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LINIVERSITY.
OF CHICAGO LIBRARY y
Given in Memory
Professor Joachim
Wach
EMILE DERMENGHEM
VIES DES SAINTSii'^"
IIUSULMANS*
COLLECTION
LA
CHAMELLE
ROMANS ET ESSAIS
PUBLIS SOUS
LA DIRECTION DE FRANOIS BONJEAN
EDITIONS BACONNIER
-
ALGER
.J,s^-
^,
,
^
:>'*--!l
J
1..-C
t
lES /DES SAINTS^-^ffiSHLM.^NS'
DU MEME AUTEUR:LaVie affeciioe d'OUoier Minieme (Crs, 1917).
Melchisdech suhi de S^miamire (La Connaissance, 1920)^Joseph de Mastre m^ttque (La Connaissance, 1923).
Les quatre demeures (La Connaissance 1925).
La
vie admirable et les rotaiions
de Marie des
Valles]I
(Pion,
1926).ei
Thomas Morus1927).lardes Fasis,.
les
Utopistes
de
la Rencssance (Pion,.
recueillisel
par
Mohammed
d'aprs la tradition orale et publis Fasi et E. Dnmenghem (Riedef,
|
^^"'^eaax
^
Cot^fS^SI^
,:
oie
de Mahomet (Pion, 1929)
Emile
Dermenghem
"^^" Et voici que de toutes parts s'levaient les mots bouleversants. Il les enten-
prononcer contre ses deux oreilles, du haut du devant et derrire lui ils sortaient du fond de Non ce n'est pas son carquois, de ses habits pour cela que tu as t cr. On ne t'a pas cr pour cela. > Les cheveux hrisss, tremblant, Ibrahim pressa son cheval de l'peron, tout en prononant le versetdaitciel,;:
;
VIES DKS SAINTS
HUSULMAKS
21
billah min ach chaythn en Dieu contre Satan le me rfugie lapid. > Mais toujours la voix se faisait entendre ; et elle ajoutait maintenant : O Ibrhm, veilletoi avant que la mort ne t'veille. > Diepuis longtemps, IbrSjhim avait distanc son escorte et se trouvait seul dans le dsert. C'est alors que le livre (ou la gazelle, ou le chacal) tourna la
d'exorcisme ar rajm. Je
:
A'oudou
|
\
tte vers lui et
pronona
:
O
Ibrhm,t'a cr.
veille-toi.
,
Comprends
enfin pourquoi
Dieu
Au
lieu de
?
medes
c Ceci est
frapper, frappe-toi toi-mme. > un avertissement du matre des>, se dit le
mon-
jeune homme ; et il poursuivit, au pas, sa route avec une grande paix dans le cur et une grande lumire dans l'esprit. Au pied d'une
montagne, il vit un troupeau de moutons et un berger vtu d'une robe de laine et coiff d'un bonnet de feutre (7). A qui ces moutons ? A toi. Je te les donne et je te donne aussi ce cheval et mes vtements si tu consens me donner les tiens en change. > Et vtu de bre, pieds nus, renonant dfinitivement aux honneurs et aux richesses, le fils d'Adham s'enfona dans le dsert (8). Un autre texte fournit une version moins lgendaire mais non moins saisissante de la vocation d'Ibrahim.
la coMfure de feutre que (7) Le cof (laine) des oiifls ; porteront l'es derviches. (S) QouchajT, 8 ; Houjwir, 103 ; Ibahn, n 394 ; Attr, 79 ; Aboulfda, II, 42. L'histoire ressemble sans doute celle du Bouddha, mais aussi celles de saint Hubert, de saint Eustache, de saint Franois d'Assise, etc., sans parler du saint thiopien du Xin sicle, Takla Haymanat, qnl chassant dans le dsert; fut rprimand par saint Michel, reut de Tarchange un nouveau nom, donna ses biens aux paurres, Ffrtit vangilser le Cho (cf. Mission Duchesne-Fouraet en Ethiopie ; 1909, I, 358>.
22
VIES DES SAINTS
MUSULMANSet
Gomme un de ses compagnons d'ascse voyage, Ahmad ibn 'Abdallah al Mouqdis,
de
l'inter-
rogeait un jour sur le commencement de son omr (de son affaire , de son ordre ), lui demandant comment il avait abandonn un royaume prissable
pour chercher aurait rpondu
le:
royaume
ternel,
Ibn
Adham
lui
Je vis un jour, d'une fentre de mon palais, un mendiant qui se tenait devant ma porte. Il sortit de sa besace un morceau de pain sec qu'il trempa dans de l'eau et mangea avec un peu de gros sel.
Puis il but de l'eau, rendit grce Dieu et s'endormit par terre. Je donnai l'un de mes serviteurs l'ordre de ne pas perdre de vue ce mendiant, d'observer ce qu'il ferait son rveil et de me l'amener. Quand le mendiant eut fini de dormir, il fit une
maisfis
courte prire et se prpara continuer sa route ; mon serviteur le conduisit prs de moi. Je le
O
asseoir et reposer un instant, puis l'interrogeai faqr, tu as mang ce pain avec apptit et tu as:
t satisfait ?
avec plaisir ? inquitude ni soucis
Oui. Tu avais Oui. Puis tuet tu t'es
soif et tu as
t'es
bu endormi sans?
repos
Oui.
Tout celaje
monde o
le train de ce ne trouve pas satisfaction, alors que je l'me peut se contenter de ce que je viens de voir ? Que me faut-il donc pour trouver le contentemenl
me faisait profondment faire, me disais-je, avec tout
rflchir. Qu'ai-
qu'obtient
siet,
l'hommehabits,
me
facilement ce pauvre ? Je laissai aller la nuit venue, je quittai mes beaux couvris d'un manteau de poils et d'une
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
23
calotte
de laine
mener une viebondant
et m'enfuis de mon palais pour errante, comme ce mendiant, vagavers Dieu (9).***
"
Ibrahimpiliers
transmettent
tait prt recevoir l'initiation que se de l'un l'autre les saints d'Allah,
mystiques du monde. Ses biographes la lui non d'un vivant ordinaire, mais du mystrieux Khidr lui-mme ; c'est dire qu'il la trouva directement au plus intime de son cur. Dans le dsert (10), il rencontra eu effet un vieillard qui s'tonna de le voir marcher sans provisions. C'tait Satan. Poursuivant sa route vers La Mecque, Ibrahim s'aperut qu'il avait sur lui quatre pices de monnaie, prix d'un panier qu'il avait vendu en passant Kofa. Il les jeta pour ne rien attendre que de la Providence. Puis il vit un bel homme bien vtu qui lui dit, aprs l'avoir salu et lui avoir touch la main O Ibrahim, o vastu ? Je fuis de Lui vers Lui. As-tu faim ? Oui. L'inconnu fit alors une courte prire de deux prosternations et ordonna Ibrahim de l'imiter.font ds l'abord recevoir,
:
prire fut finie, il y avait la droite *de nourriture et une gourde d'eau frache. Prends et mange ce que Dieu te donne et remercie-le , dit l'tranger. Et quand Ibrahimla
Quand
d'Ibrahim un plat
Yfl', 298. Selon Al Koutoub, la conversion d'Ibrhm la suite d'un rve ; selon un autre passage d'al Attar, l'a suite d'une vision dans un miroir o lui apparurent sa dernire demeure et l'itinraire d'outre-tomhe. (10) Qouchaj'ri, 8 ; nr, 70 ; Ibahn, n" 394 ; Yi, 298 : Hujwiri, 104 ; lAttr, 81 ; JmJ, 56. 6 ; R. A. Nicholson, Zeitschrift fur Assyrioloffie, XXVI, 215.(9)
se
lit
84,
m
24
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
se fut rassasi O fils d'Adham, exerce ton intelligence et rflchis. Ne sois pas empress dans les affaires. L'empressement vient de Satan. Sache que Dieu, quand il veut du bien l'un de ses serviteurs, il se le rserve pour lui, place dans son cur un:
flambeau de sa lumire pour lui permettre de diffrencier le vrai bien du vrai mal et l'clairer surses propresdfauts.
Je t'enseignerai le
Nom
Su-
I
prme. Quand tu auras faim ou soif, tu n'auras qu' demander manger ou boire par ce Nom. Ibrahim, respecte et aime les amis de Dieu. Quand tu frquenteras les gens de bien (akhiar) et les pauvres {foqara), sois la terre sur laquelle ils marchent. Quand ils sont contents de toi. Dieu est content de toi quand ils sont en colre contre toi, Dieu aussi est en colre. ;
Puis
il
lui rvla leje te confie
Ibrahim,
Nom et lui dit adieu Dieu le Vivant, qui est tou:
jours debout, qui ne meurt pas , et disparut. Poursuivant sa rout, Ibrahim rencontra un autre homme, au port imposant, lgamment vtu,
parfum, qui lui fit raconter ce qui venait de lui arriver et se mit pleurer sans rien dire. Ya Sd,supplia Ibrahim, je te conjure au nom d'Allah, disest ce cheikh que j'ai rencontr tout l'heure et qui tu es, toi. C'est mon frre Elle (ou
moi quelDavid)
et
moi
je suis Abou'l
Abbas
al
Khadhir
,
rpondit l'tre mystrieux qui avait donn de si prestigieuses leons Mose (Coran, XVIII, 64-81). Transport de joie, Ibrahim le serra dans. ses bras, l'embrassa entre les yeux. Khidhr pria pour lui, demandant pour lui la patience, l'endurance, la chastet, l'aspiration incessante vers Dieu, puis dis
VIES DES SAINTS
MUSULMANS:
2S
Nom
Le parut aprs une dernire recommandation qui t'a t enseign, n'invoque jamais par lui tu prirais en ce contre quelqu'un de tes ennemis monde et dans l'autre. Adore ton Seigneur en vrit d'intuition et sache qu'il est plus prs de toi que ton artre carotide (11).:
:
Le
Nom Suprme
{al
ism al a^dzm) de Dieu,
le
i;
centime, est celui qui n'est pas rvl, ou n'est rvre qu' de rares initis. Sa connaissance donne la connaissance universelle, son nonciation procure la toute-puissance. C'est un analogue souci d'sotrisme que nous devons de ne pas savoir commentse prononait le
I
nom de l'Eternel en hbreu (12). Les Musulmans connaissent quatre-vingt-dix-neuf beaux noms {al asm al housna) qui correspondent aux attributs, aux aspects de la divinit ; mais
le
nom, qui exprime l'essence divine, est inconnu, ou seulement connu des membres privilgis de labu de la Bibl. En 298 Mounwl, Ms Arabe 6490 immortalis Nat., gnral. Al Khadhir ou Khidhr, pour;
(11) Yfi', fol. 36._
Source "TTe Vie, est identifi Elle lui-mme (enlev au ciel et toujours vivant). Selon 'Attr, Elle enseigne Ibrahim le Nom et Khidhr lui sert de guide spirituel. Selon Qouchayr, le premier personnage tait, non Elle, mais David. Aussi Hujwir, comme la p^lupart des biographes, se contentet-il de dire que Khidhr ens'eigna le Nom Ibrahim. Selon Anri et Jm, le David qu'il rencontra et qui l'initia, serait, non pas le proph" juif, mais l'ascte David de Balkh, ce qui nous fait penser qu'Ibrahim put tre converti la vie dvote, dans sa ville natale mme, par un de ses compatriotes. (12) Les Romains ne divulgualenfr-^as le nom:~s'ecret de Rome ; ils s'emparrent de Carthage, Corinthe 'et" autres 'villes en conjurant leurs gnies protecteurs aprs s'tre empars de leurs noms (Macrobe, III, 9, 1-2 ; Jacobsen, Les Mnes, 1924, n, 245). Le Grand Nom reste l secret d'Ea, le dieu accadien (F. Lenormant, la Magie chez les Chaldens, 1874). Les dieux gyptiens cachaient leurs noms et l'initi tait celui qui savait les prononcer correctement. Le nom, c'est le totem, l'essence mme de l'tre , dit V. Loret (le Totmisme, 1906, p. 200)Cette identit s'exprimait par le mot Ka, substance plutt que double, qui devint d'ailleurs une sorte d'me et de double (Moh. Ghallab, Survivances de l'Egypte antique dans le folMore gyptien moderne, 1929, p. 239. 265).avoirla
i i
l
26
VIES DES SAINTS MUSULliANS
hirarchie cache des saints.
Le vulgaire y place
ses espoirs en la puissance de la magie. Les initis savent et laissent entendre que le Suprme est
Nom
l'identique la ralisation mystique. elle-mme, n'est des attributs de la jpas autre chose que l'effacement
crature devant la prsence des attributsteur.
du Cratat
Le
Nomun
Suprmetat
est
un
tat
de l'me, un
de
l'esprit,
de
l'tre.
Le Nom Suprme, dclare le commentateur Al Anr, propos du cas d'Ibrhm, c'est ce que tu prononces dans l'tat de Sa contemplation merveille, quand ton cur s'oriente tout entier vers Lui. Tout ce que tu demandes alors est exauc, comme Dieu l'a dit : ... qui rpond au dsempar quand
demande secours . Autrement ditj la possession du Nom ressemble assez ce que les thoriciens modernes de la mystique appellent l'tat thopathiil
que dans lequel le serviteur n'a plus d'autre volont que celle de son Seigneur. L'interprtation ordinaire, c'est que c'est un mot prcis que Dieu apprend qui il veut. Al Bandanaji dit que ce nom est Allah prononc dans ces conditions. Mais Al Nawaw, s'appuyant sur de nombreuses autorits,:
Vivant-quitrouve que trois fois dans le Coran (sourates de la Vache, de la Famille d'Imran et Taha) . On dit, dclare Abo Nar al ISarri (14), que le Grand Nom est Allah (un alif, deux lam, un ha), car, si l'on enlve Valif, il reste llah, qui signifie Dieu si on enlve le premier lam, il reste lahou, Lui si on enlve le second lam, il qui signifiesubsiste-par-lui-mme,:
dit
que
c'est
Hayy
al
Qayom , le nom qui ne se
;
:
;
(14)
ILumat, 88.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
27
reste hou, en qui sont contenus tous les mystres et Lui. Les autres noms, si on enlve qui vit dire:
unede
n'ont plus aucun sens. Ce qui revient dire que Dieu est l'Etre absolu et unique, sourcelettre,
tout.
Au grand mystiqueYzdal
iranien du
iii^/ix sicle,
Abo
Bisthmi, quelqu'un demandait le Nom : Il n'a, repondit-il, point de contours arrts. C'est vider ton cur devant Son unicit quand ton cur sera vraiment vide devant Son unicit, rfre-toi n'importe lequel de Ses noms et tu iras avec lui de l'Orient l'Occident (15).;
L'hagiographe du x*/xvi sicle, ^Abdelwahhb al Cha'raw (16), dclare sans modestie que, parmi les dons innombrables que Dieu lui a faits, figure la connaissance du Nom Suprme. Il ne le rvlait, nous confie-t-il, qu' des gens prouvs et ne voulait pas le confier un livre susceptible de tomber en des mains indignes. Il se contente donc d'en dire quelques mots. Certains, tels Abo Ja'far al Tabar (le clbre chroniqueur), le cheikh Abo'l Hasan al'Ahar(le
grand thologien orthodoxe), ontn'existait pas, tous les
dit
que
leNom Suprme
noms de
Dieu tant galement grands. L'imm Mlik (fondateur d'un des quatre rites orthodoxes) pense de mme. Pour Gha'b, c'est quand on dit Ya:
Allah . Pour d'autres, c'est Bismillah ar-raJimn ar-rahm. Au nom du Dieu clment et misricordieux . Pour d'autres Al Hagy al Qayom ... Mais l'on ne peut en ralit savoir le Nom que par: :
l'illumination (kachf, dcouverte, dvoilement) .(15)
Mounw, Ms ArabeLathaf,II,
6490, fol. 130.
(16)
131.
28
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
Les cheikhs avaient parfois des moyens pittoresquesd'instruire
leurs
disciples
et
d'carter
les
mal claires. Abo Ya'qob Yosbuf ibn al Housayn, vint un jour trouver le grand oufl gyptien Dzo'l Non al Mir pour obtenir de lui le Nom Suprme. J'avais, raconte-t-il, une longuecuriosits; j'tais vtu d'un izar autour des reins et d'un autre sur les paules et je portais une outre d'eau la main. Dzo'l Non fit la grimace ma vue. Je le
barbe
saluai et fus tonn de la froideur de son accueil.
Je restai pourtant deux ou trois jours chez lui. Il reut alors un thologien, discuta avec lui et et le dessous, ce qui augmenta ma dception. Je discutai moi-mme avec le thologien jusqu' le rduire au
devenu tellement subtil qu'il ne comprenait plus ce que je disais. Dzo'l Non, qui tait vieux, tandis que j'tais jeune, en fut tonn, n s'assit prs de moi et me dit : Excuse-moi ; je ne te croyais pas si savant. Tu es le plus proche de mes compagnons >. Il me prit en considration et J'ai la je restai un an chez lui. Alors je lui dis nostalgie de mon pays et voudrais y retourner. Voici un an que je travaille prs de toi. Tu me connais maintenant. On m'a dit que tu possdais le Nom Suprme. Si tu le sais, dis-le moi. > Dzo'l Non sesilence, car j'tais:
tut comme s'il se prparait me rpondre plus tard. Je restai encore six mois, et il me dit O Abo Ya'qob, tu connais un tel, de nos amis, qui habite:
Fostat et nous rend visite de temps en temps ? > Et il me nomma quelqu'un. Oui, je le connais . Il me donna alors une corbeille d'osier avec un couvercle attach par une serviette, et me dit de la porter cet homme de Fostat. Je partis avec le
VIES DES SAINTS MUSUI.MANS
29
paquet que je trouvais bien lger. Quand je fus sur C'est un le pont entre Fostat et Gizeh, je me dis cadeau que Dzo'l Non fait cet homme. Je vais regarder ce qu'il y a dans cette corbeille. > Je l'ou:
vris
donc
et
il
ens'est
sortit
un
rat qui prit la fuite.
Dzo'lje revins
Non
chez lui
moqu de moi , me dis-je, et fort en colre. Quand il me vit: I
O fou Je t'ai confi arriver, il sourit et me dit un rat et tu n'as pas su le garder. Gomment pourrais-je te confier le Suprme de Dieu ? Va-t-en
Nom
et
ne reviens pas >Al Yfi' (18)
(17).
rapporte aussi, dans le mme esprit en faisant porter l'accent sur le dtachement l'gard de toute passion comme de toute magie, l'histoire suivante : Un faqir vient chez un cheikh et le prie de lui enseigner le Nom. < Es-tu digne ? Eh bien I va la demande le matre. Certes. porte de la ville et rapporte-moi ce que tu y auraset
L'homme s'installe aux pieds des remparts et, au bout de quelque temps, voit arriver un vieillard poussant un ne charg de bois. Un soldat survient, frappe le vieux, s'empare du bois. Que ferais-tu auvu. soldat, si tu avais lele
Nom
tout-puissant
?,
demande
cheikh au postulant disciple quand celui-ci, tout mu et indign, lui a rapport la chose. Je demanderais sa mort. Eh bien sache que ce vieillard bcheron que tu as vu et qui s'est laiss ainsi mal-
!
traiter
sans rien dire, c'est lui qui nagures m'a
enseign le(17)
Nom;
Suprme. >Attr. 193-195.
YflU, 168238.
rituel
d'Ibrahim al
afor, 18. Ce Yosouf fut le matre spi-
Khaww
(18) Ibid.
:-^^::^;;m:;/';i^^5Kls^gfr=:^:'t:-^
30
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
des plus clbres cheikhs mystiques contemporains, Ben Aliwa (19), de Mostaganem, fondateur de la confrrie des Allawiya, trs rpandue dans toute la Berbrie, disait que si nous connaissions le
Un
centime Nom, le monde croulerait aussitt. Sans doute parce que, le voile des apparences tant brus-
quementpar Soi.
.dchir, seul resterait l'Eternel Subsistant
*
Que fit au juste Ibrahim aprs avoir quitt sa patrie ? Selon Al 'Attr (20), il se rendit d'abord Nichapour, dans le Khorssn occidental, et s'insprs de cette ville, o naquit Dionysos, dans une grotte dont il ne sortait que le jeudi pour aller faire du bois et le vendredi pour vendre ce bois au march, acheter du pain dont il donnait la moiti aux pauvres, prendre part la prire publique dans la mosque. Les auteurs les mieux renseigns, semble-t-il, Qouchayr, Soulam, Houjwir, Ibahn, lui font gagner rapidement La Mecque et il tait naturel que letalla
converti et hte d'accomplir le plerinage.
Il
y au-
rait pass plusieurs annes, plusieurs reprises sans doute, et c'est dans la ville sainte qu'il aurait connu
deux mystiques
clbres,
Soufyan
al
Tsori (21)
,
I
\l
1935. M. A. Bei'que lui a consacr une trs intressante tude Hans" les textes du Dieuxime Congrs de la Fdration des Socits Savantes de l'Afrique du Nord, Tlemcen, 14-17 avril 1936, tome H^ ; Alger, 1936, p. 691-776.(20)
(19) Mort en 1934. Frithjof Sciwon a trac de lui un portrait inoubliable dans l'es Cahiers du Sud d'aot-septembre
(21)
un des premiers
Mmorial, 80. Mort en Ml/777
comme Ibrhm lui-mme
;
n Eoufa,
centres d'cole spirituelle avec Bara o il se rendit par la suite, aprs avoir tenu tte au calife al Mahdl.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
31
et
Foudhayl ibn 'lydh (22), dont le premier au moins peut tre considr comme son directeur spirituel. Nous savons, d'autre part, que, pour cequi tait des saints dcds, il avait une particulire vnration pour Mlik ibn Dinar, Al Bounn et AlSikhtiyn, de l'cole de Bara (23).
ce qui concerne la thologie exotrique et le Houjwir, l'lve et l'ami de l'iman Abo Hanifa. Sa vocation n'tait d'ailleurs pas la science ('z7m) mais la connaissance (ma'rf/g) dont^ il semble avoir t le premier parler comme duj premier devoir des mystiques. Son principal disci-'rite, il fut, dit
En
pie fut le second grand saint du Khorssn, Chaqq al Balkh, qu'il aurait connu, lui aussi, La Mecque et qui tait aussi, en droit coranique, disciple d'Abo Hanifa.
Chaqq al Balkh (+194/809) est clbre pour son tawakkoul, son abandon la Providence en ce qui concerne la subsistance, au point de prconiser la mendicit perptuelle, contrairement d'aiUeurs l'exemple d'Ibrhm, et de postuler en un sens l'inutilit de toute activit personnelle, contrairement aussi aux conceptions habituelles des mystiques surl'effort.
En certaines sentences de Chaqq, nous retrouvons pourtant l'cho de l'enseignement de son matre:
Quand
le faqr craint la richesse
comme
les
(22) Mort en 187/803. Khorassanien d'origine arabe tamlmite comme Ibrtim, il vcut surtout Koufa et la Mecque, il avait commenc par couper les routes la tte d'une bande de brigands.Il reut galement l'enseignement (23) Mounw, fol. 37. de matres moins clbres Hajjj ibn Fourfia et Abo Choutayb al Qalll en tirq, Abo (bbd al Raml la Mecqup L. Massignon, Lexique, 150.:
,
32
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
autres
parfaite.feu,
craignent la pauvret, son ascse est Approche-toi des hommes comme du Si tu en prenant garde qu'ils ne te brlent.
hommes
veux
mange ce que tu trouves, habille-toi avec ce que tu trouves, et sois content du dcret divin. Fuis les riches. Si ton cur penche versla paix,
eux, la convoitise de leurs richesses te les fera prendre pour des dieux ct de Dieu. Comment
reconnatre la sincrit de l'ascte ? C'est quand il est satisfait de voir quelque chose de ce inonde lui
chapper, et quand il est inquiet de la possder. > parvenu la grande impassibilit recommande par les Stoques et par la Bhagavad Gita, si l'on en croit ce que raconte son disciple Htim al Aam Nous nous trouvions, Chaqiq et moi, dans une bataille contre les Turcs. On ne voyait que des ttes qui tombaient, des lances qui se rompaient, desIl tait:
te sens-tu ? Est-ce
Comment sabres qui se brisaient. Chaqq me dit comme la nuit o l'on t'a amen:
femme ? Oh non, par Dieu Par Dieu moi je me sens tout fait comme la nuit o l'on Et il s'endormit entre les m'a amen ma femme. deux armes, la tte sur son bouclier. On entendait son ronflement paisible. Il mourut d'ailleurs martyr dans une bataille (24). L'originalit de Chaqq tait de considrer le tawakkoul, non tant comme un fait que comme unta! !
!
3>
tatsoi,
mystique.
Il
non seulement parce quemarchandises avaries,
jugeait la richesse mauvaise en difficilement lgitime
(
mtiers coranique-
(24) Sur Chaqq al Balkhi voir notamment Qouchayr, 14 j Chatraw, I, 65 ; Yfit, 215 ; L, Massignon, Lexique, 228-229. Nous retrouverons l'cole du Ehorassan et les problmes de la pauvret et de la mendicit avec Yahy iLn Moucadz al Bzl.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
33
tible
), mais surtout parce qu'incompaavec la voie du dpouillement spirituel ; il insi- y nuat mme que la recherche des richesses est une;
ment suspects
pure et simple. De mme que tu es incade rien ajouter ta nature ou ta vie, de pable mme tu es incapable de rien ajouter ton gain quotidien (rizq) ; cesse donc de te fatiguer sa poursuite. Thse tendances quitistes que Soufyn al Tsor n'admettait pas, qu'brhn ne mettait pas en pratique et que l'cole khorassanienneillusionfinit
par attnuer
(25).
Cette question de la pauvret(/agr) est centrale J dans la vie d'Ibrhm ibn Adham, cofane dans celle\
de saint Franois d'Assise, avec lequel d'ailleurs le saint du Khorssu n'est pas sans prsenter diverses analogies.Il
1
fut
essentiellement
un
faqr,
un
pauvre, pour qui la non-possession des biens terrestres tait l'un des moyens les plus efficaces d'arriver au faqr spirituel, la puret absolue du cur, l'unification de l'esprit, qu'on peut rapprocher aussi bien de Vnsis plotinienne que de la pauvret spirituelle des batitudes vangliques. L'aisance est sans' doute ncessaire l'homme ordinaire pour sa vie intellectuelle, sa vie sociale efficace, sa moralit mme ; mais elle empche l'homme la vocation exceptionnelle de se mettre tout l fait hors de la mle ; elle oblige des compromissions avec la volont de puissance, des luttes, des procs, des rancunes, des convoi-
;
D'o le grand problme qui s'est toujours pos aux mystiques et que ne rsout d'ailleurs pas, comme l'ont compris saint Franois et sainte Thrse, latises.(25)
L. Massignon, Lexique, 228
;
Makk,
II,
295.
2
34
VIES DES SAINTS
MUSUUfANS
proprit collective. Pour raliser leur raction absolue contre la mondanit et la concupiscence, il leur faut se librer des biens comme des liens dela famille. L'cueil est,
comme le disait Ibrahim, de ne quitter extrieurement le monde que pour le retrouver en soi, sous une forme plus subtile, de se dbarrasser des devoirs ordinaires pour se livrer un culte raffin du moi. La pauvret dlibre est une protestation radicale contre les richesses mal acquises, contre l'asservissement aux richesses, contre la crainte obsdante d'en manquer, contre ce qu'il y a de vain et de dur dans le monde, contre toutes les formes de la c'est un dsir de fuir les tyrannies concupiscence de la volont de puissance, celui aussi parfois de se fondre dans la foule, de devenir anonyme, de per;
;
!
dre toute personnalit extrieure et sociale pour se mieux trouver soi-mme ; .c'est une libration lafois psychologique,
i
morale et mtaphysique, un renversement complet des valeurs, un retour au principe par del les biens et les maux d'un monde illu-
soire.
Aussi la pauvret est-elle loue par le Coran et le Les pauvres entreront au paradis cinq cents ans avant les riches , aurait dit le Prophte, selon Abo Hourayra. J'aimerais mieux, disait Abo Darda, un autre des gens du banc , tomber d'un toit que de vivre avec un riche, car j'ai entendu Loin de vous la frquenl'envoy de Dieu dire Les tation des morts Et qui sont les morts ?hadits.I
:
riches.
La pauvret,133,et
dit
Qouchayii
(26), est le signe
(26) Risla,
commentaires d'Ancxl-rosl, 228 seq.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
35
des saints et la parure des purs. C'est le choix quefait pour ses amis particuliers et pour ses prophtes. Les fogar sont l'lite et le lieu des secrets divins. Ils attirent la protection divine sur les cratures et c'est grce eux que celles-ci obtiennent
Dieu
don
leur subsistance. Satan et ses annes, disait Hamal Qar, ne sont jamais si contents que lorsqu'ils voient
mourir en crainte de
tat d'infidlit,
un croyant en tuer un autre, un homme un cur o il y a lacavalier
la pauvret >.
Vois-tu
ce
jeunele
et
riche
qui
vient
du
lointain
pour
service de Dieu ?
Son cheikh ne sera content que dix ansplus tard, quandil
s'en retournera vieilli,
pieds et
mendiant
(27).
Certains oufis mettaient leurs biens en commun, considraient leurs proprits comme celles de leurs frres. Nous avons pour habitude de frquenter
des gens qui ne disent mme pas ma savate , ibn Chayban (28).- Le premier acte de la conversion de maint saint est, l'abandon de ses biens ou leur distribution aux pauvres (29).:
dclarait Ibrhm
Pour tre
oufi,
il
faut
commencer par
tre f aqir,
matriellement, moralement et spirituellement. Let
Vers de Roudaql, pote persan du IX sicle ; DarmesLes OrigiiiBSlSe la posie persane, 1887, p. 26. (28) Sarrj, Lnml, 424. (29) Voir par exemple H. R. Idris, Contribution l'histoire de l'IfriqiycL.. d'aprs le Riydh al noufos d^Abo Bakr al Mlikl, dans la Revue des Etudes islamiques, 1935, m, 291.(27) teter.
i
^^^=r^,.^'^.^J,.
36
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
faqr de l'esprit s'identifie d'ailleurs avec la ralisa-tion mystique. Riche de rien, tout est riche par lui. Il possde tout et rien ne le possde (30)..
Les textes suivants (30) Sarrj, Lumt, art. mnstanbat. feront saisir l'a continuit du double aspect de la pauvret chez les spirituels. Tauler distingue : 1 la pauvret' matrielle (n'avoir la propriSt d'aucune chose, ne se servir de ce que la Providence envoie qu'autant que la ncessit y oblige, n'avoir aucun souci d'amasser) ; 2 la pauvret corporelle (tre dgag des affections de la chair et du sang, ne pas rechercher le confort, n'avoir nul attachement pour ce qui est
3 la pauvret de l'me (tre vide de ses propres poses, affranchi des affections et dsirs, renoncer aux dou4 la pauvret de l'esprit ceurs et aux consolations divines) (effacer de la mmoire le souvenir des cratures, dlivrer l'entendement des objets et images visibles, ne chercher volontairement satisfaction dans aucune crature ni dans les dons de Dieu, se rsigner entirement sa direction, se perdre en s'abandonnant aux ordres profonds de sa volont). Institutions, ch. XXXII, Choix d'ouvrages mystiques, par J. A. C. Il y a cinq degrs de pauvret, selon Buchon, 1835, p. 695. 1 des richesses ; 2 des Marie des Valles : se dpouiller honneurs ; 3 des grces sensibles, des mrites propres des 4 de soi-mme pour ne possder rcompenses spirituelles 5 un degr enfin, qui que l'amour de Dieu et du prochain est ineffable, est opr par Dieu mme. Emile Dcrmenghem, La Vie admirable et les rvlations de Marie des Valles, 1926, Selon Marie de l'Incarnation commente par son p. 197. flls, dom Claude Martin, l'tat d victime, la parfaite puret; ;
au mond)
:
;
;
I:
et la pauvret spirituelle et substantielle n'en font l'tat de l'oraison surnaturelle. Marie de l'IncarEcrits spirituels et historiques rdits par dom Albert nation, Concluant un article sur* le faqi> Jamet, t. H, 1930, p. 472. dans l'sotrisme musulman, Ren Gunpn_ crit : Le point central par lequel s'tablit pour l'tre "humain l'a conmaunication avec les tats suprieurs ou clestes est aussi la porte troite du symbolisme vanglique, et l'on peut des lors comprendre ce que sont^les riches qui ne peuvent y passer : ce sont les tres attachs la multiplicit et qui, par suite, sont incapables de s'lever de la connaissance distinctive la connaissance unifie... Pauvret , simplicit , enfance , ce n'est l qu'une seule et mme chose, et le dpouillement que tous ces mots expriment aboutit une a extinction qui est, en ralit, la plnitude de l'tre. R. Guenon, El faqru, dans le Voile d'isis, oct. 1930, p. 719-720, -^ Notons que si certains derviches eurent parfois tendance ne pas regarder plus loin que la pauvret matrielle et s'installer mme assez confortablement dans leur mendicit, d'autres, surtout dans les sicles suivants, aprs des dbauches de posie et de mtaphysique, purent limiter leurs anibitions bien diss'erter sur la thologie mystique. Les saints authentiques surent au contraire ne pas sparer la connaissance et l'ascse, et embrasser toute l'tendue de la vie spirituelle.
du cur
qu'un dans
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
37
Ce dsencombrement
et
ce retournement procu-
monde et avec lui-mme, non pas avec la beaut du- monde ni avec son soi essentiel, mais avec ce qui est relatif,rent la joie. Libre d'attaches avec lelimit,le
ngatif, prissable
dans
le
monde
et
dans
moi le faqir regarde avec des yeux renouTels un monde transform o le saint est proprement parler un levain qui soulve, un sel qui empche de croupir, un souffle qui vite au cosmos
de s'affaisser sous son propre poids.Sahl ibn 'Abdallah al Tostari fut appel un jour
au chevet d'un tyranneau malade. Comment veuxtu que Dieu te dlivre du mal quand tu retiens tant de gens en prison ? Les prisonniers relchs, le malade fut guri par les prires de Sahl et offrit ce dernier de l'argent qu'il refusa. Pourquoi, dit^ on Sahl, n'as-tu pas pris cet argent pour le distribuer aux pauvres ? Regardez , se contenta de dire Al Tostari et les gens virent le sable qui brillait aux pieds du saint comme des millions de
;
pierres prcieuses. Ceux, dit-il, qui ont toutes ces richesses leur disposition, n'ont pas besoin d'argent. De mme, Ibrahim ibn Adham n'avait qu' ramasser du sable sur la plage d'un fleuve pour payer un batelier avec une poigne d'or. Un jour qu'il retirait son seau d'un puits, il le vit plein d'or qu'il jeta. Ayant descendu une seconde fois le seau, il le trouva plein d'argent ; une troisime fois, plein de perles. Moins mu qu'impatient, Mon Dieu, dit-il, je sais bien que tu ne manques pas de trsors, mais je ne serai pas gar par la vue de tant de richesses. Donne-moi seulement de l'eau pour que je
38f ase
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
mes ablutions. Et il redescendit le seau qui remonta enfin plein d'eau frache (31). Merveilleusement soulag du fardeau le plus lourd inhrent la condition humaine, libr la fois de la mauvaise conscience, de l'inquitude et du dsir,l'tat
le faqr
peut goter tranquillement les joies simples pur. Nous avons cherch la pauvret, disait Ibrahim ibn Adham (32), et c'est la richesse qui nous arrive (puisque le peu que nous avons nous suffit). Les gens ont cherch la richesse et ils ont eu la pauvret (car ils n'ont jamais assez de ce qu'ilsobtiennent). Et un jour que, voyageant avec Ibrahim Songe, ibn Bachchr, ils n'avaient rien manger dit-il, au bienfait dont Dieu gratifie les pauvres en ce monde et en l'autre. Le Jour du Jugement, il ne leur demandera pas s'ils ont fait l'aumne, accompli:
le
C'est
plerinage, pay la dme, visit leurs proches. aux riches, ces malheureux, qu'il demandera des comptes. Ceux qui sont pauvres en ce monde
seront riches dans l'autre, ceux qui sont honors ici-bas seront humilis l-haut. Ne t'afflige pas ; nous sommes les rois des riches (33). De mme, Abo Haf, qui l'on demandait cequ'apporterait le pauvre son Seigneur le jour du Jugemenlt, disait ; Sa seule pauvret ; et Al Bienheureux les pauvres en ce monde Warrq:
en l'autre. Le sultan de ce monde ne leur demande pas l'impt et le souverain matre ne leur demandera pas de comptes dans l'autre (34). Voyageant avecet(31) (32)
tAttr,
96.;
Qouchayrl, 133
Antl, 229 seq. Anr, 229 seq.
(33) Yfli, 206. (34) Qouchayr, 133;
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
39
pain
une troupe d'amis et n'ayant manger qu'un peu de sec, Ibrahim ibn Adham entra dans un -ruisseau jusqu'aux genoux, dit bismillah, but dans le courant,
dit alhaandoulillah, revint s'asseoir, tendit les jambes et dclara: Si les rois connaissaient le bonheur
leurs pes
dont nous jouissons, ils nous combattraient avec pour le prendre, si dlicieux est notre la
plaisir, si lger notre souci (35). Des Tsiganes, dont le faqr s'arrte d'ailleurs
sensation dans l'instant, Liszt disait : Ils parviennent l'absolue libert de l'tre par l'absolue indif-
frence de l'avoirest
:^
(36).f;
La pauvret, disait encore Ibrahim ibn Adham, un trsor que Dieu conserve dans le ciel et qu'ilseulemententre
rpartit
ceux
qu'il
aime...
(37)
|
L'homme me de
libre et gnreux est celui qui sort son ce monde avant qu'il n'en sorte lui-
mme
(38). C'est par ce faqr intgral qu'il atteignait la joie parfaite au comble 'de l'humiliation
mondaine et de C'est un jourProuse
la drliction.
d'hiver,
en Ombrie, sur la route de
Sainte-Marie-des-Anges, que Franois d'Assise, le Petit Pauvre, rvla frre Lon le secret de cette joie parfaite. Elle ne se trouvait, pour les Frres Mineurs, ni dans les grands exemples d'asctisme, ni dans }es miracles, ni dans le don des langues, des sciences ou de la prophtie, ni
dans la connaissance des secrets de la nature, du(35) (36)
Mounwi, Ms ArabeFranz
6490, fol. 37
;
215-220.
NIcholson, op. > if
cit., '
Liszt, Des Bohmiens et de leur musique en Hongrie, 1859, p. 55. (37) Encyclopdie de l'Islam, Nicholson, art Ibrahim ibn A. (38) ]^ounW, foL 37.
38f asie
VIES DES SAINTS
MUSULMANSredescendit le seau qui
mes
ablutions. > Et
il
I
remonta enfin plein d'eau frache (31). Merveilleusement soulag du fardeau le plus lourd inhrent la condition humaine, libr la fois de la mauvaise conscience, de l'inquitude et du dsir,le faqr
;
peut goter tranquillement les joies simples Nous avons cherch la pauvret, disait Ibrahim ibn Adham (32), et c'est la richesse qui nous arrive (puisque le peu que nous avons nous suffit). Les gens ont cherch la richesse et ils ont eu la pauvret (car ils n'ont jamais assez de ce qu'ils obtiennent). Et un jour que, voyageant avec Ibrahim Songe, ibn Bachchr, ils n'avaient rien manger au bienfait dont Dieu gratifie les pauvres en dit-il, ce monde et en l'autre. Le Jour du Jugement, il ne leur demandera pas s'ils ont fait l'aumne, accomplil'tat
pur.
:
le
plerinage, pay la dme, visit leurs proches. aux riches, ces malheureux, qu'il demandera des comptes. Ceux qui sont pauvres en ce mondeC'est
seront riches dans l'autre, ceux qui sont honors ici-bas seront humilis l-haut. Ne t'afflige pas ; nous sommes les rois des riches (33). De mme, Abo Haf, qui l'on demandait ce qu'apporterait le pauvre son Seigneur le jour du
Warrq
Sa seule pauvret ; et Al Jugement, disait Bienheureux les pauvres en ce monde et en l'autre. Le sultan de ce monde ne leur demande pas l'impt et le souverain matre ne leur demandera pas de comptes dans l'autre (34). Voyageant avec: :
(31) (32)
lAttr,
96.;
Qouchayr, 133133
Anrl, 229 seq.Anrl, 229 seq.
(33) Yflt, 206. (34) Qouchayr,
;
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une troupe d'amis et n'ayant manger qu'un peu de pain sec, Ibrahim ibn Adham entra dans un -ruisseau jusqu'aux genoux, dit bismillah, but dans le courant,dit alhamdoulillah, revint s'asseoir, tendit les jambes et dclara: Si les rois connaissaient le bonheur
leurs pes
dont nous jouissons, ils nous combattraient avec pour le prendre, si dlicieux est notre la
plaisir, si lger notre souci (35). Des Tsiganes, dont le Jaqr s'arrte d'aiUeurs
sensation dans l'instant, Liszt disait : Ils parviennent l'absolue libert de Vtre par l'absolue indiffrence de V avoir (36).est
La pauvret, disait encore Ibrahim ibn Adham, un trsor que Dieu conserve dans le ciel et qu'ilseulemententre
rpartit
ceux
qu'il
aime...
(37)
L'homme me de
libre et gnreux est celui qui sort son ce monde avant qu'il n'en sorte lui-
mme
(38). C'est par ce faqr intgral qu'il atteignait la joie parfaite au comble 'de rhumiliation
mondaine et de C'est un jourProuse
la drliction.
d'hiver,
en Ombrie, sur la route de
Sainte-Marie-des-Anges, que Franois d'Assise, le Petit Pauvre, rvla frre Lon le secret de cette joie parfaiite. Elle ne se trouvait, pour les Frres Mineurs, ni dans les grands exemples d'asctisme, ni dans Jes miracles, ni dans le don des langues, des sciences ou de la prophtie, ni dans la connaissance des secrets de la nature, duMounwl, Ms ArabeFranz6490, fol. 37
(35)
;
Nlcholson, op. cit, *^
215-220.Liszt, Bes Bohmiens et de leur musique en Hongrie, 1859, p. 55. (37) Encyclopdie de l'Islam, Ncholson, art Ibrahim Ibn A. (38) Mounw, fol. 37.(36)
40
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
cours des astres, des vertus des plantes ou des btes, ni dans l'loquence et le pouvoir de_convertir les pcheurs ou les infidles. O donc est-elle* ?, deman Quand dait frre Lon. Et Franois rpondait nous serons Sainte-Marie-des-Anges, tout tremps par la pluie et glacs par le froid et crotts de fange et affligs de faim et frapperons la porte du couvent, et le portier viendra irrit et dira Qui tes-vous ? et nous dirons nous sommes deux de vos frres ; et icelui dira vous ne dites vrai, ainsi::
:
:
deux ribauds, qui allez engeignant le monde et drobant les aumnes des pauvres allez-vous en ; et ne nous ouvrira point, et nous fera demeurertes;
dehors la neige et l'eau avec le froid et avec la faim, jusques la nuit alors, si nous soutenons telle injure et telle cruaut et tels congs patiemment sans nous en troubler et sans murmurer de lui, et pensons humblement et charitablement que. ce portier vraiment nous connat et que Dieu le fait parler contre nous ; frre Lon, cris que l est joie parfaite. Et si nous persvrons frapper et qu'il sorte hors tout furieux, et comme galefretiers importuns nous chasse avec vilenies et avec soufflets,: : partez-vous d'ici, petits larrons trs vilains, allez l'hpital, car ici point ne mangerez-vous et ne serez hbergs ; si nous le supportons patiem-
disant
mentcris
et
avec allgresse
et
avec amour, frre Lon,
par pons davantage et appelons de Dieu avec grande plaintelaisse seulement entrer;
l est joie parfaite. Et si encore contraints la faim, et par le froid et par la nuit, nous frap-
que
et
prions pour l'amour
qu'il nous ouvre et nous et icelui plus scandalis:
dira
:
voici des galefretiers importuns
je les paie-
VIES DES SAINTS
MUSULMANS:
41
rai bien
comme
ils
mritent
et sortira
dehors
aveic
un bton noueux et nous prendra par le capuchon, et nous jettera par terre et nous roulera dans laneige et nous battra avec ce bton, nud nud ; nous souffrons toutes ces choses patiemment et avec allgresse, pensant aux peines du Christ bni, lesquelles devons souffrir pour son amour, frresi
Lon, cris que l et en cela est joie parfaite (39). Le pendant exact de ce passage des Fioretti se retrouve dans la vie mme d'Ibrhm ibn Adham. On lui demandait un jour s'il avait jamais trouv la satisfaction de son dsir Oui, dit-ii ; deux fois. La premire, j'tais bord d'un navire o personne ne me connaissait. J'tais vtu d'habits grossiers, ma chevelure tait:
longue etet se
mon aspect tel que tout le monde riait moquait de moi. Il y avait l un bouffon qui passait son temps me tirer la barbe, me l'arra-
cher et me faire subir toutes sortes d'affronts sa manire. J'tais parfaitement satisfait. Mais ma joie atteignit son plus haut point le jour o ce bouffon alla jusqu' pisser sur moi. La seconde fois, j'arrivais dans un village par une forte pluie qui avait tout tremp mon manteau sur mon corps et j'tais tout transi par le froid de l'hiver. On ne me laissa pas entrer dans la mosque. Il en fut de mme la porte de trois autres mosques o je cherchai abri. De dsespoir, comme le
froid resserrait(39)
sa griffe sur
mon
cur,
j'entrai
Les petites fleurs, traduction A. Perat, ch. VIII. Lacoinbe rapproche cette conversation de celle du Bouddha *t~"i~ son disciple Porna : mme paradoxe vcu, mme dfi la nature, mme recherche d'une surharmonie existentielle entre la chair, et I^esprit. liP. pauvret partout bnie, dans Etudes Carmlitaines, 1939, 'l, pT 109-15,:"Olivier
42
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
au hainmam et j'tendis mon manteau le long du pole. La fume m'enveloppa, noircit mes vtementset
mon
visage. Alors, je
me
sentis entirement satis-
fait (40).
rencontre
C'est ce jour-l peut-tre qu'il fit une mouvante : mis la porte de la mosque, un soir
pluvieux, par un gardien qui craignait de voir les trangers vagabonds voler les lampes ou les tapis, rfugi prs du four du hammam voisin, Ibrahim vit un homme couvert d'un sac. C'tait le chauffeur
dului
bain.fit
Il le
salua.
L'homme ne rpondit pas mais
signe de s'asseoir. Il semblait inquiet et regardait droite et gauche. Quand il eut fini de chauffer, il se retourna, salua Ibrahim en appelant sur lui la bndiction de Dieu. Pourquoi ne m'as-tu pas rpondu tout de suite ? demande Ibrahim. J'tais le voisin de gens, rpond nigmatiquement
l'homme, et j'avais traire et de trahir.et?
peur Pourquoi regardais-tu droite Oui. De qudi gauche As-tu peur De ne de quel ct viendra. mort, car Combien gagnes-tu par jour Un dirhem un??
en
te saluant
de
me
dis-
la
je
sais
elle
?
et
dniq (41). Je dpense le dniq pour ma famille et le dirhem pour la famille d'un de mes frres. Un frre issu de ton pre ou de ta mre ? Non ; c'est quelqu'un que j'ai aim en Dieu. Il est mort en laissant de la famille. As-tu demand Dieu quelque chose qu'il ne t'ait pas encore accord ?
I
1'
(40) Houjwir, 68 ; tAttr, 88-89. - -L'on ne songera pas appliquer ici la thorie des emprunts qui, vrai dire, permet de dployer beaucoup d'rudition, mais, pousse l'excsj aboutit esquiver les vrais problmes. (41) Dirhem (la drachme grecque), pice de 2 3 granmies d'argent (environ 12 sous) ; dniq, sixime partie du dirhem.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
43
depuis vingt ans, je fais une prire. J'ai appris que, parmi les Arabes, il y avait un homme qui se distinguait parmi les asctes et surpassait tous les dvots, nomm Ibrahim ibn Adham. Je dsire le voir et mourir entre ses mains. Sois content je suis Ibrahim. Dieu t'a exauc. Il n'a mme pas voulu que je vienne toi marchant sur mes pieds, mais tran (par le gardien de la;
Oui
Laquelle
?
:
mosque).
L'homme alors se leva, embrassa O mon Dieu, Ibrahim qui l'entendit murmurer tu as exauc ma demande. Prends-moi maintenant vers toi. Dieu exaua aussi sa deuxime prire et il tomba mort (42).:
**
*
-
Nous l'avons
dit,
Ibrahim ibn
Adham
travaillait
pour vivre particulirement au mtier de jardinier, quand il arrtait le cours de sa vie nomade. Travaille pour gagner ton pain ; tant pis si cela t'empche de veiller la nuit et de jener le jour (43). Il ne mangeait en rgle gnrale que ce qu'il avait gagn par son travail et travaillait juste ce qu'il fallait pour se nourrir et aider ses compagnons ou d'autres pauvres. Il admettait la mendicit dans les circonstances exceptionnelles ou pour donner un mais il la riche l'opportunit d'une bonne action;
d'existence (44). En Palestine, on le vit quelque temps Jrusalem (45). En Syrie, il menait tantt une vie errante,
rprouvait
comme moyen permanent
avec Ibrahim ibn Bachhr, Abo Yosouf(42) Yl, 218. ~ (43) Qouchayr, 8. (44) Encycl. de l'Islam, art. cit. (45) L. Massignon, Lexique, 150,
al
Gha-
d'aprs Maqdis.
44sol et
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
comme
barak son Khorssnla Syrie,
al Sinjr, tantt s'engageait 'Abdallah ibn Moutravailleur agricole. qui lui demandait pourquoi il avait quitt
Abo 'Abdallah
A
Je ne natal, il aurait rpondu trouve nulle part de joie l'existence en dehors de:
o je promne ma religion de montagne en montagne, de colline en colline, tandis que les gens qui me voient me prennent pour un conducteur de chameaux ou pour un fou (46). Tantt il allait ramasser et vendre du bois mort, tantt il s'engageait comme semeur ou moissonneur. Son scrupule et son respect du travail le poussaient prfrer louer ses bras plutt que de se contenter de glaner des pis. Tantt il gardait les jardins oules vignes (47), et l'on
pouvait se
fier
ses soins
consciencieux.
Un
qu'il gardait lui
propritaire du verger demanda d'apporter des grenades.jour, le
Ibrahim prit les plus belles qu'il trouva. Elles taient amres. Depuis le temps que tu gardes ce jardin, dit le propritaire, tu ne sais pas encore distinguer les grenades douces des amres Mais tu m'as charg de surveiller le jardin, non pas de goter Ah tu es digne d'Ibrhm ibn aux grenades. Adham Se voyant sur le point d'tre reconnu, le scrupuleux jardinier s'en alla (48).!
!
!
Unfruit.
soldat de passage lui
demanda un
jour
un
Ibrahim, ne m'a pas autoris disposer de son bien. Et comme le soldat furieux lui donnait un coup violent sur la tte : Frappe encore une tte qui a si souvent dsobidit(46)
Le propritaire,
Eneycl. de l'Islam, art.178..
cit.
(47) Sarrj, Luml, (48) .Attr, 93.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
45
^son Dieu. > Gn, le soldat s'en alla, murmurant Ne t'excuse pas, dit Ibrahim ; c'est des excuses la tte que j'ai laisse Balkh qui rclamerait des excuses (49). Une autre fois, un soldat, lui demandant le chemin de la ville, aurait t conduit par Ibrahim au cimetire. Voici l'habitation des hom:
mes . Le soldat le frappe, Ibrahim le bnit et l'homme demande pardon. C'tait sans doute par scrupule qu'Ibrahim ne voulait pas montrer la route des hommes engags dans une guerre peut-tre on nous rapporte mme qu'il coupa point lgitime un jour la corde de son puits pour n'avoir point ravitailler en eau une troupe de soldats qui se rendait en Egypte (50). Parfois aussi, aprs la prire du soir, Ibrahim allait crier devant les maisons Qui veut faire moudre du bl ? Les femmes lui en apportaient des' paniers il s'asseyait, un moulin bras entre;:
;
les
jambes, et n'allait se coucher qu'aprs avoir moulu toute la quantit pour laquelle il avait t engag. Il allait alors rejoindre ses compagnons avec lesquels il partageait son maigre gain.ses
Quand il travaillait, il avait coutume de rythmer mouvements en chantonnant En Dieu j'ai:
confiance et j'ai laiss de ct l'humanit. > (Mais il prcisait l'occasion que, pour se dtourner vraiment de l'humanit , il fallait se dtourner surtout "de soi-mme, et qu'il tait vain de se dtourner des hommes pour se tourner verssoi (51).
mis
ma
(49)
(50) (51)
Qouchayr, 9 ; Yd, 100. Nicholson, dans Zeits. fur Assyr., 1912, p. 215-220. Hujwir, 103.
46
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
Ne vivant souvent que de pain sec et d'eau, jenant gnralement trois jours sur quatre (52), il tait devenu si maigre qu'il semblait devoir tomber au premier souffle de vent. Il tait pourtant si vigoureux qu'il fendait d'un coup de hache une bche qu'aucun de ses compagnons ne pouvait couper.est vrai qu'il
Son aspect devait tre parfois assez trange s'il prouva une de ses plus grandes joies un jour que, regardant son manteau de peau de bte, il ne put y distinguer les poils des poux. Vtu en hiver d'un manteau de peau avec tous ses poils, sans chemise, ni chaussures, ni turban en t, de deux pices d'toffe achetes quatre dirhems, l'une;
taille, l'autre jete sur les voquait le plus sauvage des Bdouins. On le vit aussi avec la mouraqqa^a des asctes gyrovagues, un manteau fait de tant de pices diverses cousues ensemble qu'il pesait, dit-on, trente kilos
enroule autour de lail
paules,
mouraqqa^a, que la tradition fait porter Jsus et qu'ai Hallj prfra au froc de laine (.of) des oufis, avait un sens mystique. Ibrahim refusait de dire pourquoi il l'avait prise : Si je disais que je l'ai prise par choix dlibr, ce serait
(53). Cette
de la prtentionncessit, ce voil tout. >Il
;
si je
serait
disais que une plainte
je l'ai prise jel'ai
par
;
revtue,
avait hrit, nous avons dj eu l'occasion de wara^ de son pre, cette attention minutieuse ne rien empiter sur le droit d'autrui.le voir, le
Comme
on
fait
venir
Adham
Balkh pour la moiti
(52) Quand il tait fol. 37.
avec Soufyan al Tsor, selon Moimwl,;
(53) Ibahn, Hiliya, n 394 de l'Islam, art. Ibrahim.
Mounw,
fol.
36
;
Encycl.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
47
d'une pomme, on fait aller Ibrahim de Jrusalem Bara pour une datte. Il s'tait endormi, roid dans une natte dans la mosque d'Omar. A minuit, il vit, en rve, entrer un vieillard avec ses quarante compagnons vtus d'une toffe grossire. Aprs avoir pri, le vieillard s'assit sur le mirhbQa. niche vide qui indique la qbla, la direction de La Mecque vers laquelle on se tourne pour prier). Il y a ici, dit un des hommes, quelqu'un qui n'est pas desntres.fils
En
effet,
dit le vieillard, c'est Ibrahim,
d'Adham. Voil quarante nuits qu'il ne peut O vieillard, goter la saveur des bonnes uvres. dit Ibrahim, tu dis vrai mais, au nom du Seigneur
;
Un jour,trs haut, explique-moi quoi cela tient. Bara, tti achetais des dattes dans une boutique. Une d'elles tomba terre. Pensant qu'elle tait tombe de ta main, tu l'as ramasse, mle aux tiennes, et mange sans y faire attention. Ibrahim partit le lendemain pour Bara et raconta le tout au marchand de dattes qpii l'acquitta de sa dette et dclargi : Puisque la chose est de nature si dlicate,
puisque la nuance qui spare le licite de l'iUicite est si difficile saisir, moi aussi je veux me faire derviche et me consacrer la dvotion. Il employa en bonnes uvres tout son bien et se fit moine
mendiant (54).. Ce igora Vce scrupule,
est considr comme unedes premires tapes. de la voie asctique et les; oufs des premiers sicles insistaient tout parti-^^ culirement sur sa valeur. Ce peut tre une obses-^ sion un peu troite, une gageure un peu absurde, attachant en un sens trop d'importance la pro(54) iAttr. 94.
!
-',
-'^"-^-'^''-,7- jv^-sj?::f
^ffj^jS'fn^wJ
48
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
prit, visant une puret impossible, voire une inconscienf e satisfaction de soi ; mais, sous la styli-
sation des anecdotes,
il
faut
1^II
protestation contre l'aviditgaire,"tres
et le
y voir une hroque sans-gne du vul-
une raction, comme le faqr lui-mme, contre l'ordinaire volont d'largir sans souci des autres
son propre espace vital, un respect religieux moins des biens que des droits, l'affirmation que I la dignit de l'homme transcende la lutte aveugle I pour la vie. I Ibrahim ne faisait pas de l'ascse izouhd) uni-
sport avec ses records et ses satisfactions intimes. C'tait en sincrit et en gnrosit qu'il surpassait ses compagnons, non en jenes et en prires. Il passait parfois la nuit mditer et rciter les litanies de son wird, mais sans rigorisme. Comme il s'tait attrist un jour d'avoir cd au sommeil, il lui fut dit de ne pas attacher trop d'importance des dtails : Sois notre esclave. Lve-toi quand
nous
te faisons lever, et quand nous te couchons, couche-toi (55).
_^
If
Silencieux avec les trangers, il riait et parlait aisment au milieu de ses compagnons. Il plaisantait en, proverbes. A un derviche qui ne s'tait pas Tu as raison. Qui prend femme mari, il disait sur un navire ; qui a des enfants tombe s'embarque l'eau en pleine mer, Et comme on lui demanjdait Qui voudrait pourquoi il n'avait plus de femme d'un mari comme moi. toujours nu et affam. Si je: :
le pouvais, je
mefol.
rpudierais
moi-mme
>
(56).
(55)(56)
Moun-wi,lAttr,
36.
84.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
49:
n
avait le sens de ramiti. Si ton frre te dit
-j1
Donne-moi quelque chose et que tu lui demiandes 1 Combien >, ton don ne vaut rien. Un de ses f compagnons, en le quittantj lui demandait de lui,indiquer ses dfauts : Je n'en ai pas remarqu, dit Ibrahim, car je t'ai regard avec l'il de l'affection et j'ai trouv bon tout ce qu'il a vu. Demande
un
autre. >
Nontravail,
seulement
il
aidait ses amis vivre de son
mais
il
n'tait
pas d'attention qu'il ne leur
tmoignt.
mosque
nuit qu'il tait avec eux dans une glaciale sans porte ferme, il se tint jusqu'
Une
l'aurore debout dans l'ouverture pour empcher la bise de les atteindre. Un soir qu'absorb dans ses
Ibrahim se trouvait en retard pour le repas en commun, ses amis mangrent sans l'attendre et se couchrent. Il crut qu'ils s'taient endormis affams et se mit ptrir de la farine puis, posant sur la terre sa longue barbe blanche, il souffla pour allumer le feu et faire cuire le souper de ses compaprires,;
gnons. Ceux-ci, se levant, lui dirent : Que fais-tu, Ibrahim ? Je yeux vous faire cuire quelque chose car peut-tre n'avez-vous rien inang. Ils se regardrent en disant Voyez un peu, tandis que nous complotions contre lui, de quoi il s'occupait en pensant nous > (57).
:
Le signe de l'initi ('rif), disait-il, c'est de s'occuper faire le bien et adorer, de ne prononcer la 1 plupart de ses paroles que pour la louange de Diu^ et l'loge des hommes. Et il disait souvent ce vers r;
J'aime mieux du sel grossier qu'une datte o il y a une gupe cache. > Il voyait les choses d'assez(57) Ibld.,
87.
,---
_
r ;'-3rjnFFfW"''i^i-
50
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
haut pour pouvoir traiter avec sarcasme la ridicule vanit des hommes L'amour de la gloire, c'est trouver que les lacets de tes souliers sont meilleurs que ceux de ton prochain. :> Mme la gloire de la saintet ne doit pas tre recherche. N'est pas vraiment sincre l'gard de Dieu un dvot qui cherche la gloire par sa science, par ses uvres,:
par ses sacrifices (58). Loin de tout pharisasme,la solitude,il=
s'il fuyait souvent dans chrissait le reflet divin sur les plus
imparfaites images. C'est ainsi que voyant un ivrogne, vautr dans un ruisseau au milieu de ses vomissements, il s'approcha de lui pour laver une bouche'
qui avait prononc le nom d'Allah. Quand l'ivrogne se rveilla et apprit ce qu'avait fait Ibrahim, il se repentit. Et Ibrahim entendit ce soir-l une voix qui Ibrahim, tu as lav sa bouche avons lav son cur (59). disait:
et
nous
*
Le cur purifi lui-mme, Ibrahim pouvait vivre dans la merveille. Qu'il ait d'un geste et d'un mot suspendu en l'air un homme qui tombait d'un pont, ne nous apprend sans doute pas grand'chose. Qu'il ait t nourri dans l dsert de faon miraculeuse, qu'il ait calm la tempte (60), ce sont l traits(58)
Charwl,
I,
59.
Plusieurs 36 ; 'Attr, 80 ; Yfl', 162. miniatures indiennes reprsentent Ibrahim servi par les anges, ce qui souligne la popularit de ce saint arabe aux Indes. Cf. notes de A. Beverag^t de V. A. SmitU, dans" Journal -ofest le
(59) Yfld, 162. (60) Mounw, fol.
the Royal Asalic Society, 1909, p. 75 et 1910, p. 167. Ibrahim hros de diverses histoires populaires aux Indes ; L.68.
Massignon, Lexique,
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
51
courants d'hagiographie folklorique. Mais ces anecdotes et les suivantes surtout illustrent de faon parfois saisissante la conception du saint axe du
monde, son rle pour la purification et la transfofmation de la nature. Dans le dsert, Ibrahim a soif et rencontre un Veux-tu du lait ou de berger qui lui demande De l'eau. Le berger frappe une roche l'eau ? et l'eau frache jaillit. Sur mer., le navire va faire naufrage l'quipage affol entend une voix: Vous
"^
;
:
avez peur
alors
qu'Ibrahim
Ibrahim
s'asseoit avec
est parmi vous un compagnon au pied d'un!
grenadier qui les prie de bien vouloir goter ses fruits. Il fait semblant de ne pas entendre. L'arbre insiste ail^rs du compagnon et ils se dcident manger. La grenade est amre. l'anne suivante, les deux hommes repassent devant le grenadier qui a nourri le saint les fruits^ cette fois, sont dlicieux et l'arbre reste connu sous le nom de grenadier des serviteurs de Dieu (61). Dans un bois, la nuit, devant leur feu, Ibrahim et ses compagnons n'ont rien si nous avions de manger que du pain sec. Ah la viande , dit l'un d'eux. Un chameau arrive poursuivi par un lion, se cogne un arbre et tombe le crne fendu. Les voyageurs n'ont plus qu' l'gorger en hte selon le rite pour que sa chair soit licite ihall), faire rtir un morceau et manger sous:!
!
-
les
yeux du
lion.
Comme
saint Franois,
Ibrahim
fI
savait d'ailleurs parler aux fauves. Un lion coupait la route. Le saint s'approche de lui et dit :
Abou'l Harits (62),(61) Yafl', 265, (62)
si l'on t'a
ordonn quelque chosefol.
170
;
C'est le
nom
Mounw,
36
;
qu'on donne aux lions.
'Attr, 95. Yfl', 162.
52
VIES DES SAINTS
MUSULMANSretire-toi.
notre gard, fais-le
;
sinon
>
Le lion
grogne
et s'en va.
avec un mlange assez frquent d'admiration affectueuse, d'humour et d'un peu de scepticisme (63) le pouvoir de la foi et celui de la parole. Ibrahim se trouve au sommet d'une montagne et parle ses compagnons des mrites de la foi. Le saint, dit-il, peut arriver un Ebranletat tel que, s'il dit une montagne
Le
trait suivant illustre
:
montagne se dplace. A peine avait-il prononc ces mots que la montagne se met effectivement en mouvement r et il faut qu'Ibrhm dise en la frappant du pied Arrte-toi. Ce n'est pas toi que je parlais. Je n'ai fait que donner untoi, la:
exemple
(64).
*
Ibrahim se refusait ~ crire sur
la science reli-
gieuse, se disant trop absorb par l'action de grces, trop proccup par la crainte de la mort et de ce
qui la suit (65). Mais
il
semble, sans avoir prch en
public, avoir cherch faire part de son exprience
mystique un public plus tendu que le petit noyau de ses compagnons d'errance. Il avait t gratifi de cent vingt intuitions, durant lesquelles il avait pos soixante-dix questions, mais il n'avait expos que quatre de ces rvlations. Se sentant mal com(63) Cf. par exemple l'histoire d'un saint tirant de l'air une pomme. Quelqu'un remarque qu'il y a un ver dedans.
C'est qu'en descendant du monde perdurable en ce monde prissable, dclare le saint, elle a pris quelque chose de sa corruption. Et l'on admira la rponse plus encore que le miracle. ,(64)
Mounwl, Ms Arabefol,
6490, fol. 37.;
(65) Ibid., (66) L.
36.
Massignon, Lexique, p. 226
Makk,
II,
67.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
53
pris, il se tut (66). Le texte suivant, qui correspond l'une des quatre rvlations, est gros de la plupart des problmes techniques qui se posaient aux mystiques et que les oufis du ix* sicle nos jours travail-
leront lucidertet et
: pur amour, union transformante, diformation, vision batifique, rapports de la sain-
:
de la prophtie. Ibrahim ibn Adham:
dit
Dieu
Si tu dsires tre
un de ses frres en ami de Dieu et .que Dieu
et l'autre, ne les dsire des deux mondes, tourne ton visage vers Dieu et Dieu tournera son visage vers toi et te comblera de sa grce ; car j'ai appris que
t'aime, renonce ce plus, vide ton moi
monde
O Jean Dieu rvla Jean, fils de Zacharie (67) convenu avec Moi-mme qu'aucun de mes serviteurs ne M'aimerait, Moi le sachant, son intention sans que Je devienne son oue qui lui sert sonde, couter, sa vue qui lui sert voir, sa langue qui lui sert parler, son coeur qui lui sert comprendre. Et cela fait, je lui ferai har de s'occuper d'autres que: !
j'ai
Moi, je prolongerai sa mditation, je serai prsent sa nuit et familier son jour. Jean Je serai l'hte de son cur, le but de son dsir et de son esprance, chaque jour et chaque heure lui sont un cadeau de moi, il se rapproche de moi et je me rapproche de lui, pour couter sa^^voix, par amour!
pour son humilit. Pardeur!
ma gloire et par ma granJe l'investirai d'une mission qui sera envie des prophtes et des envoys. Puis j'ordonnerai un crieur de crier I Vois X, fils de Y, saint et sanctifi de Dieu, son lu d'entre ses cratures, qu'il appelle Sa visite pour que son coefur se(67)
Saint Jean-Baptiste,
Yahya en
arabe.
54
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
gurisse regarder Son visage. > Et quand il viendra Moi, je lverai les voiles entre lui et Moi, et il Me considrera tout son aise ; puis Je dirai : Reois la bonne nouvelle ! Par ma. gloire et par ma grandeur ! Je rassasierai pendant notre spara-
Me regarder, je renousurnaturelle chaque jour, chaque nuit, chaque heure. Et quand ces annonciateurs de la bonne nouvelle iNeven diront vers Dieu, Il les accueillera et dira : O vous qui revetion tonvellerai
cur de
sa soif de
ton
investiture
nez Moi, quel mal vous a fait ce que vous avez prouv dans le monde, puisque Me voici votre lot ? Quel mal vous ont fait vos ennemis, puisque Me voici votre paix ? (68). Dj en effet les mystiques musulmans avaient commenc distinguer, ct de l'inspiration du prophte (nab) et de la mission de l'envoy{rasol), le rle plus intrieur
du saint (wal) appel tranisformer le monde, non en promulguant
des ordonnances, mais en se transformant lui-mme par l'union au principe du monde. Ils avaient de mme commenc distinguer, parmi les lus, les Gens du Jardin jouissant des rcompenses paradisiaques et les Gens de la Prsence pour qui la vraie rcompense est la contemplation de la Facedivine (69). Hirarchie et distinction, plutt qu'opposition, entre les deux rcompenses, celle des
uvres et celle de la sanctification. Ibrahim avait pris position sur cette question du thocentrisme et du pur amour qui continue se poser dans les diverses religions. Abo(68) IL. Massignon, Lexique, p. 226-228, d'aprs Mouhsibl. (69) Ahl al janna et ahl al Hadra. Cf. L. Massignon, - - HaZZdjr, ir; 693.
M
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
55
al Jadzn ayant soutenu que le paradis tait plus haute rcompense que les fidles pussent Par esprer aprs la mort, Ibn Adham s'cria Dieu mon avis, c'est le fait que Dieu ne dtourne pas d'eux son gracieux visage qu'ils doivent consi-
Yazdla
:
!
drer
commeI
l'essentiel >
(70).
Et quelqu'un quiil
disait aspirer la saintet (wilya),
dclarait
:
bien ne dsire aucune chose de la vie prsente ni de la vie future. Vide-toi pour Dieu de toutce qui n'est pas Dieu et approche-toi ainsi de Lui (71). Un initi Crif), disait-il, est quelqu'un qui ne se rjouirait pas de possder tout ce basmonde au prix de l'autre, qui ne regretterait pas mme de perdre les deux mondes, qui ne concevrait aucun orgueil d'entendre tous les hommes cl-
Eh
brer ses louanges (72).C'est pour illustrer dramatiquement cette thse qu'on lui fait rencontrer, sur le chemin de La Mecque, l'endroit o les plerins de l'Iraq prennent Vihrm, soixante-dix corps vtus de la mouraqqa^ gisant terre. Un d'eux, qui tait encore en vie, lui ra'conta leur aventure Ibrahim, mfie-toi de cet Ami qui tue les plerins comme s'ils taient des:
de Roum. Sache que nous tions une troupe de oufis qui avions jur de ne rien admettre dans notre cur en dehors de Dieu, qu'il soit exalt et de son amour. A la ka'ba, nous rencontrmes al et nous nous flicitmes Khidhr, sur lui le salut d'avoir trouv un tel homme, assurs; de n'avoir, point perdu les peines de notre voyage. A notreinfidlesI I
(70) (71) (72)
EncycZ. de l'Islam, art. Ibrahim ibn A. Jmi, Nafahat al ouns. Walt vient de wal, tre proche.Attr,
85-86.
\
ft''^V*l^-^t^
56retour
VIES DES SAINTS
MUSULMANS:
O vous ici, une voix s'est fait entendre Avez-vous qui i*rofes!!ez pour moi un faux amour tenu votre engagement, vous qui donnez vos soins un autre que moi ? Tant que je n'aurai pas vers votre sang, je n'entrerai pas en pacte avec vous. A ce rcit, frapp de stupeur devant tous ces cada Et toi, comvres d'amants, Ibrahim demanda ment n'es-tu pas mort ? C'est que j'tais cru (im!
:
parfait) ; maintenant je suis cuit (accompli) et je vais les suivre. Ibrahim tomba vanoui ; quandil
reprit connaissance,
l'homme
tait
mort
(73).
Au cours d'un autre plerinage, Ibrahim trouva l'motion la plus crucifiante et la suprme preuve. Pour rpondre l'exceptionnelle vocation, il avait laiss Balkh dans son palais une pouse ou diverses concubines, en tout cas un enfant, cequ'on rapporte.velles,Il n'avait jamais donn de ses noumais sa renomme avait atteint le Khorssn, Faisant donc autour de la. Ka'ba les tournes rituelles (c'est dans cette circonstance, est-il re-
]
marquer, que les hagiographes placent souvent les rencontres dcisives), Ibrahim aperut dans la foule un jeune homme dont la beaut stupfiait tout le monde. Il le regarda longuement et pleura. Nous sommes Dieu et nous retournons lui, murmura un des compagnons du saint qui ce dernier venait de dire qu'il fallait viter d'arrter ses regards sur ls femmes et les phbes. Voici une faiblesse sans doute chez notre cheikh. Que signifie ce regard(73)
Attr,
81.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
57
O mon frre, dit Ibrahim, j'ai ml de larmes ? scell avec Dieu un pacte que je ne puis dfaire. Si je pouvais le dfaire, je m'approcherais de ce jeune homme, car il est mon fils et la prunelle demes yeux. Jel'ai laiss
tout petit
quand
je
me
suis
enfui vers Dieu. Le voici devenu grand, comme tu vois, et j'ai scrupule revenir ce que j'ai abandonn pour Dieu. Mais toi, va le saluer ; peut-trecela rafrachira-t-il
mon
disciple s'approcha le salua de ces mots : !
Le
ton pre mon oncle, dit le garon, o est mon pre ? Mon pre est parti jadis. Ah puiss-je le voir une seule fois Puis clatant en sanglots Puiss-je le voir et mourir l'instant!
cur. du beau jeune homme et Que Dieu te bnisse pour
!
:
!
quitte pas
Si nos demeures s'loignent, ta personne ne mes yeux. J'ai log ton amour en mon cur dans un
endroit que ne connat pas
mon curil
lui-
mme. Tu es un sceau sur
pas d'autre que toi sur
ma pense et ma langue.
n'y a
revint vers ce trouva agenouill prs de la Pierre d'Abraham qu'il avait toute arrose de ses larmes, et priant pour que Dieu prservt sQn enfant
Quand
le
compagnon d'Ibrahim
dernier,
il
le
de. tout
pch
:
d'Adham
I
Ce qui est certain c'est qu'Ibrahim mourut loin de son Khorssn natal, l' extrme-occident de l'Asie, probablement aux confins des empires arabe et byzantin. En Syrie, disent de faon vague Al Qouchayr et Al Jmi. En Cilicie, Tarse, dit le chroniqueur Abolfda. Au cours d'une expdition contre les Grecs, prcisent AI Ibahni (qui ajoute que la cause de la mort fut une dysenterie) et Al Anri. En l'an 161 de l'Hgire sans doute, en tout cas entre 160 et 166 Il mourut (776-783^de l're chrtienne). dans une le, dclare Al Anri, et son corps fut ramen Cour (Tyr), ou en pays byzantin, c'est-dire sur les marches d'Asie Mineure, ce qui concorderait avec l'indication d'Abolfda ; Sqn, forteresse du pays des Roums, dit Yqot. Nous avons vu que c'tait Gbl, un peu plus au sud,^ aux frontires de la Syrie et de la Cilicie, qu'Ibn
(75) Attr,
97.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
59
Batouta avait trouv une tombe vnre qu'on luiprsenta comme celle du fils d'Adham (76). La Hiliya d'Abo Nou'im al Ibahn nous assure d'ailleurs qu'Ibrhm servit dans deux expditions contre les Grecs, dont l'une commande par 'Abbasal
Anthaki. S'il n'aimait pas, nous l'avons vu, les soldats envoys en Egypte musulmane, il n'avait pas les mmes scrupules quand il s'agissait de la guerresainte.
lementlait si
riture,illicite,
peu banal. Non seumais il surveilmme en campagne, sa nourattentivement, afin de ne rien manger de canoniquementMasil
c'tait
un
militaire
refusait sa part de butin,
qu'il refusait
mme
les volailles et le miel
apports par les paysans. Quand il -ne trouvait pas d'aliment incontestablement lgitime, il mangeait, dit-on, de l'argile, et ne renonait ce rgime que
pour ne pas tre responsable de sa propre mortPeut-tre
(77).
Ibrahim lui-mme, car cette conl'hagiographe qu' duite semble assez diffrente de celle que nous lui avons vu en gnral tenir. La lutte tait assez vive, durant les dernires annes de la vie d'Ibrhm, entre les califes arabesl'exagration incombe-t-elleici
plutt
et les le
empereurs byzantins. En 746, Constantin V, grand iconoclaste, avait pris Germanika en Syrie;
l'anne suivante, sa flotte avait battu l'escadre arabe devant Chypre reconquise. Mlitne avait t prise par les Grecs puis par les Musulmans, quand, en 761, le calife 'abbasside Al Manor avait pris l'offensive.
La
Cilicie tait
une des provinces
les plus disputes
Biliya
Qouchayr, 9 ; Ann, 70 ; Jm, Nafaht ; Ibahiil, ; Abofda, Annales, II, 42 ; Yqot, Mu^jcan, dit. Wustenfeld, m, 196, 14 ; Ibn Batouta, op. cit., I, 172. (77) Chatrwl, 59.(76)
60
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
enet,
mme temps
que
la
base de raids priodiques.
En
778,
Lon IV organisait une expdition sur la S3Ti en 779, repoussait une invasion arabe en Anatolie.
Puis l'impratrice Irne fait attaquer son tour. Bagdad, au faite de sa prosprit, ripost. En 782, Hron, le futur Al Rachd, fils du calife Al Madhi, fonce la tte d'une grande arme o figurent les khorassaniens vtus de oir, bat les Grecs jen Lydie, arrive jusqu'au Bosphore et impose une trve. Devenu calife, il entreprend avec succs de nouvelles campagnes, remporte une victoire navale sur les ctes de Pamphylie, puis subit quelques checs et reste somme toute sur ses positions (78). Il faudra plusieurs sicles encore et l'entre en scne des Turcs, seljoukides puis ottomans pour venir bout
de l'Empire et conqurir Constantinople. H y a en tout cas lieu de croire l'exactitude des rcits qui font mourir Ibrahim pendant une des nombreuses expditions contre les Grecs et qui placent sa tombe aux confins de la Syrie et de l'Asie Mineure. Son neveu, le pote Mohammed ibn Kounsa (79), fils de sa sur, parle dans ses vers de la tombe occidentale du grand ascte dont il clbrele
douceur
dtachement, l'austrit, l'acuit d'esprit, la et le courage.
Sur Abo Ishq Ibrahim ibn Adham ibn Manor ibn Yaztd ibn Jbir al Tamtm al Hjli, voir notamment :Qpuchajr, Rtsla, dit. du Caire, 1319 H., p. 8-9, et les comiSntaires d'Al Anr et AI 'Arosi (.Nattj al afkr al qoud.sia d'Al 'Arosi, Boiilaq, 1290/1873).(78) Ch. Diehl et G. Marais, Le Monde Oriental de 395 i081, (Histoire gnrale pub. s. l dr. de G. Gotz), 1936, Notons que Chaqq.al Balkh, le dis*^252-253 et :358-359. ciple d'Ibrhm, fut tu en 194/809 la prise de Ka'wlb.
;
(79)
Mort en 207/822
Kitb al Aghn, XQ, 113,
7.
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
61
Abo Nar al Sarrj, Kitb al luma^, dlt. Nlcholson, 1911, p. 103-105, 1507-164, 178. {Abdallah ibn As 'ad al Yfl' Rawdh al rayhin. Le Caire, 1307 H., p. 86, 100, 162, 170, 173, 265, 298. 'Abderra'of al Moun\V, Kawktb al dourriya, Ms arabe 6490, indit. Bibliothque Nationale, fol. 36-37. Abdalwahhb al Cha'rwi, Thabaqt al Koubra, 1343/1925, t. I, p. 59,Hujwr, Kachf al Mahjob, trad. angl. Nicholson, 1911, p.103;-
~
'Abdarrahman al afoB, Nazhat al majlis. H, p. 51. Abo Nou'm al Ibahn, Hiliyat al Awliya, Le Caire, Vn, 1937, pp. 367-395,"~.~Vin, 1938, p. 3-58. Abo Thlib al Makk, Qot al Qoalob, I, 108, U, 67.1794,teil,
t.
Aboulfda, Annales, dit. Reiske, arabe et latin, 5 vol., 1789t. n, p. 42. Farideddin 'Attr, Mmorial des Saints, Trad. Pavet de Courji
1889, p. 78-97. R. Nicholson, Ibrahim ibn Adham, in Zeitschrift fur Assyriologie... Strassburg, 1912, t. XXVI, pp. 215-220 ; et article Ibrahim ibn Adham dans l'Encyclopdie de l'Islam. I. Gol dziher, The influence of Buddhism upon Islam, communication l'Acadmie des Sciences de Hongrie, 30 mars 1903, compite rendu par T. Duka dans Journal of the Royal Asiatic Society, 1904, p. 132. Jakob Hallauer, die Vita des Ibrahim ibn Edham in der Tedhkirat al EvUya des Ferid ed-din Attar, Ble, 1925. Ibn Khalllkn, Wafayt, trad. angl. de Slane, Biographical dictionary, 1843, t. II, p. 13. Ibn Batouta, Voyages, trad. Defrmery et Sanguinetti, 4 vol., 1853-59, t. I, p. 172. Louis Massignon, Essai sur les origines du lexique technique de ta myytique musulmane, 1922 ; et Al Hdllj, martyr
^
:
j
\
('
mystique de l'islam, 1932.
-i-:'r^ry
'^-v:^^-^f^mK
FOUDHAYL LE COUPEUR DE ROUTES
femme, Foudhayl ne cessait de penser Quand il ne pouvait aller la trouver, il s'arrtait en quelque lieu dsert, voquait son image et pleurait. C'tait pour elle qu'il cherchait les trsors de ce monde. Ce soir-l, il. venait d'escalader un mur, le long d'une route, et l'attendait. Et voici que vint passer une caravane, o quelqu'un, balanc au sommet d'un chameau, psalmodiait le Coran en cadence. Le temps n'est-il pas arriv pour les curs desCetteelle.
croyants de s'humilier la pense d'Allah ? Ces mots de la belle sourate du Fer s'enfoncrent comme une flche dans le cur de Foudhayl.
Oui,
s'cria-t-il. Il est
arriv
I
n
est arriv
!
Revenant sur ses pasd'une ruine,il
la nuit prs s'apprtait s'y installer pour doret surpris
par
mir quand il entendit des voix. Foudhayl le coupeur de routes, Foudhayl est sur la route. Il nous faut rester ici. Noui^ ne pouvons partir avant le jour. Foudhayl est sur la route.
64
VIES DES SAINTS
MUSULMANS
V
Car Foudhayl ibn 'lydh tait un brigand qui opavec sa bande sur les grands chemins entre Abiward (Bverd) et Sarakhs, au fond du Khorssn, aux limites mridionales du dsert de sable des Turkmnes. C'tait un brigand redout, mais ce" n'tait pas un brigand ordinaire. Nous ne savonsrait
quelles circonstances l'avaient conduit ce mtierqu'il exerait'^
.
en y apportant le maximum de vertus compatibles avec le vol et le meurtre, car il avait, assure-t-on, un penchant naturel pour l bien (1).
tion,
Vertus humaines d'ordre, de mthode, de modrade gnrosit, de dsintressement, et mihe vertus surnaturelles de religion que bien des honntes gens eussent pu envier ce bandit.
Tout d'abord, une rigoureuse exactitude quand on partageait le butin, il s'en adjugeait, comme chef, la plus forte part et distribuait le reste ses compa:
gnons, en tenant registre crit des quotits qui revenaient chacun. Si une dame se trouvait dans la caravane attaque, il veillait lui viter tout spec;tacleil
choquant
et il l'exemptait
du
pillage.
A
chacun
prenait selon ses
moyens
:
aux peu fortuns,
Mme
et tous il exerc avec cette modration, le mtier tait d'ailleurs assez lucratif, car il passait beaucoup de caravanes richement charges entre le Turkestan et la Perse et la rgion de Sarakhs tait particulirement bien place. Un jour, les bandits aux aguets virent arriver une nombreuse caravane. Un marchand de celle-ci, s'apercevant de l'embuscade, prit sa course dans la campagne avec une bourse pleine d'argent. Il tomba(1)
rien aux pauvres, peu laissait quelque chose.
'Attr,
70.
'F^^^'iV r
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VIES DES SAINTS
MUSULMANS
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sur une tente o se trouvait, vtu d'une tunique d'toflfe grossire, coiff d'un bonnet de feutre et
portant au couil
un longaffaire.
chapelet,
un homme auquellaisser ici ton
expliqua son
Tu peux
argent , dit cet
homme,
et le
marchand, ayant d-
pos la bourse dans la tente, rejoignit ce qui restait de la caravane. Les bandits avaient emport les marchandises, l'exception d'une faible partie, et ils avaient jet terre les voyageurs ligots. Le marchand dlia ses compagnons, puis repartit chercher sa bourse. Arriv devant la tente, il y trouva les voleurs en train de se partager le butin sous laprsidence de l'homme auquel il avait parl tout s'cria-t-il en cherchant l'heure. Malheur moi fuir. J'ai confi mon argent - des brigands I > Mais Foudhayl le fit revenir et lui dit de reprendre sa bourse l o il l'avait dpose. Puis il lui rendit sa libert. Les hommes grognrent, car ils n'avaient justement pas trouv d'argent en espces dans la caravane ; mais le chef dclara, premptoire : Cet!
hommeje
a eu pleine confiance en moi vrai pas sa confiance. Et il ajouta
;:
je
ne dce-
Pour moi,
Dieu et j'espre qu'il ne me dcevra pas. > autre fois, les bandits, ayant dispers une caravane, se mirent manger devant un des survivants qui leur, demanda o tait leur chef.fie
me
Une
Notre au pas en train de sa prire. pied de cet arbre, Mais ce pas l'heure de prire. C'est une prire surrogatoire. venir manger avec vous Non jene aujourd'hui.chef, dirent-ils, n'estl-bas,ici;
il
est
faire
n'est
la
qu'il
fait
Va-t-il;
?
il
-^ Mais ce
n'est
pas
le
mois de ramadhn.
iB6
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C'est un jene surrogatoire qu'il observe. Assez tonn comme cela se conoit, le malheureux voyageur se rendit auprs de Foudhayl, attendit qu'il et termin sa prire et lui demanda com-
ment.
j
l
,
I
pouvait concilier le jene, la prire et le brigandage. Foudhayl se mit alors lui rciter le Coran et notamment le verset 103 de la neuvime D'autres ont avou sourate, celle du Repentir leurs fautes. Ils ont ainsi ml une bonne action une autre mauvaise. Il peut se faire qu'Allah revienne eux. En vrit, Allah pardonne. il:
Foudhayl n'exigeait sans doute pas de ses brigands des jenes et des oraisons surrogatoires ; on nous assure toutefois (mais ici Al 'Attr doit exagrer comme il lui arrive l'occasion) qu'il renvoyait ceux qui ne s'acquittaient pas ponctuellement des cinq prires quotidiennes d'obligation.
Tel tait l'homme dont parlaient en tremblant les voyageurs surpris par la nuit dans une ruine des frontires du Khorssn. Mais Dieu avait retourn le cur de Foudhayl. Le brigand s'avana vers le groupe et dit Vous n'avez plus rien craindre de Fou-
:
dhaylIl
(1).
commena par essayer de rparer ses torts. Mais comment retrouver des grains de sable sur unevoulut se rconcilier avec ses ennemis. Un dont rien ne pouvait teindre la Je ne serai satisfait que si rancune, lui dclara tu nivelles le monticule qui s'lve tel endroit. Il s'agissait d'une colline {)roche de la ville et que
plage
? Il
Juif d'Abiward,
:
(1)
'Attr,I,
69-7158,
;
Qouchayrl, 9
;
Ibn KhallUcn, H, 478
;
Cha'rYrf,
VIES'
DES SAINTS MUSULMANS
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aplanir en travaillant nait l'uvre, passant ses jours et ses nuits transporter du sable dans un couffin et sans qu'il y part. Mais une nuit, la tempte s'leva si violente qu'elle balaya compltement la colline de sable. Le Juif alors dit Foutoute la population n'et
pu
pendant des mois. Foudhayl se
dhayl
je recevais de toi de j'ai l'argent. Comme tu n'en as pas, prends cette bourse qui est sous ce coussin et paye-moi avec ce qui est
faudra bien que jur de ne le faire que si:
Il
je te
pardonne, mais
dedans. Foudhayl prit la bourse et en retira une poigne d'or qu'il tendit au Juif. Et celui-ci de se
prononcer la profession de foi musulbourse ne contenait que de la terre qui s'tait change en or dans la main d'un homme au cur sincre. Et Allah est le plus savant. Alors Foudhayl rsolut de quitter un pays thtre de ses crimes et de partir pour la Mecque. Il prvint sa femme, lui offrant de lui rendre sa libert. Mais Je ne me sparerai pas de toi. sa femme dclaralever et de:.
mane
la
:
O queEtils
tu sois, je m'y trouverai pour te servir. partirent tous deux pour la Maison sacre (1).
**Foudhayl ibn 'lydh ibn Mas'od ibn Tlakni al Foundin tait n, sans doute, Abiward, d'une famille d'origine arabe tammite, parat-il, tablie au fond du Khorssn. Foundn est une bourgade des environs de Mervv, qui est une des villes les plus anciennes du monde dans une oasis du grand dsert de sable (2). 'Ali
*
Abo
Bichr
al
(1) (2)il
'Attr,
71-72.;
Ibn Khalllkn, H, 478
Abiward.
aurait t originaire de
Samarkand ou de Bokhra
Qouchayr,
9.
Suivant certains,et lev
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^*-
^^t*
-
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*
''1
,
4rr' r, ''"''^'''i'-2r'Mr'
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Converti, avant sjourna, Kofa,religieuses,
de
s'installer
La Mecque,
il
o il tudia les diverses sciences notamment celle du hadts ou des tradi-
tions, base de la sounna. Il semble d'ailleurs avoir pratiqu cette science de faon assez large, s'intressant plus au fond des penses qu' l'authenticit des transmissions. C'est ainsi que, le premier parnai les sounnites et avant Dzo'l Non al Mir, il cite le recueil attribu Ja'far al diq, l'imm deschi'ites, et
qu'il
admet
les hadts
du quelque peu
lgendaire
Oways
Qarari (1).
S'il s'attachait relativement peu la critique externe de Yisnd des traditionsj c'est--dire la chane des rapporteurs ayant transmis chacune d'elles, ce n'est pas qu'il mconnt la mthode historique, mais plutt parce qu'il dsesprait de pouvoir l'appliquer correctement. Dans la masse formidable des traditions, que devaient laguer pratiquement, mais sans rsoudre compltement le
problme gnral, Bokhr-
et Moslim, comment discerner les authentiques ? La critique mlisulmane des
-
sicles, dsesprant de toute autre mthode, s'effora de classer les hadts, de faon purement externe, d'aprs la valeur plus ou moins assure de la chane de transmission (isnd). La critique europenne moderne, s'attaquant au fond et cher-
premiers
(1)
un ascte du Ymen dont le parfum de saintet serait venu jusqu' Mohammed, mais qui ne se rendit au Hijaz qu'aprs la mort du Prophte. Il vcut, comme Foudhayl, Kofa, et serait mort A la bataille de Siffn, en 31/657, combattant pour 'Ali. Il s'tait fait arracher une dent, la mme que celle que Mohammed perdit Ohod, pour se conformer l'Envoy de Dieu. Bokhari cartait ses hadits comme faibles : Mlik mettait en doute mme son existence. Cf.tait
L. Massignon, Lexique, pp. 141, 180, 184,
Oways
al'
Qaran
Attr, 11-19.
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chant percer les intentions, tend nier en principe tout hadits qui aurait pu tre forg pour appuyer une thse, donner un thologien, un moraliste, un juriste, un politicien, la tentation de l'inventer ou de le rattacher arbitrairement au Prophte,'
pour rsoudre un problme
et
venir
au
secours de sa dialectique. Ce qui doit tre trs souvent vrai ; mais point toujours ; car nous ne pouvons prtendre limiter si troitement le champ deposition
des problmes ni celui des penses que
pouvaient exprimer
Mohammed
et ses
compagnons.
Foudhayl, semble-t-il, et quelques autres, durent trouver que la critique externe pousse fond nelaissait
de substantiel.ger,
plus subsister grand'chose d'intressant et Des traditions sur la faon de mande se laver ou sur le bois des cure-dents de
arrivent avec un isnd impeccable, tanque des sentences d'une haute porte religieuse, morale ou mystique n'en ont qu'un faible ou court. Ne convenait-il point de tenir compte plus encore de la nature du tmoignage que de la qualit des tmoins, pourvu que ce tmoignage ft en accord avec l'ensemble de la Tradition, la conscience gnrale de la communaut et cette autre pierre de touche de la vrit qu'est le cur purifi de l'homme ? Sans aUer jusqu' formuler en ces termes le prodis
Mohammed
blme, certains s'arrogeaient le droit d'accepter et de propager des hadits sans isnd, voire d'en forger en mettant, par une sorte de fiction littraire, dans la bouche -du Prophte, des paroles qu'il aurait pu
prononcer, ou encore de prsenter comme hadits phrase reue en rv ou en extase d'un prophte : Mohamme'd, Jean-Baptiste, David, Enoch,telle
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