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This article was downloaded by: [Columbia University] On: 14 November 2014, At: 22:43 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Symposium: A Quarterly Journal in Modern Literatures Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/vsym20 Du Corps Souffrant Au Corps Pensé: Le Malade Imaginaire Bernadette Höfer a a Harvard University Published online: 07 Aug 2010. To cite this article: Bernadette Höfer (2007) Du Corps Souffrant Au Corps Pensé: Le Malade Imaginaire , Symposium: A Quarterly Journal in Modern Literatures, 61:3, 171-182, DOI: 10.3200/SYMP.61.3.171-182 To link to this article: http://dx.doi.org/10.3200/SYMP.61.3.171-182 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms & Conditions of access and use can be found at http://www.tandfonline.com/page/ terms-and-conditions

Du Corps Souffrant Au Corps Pensé: Le Malade Imaginaire

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Du Corps Souffrant Au Corps Pensé:Le Malade ImaginaireBernadette Höfer aa Harvard UniversityPublished online: 07 Aug 2010.

To cite this article: Bernadette Höfer (2007) Du Corps Souffrant Au Corps Pensé: Le MaladeImaginaire , Symposium: A Quarterly Journal in Modern Literatures, 61:3, 171-182, DOI:10.3200/SYMP.61.3.171-182

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BERNADETTE HÖFER

DU CORPS SOUFFRANT AU CORPS PENSÉ: LE MALADE IMAGINAIRE

ABSTRACT: In Le Malade imaginaire, Molière addresses the relationship between physical and mental distress and reacts to epistemologies of bodily repression. Through the compulsive obsession of the character with the body, Molière informs his audience that behind the character’s grotesqueness exists a fundamental dilemma, namely a profound anxiety and feeling of purposelessness.

Keywords: anxiety, hypochondria, imagination, mind-body relationship, rationalism, substances

LE CORPS ET AVEC LUI SA (RE)PRESENTATION est soumis à un paradoxe singulier dans la France du dix-septième siècle. La doctrine classique avec ses alléga-tions esthétiques s’empare du théâtre et se manifeste par la rationalisation, la mesure et le mutisme du corps qui, comme nous le savons, bien que physique-ment présent sur scène est cependant absent, dépourvu de son intériorité, de son côté passionnel et de sa représentation. Mitchell Greenberg parle dans ce contexte d’un corps refoulé, d’un corps dénué de sa corporalité (15). Il est vrai que dans La Pratique du théâtre (1657), une idée essentielle gouverne le raisonnement de l’abbé d’Aubignac: la purification de la comédie de ses éléments excessifs et la conduite du poète par le bon sens et la raison intem-porelle (132), entendons donc par là l’exclusion de la présentation d’un corps déchaîné, soumis à l’intempérance de ses humeurs et des passions ou effréné par la violence, ensanglanté et souffrant. La comédie-ballet tout particulière-ment, tel que le constate Jean-Marie Apostolidès, “n’est qu’une manière d’intellectualiser les arts visuels,” et l’agencement rationnel des mouvements et des pas soumet le corps à des contraintes dictées par la rigidité et l’ordre.

Si la doctrine classique montre une affinité avec le cartésianisme, c’est dans leur croyance commune que la supériorité de la raison peut intervenir contre toute excessivité et tenir le corps en bride. En effet, nous pouvons même dire qu’à la suite de Descartes, le rationalisme s’infiltre dans la doctrine classique du théâtre. Vingt ans auparavant, Descartes avait préconisé dans son Discours de la méthode (1637) que le bon sens et la méthode étaient les véritables guides des hommes (46–47) et par la suite, il avait créé toute une philosophie de la répression des passions involontaires qu’il exposa dans le

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Traité des passions (1649). À une époque où des préceptes rationalistes se consolident progressivement en philosophie et dans la vie politique, culturelle et littéraire, la scène classique, elle aussi, soumet le corps au contrôle du bon sens et de la raison et supplante tout regard attaché au corps émotif, soit-il désirant ou brisé.

Cette contribution se propose d’analyser le rôle fortement subversif à cette doctrine qu’adopte le corps dans Le Malade imaginaire de Molière (1673). Malgré les revendications esthétiques de l’époque, le corps souffrant et mori-bond fait son retour sur scène à travers la maladie obsessionnelle du person-nage central qui porte une attention démesurée à ses organes et à ses humeurs et qui balance sans cesse entre “pronostique, diagnostique et thérapeutique” de son mal (Dandrey, Molière et la maladie 618).1 Certes, cette préoccupation excessive est “autorisée” par la saison du carnaval pour laquelle la pièce a été conçue,2 et la dernière comédie-ballet de Molière, souvent considérée comme l’une des œuvres les plus festives et les plus divertissantes, a été examinée par la critique littéraire comme une pièce qui, à travers un mélange d’action, de musique et de danse, montre la folie de “l’homme universel” et nous fait rire. Mais derrière l’épithète de folie attribuée à Argan s’élèvent des questions déconcertantes touchant l’altérité du personnage central chez qui l’apparente et l’inlassable angoisse obsessionnelle tournée envers son corps évoque une crise vécue intérieurement et camouflée verbalement. Sans pourtant nier qu’à travers le portrait d’Argan Molière cherche à divertir ses spectateurs, cette comédie soulève des questions importantes de nature philosophique, politique et culturelle concernant l’autodéfinition du sujet classique sous le régime absolutiste. Au lieu d’aborder la question médicale sous l’angle du diagnos-tique, il s’agit alors dans cette étude de s’intéresser au discours physiologique d’un corps dont la “cartographie” renseigne sur l’état d’esprit du personnage, et de façon allégorique, d’une société. À travers la crise corporelle (et men-tale) chez son personnage central, le dramaturge fait allusion à la fragilité et à la déchirure du sujet classique qui subit non seulement l’aliénation de son corps, mais aussi celle de son monarque.

Il convient de remarquer d’abord qu’Argan souffre—tel que l’annonce le titre—d’une maladie imaginée qui se définit comme une scission entre son corps réel (sain, bien portant) et l’illusion morbide du corps pathologique (déficient, mortel) avec lequel s’identifie ce personnage. Patrick Dandrey considère le délire d’Argan comme une “marotte” obsessionnelle. Il entend par là que le personnage central reste figé sur son corps atteint d’une maladie imaginaire—concentration comique sans fondement mais, semble-t-il, basée sur une perception déformée qu’il se fait de son corps (Molière ou l’esthétique du ridicule 16).3 La maladie du personnage est difficilement explicable puisqu’elle reste sans symptômes réels et qu’à n’aucun moment elle accable véritablement l’organisme. Les frissons d’Argan et son corps ballotté entre vie et mort se manifestent uniquement dans la pensée du personnage, dans

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son imagination, sans nier que le résultat des huit médications et douze lave-ments dans un mois s’avère véridiquement nocif (voir Knutson). La maladie d’Argan porte défi à la science puisque “avec l’hypocondriaque, on apprend la possibilité des organes de se modifier sans qu’il soit possible de donner à ce fait sa vérification ‘scientifique’” (Fédida, Corps du vide 26).

Nous pouvons alors dire qu’en théorie, le corps malade est absent, mais qu’à priori il se révèle comme un corps souffrant réellement dans la conscience du personnage. Malgré le silence des symptômes pathologiques alignés sur le corps, c’est l’imagination qui éveille chez Argan la notion que son corps est affecté. La désignation de ses maux remplace l’apparence de manifestations réelles. Il est cependant important de comprendre que le personnage principal ressent son corps comme vivant à travers l’identification de soi par et à trav-ers le corps atteint et déséquilibré dans son imagination.4 Molière présente l’engourdissement et l’assoupissement d’un trouble mental et la théâtrali-sation machinale de la crise psychique à travers le corps perçu réellement comme souffrant. La préoccupation avec le soma sert en effet d’exutoire à des peurs et à des souffrances non dites.5 C’est-à-dire que la matière corporelle adopte un côté subjectif, intérieur, fortement lié à la perception du “moi.” Il est autant l’objet de la représentation que le sujet de l’autodéfinition d’Argan qui se définit par son corps.

C’est à travers son corps que se manifestent les préoccupations mentales d’Argan, et malgré l’absence de maladie organique, celui-ci figure de manière explicite sur scène et dans le texte lui-même.6 Les mesures à base évacuative et altérative destinées à “chasser dehors les mauvaises humeurs de Monsieur” (1.1) évoquent un dérèglement humoral que l’on pourrait identifier comme mélancolie hypocondriaque: provenant de la rate ou du foie.7 Argan voue un culte particulier à son bas-ventre, endroit où se manifeste son altérité à priori: celui des humeurs, de l’intestin, de la digestion, de la rate et du foie. Les scènes de consultations (imaginaires ou réelles) mettent le corps sur scène à travers “un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, [. . .] pour balayer, laver et nettoyer le bas-ventre, [. . .] un julep hépatique, soporatif et somnifère [. . .] une bonne médecine purgative et corroborative, suivant l’ordonnance de Monsieur Purgon, pour expulser et évacuer la bile de Mon-sieur” (1.1). Le processus civilisateur dans la France de Louis XIV implique au contraire la régulation et la discrétion sur cette partie et le sujet est censé la contrôler (voir Muir 125). C’est pourquoi le souci voué à la souillure de ce que Jean Serroy appelle le “corps-pourriture” atteint la connotation d’une rupture symbolique entre Argan et la collectivité (99). Il existe donc un con-flit insurmontable entre la souillure humorale d’Argan et les revendications de la société de son époque. Au lieu du tempérament équilibré de la matière physique, le corps de l’hypocondriaque s’avère placé sous l’égide de potions, sirops et somnifères ayant tous comme but non pas de le soigner (au con-traire, la maladie est chère à Argan), mais à mettre au centre d’intérêt un être

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“malpropre, dégoûtant, [. . .] mouchant, toussant, crachant” (3.12) et incom-mode qui se fait un culte de la purgation physique et qui cherche justement à se détacher par sa maladie. L’évocation textuelle et visuelle des organes, des vapeurs, de la bile, du sang et de sa température suscite clairement l’idée que le corps impur marque Argan comme un être qui refuse le dressage de son corps, de ses désirs et de ses humeurs, et qui se réfugie dans la maladie en craignant de perdre son autorité et son autonomie dans une société qui adopte l’idéal de la répression physiologique. Véritable rituel, la préoccupa-tion obsessionnelle avec son corps affecté équivaut à une sorte de résistance à l’assujettissement de la matière corporelle dans la société classique et lui permet de se “purger” chaque jour de nouveau du modèle social imposé d’un corps sain, soit modéré, rationalisé et absorbé.

Les interrogations d’Apostolidès tournent autour de l’immolation du corps individuel au siècle classique: le corps du sujet est sacrifié afin de s’incorporer dans la masse homogène du corps symbolique. Le sacrifice prend “souvent l’aspect d’une castration symbolique” (153). Dans la pièce de Molière, le risque de la castration d’Argan est clairement exprimé: “Me couper un bras, et me crever un œil afin que l’autre se porte mieux! [. . .] La belle opération, de me rendre borgne et manchot!”(3.10). Le corps d’Argan ne forme plus un organisme intégral, mais se trouve segmenté en tête, yeux, cœur, poumons, bras, œil et bas-ventre—exposition de parties individuelles dont le morcel-lement adopte une résonance inquiétante. La castration se manifeste encore dans ses pouvoirs sexuels affaiblis exprimés dans son incapacité à engendrer un héritier (mâle). L’on peut lire l’angoisse de la castration du Malade de Molière comme une critique subtile contre les étiquettes et les doctrines socia-les sous l’absolutisme qui visant à l’homogénéisation du sujet et à la répres-sion corporelle—suivant l’idéal de l’honnêteté—privent l’individu d’une partie de lui-même. Ce système institue une véritable aliénation du corps individuel, autonome et sensible, et Molière critique dans sa dernière pièce les revendications d’un modèle social qui désintégralise l’être humain.

Argan, déprivé du sentiment de l’intégralité de son organisme, s’attache alors anxieusement aux parcelles restantes. L’aspect sinistre qu’adopte son attention démesurée sur ses organes morcelés évoque parallèlement la mort qui semble guetter derrière ce corps estropié et malsain. À l’angoisse de la castration s’ajoute une anxiété profonde de mourir, exprimée verbalement et physiquement. Argan verbalise perpétuellement cette crainte: “ils me lais-seront ici mourir” ou “Ah, mon Dieu! je suis mort” (1.1; 3.6). De même, il simule deux fois son décès, une fois devant sa femme Béline et l’autre en présence de sa fille. Sa peur se manifeste encore dans sa foi absurde envers le pouvoir de la médecine: “Je succomberais, s’il [M. Purgon] était seule-ment trois jours sans prendre soin de moi” (3.3). Sa recherche d’un remède vivant sous forme d’un gendre qui soit médecin, le souci de progéniture et la composition d’un testament mettent également à jour son anxiété profonde de

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succomber aux maux de son corps.8 Le protagoniste n’est non seulement la victime de la médecine ou de ses propres illusions, mais un cas exemplifiant le malaise de toute une partie de la société, sans rôle, sans pouvoir ni parole. Menant une vie stérile dépourvue de fonction signifiante, Argan représente la détresse (mentale et physique) produite par la lassitude, l’abandon par le monarque et le malaise chez le sujet sans fonction constitutive.

Lorsque Argan fait le mort devant Béline, celle-ci pose la question inquié-tante: “Quelle perte est-ce que la sienne? et de quoi servait-il sur la terre?” (3.12). Son enfermement solitaire dans sa maison (qui fait même penser à un sépulcre), et la concentration sur soi évoquent clairement son manque de définition et le détournement de son attention sur ses organes comme une sorte d’investissement narcissique sur soi-même. Argan languit dans un état psychique mélancolique—dit dépressif de nos jours—et la conscience de l’ineptie de son existence engendre son asphyxie. Cette crise s’extériorise par les nombreuses exclamations du personnage: “Ah! ah! je n’en puis plus. Voilà pour me faire mourir” (1.5) qui font découvrir les angoisses intérieures: “Je n’ai pas seulement la force de pouvoir parler” (2.9). En même temps, le scé-nario psychique de sa mort devient une réalité pour Argan, emprisonné dans un cercle vicieux sans fin ni issue. La maladie imaginaire du personnage avec ses manifestations sur le plan mental (peur de la mort) et physique (automutilation suicidaire) n’est pas le résultat d’une répression, mais un symptôme, un affect de sa maladie chez le personnage qui réagit au vide existentiel de sa vie par des réactions névrotiques de peur intense au lieu d’une maladie organique. La mort se comprend donc de façon symbolique comme un stade psychique qui présente en Argan un être souffrant profondément de la stérilité de son existence.

Nous savons aujourd’hui que le malade hypocondriaque “retire intérêt et libido [. . .] des objets du monde extérieur et concentre les deux sur l’organe qui l’occupe” (Fédida, “Une plainte” 709). Tandis que Freud voyait chez l’hypocondriaque l’occupation érotisée avec lui-même, Martine Derzelle constate plutôt son inverse, “le déni de la castration par fétichisation du corporel” (116). Molière, à travers son Malade, cherche un moyen—selon la définition actuelle de Derzelle—“de donner à voir uniquement ce qui n’est au fond qu’une façade, un manque peut-être, sous la forme d’une fétichisation défensive du somatique mise en relief par la parole qui échoue à le décrire” (106). Le manque chez Argan—qui provoque la solitude, la peur de la mort et la réitération monomane de la douleur—a pour origine un vide existentiel dû à l’impossibilité de vivre tel qu’il le souhaiterait. La fétichisation de ses organes atteints devient l’unique solution à se définir et à se préoccuper de son propre bien-être, par manque de fonctions vitales. Seule la douleur inexprimable (soit-elle authentique ou imaginaire) évoquée désespérément par l’organe chéri lui procure un sens de subjectivité restreint.

La concentration excessive d’Argan sur son corps est une véritable contre-réaction radicale et défensive contre le système culturel de l’époque perçu

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comme stérile, menaçant et aliénant l’homme de son corps sensible. En répondant à cette menace par une riposte antithétique, le Malade de Molière se voue alors à la fétichisation du corps maladif. L’objet de culte devient son corps abattu, souillé et souffrant, mais néanmoins sensible, précieux et vivant. Notons que pour le personnage, la notion subjective du “moi” s’établit autour de l’expérience émotionnelle de sentir son corps vivant. L’importance du fait de sentir est exprimée à travers l’énumération de symptômes: “Je sens de temps en temps des douleurs de tête [. . .]. Il me semble parfois que j’ai un voile devant les yeux [. . .] Je sens parfois des lassitudes par tous les membres” (3.10). La préoccupation dominante avec ses organes affectés lui permet de faire naître la sensation réelle d’exister. A cela s’ajoute la ritualisation des actions par lesquelles il cherche un subterfuge contre sa frustration, tout en fuyant la confrontation avec lui-même. Il déplace sur le corps—par des actions mécaniques répétées, par des actes réitérés et des processus physiques automatiques et irréfléchis—l’interrogation mentale. Ceux-ci se manifestent par exemple dans l’observation avec laquelle il suit les douze allées et venues prescrites par son médecin: “Monsieur Purgon m’a dit de me promener le matin dans ma chambre, douze allées et douze venues; mais j’ai oublié à lui demander si c’est en long, ou en large” (2.2). En même temps, le mécanisme est bien agencé: il ne questionne jamais la validité de l’acte lui-même, se sou-ciant uniquement de l’accomplir de façon juste. De même, la place et le rôle tenus par l’inventaire des frais médicaux ressemblent à une cérémonie rituelle. Enfin, il s’adonne au lavement quotidien avec soin. Il prend son bouillon avec une attention exacte du régime prescrit (voir 1.2; 3.4), porte à tout moment son bonnet sur sa tête comme un objet sacré qu’il est défendu de lui ôter (2.5) et ne saurait pas “marcher sans bâton” (3.1). À travers ces pratiques devenues autant sacrées qu’automatiques, Argan trouve la délectation de “prendre soin” de soi, signe d’un investissement narcissique destiné à acquérir par la santé du corps (envisagée) celle de l’esprit (inaccessible) mais fuyant toute inter-rogation mentale.

À l’acte physique ritualisé s’ajoute aussi une réitération verbale. Argan appelle constamment son entourage—avec sa sonnette ou par ses cris—afin d’affirmer son pouvoir. Son comportement dévoile un tyran qui cherche à con-trôler les siens.9 Mais en vérité, l’appel au secours est motivé par le sentiment d’isolement qui le trouble. De fait, nous voyons que par ses appels répétitifs, Argan met en acte sa frustration verbalement et corporellement, et ses nom-breuses répétitions d’actions, de gestes ou de cris enragés constituent sa façon de revendiquer son droit, d’exercer sa volonté—une autorité illusoire car tout contrôle lui échappe. Molière nous montre un Argan furieux qui insulte, affronte et interroge sans cesse sa famille. Dans les moments coléreux, il s’emporte en particulier contre Toinette qui le “fait enrager,” qui “est cause de toute la bile” qu’il fait (1.6) et qu’il attaque avec un accès d’irascibilité: “Ah, chienne! ah, carogne! [. . .] ou qu’il assomme physiquement dans sa rage: il

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‘jette tous les oreillers à Toinette’ (1.2; 1.6).10 Dans la perspective ici adop-tée, celle d’une projection du malaise intérieur sur une réaction extérieure, la tension engendrée par la colère efface toute illusion de maîtrise et expose l’automatisme et l’assujettissement du protagoniste à sa crise.

Or chez Molière, la rage est particulièrement intéressante par son caractère automatique, c’est-à-dire qu’elle intervient subitement et sans l’intervention de la pensée. En ceci, Molière observe son déroulement spontané et irréfléchi que la psychanalyse du vingtième siècle nommera le processus primaire de la colère car celle-ci—à la différence de la pensée—appartient au domaine de notre inconscient. Ce rapprochement frappant entre la pensée de Molière et la conception actuelle de la colère frappe particulièrement et Molière établit une conception où la colère se libère de l’explication humorale physiologique de l’époque.11 La colère se révèle comme symptôme psychique de la maladie du personnage central et éclate de façon spontanée, en dehors de la pensée et en dehors du contrôle rationnel. Je ne suis pas l’explication de Dandrey qu’Argan est “par nature un impulsif” (Molière et la maladie 466), soit un coléreux par constitution humorale, mais pense, en revanche, comme l’a vu Louise Horowitz, que la colère est un symptôme mental qui s’explique par la crise intérieure que subit le personnage (83–89). Derrière la colère d’Argan se masque l’angoisse due à la stérilité de sa vie et la crainte de l’abandon, de l’isolement et par là de l’inexistence.

Ceci nous permet d’observer que le corps—et avec lui, les activités réitérées, ritualisées et le déséquilibre réel projeté—constitue un lieu où s’inscrivent les tensions entre le personnage et la société. Il apparaît alors que cette concentration sur le corps dans la comédie soulève des questions complexes de nature sociale, politique et philosophique. D’un côté, ce théâtre du corps se transforme en un espace de résistance et d’inscription du pouvoir autonome, attributs que Catherine Bell assigne au contenu et but du rituel (54). Le rituel individualiste qui le différencie des autres n’est pas un instrument de pouvoir mais il est pouvoir, il agit et institue même l’individu en marge de la société. Le sujet refuse d’opérer selon le modèle social du jeu stratégique de pouvoir et de domination, mais cherche à créer son propre espace individuel (voir Bell 195). La maladie d’Argan est un choix par lequel il cherche à se détacher comme “autre” à travers le corps infirme et à échapper à la codifica-tion du comportement, à la conformité et à la passivité de son entourage qui a perdu son autonomie.12

La maladie d’Argan ne doit donc pas être comprise comme une production nocive de l’imagination sans fondation réelle, mais plutôt comme une faculté latente qui illustre subtilement l’interdépendance entre l’esprit et le corps, entre crise mentale et sa projection dans un symptôme physique, et qui produit un sentiment d’état du corps où la somatisation corporelle ressentie (bien qu’indétectable) est intrinsèquement liée à l’état mental affecté. Nous avons constaté que l’accablement imaginé devient une réalité pour le personnage et

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que la douleur imaginaire peut être ressentie comme véridique. Le regard jeté sur la correspondance entre perception physique et mentale à travers Argan permet de saisir chez Molière une attention déplacée, un intérêt nouveau, où corps et esprit sont également importants dans la transmission de l’état intérieur et où il n’est plus question de dualisme. Molière expose comment la souffrance intérieure va de pair avec des manifestations physiologiques et montre l’union profonde entre l’esprit et le corps. Sa pièce ne se laisse pas classifier parmi le théâtre à motivation rationaliste. Molière ne s’attache ni à présenter la supériorité du domaine réflexif ni la causalité réciproque entre les matières.

Il s’agit alors de montrer l’affinité qui existe entre la pensée de Molière et celle que formule à l’époque Spinoza dans son Ethique (1677). Pour le Hollandais l’imagination est liée à une idée qui renvoie à notre état corporel actuel et qu’il nomme affection. C’est-à-dire que Spinoza attribue à cette faculté une valeur réelle puisque le corps se connaît, par les images créées dans l’imagination, d’abord confusément et insuffisamment, mais toutefois de façon active. En tant que connaissance appartenant au premier genre (celle de l’expérience sensible), l’imagination établit initialement la notion indivi-duelle du “je” qui est d’abord ressentie par le corps (2, Partie 16, Corrélation 2). Elle constitue une source active et réelle qui permet à l’homme de saisir la fondation la plus intime de son être. L’esprit et le corps ne sont pas deux substances distinctes dont l’une subirait le contrôle de l’autre et de valeur dif-férente. Spinoza pense clairement l’union des substances et chez lui, comme l’explique Chantal Jacquet, “il n’est plus question d’admettre que l’esprit et le corps puissent agir l’un sur l’autre de quelque manière que ce soit [. . . Le discours des substances] exclut toute causalité réciproque et prend la forme d’une équivalence et d’une correspondance entre des modes de deux attributs différents” (114). Spinoza fait de la matière corporelle un mode capital pour représenter l’esprit qui devient alors “les idées de ces affections” physi-ologiques (2, Partie 16, Démonstration). Les affections du corps modifient et représentent toujours aussi le mode mental, fait que Jacquet appelle le “principe d’égalité” chez les modes où l’un ou l’autre est prédominant, selon la situation, et elle explique que “l’esprit se connaît lui-même à travers les perceptions des affections corporelles” (114). Aujourd’hui, le neurobiologiste Antonio Damasio renforce cette idée en parlant de “correspondances” qui s’effectuent du corps à l’esprit, ou de l’esprit au corps (211–12).

C’est exactement un principe de “correspondance” ou “d’égalité” que Molière nous présente à travers le trouble mental et physique d’Argan. Cette correspondance se manifeste sous forme de la projection du malaise intérieur sur le corps, qui est alors perçu comme infirme sans qu’il se produise une somatisation directe. Il conçoit de même que l’imagination peut jouer un rôle véritable et sérieux dans la corrélation entre esprit et corps, promouvoir l’évolution de la santé ou avertir du conflit qui se camoufle derrière l’obsession

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maladive. L’attention portée au corps perçu comme infirme masque alors un trouble mental sous-jacent refoulé ou maintenu latent. Alors que l’entourage voit chez l’hypocondriaque “un corps parfaitement bien composé” qui “marche, dort, mange, et boit tout comme les autres” (2.3; 2.2), la personne affectée se croit véritablement malade. La préoccupation avec son corps constitue une sorte d’écran qui exprime les soucis de l’âme, et la notion de subjectivité de l’hypocondriaque se construit autour de l’image de son corps souffrant et infirme, ce qui implique un véritable trouble psychosomatique. Pour conclure, on pourrait utiliser les mots de Spinoza pour résumer cette appartenance du domaine mental et physiologique à un même ordre: “Que nous concevions la Nature sous l’attribut de l’Etendue, soit sous l’attribut de la Pensée, soit sous quelque autre, nous trouverons un seul et même ordre, autrement dit, une seul et même connexion des causes, c’est-à-dire les mêmes choses se suivant de part et d’autre” (2, Partie 7, Scolie). Le langage latent que suggère Molière ici est celui de la correspondance entre corps et esprit, et à travers son malade imaginaire, il développe une conception moniste où l’agitation peut aussi bien renvoyer en même temps à l’esprit et au corps que tantôt à l’un, tantôt à l’autre.

Harvard University

1. Dans Molière et Modernity, Larry Riggs s’attache en détail à dévoiler comment les dual-ismes de l’époque classique (esprit/corps; homme/femme; raison/désir) sont réfutés dans les pièces moliéresques. 2. Le Malade imaginaire est représenté pour la première fois à l’époque du carnaval et sa pre-mière représentation datant du 10 février 1673 permet à Molière de nommer sur scène les organes physiques jugés malpropres à l’époque: le foie, l’intestin et la rate, selon l’explication d’Edward Muir (125). Voir aussi la référence au carnaval faite par Béralde à l’intérieur de la pièce (3.14).

3. Dandrey examine la conjonction entre le type “marotte et celui ‘chimérique’ chez Argan. Son aspect chimérique se traduirait alors par les excès colériques ainsi que l’éclatement de la folie chez ce personnage (Molière ou l’esthétique 342–50).

4. Parmi les autres tentatives de diagnostiquer la maladie d’Argan comme une mélancolie hypocondriaque, voir par exemple l’étude de Jean-Michel Pelous, ou celle d’Alain Lanavère. Cependant, Antoine Adam fait d’Argan “le jouet de ses nerfs” (398) et J-T. Stoker parle même du diabète mellitus chez ce protagoniste (122–28).

5. En même temps, nous savons que Molière visait les aberrations de la médecine, les erreurs des traitements et les abus vécus personnellement par les médecins. Comme cet aspect a été large-ment examiné par la critique littéraire, il ne sera pas abordé dans cette étude.

6. À ce sujet, voir Riggs qui remarque que la nature et les humeurs ne se laissent pas refouler, malgré toute tentative oppressive du régime absolutiste. Je suis l’argument de Riggs que le corps, et avec lui ses besoins, resurgissent en dépit des interdictions qui les entourent (Resistance to Culture 66).

7. Chez les anciens, la mélancolie hypocondriaque était mise en relation avec une adus-tion de bile jaune ou noire dans le foie ou la rate, et sa propagation consécutive dans le cœur, le poumon et le cerveau. Les lavements et purgations auxquels se soustrait le Malade évoquent cette perturbation bilieuse, et les prescriptions de M. Purgon dans la comédie indiquent que celui-ci cherche à rétablir l’équilibre des humeurs et la température modérée du sang chez Argan. Cependant, Molière vit dans une période où s’instaure une rupture entre l’ancienne définition de l’hypocondrie humorale et une nouvelle perspective de la maladie imaginaire qui devient “une

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maladie sans maladie” (Dandrey, Molière et la maladie 396) provenant d’un égarement de l’âme. Dans Le Malade imaginaire, les deux théories se trouvent enchevêtrées.

8. La comédie burlesque de la fin correspond peu à la guérison tout au moins partielle du protagoniste obsédé. Au contraire, Molière clôt avec un Argan en plein vertige, ridiculisé par sa famille, victime d’une illusion et forcé à jouer un rôle dicté par son entourage tyrannique. Cette fin déconcertante évoque la pression qui pousse Argan vers la folie. Si cela ne signifie pas un suicide final, la transformation du personnage inquisiteur en un insensé, victime de machination et de conspiration, révèle un Molière devenu cynique et désillusionné à l’époque. La clôture déconcertante de la pièce incite James Gaines à se poser la question si cette comédie se termine par l’ultime triomphe de la folie ou par le meurtre tragique du protagoniste, deux éléments essen-tiels et complémentaires (Le Malade imaginaire 81).

9. Le côté totalitaire qu’adopte le comportement d’Argan en tant que reflet direct de l’hégémonie et de l’agressivité du régime de Louis XIV a été développé par Larry Riggs dans “Pedagogy, Power, and Pluralism in Molière.”

10. Argan se fâche également contre Béralde (3.4), cherche Louison “pour la fouetter” et pour l’avertir de son “petit doigt” qui sait tout et qui gronde (2.8).

11. La médecine antique attribuait la colère au dérèglement humoral causant un tempérament dit coléreux.

12. Au lieu de suivre son entourage “sain,” Richard Goodkin observe dans “Le Suicide de Molière” que ce personnage “revendique le droit de se tuer au nom de son idéal” (448).

OUVRAGES CITÉS

Adam, Antoine. Histoire de la littérature française au XVIIème siècle. Tome 3. Paris: Del Duca, 1952.Apostolidès, Jean-Marie. Le Roi-machine. Spectacle et politique au temps de Louis XIV. Paris: Éditions de minuit, 1981.Aubignac, Abbé de. La Pratique du théâtre und andere Schriften zur Doctrine classique. Livre 2. Ed. Hans-Jörg Neuschäfer. Genève: Slatkine, 1971.Bell, Catherine. Ritual Theory, Ritual Practice. New York: Oxford UP, 1992.Damasio, Antonio. Looking for Spinoza: Sorrow, and the Feeling Brain. Orlando: Harcourt, 2003.Dandrey, Patrick. Molière et la maladie imaginaire, ou, De la mélancolie hypocondriaque. Tome

2. Paris: Klincksieck, 1998.———. Molière ou l’esthétique du ridicule. Paris: Klincksieck, 1992.Derzelle, Martine. Pour une conception psychosomatique de l’hypocondrie. La pensée empêchée. Préface Sami Ali. Paris: L’Harmattan, 1997.Descartes, René. Discours de la méthode. Ed. J.-M. Fataud. Paris: Bordas, 1996.Fédida, Pierre. Corps du vide et espace de séance. Paris: Delarge, 1977. ———. “Une plainte restée en souffrance.” Psychologie Médicale 7.4 (1975): 707–12.Gaines, James. “Le Malade imaginaire et le paradoxe de la mort.” Le Labyrinthe de Versailles. Ed. Martine Debaisieux. Amsterdam: Rodopi, 1998. 73–83.Goodkin, Richard. “Le Suicide de Molière: Quand dire, c’est faire dans Le Malade imaginaire.” Classical Unities: Place, Time, Action. Actes du 32è congrès annuel de la North American Society

for Seventeenth-Century French Literature. Ed. Erec R. Koch. Tübingen: Narr, 2002. 447–56.Greenberg, Mitchell. Baroque Bodies: Psychoanalysis and the Culture of French Absolutism. Ithaca: Cornell UP, 2001.Horowitz, Louise. “Oh, Those Black Bile Blues.” Approaches to Teaching Molière’s Tartuffe and Other Plays. Ed. James Gaines and Michael Koppisch. New York: MLA, 1995. 83–89.Jacquet, Chantal. L’Unité du corps et de l’esprit. Paris: PUF, 2004.Knutson, Harold C. Molière: An Archetypal Approach. Toronto: U of Toronto P, 1976.Lanavère, Alain. Le Malade imaginaire. Paris: Livre de poche classique, 1986.Molière. Oeuvres complètes. Tome 2. Ed. Georges Couton. Bibliotheque de la Pleiade 8–9. Paris:

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