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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - NOVEMBRE 2008 - N°406 // 73 LES DIFFICULTÉS D’INTERPRÉTATION EN… HÉMATOLOGIE Difficultés de détection et d’interprétation de cellules anormales circulantes a Service d’hématologie biologique Centre hospitalier universitaire Henri-Mondor 51, av. du Maréchal de Lattre-de-Tassigny 94010 Créteil cedex * Correspondance [email protected] article reçu le 25 septembre, accepté le 10 octobre 2008 © 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. RÉSUMÉ L’hémogramme avec formule leucocytaire est un examen automatisé dont les résultats peuvent être validés en l’absence d’alarmes et d’ano- malies quantitatives. En dehors de ces situations et après avoir écarté un problème pré-analytique ou un piège technique, la réalisation d’un frottis de sang est indispensable, en particulier pour rechercher des cellules anormales circulantes. La qualité du frottis et de la coloration est un pré- requis nécessaire pour une analyse correcte de la lame. Dans certains cas, l’examen cytologique permettra, après une analyse détaillée des cellules, de porter un diagnostic précis. Parfois la cytologie restera ambiguë et il faudra compléter les investigations par un immunophénotypage pour distinguer notamment certaines formes de lymphomes non-hodgkiniens de leucémies aiguës, plus rarement de processus réactionnels. L’analyse du frottis de sang pour identifier des cellules anormales est une cytologie spécialisée qui requiert une expertise des biologistes quelle que soit la structure dans laquelle ils exercent. Hémogramme – frottis de sang – cellules lymphoïdes atypiques – blastes. SUMMARY Difficulties in detection and interpretation of abnormal circulating cells Total blood count with white blood cell differential is now a fully automated procedure. Its result can be validated in absence of flags or quantitative abnormalities. In all other situations, after having eliminated preanalytical or technical problems, a blood smear is mandatory to look for abnormal circulating cells. The smear and staining quality is a prerequisite for an optimal analysis of the slide. In a number of cases, the cytological examination, after a careful analysis of cells, will allow a definite diagnosis. Sometimes, the cytology will remain ambiguous and immunophenotyping will be necessary to distinguish mainly atypical forms of non-Hodgkin lymphomas from acute leukemias, or, more rarely, from a reactive process. Peripheral blood smear interpretation of abnormal circulating cells is a specialized cytology which requires expert clinical pathologists in private as well as in hospital practice. Total blood count – peripheral blood smear – atypical lymphoid cells – blasts. Michèle Imbert a, * 1. Introduction L’hémogramme est un examen automatisé qui fournit au biologiste des paramètres quantitatifs (lignée érythrocy- taire, leucocytes, plaquettes) ainsi que, dans une majo- rité de cas, un décompte des populations leucocytaires normales ou « formule leucocytaire ». Quelle que soit la méthode utilisée [1] pour établir cette formule leucocy- taire (physique, cytochimique, lyse chimique, marquage fluorescent), l’intégration des données obtenues aboutit à l’établissement de nuages cellulaires correspondant aux polynucléaires (neutrophiles, éosinophiles, basophiles), lymphocytes et monocytes. Lorsque ces populations sont mal positionnées ou insuffisamment individualisées les unes des autres, l’automate génère une alarme « constructeur » pour signaler le problème (ex : « variant » lymphocytaire, granuleux immatures, blastes) et suggère une revue du frottis. De plus, le biologiste est alerté également lorsque les données quantitatives de l’hémogramme ou de la formule leucocytaire sont hors des valeurs de référence qu’il a paramétrées sur l’automate. Dans l’une ou l’autre de ces situations, après avoir éliminé un problème pré analytique ou un piège technique [2, 3], si le patient est vu pour la première fois, un frottis devra être réalisé pour rechercher des anomalies des cellules circulantes. Avant l’analyse proprement dite de ces cellules, il est indispen- sable de rappeler le pré-requis technique pour obtenir des frottis de bonne qualité afin de faciliter au maximum l’interprétation du cytologiste, technicien ou biologiste. La lecture d’un frottis au microscope doit être effectuée par un cytologiste expérimenté qui, au terme de son analyse, pourra évoquer voire même diagnostiquer d’emblée une hémopathie qui sera à prendre en charge dans le circuit le plus approprié.

Difficultés de détection et d’interprétation de cellules anormales circulantes

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THÉMATIQUE À TAPER

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - NOVEMBRE 2008 - N°406 // 73

LES DIFFICULTÉS D’INTERPRÉTATION EN… HÉMATOLOGIE

Diffi cultés de détection et d’interprétation de cellules anormales circulantes

a Service d’hématologie biologiqueCentre hospitalier universitaire Henri-Mondor51, av. du Maréchal de Lattre-de-Tassigny94010 Créteil cedex

* [email protected]

article reçu le 25 septembre, accepté le 10 octobre 2008

© 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

RÉSUMÉ

L’hémogramme avec formule leucocytaire est un examen automatisé dont les résultats peuvent être validés en l’absence d’alarmes et d’ano-malies quantitatives. En dehors de ces situations et après avoir écarté un problème pré-analytique ou un piège technique, la réalisation d’un frottis de sang est indispensable, en particulier pour rechercher des cellules anormales circulantes. La qualité du frottis et de la coloration est un pré-requis nécessaire pour une analyse correcte de la lame. Dans certains cas, l’examen cytologique permettra, après une analyse détaillée des cellules, de porter un diagnostic précis. Parfois la cytologie restera ambiguë et il faudra compléter les investigations par un immunophénotypage pour distinguer notamment certaines formes de lymphomes non-hodgkiniens de leucémies aiguës, plus rarement de processus réactionnels. L’analyse du frottis de sang pour identifi er des cellules anormales est une cytologie spécialisée qui requiert une expertise des biologistes quelle que soit la structure dans laquelle ils exercent.

Hémogramme – frottis de sang – cellules lymphoïdes atypiques – blastes.

SUMMARYDiffi culties in detection and interpretation of

abnormal circulating cells

Total blood count with white blood cell differential is now a fully automated procedure. Its result can be validated in absence of fl ags or quantitative abnormalities. In all other situations, after having eliminated preanalytical or technical problems, a blood smear is mandatory to look for abnormal circulating cells. The smear and staining quality is a prerequisite for an optimal analysis of the slide. In a number of cases, the cytological examination, after a careful analysis of cells, will allow a defi nite diagnosis. Sometimes, the cytology will remain ambiguous and immunophenotyping will be necessary to distinguish mainly atypical forms of non-Hodgkin lymphomas from acute leukemias, or, more rarely, from a reactive process. Peripheral blood smear interpretation of abnormal circulating cells is a specialized cytology which requires expert clinical pathologists in private as well as in hospital practice.

Total blood count – peripheral blood smear – atypical

lymphoid cells – blasts.

Michèle Imberta,*

1. Introduction

L’hémogramme est un examen automatisé qui fournit au biologiste des paramètres quantitatifs (lignée érythrocy-taire, leucocytes, plaquettes) ainsi que, dans une majo-rité de cas, un décompte des populations leucocytaires normales ou « formule leucocytaire ». Quelle que soit la méthode utilisée [1] pour établir cette formule leucocy-taire (physique, cytochimique, lyse chimique, marquage fl uorescent), l’intégration des données obtenues aboutit à l’établissement de nuages cellulaires correspondant aux polynucléaires (neutrophiles, éosinophiles, basophiles), lymphocytes et monocytes. Lorsque ces populations sont mal positionnées ou insuffi samment individualisées les unes des autres, l’automate génère une alarme « constructeur »

pour signaler le problème (ex : « variant » lymphocytaire, granuleux immatures, blastes) et suggère une revue du frottis. De plus, le biologiste est alerté également lorsque les données quantitatives de l’hémogramme ou de la formule leucocytaire sont hors des valeurs de référence qu’il a paramétrées sur l’automate. Dans l’une ou l’autre de ces situations, après avoir éliminé un problème pré analytique ou un piège technique [2, 3], si le patient est vu pour la première fois, un frottis devra être réalisé pour rechercher des anomalies des cellules circulantes. Avant l’analyse proprement dite de ces cellules, il est indispen-sable de rappeler le pré-requis technique pour obtenir des frottis de bonne qualité afi n de faciliter au maximum l’interprétation du cytologiste, technicien ou biologiste. La lecture d’un frottis au microscope doit être effectuée par un cytologiste expérimenté qui, au terme de son analyse, pourra évoquer voire même diagnostiquer d’emblée une hémopathie qui sera à prendre en charge dans le circuit le plus approprié.

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2. Préparation du frottis de sang

Un certain nombre de conditions techniques sont indis-pensables pour la réalisation d’un frottis de bonne qualité facilitant la lecture et l’interprétation des anomalies obser-vées [4] :- frottis réalisé dans un délai court (si possible < 3 h) pour une meilleure conservation des éléments [2] ;- lames propres dégraissées, à bords rodés et pans coupés pour une répartition homogène du sang et des éléments à analyser ;- frottis de longueur suffi sante mais ne touchant pas les bords latéraux et s’arrêtant à environ 1 cm de l’extrémité de la lame afi n de permettre un balayage de l’ensemble du frottis. Ces frottis peuvent être réalisés par un technicien ou un biologiste expérimenté mais il faut noter que plusieurs constructeurs proposent actuellement des étaleurs de lames effectuant d’excellents frottis, tenant compte notamment de la valeur de l’hématocrite ;- séchage à l’air ambiant, sans agitation ni ventilation ;- coloration utilisant des réactifs préparés le jour même, de type May-Grünwald-Giemsa par exemple, avec des solutions tamponnées et sans rinçages intermédiaires entre les diffé-rentes étapes [5]. Une bonne coloration est indispensable pour apprécier le degré de basophilie des cytoplasmes, voire d’éventuelles granulations cytoplasmiques.

3. Approche du frottis

La lecture d’un frottis de sang doit toujours débuter par un examen de la lame à un faible grossissement (objectif 20 ou 25) qui permet déjà de distinguer les populations habituelles (polynucléaires, lymphocytes, monocytes) de cellules moins caractéristiques. Un contrôle à un plus fort grossissement (objectif 40-50 voire 100) peut déjà être effectué si une de ces cellules est détectée. Outre le décompte sur 100 éléments, un balayage de l’ensemble de la lame est indispensable pour la recherche d’éléments anormaux, particulièrement le long des bords latéraux du frottis.

4. Orientation sur les données de

l’hémogramme et du cytogramme

de l’automate

Les résultats des données quantitatives et l’aspect du cytogramme de l’automate [1] sont utiles pour une première orientation sur les anomalies à rechercher sur le frottis.Ainsi, en cas d’hyperleucocytose, l’examen du cytogramme pourra montrer :• une anomalie dans la « région » des polynucléaires qui fera rechercher tout d’abord une myélémie ou des blastes, suggestions souvent proposées par l’automate ;• une anomalie dans la « région » des lymphocytes ou à la jonction lymphocytes/monocytes peut correspondre à des blastes ou des cellules lymphoïdes réactionnelles ou anormales ;• une anomalie de la « région » des monocytes peut corres-pondre à des cellules monocytaires, mais d’autres cellules, de grande taille au cytoplasme abondant telles des tricho-

leucocytes peuvent se projeter dans cette zone s’ils sont nombreux. Rappelons que cette pathologie s’accompagne d’une monocytopénie ce qui devrait alerter le cytologiste à l’examen de la lame.Ces anomalies n’ont toutefois qu’une valeur d’orienta-tion et leur spécifi cité est limitée. Seul l’examen du frottis apportera une information plus précise sur la population cellulaire en cause.En cas de pancytopénie, sans notion de traitement récent cytopéniant, notammment chimiothérapie, l’examen du frottis est indispensable même en l’absence d’alarme construc-teur ou d’anomalie du cytogramme. Il est nécessaire de rechercher :• des blastes, révélant une leucémie aiguë, dont le diagnostic peut être porté dès le frottis de sang si le pourcentage est supérieur à 20 % [6]. Certaines formes de leucémies aiguës se révèlent volontiers par une pancytopénie. On recherchera tout particulièrement une leucémie aiguë promyélocytaire (LAM3). Sa cytologie particulière (nombreuses granulations azurophiles, noyau « en bissac ») associée à des corps d’Auer dont certains sont typiquement en fagots doit permettre un diagnostic rapide pour une prise en charge sans délai afi n d’éviter des complications hémorragiques dues à une coagulation intravasculaire disséminée (fi gure 1) ;• des tricholeucocytes (fi gure 2) : la maladie peut se révéler par une pancytopénie sans splénomégalie. Une monocyto-pénie associée devra attirer l’attention et faire examiner très attentivement le frottis car le pourcentage peut être faible ;• des anomalies qualitatives des lignées myéloïdes pou-vant orienter vers certaines pathologies : polynucléaires hypersegmentés (fi gure 3) en faveur d’une carence vita-minique (vitamine B12, folates), polynucléaires neutrophiles dégranulés et/ou hyposegmentés en faveur d’un syndrome myélodysplasique (fi gure 4).

Figure 1 – Leucémie à promyélocytes.

Noter la présence de corps d’Auer en fagots.

Figure 2 – Tricholeucocytes.

Noter le cytoplasme abondant, pâle aux limites irrégulières.

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Figure 3 – Polynucléaire hypersegmenté

et normalement granuleux.

Cet aspect incite à rechercher une carence vitaminique (vitamine B12, folates).

Figure 4 – Polynucléaires dégranulés

et/ou hyposegmentés.

Cet aspect évoque un syndrome myélodysplasique.

Figure 5 – Myélémie.

Présence de métamyélocytes (A), myélocytes (B), et parfois de quelques promyélocytes (C).

Figure 6 – Erythroblastes

acidophiles.

Dans de rares cas, bien que l’hémogramme soit normal quantitativement et qualitativement, un examen du frottis peut être demandé et est nécessaire. Il s’agit de situations cliniques bien particulières :• adénopathies profondes et/ou splénomégalie, faisant suspecter un lymphome où un petit pourcentage de cellules lymphoïdes anormales circulantes, sans hyperlymphocytose, peut permettre d’orienter le diagnostic puis de le préciser par un immunophénotypage des cellules lymphoïdes ;• lésions cutanées à type d’érythrodermie ou mycosis fungoïde induisant une demande du dermatologue pour rechercher des cellules de Sézary [7]. Classiquement, l’hémogramme montre une hyperlymphocytose et fréquem-ment une hyperéosinophilie. Dans certains cas toutefois, le pourcentage de cellules de Sézary, bien que signifi catif, n’est pas détecté par l’automate car ces cellules, souvent de petite taille et sans inclusions, ne perturbent pas le cytogramme de l’automate. Cette demande requiert donc un frottis quelles que soient les données de l’hémogramme.

5. Analyse d’une population

d’éléments anormaux

Lors de l’examen du frottis plusieurs situations sont pos-sibles et, suivant la diffi culté d’identifi cation des éléments plusieurs éventualités, peuvent être envisagées.

� On peut observer des cellules « normales » mais anor-malement présentes dans le sang :• myélémie avec passage de métamyélocytes, myélo-cytes et parfois de quelques promyélocytes (fi gure 5) : ces cellules doivent être décomptés précisément et non

regroupées sous le terme de « cellules immatures » trop vague et pouvant prêter à confusion avec des blastes. On les observe dans de nombreuses situations physiologiques (ex : régénération médullaire quel qu’en soit le mécanisme) ou pathologiques (ex : syndromes myéloprolifératifs, métas-tases médullaire d’un cancer) ;• des érythroblastes circulants (fi gure 6) : ils peuvent être associés à une myélémie réalisant une érythromyélémie. On peut également les observer dans certaines pathologies constitutionnelles des globules rouges (ex : syndromes tha-lassémiques). Ils doivent être décomptés indépendamment de la formule leucocytaire et si leur pourcentage est élevé (> 10 %), une correction du chiffre des globules blancs est nécessaire [3] ;• des plasmocytes (fi gure 7) : on peut en retrouver un faible pourcentage dans divers situations (infections notamment virales, grand syndrome infl ammatoire, réactions immu-noallergiques).

� Il peut s’agir de cellules d’aspect atypique dont il va falloir s’efforcer de préciser cytologiquement la nature et le degré de maturité. Dans ce cas, l’analyse cellulaire doit tenir compte de plusieurs paramètres :• taille : petite (celle d’un lymphocyte), moyenne, grande (> 2 fois celle d’un petit lymphocyte),• forme du noyau : régulier, arrondi, encoché, incisé, pré-sentant des replis, bourgeonnant,• chromatine : dense, déliée, fi ne,• nucléole : présent ou absent,• cytoplasme :- peu, modérément ou très abondant- basophilie faible, marquée, renforcement périphérique- limites cytoplasmiques : régulières, villosités

Figure 7 – Plasmocyte.

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Tableau I – Caractéristiques cytologiques des principales cellules anormales.

LNH : lymphome non-hodgkinien

Ly. : lymphocytes

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LES DIFFICULTÉS D’INTERPRÉTATION EN… HÉMATOLOGIE

- contenu : granulations, corps d’Auer.Les caractéristiques des principaux types cellulaires sont rapportées dans le tableau I.De plus, on notera le caractère homogène (plus de 50 % des cellules ayant le même aspect) ou hétérogène de la population cellulaire pour l’un ou l’autre des critères.Au terme de cette analyse, on pourra souvent identifi er la population cellulaire :• cellules anormales totalement différentes des cellules circulantes habituelles, mais identifi ables, telles des blas-

tes [8]. Une conclusion est diffi cile sur un faible pourcentage de blastes mais rappelons que le diagnostic de leucémie aiguë peut être porté dès que l’on décompte plus de 20 % de blastes [6]. La présence de corps d’Auer (fi gure 8) est très informative puisqu’elle signe leur nature myéloïde et leur caractère malin (utile en cas de faible pourcentage) ; • cellules d’aspect lymphoïde dont la cytologie est carac-téristique : cellules lymphoïdes hyperbasophiles (fi gure 9), lymphocytes de leucémie lymphoïde chronique [9], pro-lymphocytes [10, 11], tricholeucocytes [12], lymphocytes villeux [13], cellules de Sézary [7], cellules de leucémie/lymphome associé au virus HTLV1 [14], cellules de lym-phomes non-hodgkiniens [15] ;• cellules anormales mais diffi ciles à classer sur la seule cytologie :- doute entre blastes (cellules immatures) et cellules lym-

phoïdes anormales de lymphome non-hodgkinien (cellu-les lymphoïdes différenciées) par exemple dans certaines formes de lymphome du manteau [15] ou de lymphomes à grandes cellules [15]. Des cellules plasmocytaires très dys-trophiques (chromatine assez fi ne, présence de nucléoles) peuvent être diffi ciles à reconnaître dans d’exceptionnels cas de leucémie à plasmocytes [16].Dans cette situation, il faut décompter les cellules dans une catégorie séparée (cellules diffi ciles à classer…) et les décrire. Un immunophénotypage sera indispensable pour une identifi cation défi nitive. Il doit être effectué le plus rapidement possible à partir d’un prélèvement de sang (EDTA). L’utilisation du marqueur panleucocytaire CD45 permet de distinguer les blastes (CD45 faiblement exprimé) de cellules lymphoïdes de LNH (CD45 fortement exprimé). Un panel plus complet précisera ensuite, s’il s’agit de blastes, leur caractère myéloïde ou lymphoïde et, en cas de cellules lymphoïdes, la sous-classifi cation

de l’hémopathie, lymphoïde T ou B avec, dans ce cas, une monotypie kappa ou lambda [17]. La prise en charge d’une leucémie aiguë ou d’un lymphome non-hodgkinien étant très différente, une bonne orientation d’emblée limite la répétition d’examens, raccourcit le délai diagnostique et permet un traitement approprié plus rapide ;- plus rarement, doute entre une hyperlymphocytose

réactionnelle et certaines formes de lymphomes non-

hodgkiniens d’origine T qui peuvent envahir le sang à un moment donné de leur évolution. Outre le contexte clinique, on pourra s’aider de l’immunophénotypage [18]. Les lymphocytoses réactionnelles expriment des mar-queurs pan T et CD8+. En cas de LNH T, on peut obser-ver une perte de certains antigènes pan T et l’expression de CD4 ou de CD8. Une étude moléculaire est souvent indispensable pour rechercher une clonalité T, argument supplémentaire en faveur d’une prolifération T.

6. Conclusion

La détection de cellules anormales circulantes demande une démarche rigoureuse à partir des données quanti-tatives de l’hémogramme et du cytogramme fournis par les automates. La qualité des frottis et de la coloration sont des pré-requis indispensables pour une bonne ana-lyse cellulaire. Lorsque l’on est confronté à des cellules anormales, leur identifi cation repose sur une analyse cytologique attentive prenant en compte l’ensemble des paramètres cellulaires. L’examen cytologique permet souvent de porter un diagnostic. Dans les cas diffi ciles,

Figure 8 – Blastes.

Le noyau est de forme variable mais une chromatine est fi ne et nucléolée ; la présence d’un corps d’Auer signe l’origine myéloïde et le caractère malin du blaste.

Figure 9 – Cellules lymphoïdes hyperbasophiles.

L’aspect est relativement polymorphe ; toutefois les cellules caractéristiques ont un noyau quadrangulaire, touchant les bords de la cellule, un cytoplasme assez abondant, de basophilie souvent plus marquée en périphérie (« ourlé » de bleu).

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lymphoïdes, fait maintenant de l’examen du frottis de sang un acte spécialisé qui requiert une expertise des biologistes du secteur libéral comme hospitalier. L’inter-prétation la plus précise possible du frottis sanguin est la clef pour une bonne orientation clinique et la prise en charge appropriée du patient.

un immunophénotypage des cellules circulantes sera l’examen de choix pour progresser dans le diagnostic, notamment en cas de doute entre blastes et cellules lymphoïdes de lymphomes non-hogkiniens. La meilleure connaissance de la présentation sanguine des patho-logies hématologiques, en particulier des hémopathies

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