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Feuillets de Radiologie 2007, 47, n° 4,280-284 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 280 Douleur de la jambe droite chez une femme de 28 ans D. Bassou, A. El Kharras, A. Darbi, A. El Haddad, S. Chaouir, M. Jidal, M. Benameur Service d’imagerie médicale, hôpital militaire d’instruction Mohamed-V, Rabat, Maroc. Correspondance : A. El Kharras, à l’adresse ci-contre. Email : [email protected] Observation Une femme de 28 ans présente depuis quelques semaines des douleurs au niveau de la face antérieure de la jambe droite. Dans ses antécédents on note la notion de trauma- tisme ancien. L’examen retrouve une tuméfaction ferme et peu douloureuse. Le bilan biologique est normal. Des radio- graphies standards et une IRM de la jambe sont réalisées (fig. 1 à 3). Quel est votre diagnostic ? Réponse page 282 3quel est votre diagnostic ? Figure 1. Radiographie de la jambe droite de face.

Douleur de la jambe droite chez une femme de 28 ans

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Page 1: Douleur de la jambe droite chez une femme de 28 ans

Feuillets de Radiologie 2007, 47, n° 4,280-284© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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Douleur de la jambe droite chez une femme de 28 ans

D. Bassou, A. El Kharras, A. Darbi, A. El Haddad, S. Chaouir, M. Jidal, M. Benameur

Service d’imagerie médicale, hôpital militaire d’instruction Mohamed-V, Rabat, Maroc.

Correspondance :A. El Kharras,

à l’adresse ci-contre.

Email : [email protected]

Observation

Une femme de 28 ans présente depuis quelques semaines

des douleurs au niveau de la face antérieure de la jambe

droite. Dans ses antécédents on note la notion de trauma-

tisme ancien. L’examen retrouve une tuméfaction ferme et

peu douloureuse. Le bilan biologique est normal. Des radio-

graphies standards et une IRM de la jambe sont réalisées

(fig. 1 à 3)

.

Quel est votre diagnostic ?

Réponse page 282

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quel est votre diagnostic ?

Figure 1. Radiographie de la jambe droite de face.

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D. Bassou

et al.

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quel est votre diagnostic ?

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A B

Figure 2. IRM coupe axiale du tibia.

Figure 3. IRM coupe coronale en spin-écho pondérée T1 gadolinium.

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Douleur de la jambe droite chez une femme de 28 ans

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Réponse de la page 280

Diagnostic

Kyste anévrismal sous périosté du tibia.

Description des images

Les clichés standard ont mis en évidence une lésion au contact

de la diaphyse tibiale droite, ovalaire à grand axe parallèle à

l’os, de siège juxta périosté érodant la surface externe de la cor-

ticale sans la rompre, cernée par un fin liseré dense et réalisant

une spiculation perpendiculaire

(fig. 4)

. Un complément IRM a

été réalisé en séquences pondérées T2 et T1 sans et après injec-

tion de produit de contraste, dans les trois plans de l’espace.

La lésion, au contact de l’os, est faite de multiples logettes à

contenu liquidien de signal intermédiaire ou discrètement

hyperintense par rapport au signal musculaire sur la séquence

pondérée en T1, et hyperintense sur la séquence pondérée en

T2, avec la présence de niveaux liquide-liquide mieux visibles

sur la séquence pondérée en T2

(fig. 5)

. Les cloisons sont en

hyposignal sur les séquences pondérées en T1 et en T2, et sont

fortement rehaussées par le produit de contraste

(fig. 6)

. La cor-

ticale diaphysaire au contact de la lésion est fortement laminée

mais sans signe de rupture, avec intégrité de la médullaire

osseuse. Le diagnostic de kyste anévrismal est évoqué et la

patiente fut opérée avec résection en bloc de la lésion. L’examen

anatomopathologie conclut à un kyste anévrismal. Actuelle-

ment, à 10 mois d’évolution, il n’existe pas de signe de récidive.

Discussion

Autrefois considéré comme une variante de la tumeur à cellu-

les géantes, le kyste anévrismal a été reconnu comme une

entité propre par Jaffe et Lichtenstein en 1942. Vraisembla-

blement secondaire à une lésion dite précurseur qui provoque

une fistule artério-veineuse induisant une lésion expansive

entretenue par le flux sanguin [1]. Cette lésion est primitive

dans 70 % des cas, ou secondaire à une tumeur bénigne

(essentiellement la tumeur à cellules géantes) ou maligne [2]

qu’il faut rechercher avec attention à l’examen histologique. Les

sujets atteints sont jeunes avec une faible prédominance fémi-

nine. Elle siège essentiellement au niveau des métaphyses

Figure 4. Radiographie de la jambe droite de face. Lésion juxta corti-cale, diaphysaire proximale du tibia, cernée par un fin liseré denseavec spiculations perpendiculaires.

A B

Figure 5. IRM coupe axiale du tibia. A : La lésion en pondération T1 est de signal intermédiaire ou discrètement hyperintense par rapport au signalmusculaire, érodant la corticale. B : La lésion apparaît hyperintense sur la séquence pondérée T2 avec niveau liquide-liquide.

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quel est votre diagnostic ?

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des os longs des membres inférieurs, l’arc postérieur du

rachis et le bassin [3].

Parmi les formes cliniques au niveau des os longs, on distin-

gue les formes centrales intra osseuses, et les formes très

excentrées sous périostée extra-osseuses [3]. Le siège sous

périosté représente 7 % des kystes anévrismaux [4]. La

découverte de la lésion osseuse est faite le plus souvent à

l’occasion d’une douleur modérée chronique et surtout d’un

gonflement qui vont motiver la réalisation d’examens radio-

logiques conduisant au diagnostic.

Sur les radiographies standards, le kyste anévrismal sous

périosté se présente comme une masse arrondie ou ovalaire

de siège métaphysaire ou métaphyso-diaphysaire, au contact

de la corticale souvent limitée par un très fin liseré calcique,

et parcouru de très fins septas osseux perpendiculaires. La

corticale présente une érosion festonnée, et il existe souvent

un éperon de Codman au point de raccordement de la lésion

kystique. La tomodensitométrie est utile pour apprécier le

volume exact de la lésion et son degré de développement

intra et extra-osseux [2, 3]. Elle apprécie mieux le contingent

osseux, en particulier les cloisons.

L’IRM, mieux que l’examen tomodensitométrique, permet de

préciser la structure interne du kyste, ses rapports et ses

dimensions [5]. Le kyste anévrismal est fait de logettes sépa-

rées par des cloisons en hyposignal en T1 et T2 car ses septas

sont de type fibreux, un liseré périphérique de même signal

correspond au périoste décollé plus ou moins ossifié. Les

logettes ont un signal variable intermédiaire en T1 augmenté

en T2 avec des niveaux hémato-hématiques traduisant les

produits de dégradation du sang d’âges différents, l’injection

du produit de contraste démontre le plus souvent une prise

de contraste au niveau des cloisons [5, 6]. Le canal médullaire

est normal. La présence d’un niveau liquide est très suggestif

d’un kyste anévrismal, il peut toutefois se retrouver dans de

multiples étiologies autres : tumeur à cellules géantes, kyste

essentiel, chondroblastome, dysplasie fibreuse. Dans le cadre

d’une étiologie maligne, il se rencontre essentiellement dans

l’ostéosarcome de type télangiectasique, qui constitue le dia-

gnostic le plus déroutant, d’où la nécessité, de ce fait, d’une

biopsie chirurgicale, d’autant plus que la forme est atypique.

Le traitement peut être soit chirurgical, soit se faire à partir

d’injection d’agent sclérosant sous guidage scopique, ou sous

scanner [7].

Références

1. Martinez V, Sisson H.A. Aneurismal bone cyst: a revew of 123 casesincluding primary lesions and thoses secondary to other bone patho-logy.

Cancer

1988;

61

: 2291-304.

2. Carlson D, Wilkinson R, Bhaktaviam A. Aneurysmal bone cyst in chil-dren.

Am J Radiol

1972;

116

: 644-50.

3. Chagnon S, Vallée C, Bléry M, Chevrot A. Kyste Anévrysmal. Éditionstechniques, EMC, radiodiagnostic — neuroradiologie — appareil loco-moteur, 31491 A10, 1992, 6p.

4. Thompson PC. Subperiosteal giant cell tumor, ossifying subperiostealhematoma, aneurismal bone cyst.

J Bone Joint Surg

1954;

36

: 281-91.

5. Dormans JP, Davidson RS. Diagnosing aneurismal and unicameralbone cysts with magnetic resonance imaging.

Clin Orthop

1999;

36

:186-90.

6. Munk PL, Helms CA, Holt RG. MR imaging of aneurysmal bone cysts.

Am J Roentgenol

1989;

153

: 99-101.

7. Adamsbaum C, Mascard E, Guinebretiere JM, Kalifa G, Dubousset J. In-tralesional Ethibloc injections in primary aneurismal bon cysts: an ef-ficient and safe treatment.

Skeletal Radiol

2003;

32

: 559-66.

Figure 6. IRM coupe coronale en spin-écho pondérée T1 gadolinium.Lésion multi kystique en hyposignal et rehaussement des cloisons.

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Douleur de la jambe droite chez une femme de 28 ans

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Qu’avez-vous retenu de cet article ?

Testez si vous avez assimilé les points importants de cet article en répondant à ce questionnaire sous forme de QCM.

1. Concernant le kyste anévrismal sous périosté du tibia,

quelles sont les propositions exactes :

A : C’est une tumeur de la synoviale ;

B : C’est une malformation vasculaire de la

synoviale ;

C : Lésion le plus souvent primitive ;

D : Sont diagnostic est histologique.

2. Concernant le kyste anévrismal sous périosté du tibia,

quelles sont les propositions exactes :

A : Sa symptomatologie est spécifique ;

B : Prédomine aux os longs ;

C : Forme la moins fréquente des kystes

anévrismaux des os ;

D : C’est une urgence diagnostique.

3. Concernant le kyste anévrismal sous périosté du tibia,

quelles sont les propositions exactes :

A : La présence de phlébolithes à la radiographie

standard est très évocatrice ;

B : La corticale de l’os peut être érodée ;

C : La TDM est l’examen de choix ;

D : Les logettes et les cloisons sont mieux visibles

en IRM.

4. Concernant le kyste anévrismal sous périosté du tibia,

quelles sont les propositions exactes :

A : L’ostéosarcome télangiectasique est un

diagnostic différentiel ;

B : La présence d’un niveau liquide est spécifique

du kyste anévrismal sous périosté du tibia ;

C : L’injection d’agent sclérosant par radiologie

interventionnelle est le traitement unique ;

D : Le traitement peut être chirurgical.

Réponses : p. 304