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Citation : M. C. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDGAE 173
Date : 9 octobre 2015
Numéro de dossier : GE-15-952
DIVISION GÉNÉRALE – Section de l’assurance-emploi
Entre:
M. C.
Appelant
et
Commission de l’assurance-emploi du Canada
Intimée
Décision rendue par : Normand Morin, Membre, Division générale - Section de l’assurance-emploi Audience tenue par Téléconférence le 6 octobre 2015
MOTIFS ET DÉCISION
COMPARUTIONS
[1] L’appelante, madame M. C., était présente lors de l’audience téléphonique
(téléconférence) tenue le 6 octobre 2015. Elle était également représentée par Me Laure Lapierre
du Syndicat de l’enseignement de la région de Québec (SERQ). Me Gaétan Guérard, conseiller
syndical auprès du SERQ, était également présent lors de l’audience.
INTRODUCTION
[2] Le 1er juillet 2014, l’appelante a présenté une demande initiale de prestations ayant pris
effet le 22 juin 2014. L’appelante a déclaré avoir travaillé à titre d’« enseignant / enseignante au
niveau secondaire » pour l’employeur Commission scolaire de la Capitale, du 23 août 2013 au 27
juin 2014 et avoir cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un manque de travail.
L’appelante a indiqué que la date de son retour au travail chez cet employeur était inconnue.
L’appelante a déclaré ne pas avoir reçu d’offre d’emploi, soit verbalement ou par écrit, pour la
prochaine période d’enseignement (pièces GD3-3 à GD3-14).
[3] Le 10 décembre 2014, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la
« Commission ») a informé l’appelante qu’elle ne pouvait pas lui verser des prestations
d’assurance-emploi, du 15 août 2014 au 22 août 2014, du 22 décembre 2014 au 2 janvier
2015 et du 2 mars 2015 au 6 mars 2015 parce qu’elle ne peut pas lui verser de telles
prestations pendant la période du congé scolaire (pièce GD3-21).
[4] Le 21 janvier 2015, l’appelante a présenté une Demande de révision d’une décision
d’assurance-emploi (pièces GD3-23 à GD3-29).
[5] Le 18 février 2015, la Commission a informé l’appelante qu’elle maintenait la décision
prise à son endroit le 10 décembre 2014 relativement à son inadmissibilité au bénéfice des
prestations d’assurance-emploi (pièces GD3-36 et GD3-37).
[6] Le 20 mars 2015, l’appelante a présenté un Avis d’appel auprès de la Section de
l’assurance-emploi de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le «
Tribunal »), (pièces GD2-1 à GD2-5).
[7] Le 13 juillet 2015, le Tribunal a informé la représentante de l’appelante que l’appel
présenté auprès de cette instance avait été déposé à l’intérieur du délai prévu pour le faire (pièces
GD5-1 et GD5-2).
[8] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Téléconférence pour les raisons
suivantes :
a) Le fait que l’appelante sera la seule partie à assister à l’audience ;
b) Le fait que l’appelante ou d’autres parties sont représentées ;
c) Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la
sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle
et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent (pièces
GD1-1 à GD1-4).
QUESTION EN LITIGE
[9] Le Tribunal doit déterminer si l’imposition d’une inadmissibilité aux prestations
d’assurance-emploi à l’appelante est justifiée, en vertu de l’article 33 du Règlement sur
l’assurance-emploi (le « Règlement »), parce qu’à titre d’enseignante, elle n’a pas pu prouver
qu’elle était admissible au bénéfice de ces prestations, pendant une période de congé.
DROIT APPLICABLE
[10] En ce qui concerne les « modalités supplémentaires pour les enseignants », l’article 33 du
Règlement précise que :
[…] (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article. […] « enseignement » La profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle. (teaching) […] « période de congé » La période qui survient annuellement, à des intervalles réguliers ou irréguliers, durant laquelle aucun travail n’est exécuté par un nombre important de personnes exerçant un emploi dans l’enseignement. (non-teaching period) (2) Le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations — sauf celles prévues aux articles 22, 23, 23.1 ou 23.2 de la Loi — pour les
semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci, sauf si, selon le cas : a) son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin; b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance; c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement. (3) Lorsque le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi autre que l’enseignement, les prestations payables pour une semaine de chômage comprise dans toute période de congé de celui-ci se limitent au montant payable à l’égard de l’emploi dans cette autre profession.
PREUVE
[11] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :
a) Un relevé d’emploi, en date du 10 janvier 2014, indique que l’appelante a travaillé à titre
d’« enseignant » (sic) [enseignante] pour l’employeur Commission scolaire de la
Capitale, du 23 août 2013 au 20 décembre 2013 inclusivement et qu’elle a cessé de
travailler pour cet employeur en raison d’un manque de travail (code A – manque de
travail / fin de saison ou de contrat). Le document indique que la date prévue de rappel
est « non connue » (pièce GD3-15) ;
b) Un relevé d’emploi, en date du 10 avril 2014, indique que l’appelante a travaillé à titre
d’« enseignant » (sic) [enseignante] pour l’employeur Commission scolaire de la
Capitale, du 6 janvier 2014 au 28 mars 2014 inclusivement et qu’elle a cessé de
travailler pour cet employeur en raison d’un manque de travail (code A – manque de
travail / fin de saison ou de contrat). Le document indique que la date prévue de rappel
est « non connue » (pièce GD3-16) ;
c) Un relevé d’emploi, en date du 8 juillet 2014, indique que l’appelante a travaillé à titre
d’« enseignant » (sic) [enseignante] pour l’employeur Commission scolaire de la
Capitale, du 31 mars 2014 au 20 juin 2014 inclusivement et qu’elle a cessé de travailler
pour cet employeur en raison d’un manque de travail (code A – manque de travail / fin
de saison ou de contrat). Le document indique que la date prévue de rappel est « non
connue » (pièce GD3-17) ;
d) Le 29 septembre 2014, l’appelante a déclaré avoir obtenu un nouveau contrat
d’enseignement au niveau secondaire, ayant débuté le 25 août 2014 pour se terminer le
23 juin 2015. Elle a précisé que ce contrat représente 27,78 % d’une tâche complète.
L’appelante a précisé qu’il s’agissait d’un contrat verbal conclu avec la Commission
scolaire de la Capitale en août 2014 et ayant été signé le 29 septembre 2014 (pièce GD3-
18) ;
e) Le 10 décembre 2014, l’employeur a déclaré que l’appelante avait accepté un contrat
d’enseignement, au niveau secondaire, représentant 27,78 % d’une tâche complète, lors
de la séance d’affectation tenue le 15 août 2014. Il a indiqué que le contrat avait débuté
le 25 août 2014 pour se terminer le 23 juin 2015. L’employeur a mentionné que, l’an
dernier, l’appelante avait obtenu un contrat représentant 6,94 % d’une tâche complète
jusqu’au 23 juin 2014 et que celle-ci avait également effectué des périodes de
remplacement et de la suppléance. Il a précisé que l’appelante est inscrite sur une liste
de rappel et que son ancienneté était considérée. L’employeur a indiqué que les
cotisations de retraite étaient également reportées (pièce GD3-19) ;
f) Dans un document intitulé « Détails sur l’avis de dette (DH009) », en date du 13
décembre 2014 et reproduit en date du 16 avril 2015, le montant total de la dette de
l’appelante a été établi à 617,00 $ (pièce GD3-22) ;
g) Dans sa Demande de révision présentée le 21 janvier 2015, l’appelante a joint une copie
des documents suivants :
i. Lettre de la Commission (décision initiale) en date du 10 décembre 2014 (pièce
GD3-25) ;
ii. Procuration signée par l’appelante, en date du 15 janvier 2015, indiquant que
celle-ci était représentée par Me Laure Lapierre du Syndicat de l’enseignement
de la région de Québec (SERQ), (pièce GD3-26) ;
iii. Contrat d’engagement de l’appelante (« Contrat d’engagement de l’enseignante
ou l’enseignant à la leçon ») avec l’employeur Commission scolaire de la
Capitale, signé en date du 29 septembre 2014, indiquant que ladite appelante
s’engageait à enseigner pour cet employeur, du 25 août 2014 au 23 juin 2015, à
raison d’une tâche à 27,78 % d’une tâche complète d’enseignement (pièce
GD3-27) ;
iv. « Notice of Debt – Avis de dette », en date du 13 décembre 2014, indiquant que
l’appelante a un solde total de 617,00 $ (pièces GD3-28 et GD3-29) ;
h) Le 18 février 2015, l’employeur a expliqué que l’appelante cotisait au fonds de pension.
Il a indiqué que l’appelante avait un contrat à la leçon pour l’année scolaire [2014-2015]
et qu’elle devait enseigner à des périodes fixes pendant la semaine. L’employeur a
expliqué que l’année précédente (année scolaire 2013-2014), l’appelante avait obtenu un
contrat d’enseignement à raison de 93,06 % d’une tâche d’enseignement complète, du
23 août 2013 au 23 décembre 2013, puis un contrat à raison de 40,97 % d’une tâche
complète, du 6 janvier 2014 au 31 mars 2014, en plus d’un contrat à la leçon, à raison de
6,94 % d’une tâche d’enseignement complète pour l’année. Il a expliqué que l’appelante
avait un contrat à la leçon qui la liait pour toute la durée de la période scolaire, à raison
de huit périodes fixes par cycle de neuf jours et que ladite appelante était inscrite sur une
liste de rappel. L’employeur a spécifié que l’appelante cotise au Régime de rentes du
Québec et qu’elle cumule de l’ancienneté, même avec un contrat d’enseignement à la
leçon, mais que celle-ci ne bénéficie pas de congés de maladie (pièces GD3-33 et GD3-
34) ;
i) Les 2 et 8 avril 2015, la représentante de l’appelante a transmis au Tribunal une copie
des documents suivants :
i. Avis d’appel en date du 2 avril 2015 (pièces GD2A-4 à GD2A-7) ;
ii. « Autorisation de divulguer des renseignements » (pièce GD2A-8) ;
iii. Contrat d’engagement de l’appelante avec l’employeur Commission scolaire de
la Capitale, signé en date du 29 septembre 2014, indiquant que ladite appelante
s’engageait à enseigner pour cet employeur, du 25 août 2014 au 25 juin 2015, à
raison d’une tâche à 27,78 % d’une tâche complète d’enseignement (pièce
GD2A- 9 ou GD3-27) ;
iv. Convention collective du personnel enseignant des commissions scolaires
francophones (Centrale des syndicats du Québec – CSQ), (pièces GD2A-11 à
GD2A-301) ;
v. Décision en révision rendue par la Commission à l’endroit de l’appelante, en
date du 18 février 2015 (pièces GD2B-1 à GD2B-3).
[12] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :
a) Dès le début de l’audience, le membre du Tribunal désigné pour entendre le présent
appel a informé les personnes présentes qu’il avait auparavant exercé un emploi dans
une commission scolaire et qu’il avait été, à ce titre, un travailleur syndiqué, membre du
même syndicat que celui qui représente l’appelante dans le présent dossier. En réponse à
une demande formulée en ce sens par le membre du Tribunal, la représentante de
l’appelante a indiqué qu’elle ne voyait pas de problème de conflit d’intérêts,
d’apparence de conflit d’intérêts ou encore d’ordre d’éthique, relié à la situation décrite
par le membre ;
b) L’appelante a rappelé les principaux éléments au dossier et a décrit son historique de
travail à la Commission scolaire de la Capitale. Elle a indiqué avoir complété sa
formation scolaire en éducation physique (volet enseignement) en 1997 à l’Université de
Montréal et avoir ensuite travaillé à la Commission scolaire de la Capitale. Elle a
indiqué être inscrite, depuis 2007-2008, sur la liste de rappel (liste de priorité d’emploi)
qu’utilise cet employeur. Elle a expliqué avoir obtenu différents contrats selon les
besoins exprimés par l’employeur. Elle a précisé qu’au cours de l’année scolaire 2013-
2014, elle avait d’abord obtenu un contrat à 93,06 % d’une tâche complète
d’enseignement jusqu’au mois de novembre ou décembre 2013 et un contrat à 40,97 %
d’une tâche complète, du 6 janvier 2014 au 21 mars 2014 [31 mars 2014]. Elle a spécifié
qu’au début de l’année scolaire 2013-2014, elle avait également obtenu un contrat à la
leçon, pour toute l’année scolaire, représentant 6,94 % d’une tâche complète et que ce
contrat s’était terminé le 23 juin 2014 ;
c) Pour l’année scolaire 2014-2015, elle a expliqué avoir obtenu, à la fin du mois d’août
2014, un contrat d’enseignement de la Commission scolaire de la Capitale, mais pour
une période indéterminée, puisqu’elle remplaçait un enseignant qui devait effectuer un
retour progressif au travail. Elle a indiqué que ce contrat d’enseignement, à la leçon, a
commencé le 25 août 2014 pour se terminer le 23 juin 2015 et qu’il représentait 27,78 %
d’une tâche complète d’enseignement (pièce GD2A-9 ou GD3-27). Elle a précisé avoir
signé ce contrat le 29 septembre 2014 ;
d) Elle a mentionné avoir présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 22
juin 2014. Elle a déclaré qu’au cours de la période du 15 août 2014 au 22 août 2014, elle
était toujours sans emploi qu’elle demeurait disponible à travailler et qu’elle était à la
recherche d’un emploi. Elle a déclaré ne pas avoir reçu de salaire de la part de son
employeur au cours de cette période ni à partir de la fin de son contrat de travail ;
e) Me Gaétan Guérard, conseiller syndical auprès du Syndicat de l’enseignement de la
région de Québec (SERQ) a expliqué que les enseignants à la leçon ne bénéficient pas
des mêmes avantages que les enseignants réguliers, en vertu de la convention collective
de travail à laquelle ils sont assujettis. Il a soutenu que le statut d’un enseignant à la
leçon s’apparente davantage à celui d’un enseignant suppléant, sur appel, mais avec des
heures prédéterminées à réaliser. Il a souligné que dans le cas de contrats
d’enseignement à la leçon, c’était « temps fait, temps payé ». Il a précisé que les
enseignants à la leçon sont payés comme les enseignants suppléants et qu’ils ne
reçoivent plus d’autre rémunération après le dernier jour de travail de l’année scolaire ni
de paie de vacances ni de paiements pour des congés fériés. Il a également indiqué que
les enseignants à la leçon contribuent à leur fonds de pension et qu’ils peuvent
accumuler de l’expérience ainsi que de l’ancienneté dans leur commission scolaire. Il a
souligné qu’ils ne bénéficient toutefois pas d’une assurance salaire ni de congés
parentaux et n’ont pas de sécurité d’emploi ;
f) Il a présenté les dispositions spécifiques suivantes de la convention collective
s’appliquant aux enseignants à la leçon :
i. Clause 1-1.20 (Enseignante ou enseignant à la leçon) indiquant que l’enseignant
« détermine de façon précise l’enseignement qu’elle ou il accepte de donner aux
élèves et le nombre d’heures que cet engagement comporte jusqu’à concurrence
du 1/3 du maximum annuel de la tâche éducative d’une enseignante ou d’un
enseignant à temps plein. » (pièce GD2A-23) ;
ii. Clause 2-1.03 précisant que : « Malgré la clause 2-1.01, s’appliquent aux personnes
suivantes, couvertes par l’accréditation, les seules clauses où elles sont expressément
désignées de même que la procédure de règlement des griefs pour ces clauses : 1) la
suppléante ou le suppléant occasionnel ; 2) l’enseignante ou l’enseignant à la leçon ;
[…] » (pièce GD2A-26). Il a précisé qu’en vertu de cette clause, la convention
s’applique à tout enseignant, mais que pour les enseignants suppléants occasionnels
et les enseignants à la leçon, les clauses de la convention s’appliquent lorsque ceux-
ci y sont spécifiquement désignés. Il a souligné que, pour cette raison, un enseignant
à la leçon n’a pas droit à l’assurance salaire ni aux congés parentaux et ne bénéficie
pas de la sécurité d’emploi ;
iii. Clause 5-1.10 prévoyant que le contrat d’engagement d’un enseignant employé à
titre d’enseignant à la leçon, « se termine automatiquement et sans avis le 30 juin de
l'année scolaire en cours ou à une date antérieure, que cette date soit clairement
stipulée ou qu'elle dépende de l’arrivée d'un événement qui y est expressément
prévu. » (pièces GD2A-34 et GD2A-35). Il a précisé que dans le cas de l’appelante,
son contrat à la leçon s’est terminé, au plus tard, le 30 juin 2014 ;
iv. Clause 5-3.02, indiquant que « Sauf dans la mesure prévue à la clause 5-3.20, les
dispositions du présent article ne s’appliquent qu’aux enseignantes ou enseignants
réguliers et elles n’accordent aucun droit ni avantage à l’enseignante ou l’enseignant
non légalement qualifié, ni à l’enseignante ou l’enseignant à la leçon, ni à
l’enseignante ou l’enseignant à temps partiel » (pièce GD2A-40) ;
v. Clause 6-7.02 (paragraphe d) spécifiant que « L’enseignante ou l’enseignant à la
leçon n’a droit à aucun avantage sauf ceux expressément prévus à la convention. ».
Il a souligné que la convention collective s’applique d’abord et avant tout pour les
enseignants à temps plein et à temps partiel (pièce GD2A- 106).
ARGUMENTS DES PARTIES
[13] L’appelante et la représentante de celle-ci ont présenté les observations et les arguments
suivants :
a) L’appelante a fait valoir qu’elle avait été sans revenu et sans contrat de travail en
vigueur, au cours de la période en cause, soit du 15 août 2014 au 22 août 2014. Elle a
expliqué avoir obtenu un contrat de travail le 25 août 2014. Elle a souligné que son
contrat de travail, à raison de 27,78 % d’une tâche complète, ne lui donnait pas droit aux
avantages sociaux ni aux autres avantages prévus pour les contrats à temps partiel. Elle
a précisé que c’était « temps fait, temps payé » (pièce GD3-23) ;
b) La représentante de l’appelante a soutenu qu’il y a eu rupture du lien d’emploi de
l’appelante suivant la fin de son contrat d’enseignement, le 23 juin 2014, et que la
reprise de ce lien d’emploi s’est effectuée le 25 août 2014, au moment de commencer un
nouveau contrat d’enseignement et où une prestation de travail était effective ;
c) Elle expliqué qu’il y avait une différence entre des contrats à la leçon et les autres types
de contrats en soulignant que les enseignants ayant des contrats à la leçon étaient des
enseignants à statut précaire. Elle a précisé que l’appelante avait un contrat à la leçon,
que celle-ci n’avait pas de report de ses années d’ancienneté, qu’elle n’était pas
automatiquement inscrite sur une liste de rappel, selon l’ancienneté et qu’elle ne
bénéficiait d’aucun avantage. Elle a indiqué que lorsque l’appelante se présente aux
séances d’affectation, aucun poste ne lui est garanti (pièces GD3-32 et GD3-35) ;
d) La représentante a indiqué que l’appelante avait perdu son droit au bénéfice des
prestations le 15 août 2014 alors qu’elle était toujours en chômage à ce moment et que
l’employeur ne lui versait aucun revenu, une situation lui apparaissant profondément
injuste. Elle a fait valoir que ce n’était pas parce que l’employeur avait décidé, le 15
août 2014, d’octroyer les contrats d’enseignement pour l’année scolaire suivante (2014-
2015), que cette situation venait changer la situation de chômeuse de l’appelante ;
e) Elle a dit comprendre que dans le cas d’un enseignant occupant un emploi à 100 %
d’une tâche (tâche complète) et payé pendant une année complète, il est possible de faire
la preuve qu’il y a une continuité du lien d’emploi et de la non-nécessité d’avoir un
revenu de subsistance pendant les périodes de congés. Elle a souligné que l’article 33 du
Règlement vise à empêcher qu’il y ait une « double rémunération », ce qui est différent
du cas de l’appelante. Elle a fait valoir qu’à la fin de juin 2014, le contrat de l’appelante,
représentant 6,94 % d’une tâche complète, avait pris fin et que cette situation ne lui avait
procuré aucun des avantages conférés aux enseignants à temps partiel. Elle a expliqué
que l’appelante était en attente d’avoir un remplacement à effectuer, d’obtenir une tâche
résiduelle, ou encore, d’avoir un emploi à 100 % du temps, même si celle-ci avait réalisé
deux contrats à temps partiel au cours de l’année scolaire 2013-2014 ;
f) La représentante a expliqué que l’appelante était, au terme de son contrat de travail le 23
juin 2014, à la quête d’un nouvel emploi, disponible à travailler, à partir de la date de la
fin de son emploi et qu’elle était en attente de nouvelles de son employeur. Elle a
soutenu qu’il y a eu, à partir du 23 juin 2014, une rupture formelle du lien d’emploi de
l’appelante avec son employeur, et que cette rupture incluait la période du 15 août 2014
au 22 août 2014, puisque celle-ci avait été en situation de chômage jusqu’au 25 août
2014. Elle a fait valoir que l’appelante avait ainsi droit au bénéfice des prestations pour
la période comprise entre le 15 août 2014 et le 22 août 2014 ;
g) Elle a fait valoir que le but de l’assurance-emploi est d’aider les citoyens pendant une
période de chômage effective lorsqu’ils se retrouvent sans emploi de manière
involontaire. Elle a expliqué que dans l’enseignement, il y a des fins d’emploi en juin
avec une reprise au début de l’année scolaire suivante. La représentante a fait valoir que
la Loi et les cotisations qui sont versées au régime de l’assurance-emploi ont pour but de
fournir une aide aux travailleurs jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de se trouver un
emploi. Elle a expliqué que si un prestataire obtient un emploi trois semaines après avoir
participé à une entrevue d’embauche, cette situation ne le prive pas pour autant de son
droit aux prestations avant de commencer son nouvel emploi, ce qui devrait être la
même chose en enseignement ;
h) La représentante a soutenu que l’appelante remplit les « conditions requises pour
recevoir des prestations » en vertu de l’article 7 de la Loi pour que celle-ci soit
admissible au bénéfice des prestations. Elle a souligné qu’il y a eu un arrêt de sa
rémunération au 22 juin 2014 et qu’elle a occupé un emploi assurable pendant le nombre
d’heures minimum requis en vertu de la Loi. Elle a précisé que l’appelante était
également disponible à travailler et à la recherche d’un emploi ;
i) Elle a soutenu que l’appelante rencontre également les exceptions prévues à l’article 33
du Règlement pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi. Elle a souligné
que le contrat de l’appelante avait pris fin en spécifiant que la convention collective
précisait qu’un contrat d’enseignement à la leçon prenait automatiquement fin, au plus
tard, le 30 juin d’une année scolaire. Elle a soutenu que l’emploi occupé par l’appelante
était un emploi occupé sur une base occasionnelle ou de suppléance pendant la période
de référence. Elle a souligné que l’appelante avait continué de travailler, pendant sa
carrière, de manière occasionnelle, sur appel et selon les disponibilités d’une année à
l’autre. Elle a souligné que le Guide de la détermination de l’admissibilité de
l’assurance-emploi précise que ce n’est pas le statut d’emploi qui était déterminant, mais
plutôt la réalité du travail exercé et que dans le cas de l’appelante, son travail n’offrait
aucune garantie de continuité. Elle a expliqué que même si l’appelante pouvait
contribuer au fonds de pension (régime de retraite), accumuler de l’expérience et de
l’ancienneté, celle-ci pouvait seulement le faire au prorata des heures accomplies et que
dans le cas d’un contrat à la leçon, il n’y avait pas de continuité l’année suivante, ni de
garantie d’emploi d’une année à l’autre. Elle a souligné que dans le cas d’un contrat à la
leçon, c’était « temps fait, temps payé » et que ce type de contrat n’offre pas les
avantages sociaux prévus pour les salariés réguliers (ex. : sécurité d’emploi, assurance-
salaire, congés parentaux, rémunération, répartition du salaire sur 26 périodes de paie).
Elle a soutenu qu’il s’agissait véritablement pour l’appelante d’un cas d’emploi
occasionnel qui s’est terminé à la fin de l’année scolaire. Elle a fait valoir que le cas de
l’appelante est différent de celui des enseignants réguliers dont le salaire est réparti sur
une période de 12 mois et qu’il ne s’agissait pas d’une situation qui pouvait faire en
sorte qu’elle puisse « recevoir des sommes d’argent venant de deux sources distinctes,
mais remplissant le même rôle » (Stone, 2006 CAF 27) ;
j) La représentante a soutenu qu’il n’existait pas de continuité d’emploi suivant la fin du
contrat de l’appelante le 23 juin 2014 et que celle-ci avait obtenu un nouveau contrat
n’ayant pris effet que le 25 août 2014 (Ying, A-101-98) ;
k) Elle a également souligné que des facteurs existent pour déterminer s’il y a eu ou non
une rupture claire dans la continuité de l’emploi d’un prestataire, mais que pour établir
de tels facteurs, il fallait également tenir compte de l’objectif et de l’intention de la Loi
(Stone, 2006 CAF 27) ;
l) La représentante a précisé que dans le cas présent, l’appelante n’a pas eu de
rémunération entre le 15 août 2014 et le 22 août 2014. Elle a précisé que l’appelante
était en chômage involontaire, disponible à travailler, de même qu’à la recherche d’un
emploi et que son nouveau contrat à la leçon avait pris effet le 25 août 2014 ;
m) Elle a soutenu que la réclamation de l’assurance-emploi était injustifiée. Elle a demandé
l’annulation de cette réclamation présentée par la Commission et de constater que
l’appelante était admissible au bénéfice des prestations entre le 15 août 2014 et le 22
août 2014.
[14] La Commission a présenté les observations et arguments suivants :
a) Le paragraphe 33(1) du Règlement défini l’enseignement comme la profession
d’enseignant dans une école maternelle, primaire ou secondaire, y compris dans une
école de formation technique ou professionnelle. Aux termes du paragraphe 33(1) du
Règlement, un enseignant n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-
emploi, autres que les prestations de maternité et les prestations parentales, pendant une
période de congé, à moins que l’une des conditions d’exemption décrites dans le
paragraphe 33(2) du Règlement soit rencontrée: a) son contrat de travail dans
l’enseignement a pris fin ; b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base
occasionnelle ou de suppléance ; c) il remplit les conditions requises pour recevoir des
prestations d’assurance-emploi à l’égard d’un emploi dans une profession autre que
l’enseignement (pièce GD4-3) ;
b) Elle a expliqué qu’en vertu de la définition d’enseignement donnée au paragraphe 33(1)
du Règlement, l’appelante enseigne dans une école maternelle, primaire, intermédiaire
ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle. La
Commission a indiqué que l’appelante exerçait un emploi dans l’enseignement pendant
la majorité de sa période de référence. Elle a précisé que l’appelante a travaillé pour la
Commission scolaire de la Capitale, pour un contrat, non à la leçon, représentant 96,06
% d’une tâche complète, du 23 août 2013 au 23 décembre 2013, que celle-ci a ensuite
obtenu un autre contrat, non à la leçon, représentant 40,97 % d’une tâche complète, du 6
janvier 2014 au 21 mars 2014 et qu’à cela s’était ajouté un contrat à la leçon
représentant 6,94 % d’une tâche complète pour l’année qui s’est terminée le 20 juin
2014 (pièces GD3-15 à GD3-17, GD3-19, GD3-33 et GD4-4) ;
c) Concernant la période de congé estival, la Commission a souligné que celle-ci s’était
échelonnée du 23 juin 2014 au 25 août 2014, ce qui rencontre la définition de « période
de congé » prévue au paragraphe 33(1) du Règlement, car ces périodes surviennent
annuellement et qu’aucun travail n’est exécuté par un nombre important de personnes
exerçant un emploi dans l’enseignement (pièce GD4-4) ;
d) Elle a fait valoir que l’appelante avait accepté verbalement, le 15 août 2014, un contrat
d’enseignement à 27,78 % d’une tâche complète et qu’il s’agissait d’un contrat
d’engagement à la leçon du 25 août 2014 au 23 juin 2015 (pièces GD3-18 et GD4-4) ;
e) Elle a souligné que l’employeur avait confirmé l’acceptation verbale du contrat le 15
août 2014, que l’appelante est inscrite sur la liste de rappel, que son ancienneté est
considérée, que son salaire est ajusté et que les cotisations de retraite étaient également
reportées. La Commission a précisé que l’employeur avait également confirmé que
l’appelante enseignait huit (8) périodes fixes par cycle de neuf (9) jours, ce qui
représentait, dans son cas, 27,78 % d’une tâche complète d’enseignement (GD3-19,
GD3-33 et GD3-34 et GD4-4) ;
f) Elle a soutenu qu’un contrat de travail peut être écrit ou verbal, qu’il y a un nouveau
contrat lorsque l’employeur a fait une offre d’emploi véritable pour enseigner durant la
prochaine période scolaire et que l’enseignant a accepté l’offre. Le fait que la signature
du contrat ait été remise à une date ultérieure ne change rien au fait qu’un contrat dans
l’enseignement a été conclu à la date à laquelle l’offre a été faite par l’employeur et
acceptée par l’enseignant. Elle a souligné qu’avec l’acceptation du contrat à 27,78 %
d’une tâche complète, l’appelante ne peut pas prétendre que cet emploi est sur une base
de suppléance ou occasionnelle puisqu’elle doit enseigner sur des jours fixes ou
réguliers, même si elle enseigne à la leçon. La Commission a fait valoir que peu importe
les modalités de ce contrat d’enseignement, que ce soit pour quelques jours par semaine
ou quelques heures par jour, l’emploi ne peut pas être considéré comme étant sur une
base occasionnelle ou de suppléance. Elle a déterminé que l’appelante était sous contrat,
dont elle a accepté l’offre verbale de son employeur le 15 août 2014 (pièce GD4-4) ;
g) Elle a déterminé que l’appelante était bien une enseignante selon l’article 33 du
Règlement. La Commission a dit convenir qu’au moment de sa mise à pied le 20 juin
2014, il n’existait aucune continuité dans le lien d’emploi et que l’appelante remplissait
les conditions d’exemption décrites au paragraphe 33(2) du Règlement. Elle a évalué
que l’appelante ne remplissait toutefois plus ces conditions à partir du 15 août 2014,
puisqu’à cette date, celle-ci a accepté une offre d’emploi pour l’année scolaire 2014-
2015 et que, ce faisant, le lien entre les contrats était par conséquent démontré (pièces
GD4-4 et GD4- 5) ;
h) Elle a déterminé que l’appelante ne peut pas être admissible aux prestations durant la
période de congé scolaire du 15 août 2014 au 22 août 2014 puisqu’elle n’a pas démontré
qu’elle rencontrait l’une des conditions d’exemption décrites au paragraphe 33(2) du
Règlement (pièce GD4-5) ;
i) Elle a souligné que même si l’appelante ne conteste pas les autres inadmissibilités à son
dossier pour les autres congés scolaires de l’année scolaire 2014-2015, soit la période
des Fêtes et la semaine de relâche, elle maintenait ces décisions, car l’appelante était
toujours liée par son contrat (pièce GD4-5).
ANALYSE
[15] L’article 33 du Règlement sert à déclarer un enseignant inadmissible au bénéfice des
prestations d’assurance-emploi, durant les périodes de congé, sauf si, selon le cas : « […] a) son
contrat de travail dans l’enseignement a pris fin; b) son emploi dans l’enseignement était exercé
sur une base occasionnelle ou de suppléance; c) il remplit les conditions requises pour recevoir
des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement. ».
[16] La Cour a confirmé le principe selon lequel l’exception prévue en vertu de l’alinéa
33(2)a) du Règlement est destinée à apporter un soulagement aux enseignants qui souffrent
d’une véritable rupture de la relation employé / employeur à la fin de la période d’enseignement.
Les enseignants qui ont vu leurs contrats renouvelés avant l’expiration de leurs contrats
d’enseignement ou peu de temps après, pour la nouvelle année scolaire, n’étaient pas en
chômage et il y avait continuité de l’emploi. L’intention du législateur en ce qui a trait à l’article
33 du Règlement est fondée, entre autres, sur la prémisse qu’à moins qu’il y ait une véritable
rupture dans la continuité de l’emploi d’un enseignant, celui-ci n’aura pas droit aux prestations
pour la période de congé scolaire (Oliver et al, 2003 CAF 98, Stone, 2006 CAF 27, Robin, 2006
CAF 175).
[17] Dans l’affaire Oliver et al (2003 CAF 98), la Cour a donné l’explication suivante :
[…] Dans tous les arrêts de la Cour, à l’exception de l’arrêt Ying, les enseignants se sont vus refuser les prestations réclamées au titre de l’alinéa 33(2)a) du Règlement. Le juge-arbitre a établi une distinction d’avec l’arrêt Ying. Selon lui, on ne peut trancher la question de savoir si un enseignant était visé ou non par l’exception uniquement sur la base d’une date de fin de travail indiquée dans un contrat. Toutes les circonstances de l’espèce doivent être prises en considération à la lumière de l’objectif et de l’intention de la loi. […] Avec déférence, j’estime que le juge-arbitre a bien compris le principe directeur des arrêts de la Cour cités dans sa décision et qu’il l’a correctement appliqué aux faits de l’espèce. […] Dans tous les arrêts, y compris l’arrêt Ying, la Cour a cherché à voir s’il y avait une continuité d’emploi pour les prestataires. Il n’existait pas une telle continuité dans l’affaire Ying étant donné qu’ « il y avait une période allant du 30 juin 1996 au 26 août 1996 dont on n’aurait pu dire qu’elle était une période où la demanderesse avait un contrat de travail en vigueur » (arrêt Ying, précité, paragraphe 1). […] La situation juridique est différente en l’espèce. Les contrats de travail ont été renouvelés avant ou peu après la fin des contrats
de stage probatoire des prestataires. On ne peut pas dire, comme dans l’arrêt Ying, que les prestataires n’avaient pas de contrat de travail en vigueur. Le statut juridique des prestataires était semblable à celui des enseignants dans l’arrêt Partridge, précité, et dans l’arrêt Bishop c. canada, 2002 CAF 276.
[18] Dans l’affaire Robin (2006 CAF 175), la Cour a déclaré :
[…] Il n'est pas suffisant de s’en tenir, comme l’a fait le juge-arbitre, aux dates de fin et début des contrats pour déterminer si le contrat de travail dans l’enseignement d’une prestataire a pris fin au sens de l’alinéa 33(2)a) du Règlement. Il faut, en outre, comme nous l’enseigne Oliver, précité, déterminer s’il y a eu une rupture claire dans la continuité de l’emploi de la prestataire, de sorte que cette dernière est devenue un « chômeur ». Le fait qu’il puisse exister une (sic) [un] intervalle entre deux contrats pendant laquelle (sic) [lequel] l’enseignante n’est pas sous contrat, ne fait pas en sorte, à mon avis, qu’il y a une véritable rupture de la relation entre l’enseignante et son employeur. Il ne faut pas oublier que le but de l’exercice n’est pas d'interpréter les dispositions contractuelles afin d’établir les droits respectifs de l’employeur et de l’employé, mais de décider si un prestataire a droit de recevoir des prestations d’assurance- emploi parce qu’il est, de fait, en période de chômage.
[19] Dans l’affaire Bazinet et al (2006 CAF 174), la Cour a déclaré :
[…] Considérant que les demanderesses ont travaillé comme enseignantes à temps partiel pour la Commission scolaire de la fin août 2002 à la fin juin 2003, considérant que vers la fin juin 2003, la Commission scolaire leur a fait des offres de travail pour l’année scolaire 2003-2004, offres qu’elles ont acceptées dans les jours suivants, et considérant que les demanderesses, tout comme les autres enseignantes de la Commission scolaire, n’avaient pas à travailler durant les mois de juillet et août 2003, je ne puis voir comment il soit possible de conclure qu’il y a eu rupture dans la relation de travail entre les demanderesses et la Commission scolaire. […] La réalité est donc la suivante, à savoir que les demanderesses ont enseigné, sans interruption, dans les écoles de la Commission scolaire durant le cours des années 2002-2003 et 2003-2004. La situation factuelle démontre, hors de tout doute, que la relation des demanderesses avec leur employeur n’a pas pris fin. Par conséquent, il n’y a pas eu rupture dans la continuité de leur emploi auprès de la Commission scolaire. […] Quant à l’argument des demanderesses selon lequel il ne pouvait y avoir de continuité dans leur emploi puisque les offres d’emploi qu’elles avaient reçues de la Commission scolaire à la fin juin 2003 n’étaient que des offres verbales et qu’elles avaient été formulées par des personnes non autorisées légalement à les embaucher, je suis d’avis que cet argument est sans mérite. En premier lieu, comme je le mentionnais précédemment au paragraphe 44 de mes motifs, il ne faut pas oublier que le but de l’exercice n’est pas d’interpréter les dispositions contractuelles afin
d’établir les droits respectifs de l’employeur et de ses employés, mais de décider si un prestataire a droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi parce qu’il est, de fait, en période de chômage. En second lieu, je suis d’accord avec le défendeur que cet argument est tout à fait théorique, considérant que, de fait, les demanderesses ont accepté les offres faites par la Commission scolaire et qu’elles ont repris leur travail le 27 août 2004, même si leurs contrats n’ont été signés qu'à l’automne 2004.
[20] Le Tribunal souligne que la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation
d’appel déposée par la prestataire, relativement à cette décision (Bazinet et al, 2006 CAF 174 –
CSC 31541).
[21] Dans la cause Stone (2006 CAF 27), la Cour a suggéré neuf facteurs dont il conviendra
de tenir compte pour savoir s’il y a eu rupture claire dans la continuité de l’emploi en vertu de
l’alinéa 33(2)a) du Règlement. La Cour mentionne que cette liste n’est pas limitative, que les
facteurs ne doivent pas être évalués d’une manière mécanique et qu’il faut plutôt examiner
l’ensemble des circonstances de chaque cas.
[22] Ces neufs facteurs sont les suivants : l’ancienneté de la relation d’emploi, la durée de la
période de congé, les usages et pratiques du domaine d’enseignement en cause, le versement
d’une rémunération durant la période de congé, les conditions du contrat de travail écrit, s’il y en
a un, la méthode à laquelle recourt l’employeur, les autres éléments attestant une reconnaissance
de départ de la part de l’employeur et l’arrangement conclu entre le prestataire et l’employeur, et
la conduite respective de chacun (Stone 2006 CAF 27).
[23] La Cour a aussi précisé que l’exception prévue à la fin de l’alinéa 33(2)b) du Règlement
met l’accent sur l’exercice de l’emploi et non sur le statut de l’enseignant qui l’occupe. L’emploi
qui a été exercé de façon continue et déterminée peut ne pas être considéré comme un emploi
occasionnel ou de la suppléance. Les enseignants qui concluent des contrats temporaires en
enseignement régulier au cours de l’année scolaire ne répondent plus à la définition
d’enseignement « occasionnel » ou de « suppléance » au sens de l’alinéa 33(2)b) du Règlement
(Arkinstall, 2009 CAF 313, Blanchet, 2007 CAF 377).
[24] Dans le présent dossier, le Tribunal estime qu’il n’y a pas eu une véritable rupture dans la
continuité de l’emploi de l’appelante et que celle-ci ne peut être admissible au bénéfice des
prestations d’assurance-emploi pendant la période de congé scolaire (Oliver et al, 2003 CAF 98,
Stone, 2006 CAF 27, Bazinet et al, 2006 CAF 174, Robin, 2006 CAF 175, Arkinstall, 2009
CAF 313, Blanchet, 2007 CAF 377).
[25] Le Tribunal précise que, dans le cas présent, l’inadmissibilité de l’appelante au bénéfice
des prestations d’assurance-emploi, en vertu de l’article 33 du Règlement, a été imposée
uniquement à compter du 15 août 2014, soit à partir du moment où ladite appelante a accepté son
nouveau contrat de travail pour l’année scolaire 2014-2015.
Nature des contrats d’engagement de l’appelante
[26] L’appelante a travaillé à titre d’enseignante, au niveau secondaire, pour la Commission
scolaire de la Capitale au cours de l’année scolaire 2013-2014. En plus d’avoir effectué du travail
de suppléance et réalisé des contrats, du 23 août 2013 au 23 décembre 2013 (93,06 % d’une
tâche complète) et du 6 janvier 2014 au 31 mars 2014 (40,97 % d’une tâche complète), elle avait,
pendant toute l’année scolaire 2013-2014, un contrat d’engagement, à la leçon, représentant 6,94
% d’une tâche complète, celui-ci s’étant terminé le 23 juin 2014 (pièces GD3- 19 et GD3-33).
[27] L’appelante a déclaré avoir reçu et accepté, verbalement, lors d’une séance d’affection
tenue le 15 août 2014, un nouveau contrat de travail avec le même employeur pour l’année
scolaire 2014-2015. L’appelante a précisé que ce contrat avait débuté le 25 août 2014 (pièces
GD3-18 et GD3-19).
[28] Il s’agit d’un contrat d’engagement à la leçon (« Contrat d’engagement de l’enseignante
ou l’enseignant à la leçon »), représentant 27,78 % d’une tâche complète d’enseignement, que
l’appelante a conclu avec l’employeur Commission scolaire de la Capitale, indiquant qu’elle
s’engageait à enseigner, du 25 août 2014 au 25 juin 2015 (pièce GD3-27).
[29] En acceptant ce nouveau contrat, l’appelante a clairement démontré la continuité de son
lien d’emploi avec l’employeur la Commission scolaire de la Capitale.
[30] Le Tribunal considère que le contrat à la leçon réalisé par l’appelante au cours de toute
l’année scolaire 2013-2014 et celui qu’elle a accepté, le 15 août 2014, ne répondent pas à la
définition d’enseignement « occasionnel » ou de « suppléance » au sens de l’alinéa 33(2)b) du
Règlement (Arkinstall, 2009 CAF 313, Blanchet, 2007 CAF 377).
[31] La représentante de l’appelante a fait valoir les particularités d’un contrat d’enseignement
à la leçon et les similitudes d’un tel type d’enseignement avec celui qui pouvait être exercé « sur
une base occasionnelle ou de suppléance ». Elle a souligné que dans le cas de l’appelante, il
s’agissait d’un cas d’emploi occasionnel, que cet emploi s’était terminé à la fin de l’année
scolaire 2014, sans que celle-ci n’obtienne de garantie d’un rappel au travail pour l’année
scolaire subséquente et qu’elle avait été en chômage jusqu’au moment de reprendre le travail le
25 août 2014.
[32] Bien qu’il puisse exister plusieurs similitudes en regard des conditions de travail et de
rémunération ou des avantages sociaux consentis aux enseignants effectuant de l’enseignement
« occasionnel » ou de « suppléance » et à ceux réalisant des contrats d’enseignement à la leçon,
ces derniers exercent leur travail d’une manière continue et prédéterminée, mais non sur une
base « occasionnelle » ou de « suppléance ». La convention collective des enseignants établit
d’ailleurs plusieurs distinctions (ex. : rémunération) entre les enseignants à la leçon, les
suppléants ou les enseignants à temps partiel (pièces G2A-11 à GD2A-301).
[33] Le Tribunal considère qu’en raison de la nature des contrats qu’elle a réalisés, l’appelante
n’a pas exercé son emploi d’enseignante, « sur une base occasionnelle ou de suppléance », au
sens de l’alinéa 33(2)b) du Règlement (Arkinstall, 2009 CAF 313, Blanchet, 2007 CAF 377).
[34] Autant pour le contrat représentant 6,94 % d’une tâche complète qu’elle a réalisée au
cours de l’année scolaire 2013-2014 que pour celui qu’elle a accepté de faire, le 15 août 2014,
pour l’année scolaire 20145-2015, à raison de 27,78 % d’une tâche complète, l’enseignement
s’est effectué d’une manière déterminée ou continue, selon le pourcentage de tâche qui lui avait
été attribué pour chacun de ces contrats.
[35] Il a été clairement établi que les enseignants qui concluent des contrats temporaires en
enseignement régulier au cours de l’année scolaire ne répondent plus à la définition
d’enseignement « occasionnel » ou de « suppléance » au sens de l’alinéa 33(2)b) du Règlement
(Arkinstall, 2009 CAF 313, Blanchet, 2007 CAF 377).
Continuité du lien d’emploi
[36] Le fait que l’appelante ait réalisé un contrat d’enseignement, à la leçon, qui s’est terminé
le 23 juin 2014 et qu’elle en ait accepté un autre, de même nature, à compter du 15 août 2014, ne
fait pas en sorte d’établir une rupture claire de son lien d’emploi.
[37] La relation ou le lien d’emploi de l’appelante avec son employeur, la Commission
scolaire de la Capitale, s’est poursuivi à partir du moment où celle-ci a conclu une entente avec
ledit employeur pour l’année d’enseignement ayant suivi la fin de son contrat en juin 2014.
[38] La représentante de l’appelante a soutenu qu’il n’existait pas de continuité d’emploi pour
cette dernière suivant la fin de son contrat le 23 juin 2014, jusqu’au moment où celle-ci a amorcé
son nouveau contrat le 25 août 2014.
[39] Le Tribunal ne retient pas l’argument présenté par la représentante de l’appelante sur cet
aspect puisqu’il ne tient pas compte du fait que les dates de fin ou de début d’un contrat ne sont
pas les seuls éléments sur lesquels il faut se baser pour déterminer s’il y a une rupture claire du
lien d’emploi.
[40] Le Tribunal souligne que bien qu’il puisse exister un intervalle de temps entre deux
contrats et pendant lequel un enseignant n’est pas sous contrat, une telle situation ne fait pas en
sorte qu’il y a une véritable rupture de la relation entre l’enseignant et son employeur (Robin,
2006 CAF 175).
[41] Il n’est pas suffisant de s’en tenir aux dates de fin et de début des contrats pour
déterminer si le contrat de travail dans l’enseignement d’un prestataire a pris fin au sens de
l’alinéa 33(2)a) du Règlement, mais d’examiner s’il y a eu une rupture claire dans la continuité
de l’emploi de celui-ci, faisant en sorte qu’il soit devenu un chômeur (Oliver et al, 2003 CAF 98,
Robin, 2006 CAF 175).
[42] Le Tribunal précise aussi que le but d’un tel exercice n’est pas d’interpréter les
dispositions contractuelles afin d’établir les droits respectifs de l’employeur et de l’employé,
mais de décider si un prestataire peut être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-
emploi parce qu’il se retrouve en période de chômage (Bazinet et al, 2006 CAF 174, Robin,
2006 CAF 175).
[43] Le Tribunal souligne également qu’en se référant spécifiquement à l’affaire Ying (A-101-
98), la Cour a déterminé qu’on ne pouvait trancher la question de savoir si un enseignant était
visé ou non par l’exception prévue à l’alinéa 33(2)a) du Règlement, uniquement sur la base
d’une date de fin de travail indiquée dans un contrat et que toutes les circonstances de l’espèce
devaient être prises en considération à la lumière de l’objectif et de l’intention de la Loi (Oliver
et al, 2003 CAF 98).
[44] Dans cette décision (Oliver et al, 2003 CAF 98), la Cour a d’ailleurs apporté la précision
suivante :
[…] Dans tous les arrêts, y compris l’arrêt Ying, la Cour a cherché à voir s’il y avait une continuité d’emploi pour les prestataires. Il n’existait pas une telle continuité dans l’affaire Ying étant donné qu’ « il y avait une période allant du 30 juin 1996 au 26 août 1996 dont on n’aurait pu dire qu’elle était une période où la demanderesse avait un contrat de travail en vigueur » (arrêt Ying, précité, paragraphe 1).
[45] Le Tribunal précise aussi que, dans le cas qui nous occupe, l’appelante a accepté son
nouveau contrat le 15 août 2014 et que ce n’est seulement qu’à partir de cette date qu’une
inadmissibilité lui a été imposée.
Autres facteurs
[46] Outre le moment de l’acceptation de son nouveau contrat de travail, plusieurs autres
facteurs indiquent aussi qu’il n’y pas eu de rupture claire du lien d’emploi de l’appelante avec
l’employeur Commission scolaire de la Capitale (Stone, 2006 CAF 27).
[47] Ces facteurs permettent de déterminer s’il y a eu ou non une rupture claire dans la
continuité de l’emploi d’un prestataire et précisent l’objectif et de l’intention de la Loi (Stone,
2006 CAF 27).
[48] Parmi ces facteurs, le Tribunal note « l’ancienneté de la relation d’emploi » de
l’appelante avec son employeur puisque celle-ci a accumulé plus d’une quinzaine d’années
d’ancienneté auprès de cet employeur et a réalisé plusieurs contrats au cours de cette période. Le
Tribunal considère que cet élément illustre aussi qu’il n’y pas eu de rupture claire du lien
d’emploi de l’appelante (Stone, 2006 CAF 27).
[49] L’appelante est également inscrite sur une liste priorité d’emploi ou liste de rappel,
depuis 2007-2008, ce qui lui confère le droit d’accepter un nouveau contrat de travail selon le
rang qu’elle occupe dans cette liste. Le Tribunal considère que cet élément fait également partie
de « la méthode à laquelle recourt l’employeur » ou de « l’arrangement conclu entre le
prestataire et l’employeur » pour démontrer qu’il n’y a pas eu de rupture du lien d’emploi
(Stone, 2006 CAF 27).
[50] À titre de facteur se rapportant au « formulaire de relevé d’emploi rempli par l’employeur »
(Stone, 2006 CAF 27), le Tribunal note également que le relevé d’emploi émis par l’employeur, en
date du 8 juillet 2014, indique que la date prévue du rappel au travail de l’appelante était « non
connue » et non pas que ce rappel n’était pas prévu (pièce GD3-17). Il s’agit d’un autre élément qui
vient soutenir le fait qu’il n’y a pas eu de rupture claire du lien d’emploi de l’appelante avec son
employeur (Stone, 2006 CAF 27).
[51] Le Tribunal souligne également qu’au moment de présenter sa demande de prestations le
1er juillet 2014, l’appelante a précisé que la date de son retour au travail chez cet employeur était
inconnue (pièce GD3-5).
[52] En somme, même si le contrat de travail de l’appelante s’est terminé le 23 juin 2014 et
que celle-ci n’a reçu aucune rémunération de la part de son employeur, pour la période en cause,
soit du 15 août 2014 au 22 août 2014, il n’y a pas eu de rupture claire dans la continuité de son
emploi (Oliver et al, 2003 CAF 98, Stone, 2006 CAF 27, Bazinet et al, 2006 CAF 174, Robin,
2006 CAF 175, Arkinstall, 2009 CAF 313, Blanchet, 2007 CAF 377).
[53] S’appuyant sur la jurisprudence mentionnée plus haut, le Tribunal estime que l’appelante
n’a pas démontré qu’elle pouvait être admissible, à titre d’enseignante, au bénéfice des
prestations d’assurance-emploi, pendant une période de congé, parce qu’elle ne rencontre pas les
exceptions prévues au paragraphe 33(2) du Règlement.
[54] En conséquence, la décision de la Commission d’imposer une inadmissibilité à
l’appelante, pour la période du 15 août 2014 au 22 août 2014 inclusivement, en vertu de l’article
33 du Règlement, est justifiée dans les circonstances. Cette décision a eu pour effet d’entraîner
un trop-payé établi à 617,00 $ (pièce GD3-22).
[55] L’appel n’est pas fondé à l’égard du litige en cause.
CONCLUSION
[56] L’appel est rejeté.
Normand Morin Membre, Division générale - Section de l’assurance-emploi