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Droit social Domaine du cours : les mécanismes contractuels seront étudiés. Bibliographie Ouvrages : Le manuel de référence : Manuel de droit du travail Précis Dalloz – 1500 pages. Mis à jour tous les 2 ans. Ed. Dalloz Collection Hypercours. Exercices en fin de chapitre, corrigés. Liberté de ton. Une vision d’auteur est proposée. 2010 ou 2011. Introduction Le droit du travail peut être appréhendé à travers ses sources notamment professionnelles et aussi à travers différents aspects du contrat de travail. C’est ce que l’on fait en licence. C’est un angle contractuel. Nous allons compléter cette vision car le contrat de travail est une technique juridique mise au service d’une notion qui est beaucoup plus large : la notion d'emploi. Cette notion a été déjà rencontrée en licence lors de l’étude des contrats à durée déterminée et des contrats de travail temporaires. Mais plus généralement, la notion d’emploi est, de nos jours, centrale au sein du droit du travail français contemporain. En outre, on peut relever que le droit du travail est pour une large part instrumentalisé pour être mis au service des différentes politiques de l’emploi. Entre le salarié et l’employeur se tisse un lien d’emploi et ce lien d’emploi dépasse très largement la seule dimension technique et juridique représentée par le contrat. Cela signifie plus précisément qu’un certain nombre de règles en droit du travail

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Droit socialDomaine du cours : les mécanismes contractuels seront étudiés.

Bibliographie

Ouvrages   : Le manuel de référence : Manuel de droit du travail Précis Dalloz – 1500 pages. Mis à jour tous les 2 ans. Ed. Dalloz Collection Hypercours. Exercices en fin de chapitre, corrigés. Liberté de ton. Une vision d’auteur est proposée. 2010 ou 2011.

IntroductionLe droit du travail peut être appréhendé à travers ses sources notamment professionnelles et aussi à travers différents aspects du contrat de travail. C’est ce que l’on fait en licence. C’est un angle contractuel.

Nous allons compléter cette vision car le contrat de travail est une technique juridique mise au service d’une notion qui est beaucoup plus large : la notion d'emploi. Cette notion a été déjà rencontrée en licence lors de l’étude des contrats à durée déterminée et des contrats de travail temporaires.

Mais plus généralement, la notion d’emploi est, de nos jours, centrale au sein du droit du travail français contemporain. En outre, on peut relever que le droit du travail est pour une large part instrumentalisé pour être mis au service des différentes politiques de l’emploi.

Entre le salarié et l’employeur se tisse un lien d’emploi et ce lien d’emploi dépasse très largement la seule dimension technique et juridique représentée par le contrat. Cela signifie plus précisément qu’un certain nombre de règles en droit du travail vont être appliquées au contrat et vont être expliquées par le prise en compte de l’emploi.

Mais, il faut préciser que l’emploi d’un salarié au sein d’une entreprise n’est pas isolé – il s’agit d’un emploi parmi d’autres. Le salarié est membre d’une communauté de travail dans laquelle les emplois sont multiples. Le droit du travail a dépassé la singularité de chaque relation contractuelle pour admettre l’exigence d’intérêt commun à l’ensemble de la collectivité du travail. Le droit du travail en assure l’expression et la défense par des mécanismes de représentation (représentation élue du personnel et représentation syndicale). Cela est plus du droit public ici. C’est le code électoral qui s’applique. De plus, l’administration du travail va devoir prendre des décisions. Ce sont les JA qui seront compétentes. C’est une dimension importante du droit du travail ici.

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Partie 1   : L'emploi, un enjeu des règles applicables au contrat.

La notion d’emploi est une notion polysémique. On peut désigner des choses différentes avec ce terme : 1. La tâche ou l’ensemble de taches qu’exerce un salarié. Cela est très proche du terme de poste

de travail. 2. Une fonction ou une activité. acceptation fonctionnelle qui ne s’intéresse pas aux taches

précises du salarié mais au type d’activité ou de fonction.

Ce qui est certain c’est que l’emploi a un lien évident avec le contrat de travail. Là encore, on remarque une ambivalence car l’emploi contribue à préciser l’objet du contrat ou des obligations du salarié.

L’emploi est un sous ensemble du contrat de travail. Mais ce n’est qu’un aspect du lien de l’emploi avec le contrat. Par ailleurs, l’emploi s’inscrit dans une relation qui dépasse largement le contrat. On s’en rend compte en examinant les règles de droit positif. Elles révèlent à leur examen que le législateur tente d’organiser l’articulation entre le sort du contrat et le sort de l’emploi.

Dans un certain nombre d’hypothèses, des événements qui sont susceptibles d’affecter le contrat ne vont pas avoir in fine d’incidence sur l’emploi du salarié.

Une grande partie des règles en droit du travail est orientée vers la préservation de l’emploi. Lorsque l’on constate que le contrat peut être rompu pour un motif étranger à la personne du salarié, dans ce cadre l’explication de la rupture tient au fait que l’emploi a été mis en cause.

Titre 1   : La préservation de l'emploi par la pérennisation du contrat.

Un certain nombre de règles organise le maintien du contrat de travail en présence d’événements qui affectent soit son exécution soit l’identité d’une des parties au contrat.

Dans le 1er cas (exécution), on constate que l’inexécution du contrat n’aboutit pas à la rupture du contrat. L’inexécution va entraîner la suspension du contrat et donc on préserve l’emploi. A travers ce mécanisme de suspension on ne remet pas en cause le lien contractuel et on préserve l’emploi.

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On distingue 2 catégories de causes de suspension du contrat de travail : 1. Événements involontaires qui vont affecter temporairement sa capacité physique à exercer la

prestation prévue par le contrat de travail (lié à l’état de santé du salarié). 2. Actes volontaires et qui constituent l’exercice d’un droit. C’est le droit de grève.

Dans le 2nd cas (identité), le droit du travail va, malgré le changement de la personne de l’employeur, organiser le transfert des contrats de travail vers le nouvel employeur.

Chapitre 1   : La suspension de l’exécution du contrat par la maladie et l’accident

Lorsqu’un salarié souffre d’une maladie ou est victime d’un accident, il voit l’exécution du contrat suspendue pour une durée qui est déterminée par le médecin. Cette période connaît parfois un régime juridique spécifique. C’est pourquoi il faut la délimiter avec précision.À l’issu de la période de suspension, un certain nombre d’obligation devront être respectées par l’employeur. Ces dernières visent à garantir l’emploi du salarié, ou si cela n’est pas possible, ces règles visent à vérifier que la rupture est bien légitime (l’employeur n’a pas les moyens de maintenir l’emploi du salarié).

Section 1   : La période de suspension du contrat.

Pendant cette période de suspension suite à une maladie ou un accident, la situation juridique va connaître un certain nombre de changements. À ce titre, outre une reconfiguration des obligations de chaque partie au contrat de travail, on observe que des règles spécifiques devront être mises en œuvre. Ce sont donc ces deux aspects qu’il faut envisager. On va commencer par le point de départ de cette période (§1) puis le contenu de cette période (§2) puis le terme de cette période (§3).

Paragraphe 1   : Le point de départ de la période de suspension

Les textes étatiques ne donnent pas de réponse. Ce point de départ n’est pas indiqué expressément dans les textes. Le texte le plus précis dont on dispose actuellement est l’art L 1226-7 CT : le contrat de travail est suspendu pendant la durée de l’arrêt de travail provoqué par l’accident du travail ou la maladie professionnelle. Le texte n’envisage que les hypothèses où l’incapacité a une source professionnelle. On peut déduire de cet énoncé qu’à priori le point de départ de la période de suspension est le début de la période d’arrêt de travail et donc le premier jour d’absence du salarié.

Or, il existe une ambiguïté sur ce qu’il faut entendre par arrêt de travail. On comprend que le travail a cessé.

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Mais on peut aussi comprendre arrêt de travail d’une autre manière. Et cela fait apparaître en réalité les obligations qui pèsent initialement sur le salarié. Le salarié qui n’a plus la capacité physique de travailler, dont le médecin a constaté l’incapacité physique est la partie qui n’exécute plus ses obligations dans le contrat. Ce n’est pas sa faute mais c’est de son fait. C’est lui qui est à l’origine de l’inexécution. Pour bénéficier du régime juridique qui est prévu en la matière, c’est à lui de justifier son absence, l’inexécution du contrat. Cela fourni une cause, une justification à l’inexécution du contrat et permet de bénéficier du régime juridique. C’est au salarié de prouver en notifiant à l’employeur un certificat médical d’arrêt de travail dans lequel le médecin constate que le salarié n’est pas en mesure d’exécuter ses obligations. On peut alors comprendre l’arrêt de travail comme le certificat médical d’arrêt de travail c'est-à-dire le moment ou l’employeur s’est vu notifier l’explication.

En quoi cela est il différent   ?

La notification de l’arrêt de travail sera postérieure à l’absence du salarié. Néanmoins les acteurs sociaux dans une convention collective nationale interprofessionnelle de 1977 et ensuite le législateur en 2008 sont intervenus Ainsi, le législateur a intégré dans la loi et dans le code (art 1226-1) des obligations pour le salarié pour qu’il notifie le certificat de travail à l’employeur dans les 48 heures du début de l’absence. Le but est de limiter la période d’incertitude sur la raison de l’absence du salarié. Si le salarié ne se manifeste pas, l’employeur n’est pas tenu d’y voir une incapacité temporaire. La seule chose qu’il constatera c’est l’inexécution du contrat. La Cour de cassation juge que la méconnaissance de ce délai autorise l’employeur a constaté une faute du salarié dans l’exécution du contrat qui va l’exposer à une sanction disciplinaire qui peut aller jusqu’au licenciement voire jusqu’au licenciement pour faute grave. Tout sera affaire de circonstances – appréciation in concreto. Parfois, même si le délai n’est pas respecté, le salarié peut n’avoir commis aucune faute (ex : un salarié qui vit seul et qui est dans le coma). Ex : Cour de cassation Soc. 6 mai 1998 : délai dépassé. Mais la Cour de cassation dit qu’il n’y a pas de faute de la part du salarié car pendant ce délai, le salarié avait averti l’employeur par téléphone. A l’inverse, si le salarié ne se manifeste pas du tout, l’employeur sera fondé à en tirer les conséquences et a prononcer éventuellement un licenciement.

Cour de cassation Soc. 3 avril 1990 : faits : un salarié a été absent à compter du 29 juin en raison d’un accident. L’employeur a entrepris une procédure de licenciement ce qui abouti à l’envoi d’une lettre de notification de licenciement. Après l’envoi de cette lettre, l’employeur reçoit un certificat médical d’arrêt de travail du salarié. Les deux courriers se sont croisés. Question : se trouve-t-on en période de suspension du contrat de travail lors du licenciement ?La Cour de cassation a écarté l’application des règles particulières spécifiques à la suspension du contrat de travail. Pour la Cour de cassation, au moment où le licenciement a été décidé, le contrat de travail n’était pas en période de suspension justifié par la maladie ou l’accident. Le licenciement a été prononcé le 19 juillet.

Ce qui est intéressant c’est que c’était un accident du travail. On pourrait considérer que l’employeur était au courant de cet accident ou qu’il aurait dû l’être. Néanmoins, le Cour de cassation estime que tant que le salarié n’a pas justifié son absence, on ne peut pas considérer que l’on est dans une période de suspension du contrat justifiée par la maladie ou l’accident.

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Pour la Cour de cassation, la suspension court à compter de la notification du certificat d’arrêt de travail.

§ 2   : La situation juridique des parties pendant la période de suspension

Il faut distinguer suivant l’origine de la maladie ou de l’accident c'est-à-dire professionnelle ou non. En cas de maladie ou d’accident professionnels, des règles spécifiques sont intégrées dans le CT.

A. Situation juridique des parties pendant une suspension à cause de maladie ou d’accident non professionnels (c'est-à-dire de droit commun)

Les obligations découlant du contrat sont reconfigurées pendant cette période ; et par ailleurs des règles particulières s’imposent en matière de rupture du contrat. Les possibilités de rupture du contrat à l’initiative de l’employeur sont réduites et très strictement encadrées. C’est une 1ère

illustration de la protection de l’emploi.

1.La reconfiguration des obligations des parties 2. Du point de vue du salarié La reconfiguration est évidente puisque pendant la période de suspension, le salarié n’est plus tenu d’exécuter ses 2 obligations principales qui sont l’obligation d’être à la disposition de l’employeur et d’exécuter la prestation contractuelle convenue car il n’a pas la capacité physique d’accomplir la prestation de travail prévue au contrat. Au contraire, la période de suspension doit lui permettre de recouvrer cette capacité de travail temporairement perdue. Cela ne veut pas dire que le salarié n’est tenu à aucune obligation. Même pendant la période de suspension du contrat, il reste tenu d’une obligation de loyauté envers l’employeur (déclinaison de l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi de l’art 1134 al 3 C.civ.).

Dès lors, se pose la question de savoir ce qui pourrait révéler un manquement du salarié à son obligation de loyauté. L’obligation de loyauté va s’appréhender essentiellement en creux. Plus qu’une description de ce qu’il convient de faire pour le salarié pour respecter cette obligation, on s’attache à étudier ce qui constitue un manquement à cette obligation.

Une hypothèse : dans quelle mesure le salarié qui pendant l’arrêt de travail se livre à une activité personnelle méconnaît-il son obligation de loyauté ? La Cour de cassation a pris position de manière ponctuelle et dans un arrêt du 4 juin 2002 elle affirme que « l’exercice d’une activité

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pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui même en manquement à l’obligation de loyauté ». Ce serait la même chose pour l’accident. La Cour de cassation indique que pour caractériser ce manquement il faut prouver plus que le fait que le salarié se livre à une activité personnelle pendant la période d’arrêt de travail. Pour que le manquement a l’obligation de loyauté soit caractérisé, il faut arriver à établir que les faits (dont l’employeur a eu connaissance de manière licite) permettent de démontrer effectivement que le salarié avait la capacité de travail exigée par l’activité à laquelle il se livre; et que cette dernière est au moins égale à celle qu’il lui faut pour exécuter ses obligations professionnelles.

Illustration : arrêt Cour de cassation Soc. 21 mai 1996 : un salarié se livre pendant son arrêt de travail à d’importants travaux de remise en état dans son immeuble. Ici, il était clair que ces travaux montraient que le salarié avait trompé l’employeur sur son état de santé réel et l’avait indûment privé de ses services.

Dans d’autres cas c’est encore plus simple car parfois le salarié se livre à une activité identique à son activité professionnelle. Ex : arrêt Cour de cassation Soc. 21 juillet 1994 : même activité au profit d’un autre employeur. Arrêt Cour de cassation Soc. 21 octobre 2003 : le salarié est un mécanicien employé dans un garage automobile et qui pendant un arrêt de travail exerçait une activité de remise en état d’un véhicule pour son compte personnel. Il avait sollicité les services d’un autre salarié qui travaillait pour le même employeur.

→ L’exécution d’un même travail, d’une même activité montre bien la fraude, le mensonge.

Les faits dont il est question ici (faits exécutés pendant cette période) sont par définition des faits qui relèvent de la vie personnelle du salarié. Donc l’employeur doit user de modes de preuve licite. Il ne peut avoir connaissance de ces faits que de manière fortuite. Il ne peut avoir recours à des stratagèmes car le mode de preuve sera alors illicite.Ex : envoi par l’employeur de cadres dans un restaurant pour vérifier qu’un salarié en arrêt de travail était bien serveur dans ce restaurant.

→ Il faut qu’il apprenne cela de manière fortuite ou que le salarié l’en informe .

Autre illustration : Ne constitue pas un manquement à l’obligation de loyauté (arrêt du 21 mars 2000) le fait pour le salarié pendant l’arrêt de travail de tenir un stand sur un marché aux puces dominical. Ici, la Cour de cassation a estimé que cela n’était pas constitutif d’une faute et n’avait donné lieu à aucune invocation de déloyauté de la part de l’employeur.

Dans un arrêt du 16 juin 1998, le salarié est victime d’un accident de trajet et pendant l’arrêt de travail il avait entrepris un voyage d’agrément en Yougoslavie et il avait pensé à ses collègues et leur avait envoyé une carte postale. C’est comme cela que l’employeur a été informé de ce voyage – il a estimé que cela constituait un comportement fautif et a licencié le salarié. En appel, le salarié s’est vu débouté de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation a cassé cet arrêt et a affirmé 2 choses importantes : la violation des obligations du salarié à l’égard de la Sécurité sociale ne peut justifier son licenciement. Et, le salarié se trouvait en période de suspension de son contrat de travail, en sorte que les faits qui lui étaient reprochés

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ne constituaient pas un manquement aux obligations résultant du contrat de travail et par ailleurs il n’était pas soutenu que le salarié ait commis un acte de déloyauté.

1er point : la violation des obligations du salarié à l’égard de la Sécurité sociale ne peut justifier son licenciement. L’employeur est ici un tiers dans cette relation. Il n’est pas concerné. Si le salarié commet une faute c’est à la Sécurité sociale d’invoquer cette faute. Ce n’est pas à l’employeur de le faire sinon il s’érige en justicier.

2nd point : le salarié se trouvait en période de suspension de son contrat de travail, en sorte que les faits qui lui étaient reprochés ne constituaient pas un manquement aux obligations résultant du contrat de travail et par ailleurs il n’était pas soutenu que le salarié ait commis un acte de déloyauté. A partir du moment où le contrat de travail est suspendu, les faits du salarié relèvent d’un domaine qui est étranger au contrat et donc ils relèvent de sa vie personnelle. L’employeur peut appréhender des fautes qui se produisent dans l’exécution du contrat. Hors de ce cadre, ce qui relève de la vie personnelle du salarié est hors d’atteinte de l’employeur. La seule possibilité pour appréhender ces faits est d’invoquer l’obligation de loyauté ce qu’il n’a pas fait. Mais cela ne veut pas dire que si l’employeur l’avait invoqué, cette dernière aurait été retenue. Il faut démontrer que la teneur de cette activité permet d’établir objectivement que le salarié avait la capacité de travailler.

Concernant cette suspension des obligations, cette période a aussi été l’occasion de s’interroger sur la portée de la suspension et la traduction pratique. Que penser d’un salarié qui refuse de fournir des renseignements à son employeur ? De celui qui refuse une petite collaboration avec son employeur ? La Cour de cassation dans un arrêt du 15 juin 1999 prend une position claire. Elle affirme que si la suspension du contrat de travail provoquée par la maladie ou l’accident ne supprime pas l’obligation de loyauté du salarié à l’égard de l’employeur, la Cour d’appel a exactement décidé que l’intéressée qui, dispensée de son obligation de fournir sa prestation de travail, ne serait être tenue durant cette période de poursuivre une collaboration avec l’employeur. Autrement dit, la poursuite d’une collaboration ne s’inscrit pas dans le registre de l’obligation de loyauté. Fait : salariée responsable du service congés payés. Elle a refusé d’établir un contact pendant la période des congés payés. Cette position de la Cour de cassation ne fait que tirer les conséquences de ce qu’est la suspension du contrat de travail. C’est une suspension de l’exécution de la prestation de travail et de l’obligation d’être à la disposition de l’employeur. Lorsque le salarié bénéficie d’un arrêt de travail, ce salarié n’est plus du tout à la disposition de l’employeur. L’employeur traitait cette salariée sous astreinte. Mais ce n’est pas le cas, la salariée était en arrêt de travail. L’employeur ne peut pas exiger du salarié qu’il soit prêt à participer à la vie de l’entreprise. Ce qui peut occasionner une gêne pour l’employeur. Ce qu’il faut comprendre c’est que l’arrêt de travail constate une incapacité temporaire mais totale. Il n’y a pas de nuances dans l’incapacité sauf précisions particulières du médecin mais là ce n’est pas véritablement un arrêt de travail.

Du point de vue de l’employeur, c’est plus simple pour lui d’avoir à respecter un arrêt de travail, plutôt que des indications du médecin qui préciseraient que le salarié n’est pas capable

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d’effectuer telles tâches et pas des autres.

Néanmoins, la Cour de cassation peu de temps après, à identifier une limite à cette coupure totale de relation, une limite qui réintroduit l’obligation de loyauté. Arrêt du 18 mars 2003. Si le salarié n’est pas tenu de poursuivre une collaboration avec l’employeur pendant la suspension de son contrat de travail provoquée par la maladie ou l’accident, l’obligation de loyauté subsiste pendant cette période et le salarié n’est pas dispensé de communiquer à l’employeur qui en fait la demande des informations qui sont détenues par lui et nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise.

Cette décision identifie un manquement à l’obligation de loyauté lorsque le salarié dans ces circonstances refuse de fournir les informations qu'il détient. Cela joue comme une limite à la coupure légitime des relations entre les salariés et l’employeur.

Cela nécessite tout de même quelques précisions, ce n’est pas toutes les informations : 1. Des informations détenues par le salarié mais par lui seul. Si quelqu’un d’autre dans

l’entreprise dispose de ces informations, l’employeur ne pourra pas se tourner vers le salarié en arrêt de travail.

2. Des informations qui sont nécessaires à la poursuite de l’activité. Il y a une véritable exigence de la Cour de cassation quant au rôle que jouent ces informations. Elles ne sont pas seulement utiles. Elles doivent être nécessaires à la poursuite de l’activité c'est-à-dire que sans ces informations l’activité de l’entreprise ne peut pas être poursuivie. Ce sont des hypothèses assez extrêmes où le fonctionnement de l'entreprise est impossible. La Cour de cassation ne vise pas simplement l’entrave ou la difficulté. Tout est mesure d’appréciation. Ex : un salarié dans le coma qui détient seul des informations nécessaires. Pas de faute contre lui.

On peut citer encore une autre décision récente quant au maintien de l’obligation de loyauté pendant cette période de suspension décision Ch. Soc. 12 octobre 2011.Faits : un salarié en arrêt de travail pour maladie et il avait été vue sur différents marchés avec l’attitude d’un vendeur tenant le stand de son épouse. Ce salarié a été licencié. Le litige qui en a résulté a conduit la CA à estimer qu’en l’espèce il y avait eu instrumentalisation de l’arrêt de travail pour maladie aux fins de se consacrer à une activité lucrative ce qui constitue un manquement grave à l’obligation de loyauté. Cette appréciation est cassée par la Cour de cassation pour violation de la loi car la CA n’a pas constaté en l’espèce que l’activité exercée pendant son arrêt de travail par le salarié portait préjudice à son employeur. La Cour de cassation semble bien faire du préjudice porté à l’employeur un critère de la violation de l’obligation de loyauté. C’est ici dit expressément pour la 1e fois.

D’où une question sur la teneur de ce critère, du préjudice : Peut-on considérer que le simple fait pour le salarié de priver indûment l’employeur de ses services (car les faits révèlent qu’il a la capacité physique nécessaire) constitue en lui même un préjudice susceptible de caractériser la violation de l’obligation de loyauté ? Certains auteurs pensent que c’est distinct, que ce préjudice va au delà du fait de ne pas travailler, que l’activité elle même doit porter préjudice. D’ailleurs on parle bien du préjudice de l’activité exercée. En même temps, pour M. Frossard, la Cour de cassation pourrait reconnaître que la simple

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privation des services fournis à l’employeur est un préjudice qui révèle la violation de l’obligation de loyauté. Mais, au vue de la motivation, ce n’est pas la position actuelle de la Cour de cassation.

Du point de vue de l’employeur Pour l’employeur, du fait de l’indisponibilité du salarié, il se trouve délié de son obligation de fournir un travail au salarié. En outre, il se trouve aussi délié de son obligation de rémunérer le salarié car le salarié n’est plus à sa disposition pour effectuer un travail.

Néanmoins, l’employeur peut être tenu de verser éventuellement une indemnité complémentaire aux indemnités journalières versées par la Sécurité sociale. Elle a pour objectif de permettre un maintien des ressources du salarié. Cette obligation ne pèse sur l’employeur que si 4 conditions sont réunies : 1. Art 1226-1 : le salarié a notifié de son absence dans les 48h. Il a fait parvenir son certificat

d’arrêt de travail. 2. Le salarié a au moins 1 an d’ancienneté3. Le salarié est affilié à la Sécurité sociale française 4. Le salarié est soigné sur le territoire français où sur le territoire d’un EM de l’UE L’employeur devra verser des indemnités complémentaires. Elles vont permettre au salarié de

bénéficier pendant 30 jours de 90% de sa rémunération brute (ce qui fait plus que la rémunération nette !!) puis pendant les 30 jours suivant des 2/3 de cette rémunération brute.

Il existe un délai de carence. Cette obligation ne pèse qu’au bout de 7 jours d’absence.

L’employeur peut de son coté ne pas être convaincu par le certificat d’arrêt de travail (certificat de complaisance). Il peut alors effectuer une contre-visite. Il va diligenter un médecin de son choix pour constater l'incapacité ou non du salarié à travailler. Problème quand il est absent ou quand il refuse d’ouvrir.

Si le médecin estime que le salarié a la capacité physique. L’employeur va se trouver délié de verser son indemnité complémentaire. C’est la seule conséquence. L’absence du salarié de son poste de travail reste valide.

Si le salarié fait à nouveau constater par son médecin traitant de son incapacité, cela remet les compteurs à zéro et l’employeur sera tenu des indemnités complémentaires au bout de 7 jours. Mais il peut refaire une contre-visite.

1.Les exigences relatives à la rupture du contrat de travail pendant la période de suspension

L’employeur voit son droit de licencier restreint, subordonné à un certain nombre d’exigences.

Concernant la rupture du contrat de travail, deux questions se sont posées :

⁃ Qualification de cette rupture .

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Évolution assez spectaculaire sur la manière de se représenter la rupture du contrat de travail en période de suspension. Dans les années 60, on pensait que le contrat était rompu dans le cas de force majeure (événement extérieur à l’employeur, irrésistible, imprévisible). Puis, par la loi de 1973, le législateur a inscrit dans le CT un corpus de règles constituant le régime légal du licenciement avec une exigence de justification de la mesure qui n’existait pas avant. Avec ce nouveau régime légal du licenciement, on prend conscience que quand le contrat est rompu pour force majeure à cause de maladie, ce salarié est traité de la même façon qu’un salarié qui aurait commune une faute grave : aucun préavis, aucune indemnité. Comme cela a paru gênant, la Cour de cassation a changé sa position dans un arrêt du 29 Juin 1977 et énonce que pour que la rupture soit licite, il faut que l’employeur respecte la procédure de licenciement. C’est une décision grave et on n’a pas voulu permettre cette rupture sans que le salarié ait la possibilité de présenter son point de vue, ses observations. Cette analyse a eu un autre mérite, c’est de faire apparaître que l’analyse était quand même très artificielle. On faisait application simultanée des règles de procédure du licenciement et celles de fonds étaient relatives à la force majeure. Ce mode de rupture était complètement hybride ce qui en montrait le caractère artificiel. Cela a permis de mettre en évidence le fait que dans ces situations, quand l’employeur veut rompre le contrat de travail, c’est bien l’employeur qui prend une décision. Il décide de la rupture au moment qu’il choisi et aussi en fonction de l’intérêt qu’il attache à conserver le salarié. En outre, l’événement est certes extérieur à l’employeur mais pas à l’autre partie qui est le salarié. Donc la force majeure n’est pas un bon fondement.

La prise en compte de ces éléments fait que la Cour de cassation a modifié son analyse. Elle penche au fur et à mesure pour un véritable licenciement. Arrêt 21 avril 1988 l’employeur doit livrer au salarié une indemnité d’un montant égal à l’indemnité de licenciement. Puis arrêt du 29 novembre 1990 reconnaissance pur et simple d’un licenciement. L’employeur doit procéder au licenciement. C’est le droit positif.

⁃ Dans quelles conditions le licenciement peut être considéré comme licite   ? ⁃Le licenciement doit être justifié pour être licite. Dans la loi du 12 juillet 1990, le législateur a enrichi l’art. L1132-1 CT qui prohibe les discriminations fondées sur toute une série de motifs. Depuis cette époque on peut lire qu’« aucun salarié ne peut être licencié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap sauf inaptitude constatée par la médecin du travail dans le cadre des dispositions légales ». A partir du moment où on a écrit cela, c’est devenu plus compliqué quelle portée devait-on reconnaître à cette disposition ? → Ce qui est sûr, c’est qu’un licenciement dont le motif ferait apparaître l’état de santé, la maladie, l’inaptitude liée à un accident sauf cas réservé à la fin du texte est discriminatoire et nul.

Ce texte doit-il se voir reconnaître une portée qui va au delà ? Que vise t-on quand on dit « en raison de l’état de santé du salarié » ? Que pensez quand un motif ne vise pas l’état de santé mais est en lien avec l’état de santé ?

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Certains auteurs pensent que le lien de causalité du texte est très large. Il comprend non seulement l’état de santé invoqué comme motif à l’appui de la décision mais c’est aussi un lien de causalité qui englobe l’état de santé lorsque celui-ci n’est que la cause indirecte du motif invoqué. Ex : un motif qui met en avant les conséquences de l’absence du salarié pour l’entreprise. Quand l’employeur met en avant les conséquences pour l’entreprise de l’absence du salarié ; il ne vise pas directement l’état de santé comme motif direct mais ces conséquences n’ont d’existence qu’en raison de l’état de santé du salarié. Certains auteurs pensent que l’on se trouve dans le lien de causalité de l’art L1132-1.

La Cour de cassation de son coté, n’est jamais allée jusque là. Il n’est donc pas impossible pour l’employeur d’invoquer des éléments objectifs liés indirectement à l’état de santé. La Cour de cassation a toujours admis que l’employeur pouvait licencier sous certaines conditions ; et du coup le nombre d’hypothèses est assez limité.

Arrêt Soc. 13 mars 2001 : si l’article L1132-1 CT ne s’oppose pas au licenciement motivé non par l’état de santé du salarié mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées de l’intéressé celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif.

→ Le motif invoqué dans la lettre de licenciement ne doit pas faire apparaître un lien avec l’état de santé même s’il existe. D’où l’invocation des perturbations objectives dans le fonctionnement de l’entreprise et des perturbations d’une intensité telle qu’elles l’obligent à recourir au remplacement définitif du salarié.

La Cour de cassation se montre très vigilante aux situations en question.

« définitif » : s’oppose à temporaire. À partir du moment où l’employeur pour pallier l’absence du salarié a recours au recrutement d’un salarié par contrat affecté d’un terme, il apporte la preuve par son action qu’il n’y a pas de contrainte qui l’oblige à un remplacement définitif. Exemple dans un arrêt du 31 mai 1989 : si remplacement temporaire, le licenciement n’est pas justifié.

L’examen des circonstances de l’arrêt du 13 mars 2001 relève la portée de cette exigence. Dans l’entreprise, il n’y avait que 7 salariés, sur ces 7, un était régulièrement absent pour raison de santé. Lors du litige, la CA avait relevé que ces absences répétées pesaient sur le fonctionnement de l’entreprise travail supplémentaire sur les 6 autres salariés ou recruter un salarié intérimaire. Pour la Cour de cassation, à partir du moment où la CA a constaté cela c’est que l’employeur n’était pas contraint de remplacer définitivement le salarié malade. On prend conscience alors du niveau d’exigence de la Cour de cassation. La Cour de cassation réserve le licenciement mais c’est très exigeant. Les hypothèses sont très limitées : l’employeur ne devrait pas pouvoir réorganiser en interne ni recruter quelqu’un d’extérieur.

Notion de « remplacement » : Dans une décision du 18 octobre 2007, la Cour de cassation a estimé que seul peut constituer un remplacement définitif le remplacement entraînant l’embauche

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d’un autre salarié. L’employeur qui avait procédé à l’externalisation du travail assuré par le salarié malade ne procède pas à un remplacement du salarié. Confirmé par Ass. Plén. 22 avril 2011.

Donc pour remplacer un salarié, il faut procéder à l’embauche d’un autre salarié sous CDI. Mais la Cour de cassation a précisé que la durée du travail du nouveau salarié doit être au moins égale à celle du salarié absent arrêt du 6 février 2008 : salarié à temps partiel absent – 122h/mois et l’employeur avait engagée un autre salarié pour 61h/mois seulement ce n’est pas un remplacement définitif pour la Cour de cassation.

Notion de nécessité de procéder au remplacement : Elle apparaît au regard des perturbations objectives que connaît le fonctionnement de l’entreprise. Si le fonctionnement de l’entreprise est peu perturbé, la nécessité de procéder au remplacement n’est pas nécessaire. En cas de litige, cela pourra être contrôlé à posteriori par les juges car pour la Cour de cassation le remplacement doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement du salarié arrêt du 10 novembre 2004. Délai qui est laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond. Mais la Cour de cassation indique au regard de quels éléments d’appréciation les juges du fonds devront se prononcer. Cela dépend des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné et aussi les démarches réalisées par l’employeur en vue du reclassement du salarié remplacé.

Cette nécessité de remplacement ne peut pas être invoquée même si cela perturbe gravement le fonctionnement de l’entreprise à partir du moment où l’absence prolongée du salarié est la conséquence d’un harcèlement moral de l’employeur. Idée de légitimité. Arrêt 11 octobre 2006.

→ Conclusion : Si la possibilité de licencier existe, les exigences sont telles qu’il y aura assez peu d’hypothèses qui réuniront tous les éléments nécessaires.

B. Les règles spécifiques en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail

Il y a des règles particulières en cas de suspension du contrat de travail due à la maladie professionnelle ou l’accident de travail. Au début des années 1980, il est apparu au législateur que quand l’état de santé est affecté par une maladie professionnelle ou un accident du travail, l’employeur n’est pas étranger à l’état de santé du salarié. D’où des règles comme l’art. L1226-9 CT qui indique qu’au cours des périodes de suspension du contrat, l’employeur ne peut résilier le CDI que s’il justifie soit d’une faute grave ; soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident du travail ou à la maladie professionnelle.

Cet article organise une restriction du droit de l’employeur de licencier. Ce droit n’est pas paralysé mais le code du travail l’aménage et restreint les possibilités de licencier en ne retenant

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que 2 situations :

La faute grave du salarié, antérieure à la suspension du contrat de travail. La faute grave du salarié n’a pas de lien avec les conséquences sur la santé et ce caractère de gravité permet de justifier la rupture du contrat dans de telles circonstances. Cela rapproche le licenciement de la rupture d’un autre type de contrat qui est le CDD. La rupture anticipée du contrat n’est licite que si elle repose sur une des hypothèses visées dont la faute grave.

Un motif sans aucun lien avec l’accident du travail ou la maladie professionnelle. C’est la situation dans laquelle l’employeur ne peut pas maintenir le contrat du salarié mais il n’y a pas de lien avec la maladie professionnelle ou l’accident de travail. La Cour de cassation a compris cette exigence comme le fait que le motif résulte de circonstances totalement étrangères à la personne du salarié. Cela oriente vers la cause économique (c'est-à-dire non inhérente à la personne du salarié). Compte tenu de la formulation, la cause invoquée par l’employeur serait économique. À partir de ce moment, l’employeur devra respecter les règles de licenciement pour motif économique. Au titre de ces règles, il devra respecter l’application des critères d’ordre du licenciement (critère qui permet d’établir un ordre de priorité dans les personnes susceptibles d’être licenciées). Ces critères d’ordre devront être eux mêmes étrangers à la maladie professionnelle ou à l’accident du travail. Il ne devra y avoir aucun lien.Arrêts du 25 mai 1993 ; 21 novembre 2000 : en l’espèce ni l’existence d’une cause économique, ni l’application des critères d’ordre du licenciement ne suffise à caractériser l’impossibilité de l’employeur de maintenir le contrat pour un motif non lié à l’accident du travail. Cela ne signifie pas que la motivation du licenciement est impossible mais juste qu’elle doit aller au delà de la simple invocation de motifs économiques licites. De plus, l’employeur doit pouvoir justifier qu’il n’a pas les moyens de maintenir le contrat de ce salarié en particulier.

On peut se poser des questions car l’exigence de la Cour de cassation pour caractériser un motif économique licite est telle qu’elle pourrait suffire à établir une impossibilité qui n’est pas liée à la maladie professionnelle ou l’accident de travail.

Ce qui est certain c’est que quand l’employeur ne se situe pas dans un de ces deux cas, si violation de ces règles licenciement nul (art L. 1226-13). Qui dit nullité dit annulation rétroactive de l’acte annulé le salarié est réputé n’avoir jamais cessé de faire partie du personnel de l’entreprise. Il peut alors invoquer son droit à être réintégré dans l’entreprise. Mais, il est possible qu’il ne le souhaite pas ; alors, la nullité se résout en indemnité qui devront compenser le préjudice subi.

La Cour de cassation précise en 1989 puis le 12 mars 1996, que l’indemnité en question se distingue des indemnités spécifiques prévues par la loi en cas soit d’impossibilité de reclassement d’un salarié inapte ; soit de violation par l’employeur de son obligation de reclassement. Pour la Cour de cassation ce sont des indemnités qui ne peuvent pas être invoquées dans le cas d’une nullité du licenciement pour violation de l’article L1226-13 CT.

Cela abouti au fait que la violation des règles pendant la période de suspension du contrat pourrait être moins lourdement sanctionnée que la méconnaissance d’une obligation de

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reclassement le licenciement pendant la période de suspension pourra être moins pénalisant que le licenciement intervenant au terme de la période de suspension que l’on ne peut pas reclasser ou pour qui on n’a pas cherché de reclassement.

La Cour de cassation a eu conscience de cette limite et a apporté une solution plancher dans un arrêt du 2 juin 2004 : le salarié a droit à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice subi et elle doit être au moins égale à 6 mois de salaire (qui est aussi l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Lorsque la lettre de licenciement parvient au salarié pendant la suspension du contrat mais que la décision de licencier a été prise avant, l’assemblée plénière de la Cour de cassation dans un arrêt du 25 janvier 2005 a estimé que le licenciement n’était pas nul mais que l’effet du licenciement était reporté au terme de la période de suspension. Ici, l’assemblée plénière prend le contre-pied de la chambre sociale de la Cour de cassation. L’article 1226-13 indique que le licenciement prononcé en violation des règles est nul pour l’assemblée plénière c’est le licenciement au moment ou il est prononcé. Pour la Ch. Soc., le licenciement n’était pris en considération qu’au moment ou le salarié en a connaissance c'est-à-dire quand la lettre de licenciement lui est présentée. L’interprétation de l’assemblée plénière va dans le même sens que d’autres décisions de la Ch. Soc : la chambre sociale privilégie le moment d’expédition de la lettre et non pas la date de réception de la lettre.

§3   : La fin de la période de suspension du contrat de travail

Il n’y a pas de règles étatiques sur cette question. Le législateur ne prend pas partie sur la fin de la période de la suspension. Le bon sens nous dit que la fin de cette période serait la reprise du travail  ; or ce n’est pas cette circonstance que la Cour de cassation a retenu dans son interprétation. Dès le début des années 90 et avec des arrêts du 12 novembre 1997, la Cour de cassation a retenu comme faits marquants la fin de la période de suspension non pas la reprise du travail mais la visite de reprise du travail auprès du médecin du travail.

C’est contestable pour de nombreuses raisons :

→ Cette visite de reprise du travail n’est pas imposée par la loi, elle n’est pas obligatoire ; cela se vérifie pour les accidents du travail qui entraînent une absence de moins de 8 jours ; et pour les maladies non professionnelles de moins de 21 jours pas de visite auprès du médecin du travail.

→ En outre, même quand c’est imposé par la loi, il y a des situations paradoxales qui apparaissent : ⁃ La visite de reprise du travail n’est pas organisée concomitamment à l’occasion de la reprise du

travail. c’est possible car la loi laisse à l’employeur une période de 8 jours pour organiser cette visite. Pendant ces 7 jours, le salarié aura travaillé, il sera donc rémunéré, donc on n’est plus en période de suspension. C’est de la fiction !

⁃⁃ Lorsque le médecin du travail à un doute sur l’aptitude réelle du salarié. S’il ne constate pas

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immédiatement l’aptitude car il a un doute ; il y aura une autre visite 2 semaines et l’inaptitude du salarié ne sera constatée qu’après cette visite mais pour la Cour de cassation c’est la 1e visite qui met fin à la période de suspension arrêt du 16 février 1999. Or, c’est assez fréquent, en cas de doute, que le médecin prescrive au salarié de ne pas reprendre son travail jusqu’à la 2e visite. Pourtant pour la Cour de cassation on n’est plus en période de suspension !

Ce n’est pas convaincant. Pour M. Frossard, comme pour M. Sabatier, il aurait fallu se référer à la reprise du travail par le salarié.

Section 2   : Les obligations de l’employeur après la période de suspension du contrat

Ces obligations sont très dépendantes de la capacité ou non du salarié à exercer pour l’avenir sa prestation de travail contractuelle.

§1   : La détermination de l’aptitude du salarié

Cette détermination résulte par un constat fait par le médecin du travail (art R 4624-21 CT) obligation pour l’employeur d’organiser une visite médicale de retour au travail auprès du médecin du travail dans les 8 jours qui suivent la reprise du travail pour tout arrêt à cause : ⁃ d’une maladie professionnelle, ⁃ d’un congé de maternité, ⁃ d’un arrêt de travail d’au moins 8 jours pour cause d’accident du travail, ⁃ ou d’au moins 21 jours pour maladie ou accident non professionnelles ⁃ et dans le cas d’absences répétées pour raison de santé.

Cela ne veut pas dire que le salarié doit rester passif. Il peut organiser cette visite à condition d’en informer l’employeur. Mais l’employeur ne pourra jamais lui opposer sa passivité arrêt du 12 octobre 1999. Plus récemment, la ch. Soc. a admis que le salarié ne commettait aucun manquement en ne se présentant pas à une visite médicale envisagée seulement par le médecin du travail. Son contrat demeure suspendu jusqu’à ce que l’employeur exécute son obligation en organisant cette visite arrêt 28 avril 2011.

Cela se comprend bien parce que finalement le médecin du travail fixe un terme à la relation de travail, autant on peut concevoir que le salarié lui même qui est le principal intéressé puisse pallier la défaillance de l’employeur, sa passivité ; autant le médecin du travail qui est un tiers à la relation de travail ne peut avoir aucun effet sur le régime juridique en question.

Lorsque le médecin du travail procède à la visite de reprise du travail, il va examiner l’aptitude du salarié à exercer sa prestation de travail.

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On peut envisager finalement plusieurs issues :

I. Le médecin constate l’aptitude du salarié à travailler. II. Le médecin constate l’aptitude sous certaines réserves (pas porter plus de X kilos) et

l'employeur est lié par ces réserves. III. Le médecin constate l’inaptitude du salarié à son emploi voire même à tout emploi dans

l’entreprise. IV.Mais le médecin du travail ne peut pas constater d’emblée son inaptitude sauf dans un cas  : la reprise du travail par le salarié ferait courir un danger immédiat pour la santé ou la sécurité du salarié ou celle des tiers. La Cour de cassation admet que le constat du médecin peut être justifié de manière assez réduite : il est simplement inscrit « inaptitude dès la 1e visite, article R4624-31 ». Dans cette hypothèse, le médecin du travail devra organiser une 2e visite au moins 2 semaines après la 1e et ce n’est qu’à l’issue de cette 2e visite que l’inaptitude pourra être constatée.

La Cour de cassation s’est distinguée par une analyse très formelle concernant le respect de ce délai arrêt de 2006 : un salarié a fait une visite, doute du médecin. 3 autres visites ont été organisées et à la 4ème visite, constat de l’inaptitude. Ces 4 visites ont eu lieu sur une période d’un mois et demi, aucune de ses visites n’était séparée par le délai de 15 jours ; et la du coup non respect du délai. Donc constat irrégulier donc l’employeur n’avait pas à en tenir compte. Dès lors le licenciement intervenu à la suite de ce constat a été considéré comme nul.

En cas de non-respect de ces règles => la nullité est encourue parce que l’on est dans un domaine qui recoupe celui de la discrimination. Si un licenciement intervient après un constat d’inaptitude, immédiatement, il sera fondé uniquement sur l’état de santé du salarié sans que l’employeur respecte ses obligations particulières et la nullité pourra être reconnue. Arrêt du 4 juin 2002.

Attention, cette visite ne doit pas être confondue avec la visite de pré-reprise de l’article R4624-23.

Cette visite est uniquement destinée à préparer le retour au travail du salarié et à permettre à l’employeur d’anticiper les modifications à apporter à son poste de travail. Cette visite de pré-reprise n’a pas pour objet de faire un constat sur l’aptitude du salarié et ne met pas fin à la période de suspension du contrat de travail.

La visite de pré-reprise ne peut pas être sollicitée par l’employeur, seuls le médecin traitant et le salarié peuvent la solliciter

§2   : Les obligations de l’employeur qui découle du constat du médecin du travail

Ces obligations vont être différentes selon le constat effectué.

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I.A. En cas d’aptitude constatée II.L’employeur est soumis à l’obligation de réintégrer le salarié sur son emploi pour qu’il effectue la prestation de travail contractuelle. Si cet emploi a disparu, l’employeur doit quand même le réintégrer mais sur un emploi similaire. La Cour de cassation dit qu’un emploi similaire c’est un emploi exigeant les mêmes qualifications professionnelles, même rémunérations, même perspectives de carrière. C’est une conception dynamique de l’emploi. Arrêt du 22 octobre 1997.

Cette obligation a des origines distinctes : • Si origine professionnelles → c'est prévue par la loi art 1226-8 CT• Si origine non professionnelles → rien dans les textes mais obligation reprise par analogie par

la Cour de cassation.I.La sanction de cette obligation va varier.

⁃ Maladie ou accident de droit commun La Cour de cassation considère que l’employeur qui ne réintègre pas le salarié sur son emploi ou un emploi similaire commet un licenciement de fait qui n’est pas justifié et qui ouvre droit aux indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Plus précisément, en réalité, l’employeur qui méconnaît ses obligations contractuelles, car il doit fournir du travail au salarié. Le salarié peut alors prendre acte d’une rupture imputable à l’employeur. Mais si on estime que l’employeur n’a pas violé ses obligations ou que ce n’est pas une violation grave la prise d’acte produira les effets d’une démission. Mais en cas de violation de l’obligation de fournir du travail c’est grave donc effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

⁃ Hypothèse de l’article L1226-8 où une obligation spécifique pèse sur l’employeur La méconnaissance par l’employeur ici de son obligation va avoir des conséquences particulières puisqu’on va assimiler ce refus à un licenciement illicite qui va être sanctionné comme il suit : versement d’une indemnité de licenciement égale au double de l’indemnité légale ; une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne pourra être inférieure à 12 mois de salaire. Article L1226-15 al 3.

Si cette aptitude est assortie de réserves, l’employeur a l’obligation de les respecter. Il doit s’en tenir à l’aptitude véritable du salarié. Les réserves formulées par le médecin du travail, sont toujours considérés comme des nuances à apporter à une appréciation générale qui demeure l’aptitude. Cette aptitude commande l’obligation pour l’employeur de faire bénéficier au salarié du même emploi ou d’un emploi similaire.

Ces réserves ne remettent pas en cause le lien contractuel.

I.B. En cas d’inaptitude constatée

Le médecin est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutation ou transformation de poste justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, la résistance

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physique ou à l’état de santé physique et mental des travailleurs. L’employeur est tenu de prendre en considération les observations du médecin du travail, au besoin en les sollicitant. Il doit être actif. Si le médecin ne propose rien, l’employeur doit lui demander. Article R4721-5.

Il existe à la charge de l’employeur une véritable obligation de reclassement du salarié c'est-à-dire une obligation de proposer au salarié, compte tenu des observations écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des taches existantes dans l’entreprise, un emploi adapté à sa capacité et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutation, transformation de poste, ou aménagements du temps de travail.

On retrouve cette formulation à l’art. L1226-2 pour les inaptitudes ayant une source non professionnelle et à l’art. L1226-10 pour les inaptitudes d’origine professionnelles.

Ici c’est singulier. Il y a une obligation qui pèse sur l’employeur. Il doit poursuivre le lien contractuel alors même que le salarié n’est plus en mesure physiquement, matériellement d'exercer la prestation de travail à laquelle il s’est engagé. L'employeur doit faire tout ce qu’il peut pour maintenir ce lien contractuel. Pourquoi ? Historiquement, cette règle d’obligation de reclassement est apparue en janvier 1981 mais ne concernait que les inaptitudes professionnelles. C’était conçu selon une logique de responsabilité. L’employeur était au moins en partie responsable de la situation et donc de l’inaptitude du salarié et donc il se devait de faire en sorte que le salarié puisse continuer à travailler. Le corollaire était que si l'inaptitude était non professionnelle pas d’obligation de reclassement.

Puis la Cour de cassation a étendu cette obligation de reclassement aux inaptitudes non professionnelles. Donc là on ne peut plus rester sur le terrain de la responsabilité donc la Cour de cassation a choisi un autre fondement qui est l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat (art 1134 al 3). Cette analyse de la bonne foi n’est qu’à moitié convaincante. C’est une vision renouvelée de la bonne foi car on raisonne au regard de l’exécution du contrat tel qu’il existe mais cela dépasse les prévisions contractuelles car l’employeur doit s’adapter à une situation nouvelle.

La Cour de cassation invoque encore cette disposition du C.civ. actuellement. Mais ce n’est que partiellement convaincant car cette obligation de bonne foi est invoquée dans une hypothèse ou l’une des parties au contrat n’est plus en mesure de l’exécuter. Classiquement, ce genre d’inexécution du contrat peut donner lieu à deux types de réaction de la part du cocontractant : • La résolution pour inexécution• L'exception d'inexécutionI.On n’est pas du tout dans une logique, à part l’exception d’inexécution, de maintien du contrat, une logique dans laquelle on exige de l’autre partie (celle qui peut exécuter le contrat) qu’elle continue l’exécution du contrat, qu’elle fasse tout son possible pour maintenir le lien contractuel. Or en se fondant sur l’exécution de bonne foi, il s’agit d’exécuter le contrat au delà de ce qui a été prévu par les parties à l’origine. Ici l'employeur doit continuer à exécuter le contrat en présence de circonstances imprévues à l’origine qui pèsent sur son exécution.

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→ C’est une conception renouvelée de la bonne foi, une conception dynamique qui envisage le contrat comme un accord susceptible d’évolutions ultérieures au gré des circonstances.

Remarque   : Cette hypothèse de bonne foi n’est pas particulière au contrat de travail. On peut évoquer les théories solidaristes en droit des contrats.

Mais on se demande pourquoi les juges ont eu cette approche de la bonne foi. Existe-t-il une raison juridique pour laquelle on a eu une conception renouvelée de la notion de bonne foi ? Il faut aller chercher dans le préambule de la Constitution de la 4e République qui énonce que "Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi". Des auteurs ont fait remarquer que cela implique que quand la personne dispose d’un emploi, tout doit être fait pour le maintenir dans la mesure du possible. Cela n’empêche pas de reconnaître des possibilités de rupture du contrat.

1.L'étendue de l'obligation de reclassement dans le cadre de l'inaptitude

Assez rapidement la jurisprudence de la Cour de cassation a conféré à cette obligation une grande portée dans l’espace et dans le temps.

Portée spatiale   : Cela implique pour l’employeur de rechercher un emploi adapté aux capacités du salarié au sein de l’entreprise ; pas seulement dans l’atelier ou le service où travaille le salarié, pas seulement dans l’établissement ou le site ou il est employé mais dans l’ensemble de l’entreprise. La Cour de cassation est allée plus loin puisqu’elle estime que l’employeur doit rechercher les possibilités de reclassement au sein des autres entreprises du groupe auquel appartient la sienne. Ces entreprises sont toutes celles du même groupe de sociétés dont les activités, l’organisation, et le lieu d’exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel. Arrêt Cour de cassation Soc. 19 mai 1978 confirmé le 18 avril 2000. Le Cour de cassation s’affranchit des distinctions entre personnes morales. La Cour de cassation ne retient que l’unité socio-économique du groupe. Sous cet angle, le groupe de société est une entité prise en compte en tant que telle par le droit du travail comme un espace d’application des règles.

Portée temporelle   : Ce n’est pas une obligation à caractère ponctuelle qui serait limitée au moment où l’inaptitude du salarié est constatée. C’est au contraire une obligation générale à caractère permanent. Tant que le contrat existe, l’obligation est permanente. Si l’employeur trouve un emploi permettant de reclasser le salarié et que ce dernier accepte mais qu'il s’avère par la suite que le salarié peine dans l’exécution de ces nouvelles tâches l’employeur n’est pas délié de son obligation de reclassement – il doit rechercher un emploi mieux adapté aux capacités du salarié.

Cela implique des conséquences. Ainsi, la Cour de cassation estime que si le salarié est déclaré inapte à tout emploi dans l’entreprise par le médecin du travail, pour autant l’employeur n’est pas délié de son obligation de reclassement. Arrêt Cour de cassation Soc. 10 mars 2004. Raison de cette conclusion : obligation permanente de rechercher au delà de l’entreprise même. Cela dépasse le cadre de l’entreprise. Mais si l’entreprise ne fait pas partie d’un groupe

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problème.

Cela nous permet justement de souligner plus clairement l’intensité de l’obligation en elle même. Que doit faire l’employeur pour satisfaire son obligation de reclassement ?

1.L'intensité de l'obligation de reclassement dans le cadre de l'inaptitude

Articles L1226-2 et L1226-8 CT.

Ces textes indiquent que l’employeur doit rechercher un emploi adapté aux capacités du salarié et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé. Il y a la prise en compte du fait que l’emploi ne sera pas forcément du même type. C’est confirmé par le fait que le texte ici précise qu’au besoin cela peut passer par la mise en œuvre de mesures particulières comme la mutation, la transformation de poste ou l’aménagement du temps de travail.

Ces transformations affectent l’emploi. Cela peut conduire d’un point de vue juridique à la modification du contrat de travail. Effectivement, la mutation ou la transformation de poste peut déboucher sur la modification du contrat de travail. Le salarié est libre de l’accepter ou de la refuser. Il n’y a pas d’obligation qui pèse sur lui. Un refus du salarié ne saurait être considéré comme fautif Cour de cassation Soc. 9 avril 2002.

Néanmoins, cela ne veut pas dire que dans toutes les hypothèses le refus du salarié sera considéré comme légitime. S’il y a modification du contrat de travail, le salarié en tant que partie au contrat peut accepter ou refuser ; mais si le contrat de travail en tant que negotium n’est pas affecté, le refus pourrait être considéré comme illégitime. Le législateur a pris en compte ce refus abusif, injustifié ce salarié ne bénéficierait pas à des indemnités majorées en cas de licenciement.

Qu’est ce qu’un refus abusif   ? Ce serait, pour la Cour de cassation, un refus sans motif légitime d’un poste approprié à ses capacités et comparable à l’emploi précédemment occupé à partir du moment où il n’y a pas de modification du contrat en tant que tel. Arrêt Cour de cassation Soc. 20 février 2008.

L’obligation de reclassement est-elle une obligation d’agir afin de libérer un poste qui serait adapté aux capacités du salarié? Cette obligation affecterait dès lors un tiers à la relation contractuelle. La Cour de cassation a eu l’occasion de connaître de ce type de question dans un arrêt du 15 novembre 2006 l’employeur ne peut être tenu d’imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail à l’effet de libérer son poste pour le proposer en reclassement. Il faut noter que de toute façon, l’employeur n’a pas le droit d’imposer une modification du contrat de travail.

Deux questions se posent• Est ce qu'il a l'obligation d'imposer un changement des conditions de travail dans l'exercice de

son pouvoir de direction ? La Cour de cassation n'a pas répondu à cette question

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• Est-ce qu'il doit proposer une modification du contrat de travail ? Est-ce-que la proposition de modifier le contrat de travail d'un salarié tiers pour libérer le poste peut être considéré comme relevant de son obligation de reclassement ? A vrai dire, M. Frossard ne voit pas ce qui s’y oppose dans la mesure où l’employeur doit faire tout son possible pour le reclassement.

Ces questions témoignent de la très grande prégnance de cette obligation qui dépasse la situation du salarié inapte.

Dans un certain nombre d’hypothèses, le reclassement est impossible car l’employeur n’a pas les moyens matériels. Ce n’est que dans cette hypothèse qu’on pourra envisager la question du licenciement.Il faudra que l’employeur ait effectué une recherche sérieuse. Une recherche sérieuse implique pour la Cour de cassation qu’on y consacre un certain temps Cour de cassation Soc. 30 avril 2009 : l’employeur s’était contenté d’un avis d’un seul délégué du personnel sur le reclassement et par ailleurs la Cour de cassation relevait la brièveté du délai écoulé à compter de la déclaration d’inaptitude (-15 jours) pour conclure qu’il n’y avait eu aucune tentative sérieuse de reclassement.

Précision   : dans le cadre du reclassement pour inaptitude d’origine professionnelle, l’employeur a l’obligation supplémentaire de recueillir l’avis des délégués du personnel. C’est une compétence exclusive des délégués du personnel. Le Comité d’entreprise ne peut pas le faire. La Cour de cassation en 2003 a estimé qu’il n’y avait pas d’obligation pour l’employeur de réunir tous les délégués en même temps.

Ce n’est qu’après une recherche sérieuse objectivement infructueuse que l’employeur pourra envisager le licenciement. Sur quels motifs le licenciement peut et doit reposer   ? Pas sur l’inaptitude en tous cas. Pour justifier le licenciement l’employeur doit faire apparaître dans la motivation de la lettre de licenciement à la fois les motifs pour lesquels il ne peut être donné suite aux propositions du médecin du travail et par ailleurs les éléments objectifs qui établissent l’impossibilité de disposer d’un poste approprié aux compétences du salarié. Souvent, pour l’employeur, ce qui s’oppose au reclassement c’est l’absence d’emploi adapté. C’est un argument négatif. Pour établir cette absence de poste adapté, il est d’autant plus fondamental qu’il démontre qu’il a fait les recherches d’où l’importance des recherches effectuées. La Cour de cassation est très vigilante Soc. 9 avril 2008 : la Cour de cassation rappelle bien que ne constitue pas l’énoncé d’un motif précis de licenciement l’inaptitude du salarié sans mention de l’impossibilité de reclassement. Pour garantir un minimum le respect de ces obligations par l’employeur, un certain nombre de dispositions juridiques vont venir sanctionner ces obligations. Le droit en tire des conséquences sur le terrain du licenciement et de la rémunération.

Quant au licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle :Ici le licenciement entraîne le versement d’une indemnité de licenciement égale au double des indemnités légales. En outre, le salarié licencié bénéficiera d’une indemnité compensatrice de préavis et de congé payé.

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L’indemnité compensatrice est particulière car le salarié ne peut pas exécuter le préavis. On fait payer à l’employeur l’origine de l’inaptitude (idée de responsabilité de l’employeur dans l’inaptitude du salarié). Le versement de ces indemnités doit être observé quel que soit le mode de rupture (sauf démission) même si le salarié est mis à la retraire ou s’il oppose un refus à la proposition de reclassement faite par l’employeur. Ce n’est qu’en cas de refus abusif, que le salarié ne bénéficiera pas de la majoration de ces indemnités.

En outre, si l’employeur ne respecte pas ses obligations en matière de reclassement, il sera tenu de verser au salarié en cas de licenciement une indemnité sanctionnant l’absence de cause réelle et sérieuse (article L 1226-15) et ce quelle que soit l’origine de l’inaptitude. Elle ne pourra être inférieure à 12 mois de salaire. Arrêt du 20 septembre 2006.

La Cour de cassation a fait preuve d’une certaine compréhension face à un employeur qui engage une procédure de licenciement avant la déclaration d’inaptitude mais que le licenciement n’est prononcé qu’après. Le licenciement n’est pas nul mais illicite car non-respect de son obligation de reclassement. Le licenciement est injustifié. Ce qui compte c’est le moment ou le licenciement est prononcé. C’est quelque chose qui pourrait être discuté car l’intention de licencier remonte à avant la déclaration d’inaptitude.

Quant à la rémunération : Sur ce terrain le législateur a fini par prendre conscience d’un problème particulier qui l’a conduit à imposer une règle spécifique (art. L1226-4 et -11) si le salarié n’est pas reclassé dans l’entreprise à l’issu du délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail ou s’il n’est pas licencié, l’employeur est tenu de verser à l’intéressé dès l’expiration de ce délai le salaire qui correspond à l’emploi qu’il occupait avant la suspension de son contrat de travail. Cette règle vaut même en cas d’inaptitude du salarié à tout emploi dans l’entreprise.

Pourquoi avoir prévu cela ? Pour mettre fin à une pratique de parfaite passivité des employeurs en cas d’inaptitude du salarié : il ne cherchait pas d’emploi, mais ne licenciait pas non plus. Donc le salarié ne travaillait pas car inapte mais il n’était plus en période de suspension du contrat de travail donc il n’était plus rémunéré mais n’étant pas licencié, il ne pouvait travailler pour le compte d’une autre personne (car c’est une faute). Apparaissaient alors des salariés fantômes. C’était très nuisible pour les salariés. Des juges du fond en ont pris conscience (début des 90 la CA de Douai notamment) et donc l’employeur devait continuer à rémunérer le salarié et prendre ses responsabilités. Cela a été repris par le législateur en lui donnant un fondement légal.

→ Cette règle est une excellente incitation pour l’employeur à agir soit en le reclassant soit en le licenciant.

En même temps, se pose la question pour l’employeur de l’exécution de l’obligation de reclassement. Pour la Cour de cassation (arrêt du 30 avril 2009 précité) il faut un certain temps pour que l’exécution soit considérée comme sérieuse. Question : si au bout d'1 mois le licenciement est prononcé est-ce-que l’on va considérer qu’il y a eu une recherche sérieuse   ? Si l’employeur avait décidé aussi rapidement du licenciement dans cette affaire c’est aussi pour éviter d’avoir à payer le salarié dont le reclassement semblait

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impossible. Les recherches pour le reclassement avaient été commencées pendant la période de suspension. Mais la Cour de cassation ne l’a pas pris en compte. Il apparaît aujourd'hui assez difficile de pouvoir envisager un licenciement sans avoir à payer le salarié au titre de cette règle.

Concernant le point de départ du délai d’1 mois   : La Cour de cassation fait partir le délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail. Or, en cas d’inaptitude, il y en a plusieurs. Dès lors, quelle date doit être prise en considération ? La Cour de cassation a estimé que c’était la date de l’examen médical qui permet la déclaration d’inaptitude c'est-à-dire la 2e visite médicale. C’est logique car ce n’est que quand l’employeur sait ce qu’il a à faire en terme de reclassement que le délai court.

Arrêt 28 janvier 1998 l’année suivante, la Cour de cassation a estimé que l’obligation de reprendre le versement de la rémunération existe même si le salarié a refusé abusivement la proposition de reclassement de l’employeur.

Attention, cette obligation, lorsqu’elle est méconnu n’a pas d’incidence quant au caractère justifié ou non du licenciement. Tout au plus, sa méconnaissance justifiera à titre d’indemnité des sommes qui auraient dû être versées. Aucune incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Lorsque le salarié est dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail pour raison de santé, cette circonstance à elle seul ne permet pas la rupture du contrat.Si l'inaptitude est temporaire, cela entraîne une suspension du contrat de travail. Si l'inaptitude est définitive, cela fait naître une obligation de reclassement à la charge de l'employeur. Et une éventuelle rupture du contrat ne peut être fondée que sur une impossibilité avérée de reclassement.

On est bien en présence de mécanisme contractuel orienté vers la poursuite du contrat de travail. De la sorte, on arrive à maintenir l'emploi en assurant la pérennité du contrat. Cela s'explique évidemment par la prise en compte que l'emploi pour le salarié a un caractère alimentaire. Le salarié tire ses revenus de l'emploi salarié qu'il occupe.

Ces mécanismes orientés vers la survie du contrat existent dans le cas de circonstances accidentelles mais ils existent aussi en présence de fait qui sont volontaires.

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Chapitre 2/ Suspension du contrat reposant sur un acte volontaire   : La grève

La grève est un fait social qui progressivement a été pris en compte par le droit. L'origine du mot grève : c’est le rivage, faire la grève c’était parcourir les rivages de la seine à Paris pour se rendre place de Grève (place de l’hôtel de ville). On a un sens éloigné de ce qu'on connaît de nos jours. La place de Grève va connaître une autre fonction au cours du temps.À partir du milieu du XVIIIe, la place va être le lieu où se noue les transactions autour de l'emploi. À une époque où le travail était noué à la journée, on se rendait place de grève. Faire la grève c'est aussi à partir de cette époque essayer de trouver un travail.Ce n'est qu'à partir du XIXe que l'expression va progressivement acquérir le sens spécialisé que l'on connaît : arrêt de travail à des fins revendicatives.

Le fait qui est désigné par cette expression remonte à une période bien antérieure à la désignation actuelle. Ces phénomène d'arrêt de travail à des fins revendicative remontent à la Renaissance. On retrouve des traces écrites en Avril 1539 à Lyon dans le milieu de l'imprimerie. Les compagnons de l'atelier de Sébastien Gryphe vont être à l'origine d'un mouvement de protestation et ils cessent le travail pour soutenir des revendications :⁃ La durée de travail beaucoup trop longue.⁃ Un objet plus connoté : La qualité de la nourriture qu'il recevait chez les maîtres.

C'est un mouvement qui dépasse l'atelier de Sébastien gryphe car les compagnons ont investis d'autres ateliers. Des négociations se sont engagées. Ce scénario ressemble à ce que l'on peut connaître de nos jours.

Les maîtres imprimeurs font une proposition de fournir une somme d'argent pour se nourrir et les compagnons ont refusé. La raison invoquée est une raison d'ordre moral. Les compagnons ne revendiquaient pas une autonomie.Le conflit prend fin en fin d'année par une sentence de Du payrat qui donne satisfaction aux compagnons car elle donne obligation aux maître de fournir de la nourriture saine et abondante.Il y a aussi l'idée d'un contrôle de l'obligation faite aux employeurs.

Par bien des aspects, ce mécanisme pourrait être aujourd'hui qualifié de grève à une différence près qui est la violence exercée sur les salariés qui ne voulaient pas faire grève.

Pourtant le fait de reconnaître la grève comme l'exercice d'un droit est à l'échelle du droit du travail, assez contemporains. Il faudra attendre à partir de la révolution Française, un siècle et demi avant qu'on reconnaisse la grève comme un droit. On part d'assez loin parce que si on remonte à l'époque révolutionnaire, on a un texte qui prend en considération ce genre de fait social dès les début de l'époque révolutionnaire. Mais cette prise en considération va se faire aux antipodes de ce que l'on connaît aujourd'hui.

Il s'agit de la loi le Chapelier de 1791. Il faut observer les circonstances de la loi. Au mois d'avril,

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un conflit se développe à Paris au sein des charpentiers. Un conflit assez violent. Les revendications : des rémunérations leur permettant de vivre dignement. C'est un mouvement très mobilisateur qui semble prendre de court les autorités municipales qui décident de réprimer ce mouvement par la force.La loi Le chapelier est proclamée dans ce contexte et vise à proclamer et garantir la liberté du travail et à mettre fin aux corporations. Dans le contexte de l'époque, les parlementaires viennent de mesurer à quel point les phénomènes collectifs peuvent être puissant et à quel point ces phénomènes sont susceptible de remettre en cause l'ordre établi.On interdit donc les regroupements de travailleurs d'au moins 20 personnes sans autorisations administrative préalable et on interdit plus spécifiquement les regroupement de travailleurs refusant ensemble et simultanément leur travail ou visant à faire cesser simultanément le travail. Ce sont des interdictions pénalement sanctionnées.→ Le code pénal de 1810 va renforcer cette analyse et le phénomène de coalition devient un délit.

Les premiers textes qui s'intéressent à la grève sont des textes qui les incrimine et organise la sanction.

Évolution   :

Il faut attendre le second empire et la période dite « libérale » où Napoléon 3 ressent le besoin de refonder sa légitimité au sein des travailleurs.Une concession est réalisée en 1864 par une loi qui organise la dépénalisation du fait de coalition.Mais en même temps, ce n'est pas une dépénalisation totale puisqu'on maintien quand même des sanctions à l'égard de « quiconque qui à l'aide de violence, voie de fait, manœuvre frauduleuse aura amené ou maintenu ou tenté d'amener ou de maintenir une cessation concertée du travail dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail ».À Partir de 1864, le fait de coalition n'est plus pénalement sanctionné mais cela ne veut pas dire qu'il est licite. Sur le terrain civile, on considère que cela correspond à une inexécution fautive du contrat. C'est le même mouvement que l'on rencontre dans le domaine du droit de la famille où l'adultère n'est plus sanctionné pénalement mais c'est toujours une faute.

→ La coalition justifie donc la rupture du contrat.

Cette conception d'une grève qui consomme la rupture du contrat va se maintenir jusqu'à la fin de la IIIè république. En témoigne deux décisions :

Décision de la cour de cassation du 15 mai 1907 qui énonce que le salarié qui se met en grève rend impossible par son fait volontaire la continuation de l'exécution du contrat de travail qui le liait à son patron, un tel fait s'il ne lui est pas interdit par la loi pénale n'en constitue pas moins quels que soient les motifs auxquels il a obéit, une rupture caractérisée du dit contrat.C'est le fait de se mettre en grève qui constitue la rupture du contrat.

La grève est assimilée à une modalité particulière de démission du salarié.

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À la fin de la III, évolution se dessine avec une décision de la cour supérieure d'arbitrage de 19 mai 1939 qui va considérer que la grève ne rompt pas ipso facto le contrat de travail en l'absence de toute volonté expresse ou implicite du salarié de démissionner.Cette analyse, d'un point de vue juridique, change simplement la qualification de la rupture. On passe d'une forme de démission à une inexécution fautive qui peut être sanctionné par un licenciement.

→ Le fait de se mettre en grève demeure une inexécution fautive du contrat.

Cette conception sera remise en cause seulement après la 2nd guerre mondiale par le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 ; on retrouve dans celui-ci des principes politique économiques et sociaux reconnus comme particulièrement nécessaires à notre temps. On retrouve parmi ces principes le droit de grève. « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». → C'est la première fois que la grève est visée comme étant un droit subjectif.

Cela va avoir un certains nombres de conséquences. Cela va remettre en cause la jurisprudence de la cour de cassation et l'analyse que l'on peut avoir sur les incidences contractuelles de la grève. Si la grève constitue l'exercice d'un droit, il est évident qu'elle ne peut justifier la rupture du contrat ou alors on tombe dans l'abus de droit. Dès les années 1950, la jurisprudence de la Cour de cassation évolue en ce sens.Dès lors, si la grève ne peut pas entraîner la rupture en tant que telle du contrat, on aura recours à un autre mécanisme mais qui ne remet pas en cause l'existence du contrat. Ce mécanisme est celui de la suspension du contrat de travail.En outre, il ne s'agit pas de n'importe quel droit. C'est un droit qui va acquérir une valeur constitutionnelle au moins depuis une décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 qui reconnaît que préambule de la   Constitution du 4 octobre 1958  qui renvoie au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et à la  Déclaration des droits de l'homme et du citoyen   du   26 août   1789 . a une valeur constitutionnelle au même titre que le corps de la constitution : c'est le bloc de constitutionnalité.

À Partir du moment où on reconnaît une valeur constitutionnelle, le législateur est tenu de respecter ce droit avec toutefois une remarque particulière puisque le droit de grève n'est pas absolu puisqu'il s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Ce qui signifie deux choses :⁃ Seul le législateur est compétent pour légiférer en la matière : c'est exclusivité a été battue en

brèche par le Conseil d'état plus tard.⁃ Il est possible d'envisager un aménagement de l'exercice du droit de grève. Plus exactement,

l'aménagement n'est pas en soi contraire à la constitution. Au contraire, cela est conforme à ce que prévoit la constitution.

On est dans une situation où le législateur peut réglementer l'exercice du droit de grève. Cette compétence législative sera utilisée de manière parcimonieuse (Très rare sont les textes).

Le premier est une loi du 11 février 1950 qui va fixer l'essentielle des règles dans le secteur privé.

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Dans le code du travail : L2511-1 et suivant.Dans le code du travail, très peu de règles qui régissent la grève. En outre, ces textes sont extrêmement courts, assez laconiques. On peut remarquer que la grève n'est pas définie par la loi. On y fait référence mais on ne définit pas ce fait social.

Très logiquement, c'est à la cour de cassation qu'a échu cette mission de préciser la notion de grève, de préciser quel arrêt de travail nécessite la qualification de grève.L'essentiel du droit de la grève est d'origine prétorienne.

Section 1   : La notion de grève

En l'absence de définition légale, c'est à la jurisprudence qu'il est revenu de définir la règle.La Cour de cassation a dégagé un certain nombre de critères intrinsèques de la grève, donc des éléments dont l’union est nécessaire pour définir un mouvement de grève.La cour de cassation s'est référée à certain terme qui peuvent donner des informations sur ce qu'est une grève.Il est nécessaire d'aller examiner un certains nombre de modalités d'exercice qui elles-mêmes vont fixer le contours de la notion et qui contribue à distinguer la notion de grève d'arrêts de travail qui ne relève pas de cette qualification. → On ne peut pas s'en tenir à la seule définition prétorienne, il faut envisager les modalités d'exercice.

§1   : La définition de la grève.

Au fil du temps, un certains nombres d'éléments se sont dégagés. Éléments constituants autant de critères de la catégorie juridique « grève ». Ces éléments doivent être vérifiés de manière cumulative.

1. A. Un arrêt de travail

Toute grève implique nécessairement un arrêt de travail.

Parfois, on ajoute que l'arrêt de travail doit être complet. On fait référence à des cessations totales de travail. En réalité ces adjectifs ajoutés ne changent rien et permettent simplement d'attirer l'attention sur le fait que s'il y a vraiment arrêt de travail, aucun élément de la prestation contractuelle n'est exécuté.Exemple : Arrêt du 13 mars 1980 qui souligne bien que la grève n'est reconnue qu'à l'égard des salariés qui ont complètement cessé le travail.

Si une partie ou certains éléments de la prestation de travail contractuelle continuent d'être exécutés, cela veut dire qu'une autre partie n'est pas exécuté et on analyse cela comme une inexécution partielle donc fautive du contrat de travail. Dans ce cas, l'employeur va pouvoir tirer des conséquences sur le plan contractuel et il peut décider de sanctionner la faute dans l'exécution du contrat.

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Illustration assez spectaculaire par une décision du 16 mai 1994 rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation. On se trouvait face à un mouvement déclenché par les contrôleurs de la SNCF, ce mouvement consistait en une grève de la pince (le contrôle des titres de voyages). Mais c'était le seul aspect de leur contrat de travail qu'il refusait d'exécuter.La direction de la SNCF pensait qu'elle était en présence d'un mouvement de grève et la conséquence qu'elle en a tiré est l'absence de rémunération pour la période correspondante. Face à l'inexécution du contrat, la direction avait usé du droit reconnu en période de grève de ne plus rémunérer les salariés grévistes.Les grévistes ont fait valoir en l'espèce qu'il n'y avait pas eu d'arrêt de travail mais simplement une mauvaise exécution du contrat. Dès lors l'employeur ne pouvait pas se prévaloir des règles applicables en période de grève.Comment qualifiait les salariés cette mesure ? La mesure qui est prise en raison d'un agissement considéré comme fautif est une sanction disciplinaire. Dès lors d'un point de vue juridique, cette sanction disciplinaire est une sanction pécuniaire prohibée d'où une demande d'annulation de la sanction.Cette revendication des salariés est acceptée par la Cour de cassation et elle indique que la règle de ne pas devoir rémunérer les salariés n'est pas applicable à des agents de la SNCF qui n'ayant pas cessé le travail, même si à titre individuel il l'ont effectué de manière défectueuse, ils n'ont dès lors pas exercer leur droit de grève. La cour de cassation aurait pu reprocher aux salariés de se prévaloir de leur propre turpitude.

Ce qui est néanmoins intéressant, c'est que la cour de cassation est allé jusqu'au bout de cette logique. Et plus récemment, on peut citer un arrêt du 21 octobre 2009 concernant un arrêt de travail au sein d'une centrale nucléaire. Un syndicat avait appelé à la grève pour le travail posté qui n'était qu'une des taches confiées aux salariés.La cour de cassation rappelle de manière expresse que la grève ne peut être limitée à une obligation particulière du contrat de travail.

Ces mauvaises obligations fautives sont dénommés « grèves perlées ». En réalité, il ne s'agit pas, au sens juridique, d'une grève.De même, quand on parle de « grève du zèle », cela ne repose pas du tout sur une hypothèse juridique de grève. En réalité, on fait référence à un mouvement de contestation mais dans lequel il n'y a pas du tout d'arrêt de travail. Au contraire, les salariés prétendent respecter intégralement toutes les obligations, d'une manière tellement scrupuleuse que cela entraîne un ralentissement considérable de la production ou des prestations de service. Bien entendu, dans cette hypothèse, il n'y aucun arrêt de travail.

Cet arrêt de travail présente néanmoins des caractéristiques qui lui sont propres.

B. Les caractéristiques de l'arrêt de travail   : collectif et concerté

Il est caractérisé par la Cour de cassation de deux manière. D'une part, elle précise qu'il s'agit d'un arrêt de travail collectif. D'autre part, cet arrêt de travail est concerté.

1. Un arrêt de travail collectif .

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La grève correspond à un mouvement auquel participe une pluralité de personne. Il s'agit d'un droit individuel mais exercé collectivement. Mais ce caractère collectif ne va pas jusqu'à exiger que les participants soient majoritaire au sein du personnel. La cour de cassation l'a affirmé très tôt par un exemple l'arrêt de 1963 qui indique clairement qu'un arrêt de travail ne perd pas le caractère de grève du seul fait qu'il n'a pas été observé par la majorité du personnel.C'est justement une différence que l'on peut observer avec d'autres états, notamment en droit Allemand où la qualification de grève suppose que le mouvement soit accepté par une majorité qualifiée des salariés, ce qui fait que le rapport à la grève en droit allemand est différent puisqu'on y a peu recours mais lorsqu'une grève a lieu, c'est un mouvement massif.

De manière plus générale, ce caractère collectif sera apprécié de manière relative, plus précisément de manière contextualisée, au regard du champ dans lequel le mouvement a entendu se développer.Si on appelle à la grève au niveau national, le fait qu'un salarié soit seul dans son entreprise à y prendre part ne sera pas considéré comme un agissement seul car le mouvement s'apprécie à un niveau national. Exemple : arrêt du 29 mai 1979 où on se trouvait dans ce genre de situation.

Cette appréciation a posé problème dans l'hypothèse où il n'y a qu'un seul salarié dans l'entreprise. Au regard de l'exigence du caractère collectif, s'est posée la question de savoir si la contestation du seul dans ce cas là pouvait être qualifié de grève.Illustration avec un arrêt 13 novembre 1996 qui concerne la situation d'une salariée agricole qui travaillait dans une porcherie. Son employeur lui a demandé de venir travailler ultérieurement un dimanche par mois. La salariée a demandé en contrepartie une augmentation de la rémunération, ce qui a été rejetée par l'employeur. La salariée a décidé de ne pas venir travailler un dimanche où elle avait été sollicitée. L'employeur y a vu une faute et a mis fin au contrat.La salariée argue de l'invalidité de la rupture au motif qu'elle avait mis en œuvre son droit de grève.La cour de cassation indique que si la grève est la cessation collective et concertée du travail en vue de revendications professionnelles et ne peut en principe être le fait d'un salarié agissant isolément ; dans les entreprises ne comportant qu'un salarié, celui-ci qui est le seul a même de présenter et défendre ses revendications peut exercer ce droit constitutionnellement reconnu.

L'appréciation de la portée de la décision a pu varié. Certains ont fait valoir qu'il n'y avait rien d'étonnant car si on analyse cela du point de vue du personnel, 100% du personnel est engagé. Le caractère collectif est adapté à cette circonstance particulière mais il n'y a pas d'exception à proprement parlé.D'autres ont fait valoir que la collectivité suppose au moins deux personnes donc que la décision est une véritable exception mais qui est parfaitement justifiée car la cour de cassation vise expressément la caractère constitutionnel du droit de grève.Dès lors, de manière compréhensible, la Cour de cassation a estimé que des circonstances particulières ne devaient pas remettre en cause de l'exercice de ce droit.

La décision prend bien le soin de distinguer deux situations :⁃ Le salarié isolé⁃ Le salarié seul.

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L'isolement est une notion relative et à l'inverse la solitude est absolue car on se borne au constat que la personne est seule, on ne prend pas en compte son environnement.L'isolement postule qu'il y a d'autres salariés dans l'entreprise.Si les deux situations sont différentes, la Cour de cassation explique que ce n'est pas qu'une question de constat, elle explique que le salarié qui est seul est le seul à pouvoir présenter des revendication.Au contraire, le salarié isolé peut exercer d'autres voies. Il pourra par exemple en parler avec un délégué personnel, ou encore un délégué syndical.Christophe Radet va pousser le raisonnement à l’extrême et explique que dans la logique de la Cour de cassation, cela sous entend qu'il faudrait dans ce cas traiter un salarié isolé dans une entreprise comme un salarié seul si ce salarié ne dispose pas d'autres moyens institutionnels de présenter et défendre ses revendications.1.Un caractère de concertation   :

Néanmoins, cette concertation peut être très informelle et on n'exige pas de vote. On exige pas non plus que les syndicats appellent à la grève.La Cour de cassation dans une décision du 19 février 1981 indique qu'un mouvement ne perd pas le caractère de grève du fait qu'il n'a pas été déclenché à l'appel d'un syndicat.Justification   : Chaque salarié est titulaire du droit de grève et ce ne sont pas les syndicats qui sont titulaires du droit de grève. La grève est un droit subjectif dont chaque salarié est titulaire.Dans d'autres pays Nord américain, c'est le syndicat qui décide de la grève pour les salariés et c'est une obligation de faire grève. Le syndicat peut donc agir contre les personnes qui tentent de briser la grève.

L'objet de la concertation   :  Est ce que les salariés doivent se concerter sur la volonté de faire grève ou est-ce-que l'objet de la concertation peut se limiter à la volonté d'arrêter le travail ?

La cour de cassation s'est prononcée dans un arrêt du 12 décembre 2000. On était en présence d'ouvriers qui travaillaient sur un chantier et des fortes précipitations ont eu lieu, ce qui a empêché la reprise du travail à 8 heures. À 10 heures, on reprend le travail et les salariés demandent à bénéficier des dédommagements pour les 2 heures d'intempéries. L'employeur refuse et les employés quittent le chantier. Ils sont ensuite licencié pour abandon de poste et refus d'obéissance. Ce qui est intéressant est que certains salariés ont été auditionné par le CE et ils ont dénié avoir voulu faire grève.Est-ce-qu'il est nécessaire que les salariés aient eu conscience d'exercer leur droit de grève pour admettre la qualification de grève ?La cour de cassation répond que l'exercice du droit de grève résulte objectivement de la cessation d'arrêt de travail.

La concertation n'a pas pour objet de faire grève mais simplement le fait d'arrêter le travail pour faire valoir des revendications.

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La concertation porte uniquement sur l'arrêt de travail et non pas sur le fait de faire grève.

1.La finalité de l'arrêt de travail.

Cet arrêt de travail n'est qu'un instrument qui est mis au service d'un but particulier. Cet arrêt vient à l'appui d'une finalité précise qui est l'existence de revendications.

Si cet arrêt de travail ne repose sur aucune revendication, on ne le qualifiera pas de grève.Illustration avec un arrêt du 6 novembre 1985   : Une grève se développe et finalement le mouvement avait cessé puisque l'employeur avait satisfait aux revendications. Le travail avait repris sauf pour une petite minorité qui continuait à contester. Le litige est survenu et la Cour de cassation a estimé que ces salariés n’exerçaient pas leur droit de grève. Ce n'était pas la dimension collective qui était en cause mais plus la présence de revendications. En effet, les revendications ayant été satisfaite par l'employeur et la continuation de la grève n'étant fondée sur aucune nouvelle revendication, la qualification de grève au mouvement était impossible.

a. Le caractère professionnel des revendications

Ce sont des revendications qui sont en lien avec le travail au sens large du salarié, c'est à dire non seulement le contenu des taches, les conditions de travail mais plus généralement tout l'environnement du travail jusqu'à le cas échéant, l'existence même de ce travail.

Illustration   : Arrêt du 22 novembre 1995 dans lequel les salariés avaient cessé le travail à la suite de l'annonce d'un licenciement collectif pour motifs économiques.Pour la Cour de cassation, ce projet fait peser une menace sur l'emploi et l'arrêt de travail permettait de caractériser une revendication de défense et de maintien de l'emploi intéressant l'ensemble du personnel. Pour la cour de cassation, il s'agissait d'une revendication professionnelle et donc l'arrêt de travail était bien constitutif d'une grève.Dans un arrêt de 2006, on a reconnu le caractère professionnel à des revendications sur la défense des retraites. (l'environnement de travail va même jusqu'à l'après travail).

Dans un arrêt du 23 octobre 2007, salariés de la régie des transports en commun de Marseille avaient cessé le travail et contestaient le passage d'un établissement public à caractère public et commercial à un établissement confié à des opérateurs privés.Ce qui a été reconnu de manière implicite par la Cour de cassation est que cela intéressait aussi les salariés car ce changement est susceptible d'induire des changements de règles imputables aux salariés. → La défense du mode d'exploitation constitue bien une revendication d'ordre professionnel.

En réalité, le caractère professionnel lorsqu'il est discuté, l'est en présence de circonstances qui sont susceptibles de lui conférer un autre aspect que professionnel. On a deux types de circonstances pour lesquelles la Cour de cassation écarte le caractère professionnel.Ce sont les revendications politiques et les mouvements de solidarité.

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• Les revendications d'ordre politique.

C'est une position ancienne et bien établie dans la jurisprudence. Lorsque les revendications ont un caractère politique, le mouvement n'est pas qualifié de grève car la qualification professionnelle de ces revendications n'est pas reconnue.Mais cette distinction peut paraître artificielle car les deux sont souvent intimement liés.À Exemple : grande confédération syndicale qui invite les salariés en France a cesser le travail pour protester contre les conséquences sur les salaires de la politique économique du gouvernement. Le fait de contester un choix politique a une dimension politique mais peut-on affirmer pour autant que cette contestation est dénuée de caractère professionnel ?La Cour de cassation a reconnu cette porosité, ce lien. Elle l'a fait dans une décision du 29 mai 1979. À l'époque le gouvernement est dirigé par Raymond Barre qui a instauré une plan de stabilisation de la monnaie. Suite à l'appel des syndicats, un certains nombre de salariés ont cessé le travail.La Cour de cassation souligne très bien que le mouvement avec pour objet le refus du blocage des salaires, la défense des emplois et la réduction du temps de travail, « autant de revendications étroitement liées aux préoccupations quotidiennes des salariés au sein de leur entreprise ». Il ne s'agissait donc pas que d'un mouvement à caractère politique.

Autre exemple : Dans l'arrêt d'octobre 2007, la Cour d'appel d'Aix avait estimé qu'il s'agissait d'un mouvement à caractère politique, ce qui a été cassé par la Cour de cassation qui a reconnu qu'il y avait une revendication d'ordre professionnel.

Un certain nombre de facteurs conduisent à douter de la pérennité d'une telle position. Il y a un facteur d'ordre chronologique et statistique qui va à l'encontre du droit positif  : on manque de référence qui reconnaisse le caractère politique de mouvement à l'époque contemporaine. Les exemples date de 1950 (Immixtion dans l'exercice des actes réservés à la puissance publique).Même à l'époque où la Cour de cassation censurait régulièrement les mouvement à caractère politique, il y a une décision dans laquelle la Cour de cassation ne va pas jusqu'au bout de sa logique induite par sa jurisprudence.. Décision de 1963 à l'époque de la tentative de putsch des généraux en Algérie. Le président De Gaulle a fait une allocution télévisée au terme de laquelle il demandait l'aide des Français. Les syndicats ont appelé pour le lendemain les salariés a cesser le travail pendant une heure pour marquer leur hostilité sur ce qui se passait à Alger. La revendication est exclusivement politique. L'employeur licencie des salariés qui n'avaient pas exercer leur travail pendant une heure. Le licenciement est contesté et on fait valoir que le salarié a exercé son droit de grève.La Cour de cassation a indiqué en substance que répondre à un appel du président de la république n'est pas fautif donc le licenciement était abusif. Mais elle s'est bien gardé de prendre position sur le caractère politique.

Même s'il est classique de dire que les revendications à caractère politique ne peuvent permettre de qualifier les revendications de grèves, on peut avoir des doutes sur la positivité de ce caractère.

• Les mouvements dit de solidarité

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Ils ont toujours été considérés comme ne présentant pas de revendications professionnelles.Il s'agit de mouvement dans lesquels les salariés qui cessent le travail le font pour appuyer les revendications d'autres salariés. Les revendications qui sont à l'appui du mouvement ne sont pas propres à ceux qui cessent le travail, d'où cette désignation de mouvement de solidarité.

On distingue deux catégories de mouvement de solidarité :• La solidarité externe : Les salariés cessent le travail pour appuyer les revendications de salariés

d'une autre entreprise.• La solidarité interne : L'arrêt de travail est destiné à soutenir un ou plusieurs salariés de

l'entreprise. Le plus souvent, il s'agit de salarié ayant fait l'objet de mesure à caractère négatif (licenciement par exemple).

La Cour de cassation estime que les revendications ne relèvent pas des revendications professionnelles susceptibles de caractériser une grève. Et là encore, la pertinence de cette analyse est très discutée pour ne pas dire contestée.Gérard Couturier a fait remarquer que toute grève est un mouvement de solidarité. Cela signifie qu'il n'y a pas nécessairement coïncidence entre les revendications professionnelles exprimées et l’intérêt particulier de chacun des grévistes.On pourrait considérer dans un certain nombre d'hypothèses que la solidarité externe est une manière plus ou moins explicite d'exprimer des revendications. Et de même, lorsqu'il s'agit d'un mouvement de solidarité interne, là encore, il est tout à fait concevable d'analyser ce mouvement comme une manière de contester pas seulement une ou des mesures individuelles mais plus simplement l'usage que l'employeur fait de son pouvoir ou contester des règles qui sont à l'origine de la décision.

Dans certains cas, là Cour de cassation développe une analyse en ce sens, en témoigne une décision du 27 novembre 1985 où en l'espèce un certain nombre de salariés dont un délégué syndical avaient été licenciés car ils n'avaient pas repris le travail à l'issu des congés payés à la date fixée par l'employeur. Or cette date de reprise avait été fixée en application de la pratique du fractionnement des congés payés et justement c'est cette pratique qui était contestée depuis longtemps par les salariés.La Chambre sociale a estimé que la Cour d'appel avait légalement justifié sa décision en reconnaissant le droit de grève et la Cour de cassation indique que la Cour d'appel a pu déduire de ses constatations que l'action exercée par les grévistes pour soutenir les salariés licenciés n'était pas étrangère à des revendications professionnelles intéressant l'ensemble du personnel. La Cour conclu qu'il s'agissait d'une grève licite (ce qui est licite est le mouvement). La grève en tant que droit est forcément licite, ce qui peut être illicite c'est l'exercice du droit et on tombe dans l'illicéité et ce n'est plus une grève.Les juges replace la solidarité dans un certain contexte et identifie ce qu'exprime la solidarité. Et en l'espèce, on a identifié des revendications professionnelles. Les juges ont pu faire le lien entre la solidarité et l'existence sous-jacente de revendications plus ou moins clairement exprimées. C'est bien ce qu'elle signifie quand elle dit que cela n'était pas ETRANGER.

Dans le même ordre d'idée la Cour de cassation indique le 18 mars 1982 concernant des sanctions disciplinaires que lorsque la cessation de travail est destinée à soutenir un salarié sanctionné à tort, elle mérite la qualification de grèveMais la Cour estime à l'inverse dans cet arrêt que ne constitue pas une grève l'arrêt de travail de

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solidarité pour contester une sanction justifiée et reposant sur des motifs purement personnels.Dans ce cadre, ce qui paraît faire la distinction est le critère de licéité de la sanction. Cela est contestable et comme le dit René Savatier, les salariés ne se placent pas sur le terrain de la licéité, de la lutte contre l'abus de droit. Les salariés n'analysent pas la situation uniquement sous l'angle juridique mais plus généralement, ils se prononcent au regard de l'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire.Exigé d'eux qu'il soit capable de se juger en droit est une utopie. Au contraire, les salariés se prononcent sur l'opportunité de la sanction et cela constitue bien une revendication professionnelle qui les concerne tous.Ce peut être une contestation de la règle sur le fondement de laquelle on identifie la faute.

→ Les hypothèses de solidarité sans aucun lien avec la situation que vive les salariés sont très rares.Ces exclusions par la Cour de cassation méritent d'être discutée au regard du droit positif.

b. L'appréciation judiciaire du contenu des revendications professionnelles

Hypothèse de départ   : Le caractère professionnel ne fait pas de doute.

La question   : Peut-on concevoir que les juges exercent un contrôle sur la légitimité ou le bien fondé des revendications présentées par les salariés ou les syndicats ?

Une réponse a été apportée par l'assemblée plénière de la cour de cassation en 1986 concernant l'entrée en service de l’Airbus A320. À l'époque, l’électronique embarqué au sein de ces avions avait été développé, au point de supprimer un poste au sein de la cabine de pilotage. Il y avait donc un risque pour l'emploi. Les syndicats exigeaient des engagements sur l'emploi. La Cour de cassation a porté un jugement sur la légitimité des revendications et notamment on a estimé que l'engagement de très longue durée qui était demandé au mépris des contraintes financières et des progrès technologiques, était déraisonnable. La cour estimait aussi que les compagnies aériennes étaient dans l'impossibilité de satisfaire les revendications professionnelles. C'est l'opportunité des revendications qui est contestée.Des auteurs ont fait remarquer que les juges substituait leur appréciation à celle des employeurs sur la possibilité d'accepter les revendications. Et il y avait aussi une immixtion de la part des juges dans l'exercice du droit de grève puisque la Cour prétendait effectuer un contrôle de la pertinence et de la légitimité des revendications.

La Cour d'appel de Paris en 1988 dans des circonstances similaires a entendu résister à la position de la Cour de cassation.Et finalement la Chambre sociale de la Cour de cassation a estimé dans un arrêt du 2 juin 1992 que « si la grève suppose l'existence de revendications de nature professionnelles, le juge ne peut, sans porter atteinte au libre exercice d'un droit constitutionnellement reconnu, substituer son appréciation à celle des grévistes sur la légitimité ou le bien fondé de ces revendications ». La Chambre sociale se réfère expressément au libre exercice d'un droit constitutionnel. → Cette décision est le reflet du droit positif actuel.

On peut donc dégager la définition prétorienne   :

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La grève est un arrêt de travail collectif et concerté en vue d'appuyer, de soutenir des revendications professionnelles.

Le fait d'avoir identifier cette définition ne suffit pas pour avoir une vision complète de la grève.

§2   : Les modalités d'exercice de la grève

Même pour un arrêt de travail qui vérifie tous les éléments prétoriens de la définition de la grève, les modalités d'exercice peuvent révéler le caractère d'illicite du mouvement. Les causes d'illicéité sont de deux ordres :• Méconnaissance d'une législation spécifique• Circonstances particulières qui révèlent un abus de droit.•

A. L'existence d'une législation spécifique au service public.

Lorsque le mouvement d'arrêt de travail se développe au sein d'un service public, depuis une loi du 31 Juillet 1963, un certain nombre de règles particulières doivent être observées. Ces règles sont applicables aux personnels de l'état et de collectivités territoriales ( pas pour les communes de moins de 10 000 habitants) mais également pour les organismes privés chargé de la gestion d'un service public.

D'une manière générale, ce qui est prévu sont des mécanismes ayant pour objectif de prévenir la grève d'où l'imposition dans ce cadre d'un préavis qui doit être déposé par les organisations syndicales représentatives auprès de la direction concernée. Ce préavis est de 5 jours franc. Cela doit permettre deux choses :⁃ Informer les usagers d'un risque de grève⁃ L'engagement des négociations entre syndicats et la direction concernée. Il y a une obligation

légale de négocier. L'idée est que la négociation soit fructueuse et permette d'éviter la grève. En pratique, cette obligation de négocier est peu respectée ou respecter dans des conditions qui ne permettent pas un accord avant la fin du préavis.

⁃Dans ce cadre, une règle est prévue qui dispose que l'heure de cessation et celle de reprise du travail ne peuvent être différentes pour les diverses catégories ou pour les divers membres du personnel intéressé. Le but est d'éviter les grèves par roulement successifs du personnel.

Il faut préciser que dans dans certains secteurs publics (transport terrestre de voyageur non touristiques réguliers), il existe en plus une obligation d'organisation du service avec le personnel non gréviste donc on demande de prévenir 48 heures à l'avance de sa position de gréviste ou non.On retrouve le même système dans le cadre scolaire pour les écoles primaires.Aujourd'hui des discussions du même type ont lieu pour les transports aériens.

On est en présence de deux règles qui ont une forte valeur juridique :⁃ droit de grève⁃ exigence de la continuité des services public.⁃

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Il faut donc opérer une conciliation. C'est une illustration du fait que le législateur peut réglementer l'exercice du droit de grève. Ce qu'il ne pourrait pas faire, mis à part dans des secteurs très spécifiques (secteur mettant en œuvre des prérogatives régaliennes : armée ou police), c'est de supprimer le droit de grève.

(Droit de grève dans les services publics : On peut se demander s'il ne devient pas un droit collectif avec l'exigence du préavis obligatoire).

B. Le rôle joué par les circonstances de l'arrêt de travail sur la licéité du mouvement.

Ces circonstances peuvent être identifiés de deux manières :• circonstances temporelles• Circonstances liées à l'organisation matérielle.

1.Les circonstances temporelles

Elle joue parfois un rôle déterminant au regard de la qualification juridique. On peut faire référence à deux circonstances particulières:

a. le moment où l'arrêt commence•La position de la Cour de cassation a évolué. Elle a dans un premier temps estimé que le mouvement ne pouvait être déclenché qu'après présentation des revendications à l'employeur et rejet de celles-ci. Mais certains ont fait remarquer que cette obligation revenait à instaurer une forme de préavis, or celui-ci est envisagé que dans les services publics et que constitutionnellement seul le pouvoir législatif peut prévoir un tel préavis au regard de l'alinéa 6 du préambule de la constitution de 1946. → Indirectement, la Cour de cassation finissait par s'arroger une compétence qui n'était pas la sienne.

La Cour a rappelé en 1988 qu'aucun préavis n'est obligatoire et finalement dans un arrêt du 11 Juillet 1989, la Cour de cassation a précisé que la grève n'est pas soumise en principe à la condition d'un rejet des revendications par l'employeur, ce qui signifie que cet arrêt de travail qualifié de grève peut intervenir de manière concomitante à la présentation des revendications. Évidemment si aucune revendication n'est formulée, on est plus en présence d'une grève.Ce qui explique qu'en droit Français, les grèves « sauvages » ou « surprises » sont licites.

Par la suite la cour dans un arrêt du 7 Juin 1995, rappelle que seul la loi peut créer un délai de préavis qui s'impose aux salariés. Les dispositions conventionnelles qui prévoient un préavis ne peuvent donc pas être opposées aux salariés.

b. Les périodes couvertes par l'arrêt de travail.

Elles ont été prise en compte par la Cour de cassation dans des circonstances particulières. On parle de « mouvement d'autosatisfaction des désirs » (Jean-Emmanuel Ray). On est en présence

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ici d'une revendication qui porte sur la contestation de période travaillé.Exemple : salarié qui conteste contre le travail le samedi ou contre les heures supplémentaires le vendredi.À l'appui de cette revendication, les salariés décident de cesser le travail pendant les périodes contestées. Ce mouvement correspond en tout point à la définition prétorienne de la grève. Il s'agit bien d'un arrêt de travail collectif et concerté en vue de revendication professionnelle.

Pour autant, la Cour de cassation a estimé qu'il ne s'agissait pas d'un exercice licite du droit de grève. Arrêt du 23 Juin 1989 où la Cour indique que « le droit pour les salariés de recourir à la grève ne les autorise cependant pas sous son couvert à exécuter le travail dans les conditions qu'ils revendiquent et autres que celles prévues à leur contrat ». (Cass soc, 21 Juin 1989).

Pour la cour de cassation, ce mouvement est constitutif d'une faute lourde. En réalité, il n'est pas du tout certain que cette qualification de faute lourde soit encore la solution du droit positif. Cela tient au fait que la cour de cassation a retenue une certaine conception de la faute lourde, qui est l'intention de nuire du salarié à l'entreprise ou à l'employeur. Il est difficile de voir dans le fait de cesser le travail pour défendre une revendication professionnelle une intention de nuire en soi. Mais surtout, cette construction prétorienne de la notion de faute lourde de la Cour de cassation est postérieure à la décision de 1989.

Cette manière de percevoir les choses par la Cour de cassation a été beaucoup critiqué. À partir du moment où le mouvement correspond à la définition prétorienne de la grève et à partir du moment où personne ne prétend que les salariés doivent être privés de l'exercice du droit de grève, on ne voit pas pourquoi les salariés pourraient faire grève à tout moment mais seraient tenu de ne pas cesser le travail pendant la période qui est contestée. Il y a un caractère artificiel, et il est très simple pour les salariés de contourner cet obstacle posé par la Cour de cassation. La solution pour les salariés consisterait à ne pas faire coïncider exactement la revendication et la période couverte par l'arrêt de travail.Cette facilité pour les salariés de contourner cette limite faite naître des interrogations eu égard à la limite elle-même.

De manière plus convaincante, la seule manière pour la Cour de cassation de contester l'exercice du droit de grève serait de mettre en avant un abus dans cet exercice. Mais le raisonnement de la Cour de cassation ne porte pas expressément sur un abus. Il semble que l'abus ne résulte pas de la simple coïncidence entre l'arrêt de travail et la revendication professionnelle.Il y a une autre décision du 13 novembre 1996 (salarié seule : déjà vu) où il y avait une coïncidence de ce type et le débat n'a pas porté sur ce point.

Au delà des simples circonstances temporelles, la Cour de cassation a été amenée à prendre en compte l'organisation matérielle de l'arrêt de travail.

1.l'organisation matérielle de l'arrêt de travail.

La définition prétorienne ne donne pas d'information sur l'organisation de la grève. Par conséquent, les grévistes sont assez libre d'organiser l'arrêt de travail comme bon leur semble et on peut envisager de fait plusieurs modalités d'organisation.

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On peut par exemple organiser des arrêts de travail par roulement (seulement dans le secteur privé), c'est à dire un arrêt de travail qui n'affecte qu'une partie du personnel pour une période limitée puis les salariés d'un autre service prennent le relais. Une autre modalité d'organisation possible résulte de circonstances particulière lorsque très peu de salarié cesse le travail mais que ces salariés ont une fonction stratégique dans le fonctionnement de l'entreprise et le fait pour eux de cesser le travail suffit à paralyser ou presque l'activité dans l'entreprise, c'est une « grève Bouchon » ou « thrombose ». On obtient parfois des résultats quasi similaire avec des arrêts de travail court et répété (arrêt 15 minutes toutes les heures par exemple) lorsque le temps de remise en marche des machines est assez long car cela peut aboutir à supprimer toute production effective.

Il faut comprendre que ce mouvement de grève va nécessairement entraîner une désorganisation de la production. Cela n'est pas étonnant parce que c'est le but qui est poursuivi par le salariés qui cessent le travail. Cela représente, dans une perspective de négociation, un moyen de pression licite reconnu par la loi.

Néanmoins, la Cour de cassation a posé des limites et elle a estimé que des mouvements d'arrêt de travail pouvaient se révéler illicite lorsqu'ils aboutissaient à désorganiser non pas que la production mais l'entreprise toute entière. Illustration : Arrêt du 30 mai 1989.Là encore, l'analyse de la cour de cassation interroge car la distinction entre désorganisation de la production et désorganisation de l'entreprise paraît délicate à manier. La Cour ne pose pas des éléments d'analyse permettant de distinguer les deux. De plus, on pourrait faire valoir que toute désorganisation de la production constitue une amorce de désorganisation de l'entreprise. Et comme tout mouvement de grève est porteur de désorganisation, le critère de la Cour de cassation paraît être difficilement applicable. On pourrait même aller plus loin et se demander si dans tout mouvement de grève, il n'y a pas une volonté de désorganiser l'entreprise. La distinction entre la production et l'entreprise est délicate car la production est un aspect fondamental de l'entreprise.→ Le critère n'emporte pas la conviction.

Il y a d'autres circonstances qui ont posé question. Il s'agit des mouvements de grève qui se développent avec occupation des locaux de l'entreprise. Traditionnellement, l'analyse juridique à propos de ces mouvements a consisté à y voir une atteinte au droit de propriété de l'employeur. Il s'agit de l'atteinte à la possibilité pour le propriétaire de la chose d'en disposer selon sa volonté. Cette analyse semble dater historiquement. En réalité, elle date du XIX, à une époque où on se posait beaucoup la question de l'atteinte au droit de propriété. Un certain nombre d'auteur, notamment Yves Saint-Jours, font remarquer que dans de tels mouvements les salariés n'entendent pas porter atteinte à la propriété. Yves Saint-Jours avance surtout le fait que dans les collectivités de travail contemporaines, on devrait reconnaître qu'il y a pour les salariés un droit de fait d'user des locaux de l'entreprise.

Cela n'empêche pas la Cour de cassation d'affirmer que pour les salariés, « le droit de grève n'emporte pas celui de disposer arbitrairement des locaux de l'entreprise ». C'est un arrêt du 21 Juin 1984.

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Mais en réalité, plus qu'une atteinte au droit de propriété, les questions qui se posent d'un point de vue juridique ont trait aux modalités selon lesquelles se déroule l'occupation des locaux.Certains ont estimé qu'il existerait en réalité un conflit entre deux droits de valeur constitutionnelle : le droit de grève et le droit de propriété. Mais Gérard Couturier a fait remarquer que cette manière de voir les choses est une manière biaisée car cela consiste à dire que l'occupation des locaux est l'exercice du droit de grève, or c'est là la question.

Aujourd'hui on s'interroge moins sur le droit de propriété mais plus sur des principes très généraux, en particulier au regard du principe de la liberté du travail. La liberté du travail est un principe fondamentaux reconnu par les lois de république. Elle est reconnue dans la loi Le chapelier et protégé en droit positif par l'existence du délit d'entrave à la liberté du travail.À partir du moment où on se positionne par rapport à cette question, c'est la question des modalités qui importe. L'occupation des locaux n'implique pas en soi une atteinte à la liberté du travail. Par contre, évidemment, l'analyse est autre lorsque l'occupation des locaux s'accompagne de pression sur les non-grévistes pour qu'ils cessent le travail. De même, les situations dans lesquelles on organise à l'entrée de l'entreprise un « piquet de grève » et où on interdit l'entrée à toute personne sauf les grévistes. La encore, cela caractérise une atteinte à la liberté du travail. Et les questions juridiques se posent alors plus en terme d'atteinte à la liberté du travail.

Illustration récente   : décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 15 mars 2011 ; décision dans laquelle on a reconnu l'existence du délit d'entrave à la liberté du travail car il avait participé à un piquet de grève de 6 personnes qui s'étaient posté derrière les grilles d'entrée du site et qui avaient interdit l'accès du directeur. Pour la Cour de cassation, il y avait plus qu'un simple trouble mais une réelle entrave à la liberté du travail par voie de fait.

Section 2   : Le régime juridique   : les conséquences de la grève

Ces conséquences sont envisagées dans le code du travail. Il s'agit de l'article L2511-1 et celui-ci indique que :« L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux.Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit »

Dans tous les cas, le législateur s'est préoccupé des conséquences de la grève eu égard au contrat de travail (son exécution et sa rupture). Le législateur trace ainsi une ébauche du régime juridique mais très connotée contractuellement.

Quand un salarié peut-il être considéré comme gréviste ?

§1   : Les bénéficiaires du régime juridique de la grève.

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Ces bénéficiaires sont les grévistes. Il faut alors pouvoir revendiquer la qualité de salarié gréviste pour bénéficier de ce régime particulier.Or cette qualité de gréviste peut être parfois mise en doute dans des hypothèses particulières dans lesquelles l'arrêt de travail du salarié peut reposer sur plusieurs causes distinctes.

L'exemple typique est le salarié gréviste qui tombe malade pendant le mouvement de grève. L'idée serait alors de cumuler les deux avantages. Mais c'est justement ce cumul qui n'est pas possible car au moins sur un point, les régimes en question sont antinomiques, notamment au regard de la rémunération (en présence d'un droit de grève, l'employeur est autorisé à ne plus payer les salariés grévistes alors qu'en cas d'absence pour maladie, l'employeur peut être tenu de verser des indemnités complémentaires au salarié malade). On est en présence d'un concours de qualification, c'est à dire que deux qualifications sont envisageables à l'égard du salarié mais ces deux qualifications sont exclusives l'une de l'autre car le régime juridique de chacune d'elles n'est pas compatible avec l'autre. On est amené à faire un choix entre les deux qualifications.

Depuis assez longtemps, la Cour de cassation a répondu en retenant un critère d'ordre chronologique depuis une décision du 1er mars 1972. Si le salarié commence par exercer son droit de grève, il sera considéré comme gréviste et à l'inverse s'il tombe malade en premier, il sera considéré comme absent pour cause de raison de santé. Ce critère d'ordre chronologique mérite d'être discuté. Il présente évidemment des avantages, c'est un critère simple qui paraît simple à manier et ce critère se veut objectif dans la mesure où il est neutre dans sa conception.En même temps, c'est rendre la qualification tributaire uniquement de circonstances imprévisibles. Mais surtout, quand on examine les choses de plus près, ce critère n'est pas convainquant. Même s'il paraît simple, on peut s’interroger, supposons que le mouvement prenne fin de manière progressive par un retour successif de quelques salariés puis quelques autres. Cela va poser la question de savoir quand prend fin le mouvement. On ne peut pas se fonder sur le comportement su salarié qui est malade car dans tous les cas il ne reprendra pas le travail.

Plus fondamentalement, c'est la pertinence qui mérite d'être discuté. En retenant ce critère d'ordre chronologique, on place sur un même plan les différentes causes d'arrêt de travail. Si on prête attention de plus près aux causes, on voit qu'on ne peut pas les mettre sur le même plan car les causes d'absence en elles-mêmes ont une différence essentielle. En cas de maladie, l'arrêt de travail est subi, cet arrêt n'est en rien tributaire de sa volonté. À l'inverse, un salarié qui exerce son droit de grève, cesse le travail en exerçant un choix, c'est une manifestation de volonté.Dès lors, pour savoir si le salarié doit être considéré prioritairement comme gréviste ou comme malade, il serait plus convainquant de retenir la cause d'arrêt de travail qui s'impose au salarié. Un salarié malade, même s'il veut travailler n'est pas en mesure de le faire, la maladie le prive de l'exercice concret du choix entre travail et non travail. Toute expression de choix est abolie par la maladie donc on devrait retenir cette cause. Il semble cependant que la Cour de cassation dans une décision du 24 juin 1998 est toujours dans une logique chronologique car elle énonce que « le salarié qui s'est associé au mouvement de grève doit être légalement considéré sauf preuve contraire de sa part comme gréviste pour toute la durée du mouvement ». La Cour de cassation évoque tout de même la possibilité pour le salarié

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de se désolidariser du mouvement (« sauf preuve contraire ») mais la logique de la Cour de cassation n'est pas fondamentalement remise en cause.

§2   : Les conséquences de la grève à l'égard des grévistes.

La première conséquence remarquable est que le gréviste ayant cessé le travail, il s'expose à ne pas être rémunéré pendant qu'il exerce son droit de grève.Le gréviste cesse d'exécuter son contrat, pour autant cela n'est pas considéré comme fautif puisqu'il exerce un droit de valeur constitutionnelle (une sorte d'exception constitutionnelle). Mais il reste que le gréviste ne s'est plus tenu à la disposition de l'employeur pendant une période et dès lors l'employeur qui avait du travail à fournir au salarié ne sera pas tenu de rémunérer le salarié qui ne se tenait pas à sa disposition.

On a parfois tenter une comparaison avec l'exception d'inexécution. Chacune des parties voient ses obligations contractuelles suspendues. On est bien dans une configuration d'obligation réciproque et l'absence de rémunération intervient bien en second lieu comme conséquence de l'absence de mise à disposition du salarié. On peut faire observer que de même que pour l'exception d'inexécution, la suspension est un choix de l'employeur.La différence est que dans l'exception d'inexécution, cette inexécution est fautive alors que dans la grève, l'obligation qui n'est pas exécutée ne constitue pas une faute. L'exception d'inexécution est un moyen de pression reconnu à la partie créancière de l'exécution pour amener le débiteur de cette obligation à exécuter cette obligation.Dès lors, reconnaître que l'absence de rémunération est une exception d'inexécution pour faire pression sur le salarié, c'est reconnaître une faute de l'employeur.

Si le salarié n'exécute pas son obligation, l'employeur n'est pas tenu de manière réciproque d'exécuter la sienne. C'est le caractère synallagmatique qui justifie cela.

Cette règle générale mérite d'être affinée par des paramètres.

La première question qui s'est posée est de savoir pendant quelle période l'employeur est libérée de cette obligation de rémunération.

Des pratiques ont montré que certains employeurs, certes reprenait le versement de la rémunération mais seulement au moment où la production reprenait. Cela a été contesté et la Cour de cassation a précisé que la suspension de la rémunération devait correspondre à la durée précise de l'arrêt de travail et non pas à l'arrêt de la production. La différence entre les deux est surtout sensible dans le secteur industriel. Arrêt du 6 Juin 1989.

La seconde question apparaît lorsque qu'on examine plus précisément non pas la durée couverte mais le contenu de la rémunération   :

Il apparaît que certains éléments de la rémunération sont intimement liés à la présence du salarié dans l'entreprise.

Exemple avec les primes d'assiduité qui récompensent la régularité de la présence du salarié au

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travail, la conséquence est que l'absence du salarié lui fait bien souvent perdre le bénéfice de la prime. On a pu voir, à une époque, des conventions collectives qui envisageaient qu'en cas de grève, le bénéfice de la prime d'assiduité était perdu. Cela est concevable en soi mais au regard de la situation particulière d'exercice d'un droit constitutionnelle, il ait une règle dont il faut vérifier le respect. Encore faut-il vérifier que le salarié absent en raison du droit de grève ne soit pas traité différemment des salariés absent pour une autre raison (discrimination). La cour de cassation veille depuis un arrêt de 1989 et rappelle que ces clauses qui prévoient la perte de la prime en cas d'absence sont licites du moment que n'importe quelle absence (autorisée ou non) est constitutive d'une perte de droit.Dans un arrêt du 15 février 2006, la Cour a repris cette position et elle a constaté l'existence d'une discrimination à l'encontre des grévistes puisque le bénéfice de la prime d'assiduité restait acquis à l'égard des salariés qui avaient pris un congé pour événement familiaux et également aux salariés qui avaient pris un congé conventionnel. La Cour a constaté que la grève était traitée de manière différente par rapport à d'autre absence donc cela revêt un caractère discriminatoire.

L'exception d'inexécution: La situation contraignante.

Il ait une hypothèse où la Cour de cassation a admis que l'exercice du droit de grève ne faisait pas obstacle à ce que l'employeur soit tenu de verser pour la même période une somme aux salariés pendant la période de grève. Il s'agit d'une situation où les salariés se sont retrouvées dans une situation telle qu'ils ont été obligés de faire grève pour faire respecter leurs droits essentiels directement lésés par un manquement grave et délibéré de l'employeur a ses obligations.C'est une situation intéressante car à travers cette hypothèse, on remarque que la revendication professionnelle relève plus de ce que l'on appelle une réclamation. Le code du travail distingue entre les attributions du délégué du personnel qui porte les réclamations du personnel, c'est à dire des demandes eu égard aux règles en vigueur et les attributions des délégués syndicaux qui eux défendent les revendications du personnel, c'est à dire des demandes qui ne portent pas sur les règles existantes mais bien pour changer ces règles applicables.On est dans le cas où ce que l'on peut remettre en cause est la bonne foi de l'employeur. Finalement rien ne peut expliquer ce manquement si ce n'est la mauvaise volonté de l'employeur. Il s'agit d'une faute grossière et délibérée (par exemple le fait de ne plus payer les salariés alors qu'il en a les moyens).C'est une décision du 20 février 1991.

Cela amène deux remarques : ⁃ La cour emprunte l'expression de situation contraignante pour l'appliquer aux salariés. Cette

notion dérive de la force majeure.⁃ Contrairement à la suspension de la rémunération du salarié par l'employeur, on n'est bien ici

dans l’hypothèse d'exception d'inexécution où les salariés font grève afin que l'employeur respecte ses propres obligations (c'est une pression sur l'employeur).

Illustration   : • Décision du 21 mai 1997 de la Chambre sociale de la Cour de cassation   : Les salariés avaient

cessé le travail pour obtenir la suppression du versement d'une prime illicite. Il s'agissait de chauffeur routier et figurait une prime dont les conditions de versement incitaient très directement les salariés à ne pas respecter les temps de repos imposé par la législation.

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Pour la Cour de cassation, l'employeur a commis une faute grave et délibéré qui a placé les salariés dans une situation contraignante dont le seul moyen pour y mettre fin était d'arrêter le travail.

•• Arrêt du 26 Janvier 2000   : L'employeur ne versait plus les rémunérations (ce qui constitue une

faute grave) mais dans un contexte où l'entreprise avait été mise en liquidation judiciaire en raison de difficultés financières. Le manquement grave n'était pas délibéré.

Dans ces situations, l'arrêt de travail des salariés est justifié et les salariés peuvent demander le versement d'une somme qui compense pour eux le préjudice qui naît de la perte de la rémunération. Les salariés se sont retrouvés acculés à cette décision et comme c'est la faute de l'employeur qui en est à l'origine, il peut être amené à indemniser le préjudice (en fonction de la perte de rémunération).•

§2. Les conséquences de la grève à l'égard des non-grévistes.

Hypothèse de départ : Mouvement qualifié de grève.

Les salariés non grévistes ne prennent pas part à cette grève et continuent à travailler. D'un point de vue juridique, le mouvement est sans incidence. Mais d'un point de vue matériel, il se peut qu'il n'y ait plus de travail à effectuer car le processus de production est paralysé. Dans cette hypothèse, les salariés non grévistes respectent leurs obligations et c'est l'employeur qui n'est plus en mesure de leur fournir du travail à effectuer. En réalité, cela fait apparaître une obligation qui est à la charge de l'employeur et si leur poste de travail est paralysé par la grève, il se doit de proposer d'autres tâches qui ne seraient pas affectées par le mouvement de grève. Si l'employeur n'a pas d'autre travail à leur fournir, les salariés non grévistes conservent leur droit à rémunération.

Dans le même ordre d'idée, pour des salariés non grévistes qui continuent à travailler, il peut y avoir un surcroît de travail. La Cour de cassation a reconnu que les salariés pouvaient bénéficier d'une sorte de gratification pour tenir compte du surcroît d'activité qu'ils ont dû affronter pendant la grève.Dans l'hypothèse où le mouvement serait illicite et priverait de travail les non-grévistes, il est possible d'engager une action en responsabilité contre les organisateurs du mouvement ou contre les participants.

Dans certains cas, l'employeur se trouvera contraint de fermer les locaux donc de priver de travail les non-grévistes.

§4   : Les conséquences de la grève à l'égard de l'employeur

L'employeur, de manière symétrique, est autorisé à ne pas rémunérer le salarié gréviste.

Ce qui est plus spécifique est l'interrogation qui naît au regard des réactions possibles licite ou non face à mouvement de grève. Au titre de ces réactions, se pose la question de la fermeture des locaux de l'entreprise.

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A. L'employeur est-il autorisé à tirer comme conséquence du déclenchement de la grève une fermeture des locaux de l'entreprise   ?

Si on raisonne du point de vue du droit de propriété, l'hypothèse d'un abus de droit est difficilement concevable car l'employeur peut jouir de la façon la plus absolue de ses biens.

Mais en droit Français, cette mesure de fermeture des locaux (mesure de « lock out ») est illicite. La conception Française est différente de ce que l'on peut observer dans d'autre droit. L'employeur en droit nord-américain dispose d'un droit de fermeture de l'entreprise. De même en droit allemand, on a retenu une théorie de l'égalité des armes et les employeurs sont autorisés a fermer les locaux de l'entreprise.

En France ce n'est pas du tout le cas et la Cour de cassation a toujours considéré le « lock out » comme une faute de l'employeur. Il s'agit d'une exécution du contrat de mauvaise foi. La bonne foi implique que l'employeur négocie plutôt que de fermer l'entreprise.

Cas de « lock out » :⁃ « lock out » réalisé concomitamment au déclenchement de la grève.⁃ « lock out » avant le déclenchement de la grève. Cela peut être analysé comme une atteinte au

droit de grève.⁃ « lock out » de rétorsion après le conflit pour « faire payer » le conflit qui a eu lieu.

Néanmoins, dans certaines situations, la Cour de cassation a admis que l'employeur pouvait être contraint de fermer l'entreprise. La Cour de cassation a identifié des situations contraignantes qui obligent l'employeur a fermer les locaux. Elle l'envisage dans un arrêt du 17 mars 1983 qui évoque la situation contraignante dans laquelle s'est retrouvée l'employeur.

La situation contraignante est une version atténuée de la notion de force majeure. Il faut que des circonstances qui sont indépendantes de la volonté de l'employeur lui imposent pour respecter d'autres obligations considérée comme prééminentes de fermer les locaux. Il se peut par exemple que le nombre de salariés soit trop faible pour assurer la sécurité dans l'entreprise. Exemple avec arrêt du 7 novembre 1990.Une autre décision du 4 Juillet 2000 permet d'illustrer cette situation contraignante : La Cour indique que la grève du secteur de production qui était totale avait progressivement entraîné la paralysie des autres secteurs d'activités ce dont il résultait un blocage du fonctionnement de l'entreprise.

Attention   : La charge de la preuve de la paralysie repose sur l'employeur.

L'employeur va demander un jugement d'expulsion. Il peut songer à agir en référé s'il craint par exemple que l'occupation s'accompagne de dégradation sur le matériel.L'action en référé présente néanmoins une contrainte. En effet, cette action repose sur une procédure contradictoire, ce qui signifie que chacune des parties doit être convoquée personnellement. Or il se peut très bien, surtout si l'occupation est collective, que l'employeur ne connaisse pas toutes les personnes qui occupent les locaux.

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Dans l'hypothèse d'un grand nombre de salariés bloqueurs, l'employeur peut préférer solliciter une ordonnance sur requête. Dans ce cadre, la procédure n'est pas contradictoire si les circonstances permettent de justifier l'absence de caractère contradictoire.On peut très bien imaginer un employeur engageant une action en référé et une action en demande d'expulsion sur ordonnance sur requête.

Si les juges estiment qu'il y a lieu de prononcer l'expulsion, l'employeur sera muni d'une décision judiciaire à caractère exécutoire et il pourra exiger que les occupants se retirent. Mais l'expérience montre que ce n'est pas parce que l'employeur peut présenter une telle ordonnance que les occupants se retirent.Si les occupant adopte la position de Mac-Mahon (j'y suis, j'y reste), l'employeur peut demander le concours de la force publique, plus précisément solliciter que le préfet ordonne le concours de la force publique pour faire évacuer les locaux.Mais même dans cette hypothèse, l'employeur n'est pas certain d'obtenir satisfaction car même en présence d'une décision judiciaire exécutoire, le préfet conserve un pouvoir d'appréciation sur l'opportunité de l'engagement de la force publique afin de faire évacuer les locaux. Ce qui signifie que le préfet peut refuser de faire intervenir la force publique s'il estime que l'intervention entraînerait un trouble à l'ordre public supérieur à celui qui résulte de l'occupation des locaux. (exemple : les occupants sont déterminés et l'intervention sera délicate).Néanmoins, ce refus du préfet n'est pas sans conséquence. En refusant le concours, le préfet engage alors la responsabilité de l'état, ce qui signifie que si du fait de l'occupation des locaux qui s'est poursuivie, des dégradations par exemple peuvent être constatées, l'employeur est fondé à demander à l'état une réparation des dommages qu'il auraient subi du fait de la non intervention des forces de l'ordre sous la décision du préfet. Cette responsabilité est loin d'être anodine. Par exemple, la Cour de cassation s'est prononcée le 6 mai 1991 concernant un blocage de l'entreprise citroên et a reconnu la responsabilité de l'état à hauteur de 40 millions de Francs.

B. Les actions à caractère individuelle.

On peut tout d'abord essayer d'évaluer la place occupé par le pouvoir disciplinaire. On peut aussi envisager les actions individuelles à caractère judiciaire.

1.Les sanctions sur le terrain disciplinaire.

Une sanction postule l'existence d'une faute.Et sur ce terrain, selon l'article L2511-1 du Code du travail, la grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde et l'alinéa 3 précise que tout licenciement pour un autre motif qu'une faute lourde est nul de plein droit.

Tout d'abord, le licenciement à titre de sanction en période de grève, n'est envisageable qu'en présence d'une faute lourde, ce qui pose évidemment la question de la définition de la faute lourde.Il s'agit de cette qui révèle l'intention de nuire du salarié à l'entreprise ou à l'employeur (acquis depuis un arrêt du 29 novembre 1990). Mais attention, il ne faut pas oublier que le contexte de

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grève est particulier. Au regard de la décision de 1990, le fait que l'on se trouve dans un contexte de grève pose une difficulté car tout mouvement de grève est en lui même nuisible à l'entreprise. La grève emporte en elle-même l'existence d'une nuisance.

Dès lors, peut-on continuer à considérer qu'une faute lourde se définit seulement comme une intention de nuire du salarié   ?

Il semble qu'une définition spécifique doit être retenue en cas de grève, il faut affiner la définition traditionnelle de la faute lourde. Jean Pelissier indique que la faute Lourde serait plutôt une faute particulière et avérée et que l'état d'insubordination actif et autorisé ne peut justifier. La Cour de cassation, sans poser une définition précise, considère que le fait de participer à un mouvement que le salarié sait illicite est constitutif d'une faute lourde. Ici l'intention de nuire n'est pas justifier par l'exercice d'un droit constitutionnel. De même, le fait de se maintenir dans les locaux occupés après plusieurs ordonnance d'expulsion.Sur ce terrain, la Cour de cassation procède à une appréciation in concreto en tenant compte in fine de l'attitude de l'employeur.

Illustration   : un arrêt de 2006 où l'employeur avait invoqué une faute lourde des salariés car il estimait les revendications illicites en raison des textes qui s'appliquaient. La Cour de cassation a cassé pour manque de base légale l'arrêt d'appel qui avait retenue la faute lourde. La Cour de cassation considère que la CA n'avait pas examiné de manière suffisante les circonstances et en particulier le fait que l'employeur n'avait pas porté à la connaissance des salariés les nouvelles règles qui s'appliquaient à l'entreprise et qui faisait obstacle à ce que l'employeur satisfasse aux revendications. C'est bien l'attitude de l'employeur qui est pris en compte pour nuancer l'appréciation sur le comportement des salariés.

Si la faute lourde est constatée, l'employeur est fondé à prononcé le licenciement des salariés auteurs d'une faute lourde.

Mais le texte pose des interrogations   :

• Peut-on concevoir de sanctionner le salarié par une autre sanction en cas de faute moins grave   ? •Pendant la grève, on est dans une période temps pendant laquelle le salarié ne se place plus sur le terrain de l'exécution du contrat donc le salarié n'agit pas en tant que salarié subordonné à l'employeur. Le salarié agit plutôt en tant que partie au contrat qui revendique une modification des règles qui lui sont applicables (règles contractuelles ou unilatérales). Du même coup, le salarié n'est plus sur le terrain de l'exécution du contrat et par conséquent il n'entre plus dans le champ de la subordination de l'employeur et celui-ci ne peut donc plus user à son égard de pouvoir particulier, notamment du pouvoir disciplinaire.Finalement c'est la notion de faute elle même qui se trouve privé de signification, exception faite de la faute lourde.

La Cour de cassation s'est orientée très tôt en ce sens dès un arrêt de Juillet 1972 où elle a décidé que l'application d'un règlement intérieur était suspendue en cas de grève. Mais il faut nuancer cette affirmation car la suspension est normal pour les dispositions disciplinaires mais sur le terrain des dispositions concernant la santé et la sécurité des personnes, on doit estimer que le

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règlement intérieur est applicable (Tous les visiteurs doivent respecter ces règles donc les grévistes y sont aussi tenus).

La cour de cassation a reconnu dans un arrêt du 16 décembre 1992 qu'un salarié gréviste ne peut être licencié ou sanctionné à raison d'un fait commis à l'occasion d'un mouvement auquel il participe que si ce fait est constitutif d'une faute lourde. On a bien ici la confirmation que le licenciement mais aussi toute sanction est envisageable à partir du moment où le salarié a commis une faute LOURDE.

• En présence d'une faute lourde, l'employeur peut-il sanctionner le salarié par une sanction moins grave que le licenciement   ?

Parmi les auteurs, différentes appréciations ont été émises.Pour certains, la seule sanction envisageable est le licenciement. Emmanuel dokès se fonde sur un licenciement a fortiori. Il part de l'hypothèse d'une faute grave d'un salarié et fait remarquer que dans ce cas, l'employeur doit, s'il souhaite se fonder sur la faute grave, réagir immédiatement et rompre le contrat dès que la procédure a été accomplie. La nécessité vient de la définition de la faute grave elle même qui postule qu'elle est d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant le préavis. Si l'employeur n'engage pas la procédure et ne rompt pas le contrat, il démontre par son comportement que la présence du salarié dans l'entreprise est acceptable pour lui et dès lors il se prive d'invoquer la faute grave. Emmanuel Dokès considère alors a fortiori que le raisonnement est applicable pour la faute lourde.

Pour d'autres auteurs, cette solution est trop radicale car soit l'employeur doit rompre le contrat soit il ne peut rien faire. Sur un terrain d'opportunité, on peut concevoir que l'employeur, tout en souhaitant réagir à la faute lourde, ne souhaite pas se séparer des services du salarié.De plus, d'un point de vue juridique, la cour de cassation dans son arrêt de 1992 envisage de manière expresse une possibilité de sanction distincte du licenciement. On ne voit pas l'intérêt de préciser « ou sanctionneé» si la seule sanction possible serait le licenciement.De surcroît, on peut douter de la pertinence du raisonnement a fortiori car la définition de la faute lourde est toute à fait distincte de celle de la faute grave. En effet, la définition de la faute lourde ne reprend pas le critère d'impossibilité de maintien dans l'entreprise du salarié pendant le préavis. Le raisonnement serait convainquant si la faute lourde englobait la faute grave mais ce n'est pas le cas.

1.Sur le terrain judiciaire

On peut envisager des actions en responsabilité à l'encontre soit d'une personne physique (un salarié), soit d'une personne morale (un syndicat).Simplement, il faut souligner que l'engagement de la responsabilité requiert des conditions bien précises.

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Concernant la responsabilité des syndicats, il est rare que l'on puisse engager la responsabilité du syndicat. Le syndicat qui ne fait qu'appeler à la grève ne commet aucune faute. En outre, si des militants se livrent à des exactions, adoptent des comportements constitutifs d'une faute lourde, la responsabilité du syndicat ne peut être engagée. En d'autre terme, le syndicat n'est pas le commettant des grévistes et les grévistes ne sont pas les préposés des syndicats.La justification tient au faut que la grève est un droit des salariés et non pas un droit des syndicats. Il s'agit d'un droit individuel même s'il est exercé de manière collective. Le syndicat n'exerce par un de ses droits personnels, il invite juste les salariés à exercer leur droit personnel. L'autre justification est que les militants qui se livrent à des exactions ne se trouvent plus sur le terrain de l'exercice licite du droit de grève.Pour envisager la responsabilité du syndicat, il faudrait qu'une personne physique représentante du syndicat appelle au nom du syndicat non pas à la grève mais à la commission d'acte illicite ou d'acte détaché de l'exercice licite du droit de grève.

Concernant la responsabilité des salariés, les actions en responsabilité pour l'exercice du droit de grève ne sont pas envisageable. Il faut par conséquent que les salariés aient commis une faute détachable du droit de grève, c'est à dire une faute lourde.De plus, il faut aussi ne pas perdre de vue que dans le cadre d'une grève, on est souvent en présence de comportement qui ne sont pas isolés mais collectifs. La Cour de cassation a indiqué qu'il était possible de leur demander réparation que pour la part exacte de préjudice dû à leur comportement personnel. Il s'agit de la traduction de la personnalité de la responsabilité. D'où la difficulté d'arriver à identifier exactement ce que chacun a fait précisément et le préjudice qui en a résulté (arrêt du 18 Janvier 1995).Il y a néanmoins une atténuation car la Cour de cassation a admis que la condamnation des salariés grévistes pouvait être une condamnation in solidum et cela même si on ne connaît pas les salariés fautifs.

Cette action en responsabilité peut aussi être exercée par les salariés non grévistes

Chapitre 3   : Le droit des transferts d'entreprise

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Le droit du travail Français s'intéresse depuis presque les origine du Code du travail, à la situation juridique des salariés dans l'hypothèse où leur cocontractant vient à changer, c'est à dire l'hypothèse d'une substitution de partie.Le code du travail a intégré dès une loi du 18 Juillet 1928 une disposition particulière. Le législateur s'est directement inspiré du droit applicable en Alsace-Moselle à l'issu de la 1ère GM. Ce qui est remarquable est que cette règle s'est maintenue dans sa forme d'origine jusqu'à peu de temps.

Il s'agissait de l'ancien L122-12 alinéa 2 et il est aujourd’hui à l'article L1224-1. La modification de 2008 porte simplement sur le premier mot de la version d'origine. « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ». On a donc un texte qui pose une règle en vertu de laquelle est organisée une survie du lien contractuel malgré le changement dans l'identité d'une des parties. Plus exactement, il y a transfert des contrats de travail. → Cette règle déroge à l'effet relatif des contrats de l'article 1165 du CC.

En réalité, cette règle est mise en œuvre que dans l'hypothèse d'une modification dans la situation juridique de l'employeur. Dès l'origine, la question s'est posée de savoir ce que recouvrait cette formulation. À l'évidence, il s'agit d'une catégorie juridique cadre, un standard, c'est à dire une catégorie juridique qui recouvre un ensemble d'hypothèses variables et qui ne peut être réduite à une formulation fondée sur des unités de mesures universellement admises. Au contraire, on est dans une appréciation qualitative.

Sur ce terrain, le droit communautaire a joué un rôle primordial car dès le 14 février 1977, est adopté une directive concernant le rapprochement des législations des états membres relative au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'établissement.Et cette directive précise son champs d'application au §1 en indiquant que la directive est applicable aux transferts d'entreprises, établissement ou partie d'établissement à un autre chef d'entreprise résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion.

L'existence de ce texte communautaire a eu un rôle considérable dans la compréhension du droit Français et finalement dans la détermination de la teneur du droit positif. Il y a peu de domaine en droit du travail Français où l'incidence communautaire a été aussi spectaculaire. D'une part, la France a joué un rôle moteur dans l'adoption de cette directive. D'autre part, cette règle n'a jamais fait l'objet d'une transposition spécifique en France, l'idée étant que l'article L1224-1 faisait office de transposition préexistante.

Néanmoins, l'existence d'un texte communautaire a assez logiquement débouché sur une appréciation communautaire. C'est en réalité le droit de l'UE qui a véritablement modelé le contenu du droit Français.Bien sur l'article L1224-1 entraîne des conséquences (Section 2) mais qui ne peuvent être

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envisagées (section 1) qu'après avoir étudié le domaine de mise en œuvre de cette règle.

Section 1   : Le domaine de mise en œuvre de la règle de l'article L1224-1

La formulation de «   modification dans la situation juridique de l'employeur   » est un standard et permet une grande souplesse dans son utilisation. Mais en même temps, elle est trop vague pour satisfaire un minimum de sécurité juridique en matière contractuelle.Il ne faut pas oublier qu'en l'espèce les enjeux sont considérables, aussi bien pour les salariés que pour les employeurs successifs, d'où la nécessité d'en avoir une interprétation, voire une définition aussi précise que possible.

Le fait que cette règle constitue une dérogation au droit commun des contrats aurait pu justifier une interprétation stricte afin d'éviter que le champ couvert par la règle ne soit trop vaste. Or, il se trouve que l'interprétation judiciaire qui a été retenue s'est orientée en sens inverse et à donné au contraire un maximum d'effets à cette notion de « modification dans la situation juridique de l'employeur ».Cela se vérifie aussi bien dans l'étude de l'acte de transfert (§1) que dans celle de l'objet du transfert (§2).

§1. L'acte de transfert

Quand on se réfère au texte, on constate que sont visés 5 types d'actes de transfert :⁃ succession⁃ vente⁃ fusion⁃ transformation de fond⁃ mise en société.

Cette énonciation ne constitue qu'une liste indicative et non exhaustive (« notamment »).La Cour de cassation a été amenée à se prononcer et, dès les origine, a accueilli des actes de transfert tout à fait variés.

Le premier arrêt qui a illustré cette largesse d'interprétation est l'arrêt Goupy du 27 février 1934. En l'espèce, il s'agissait d'une succession de prestataire de service sur un marché, en l’occurrence de l'éclairage électrique de la ville de Setif en Afrique du Nord. Un nouveau prestataire avait bénéficié de la conclusion d'un contrat et la question était de savoir si les salariés de l'ancien prestataire voyaient leur contrat continué avec le nouveau prestataire.La Cour de cassation affirme que la règle de l'article 23 alinéa 8 (L122-12 puis L1224-1) est destinée à garantir aux salariés des emplois plus stables et doit recevoir application dans tous les cas où la même entreprise continue à fonctionner sous une direction nouvelle. Ce qui est intéressant est que dès cette décision, on voit très clairement le type d'interprétation privilégié par la Cour de cassation. En l'espèce, il s'agit d'une interprétation téléologique par référence à la finalité poursuivie par le texte, ce qui signifie qu'on ouvre grand les portes à l'accueil de tout type de transfert du moment que cela concerne la finalité poursuivie par la règle.

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Ce qui est le plus remarquable est que l'on a admis l'application de cette règle dans des hypothèses comparables à celle de l'arrêt Goupy, c'est à dire des situations où il y a succession dans un marché déterminé de concessionnaire ou d'adjudicataire.Les prestataires de services se succèdent mais a priori il n'y a aucun lien juridique entre les différents prestataires. Néanmoins, la Cour de cassation considère qu'on est bien en présence d'une modification dans la situation juridique de l'employeur qui engendre continuation des contrats.

Cette interprétation a été critiquée au fil des décennies par un certain nombre d'auteurs qui l'ont considéré comme inopportune. Ils ont fait valoir que cela aboutissait à des conséquences qui sont difficilement acceptable pour les employeurs et pour le concédant.Exemple   : Le concédant met fin au contrat car il n'est pas satisfait de la prestation de service. Il veut changer de prestataire pour que la qualité de la tâche effectuée soit meilleur. Or s'il y a mise en œuvre de la règle de transfert des contrats, le concédant va se retrouver avec un nouveau concessionnaire qui sera tenu de reprendre les salariés affectés à ce marché et qui va peut être les réaffecter à la même tache. On aboutit à un résultat opposé à ce que voulait le concédant. L'idée de voir la qualité du travail amélioré est repoussé par le fait que in fine ce sont les mêmes salariés qui vont effectuer le travail.Du côté des salariés, on a fait valoir que ce système est une protection illusoire car si l'employeur se voyait imposer les salariés, il était certain que l'emploi de ces salariés était intrinsèquement menacé.

Au milieu des années 80, la Cour de cassation va subitement opérer un revirement de jurisprudence. Elle commence a précisé en 1985 que la modification dans la situation juridique de l'employeur ne peut résulter que de la seule perte d'un marché. Quelques mois plus tard, par un arrêt du 12 Juin 1986 « desquenne et Giral », la Cour de cassation va aller plus loin car elle indique que la modification dans la situation juridique de l'employeur implique l'existence d'un lien de droit entre les employeurs successifs.Cette décision n'est pas anodine car dans cette affaire, la Cour de cassation aurait pu se contenter de dire que la modification ne saurait résulter de la seule perte d'un marché. Mais il y a une volonté de la Cour de cassation de préciser un élément à titre de condition.

Comment expliquer un tel revirement de jurisprudence   ?

La raison précise est implicite et se trouve hors du droit Français et plus exactement dans la directive communautaire du 14 février 1977.

Le champ d'application fixé par la directive est le « transfert […] résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion ». Dans chacune de ces deux hypothèses, il y a bien un lien de droit entre les employeurs successifs et à la grande différence du texte Français, la liste parait limitative.

→ Autrement dit, la Cour de cassation interprète le texte Français à la lumière du droit communautaire.

Malheureusement, en 1986, le texte de la directive a commencé a être interprété par la CJCE

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mais dans une position inverse à celle de la Cour de cassation.

L'arrêt ABELS du 7 février 1985 fourni une précision sur le type d'interprétation retenue par la Cour de justice. Pour elle, l'objectif de la directive est d'empêcher que les restructurations à l'intérieur du marché commun ne s'effectuent au préjudice des travailleurs des entreprises concernées. Là encore, l'interprétation est téléologique en référence à l'objectif poursuivi.

Le 18 mars 1986, la Cour de justice se prononce dans un arrêt spijkers et indique de façon plus précise qu'on est en présence d'un transfert d'entreprise lorsqu'une entité économique encore existante a été aliénée, ce qui résulte notamment du fait que son exploitation est effectivement poursuivie ou reprise par le nouveau chef d'entreprise avec les mêmes activités économiques ou avec des activités analogues.La Cour de justice n'invoque à aucun moment la nécessité d'un lien de droit entre les entrepreneurs successifs. Et elle ne se réfère même pas aux cas visés dans la directive et indique que ce qui est fondamentale est l'aliénation de l'entreprise.

→ Elle substitue le terme d'aliénation à la notion de fusion et cession conventionnelle, la notion d'aliénation est beaucoup plus large.

Confirmation dans un arrêt du 10 février 1988 tellerup. On est dans l'hypothèse de succession de concessionnaires de bar-restaurant. Le second concessionnaire licencie M. tellerup. La question de droit précise concernait le préavis auquel M. Tellerup pouvait prétendre, le droit de préavis étant tributaire de l'ancienneté.La réponse de la Cour de justice est sans ambiguïté et indique que lorsque le cessionnaire ayant la qualité de chef d'entreprise au terme du contrat de concession perd cette qualité au terme du contrat de concession et qu'un tiers l'acquiert en vertu d'un nouveau contrat de concession conclu avec le propriétaire, l'opération qui en résulte est susceptible d'entrer dans le champ de la directive tel que définit à son article 1 §1. La Cour enfonce le clou en indiquant que le fait que dans un tel cas l'opération s'effectue en deux phases, en ce sens que l'entreprise est dans un premier temps transférée du concessionnaire initial au propriétaire, lequel la transfert ensuite au nouveau concessionnaire, n'exclut pas l'applicabilité de la directive pour autant que l'entité économique en question garde son identité.

Cette décision place l'interprétation de la Cour de cassation en porte à faux. Or les décisions de la Cour de Justice s'imposent aux juridictions des états membres, y compris les juridictions supérieures, d'où la nécessité pour la Cour de cassation de sortir de cette situation.

Cette mise en conformité se fera par des arrêts rendus en assemblée plenière en 1970. La Cour indique que les articles 1 et 3 de la directive du 14 février 1977 et l'article L1224-1 alinéa 2 du Code du travail s'appliquent même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

1er commentaire au regard du Visa   : La Cour de cassation fait expressément référence au texte de la directive et en premier lieu (avant la référence au code du travail). C'est ici la manifestation que la Cour de cassation interprète le droit Français à la lumière du Droit communautaire. → Il s'agit de la traduction de la primauté du droit communautaire sur le droit Français.

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2ème commentaire   : Cette primauté n'est pas sans incidence car la Cour opère un second revirement de jurisprudence en 4 ans sous la pression du droit communautaire. Le droit communautaire a imprimé sur le droit Français son contenu.

3ème commentaire   : La Cour de cassation reprend la terminologie de la Cour de justice.

Cela invite à envisager après les caractères liés à l'acte de transfert, l'objet du transfert.

§2. L'objet du transfert.

On fait référence à une entité économique. La Cour de Justice fait référence à une certaine conception de l'entreprise qui là aussi a été discutée.Il ne suffit pas de caractériser l'existence d'une entité économique (A), il faut aussi déterminer ses caractères (B)

A. Les éléments constitutifs de l'entité économique.

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On a promu la notion d'entreprise organisation. Et la cour de Justice s'est inscrite très rapidement dans cette conception avec énormément de souplesse et de pragmatisme.

La première décision significative est l'arrêt spijkers du 19 mars 1986. Cette décision détaille les éléments à prendre en considération pour caractériser l'entité économique. Pour la Cour de justice, pour déterminer s'il y a bien transfert d'une entité économique, il convient de prendre en considération l'ensemble des circonstances de fait caractérisant l'opération en cause, au nombre desquels figure notamment le type d'entreprise ou d'établissement dont il s'agit, le transfert ou non des éléments corporels tels que les bâtiments et les biens immobiliers, la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, la reprise ou non de l'essentiel des effectifs par le nouveau chef d'entreprise, le transfert ou non de la clientèle ainsi que le degré de similarité entre les activités avant et après le transfert et la durée d'une éventuelle suspension de ces activités.

La Cour de Justice souligne bien qu'il s'agit que d'aspect partiel de l'évaluation d'ensemble qui s'impose et de ce fait, ces éléments ne saurait être appréciés isolément. On est en présence non pas de critère mais bien d'indices qui révèlent la richesse de cette notion → méthode du faisceau d'indice.On a eu un doute avec l'arrêt schmidt de 1994 où une activité était transférée et aucun matériel n'était cédé. Seulement l'activité de nettoyage était cédé. On s'est demandé si la Cour de Justice ne faisait pas évoluer sa jurisprudence en accordant une part plus importante à l'activité. Mais sa position a été rappelée dans l'arrêt Ayse Süzen du 11 mars 1997 qui souligne qu'une entité économique ne saurait être réduite à l'activité dont elle est chargée. Par ailleurs, la CJUE indique que la directive ne trouve pas à s'appliquer si l'opération ne s'accompagne ni de la cession entre l'un et l'autre entrepreneur d'éléments d'actifs corporels et

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incorporels significatifs, ni de la reprise par le nouvel entrepreneur d'une part essentielle des effectifs en terme de nombre et de compétence que son prédécesseur affectait à l'exécution de son contrat.

Il y a un paradoxe car pour savoir s'il y a lieu d'appliquer la règle, il faut voir si la règle s'applique puisqu'on exige la reprise des salariés. La CJ transforme ce qui est une conséquence d'une situation déterminée en condition de reconnaissance de la situation en cause.

À partir de cette décision, il apparaît très clair que l'entité économique est appréhendée de manière riche et variable et on ne fait pas référence directement à l'activité exercée. S'est ainsi formé une définition prétorienne qui a été reprise par la Cour de cassation et la CJCE

Exemple   : Arrêt 7 juillet 1998 Ccass   : Elle donne une définition de l'entité économique en mentionnant expressément que c'est une définition à la lumière de la directive de 1977. « Est une entité économique, un ensemble organisé de personnes et de moyens corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ».

Arrêt CJCE Hernadez Vidal du 10 décembre 1998 : Elle reprend exactement la définition à la seule différence que les moyens ne sont pas distingués.

Cette définition a été en partie intégrée par le législateur européen dans une directive du 29 juin 1998. Et on a consolidé ces deux textes dans une directive de mars 2001.Dans la directive actuellement en vigueur depuis le 12 mars 2001, on fait référence à l'entité économique, entendu comme un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire.

Justement l'absence de moyen matériels ou la présence de personnel a posé problème. La Cour de cassation se trouve plus sensible à la présence de moyen matériels pour caractériser l'entité économique.Lorsque l'opération de transfert ne fait qu’apparaître essentiellement un transfert de personnel, la Cour de cassation a plus de réticence à reconnaître l'existence d'une entité économique.Or, pour la Cour de justice, tout est affaire de circonstance. En témoigne, une décision rendue le 24 Janvier 2002 dans une affaire Tempo services industries SA. Dans cette décision, la CJCE indique que dans certains secteurs dans lesquels l'activité repose essentiellement sur la main d’œuvre, une collectivité de travailleurs que réunie durablement une activité commune peut correspondre à une entité économique. Elle précisait que concernant une entreprise de nettoyage, un ensemble organisé de travailleurs qui sont spécialement et durablement affectés à une tache commune, peut, en l'absence d'autre facteur de production, correspondre à une entité économique. On est bien ici en présence d'une décision qui indique que tout dépend de la configuration du secteur d'activité.

La CJCE rappelle ici que les éléments restent des aspects partiels et ne peuvent être appréciés isolément La Cour indique que la valeur accordé à tous ces éléments varie en fonction de l'activité exercée, voire en fonction des méthodes d'exploitation ou de production utilisés dans

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l'entreprise. C'est bien le signe que toute analyse est relative. On ne peut pas se prononcer de manière générale.Il est tout à fait concevable de se trouver dans des circonstances où l'activité économique repose essentiellement sur la main d’œuvre donc sur l'activité des salariés. Ces secteurs sont principalement le nettoyage et le gardiennage.

À l'inverse, dans un arrêt «   Abler   » du 20 novembre 2003 , la Cour de justice a exclu que l'on se trouve dans un tel secteur d'activité pour ce qui concernait une activité de restauration collective et a fait valoir que dans ce type d'activité, les moyens matériels étaient considérable, ce type d'activité exigeant des équipements importants.

La Cour de cassation a progressivement assoupli sa position. On peut citer deux décisions :

Arrêt du 24 septembre 2002 dans lequel la Ccass reconnaît l'existence d'une entité économique en soulignant la part essentielle de l'activité des salariés. On a notamment souligné que 200 des 213 salariés avaient été repris par la nouveau prestataire de service. Mais dans cette décision, il y avait quand même bien un transfert d'élément matériel.

Arrêt du 14 mai 2003 dans lequel la Ccass indique que la reprise de la commercialisation des produits d'une marque et de la clientèle qui y est attachée, entraîne en principe un transfert d'une entité économique autonome qui poursuit un objectif propre, garde son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Dans cette configuration, apparaît en creux que l'exploitation de ces éléments d'actifs incorporels repose sur le personnel de l'entreprise. On voit donc l'importance détenue par l'activité des salariés.

Cette évolution de la jurisprudence de la Ccass est encore réservée car la Cour de cassation rappelle régulièrement son attachement aux éléments corporels qui constituent l'entité économique.Exemple: 31 mars 2004 : la Cour de cassation indique que la seule affectation de salarié à la seule exécution d'un marché ne suffit pas à caractériser l'existence d'une telle entité économique.

La cour de cassation a néanmoins apporté une précision dans un arrêt du 8 juillet 2007 concernant les éléments matériels. Elle a estimé que l'ensemble des matériaux nécessaires à l'exploitation d'une cantine, ayant été repris par une entreprise qui en a poursuivi l'exploitation, le transfert d'une entité économique est caractérisé, peu important que le donneur d'ordre soit resté propriétaire de ces éléments corporels. La Cour de cassation souligne que le transfert n'est pas nécessairement un transfert du droit de propriété, un transfert de l'utilisation suffit.

Section 2   : Les caractères de l'entité économique

???

L'opération de transfert va les mettre en exergue et on verra que si l'autonomie postérieurement au transfert peut être amené à disparaître, l'identité elle ne peut pas être affectée.

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§1. L'autonomie

Cette autonomie se conçoit très aisément lorsque c'est une entreprise dans son ensemble qui fait l'objet du transfert.La question mérite d'être posée en ce qui concerne un établissement. Mais généralement cette autonomie ne pose pas de grande difficulté.

Là où les questions se posent de la manière la plus délicate est lorsqu'on ne vise qu'une partie de l'entreprise. Peut-on concevoir l'existence d'une entité économique.Et plus particulièrement encore, lorsque c'est une activité secondaire, accessoire au regard de l'ensemble de l'entreprise.

La Ccass a apporté une réponse assez ferme dans un arrêt de juillet 2000 « Perrier vittel SA. La Cour de cassation indique que la reprise par un autre employeur d'une activité secondaire ou accessoire de l'entreprise n'entraîne le maintien des contrats de travail que si cette activité est exercée par une entité économique économique. On a donc bien l'affirmation que même une activité secondaire ou accessoire, peut constituer une entité économique susceptible d'un transfert mais à condition que cette entité soit bien autonome au sein de l'entreprise.Cette interprétation n'était pas évidente et on aurait pu avoir une autre interprétation puisque dans la définition qui a prévalu en droit communautaire, on parle d'un ensemble organisé de moyen en vue de la poursuite d'une activité économique permettant la poursuite d'un objectif propre. La question pouvait se poser de savoir si cette activité secondaire ou accessoire poursuivait bien un objectif propre.

La Cour de cassation reconnaît qu'une activité même secondaire ou accessoire puisse poursuivre un objectif propre.

Il faut se rendre compte que la position de la Cour de cassation a été déterminée par un certain nombre de pratique. Les faits jouent ici leur rôle puisqu'au sein de l'établissement en cause, il existait une activité très secondaire de menuiserie pour fabriquer les palettes permettant la manutention des bouteilles. C'est de cette activité de menuiserie que l'établissement avait voulu se défaire en externalisant cette activité auprès d'une entreprise extérieure.La Cour de cassation a perçu un risque d'instrumentalisation de la règle de maintien du contrat de travail. Ce qu'a voulu décourager la Cour de cassation est les opérations où le maintien du contrat de travail n'apparaît plus comme une conséquence de l'opération mais plutôt comme un mobile de l'opération. C'est une opération dans le but de transférer les contrats de travail en eux-même. Exigé que l'activité soit autonome, c'est décourager ces pratiques car en l'espèce l'activité de menuiserie n'était pas du tout autonome.

Mais dans une telle configuration, rien n'exclu à terme que l'employeur décide de procéder à des licenciements pour motifs économique.

La question qui va se poser est de savoir comment caractériser l'autonomie. La Cour de cassation dans les arrêts Perrier est assez peu explicite et se contente de relever les constatations des juges du fond pour conclure à l'absence d'autonomie de l'activité tant dans son personnel en raison de la polyvalence de la plupart des salarié, que dans l'organisation de sa production. Il semble que la

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Cour de cassation vise l'absence d'autonomie par rapport aux services centraux = autonomie plutôt fonctionnelle.

Si on se réfère à la directive du 12 mars 2001, on parle d'une entité économique qui est constituée d'un ensemble de moyen en vue de la poursuite d'une activité. À la lumière de cette définition, si une autonomie doit être caractérisée, elle l'est à partir du moment où il apparaît que l'activité même secondaire ou accessoire, peut être exercée hors du cadre de l'entreprise ; qu'elle dispose de personnel et moyens lui permettant de se développer en dehors de l'entreprise. Et en outre, cette activité doit pouvoir justifier d'une certaine spécificité et la Cour de cassation le fait apparaître dans un certains nombre de décision, notamment dans un arrêt du 8 juillet 200 dans lequel la Ccass relève sur le fondement des constations de la CA, que le service informatique de la société disposait de moyen spécifique et jouissait d'une autonomie de gestion. On constatait en outre que l'ensemble des moyens nécessaires à la poursuite de l'activité avait été transmis au nouvel entrepreneur donc on pouvait conclure au transfert d'une entité économique autonome.Il y a deux dimensions : les moyens nécessaires à l'activité et une spécificité reconnue : une autonomie de gestion.

En sens inverse, en 2006, la Ccass va conclure à l'absence d'entité économique autonome. La Cour estime que le département de l'entreprise ne présentait aucune spécificité ni dans ses activités ni dans son personnel.

Pour ce qui concerne la spécificité du personnel, elle peut être établi par le constat d'une spécialisation des salariés qui fait qu'ils ne peuvent pas être remplacé par d'autres salariés de l'entreprise.

Il reste à préciser que la Cour de cassation, dans plusieurs arrêt notamment un arrêt du 10 octobre 2006, l'existence d'une entité économique autonome est indépendante des règles d'organisation et de gestion du service au sein duquel s'exerce l'activité économique.Ce qui compte avant tout est l'existence de moyen et d'une spécificité avérée.

Question concernant le cas particulier des établissements de santé.

??Pour objet de dispenser des soins avec ou sans hébergement et de développer toute action concourant à une prise en charge globale du malade.La conséquence qu'en tire la Ccass est que ces établissements constituent en eux-mêmes des entités économiques donc aucun service participant à la prise en charge globale du malade, même s'il peut être confié à des tiers, ne peut constituer une entité économique distincte.

On est en présence d'une interprétation qui change de registre. La Cour de cassation pose pour ces établissements de santé une règle générale selon laquelle ces établissement de santé ne peuvent jamais comporter des entités économiques distinctes en leur sein.

La Cour de cassation retient cette qualification en se fondant sur les textes qui définissent l'objet de l'activité des établissements de santé. C'est ici qu'on peut faire des critiques car on ne comprend pas comment la Cour de cassation déduit de ces textes, l’impossibilité d'existence

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d’entité économique distincte autonome au sein de ces établissements. La Cour de cassation retient une analyse qui se distingue nettement de ce que préconise la Cour de Justice.Celle-ci milite pour une appréciation pragmatique mais qui dans tous les cas repose sur l'analyse des faits.

Sous réserve de cette particularité concernant les établissements de santé, la Cour de cassation se rapproche de la démarche de la Cour de Justice pour caractériser l'autonomie.

§2. L'identité de l'entité économique.

Cette identité préexiste à l'opération mais ce sur quoi insiste la Cour de Justice et la Cour de cassation est que cette identité ne doit pas être altérée par l'opération de transfert.C'est affirmé par la Cour de cassation depuis les arrêt du 16 mars 1990 qui rappelle que l'entité économique en question doit conserver son identité.

Dès lors, sans grande surprise, les décisions de la Ccass et de la CJCE appréhende moins des critères relevant son identité que les différents facteurs susceptibles d'altérer cette identité.Ces facteurs peuvent être multiples ; il peut s'agir par exemple d'envisager au moment du transfert, une modification de la destination des produits.Exemple : fabrique de livre traditionnel. Le repreneur décide que les livres seront sous format livre de poche. Il y a un changement dans la destination du produit qui implique des destinations dans la manière de produire et du même coup, on arrive à mettre en évidence que l'identité qui fondait l'entité économique est remise en cause.

Ce peut être aussi en cas de modification dans les techniques de production. Par exemple en changeant les procédés de fabrication.

Il peut s'agir aussi d'une modification dans l'organisation du travail et des locaux. Par exemple concernant la structuration de l'activité, on peut se référer à une décision du 28 mai 2003 de la Ccass concernant une activité de concession d'automobile d'un certain nombre de marque. En l'espèce, cette concession avait été confié initialement à un concessionnaire unique et l'opération met fin au contrat de concession mais l'activité commerciale de distribution de ces marques ne donne lieu à aucun nouveau contrat de distribution exclusif et la distribution se trouve répartie entre différente entreprise. La Cour considère ici que la CA a pu déduire que l'entité économique constituée par la concession de vente exclusive des marques en question n'avait pas concernée son identité et les salariés étaient donc restés liés au concessionnaire initial.

Il peut aussi s'avérer que l'activité initiale n'est reprise que partiellement et par la même on altère l'identité de l'entité.À l'inverse, on peut concevoir que l'opération est l'occasion d'adjoindre d'autre activité où son identité se trouve diluée au sein d'un ensemble plus vaste.

Plus particulièrement, une question a retennue l'attention des juristes : dans quelle mesure le passage du secteur privé au secteur public ou inversement est susceptible d'altérer l'identité de l'entreprise.

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La position de la Cour de cassation a évolué. Initialement, en 90, la Cour avait une position tranchée et le changement de secteur entraînait forcément une perte d'identité ( arrêt 1995).Quelques années plus tard, la Cour de cassation commence à introduire un élément de nuance, elle ne se positionne plus par principe eu égard au changement de secteur mais se positionne par rapport au régime juridique des employeurs. Si on constate un changement de régime juridique, il y a ici perte de l'identité (arrêt du 2 mars 1999).

Cette question va être soumise également à la CJCE qui va donc se prononcer dans un arrêt Mayeur ? de septembre 2000. La CJCED est saisie par une juridiction Française d'un recours en interprétation.Il s'agissait du salarié employé par une association sans but lucratif qui développait une activité d'information, de promotion des services qu'offrait la ville de Metz. Cette activité prend fin et c'est la commune elle même qui décide de reprendre l'exploitation de l'activité.Est ce que le contrat du salarié doit être maintenu avec la ville de Metz.

La cour de Justice a répondu en l'espèce que la directive doit recevoir application en cas de reprise par une commune, personne morale de droit public agissant dans le cadre spécifique des règles du droit administratif, d'activité exercée jusqu'alors dans l'intérêt de cette commune par une association sans but lucratif, personne morale de droit privé, pour autant que l'entité économique conserve son identité.

Pour la CJCE, la question du maintien d'identité est une question qui se pose une fois que l'opération est réalisée. Le simple passage d'un régime juridique à un autre ne résout pas en lui même la question. L'identité n'est donc pas attaché spécifiquement au régime juridique. Pour la CJCE, l'identité est déterminé par autre chose que ce simple passage d'un régime à un autre.

En outre, la CJCE n'exclu pas pour autant que dans de telles circonstances on puisse arriver à une perte de l'identité. Le point 52 indique expressément qu'il ne n'est pas exclu que dans certaines circonstances, des éléments comme l'organisation, le fonctionnement, le financement, la gestion ou les règles de droit applicables caractérisent l'entité économique d'une manière telle qu'une modification de ces éléments en raison du transfert de cette entité entraînerait un changement de son identité.La CJCE réserve alors cette possibilité mais en se fondant sur des circonstances particulières.

La Cour de cassation a du faire évoluer sa jurisprudence. Elle l'a fait dans une décision du 25 Juin 2002. Pour la Cour, la seule circonstance que le cessionnaire soit un établissement public à caractère administratif lié à son personnel par des rapports de droit public ne peut suffire à caractériser une modification dans l'identité de l'entité économique transférée.La Cour de cassation, contrairement à la Cour de justice, ne réserve aucune hypothèse où le régime juridique participe de l'identité de l'entité économique.

Ces circonstances posent un certains nombre de question car en passant du droit privé au droit administratif, on est exposé à un certain nombre de difficultés :⁃ le maintien des contrat implique l'adoption d'une loi⁃ Au delà du transfert des contrats en eux même, le changement du régime juridique entraîne

nécessairement une modification du contrat donc l'assentiment du salarié est nécessaire.

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Sur ce terrain, la Cour de cassation a choisi de simplifier les choses en considérant que le salarié n'a pas le droit de refuse dans ces circonstances la modification de son contrat.

Ce qui est constant est le moment o on doit se placer pour savoir si l'identité est maintenue ou non. La Cour de cassation estime qu'il faut se placer au moment du transfert. Ce qui est déterminant est qu'au moment du transfert, le nouvel employeur n'est pas manifesté de volonté de transformation susceptible d'affecté l'identité.Par contre, cela ne préjuge en rien de l'évolution futures, c'est à dire que le repreneurs ou le cessionnaire ne se lie pas pour l'avenir et il ne lui est pas interdit de faire évoluer l'identité de l'entité (qui aurait conduit à perte d'identité si on se serait placé au moment du transfert).Arrêt du 10 Juillet 2007 : La Cour indique clairement que la modification des modalités de fonctionnement d'une entité économique transférée à un nouvel exploitant est sans incidence sur la poursuite des contrats de travail. Ici, le transfert avait déjà eu lieu, il n'y avait pas eu perte d'identité et le fait qu'ensuite le nouvel entrepreneur décide de changer les modalités d'exploitation ne remet pas en cause rétroactivement l'identité de l'entreprise et donc la poursuite des contrats de travail.

On peut développer le même raisonnement au niveau de l'autonomie où il faut se placer au moment du transfert. Elle est évaluée par rapport à la situation d'origine donc a fortiori on ne préjuge pas de la modification postérieure.Arrêt de 2007 : Du moment que les modification apportées dans le fonctionnement de l'entité économique n'avaient pas affecté son identité à la date du changement d'employeur, nonobstant la perte d'autonomie après le transfert, celui-ci relevait bien de l'article L122-12 al 2 ancien.

La seule limite que l'on peut voir dans cette position est le risque d'instrumentalisation, c'est à dire que l'on peut redouter qu'un employeur n'agisse pas de bonne foi et au moment du transfert ne laisse entrevoir aucune modification alors qu'il a bien un projet d'évolution mais qu'il ne met en œuvre que postérieurement pour légitimer des licenciements pour motifs économiques ou alors des modification du contrat de travail.

Section 2   : Les conséquences de la mise en œuvre de la règle de l'article L1224-1.

Lorsqu'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, les contrat de travail en cours subsistent.Dérogation à l'effet relatif des contrat de l'article 1165.

Mais cette exception se trouve dotée en droit Français d'un certain nombre de caractère, notamment d'un caractère automatique dans le maintien des contrats.

§1. Le caractère automatique du maintien des contrats.

Les contrats sont maintenus par effet de la loi. Il était nécessaire de prévoir u texte légal car c'est une dérogation à l'article 1165.Cette règle a un caractère d'ordre public pour les employeurs. Ils ne peuvent pas se soustraire à

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l'application de ce texte et la Cour de cassation le rappelle régulièrement. Les employeurs successifs ne peuvent convenir entre eux de faire échec à l'application du texte. Exemple : arrêt du 12 Juin 2001.

Plus exactement pour la Cour de cassation une clause qui tenterait de tenir en échec cette règle serait réputée non écrite mais ne remettrait pas en cause la validité de l'acte de cession. C'est une manière de dire que cette clause ne peut pas être déterminante de l'accord passé par les parties. Un arrêt du 7 juillet 2006 permet de l'illustrer.

Dans le même ordre d'idée, cet effet impératif empêche que les employeurs puissent faire renoncer les salariés à l'application de la règle qui est conçue comme une règle de protection (arrêt Goupy : emploi plus stable).

Ce qui est le plus remarquable est que cette règle va s'imposer également aux salariés. Ils ne peuvent pas non plus choisir de ne pas travailler au service du nouvel employeur. C'est là que ce révèle le caractère d'ordre public absolu de direction.Si le salarié ne veut pas travailler au service de l'employeur, la seule solution est la démission. Il ne peut pas faire valoir qu'il va continuer à travailler au profit du 1er employeur.Plus exactement, la Cour de cassation a estimé que le salarié qui refuse le transfert se verrait le cas échéant imputer la rupture du contrat qui produirait les effets d'une démission. La Cour assimile cela à une prise d'acte de la rupture mais dans laquelle le salarié ne peut imputer aucun manquement à l'employeur. Dès lors, cela produit les effets d'une démission.

Cette conception se heurte dans une certaine mesure à celle de la CJCE qui est beaucoup moins radical.Depuis un arrêt Katsikas du 16 décembre 1992, la CJCE considère qu'on ne peut imposer au salarié l'employeur au service duquel il travail. La CJCE se fonde sur la liberté du travail qui implique pour la Cour de justice la possibilité pour le salarié de choisir son employeur. Dès lors, dans le droit des états membres, on doit garantir cette liberté en permettant que le salarié ne se voit pas imposer l'employeur pour le compte duquel il travaille.Au regard de cette décision, le droit Français a considéré que la directive était respectée à minima car il y a la possibilité pour le salarié de démissionner. On contraint le salarié à démissionner s'il souhaite ne pas subir les effets de cette règle.

Certains auteurs du droit Français, notamment alain Supiot, remarque que le droit Français n'est pas très éloigné sous cet angle de certains mécanisme du droit romain comme le commodat dans lequel le travailleur était considéré comme l'accessoire du fond de commerce qui était transmis.

C’est une règle d’ordre public absolue donc elle s’impose aux employeurs mais aussi aux salariés qui eux ne peuvent pas se soustraire à l’application de cette règle. Si on se trouve ne présence d’une application volontaire de cet article, c’est à dire que l’on ne se trouve pas dans le champ d’application de l’article et que néanmoins on veut mettre en œuvre un transfert de contrat de travail par définition comme la règle n’a pas vocation à s’appliquer le transfert n’est pas automatique et résulte d’une volonté. Qu’elles sont donc les conséquences à l’égard des salariés ?

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On ne peut pas lui imposer, si on laisse de coté l’aspect entité économique il y a substitution dans l’identité des parties aux contrats. C’est presque une novation qui dans tout les cas impose l’accord express de chaque salarié. Une décision de 2009 l’indique, on doit constater l’accord du salarié ce qui est intéressant c’est que la CC prend la peine de spouligner la circonstance dans lesquelles l’affaire c’est déroulé. C’est en fait des conditions de régularité de l’opération :

- salarié préalablement informé des modalités du déroulement de l’opération- bénéficier d’un délai suffisant pour faire leur choix.

La question qui se pose du même coup est de savoir si même si on se place dans le champ de l’article si les salariés doivent être informés du changement d’employeur. Cette information du changement doit elle être donnée au salarié.Arret 14 décembre 99 : elle est estime que les dispositions de l’article de l’époque n’oblige pas l’employeur d’informé les salariés de la cession d’entreprise dans laquelle il était employé. A l’égard du cédant il n’y a aucune obligation d’information.Cette information a été discuté, on voit finalement sur quelle logique elle repose, nous sommes sur de l’ordre public absolue donc le salarié devrait être confiant. Il va de soi qu’en pratique les choses sont plus complexes et le seul fait de déterminer si nous somes dans le champ d’application est déjà difficiles.Au regard des textes notamment de l’UE on a contesté que l’employeur n’est pas tenu d’informer le salarié.Argument :

- la directive de 77, en son article 6 paragraphe 6 on mentionne expressément une règle selon laquelle les salariés en l’absence de représentant des travailleurs doivent être informé du transfert.

La cour de cassation dans un arret du 18 novembre 2009 apu répondre à cet argument : comme cette règle n’a pas été transmise en droit français l’employeur n’est pas tenu de le faire. La cour de cassation constate que le droit français n’est pas conforme au droit communautaire. Ce que l’on peut tirer comme conséquences c’est que la France ne respecte pas ses obligations communautaires.

- Autre argument : il est fait obligation aux employeurs de notifier par écrit aux salariés les éléments essentiels du contrat de travail ou de la relation de travail dans un délai de 2 mois à compter de la conclusion du contrat. Parmi ses éléments il y a l’identité de l’employeur or précisément l’identité de l’employeur vient a changer dans ce genre d’opération donc il y aurait bien une obligation d’informer le salarié de l’identité du nouvel employeur.

A la différence du cas précédent, le droit français ne connaît pas une carence totale en la matière, on estimait que le droit français prévoyait déjà cette forme d’information par écrit. En réalité cette conception de la fiche de paye satisfesant les exigences de la directives est une conception qui est contestable car au regard des éléments essentiels trois ne sont pas repris dans la fiche de paye. C’est d’une part le lieu de travail et d’autre part la durée du préavis.