (ENAP) peut faire usage de la procédure de révision du

prix prévue à L 143-10 du même code.

Par ailleurs, lorsque ce droit de préemption est exercé pour acquérir la fraction d’une unité foncière

comprise dans un ENAP, le propriétaire peut exiger que l’acquisition porte sur l’ensemble de l’unité foncière

(réquisition d’emprise totale). Alors la juridiction compétente en matière d’expropriation est compétente

pour statuer tant sur la révision du prix de vente que sur l’éventuelle dépréciation subie par la fraction

restante de l’unité foncière du fait de la préemption partielle65.

G) Information des communes et rétrocession des biens

Dorénavant, la SAFER se doit d’informer la ou les communes concernées, préalablement à toute

rétrocession de leur intention de mettre en vente un bien situé sur le territoire de ladite commune66.

H) Obligations mises à la charge du rétrocessionnaire

1° Extension possible du cahier des charges à des engagements environnementaux

La SAFER pouvait et imposait déjà au rétrocessionnaire des biens un cahier des charges comportant

l’engagement du maintien pendant un délai minimal de 10 ans de l’usage agricole ou forestier ou de la

qualité environnementale des biens attribués, et soumettant, pendant ce délai, toute opération de cession à

titre onéreux en propriété ou en jouissance des dits biens à son accord préalable. Ce délai minimal est porté

à 18 ans si le bien attribué est situé dans un périmètre d’un ENAP de L 113-16 du Code de l’urbanisme67. Or

le décret du 31 juillet 2015 complète ce dispositif puisque dorénavant, le cahier des charges pourra prévoir

que l’attributaire est tenu au respect d’engagements visant à la mise en valeur des paysages, pour une durée

adaptée en fonction de l’enjeu à protéger et des stratégies définies par les personnes publiques, sans

pouvoir excéder 30 ans68.

2° Intégration du cahier des charges à l’acte de vente

Non pas issu de la LAAAF d'octobre 2014 mais de son décret d'application du 31 juillet 2015, il

résulte que le cahier des charges sera dorénavant intégré dans l’acte de vente objet d’une publicité

foncière69.

65 - Modification de l'article R 143-15 IV ; R 143-12 al. 5.

66 - CRPM, art. L 143-7-2 al. 2.

67 - CRPM, art. R 142-1 al. 4.

68 - CRPM, art. R 142-1 al. 5 mod.

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PARTIE II – OBSERVATIONS SUR QUELQUES DÉCISIONS EN MATIÈRE DE CONGÉ DÉLIVRÉ DANS LE CADRE DU BAIL RURAL

Congé pour reprise : la plantation d’arbres ne fait pas l’agriculteur !

Le droit de reprise est une prérogative que la loi (CRPM, L 411-58) accorde au bailleur pour rompre

le bail ou plus fréquemment s’opposer à son renouvellement. Ce droit est finalisé en ce que la reprise ne

peut être exercée que pour des motifs strictement définis par le Code rural et de la pêche maritime, au titre

desquels figure en premier lieu l’exploitation des terres louées par le bailleur, son conjoint, le partenaire

auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou un descendant majeur ou mineur émancipé.

En l’espèce, le fermier, en place depuis plusieurs années en vertu d’un bail rural sous-seing privé, le

s’était vu délivrer un congé aux fins de reprise des biens loués, qu’il avait décidé d’exécuter en libérant les

lieux au terme du bail. Quelques années plus tard, le même fermier, exploitant deux autres parcelles en

vertu d’un simple bail verbal, reçoit de nouveau un congé pour reprise au bénéfice du même bailleur. Cette

fois-ci, il se décide à agir en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux, en réclamant tant l'annulation du

congé fraîchement délivré que de celui envoyé quelques années plus tôt. En fait, l’action se divisait avec d’un

côté une action en contestation a priori de la reprise envisagée et, de l’autre, une action a posteriori de la

réalité de la reprise effectuée.

La difficulté tenait ici à la réalité de la reprise pour exploiter eu égard à l’activité déployée sur les biens repris

par le bailleur. En effet, en vertu de l’article L 411-59 du Code rural et de la pêche maritime, le bénéficiaire

de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans,

soit à titre individuel, soit au sein d’une société. Et le texte d’ajouter qu’il ne saurait se limiter à la direction

et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et

permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation, qu’il doit

posséder le matériel nécessaire à l’exploitation ou disposer des moyens nécessaires pour l’acquérir, et

qu’enfin, il doit justifier, par tous moyens, de ce qu’il satisfait aux obligations qui lui incombent et qu’il

répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle requises.

Se pose alors la question de savoir si planter des arbres, en l’occurrence des frênes, sur une parcelle

constitue une activité agricole au sens de l’article L 311-1 du Code rural et de la pêche maritime, qui en

donne une définition juridique depuis 1988 ; définition dont les contours sont régulièrement affinés par la

jurisprudence.

Pour prétendre satisfaire aux exigences du texte, le bailleur-repreneur, artisan paysagiste de son état,

justifiait d’un brevet de technicien agricole (option « horticulture » et sous-option « jardins et espaces

verts »), d’une affiliation depuis de nombreuses années à la MSA et de la possession d'engins agricoles. Et

selon lui, son action n’avait pas consisté en une simple plantation forestière mais bien à développer sur les

parcelles reprises une activité de pépiniériste, complémentaire à son activité principale de paysagiste.

Arguments qui ont suffi à convaincre les juges d’appel qui, pour rejeter les demandes de contestation et

donc considérer comme valables les congés délivrés pour reprise, ont retenu que la mise en terre de plants

de frênes et la culture de ces plants jusqu’à leur maturité en vue d’obtenir des arbres susceptibles d’être

utilisés dans le cadre d’une activité de paysagiste « constitue l’exercice d’une activité agricole en ce que

l’intervention humaine contribue au développement et à la croissance du végétale ».

69 - CRPM, art. R 142-1 al. 6 mod.

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Décision censurée par la Cour de cassation pour qui « une activité de pépiniériste, complémentaire

de la profession de paysagiste, consistant à planter des arbres de la même essence sur la parcelle reprise, ne

peut à elle seule caractériser l’existence d’une exploitation agricole » (Cass. 3e civ., 19 nov. 2015, n° 14-

23.671).

En fait, la faiblesse du raisonnement censuré par la juridiction suprême tenait au fait que l’activité de

pépiniériste était secondaire, accessoire par rapport à l’activité principale du bailleur exerçant la reprise, qui

était avant tout paysagiste. Or et assez naturellement, l’activité de paysagiste ne saurait être regardée

comme entrant dans la sphère de l’activité agricole au sens de l’article L 311-1 du Code rural et de la pêche

maritime.

En revanche, exercer à titre principale l’activité de pépiniériste peut tout à fait, et du reste a été déjà

jugé comme telle (v. Cass. 2e civ., 21 févr. 2002, n° 01-60017 : Bull. civ. II, n° 17), être considéré comme :

« une activité agricole au sens de l’article L. 311-1 du Code rural ». La pratique se retrouve bien dans l’activité

agricole par nature, puisque consistant en une intervention sur un cycle végétal, généralement de courte

durée puisque après quelques années de pousse la plante devenue arbuste est destinée à être replantée.

Pour les juges, s’assurer la maîtrise de tout ou partie d’un cycle biologique de caractère végétal par le

développement et la croissance des arbres, correspond à une véritable exploitation agricole. Mais il importe

de souligner que dans la décision rendue en 2002, l’intéressé avait pour principale et unique profession celle

de pépiniériste ; en cette qualité, il mettait en valeur une exploitation agricole dont l’importance était égale

à au moins la moitié de la SMI, était inscrit sur les fichiers de la MSA dans le collège des chefs d'exploitation

agricole et était assujetti à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices agricoles.

Si planter, faire pousser des arbres peut être considéré comme l’exercice d’une activité agricole par

nature, il en va autrement lorsque l’on est en présence d’une véritable plantation forestière qui, pour la Cour

de cassation, ne saurait constituer une exploitation agricole du bien repris en matière de baux ruraux (Cass.

3e civ., 30 avr. 1997, n° 95-15.971 : Bull. civ. III, n° 94).

La distinction entre activité agricole et forestière n’est donc pas chose aisée et tiens sans aucun

doute à la durée du cycle et à la destination des arbres. S’ils sont présents sur le terrain quelques années afin

de croître dans la perspective d’être replantés, l’on s’est sans doute en présence d'une véritable activité

agricole ; si en revanche, les arbres vont connaître un très long cycle de vie sur les terrains avant d’être

exploités à la suite de leur abattage, là à l’évidence nous sommes dans l’activité forestière et donc pas

agricole au sens de L 311-1 du Code rural et de la pêche maritime.

En l’espèce la situation et la solution était plus simple puisque, si tant est qu’il y ait eu activité de

pépiniériste (quelques arbres plantées sur une parcelle, plutôt laissée à l’abandon par la suite), celle-ci

n’était que l’accessoire d’une activité principale de paysagiste qui elle, à coup sûr, ne saurait être considérée

comme une activité agricole pouvant justifier par le bailleur l’exercice d’un droit de reprise des terres louées.

Cass. 3e civ., 19 nov. 2015, n° 14-23.671

Mots clefs : Activités de paysagiste et de pépiniériste – Qualification de l’activité – Exercice du droit de

reprise pour activité agricole – Validité du congé délivré.

CRPM, art. L 311-1.

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Apport du droit au bail : le congé doit être délivré à la bonne personne

Dans des conditions strictement définies puisque le principe demeure celui de l’interdiction de céder

son bail (CRPM, art. L 411-35), le preneur « peut faire apport de son droit au bail à une société civile

d'exploitation agricole ou à un groupement de propriétaires ou d'exploitants » sous réserve d’avoir

l'agrément personnel du bailleur (sans recours possible au TPBR en cas de refus du bailleur, comme la loi le

prévoit s’agissant d’une cession de bail opérée dans un cadre familial) et sans préjudice du droit de reprise

de ce dernier.

Aussi, le bailleur qui viendrait à donner son accord pour que le bail consenti, en l’espèce à deux

époux, soit transféré à une société d’exploitation agricole doit-il s’en souvenir en moment de délivrer congé

à l’adressant au bon destinataire, sous peine que celui-ci ne produise le moindre effet.

En l’occurrence, huit ans après avoir autorisé ses locataires, dans un acte sous-seing privé, à

transférer le bail dont ils étaient jusqu’alors copreneurs au profit d'une société d'exploitation, le bailleur

décida de leur délivrer un congé fondé sur l’âge. Logiquement, les époux, anciens copreneurs, destinataires

du congé lui ont opposé l’apport du droit au bail au profit d’une société. Dans ces conditions, tant les juges

du fond que ceux de la Cour de cassation n’ont pu que considérer les congés délivrés aux personnes

physiques comme dépourvus d’effet et inopposable au groupement seul titulaire du bail après que son

apport ait été autorisé.

Dès lors que s’est opérée une cession de bail, qu’il s’agisse d’une cession dans le cadre familial (L

411-35 al.1er), d’une cession au profit d’une société agricole (L 411-38) voire d’une cession hors cadre

familial (L 418-1 et s.), le bailleur souhaitant mettre un terme à la relation contractuelle ne doit pas perdre la

mémoire afin de délivrer le congé à la bonne personne, qui ne peut être que l’actuel locataire.

A l’apport du droit au bail, nécessitant l’accord exprès du bailleur et sans recours possible, en cas de

refus, au tribunal paritaire de baux ruraux, est souvent préférée et largement utilisée en pratique la mise à

disposition des biens loués par le locataire au profit d’une société au sein de laquelle il doit avoir la qualité

d’associé exploitant. Prévue à l’article L 411-37 du Code rural et de la pêche maritime, il ne s’agit ni plus ni

moins que d’une sous-location expressément autorisée par le Code dès lors que l’opération a été portée à la

connaissance du bailleur. Sous-location qui ne change pas le rapport juridique initial né du bail, en ce que le

locataire reste tenu de l’intégralité des obligations du bail et demeure l’unique interlocuteur du bailleur. Là

encore, le bailleur devra avoir de la mémoire et se souvenir des actes passés dont il aurait été informés,

puisque s’il advenait qu’il délivre congé non pas à son locataire personne physique mais à la société

d’exploitation à laquelle le preneur a mis à disposition son bail, les juges considéreraient la signification

comme équivalent à une absence de congé (Cass. 3ème civ., 17 mai 2006, Bull. civ. III, n° 128).

Cass. 3e civ., 11 fév. 2016, n° 13-11685.

Mots clefs : Apport du droit au bail à une société – Accord du bailleur – Destinataire du congé.

CRPM, art. L 411-38, L 411-47.

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