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Neurophysiol Clin (1992) 22, 249-260 249 © Elsevier, Paris M~moire original l~lectromyographie faciale, linguale et pharyng~e chez l'enfant: une m~thode d'~tude des troubles de succion-d~glutition et de leur physiopathologie F Renault, J Raimbault Laboratoire de neurophysiologie clinique de l'enfant, h6pital Armand-Trousseau, 28, av du Docteur Arnold-Netter, F-75571 Paris 12, France (Requ le 23 septembre 1991 ; accept6 le 27 mars 1992) R~sum~ - Les auteurs d6crivent un protocole d'examen 61ectromyographique mis au point dans le but d'6valuer la fonction de succion-d6glutition et d'6tudier la physiopathologie de ses troubles chez le nouveau- n6 et le nourrisson. Ce protocole associe plusieurs techniques, les unes classiques (EMG des peauciers de la face et du nerf facial et r6flexes de clignement), les autres originales (EMG de la langue et du nerf grand hypoglosse, EMG du voile du palais, 6tude dynamique de la succion-d6glutition d'un repas liquide au biberon). Pour chaque technique les modalit6s de r6alisation pratique sont d6taill6es ainsi que les r6sultats normaux de la naissance & 3 ans. Les auteurs rapportent les anomalies observ6es en pathologie et discu- tent leur signification et leur apport dans les principaux cadres nosologiques. Ils soulignent l'int6r~t de ce protocole EMG pour appr6cier la maturation de la succion-d~glutition, d6montrer les troubles anato- mofonctionnels du tronc c&6bral et ainsi approcher la physiopathologie des pneumopathies d'inhalation, des difficult6s d'alimentation, et des malformations bucco-faciales. ~lectromyographie / d~veloppement / troubles de la d~glutition Summary - Facial, lingual and pharyngeal electromyography in children: a method to study sucking- swallowing disturbances and their pathophysiology. The authors describe an electromyogaphic protocol developed with the aim of evaluating the sucking-swallowing function and of studying the pathophysiology o fits disturbances in the newborn and in infants. Thisprotocol consists of associating several techniques. Some of them are traditional: EMG of the facial muscles and nerves and blink reflex, while others are original: EMG of the tongue and hypoglossal nerve, EMG of the velum palatinum, and a dynamic study using a baby bottle, of the sucking and swallowing reflex for a liquid meal. For each technique, practical procedures are described together with normal results observed between birth and 3 years of age. The authors report on abnormalities observed in pathological conditions and discuss their significance in major nosological contexts. They emphasize the value of this EMG protocol in assessing the sucking-swallowing reflex, in revealing anatomo-funetional disturbances in the brainstem and in tackling the pathophysiolo- gical aspects of aspiration pneumopathies, feeding difficulties and bucco-facial malformations. electromyography / development / swallowing disturbances

Électromyographie faciale, linguale et pharyngée chez l'enfant: une méthode d'étude des troubles de succion-déglutition et de leur physiopathologie

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Page 1: Électromyographie faciale, linguale et pharyngée chez l'enfant: une méthode d'étude des troubles de succion-déglutition et de leur physiopathologie

Neurophysiol Clin (1992) 22, 249-260 249 © Elsevier, Paris

M~moire original

l~lectromyographie faciale, linguale et pharyng~e chez l'enfant: une m~thode d'~tude des troubles

de succion-d~glutition et de leur physiopathologie

F Renault, J Raimbault

Laboratoire de neurophysiologie clinique de l'enfant, h6pital Armand-Trousseau, 28, av du Docteur Arnold-Netter, F-75571 Paris 12, France

(Requ le 23 septembre 1991 ; accept6 le 27 mars 1992)

R~sum~ - Les auteurs d6crivent un protocole d ' examen 61ectromyographique mis au point dans le but

d'6valuer la fonction de succion-d6glutition et d'6tudier la physiopathologie de ses troubles chez le nouveau- n6 et le nourrisson. Ce protocole associe plusieurs techniques, les unes classiques (EMG des peauciers de la face et du nerf facial et r6flexes de clignement), les autres originales (EMG de la langue et du nerf grand hypoglosse, EMG du voile du palais, 6tude dynamique de la succion-d6glutition d ' un repas liquide

au biberon). Pour chaque technique les modalit6s de r6alisation pratique sont d6taill6es ainsi que les r6sultats normaux de la naissance & 3 ans. Les auteurs rapportent les anomalies observ6es en pathologie et discu- tent leur signification et leur apport dans les principaux cadres nosologiques. Ils soulignent l'int6r~t de ce protocole EMG pour appr6cier la maturat ion de la succion-d~glutition, d6montrer les troubles anato-

mofonctionnels du tronc c&6bral et ainsi approcher la physiopathologie des pneumopathies d ' inhalation, des difficult6s d 'a l imentat ion, et des malformat ions bucco-faciales.

~lectromyographie / d~veloppement / troubles de la d~glutition

Summary - Facial, lingual and pharyngeal electromyography in children: a method to study sucking- swallowing disturbances and their pathophysiology. The authors describe an electromyogaphic protocol developed with the aim o f evaluating the sucking-swallowing function and o f studying the pathophysiology o f i t s disturbances in the newborn and in infants. Thisprotocol consists o f associating several techniques. Some o f them are traditional: EMG o f the facial muscles and nerves and blink reflex, while others are original: EMG o f the tongue and hypoglossal nerve, EMG o f the velum palatinum, and a dynamic study using a baby bottle, o f the sucking and swallowing reflex for a liquid meal. For each technique, practical procedures are described together with normal results observed between birth and 3 years o f age. The authors report on abnormalities observed in pathological conditions and discuss their significance in major nosological contexts. They emphasize the value o f this EMG protocol in assessing the sucking-swallowing reflex, in revealing anatomo-funetional disturbances in the brainstem and in tackling the pathophysiolo- gical aspects o f aspiration pneumopathies, feeding difficulties and bucco-facial malformations.

electromyography / development / swallowing disturbances

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250 F Renault, J Raimbault

Introduction

C'es t in i t ia lement dans le bu t d ' o b j e c t i v e r les t roubles neuro log iques responsables

des pneumopa th i e s d ' i n h a l a t i o n du nour r i s son que nous avons mis au po in t une tech-

nique d ' e x p l o r a t i o n d l ec t romyograph ique (EMG) de la succ ion-ddglu t i t ion c o m p o r -

rant la ddtec t ion de l ' ac t iv i t6 dlectr ique de muscles bucco-pharyngds lors des cris et

l ' en reg i s t r emen t coupld d ' u n muscle l ingual et d ' u n muscle sous-hyoi 'd ien p e n d a n t

la prise d ' u n repas l iquide au b ibe ron (Ra imb a u l t et al, 1977).

Cet te mdthode a permis de met t re en dvidence des a t te intes neuromuscu la i re s pdri-

phdr iques et su r tou t des anomal ies neurofonc t ionne l l e s centrales chez des nouveau-

nds et nour r i s sons ayan t des diff icul tds d ' a l i m e n t a t i o n et des compl i ca t ions b ron-

chopulmonai res (Renault et Raimbaul t , 1986; Renault et al, 1989). Ces premiers rdsul-

ta ts nous ont amends ~ ddve lopper ce type d ' e x p l o r a t i o n s dans le bu t d ' a p p r o c h e r

la phys iopa tho log i e des t roub les de succ ion-ddglu t i t ion , qu ' i l s soient isolds, associds

d ' a u t r e s t roubles des rdgula t ions digest ives et ca rd io resp i ra to i res , ou qu ' i l s en t rent

dans le contexte de m a l f o r m a t i o n s bucco-fac ia les . Nous app l iquons ma in t e na n t un

p ro toco l e d ' E M G facial , l ingual et pha ryngd don t nous prdsentons ici les modal i tds

techniques et les rdsul tats n o r m a u x de la na issance ~ 3 ans.

M~thode

Notre protocole consiste h 6tudier les territoires bucco-faciaux par les techniques EMG classi- ques de ddtection et de stimuloddtection, ~ enregistrer les rdflexes trigdmino-faciaux de cligne- ment Blink-Reflex (BR), et h pratiquer une 6tude dynamique de la succion-ddglutition du biberon. Ainsi plusieurs mdthodes sont utilisdes de faqon convergente pour tester les diffdren- tes struc~:ures impliqudes dans la fonction de ddglutition : muscles, nerfs crfiniens, relais inter- nucldaires et centres rdgulateurs.

Muscles de la face, de la langue et du voile du pala&

L'activit6 EMG est ddtectde par une aiguille-61ectrode bifilaire concentrique de tr6s fin calibre (0,35 mm). Les cris du tout-petit enfant, affam6 par un jefine de 4 h, sont l 'occasion d'enre- gistrer dans les diffdrents muscles bucco-faciaux une bouffde d'activit6 riche interfdrentielle. Nous distinguons la contraction initiale en rdaction ~ l 'introduction de l'aiguille-61ectrode, qui 6quivaut hun rdflexe nociceptif, et le cri prolong6 ou rdpdtitif favoris6 par l 'dtat de jefine, que nous assimilons h une contraction volontaire maximale. L'enregistrement continu pendant 2

5 s permet d'analyser l 'aspect gdndral et l 'amplitude moyenne du trac6 ainsi que la morpho- logie et la durde des potentiels d'unit6 motrice (PUM). Les stimulations nerveuses sont utilisdes pour l 'analyse des morphologies, latences et amplitudes des rdponses motrices et rdflexes et pour la mesure des vitesses de conduction nerveuse (VCN). Nous utilisons un choc 61ectrique carr6 bref (0,2 ms) d'intensit6 supramaximale (30 ~t 70 mA). Nous ddcrirons les particularitds des techniques selon les muscles abordds, faciaux, linguaux puis pharyngds, ordre dans lequel nous les explorons successivement chez chaque enfant, toujours de faqon bilatdrale comparative.

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EMG de d6glutition 251

Muscles peauciers de la face et nerf facial (VII) Orbieulaire des l~vres (OL). I1 assure l'occlusion des 16vres, qui sont maintenues serr6es sur la t6tine. L'OL est abord6 dans sa portion externe, dite marginale, ~t plus d ' l cm en dehors de la commissure labiale. La stimulation du VII est appliqu6e au point pr6tragien puis en un point distal de la branche cervicofaciale (BCF) du VII le long de la portion horizontale de la mandibule. Orbiculaire des paupi~res (OP). I1 permet l'6tude de la branche temporofaciale (BTF) du VII et des boucles r6flexes V-VII (BR). Le VII est stimul6 au point pr6tragien. La stimulation du nerf sus-orbitaire par un m~me choc bref appliqu6 sur l'6chancrure sus-orbitaire permet de rioter la pr6sence des r6ponses r6flexes homolat6rales et controlat6rales et la valeur de la latence de chaque composante.

Muscle gdnioglosse et nerf grand hypoglosse (XII) Ce muscle est abord6 par voie endobuccale, sur la face ventrale de la langue, un peu en dehors de la ligne m6diane apr6s anesth6sie muqueuse par attouchement avec une solution de xylo- ca'fne. On enregistre les trac6s de contraction non seulement lors des cris mais aussi lors de la succion d'une t6tine non alimentaire off l 'on 6tudie les caract6ristiques de l'activit6 rythmi- que de succion : dur6e, amplitude moyenne, richesse et fr6quence des vol6es de PUM. Le XII est stimul6 en un point proximal en arri6re de la branche montante de la mandibule puis en un point distal, sous-mentonnier.

Muscles du voile du palais Les muscles que nous explorons sont choisis en fonction de leur accessibilit6 et de leur r61e dans le temps pharyngien de la d6glutition. t~ldvateur du voile. I1 est innerv6 par le neff vague (X). Ses fibres se d6ploient dans la por- tion large, param6diane du voile. Sa contraction provoque l'616vation et le recul du voile emp~- chant ainsi le reflux nasal. L'insertion de l'aiguille-61ectrode se fait 10 ~t 15 mm en dehors de la ligne m6diane, ~ 2 ou 3 mm de profondeur sous la muqueuse. Glosso-staphylin. Innerv6 par le plexus pharyngien qui associe des fibres du X et du glosso- pharyngien (IX), sa contraction resserre le voile contre la base de la langue. Ce muscle est enregistr6 en implantant l'61ectrode dans le pilier ant6rieur, juste en sous-muqueux. Pharyngo-staphylin. I1 est innerv6 par le IX et il constitue le pilier post6rieur. Sa contrac- tion participe, avec l'616vateur du voile, ~ la fermeture de l'orifice pharyngo-nasal.

F~tude dynamique de la succion-ddglutition

Cette technique consiste h enregistrer simultan6ment, grace ~ des aiguiles-61ectrodes monofi- laires de 0,30 mm de diam6tre, deux muscles: l 'un t6moin du temps buccal, l 'autre t6moin du temps pharyngien, pendant la prise au biberon d 'un repas liquide (lair artificiel non 6paissi ou eau sucr6e). Nous avons choisi pour le premier temps le gdnioglosse que nous abordons ici par vole trancutan6e sous-mentonni6re afin de laisser le libre acc6s/t la cavit6 buccale pour l'alimentation. L'aiguille-61ectrode est implant6e en dehors du muscle digastrique, elle tra- verse le mylo-hyoidien dont la mise en jeu est synchrone du g6nioglosse (Doty et Bosma, 1956). Pour le deuxi+me temps, le thyro-hoidien a l'avantage d'etre facile ~t rep6rer puisqu'il s'ins~re sur la face lat6rale du cartilage thyroide. L'enregistrement est poursuivi pendant toute la prise

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252 F Renault, J Raimbault

du repas, permettant d'analyser l'activit6 de chacun des deux muscles et de suivre la chrono- logie de leur mise en jeu, appr6ciant ainsi la coordination des deux premierg temps de la d6glu- tition au cours du repas.

Alors que les pr6c6dentes m6thodes sont applicables ~t tout age, cette derni~re exploration, dite dynamique, est r6serv6e au tout-petit. Elle n'est qu'exceptionnellement entreprise chez les enfants de plus d'l an.

R~sultats normaux de la naissance ~ 3 ans

E M G de dOtection

Les caract6res particuliers des petits muscles explor6s et les conditions de notre exa- men font que les trac6s normaux ont un aspect g6n6ral riche et interf6rentiel; les

muscles peauciers, oculaires et pharyng6s ont pour un faible volume musculaire, un tr6s grand nombre d'unit6s motrices (Feinstein et al, 1955) et les contractions enre- gistr6es sont assimilables ~ des contractions maximales puisqu'il s'agit de r6flexes nociceptifs ou de cris.

L'amplitude des trac6s, mesur6e chez 32 sujets t6moins n6s /t terme ~g6s de 4 j 3 ans, a des valeurs dispers6es entre 400 tzV et 1,2 mV (moyenne = 850 ~zV) pour

I 'OL et I 'OP, entre 420 ~zV et 1,5 mV (moyenne = 960 ~V) pour le g6nioglosse, de

380/zV/t 1,8 mV (moyenne = 1,3 mV) pour les muscles pharyng6s, Dans ces der- niers muscles, l 'amplitude moyenne est toujours plus grande lors des contractions r6flexes (naus6eux ou nociceptifs) que lors des cris.

Les PUM ont 6t6 analys6s manuellement sur des 6chantillons de trac6s d 'une dur6e

de 100 ms avec une base de temps de 5 ms/cm. Les PUM ont une dur6e de 1 ~ 4,6 ms, entre 2 et 4 ms pour plus de 50% d'entre eux dans I 'OL et I 'OP, entre 1 et 2 ms pour plus de 50% d'entre eux dans les muscles de ta langue et du voile du palais. La proportion de potentiels polyphasiques est sup6rieure ~ 30% dans tous ces muscles.

E M G de stimulo-d~tection (tableaux I e t II)

Les donn6es concernant le VII et le XII ont d6j~t fait l 'objet d 'un rapport d6taill6 off sont collig6es les valeurs moyennes et 6carts types des diff6rents parambtres dans une large population de sujets normaux (Raimbautt, 1988). Nous rappellerons les principaux r6sultats de cette 6rude normative pour la tranche d'age qui nous int6- resse ici, chez 211 enfants de la naissance b, 3 ans.

Muscles peauciers de la face et VII La r6ponse motrice a une morphologie trbs polyphasique, avec une dur6e moyenne de 8 ~ 12 ms, une amplitude de 0,8/~ 1,2 mV. Les latences des r6ponses obtenues par stimulation au point pr6tragien n 'ont pas de variation significative entre la nais- sance et 3 ans. Les valeurs extremes sont de 3,6 h 7 ms pour I 'OL de 2,3 ~t 3,8 ms

pour I 'OP.

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EMG de d6glutition 253

Tableau I. Latences des r6ponses des muscles faciaux et linguaux chez 211 enfants de 0 h 3 ans.

Age Nombre de sujets Nerf Nerf (an) facial Grand Hypoglosse

Lat Orb L Lat Orb P Lat G~nio G (ms) (ms) (ms)

0 - 1 120 5,3 _+ 1,7 3,1 _+ 0,8 3,8 ___ I 1 - 3 91 5,4 + 1,6 3,3 ± 0,5 3,5 +__ 1,1

Valeurs moyennes + 1 DS. Lat Orb L : latence de la r6ponse du muscle orbiculaire des 16vres par stimula- tion du VII au point pr6tragien; Lat Orb P: latence de la r6ponse du muscle orbiculaire des paupi6res

la stimulation du VII au point pr6tragien ; Lat G6nio G : latence de la r6ponse du muscle g6nioglosse la stimulation du XII au point sous-angulo-maxillaire.

Tableau II. Vitesses de conduction des nerfs facial et grand hypoglosse chez 211 enfants de 0 ~t 3 ans.

.'tge Nombre de sujets Nerf facial (BCF) Nerf Grand hypoglosse VCN (m/s) VCN (m/s)

moyenne +_ 1 DS moyenne +_ 1 DS

0 - 3 0 j 18 19 + 2,5 23,5 _+ 2,1 1 - 2 mois 14 21,4 ± 3,4 24,1 + 2,2 2 - 4 mois 12 24,5 _+ 3,9 26,6 + 2,7 4 - 6 mois 24 26,3 +_ 2,8 28,8 + 2,9 6 - 8 mois 23 29,1 _+ 3,3 31,8 + 3,4 8 - 1 0 mois 15 31,7 _+ 3,7 34,3 _+_ 2,9 10-12 mois 14 33,3 ___ 3,3 35,7 + 3 12-18 mois 30 36,1 _+ 3 37,4 __+ 3,7 18 m o i s - 2 ans 27 37,5 ± 4,7 40,6 _+ 2,7 2 - 3 ans 34 39,5 ± 2,7 42 _+ 3

BCF: branche cervico-faciale. Les distances entre les deux points de stimulation sont (en mm) de 34,6 _+ 6,6 avant 12 mois et de 48,7 + 9,7 de 1 & 3 arts pour la bcf; 32,5 ± 9,3 avant 12 mois et 36,1 _+ 6,5 de 1 & 3 ans pour le XII.

N o u s 6 t u d i o n s la V C N p o u r la B C F : la d i s t a n c e e n t r e les d e u x p o i n t s de s t i m u l a -

t i o n y es t p lu s g r a n d e q u e s u r la B T F , la m e s u r e y est d o n c p l u s f i ab l e . L a V C N

de la B C F d u V I I c o n n M t u n e acc616ra t ion i m p o r t a n t e r e f l 6 t a n t la m a t u r a t i o n ne r -

veuse , s u r t o u t a u c o u r s d e la p r e m i 6 r e a n n 6 e de la vie, p e n d a n t l a q u e l l e l ' a u g m e n t a -

t i o n est de 4 2 , 8 % . Les v a l e u r s m o y e n n e s s o n t d e 19 m / s d a n s le p r e m i e r m o i s ,

26 ,4 m / s e n t r e 4 et 6 m o i s , 36 m / s e n t r e 12 et 15 m o i s , 39 ,5 m / s e n t r e 2 ,5 et 3 ans .

Les l a t e n c e s des c o m p o s a n t e s d u B R o n t u n e m a t u r a t i o n t r6s rap±de, a t t e i g n a n t

les v a l e u r s n o r m a l e s de l ' a d u l t e a v a n t le 6 e m o i s p o u r R1, a v a n t la f in de la p r e m i 6 r e

a n n 6 e p o u r les c o m p o s a n t e s R2 . C e t t e 6 v o l u t i o n es t en a c c o r d a v e c cel le d6c r i t e p a r

V e c c h i e r i n i - B l i n e a u (1983) .

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254 F Renault, J Raimbault

Muscle gdnioglosse et X I I La r6ponse motrice a une morphologie polyphasique, une dur6e moyenne de 6 fl 10 ms, une amplitude de 0,8 fl 1 mV. Les latences par stimulation sous-angulo-maxillaire ne montrent pas de changement significatif entre la naissance et 3 ans, se situant entre 2,4 et 4,9 ms. La VCN du XII augmente de 34,2% dans la premi6re ann6e. Les valeurs moyennes sont de 23,5 m/ s dans le premier mois, 28,9 m / s entre.4 e t 6 mois, 36,5 m/ s entre 12 et 15 mois, 42,2 m / s entre 2,5 ans et 3 ans

EMG dynamique (fig 1)

Les r6sultats normaux ont 6t6 6tablis chez 33 enfants t6moins n6s fl terme, fig6s de 3 h 30 jours (6), 1 fl 3 mois (8), 4 fl 9 mois (14) et 10 fl 18 mois (5) et sont confirm6s par les r6sultats des explorations men6es chez des enfants qui se sont r6v616s a poste- riori indemnes de toute pathologie (126 sujets fig6s de 2 jours fl 18 mois).

L'activit~ linguale de succion s 'organise en vol6es d 'embl6e interf6rentielles mon- trant une rapide accentuation puis diminution de richesse et d 'ampli tude qui leur donne un aspect fusiforme. Les vol6es sont s6par6es par un repos quasi-complet : silence 61ectrique ou activit6 tr6s clairsem6e de tr6s faible amplitude. En d6but de repas, la dur6e moyenne calcul6e sur les dix premi6res succions est selon les enfants de 180 ms fl 460 ms (moyenne = 340 ms), sans corr61ation avec l'fige. La dur6e des vol6es augmente progressivement au cours du repas, de 35 fl 100%0, avec une aug- mentat ion du temps de repos intersuccion. Cette diminution progressive de la fr6- quence de succion s 'accompagne d 'une diminution de 20 h 35% de l 'ampli tude moyenne des vol6es. Les fr6quences observ6es vont de 0,6 fl 2/s (moyenne = 1,4/s). La diversit6 de la fr6quenCe initiale de succion, comme celle de la dur6e des vol6es, n 'est pas corr616e fl l'fige.

La succion peut s ' in terrompre brutalement, sans qu'il y ait eu ralentissement de la fr6quence, ni allongement de dur6e, ni diminution d 'amplitude. Elle reprend alors au rythme initial apr6s un repos de dur6e variable. Cette organisation en trains de succions, fl une fr6quence 61ev6e, entrecoup6s de relbos r~pond fl une g~ne fl l 'alimen- tation (t6tine obstru6e ou g~ne respiratoire); la m~me organisation est observ6e lorsqu 'on propose une t6tine non-alimentaire.

L "activit~pharyngde de d~glutition s 'organise elle aussi en vol6es de m~me aspect fusiforme, s6par6es par un repos, fl une fr6quence identique : chaque succion est sui- vie d 'une d6glutition chez le nouveau-n6 et le jeune nourrisson, fige auquel la d6glu- tition est indissociable du r6flexe de succion. Ce n'est qu'fl partir de 4 fl 5 mois (sujet le plus jeune de la s6rie: 4 mois 11 jours) que ce sch6ma moteur peut ~tre modifi6 par la volont6 de garder une gorg6e de lait dans la bouche sans l 'avaler. La dur6e moyenne des vol6es du thyrohyoYdien, calcul6e sur les dix premieres d6glutitions, est selon les enfants de 210 ms fl 520 ms (moyenne: 380 ms). Le d6but de la vol6e se situe de fagon variable par rapport fl la fin de l'activit6 linguale" selon les sujets et sans lien avec l'fige, le d6but peut se placer depuis 100 ms avant jusqu'fl 220 ms apr6s. Le d6but de la contraction linguale suivante peut de la m~me fagon se placer avant

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EMG de dSglutition 255

Fig 1. EMG dynamique de la succion-deglutition : enregistrement continu simultan6 a l'aiguille-61ectrode monofilaire, d'un muscle t6moin du temps buccal, le g6nioglosse (GG) et d'un muscle tOmoin du temps pharyngien, le thyrohyoi'dien (TH) pendant la prise d'un repas liquide au biberon. Trac6s normaux ~t l'~tge de 22 j chez un sujet t6moin n6/t terme. Trois extraits en d6but de repas (haut) et en fin de repas (milieu et bas). La raise en jeu des deux muscles est syst4matiquement alternante. Noter l'augmentation de duree des vol6es et des phases de repos en fin de repas. ML: quantit6 de liquide ing4rae.

la f in du t e m p s p h a r y n g i e n p r6c6den t ou b i en apr6s un b r e f in t e rva l l e p e n d a n t l eque l

les d e u x musc les son t au repos . Ce t t e c h r o n o l o g i e de raise en j e u des musc les va r ie

ainsi d ' u n e n f a n t g l ' a u t r e ma i s ne va r i e q u e tr6s p e u d ' u n e d 6 g l u t i t i o n / t l ' a u t r e au

cour s du r epas chez le marne e n f a n t .

Discussion

La s u c c i o n - d 6 g l u t i t i o n est une f o n c t i o n v i t a le du n o u v e a u - n 6 d o n t l ' 6 v a l u a t i o n est

essent ie l le /t p lus ieurs po in t s de vue . T o u t e a n o m a l i e de ce t te f o n c t i o n e x p o s e le

n o u v e a u - n 6 aux d i f f i cu l t6s d ' a l i m e n t a t i o n et aux b r o n c h o p n e u m o p a t h i e s d ' i n h a l a -

Page 8: Électromyographie faciale, linguale et pharyngée chez l'enfant: une méthode d'étude des troubles de succion-déglutition et de leur physiopathologie

256 F Renault, J Raimbault

tion. Elle implique l 'interaction de nombreux 616ments : face, langue, palais, pharynx, larynx et oesophage. Elle est une expression fondamentale du d6veloppement neuro- logique, t6moignant en particulier de l 'ontogen6se du tronc c6r6bral. I1 est donc utile de disposer d 'une m6thode qui permette de montrer la maturat ion de la succion- d6glutition et d 'objectiver d'6ventuelles anomalies.

Le choix des rndthodes

La d6glutition du nouveau-n6 humain a surtout 6t6 6tudi6e par les techniques mano- m6triques et cin6radiographiques (Ardran et al, 1958; Farriaux et Milbled, 1965). Seules les m6thodes radiologiques permettent de visualiser les fausses-routes. L'6cho- graphie a fait l 'objet d'6tudes r6centes chez le nouveau-n6 ~ terme et pr6matur6, au sein et au biberon (Smith et al, 1985; Bosma et al, 1990; Bu 'Lock et al, 1990) mais n 'est pas encore appliqu6e ~ la pathologie. L ' E M G n ' a 6t6 utilis6 qu 'en physiologie exp6rimentale chez l 'animal (Doty et Bosma, 1956) et chez l 'adulte sain (Hrycyshyn et Basmajian, 1972).

Nous avons concu un protocole d 'explorat ion EMG p6diatrique dans le but de compl6ter des donn6es cliniques et radiologiques purement descriptives par une m6thode permettant d 'appr6hender le support neurophysiologique de la succion- d6glutition et la physiopathologie de ses troubles. Chaque technique apporte sa part d ' information sur diff6rentes structures neuromusculaires impliqu6es : muscles, nerfs, noyaux et relais, centres r6gulateurs.

Les muscles peauciers de la face sont d6riv6s des cr6tes neurales m6senc6phaliques. Leur activit6 EMG reflbte le d6veloppement de leur tissu musculaire et le fonction- nement des motoneurones dont les corps cellulaires constituent le noyau moteur du VII. Les axones de la BTF destin6s au muscle OP sont issus des groupes cellulaires ventraux de ce noyau et ceux de la BCF destin6s au muscle OL, sont issus des grou- pes cellulaires dorsaux.

Les muscles de la langue et du voile du palais sont eux d6riv6s des cr6tes neurales rhombenc6phaliques. Leur activit6 EMG permet 'de la m~me fagon d'appr6cier la qualit6 de leur tissu musculaire et le fonctionnement de motoneurones des, IX, X et XII.

La composante RI du BR correspond ~ un arc r6flexe oligosynaptique entre le noyau sensitif principal du V et le noyau moteur du VII. La composante tardive R2 emprunte des relais polysynaptiques des structures param6dianes du tronc c6r6bral entre le noyau spinal du V e t les noyaux moteurs des deux VII (Boulu et al, 1981).

Ainsi, l 'application aux territoires bucco-faciaux des techniques EMG classiques de stimulo-d6tection est d6j/t suffisante pour interroger plusieurs structures anato- mofonctionnelles du tronc c6r6bral : noyaux du V, noyau moteur du VII, relais inter- nucl6aires V-VII, noyau ambigu et noyau du XII. Les mesures des latences motrices, des VCN et des BR explorent de plus un neff sensitif (nerf sus-orbitaire) et deux nerfs moteurs (VII et XII). Notre 6tude normative montre que l'acc616ration de la VCN de ces nerfs cr~niens est un indice de maturat ion des voles nerveuses dans les premi6-

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res ann6es de la vie. Vecchierini-Blineau (1983) a montr6 qu'il en est de m~me pour les latences des r6flexes de clignement.

L ' E M G dynamique compl6te encore l 'investigation neurologique en explorant une organisation neurofonctionnelle complexe qui est r6gul6e ~ l'6tage bulbaire (Fariaux et Milbled, 1965; Miller, 1982). II permet l '6tude de l'activit6 linguale de succion et de sa coordination avec la d6glutition. La succion-d6glutition du nouveau-n6 est un reflet important de la maturat ion neurologique pr6natale : les premi6res contrac- tions linguales apparaissent entre 7 et 9 semaines de vie embryonnaire, la succion existe vers la 12 e semaine et le foetus d6glutit/~ partir de la 15 ¢ semaine (Humphrey, 1978). L ' E M G dynamique est un mode d 'approche de cette fonction vitale et permet de rechercher une anomalie de la succion ou une dyspraxie de la d6glutition.

Nos r6sultats chez des sujets normaux confirment que cette organisation neuro- fonctionnelle est parfai tement mature d+s la naissance chez le nouveau-n6 ~ terme, avec une fr6quence de succion variant de 0,6/~ 2/s et une alternance syst6matique une succion/une d6glutition. Les variations de fr6quence que nous avons observ6es n'6taient pas corr616es avec l'~ge. Le ralentissement progressif au cours du repas peut ~tre mis sur le compte de la fatigue et de la sati6t6. La fr6quence de succion est aussi influenc6e par les conditions m6caniques de l 'alimentation artificielle : fluidit6 du lair, quatit6 de la t6tine, calibre de son orifice. Les param6tres de I 'EMG dynamique que nous avons 6tudi6s ne montrent aucune maturation postnatale du syst6me de succion- d6glutition rythmique alternante 1/1. Cette organisation persiste tant que le nourris- son garde l 'habitude de s 'alimenter au biberon. L 'appar i t ion du contr61e volontaire de la d6glutition et l'acc6s aux autres modes d 'al imentat ion ne font pas dispara~tre le schema de succion-d6glutition r6flexe: il n 'est qu'inhib6 et peut m~me r6appara~- tre chez l 'adulte dans certaines conditions pathologiques (Paulson et Gottlieb, 1968).

Applications gt la pathologie

Chez le nouveau-n6 et le nourrisson, les principaux champs d 'application de I 'EMG facial, lingual et pharyng6 sont les bronchopneumopathies r6cidivantes, les difficul- t6s d 'a l imentat ion majeures, les malaises inexpliqu6s, les malformations faciales et les localisations bucco-faciales des affections neuromusculaires.

L ' E M G tel que nous l 'avons d6crit peut mettre en 6vidence diverses anomalies. L'EMG de dOtection peut r6v61er une d6nervation partielle en montrant les signes neurog+nes classiques. Les caract6ristiques de la d6nervation, sa topographie, ses modalit6s d 'associat ion/ t des anomalies des latences, des VCN et des BR indiquent les noyaux e t /ou les voies nerveuses alt6r6s et permettent une estimation du degr6 d'anciennet6 et de la s6v6rit6 du processus d 'atrophie neurog6ne pr6natale. Ainsi peut- on diff6rencier les localisations ponctuelles ou diffuses des troubles anatomo- fonctionnels des noyaux et relais du pont et du bulbe.

I1 peut aussi recueillir des trac6s 6vocateurs d 'une pathologie musculaire. Compte tenu de l 'aspect normalement riche et interf6rentiel dans ces muscles, on retiendra comme crit6re d 'at teinte myog6ne la faible amplitude moyenne ( < 350/~V) des tra-

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c6s, le taux tr6s 61ev6 ( > 60%) de PUM polyphasique et de PUM tr~s brefs et la faible amplitude des r6ponses motrices ( < 400/~V). De tels signes myog~nes tradui- sent des diminutions et disparit~s de calibre des fibres musculaires mais ne permet-

tent pas de pr6juger de la nature des anomalies: myopathie cong6nitale ou hypoplasie musculaire.

Enfin I 'EMG de d6tection, sans montrer de signe neurog~ne ni myog6ne, peut r~vd-

ler une hypoactivit6 sous forme de tracds qui restent claiserm6s dans les contractions volontaires et r6flexes, de fa~on diffuse ou plus souvent asym6trique. De tels tracds montrant la mauvaise raise en jeu des groupes musculaires orientent vers un trouble de la commande neurologique centrale.

Un ralentissement des VCN du VII et du XII et un allongement de latence des

r6ponses motrices et de la composante R1 du BR font 6voquer un retard de matura- tion nerveuse dont on peut suivre l '6volution par des mesures it6ratives. Ils accom-

pagnent aussi certaines atrophies neurog6nes, t6moignant alors de l ' importance quantitative de la perte axonale.

L ' E M G dynamique peut r6v61er des anomalies plus ou moins marqu6es selon la s6v6rit6 des troubles neurofonctionnels.

Darts les cas les plus caricaturaux, le r6flexe de succion n 'est pas install6 : l 'activit6

EMG du muscle lingual s 'organise de faqon continue ou discontinue sans aucune efficacit6 de succion. Un autre sch6ma est celui d 'une organisation rythmique mais strictement synchrone au lieu d 'etre alternante des contractions linguales et pharyn-

g6es. Cette mise en jeu globale de toute la motricit6 bucco-pharyng6e peut avoir une efficacit6 de succion mais ne permet pas la d6glutition et expose obligatoirerment

la fausse-route. Une activit6 de succion normale peut atre associ6e ~ une raise en

jeu anormale du temps pharyngien. Les anomalies les plus mineures consistent en des variations de chronologie de mise en jeu des deux muscles tout en respectant une alternance normale tout au long de l 'examen.

Parmi les principaux cadres nosologiques, les bronchopneumopathies r6cidivan-

tes ont constitu6 la premi6re indication amenant ~t la mise au point de cette m6thode qui a maintenant une place de choix dans leur enquate 6tiologique. L ' E M G dynami-

que permet en effet de confirmer l 'hypoth6se du mdcanisme d ' inhalat ion alors que les fausses-routes sont souvent infracliniques, qu'il est difficile de faire la part des difficult6s respiratoires et que la cin6radiographie peut atre n6gative (Le Moing et

al, 1976). L 'ensemble des donn6es EMG prdcise le trouble physiopathologique sous- jacent et oriente les recherches 6tiologiques vers une atteinte neurologique centrale qui peut s'inscrire dans une enc6phalopathie qui s 'exprimera de fagon plus diffuse dans d 'autres explorations neurophysiologiques et dans l '6volution clinique.

Chez certains nourrissons ayant des troubles de d6glutition n6onatals avec r6gur-

gitations nasales, pneumopathies d ' inhalat ion et hypotonie faciale, I 'EMG montre la d6nervation partielle des territoires des VII, IX, X et XI I et l 'alt6ration des BR, amenant ~ l 'hypoth6se de 16sions anoxo-isch6miques du tronc c6r6bral dans un con- texte de souffrance fcetale aiguE (Renault et al, 1989; Renault et Couvreur, ~ para~tre).

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Chez des nouveau-n6s semblant a priori exempts de souffrance c6r6brale on fait alors l 'hypoth6se d 'une immaturit6 de la fonction de succion-d6glutition, qui peut ~tre isol6e ou associ6e ~ des troubles des r6gulations cardiorespiratoires (apn6es, brady- cardies) et digestives (dyskin6sie 0esophagienne, reflux gastro-cesophagien). La com- paraison des r6sultats d 'EMG successifs au cours des premiers mois est alors un indice de maturation. Les donn6es de I 'EMG dynamique aident h adapter la rigueur de la surveillance, les modalit6s de nursing et le choix des moyens d'alimentation.

Les malformations bucco-faciales constituent un autre champ d'application de ces explorations. Nous avons d6j~ montr6 leur apport ~ l '6valuation diagnostique et de gravit6 des syndromes de Pierre-Robin (Couly, 1984). Dans diff6rents types de mal- formations de la face, I 'EMG participe ~ l 'exploration neurologique indispensable (Couly et Aicardi, 1988) et ~ la d6cision du mode d'alimentation.

Ces quelques exemples illustrent l'int6r~t de cette exploration EMG qui fait appel des techniques diff6rentes apportant des informations convergentes sur des syst6-

mes neurofonctionnels situ6s dans le tronc c6r6bral. L'6valuation de muscles faciaux, linguaux et pharyng6s, de nerfs cr~niens et de l 'organisation de la succion-d6glutition interroge un aspect important de la maturation neurologique du tout-petit qui t6moi- gne de l'ontogen6se pr6natale et qui d6termine les n6cessit6s d'alimentation et de soins. Les r6sultats de I 'EMG gagneront ~ 6tre confront6s ~ ceux d'autres explorations, physiologiques ou par imagerie, neurologiques, cardiaques, respiratoires et digesti- ves qui pour certaines constituent une approche de fonctions contr616es par des struc- tures neurologiques voisines et pour d'autres une 6valuation de syst6mes cortico-sous-corticaux. Ainsi peut-on entreprendre de fa9on coh6rente une investi- gation la plus pr6cise possible de fonctions fondamentales dont la d6faillance expose le pronostic vital de l 'enfant et engage la croissance et le d6veloppement psychomoteur.

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