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Immuno-analyse et biologie spécialisée (2009) 24, 100—103 TECHNIQUES AU QUOTIDIEN Difficultés au cours de l’immunofixation sérique Problems in immunofixation electrophoresis N. Ghrairi , H. Bouakkez, A. Dahmouni, I. Nahdi, L. Mechmeche, L. Boughnim, S. Yalaoui Laboratoire de biologie médicale, hôpital Abderrahmane Mami, 2080 Ariana, Tunisie Rec ¸u le 21 novembre 2008 ; accepté le 31 janvier 2009 Disponible sur Internet le 21 mars 2009 KEYWORDS Immunofixation electrophoresis; Monoclonal immunoglobulin; 2-mercaptoethanol Summary Immunofixation electrophoresis (IFE) allows identification of monoclonal immu- noglobulins detected as peaks in serum protein electrophoresis. The interpretation of IFE is generally easy; however difficulties can be encountered in daily practice. Two examples of dif- ficulties with interpretation are presented: a first case of IFE revealing two monoclonal bands in IgA and kappa tracks which made us suspect of a biclonal gammopathy and which was resol- ved by the use of 2-mercaptoethanol. Second IFE case was characterized by a non specific precipitation in all tracks which rendered necessary the use of antisera from a different manu- facturer. These examples show that it is important to know the possible sources of error in routine practice of IFE in order to make the specific corrective actions. © 2009 Published by Elsevier Masson SAS. MOTS CLÉS Immunofixation ; Immunoglobuline monoclonale ; Mercaptoéthanol Résumé L’immunofixation permet l’identification des immunoglobulines monoclonales détec- tées sous formes de pics à l’électrophorèse des protéines sériques. L’interprétation de l’immunofixation est généralement facile, cependant des difficultés peuvent être rencon- trées en pratique quotidienne. Deux exemples d’interprétation délicate sont présentés : un cas d’immunofixation révélant deux bandes monoclonales IgA kappa faisant suspecter une gam- mapathie biclonale, résolu par l’utilisation de mercaptoéthanol et un second cas caractérisé par une précipitation non spécifique sur l’ensemble des pistes, ce qui a nécessité l’emploi d’antisérums d’un fabricant différent. Ces exemples montrent qu’il est important de connaître les sources possibles d’erreur dans la pratique de l’immunofixation afin de mettre en œuvre les actions correctives nécessaires. © 2009 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. Auteur correspondant. Adresse e-mail : ghrairi [email protected] (N. Ghrairi). La généralisation de la pratique de l’électrophorèse des protéines dans les laboratoires conduit souvent à la décou- verte de pics d’immunoglobulines monoclonales, situés essentiellement dans les zones des bêta et gamma globu- lines. Anciennement, l’immunoélectrophorèse des protéines 0923-2532/$ – see front matter © 2009 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.immbio.2009.01.003

Difficultés au cours de l’immunofixation sérique

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Immuno-analyse et biologie spécialisée (2009) 24, 100—103

TECHNIQUES AU QUOTIDIEN

Difficultés au cours de l’immunofixation sériqueProblems in immunofixation electrophoresis

N. Ghrairi ∗, H. Bouakkez, A. Dahmouni, I. Nahdi,L. Mechmeche, L. Boughnim, S. Yalaoui

Laboratoire de biologie médicale, hôpital Abderrahmane Mami, 2080 Ariana, Tunisie

Recu le 21 novembre 2008 ; accepté le 31 janvier 2009Disponible sur Internet le 21 mars 2009

KEYWORDSImmunofixationelectrophoresis;Monoclonalimmunoglobulin;2-mercaptoethanol

Summary Immunofixation electrophoresis (IFE) allows identification of monoclonal immu-noglobulins detected as peaks in serum protein electrophoresis. The interpretation of IFE isgenerally easy; however difficulties can be encountered in daily practice. Two examples of dif-ficulties with interpretation are presented: a first case of IFE revealing two monoclonal bandsin IgA and kappa tracks which made us suspect of a biclonal gammopathy and which was resol-ved by the use of 2-mercaptoethanol. Second IFE case was characterized by a non specificprecipitation in all tracks which rendered necessary the use of antisera from a different manu-facturer. These examples show that it is important to know the possible sources of error inroutine practice of IFE in order to make the specific corrective actions.© 2009 Published by Elsevier Masson SAS.

MOTS CLÉSImmunofixation ;Immunoglobulinemonoclonale ;Mercaptoéthanol

Résumé L’immunofixation permet l’identification des immunoglobulines monoclonales détec-tées sous formes de pics à l’électrophorèse des protéines sériques. L’interprétation del’immunofixation est généralement facile, cependant des difficultés peuvent être rencon-trées en pratique quotidienne. Deux exemples d’interprétation délicate sont présentés : uncas d’immunofixation révélant deux bandes monoclonales IgA kappa faisant suspecter une gam-mapathie biclonale, résolu par l’utilisation de mercaptoéthanol et un second cas caractérisépar une précipitation non spécifique sur l’ensemble des pistes, ce qui a nécessité l’emploi

d’antisérums d’un fabricant différent. Ces exemples montrent qu’il est important de connaîtreles sources possibles d’erreur dans la pratique de l’immunofixation afin de mettre en œuvre lesactions correctives nécessaires.© 2009 Publie par Elsevier Masso

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : ghrairi [email protected] (N. Ghrairi).

Lpvel

0923-2532/$ – see front matter © 2009 Publie par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.immbio.2009.01.003

n SAS.

a généralisation de la pratique de l’électrophorèse desrotéines dans les laboratoires conduit souvent à la décou-erte de pics d’immunoglobulines monoclonales, situésssentiellement dans les zones des bêta et gamma globu-ines. Anciennement, l’immunoélectrophorèse des protéines

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Figure 2 Double bande monoclonale dans les pistes IgA etkappa.

Difficultés au cours de l’immunofixation sérique

sériques et urinaires et actuellement l’immunofixation per-mettent le typage des immunoglobulines monoclonalesdétectées à l’électrophorèse. L’interprétation des résultatsest en général aisée. Cependant, des difficultés peuventêtre rencontrées en pratique quotidienne. À cet effet,nous présentons deux exemples d’interprétation délicated’immunofixation de protéines sériques.

Méthodes

Le système d’immunofixation sérique Sebia® (coffret Hydra-gel IF K 20) a été utilisé dans ce travail. La technique sedéroule en deux étapes :

• la première étape repose sur la séparation des protéinessériques par électrophorèse sur gel d’agarose après dilu-tion des sérums (1/5e pour la piste IgG, les autres pistesau moitié) par un tampon diluant de pH 7,5 contenant dubleu de bromophénol fourni dans le coffret ;

• la seconde étape est l’immunoprécipitation des immuno-globulines par des antisérums spécifiques (Sebia) prêtsà l’emploi suivie de la révélation par un colorant violetacide. Le volume utilisé pour chacun des cinq antisérums(G, A, M, kappa, lambda) est de 25 �L. Une sixième piste(ELP) est utilisée pour la révélation du profil protéiquegrâce à une solution de fixation.

Les observations

Observation 1

Le sérum de M. A.B., patient âgé de 40 ans, est étu-dié en immunofixation suite à la découverte d’un picbêta2 sur l’électrophorèse des protéines sériques (HydragelK20 Sebia®) (Fig. 1). L’immunofixation révèle la présencede deux bandes au niveau de la piste de l’antisérumanti-IgA (une bande discrète du côté anodique acco-lée a une bande plus intense du coté cathodique) ainsi

que deux bandes de même localisation sur la pistede l’antisérum antichaîne légère kappa (Fig. 2). Lesconcentrations sériques des IgG, IgA, Ig M mesurées parnéphélémétrie (Minineph Binding Site®) sont respective-

Figure 1 Électrophorèse de protéines sériques : pic en bêta2.

FB

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O

Lea

igure 3 Immunofixation sérique : traitement réducteur auME : IgA monoclonale kappa.

ent de 7,4 g/l (valeurs normales : 6,58 g/l—18,37 g/l),9 g/l (valeurs normales : 0,71 g/l—3,60 g/l), 0,4 g/l (valeursormales : 0,4 g/l—2,36 g/l).

L’immunofixation après traitement du sérum du patientar le bêta mercapto-éthanol (Sigma®) à 1 % pendant uneeure à 37 ◦C montre finalement un profil différent ne révé-ant qu’une seule bande au niveau des deux pistes desntisérums anti-IgA et antichaîne légère kappa (Fig. 3).

La recherche de chaînes légères dans les urines par immu-oélectrophorèse est négative. Le diagnostic de myélome àg A est confirmé par myélogramme.

bservation 2

e sérum de M. O.N, patient âgé de 70 ans est étudién immunofixation. L’électrophorèse des protéines sériquesyant montré un pic au niveau des bêta2 globulines (Hydra-

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Figure 4 Immunofixation sérique : précipitation au point dedepot.

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igure 5 Immunofixation avec antisérums Diasorin® : bandeonoclonale en pistes IgA et kappa.

el K20 Sebia®). Les concentrations sériques des IgG, IgA etgM mesurées par néphélémétrie (Minineph Binding Site®)ont respectivement de 11,24 g/l, 6,65 g/l et 1,12 g/l.

L’immunofixation sérique (Fig. 4) montre une précipita-ion au point de dépôt dans les six pistes de la plaque rendantrdue l’interprétation.

En utilisant des antisérums d’une autre firme commer-iale (Diasorin®), une seconde immunofixation du mêmechantillon de sérum non traité révèle la présence d’uneande Ig A monoclonale de type kappa de faible concentra-ion (Fig. 5).

iscussion

a première observation illustre l’intérêt de l’utilisation duêta mercaptoéthanol (BME) lors de la suspicion de présence

C

A

N. Ghrairi et al.

’immunoglobulines polymérisées. En effet, l’existenceans la première immunofixation sérique de deux bandesonoclonales IgA avec deux bandes correspondantes dans

a piste des chaînes légères kappa fait plus penser à unegA monoclonale sous différentes formes de polymérisationu’à la présence d’une gammapathie biclonale.

Le BME a permis de couper les ponts disulfures de l’IgAolymérisée et d’obtenir une molécule monomérique etnalement d’homogénéiser sa mobilité électrophorétique.es difficultés d’interprétation de l’immunofixation en rai-on de la polymérisation des protéines se rencontrent plusouvent avec l’IgM, molécule pentamérique de haut poidsoléculaire mais peuvent même se voir avec les chaînes

égères des immunoglobulines [1,3]. Ainsi, le fabricantebia® recommande l’utilisation d’un réactif, le fluidil, nonourni avec le coffret d’immunofixation, pour traiter leschantillons particulièrement visqueux et éventuellemente procéder à un traitement réducteur par le BME poures protéines polymérisées. Le BME peut se révéler utile,otamment dans les rares situations où une IgM monoclonaleesterait adhérente à la membrane poreuse de l’applicateurt ne diffuserait pas dans le gel [2].

La seconde observation soulève un autre type de diffi-ulté qui est celui de la précipitation au point de dépôt, ceui rend pratiquement impossible une interprétation cor-ecte de l’immunofixation.

Ce type de problème peut s’expliquer par la présence’additif dans le gel : le polyéthylène glycol. Ce composantisant à optimiser la réaction antigène—anticorps peuttre la cause d’interférence en précipitant certainesrotéines présentes dans le sérum et en empêchant lesmmunoglobulines de migrer librement dans cet agrégat.’utilisation de coffrets ne contenant pas ce type d’additifseut pallier à ce genre de problème [4]. Par ailleurs, làussi, l’utilisation de fluidil et de BME peut s’avérer utile.ans notre observation, nous avons résolu le problème entilisant des antisérums d’une autre firme commercialeDiasorin®) dont l’utilisation dans notre laboratoire étaitusque-là réservée à la technique d’immunoélectrophorèselassique. Cela peut souligner un autre aspect importantans la pratique quotidienne de l’immunofixation, à savoira qualité des antisérums utilisés sachant que les antisérumsont susceptibles de variations inter lots. Il est ainsi utilee disposer d’antisérums de deux firmes différentes qu’onourrait choisir en fonction des besoins [4].

onclusion

imple et rapide à réaliser sur le plan pratique,’immunofixation n’est cependant pas dénuée de piègest donc de problèmes pour son interprétation. Ces deuxxemples illustrent certaines difficultés rencontrées et lesctions correctives qui peuvent être mises en place, comme’utilisation par exemple du BME mais aussi d’antisérums’origine commerciale différente.

onflits d’intérêts

ucun.

[

Difficultés au cours de l’immunofixation sérique

Références

[1] Abraham RS, Charlesworth MC, Owen BL, Benson LM, Katzmann

JA, Reeder CB, et al. Trimolecular complexes of lambda lightchain dimers in serum of a patient with multiple myeloma. ClinChem 2002;48:1805—11.

[2] Bossuyt X, Marien G. False negative serum protein elec-trophoresis in a sample with an IgM monoclonal protein

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by semiautomated gel electrophoresis. Clin Chem 2005;51:270.

3] Meunier JC. La détection des composés monoclonaux difficiles :

Technique sur gel ou électrophorèse capillaire. Ann Biol Clin1999;57:605—10.

4] Onraed B, Nguyen M, Lerche B, Hennache B. Difficul-tés d’interprétation de l’immunofixation. Ann Biol Clin2004;62:103—9.