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Toutes Livres par Eliphas Lévi Ce PDF inclut: 1854: Dogme et rituel de la haute magie 1859: Histoire de la magie 1859: la Clef des grands mystères 1861: le Sorcier de Meudon 1862: Fables et symboles 1865: la Science des esprits 1869: le Grand Arcane (oeuvre posthume) 1870: le Livre des sages (oeuvre posthume) 1873: les Paradoxes de la haute science (oeuvre posthume)

Eliphas Levi Les 9 Oeuvres

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Eliphas Levi Les 9 Eurvres

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  • Toutes Livrespar Eliphas Lvi

    Ce PDF inclut:

    1854: Dogme et rituel de la haute magie1859: Histoire de la magie

    1859: la Clef des grands mystres1861: le Sorcier de Meudon

    1862: Fables et symboles1865: la Science des esprits

    1869: le Grand Arcane (oeuvre posthume)1870: le Livre des sages (oeuvre posthume)

    1873: les Paradoxes de la haute science(oeuvre posthume)

  • DOGME ET RITUELDI L

    HAUTE MAGIE01111.

    TOME PREMIER.

  • DISCOURS PRLIMINAIRE.

    DES TENDANCESRELIGIEUSES , PHILOSOPHIQUES ET MORALES

    DE NOS LIVRES SUR LA MAGIE.

    Depuis que la premire dition de ce livre a tpublie, de grands vnements se sont accomplisdans le monde, et d'autres plus grands peut-treencore sont la veille de s'accomplir.

    Ces vnements nous avaient t annoncscomme d'drdinaire par des prodiges : les tablesavaient parl, des voix taient sorties des murs,des mains sans corps avaient crit des mots myst-rieux, comme au festin de Balthasar.

    T. I. 1

  • Le fanatisme, dans les dernires convulsions deson agonie, a donn le signal de cette dernireperscution des chrtiens annonce par tous lesprophtes. Les martyrs de Damas ont demandaux morts de Prouse le nom de celui qui sauveet qui bnit; alors le ciel s'est voil et la terre estreste muette.

    Plus que jamais la science et la religion, le des-potisme et la libert, semblent se livrer une guerreacharne et se jurer une haine irrconciliable.N'en croyez cependant pas de sanglantes appa-rences : elles sont . la veille de s'unir et de s'em-brasser pour toujours.

    La dcouverte des grands secrets de la religionet de la science primitive des Mages, en rvlantau monde l'unit du dogme universel, anantit lefanatisme en donnant la raison des prodiges. Leverbe humain , le crateur des merveilles del'homme, s'unit pour jamaii avec le verbe de Dieu,et fait cesser l'antinomie universelle en nousfaisant comprendre que l'harmonie rsulte del'analogie des contraires.

    Le plus grand gnie catholique des temps mo-dernes, le comte Joseph de Maistre, avait prvuce grand vnement. Newton, disait-il, nous ra-

    Z DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

  • I n s C o u n s p i t L I M M A M . t

    mne Pythagore, l'analogie qui existe entre lascience et la foi doit tt ou tard les rapprocher.Le monde est sans religion, mais cette monstruo-sit ne saurait exister longtemps; le dix-huitimesicle dure encore, mais il va finir.

    Partageant la foi et les esprances de ce grandhomme, nous avons os Mu. iller les dcombres desvieux sanctuaires de l'occultisme; nous avonsdemand aux doctrines secrtes des Chaldens,des gyptiens et des Hbreux, les secrets de latransfiguration des dogmes, et la vrit ternellenous a rpondu : la vrit, qui est une et univer-selle comme l'tre ; la vrit, qui appartient lascience comme la foi ; la vrit, mre de la raisonet de la justice; la vrit vivante dans les forces dela nature, les mystrieux Eloim qui refont le cielet la terre quand le chaos a repris pour un tempsla cration et ses merveilles, et quand l'esprit deDieu plane seul sur l'abme des eaux.

    La vrit est au-dessus de toutes les opinions etde tous les partis.

    La vrit est comme le soleil ; aveugle est celuiqui ne la voit pas. Tel tait, nous n'en saurionsdouter, le sens d'une parole clbre de Bonaparte,prononce par lui une poque o le vainqueur

  • DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.de l'Italie, rsumant la rvolution franaise incar-ne en lui seul, commenait comprendre commentla rpublique pouvait tre une vrit.

    La vrit, c'est la vie, et la vie se prouve par lemouvement. Par le mouvement aussi, par le mou-vement voulu et effectif, par l'action, en un mot,la vie se dveloppe et revt des formes nouvelles. Or,les dveloppements de la vie par elle-mme, et sonenfantement des formes nouvelles, nous l'appelonscration. La puissance intelligente qui agit dansle mouvement universel, nous l'appelons le VERBE,d'une manire transcendentale et absolue. C'estl'initiative de Dieu, qui jamais ne peut rester sanseffet ni s'arrter sans avoir atteint son but. PourDieu, parler c'est faire ; et telle devrait tre tou-jours la porte de la parole, mme chez les hom-mes: la vraie parole est la semence des actions.Une mission d'intelligence et de volont ne peuttre strile sans qu'il y ait abus ou profanation desa dignit originelle. Et c'est pour cela que le Sau-veur des hommes doit, non-seulement de toutesles penses gares et sans but lgitime, mais en-core et surtout des paroles oiseuses, nous deman-der un compte svre.

    Jsus, dit l'vangile, tait puissant en oeuvres

  • et en paroles ; les uvres avant la parole : c'estainsi que s'tablit et se prouve le droit de parler.Jsus se mit faire et parler, dit ailleurs un van-gliste, et souvent, dans le langage primitif de111 criture sainte, une action est appele un verbe.Dans toutes les langues, d'ailleurs, on nommeVERBE ce qui exprime la fois l'tre et l'action, etil n'est pas de verbe qui ne puisse tre suppl parle verbe faire, en diversifiant le rgime. Dans leprincipe tait le Verbe, dit l'vangliste saint Jean,Dans quel principe? Dans le premier principe;dans le principe absolu qui est avant toute chose.Dans ce principe donc tait le Verbe, c'estdirel'action. Cela est incontestable en philosophie,puisque le premier principe est ncessairement lepremier moteur. Le Verbe n'est pas une abs-traction : c'est le principe le plus positif qui soitau monde, puisqu'il se prouve sans cesse par desactes. La philosophie du Verbe est essentiellementla philosophie de l'action et des faits accomplis,et c'est en cela mme qu'il faut distinguer un verbed'une parole. La parole peut tre quelquefoisstrile, comme dans la moisson il se rencontre despis vides, mais le Verbe ne l'est jamais. Le Verbe,c'est la parole pleine et fconde; les hommes ne

    DISCOURS PRLIMINAIRE. 5

  • 8 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

    s'amusent pas l'couter et lui applaudir; ilsl'accomplissent toujours I souvent sans le com-prendre, presque jamais sans iui avoir rsist. Lesdoctrines qu'on rpte ne sont pas celles qui rus-sissent. Le christianisme tait encore un mystre,quo ..dj les Csars se sentaient dtrns par leVerbe chrtien. Un systme que le monde admireet auquel la foule applaudit, peut n'tre qu'unassemblage brillant de mots striles; un systmeque l'humanit subit pour ainsi dire malgr elle,c'est UN VERBE.

    Le pouvoir se prouve par ses rsultats, et commel'a crit, dit-on, un profond politique des tempsmodernes : La responsabilit est quelque chose quandon ne russit pas. Cette parole, que des esprits in-intelligents ont trouve immorale, est galementvraie si on l'applique toutes les notions spcialesqui distinguent la parole du Verbe, la volont del'action , ou plutt l'acte imparfait de l'acte par-fait. L'homme qui se damne, selon la thologiecatholique, c'est celui qui ne russit pas se sauver.Pcher, c'est manquer le bonheur. L'homme quine russit pas a toujours tort: soit en littrature,soit en morale, soit en politique. Le mauvais en

  • tout genre , c'est le beau et le bon mal russis. Et

  • s'il faut remonter plus haut jusque dans le domaineternel du dogme, deux esprits se trouvrent autre-fois, chacun desquels voulait la divinit pour luiseul : l'un russit, et c'est lui qui est Dieu ; l'autrechoua, et devint le dmon !

    Russir, c'est pouvoir; chouer toujours, c'esttenter ternellement : ces deux mots rsument lesdeux destines opposes de l'esprit du bien et del'esprit du mal.

    Quand une volont modifie le monde, c'est unVerbe qui parle, et toutes les voix se taissent devantlui, comme le dit le livre des Machabes, proposd'Alexandre : mais Alexandre mourut avec son verbede puissance, parce qu'en lui il n'y avait pasd'avenir ; moins que la grandeur romaine n'aitt la ralisation de son rve ! Or, de nos jours ilse passe quelque chose de plus trange: un hommequi est mort dans l'exil au milieu de l'ocan At-lantique fait taire une seconde fois l'Europe devantson verbe, et tient encore le monde entier suspendu la seule puissance de son nom !

    C'est que la mission de Napolon a t grandeet sainte; c'est qu'il y avait en lui un VERBE devrit. Napolon lui seul pouvait, aprs la rvolutionfranaise, relever les autels du catholicisme, et l'h-

    DISCOURS PRLIMINAIRE. 7

  • ritier moral de Napolon avait seul le droit de ra-mener Pie IX Rome. Nous allons dire pourquoi.

    Il est dans la doctrine catholique de l'Incarnationun dogme connu dans les coles thologiques sousle titre de Communication des idiomes. Ce dogmeaffirme que, dans l'union de la divinit et de l'hu-manit accomplie en Jsus-Christ, le rapproche-ment des deux natures a t si troit, qu'il en estrsult une identit et une trs simple unit depersonne ; ce qui fait que Marie, mre de l'homme,peut et doit tre appele MRE DE DIEU. (Le mondeentier s'est agit pour cette prrogative au tempsdu concile d'phse.) Ce qui fait aussi qu'onpeut attribuer Dieu les souffrances de l'hommeet l'homme les gloires de Dieu. En un mot, lacommunication des idiomes, c'est la solidarit desdeux natures divine et humaine en Jsus-Christ ;solidarit au nom de laquelle on peut dire que Dieuc'est l'homme, et que l'homme c'est Dieu.

    Le magisme, en rvlant au inonde la loi univer-selle de l'quilibre et l'harmonie rsultant de l'ana-logie des contraires, prend toutes les sciences parla base, et prlude par la rforme des mathmati-ques une rvolution universelle dans toutes lesbranches du savoir humain : au principe gnra-

    8 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

  • D I S C O U R S P R L I M I N A I R E . 0teur des nombres il rattache le principe gnrateurdes ides, et par consquent le principe gnrateurdes mondes, amenant ainsi la lumire de lascience le rsultat incertain des intuitions tropphysiques de Pythagore; il oppose l'sotrismethurgique de l'cole d'Alexandrie une formuleclaire, prcise, absolue, que toutes les sciencesrgnres dmontrent et justifient : la raisonpremire et la fin dernire du mouvement universel, soit dans les ides, soit dans les formes, sersument dfinitivement pour lui dans quelquessignes d'algbre sous la forme d'une quation.

    Les mathmatiques ainsi comprises nous ra-mnent la religion, parce qu'elles deviennent,sous toutes les formes, la dmonstration de l'infinignrateur de l'tendue et la preuve de l'absolu,d'o manent tous les calculs de toutes les sciences.Cette sanction suprme des travaux de l'esprit hu-main, cette conqute de la divinit par l'intelli-gence et par l'tude doit consommer la rdemptionde l'me humaine et procurer l'mancipationdfinitive du Verbe de l'humanit. Alors ce quenous appelons encore aujourd'hui loi naturelleaura toute l'autorit et toute l'infaillibilit d'uneloi rvle; alors aussi on comprendra que la loi

  • 10 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

    positive et divine est en mme temps une loi na-turelle, puisque Dieu est l'auteur de la nature, etne saurait se contredire dans ses crations et dansses lois.

    De cette rconciliation du Verbe humain natrala vraie morale, qui n'existe pas encore d'unemanire complte et dfinitive. Alors aussi unenouvelle carrire s'ouvrira devant l'glise univer-selle. En effet, jusqu' prsent l'infaillibilit del'glise n'a constitu que le dogme, et pour cela.sans doute la Divinit ne voulait pas avoir besoindu concours des hommes appels plus tard com-prendre ce qu'ils devaient croire d'abord. Mais,pour constituer la morale, il n'en est pas de mme,car la morale est humaine autant que divine; etcelui -l doit ncessairement consentir au pacte quis'y oblige le plus. Savez-vous ce qui manque leplus au monde l'poque o nous arrivons? C'estla morale. Tout le monde le sent, tout le mondele dit, et pourtant des coles de morale sont ou-vertes de tous cts. Que faudrait-il ces coles ?Un enseignement qui inspirt la confiance ; uneautorit raisonnable, en un mot, au lieu d'uneraison sans autorit d'une part, et de l'autre d'une

  • autorit sans raison.

  • D I S C O U R S P R L I M I N A I R E . i lRemarquons que la question morale a t le

    prtexte de la grande dfection qui laisse en cemoment l'glise veuve et dsole. C'est au nom del'humanit, cette expression matrielle de la charit,qu'on a soulev les instincts populaires contre desdogmes faussement accuss d'tre inhumains.

    La morale du catholicisme n'est pas inhumain,mais elle est souvent surhumaine; aussi ne s'adres-sait-elle pas aux hommes du vieux monde, et serattachait-elle un dogme qui tablit comme pos-sible la destruction du vieil homme et la crationd'un homme nouveau. Le Magisme accueille cedogme avec enthousiasme, et promet cette renais-sance spirituelle l'humanit pour l'poque de larhabilitation du Verbe humain. Alors, dit-il,l'homme, devenu CRATEUR l'instar de Dieu, seral'ouvrier de son dveloppement moral et l'auteurde son immortalit glorieuse. Se crer soi-mme,telle est. la sublime vocation de l'homme rtablidans tous ses droits par le baptme de l'esprit; etil se manifestera une telle connexion entre l'im-mortalit et la morale, que l'une sera le compl-ment et la consquence de l'autre.La lumire de la vrit est aussi la lumire de

    vie. Mais la vrit, pour tre fconde en immorta-

  • 12 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.lit, veut tre reue dans des mes la fois libreset soum ises, c'est--dire volontairement obissantes.A la splendeur de cette clart, l'ordre s'tablit dansles formes comme dans les ides, tandis que lecrpuscule menteur de l'imagination n'enfante etne peut enfanter que des monstres. Ainsi l'enferse peuple de cauchemars et de fantmes; ainsi lapagode des jongleurs se remplit de divinits af-freuses et difformes; ainsi les tnbreuses voca-tions de la thurgie donnent aux chimres du sabbatune fantastique existence. Les images symboliqueset populaires de la tentation de saint Antoinereprsentent la foi pure et simple luttant, l'au-rore du christianisme, contre tous les spectres duvieux monde : mais le Verbe humain, manifestet victorieux, a t prophtiquement figur parcet admirable saint Michel, qui Raphal donne vaincre, d'une simple menace, un tre infrieurportant aussi la figure humaine, mais avec lescaractres de la brute.

    Les mystiques religieux veulent qu'on fasse lebien uniquement pour obir Dieu. Dans l'ordrede la vraie morale, il faudra faire le bien pour lavolont de Dieu toujours, sans doute, mais aussipour le bien lui-mme. Le bien est en Dieu le

  • DISCOURS PRLIMINAIRE. 13juste par essence, qui ne limite pas, mais qui d-termine sa libert. Dieu ne peut pas damner la majorit des hommes par caprice despotique. Ildoit exister une proportion exacte entre les actionsde l'homme et la cration dterminante de sa vo-lont qui en fait dfinitivement une puissance dubien ou un auxiliaire du mal, et c'est ce que d-montre la science exacte de la haute magie.

    Voici ce que nous crivions dans un livre publien 1845: Le temps de la foi aveugle est doncpass, et nous arrivons l'poque de la foi intelli-gente et de l'obissance raisonnable, le temps onous ne croirons plus seulement en Dieu, maiso nous le verrons dans ses oeuvres, qui sont lesformes extrieures de son tre.

    Or, voici le grand problme de notre poque : Tracer, complter et fermer le cercle des con-

    naissances humaines, puis, par la convergence desrayons, trouver un centre qui est Dieu.

    Trouver une chelle de proportion entre leseffets, les vouloirs et les causes, pour remonter del la cause et la volont premire.

    Constituer la science des analogies entre lesides et leur source premire.

    Rendre toute vrit religieuse aussi certaine

  • th DOGME ET Me DE LA Herm MAGIE.

    et aussi clairement dmontre que la solution d'unproblme de gomtrie.

    Voici maintenant ce que dit un homme qui at assez heureux pour retrouver avant nous la d-monstration de l'absolu suivant les anciens sages,mais assez malheureux aussi pour ne voir dans cettedcouverte qu'un instrument de fortune et un pr-texte de cupidit.

    Il nous suffira ici de dire, par anticipation surla doctrine du Messianisme, d'une part, que l'ap-plication de la raison absolue notre facult psy-chologique de la cognition produit en nous la fa-cult suprieure de la cration des principes et ladduction des consquences, laquelle est le grandobjet de la philosophie; et de l'autre part, quel'application de la raison absolue notre facultpsychologique du sentiment produit en nous la fa-cult suprieure du sentiment moral et du senti-ment religieux, laquelle est le grand objet de lareligion. On pourra ainsi entrevoir comment leMessianisme parviendra . l'union finale de la phi-losophie et de la religion, en les dgageant l'une etl'autre de leurs entraves physiques et terrestres, et

  • en les ramenant , au del de ces conditions tem-porelles, la raison absolue qui est leur source

  • inscouns PteimeAntE. 15commune. On pourra de plus reconnatre djcomment, par l'influence de ces conditions tem-porelles ou de ces entraves physiques, deviennentpossibles, d'une part, l'ERREUR dans le domaine dela philosophie, et de l'autre, le PCH dans le do-maine de la religion; surtout lorsque ces conditionsphysiques sont communes celles de l'hrditairedpravation morale de l'espce humaine, qui faitpartie de sa nature terrestre. Et l'on comprendraalors comment la raison absolue, qui est au-dessusde-ces conditions physiques, de cette souillure ter-restre, et qui, dans le Messianisme, doit dtruirejusqu' la source de l'erreur et du pch, forme,sous l'expression allgorique de la VIERGE QUI DOITCRASER LA TTE DU SERPENT, l'accomplissement decette prdiction sacre. C'est donc cette Viergeauguste que le Messianisme introduit aujourd'huidans le sanctuaire de l'humanit.

    Croyez, et vous comprendrez, disait le Sauveurdu monde ; tudiez, et vous croirez, peuvent diremaintenant les aptres du Magisme.

    Croire, c'est savoir sur parole. Or, cette paroledivine, qui devanait et supplait pour un tempsla science chrtienne, on devait la comprendreplus tard, suivant la promesse du Matre. Voil

  • 16 DOGME ET RITUEL DE LA HAM MAGIE.

    donc l'accord de la science et de la foi prouv parla foi elle-mme.

    Mais, pour tablir par la science la ncessitde cet accord, il faut reconnattre et tablir ungrand principe : c'est que l'absolu n se trouve aucune des deux extrmits de l'antinomie, et queles hommes de' parti, qui tirent toujours vers lesextrmes opposs, craignent en mme temps d'ar-river ces extrmes, regardent comme des fousdangereux ceux qui avouent nettement leurs ten-dances, et dans leur propre systme redoutentinstinctivement le fantme de l'absolu comme lenant ou la mort. C'est ainsi que le pieux arche-vque de Paris dsapprouve formellement les for-fanteries inquisitoriales de l'Univers, et que toutle parti rvolutionnaire s'est indign des brutalitsde Proudhon.

    La force de cette preuve ngative consiste encette simple observation : qu'un lien central doitrunir deux tendances opposes en apparence, quisont dans l'impossibilit de faire un pas sans quel'une entratne l'autre reculons; ce qui ncessiteraensuite une raction toute pareille. Et voil ce quiarrive depuis deux sicles : enchatnes ainsi l'une l'autre leur insu et par derrire, ces deux

  • DISCOURS PRLIMINAIRE.

    puissances sont condamnes un travail de Si-syphe et se font mutuellement obstacle. Retournez-les en les dirigeant vers le point central, qui estl'absolu, alors elles se rencontreront de face, et,s'appuyant l'une sur l'autre, elles produiront unestabilit gale la puissance de leurs efforts con-traires, multiplis les uns par les autres.

    Pour retourner ainsi les forces humaines, cequi semble au premier abord un travail d'Hercule,il suffit de dtromper les intelligences et de leurmontrer le but o elles croyaient trouver l'obstacle.

    LA RELIGION EST RAISONNABLE. Voil ce qu'il fautdire la philosophie, et par la simultanit et lacorrespondance des lois gnratrices du dogme etde la science on peut le prouver radicalement. LARAISON EST SAINTE. Voil ce qu'il faut dire l'glise,et on le lui prouvera en appliquant au triomphede sa doctrine de charit toutes les conqutes del'mancipation et toutes les gloires du progrs.

    Or, Jsus-Christ tant le type de l'humanitrgnre, la divinit rendue humaine avait pouroeuvre de rendre l'humanit divine : le Verbe faitchair permettait la chair de devenir Verbe, etc'est ce que les docteurs de l'glise officielle n'ont

  • pas compris d'abord ; leur mysticisme a vouluT. I. 2

  • 18 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.absorber l'humanit dans la divinit. Ils ont ni ledroit humain au nom du droit divin ; ils ont cruque la foi devait anantir la raison, sans se souve-nir de cette parole profonde du plus grand deshirophantes chrtiens : Tout esprit qui divisele Christ est un esprit de l'ntechrist.

    La rvolte de l'esprit humain contre l'glise,rvolte qui a t sanctionne par un effrayantsuccs ngatif, aurait donc t, ce point de vue,une protestation en faveur du dogme intgral, etla rvolution, qui dure depuis trois sicles et demi,n'aurait eu pour cause qu'un immense malen-tendu !

    En effet, l'glise catholique n'a jamais ni nipu nier la divinit humaine, le Verbe fait chair,le Verbe humain ! Jamais elle n'a consenti cesdoctrines absorbantes et nervantes qui anantis-sent la libert humaine dans un quitisme insens.Bossuet a eu le courage de perscuter madameGuyon, dont il admirait pourtant et dont nousavons admir aprs lui la consciencieuse folie ; maisBossuet n'a vcu, malheureusement, qu'aprs leconcile de Trente. Il fallait que l'exprience divine

  • et son cours.Oui, nous appelons la rvolution franaise une

  • exprience divine, parce que Dieu, cette poque,permit au gnie humain de se mesurer contre lui;lutte trange qui devait finir par un troit embras-sement; dbauche de l'enfant prodigue qui avaitpour unique avenir un retour dcisif et une ftesolennelle dans la maison du pre de famille.

    Le Verbe divin et le Verbe humain, conussparment, mais sous une notion de solidarit quiles rendait insparables, avaient ds le commence-ment fond la papaut et l'empire : les luttes dela papaut pour prvaloir seule avaient t l'affir-mation absolue du Verbe divin; cette affirma-tion, pour rtablir l'quilibre du dogme de l'In-carnation, devait correspondre dans l'empire uneaffirmation absolue du Verbe humain. Telle futl'origine de la Rforme, qui aboutit AUX naorrs DSL'HOMME.

    Las DROITS DE L'HOMME ! Napolon les prouva parla gloire dont il environna son pe. Incarne etrsume dans Napolon, la rvolution cessa d'treun dsordre, et produisit par un clatant succsla preuve irrfragable do sou Verbe. C'est alorsqu'on vit, chose inoue dans les fastes des religions 1l'homme tendre son tour la main Dieu, commepour le relever de sa chute. Un pape, dont la pit

    DISCOURS paeLuttime. 19

  • 20 DOGME ET RITUEL na LA HAUTE MAGIE.et l'orthodoxie n'ont jamais t contestes, vintsanctionner, de l'autorit de tous les sicles chr-tiens, la sainte usurpation du nouveau Csar, et larvolution incarne fut sacre, c'est--dire reutl'onction qui fait les cuaisrs de la main mme duplus vnrable successeur des pres de l'autorit I

    C'est sur de pareils faits, aussi universels, aussiincontestables et aussi brillants de clart que lalumire du soleil, c'est sur de pareils faits, disons-nous, que le Messianisme a pos sa base dans l'his-toire.

    L'affirmation du Verbe divin par le Verbehumain, pousse par ce dernier jusqu'au suicide, force d'abngation et d'enthousiasme , voill'histoire de l'glise depuis Constantin jusqu' laRforme.

    L'immortalit du Verbe humain prouve pardes convulsions terribles, par une rvolte qui atenu du dlire, par des combats gigantesques etpar des douleurs semblables celles de Promthe,jusqu' la venue d'un homme assez fort pour rat-tacher l'humanit Dieu : voil l'histoire de larvolution tout entire !

    Foi et raison ! deux termes qu'on croit opposs

  • et qui sont identiques.

  • DISCOURS PRLIMINAIRE. 21Autorit et libert, deux contraires qui sont au

    fond la mme chose, puisqu'ils ne peuvent existerl'un sans l'autre.

    Religion et science, deux contradictions qui sedtruisent mutuellement en tant que contradic-tions, et s'affirment rciproquement si on les con-sidre comme deux affirmations fraternelles.

    Voil le problme pos et dj rsolu parl'histoire. Voil l'nigme du sphinx explique parl'OEdipe des temps modernes, le gnie de Napolon.

    C'est assurment un spectacle digne de toutesles sympathies du gnie humain, et nous dironsplus, digne de l'admiration des esprits mme lesplus froids, que ce mouvement pareil, ce progrssimultan, ces tendances gales, ces chutes prvueset ces rejaillissements galement infaillibles, de lasagesse divine, d'une part, panche dans l'huma-nit, et de la sagesse humaine, de l'autre, conduitepar la divinit l Fleuves chapps d'une mmesource, ils ne se sparent que pour mieux embrasserle monde, et quand ils se runiront, ils entratne-ront tout avec eux. Cette synthse, ce triomphe,cet entratnement, ce salut dfinitif du monde,toutes les mes leves les pressentaient : mais quidonc, avant ces grands vnements qui rvlent

  • 22 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.et font parler si haut la puissance de la magiehumaine et l'intervention de Dieu dans les oeuvresde la raison, qui donc et os les pressentir?

    Nous avons dit que la rvlation avait eu pourobjet l'affirmation du Verbe divin, et que l'affir-mation du Verbe humain avait t le fait trans-cendant et providentiel de la rvolution euro-penne commence au xvi sicle.

    Le divin fondateur du christianisme a t leMessie de la rvlation, parce que le Verbe divintait incarn en lui, et nous considrons l'empereurcomme le Messie de la rvolution, parce qu'en luile Verbe humain s'tait rsum et se manifestaitdans toute sa puissance.

    Le Messie divin avait t envoy au secours del'humanit, qui prissait puise par la tyranniedes sens et les orgies de la chair.

    Le Messie humain est venu en quelque sorteau secours de Dieu qu'outrageait le culte obscnede la raison, et au secours de l'glise menacepar les rvoltes de l'esprit humain et par les sa-turnales de la fausse philosophie.

    Depuis que la rforme et la rvolution sa suiteavaient branl en Europe la base de tous les pou-voirs; depuis que la ngation du droit divin trans-

  • DISCOURS PRLIMINAIRE. 28formait en usurpateurs presque tous les mattresdu monde et livrait l'univers politique l'athismeou au ftichisme des partis, un seul peuple, con-servateur des doctrines d'unit et d'autorit, taitdevenu le peuple de Dieu en politique. Aussi, cepeuple s'agrandissait-il dans sa force d'une ma-nire formidable, inspir d'une pense qui pouvaitse transformer en VERBE, c'est--dire en paroled'action : ce peuple c'tait la race vigoureuse desSlaves, et cette pense, c'tait celle de Pierre leGrand.

    Donner une ralisation humaine l'empire uni-versel et spirituel du Messie,' donner au christia-nisme son accomplissement temporel, en unissanttous les peuples en un seul corps, tel devait tredsormais le rve du gnie politique transformpar l'ide chrtienne en gnie social. Mais oserait la tte de ce colossal empire ? Rome avaiteu ce sujet sa pense, Pierre le Grand avait lasienne, et Napolon seul pouvait en concevoir uneautre.

    La fortune des descendants de Pierre trouvaiten effet cette poque une digue infranchissabledans les ruines du sanctuaire des papes, ruinesvivantes o semblait dormir le catholicisme im-

  • 2h DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

    mortel comme le Christ dans son tombeau. Si laRussie et t catholique aprs la rforme, la r-volution franaise tait touffe dans son germe.L'empire temporel devait appartenir celui quirelverait l'autorit spirituelle dans son expres-sion la plus simple et la plus absolue, parce queles faits suivent toujours les ides. L'autorit divinede Pierre l'aptre manquait aux projets du czarPierre. C'tait une belle chance que la Russie lais-sait la France. Napolon le comprit; il relevales autels, il se fit sacrer par le successeur d'Hil-debrand et d'Innocent III, et il crut ds lors sontoile, parce que l'autorit qui vient de Dieu nemanquait plus sa puissance.

    Les hommes avaient crucifi le Messie divin, leMessie humain fut abandonn au malheur par laProvidence; car du supplice de Jsus-Christ accuspar les prtres devait nattre un sacerdoce nouveau,et du martyre de l'empereur trahi par les rois de-vait nattre une royaut nouvelle.

    Qu'est-ce, en effet, que l'empire de Napolon ?C'est une synthse rgolutionnaire rsumant ledroit de tous dans celui d'un seul. C'est la libert

  • justifie par la puissance et par la gloire; c'estl'autorit prouve par des actes; c'est le despotisme

  • D I S C O U R S P R L I M I N A I R E . 2 5de l'honneur substitu celui de la crainte. Aussi,dans la tristesse de sa solitude Sainte-Hlne,Napolon, ayant conscience de son gnie et com-prenant que tout l'avenir du monde tait l, eut-ildes tentations de dsespoir, et ne voyait-il plusd'autre alternative pour l'Europe que d'tre rpu-blicaine ou cosaque avant cinquante ans.

    Nouveau Promthe, crivait-il quelque temps avant de mourir, je suis clou un roc et un vau-tour me ronge.

    Oui, j'avais drob le feu du ciel pour en doterla France : le feu est remont sa source, et mevoil !

    La gloire tait pour moi ce pont que Lucifera lanc sur le chaos pour escalader le ciel; ellerunissait au pass l'avenir, qui en est spar parun ablme... Rien mon fils que mon nom !

    Jamais rien de si grand que ces quelques lignesn'est sorti de la pense humaine : et toutes lesposies inspires par la destine trange de l'Em-pereur sont bien ples et bien faibles auprs decelle-l : RIEN A MON FILS QUE MON NOM ! tait-ceseulement un hritage de gloire qu'il croyait trans-mettre, ou plutt, dans l'intuition prophtique desmourants, comprenait-il que son nom, insparable

  • 26 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.de sa pense, contenait lui seul toute sa fortuneavec les destines du monde ?

    Prtendre que l'humanit s'est trompe dans sesmouvements, qu'elle s'est fourvoye dans ses vo-lutions, c'est blasphmer la Providence. Et pour-tant ces mouvements et ces volutions semblentparfois contradictoires; mais les paradoxes oppo-ss se rfutent l'un par l'autre, et, semblables auxoscillations du pendule, qui tendent toujours, en seresserrant, vers le centre de gravit, les mouve-ments contraires ne sont qu'apparents, et les vri-tables tendances de l'humanit se retrouvent tou-jours sur la ligne droite du progrs. Ainsi, quand lesabus du pouvoir ont produit la rvolte, le monde, quine peut se fixer ni dans l'esclavage ni dans l'anar-chie, attend l'instauration d'un nouveau pouvoirqui tiendra compte la libert de ses protestationset rgnera pour elle.

    Ce pouvoir nouveau, Paracelse nous le fait con-natre dans les admirables prdictions qui semble-raient faites aprs coup, si un assez grand nombrede pages encore ne se rapportaient l'avenir.

    On n'lude pas plus l'avenir qu'on ne ressuscitele pass, mais on s'en tient toujours ce qui estdurable; or, cela seul est durable qui est fond

  • D I S C O U R S P R L I M I N A I R E . 27sur la nature mme des choses. L'instinct des peu-ples se conforme en cela mme la logique desides, et deux fois le suffrage universel, plac entrel'obscurantisme et l'anarchie, a devin la conci-liation de l'ordre avec le progrs, et a nommNapolon.

    On a dit que l'empereur lui-mme n'avait puconcilier la libert et l'ordre, et que, pour fondersa puissance, il avait d interdire aux Franaisl'usage de leurs droits. On a dit qu'il nous avaitfait oublier la libert force de gloire, et l'on nes'aperoit pas que l'on tombe dans une videntecontradiction. Pourquoi sa gloire est-elle la ntre,si nous n'tions que ses esclaves? Ce mot de gloirea-t-il mme une signification pour d'autres quepour des hommes libres? Nous avions consenti sa discipline, et il nous menait la victoire : l'as-cendant de son gnie tait le nerf de sa puissance,et s'il ne permettait personne de le contredire,il tait pleinement dans son droit, puisqu'il avaitraison. L'tat, c'est moi! avait dit Louis XIV enrsumant ainsi d'un mot tout l'esprit des institutionsmonarchiques. Le peuple souverain, c'est moi ! pouvait dire l'empereur en rsumant son tourtoute la force rpublicaine ; et il est vident que

  • 28 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.plus son chef avait d'autorit, plus le peuple fran-ais tait libre.

    Ce qui a rendu si affreuse l'agonie de Napolon,ce n'tait pas le regret-du pass , on ne regrette pasla gloire qui ne saurait mourir; mais c'tait l'-pouvante d'emporter avec lui l'avenir du monde. Oh! ce n'est pas la mort, murmurait-il, c'est la viequi me tue ! Puis, portant la main sa poitrine : Ils ont enfonc l un couteau de boucher et ils ontbris le fer dans la plaie !

    Puis uu moment aprs, cet instant suprmeo la vie chappe, et o l'homme, illumin djintrieurement de la lumire d'un autre monde, abesoin de laisser son dernier mot aux vivantscomme un enseignement et un hritage, Napolonrpta deux fois ces paroles nigmatiques : La ttede l'arme ! tait-ce un dernier dfi jet au fan-tme de Pierre le Grand, un cri suprme de ds-espoir ou une prophtie des destines de la France 1L'humanit tout entire apparaissait-elle alors l'empereur harmonieuse et discipline, marchant la conqute du progrs, et voulait-il rsumer d'unseul mot le problme des temps modernes qui doit

  • tre prochainement rsolu entre la Russie et faFrance : LA TTE DE L'ARME !

  • D I S C O U R S P R L I M I N A I R E . 2 9Ce qui donne en ce moment plus de chances

    la France, c'est son catholicisme et son allianceavec la papaut, cette puissance que les anarchistesnomment dchue, et que Napolon estimait plusforte encore qu'une anne de trois cent millehommes. Si la France, comme le voulaient desanarchistes imbciles, se ft ligue, en 18119, avecl'ingratitude romaine, ou avait seulement laissrestaurer le trne pontifical par l'Autriche et parla Russie, les destines de la France finissaient, etle Gnie indign de l'empereur, passant au Nord,accomplissait au profit des Slaves le beau rve dePierre le Grand.

    Pour les hommes qui s'imaginent l'absolu dansles extrmes, la raison et la foi, la libert et l'au-torit, le droit et le devoir, le travail et le capitalsont inconciliables. Mais l'absolu n'est pas plusadmissible dans chacune des opinions sparesque l'entier n'est concevable dans chacune de sesfractions. Foi raisonnable, libert autorise, droitmrit.par le devoir accompli, capital fils et predu travail ; voil, comme nous l'avons dj dit end'autres termes, les formules de l'absolu. Et si l'on

  • nous demande quel est le centre de l'antinomie,quel est le point fixe de l'quilibre, nous avons

  • 80 DOGME E'r RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.dj rpondu que c'est l'essence mme d'un Dieu la fois souverainement libre et infiniment n-cessaire.

    Que la force centripte et la force centrifugesoient deux forces contraires, cela n'est pas mettre en question; mais que de ces deux forcescombines rsulte l'quilibre de la terre, c'est cequ'il serait galement absurde et inutile de nier.

    L'accord de la Raison avec la Foi, de la Scienceavec la Religion, de la Libert avec l'Autorit, duVerbe humain, en un mot, avec le Verbe divin,n'est pas moins vident, et nous en avons suffisam-ment indiqu les preuves. Mais les hommes ne con-sidrent jamais comme prouves les vrits qu'ilsrefusent d'entendre, parce qu'elles contrarient leurspassions aveugles. A la dmonstration la plus ri-goureuse, ils vous rpondent toujours par la diffi-cult mme que vous venez de rsoudre. Recom-mencez vos preuves, ils s'impatienteront, et dirontque vous vous rptez.

    Le Sauveur du monde avait dit que le vin nou-veau ne doit pas tre enferm dans les outres uses,et qu'il ne faut pas coudre une pice neuve un

  • vieux manteau. Les hommes ne sont que les repr-sentants des ides, et il ne faut pas s'tonner si les

  • DISCOURS PRLIKINAIRE.

    erreurs incarnes repoussent la vrit avec ddainou 'Dme avec colre. Mais le Verbe est essentiel-lement crateur, et, chaque nouvelle mission desa chaleur et de sa lumire, il fait clore dans lemonde une humanit nouvelle. L'poque du dogmeobscur et de la ccit intellectuelle est passe, pour-tant ne parlez pas du jeune soleil aux vieuxaveugles; appelezen au tmoignage des yeux quis'ouvrent, et attendez les clairvoyants pour ex-pliquer les phnomnes du jour.

    Dieu a cr l'humanit; mais, dans l'humanit,chaque individu est appel se crer lui-mmecomme tre moral et par consquent immortel.Revivre dans l'humanit, telle est l'esprance vagueque le panthiSme et le mysticisme rvolutionnairelaissent leurs adeptes; ne jamais mourir dans sonindividualit intelligente et morale, telle est la pr-rogative que la rvlation assure chacun de sesenfants ! Laquelle de ces deux ides est la plus con-solante et la plus librale? Laquelle des deux sur-tout donne une base plus certaine et un but plussublime la moralit humaine?

    Toute puissance qui ne rend pas raison d'ellemme et qui pse sur les liberts sans leur don-ner de garanties, n'est qu'un pouvoir aveugle et

  • 32 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE' fil4GIE.transitoire ; l'autorit vraie et durable est cellequi s'appuie sur la libert, tout en lui donnantune rgle et un freih. Ceci exprime l'absolu enpolitique.

    Toute foi qui n'claire pas et n'agrandit pas laraison, tout dogme qui nie la vie de l'intelligenceet la spontanit du libre arbitre, constituent unesuperstition ; la vraie religion est celle qui se prouvepar l'intelligence et se justifie par la raison, touten les soumettant une obissance ncessaire. Ceciest l'indication de l'absolu en religion et en philo-sophie.

    De l'ide que les hommes se sont faite de Dieuont toujours procd les notions de puissance, soitau spirituel', soit au temporel , et le mot qui ex-prime la Divinit ayant t de tout temps la for-mile de l'absolu, soit en rvlation, soit en intuitionnaturelle , le sens qu'on attache ce mot a tou-jours t l'ide dominante de toute religion et detoute philosophie, comme de toute politique et detoute morale.

    Conceroir en Dieu la libert sans ncessit, c'estrver une toute-puissance sans raison et sans frein,c'est faire trner dans le ciel l'idal de la tyrannie.Telle a t, dans beaucoup d'esprits enthousiastes

  • et mystiques, la plus dangereuse erreur du moyenge.

    Concevoir en Dieu la ncessit sans libert, c'esten faire une machine infinie, dont nous sommes,malheureusement pour nous, les rouages intelli-gents. Obir ou tre briss, telle serait notredestine ternelle; et nous obirions sciemment quelque chose qui commanderait sans savoirpourquoi : tristes voyageurs que nous serions, en-ferms dans les waggons qu'une formidable loco-motive entranerait toute vapeur sur le grandchemin de l'abme. Cette doctrine panthistique,matrialiste et fatale, est . la fois l'absurdit et lacalamit de notre sicle.

    Cette loi suprme de la libert et de la ncessitrgies et tempres l'une par l'autre se retrouvepartout et domine tous les faits o se rvle unevertu, une juste puissance ou une autorit. quel-conque. Dans le monde, qu'avait tir des tnbresde la dcadence, et que soutenait sur le chaos dela barbarie la main providentielle de Charle-magne, il y avait la papaut et l'empire, deuxpouvoirs soutenus et limits l'un par l'autre. Lapapaut alors, dpositaire du dogme initiateur etcivilisateur, reprsentait la libert, qui tient les

    T. I. 3

    DISCOURS PRELIMINAIRE. 33

  • VI DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

    clefs de l'avenir; et l'empereur, arm du glaive,tendait sur les troupeaux que poussait en avantla houlette des pontifes le bras de fer de la nces-sit, qui assurait et rglait la marche de l'huma-nit dans les voies du progrs.

    Qu'on ne s'y trompe pas , le mouvement reli-gieux de notre poque, commenc par Chateau-briand, continu par Lamennais et Lacordaire, cemouvement n'est pas rtrograde et ne donne pastort l'mancipation de la conscience humaine.L'humanit s'tait rvolte contre .>3s excs du mys-ticisme, qui , en affirmant la libert absolue deDieu sans admettre en lui aucune ncessit, anan-tissait la justice ternelle et absorbait la person-nalit de l'homme dans l'obissance passive : leVerbe humain, en effet, ne pouvait pas se laisserdvorer ainsi; mais les passions aveugles essayrentde pousser la protestation dans l'extrmit con-traire, en lui faisant proclamer la souverainetunique et absolue de l'individualisme humain. Onse souvient du culte de la Raison inaugur Notre-

    . Dame, et des hommes de septembre maudissantla Saint-Barthlemy. Ces excs produisirent vite

  • la lassitude et le dgot; mais l'humanit ne re-.pona pas pour cela ce qui avait rendu sa pro-

  • D I S C O U R S P R L I M I N A I R E . 85testation ncessaire. Chateaubriand vint alors ds-abuser les esprits qu'on avait gars en calomniantl'glise. Il fit aimer la religion en la montranthumaine et raisonnable; le monde avait besoinde se rconcilier avec son Sauveur, mais c'est enle reconnaissant pour tre vritablement homme,qu'on se disposait l'adorer de nouveau comme levrai Dieu.

    Ce que l'on demande aujourd'hui au prtre, c'estsurtout la charit, cette sublime expression del'humanit divine. La religion ne se contente plusd'offrir l'me les consolations de l'autre vie, ellese sent appele secourir dans celle-ci les douleursdu pauvre, l'instruire, le protger et le diri-ger dans son travail. La science conomique vientau-devant d'elle dans cette oeuvre de rgnration.Tout cela peut-tre se fait lentement, mais enfinle mouvement s'opre, et l'glise, seconde par lepouvoir temporel, ne saurait manquer de retrouverbientt toute son influence d'autrefois pour pr-cher au monde le christianisme accompli dans lasynthse messianique. Si l'glise avait rellementni le Verbe humain, si elle tait l'ennemie natu-relle, par consquent, de toute libert et de pro-grs, nous la regarderions comme morte, et nous

  • 36 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE .penserions, qu'il en sera d'elle comme de la syna-gogue judaque; mais, encore une fois, cela n'estpas et ne saurait tre. L'glise, qui, dans sa con-stitution, rflchit l'image de Dieu, porte en elleaussi la double loi de libert et d'autorit con-tenues, rgles et tempres l'une par l'autre. Eneffet, l'glise, tout en maintenant l'intgrit et lastabilit du dogme, lui a donn, de concile en con-cile, de superbes dveloppements. Aussi, parmi leshrtiques et les dissidents, pendant que les unsaccusaient l'orthodoxie d'immobilisme, d'autres luireprochaient sans cesse des innovations; tous lessectaires, pour se sparer de la commune eccl-siastique, ont prtext le dsir de retourner auxcroyances et aux pratiques de l'glise primitive.

    Si l'on et parl aux catholiques du xve sicleou aux philosophes du xvnie d'un accord n-cessaire entre la libert de conscience et l'au-torit religieuse, entre la raison et la foi, on etindign les uns et fait rire amrement les autres.Parler de paix et d'alliance au milieu d'une bataille,c'est, en effet, prendre assez mal son temps et vou-loir perdre ses paroles.

    Les doctrines dont nous nous faisons l'interprte,parce que nous les considrons comme l'expression

  • DISCOURS PRLIMINAIRE. 37la plus avance des tendances de l'intelligencehumaine l'poque o nous vivons, ces doctrines,pressenties depuis quelques annes par un petitnombre d'esprits d'lite, peuvent tre mises au-jourd'hui avec espoir de les voir accueillies; mais,il y a quelques mois peine, elles n'eussent trouvnulle part ni une attention complaisante, ni une .tribune ni un cho.

    C'est qu'alors les partis extrmes n'avaient pasencore t contraints d'abdiquer leurs prtentionsdevant la toute-puissance des vnements provi-dentiels, et l'on pouvait difficilement rester neutreau milieu de leur guerre acharne ; toute concessionde l'un l'autre tait alors considre comme unevritable trahison , et les hommes qui n'abandon-nent jamais la justice, tant contraints de la cher-cher sparment et successivement dans les deuxcauses spares, devenaient suspects tout lemonde, comme des rengats ou des transfuges.Avoir des convictions assez nergiques pour pr-frer alors son indpendance consciencieuse auxencouragements des coteries, c'tait se condainner une solitude qui n'tait pas sans apprhensions etsans angoisses. Demeurer isol entre deux armesqui s'attaquent, n'est-ce pas tre expos tous les

  • 38 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.coups ? Passer de l'une l'autre, n'est-ce pas vou-loir se faire proscrire dans toutes les deux ? Enchoisir une au hasard, n'est-ce pas trahir l'autre?

    Ce sont ces alternatives cruelles qui ont poussdes hommes comme M. de Lamennais de l'ultra-montanisme au jacobinisme, sans leur laisser trou-ver nulle part ni certitude ni repos. L'illustre au-teur des Paroles d'un croyant, pouvant de voirse dresser devant lui l'anarchie et le nant sous lemasque du socialisme, et ne trouvant dans songnie irrit aucune justification de l'antinomie quile blessait, n'a-t-il pas recul jusqu' Zoroastre,et n'a-t-il pas cherch dans les dogmes dsolantsdu manichisme une explication quelconque de laguerre ternelle des Amchaspands et des Darvands?

    Mais les quatre annes qui viennent de s'couleront t pleines, pour le monde, d'enseignementset de rvlations immenses. La rvolution s'est ex-plique et justifie une seconde fois par la crationd'une autorit absolue, et nous comprenons main-tenant que le dualisme constitutionnel n'tait autrechose que le manichisme en politique. Pour con-cilier la libert et le pouvoir, il faut en effet lesappuyer l'un sur l'autre, et non les opposer l'un l'autre.

  • Lasouverainet absolue fonde sur le suffrageuniversel, telle est dsormais la notion unique del'autorit vritable, en religion comme en politique.Ainsi seront constitus les gouvernements de droithumain, seconde forme du droit divin, qui estimprescriptible dans l'humanit.

    C'est par l'intelligence du vrai et la pratiqueraisonne du bien que s'affranchissent non-seu-lement les individus, mais les peuples. Sur deshommes dont l'Aine est libre, la tyrannie matrielleest impraticable; mais aussi la libert extrieuredes hommes et des multitudes, qui sont intrieure-ment asservis des prjugs ou des vices, n'estqu'une multiplication et une complication de ty-rannie. Quand la majorit des hommes inintelli-gents est mattresse , la minorit des sages estesclave.

    Aussi faut-il soigneusement distinguer le droitdu fait et le principe de ses applications dans lapolitique de l'glise.

    Son travail a toujours t de soumettre les fata-lits de la chair la providence de l'esprit; c'estau nom de la libert' morale qu'elle oppose unedigue la spontanit aveugle des tendances phy-siques; et si, de nos jours, elle ne s'est pas montre

    DISCOURS PRLIMINAIRE. 39

  • GO DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

    sympathique au mouvement rvolutionnaire, c'estqu'elle sentait d'une manire surminente et in-faillible que l n'tait pas la vritable libert.

    Ce sont les abus possibles de la libert qui ren-dent l'autorit ncessaire; et l'autorit n'a d'autremission dans l'glise et dans l'tat que de pro-tger la libert rgle de tous contre la libertdrgle de quelques-uns. Plus l'autorit est forte,plus sa protection est puissante. Voil pourquoil'infaillibilit a t ncesiaire l'glise; voil pour-quoi aussi toujours, dans un tat bien gouvern,force doit rester la loi. L'ide de libert etcelle d'autorit sont donc indissolublement unieset s'appuient uniquement l'une sur l'autre.

    La tyrannie dans l'ancien monde n'tait quela libert absolue de quelques-uns au prjudicede la libert de tous. L'vangile, en imposant desdevoirs aux rois comme aux peuples a rendu, auxuns l'autorit qui leur manquait, et a garanti auxautres une libert fonde sur des droits nouveaux,avec la certitude d'un progrs rel et d'un perfec-tionnement possible tous.

    Si l'intelligence humaine n'tait pas perfectible,

  • quoi servirait, je vous prie, l'enseignement per-manent de la Providence, et pourquoi la rvlation

  • D I S C O UR S P R L I MI N A I R E . 1 1 1

    se serait-elle manifeste sous des formes successiveset successivement plus parfaites ? La nature nousmontre le progrs dans la constitution de tous lestres et n'accomplit que lentement ses chefs-d'oeu-vre. Le mouvement est partout le signe de la vie,et mme lorsqu'il parait s'accomplir en parcourantun cercle, dans ce cercle, du moins, il va toujoursen avant, et ne donne jamais, en revenant sur lui-mme, un dmenti la main qui l'imprime:

    La loi du mouvement, si elle n'tait point rglepar la Providence dans le ciel et par l'autorit surla terre, serait une loi de destruction et de mort,parce que ce serait une loi de dsordre; niais,d'un autre ct, si la rsistance qui rgle le mou-vement arrive le paralyser et' vouloir l'arrter,de deux choses l'une : ou le mouvement briserala rsistance et dtruira l'autorit, ou l'autoritanantira le mouvement et se suicidera ainsi endtruisant sa propre force et sa propre vie.

    C'est ainsi que le judasme s'est renvers luimme en voulant s'opposer l'closion du chris-tianisme, qui tait la consquence naturelle et ledveloppement ncessaire des dogmes de Mose etdes promesses des prophtes.

    La catholicisme n'imitera pas le judasme et ne

  • 4.2 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

    s'opposera pas la grande synthse messianique,parce que l'glise catholique porte dans son nommme une promesse d'universalit, qui assigned'avance son vrai nom l'glise de l'avenir. Romeet Constantinople ne se disputeront pas une secondefois l'empire du monde : o se manifestera leVerbe, l sera le pontife du Verbe: Le sige quereconnatra l'obissance du monde sera celui dusuccesseur de JsusChrist; et tout chef d'un petitnombre de dissidents, quels que puissent tred'ailleurs ses prtextes et ses prtendus titres, nesera plus devant le suffrage universel des nationsqu'un antipape et un sectaire.

    La runion des deux glises grecque et romaineest donc la grande rvolution tout la fois reli-gieuse et civile qui doit tt ou tard changer la facedu monde; et cette rvolution ne saurait manquerd'tre le rsultat du dveloppement et de la pro-pagation des doctrines kabbalistiques dans l'gliseet dans la socit.

    En vain nous dirait-on que l'glise se croit par-faite, et affecterait-on de craindre qu'elle ne refused'admettre la loi du progrs. Nous avons dj r-pondu cette crainte par un passage dcisif deVincent de Lrins; mais la question est assez im-

  • DISCOURS PRLIMINAIRE. 43portante pour que nous ajoutions ici encore quel.;ques fortes autorits.

    Un savant pasteur anglais, rcemment convertiau catholicisme, le docteur John Newman, a publidans ces derniers temps un ouvrage qui a obtenula haute approbation de l'autorit ecclsiastique,et dans lequel il prouve que le dveloppementdu dogme, et par consquent celui de l'intelligencehumaine, a t l'oeuvre spciale du catholicisme,considr comme principe initiateur et conserva-teur, dans l'explication et l'application de ces tho-rmes divins qui sont la lettre du dogme. Avant deprouver sa thse, il tablit victorieusement l'exis-tence du progrs naturel en toutes choses, maisplus particulirement dans la rvlation. Voici enquels termes il s'exprime :

    D'aprs l'histoire de toutes les sectes et de tousles partis en religion, et d'aprs l'analogie etl'exemple de l'criture , nous pouvons 'conclureraisonnablement que la doctrine chrtienne admetdes dveloppements formels, lgitimes, rels, desdveloppements prvus par son divin auteur.

    L'analogie gnrale du monde physique etmoral confirme cette conclusion : Tout le monde naturel, et son gouvernement, dit Butler, est un

  • /lit DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

    plan ou un systme, non un systme fixe, mais progressif, un plan dans lequel l'essai de divers moyens a lieu longtemps avant que les fins pro- poses puissent tre atteintes. Le changement des saisons, la culture des fruits de la terre, l'histoire mme d'une fleur en est une preuve; et il en est ainsi de la vie humaine. Ainsi les vgtaux et les animaux, quoique forms ncessairement en une fois, grandissent cependant par degrs pour arriver la maturit. Et ainsi les agents raison- nables qui animent les corps sont naturellement ports vers le caractre qui leur est propre par l'acquisition graduelle de connaissances et d'ex-

    prience, et par une longue suite d'actions. Notre existence n'est pas seulement successive,

    comme elle doit l'tre de toute ncessit, niais untat de notre tre est dsign par le Crateur pourservir de prparation un autre tat et de transi-tion celui qui lui succde. Ainsi l'adolescencevient aprs l'enfance, la jeunesse aprs l'adoles-cence et l'ge mr aprs la jeunesse. Les hommes,dans leur impatience, veulent tout prcipiter. Maisl'auteur de la nature semble n'oprer que d'aprs

  • une longue dlibration, et arrive ses fins pardes progrs successivement et lentement accom-

  • D I S C O U R S P R L I M I N A I R E . 1 1 5

    plis... Dieu opre de la mme manire dans le coursde sa providence naturelle et dans la manifestationreligieuse, faisant succder une chose une autre,puis. une autre encore celle-ci, et continuanttoujours, par une srie progressive de moyensqui s'tendent au del et en de de notre vueborne. La loi nouvelle du christianisme nous estreprsente dans celle de la nature.

    Dans une de ses paraboles , remarque ailleursle docteur Newman, Notre-Seigneur compare leroyaume du ciel un grain de snev qu'un hommeprend et sme dans son champ. Cette graine est, la vrit, la plus petite de toutes les graines;mais, quand elle a cr, elle est la plus grande desplantes et devient un arbre; et, comme le dit saintMarc, cet arbre pousse des branches sur les- quelles les oiseaux du ciel viennent se reposer. Et ensuite, dans le mme chapitre de saint Marc : Le royaume de Dieu est semblable un homme qui jette de la semence en terre. Qu'il dorme ou qu'il se lve, nuit et jour la semence germe et croit sans qu'il sache comment, car la terre pro- duit son fruit d'ellemme. Ici il est questiond'un lment intime de la vie, soit principe, soitdoctrine, plutt que d'aucune manifestation

  • h 6 D o ( M E 1 H ? E L D E L A D A M M A M E .

    extrieure; et il est observer que, selon l'espritdu texte, le caractre spontan aussi bien que gra-duel appartient la croissance. Cette descriptiondu progrs correspond ce qui a dj t observpar rapport au dveloppement ; c'est--dire qu'iln'est le rsultat ni de la volont, ni de la rsolution,ni d'une exaltation factice, ni du mcanisme de laraison, ni mme d'une plus grande subtilit del'intelligence, mais qu'il agit par sa force native,dont l'expansion et l'effet ont lieu dans un momentdtermin. Sans doute que la rflexion, jusqu'un certain point, le rgit et le modifie en l'appro-priant au gnie particulier des personnes, maistoujours selon le premier dveloppement moralde l'esprit lui-mme. Il est impossible d'indiquer plus clairement

    l'existence des deux lois qui se compltent l'unel'autre, bien qu'opposes en apparence, de la n-cessit providentielle et de la libert humaine.Pour les hommes, la nature elle-mme est cettencessit qui contient et fconde les lans de leurVerbe crateur; Verbe qui constitue dans l'hommela ressemblance de Dieu, et qu'on appelle la libert !

    La tactique des hrsiarques et des matrialistesa t de tout temps d'abuser des mots pour per-

  • D I S C O U R S P R L I M I N A I R E . 4/vertir les choses ; puis d'accuser l'autorit d'apo-stasie, lorsqu'elle vengeait, en les condamnanteux-mmes, les vrits mal interprtes par euxet qui leur servaient d'enseignes.

    Vous appelez libert la plus condamnable li-cence, vous appelez progrs un mouvement tumul-tueux et subversif; l'glise vous dsavoue, et vousl'accusez avec amertume d'tre l'ennemie duprogrs et de la libert ! Elle n'est ennemie quedu mensonge, et vous le savez bien. Et c'est pour-quoi, voulant persvrer dans votre guerre contreelle, il faut bien toujours que vous Mentiez : autre-ment, vous seriez d'accord avec elle, et il faudrait,bon gr, mal gr, que vous subissiez sa puissance.

    Voil ce qu'on peut dire, au nom de l'glise, ses adversaires de mauvaise foi. Mais nous avons rpondre ici des objections plus srieuses. Descatholiques sincres, mais peu clairs, plus atta-chs la lettre qu' l'esprit des dcisions pontifi-cales, nous diront peut-tre que, dans ses encycli-ques au sujet des doctrines de l'abb de Lamennais,Rome a formellement condamn les ides de libertet de progrs.

    Nous rpondrons par les termes mmes de lapremire encyclique : Le pape condamne ceux qui,

  • It8 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

    pour rgnrer l'glise veulent la rendre touthumaine, de divine qu'elle est dans son autorit etdans son principe.

    Donc ce que le juge condamne, ce n'est pas l'affir-mation du Verbe humain, mais la ngation du Verbedivin. L'glise est donc ici dans son droit et dans sondevoir. Rome a vu le principe de son autorit spi-rituelle attaqu par les oeuvres de l'illustre crivain,et la preuve qu'elle ne se trompait pas, et queM. de Lamennais ne croyait dj plus cette toute-puissance morale dont il avait t nagure le pluszl et le plus puissant dfenseur, c'est qu'il nes'est pas soumis ses dcisions et qu'il a passoutre, enjambant d'un seul pas rtrograde, l'-glise, le christianisme et la civilisation tout entire.

    Quant la libert que l'glise rprouve, c'estcelle qui a voulu dtrner Pie IX, et qui a conduitl'Europe au bord de l'abme. Mais que peut-il yavoir de commun entre la libert des enfants deDieu et celle des enfants de Can 2

    Nous ne croyons donc pas, encore une fois,que l'glise romaine laisse prendre l'glised'Orient l'initiative du mouvement rgnra-

  • teur. L'immobilit de la barque de Pierre, au mi-lieu du va- et- vient des vagues rvolutionnaires,

  • DISCOURS PRLIMINAIRE. 49n'est qu'une protestation divine en faveur duvritable progrs.

    Tout ce qui s'accomplit hors de l'autorit s'ac-. complit hors de la nature, qui est la loi positive de

    l'autorit ternelle. L'idal humain peut donc suivredeux voies opposes : ou dvancer la science parl'intuition qu'elle doit justifier plus tard, ou s'car-ter de la science par l'hallucination qu'elle con-damne. Les amis du dsordre, les mes captivesde l'gosme brutal, craignant le joug de la scienceet la discipline de la raison, prennent toujoursl'hallucination pour guide. Le paganisme a eu sesfaux mystiques, et c'est ainsi que le dogme philoso-phique des anciens Hellnes s'est chang en idol-trie; le christianisme a t aussi afflig sontour de la mme plaie, et un asctisme inhumain,entratnant aprs lui comme raction le quitismele plus immoral, a fait calomnier la pit vritableet a loign bien des mes des pratiques de lareligion.

    Un des plus remarquables fantaisistes de notretemps, le paradoxal P.-J. Proudhon, ayant un jour contrarier M. de Lamartine qui tait alors aupouvoir, lana contre les potes une de ces cyni-ques et loquentes diatribes qu'il sait si bien faire.

    T. 1. 4

    .1

  • 5() DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.-Nous n'avons pas sous les yeux cette page empor-te comme tant d'autres par le tourbillon rvolu-tionnaire, mais nous nous rappelons avec quelleverve le trop clbre rveur dclamait contrela posie et contre les rves ; il tait effrayant devrit lorsqu'il reprsentait l'tat chancelant etdvoy, prt trbucher dans le sang la suite dequelque joueur de guitare que l'extase de sa pro-pre musique empchera d'entendre les imprca-tions, les sanglots et les rles ! Voil, s'criait-il, ceque c'est que le gouvernement des potes! Puis,s'chauffant pour son ide, comme c'est l'ordinaire,il arrivait conclure que Nron tait l'incarnationla plus complte de la posie leve sur le trnedu monde. Brler Rome aux sons de la lyre et dra-matiser ainsi la grande posie de Virgile, n'tait-cepas une colossale et impriale et potique fantai-sie? A la ville des Csars qu'il sacrifiait ainsi commeun dcor la mise en scne de ses vers, Nron vou-lait substituer une Rome nouvelle, toute doreet construite d'un seul palais Oh ! si la grandeurde l'audace et la tmrit des rves font le sublimeen posie, Nron tait, en effet, un grand pote!Mais ce n'est ni M. Proudhon, ni aucun des chefs dusocialisme moderne, qui ont le droit de l'en blmer.

  • Nronreprsente pour nous la personnification la pluscomplte de l'idalisme sans autorit et de lalicence du pouvoir : c'est l'anarchie de M. Proudhonrsume en un seul homme et place sur le trne del'univers; c'est l'absolu des matrialistes envolupts, en audace, en nergie et en puissance.Jamais nature plus dsordonne n'effraya lemonde de ses carts; et voil ce que les rvo-lutionnaires de l'cole de M. Proudhon entendentpar de la posie; mais nous ne pensons pas commeeux.

    tre pcete, c'est crer; ce n'est pas rver nimentir. Dieu a t pote lorsqu'il a fait le monde, etson immortelle pope est crite avec des toiles.Les sciences ont reu de lui les secrets de la posie,parce que les clefs de l'harmonie ont t remisesentre leurs mains. Les nombres sont potes, carils chantent avec ces notes toujours justes, qui don-naient des ravissements au gnie de Pythagore. Laposie qui n'accepte pas le monde tel que Dieu l'afait, et qui cherche en inventer un autre, n'estque le dlire des esprits des tnbres : c'est celle-lqui aime le mystre et qui nie les progrs de l'in-telligence humaine. A celle-l donc les enchante-ments de l'ignorance et les faux miracies de la

    DISCOURS PRLIMINAIRE. fit

  • 52 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.thurgie 1 A celle-l le despotisme de la matire etles caprices des passions ! A la posie anarchi-que, en un mot, les tentatives toujours vaines, lesesprances toujours dues, le vautour et la rageimpuissante de Promthe, tandis que la posiesoumise l'ordre, qui lui garantit une libert invio-lable, cueillera les fleurs de la science, traduiral'harmonie des nombres, interprtera la prire uni-verselle et marchera tantt devant la science, tanttsur ses traces, mais toujours prs d'elle, dans lalumire vivante du Verbe et dans la voie assuredu progrs !

    Cet avenir prochain du christianisme retremp la source de toute rvlation, c'est--dire dansles fortes vrits du magisme et de la cabale, at pressenti par un grand pote polonais, AdamMickiewisch, qui a cr pour cette doctrine unnom nouveau, et l'a nomme le Messianisme.

    Ce nom nous plat et nous l'adoptons avec plaisir,pourvu qu'il ne reprsente pas l'ide d'une sectenouvelle. Le monde est las de morcellements et dedivisions, et tend de toutes ses forces l'unit. Aussine sommes-nous pas de ceux qui se disent catholiques et non romains; ce qui constitue un contre -sens

  • des plus ridicules. Catholique veut dire universel,

  • or l'universalit n'est-elle donc pas ncessairementromaine, puisque Rome est dans l'univers?

    Le xvme sicle a vu les abus de la religion, maisil a mconnu la force de cette mme religion, parcequ'il n'en devinait pas le secret. La haute magiechappe l'incrdulit et l'ignorance parcequ'elle s'appuie galement et sur la science et surla foi.

    L'homme est le thaumaturge de la terre, et parson verbe, c'est-dire par sa parole intelligente,il dispose des forces fatales. Il rayonne et attirecomme les astres; il peut gurir par un attouche-ment, par un signe, par un acte de sa volont.Voil ce que Mesmer, avant nous, tait venu rv-ler au monde; voil ce secret terrible qu'onenfouissait avec tant de soin dans les ombres desanciens sanctuaires. Que peuvent prouver mainte-nant les prtendus miracles de l'homme, sinonl'nergie de sa volont et la puissance de sonmagntisme? C'est donc maintenant qu'on peut direavec vrit que Dieu seul est Dieu, car les hommesde prestige ne se feront plus' adorer. D'ailleurs, lasynthse de tous les dogmes nous ramne un seulsymbolisme, qui est celui de la cabale et desmages. Les trois mystres et les quatre vertus

    DISCOURS PRLIMINAIRE. 58

  • 5/1. DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

    ralisent le triangle et le carr magique. Lessept sacrements manifestent les puissances des septgnies ou des sept anges, qui, suivant le texte del'Apocalypse, se tiennent toujours devant letrne de Dieu. Nous comprenons maintenant lesmathmatiques sacres qui multiplient soixante etdouze fois le divin ttragramme pour former lesempreintes des trente-six talismans de Salomon, Ramens par des tudes profondes l'antique tho-logie d'Isral, nous nous inclinons devant leshautes vrits de la cabale, et nous esprons queles sages Isralites, leur tour, reconnatront qu'ilsn'taient spars de nous que par des mots malentendus. Isral a emport d'gypte les secrets dusphinx; mais il a mconnu la croix qui, dans lessymboles primitifs de l'gypte magique, tait djla clef du ciel. Il ne tardera pas la comprendre,car dj il a ouvert son coeur la charit. Le crid'angoisse des chrtiens de Syrie a mu les enfantsde Mose, et pendant qu'Abd-el-Kader protgeaitnos malheureux frres en Orient et les dfendaitau pril de sa vie, une souscription s'ouvrait Parispar les soins de l'avocat isralite Crmieux.

  • La grande nigme des sicles anciens, le sphinx,aprs avoir fait le tour du monde sans trouver de

  • D I S C O U R S P R L I M I N A I R E . 55repos, s'est arrt au pied de la croix, cette autregrande nigme; et depuis dix-huit sicles et demi,il la contemple et la indite.

    Qu'estce que l'homme? demande le sphinx la croix, et la croix rpond au sphinx en luidemandant : Qu'est-ce que Dieu ?

    Dj dix-huit fois le vieil asw. rus a dit aussile tour du globe; et la fin de tous les sicles, etau commencement de toutes les gnrations, ilpasse prs de la croix muette et devant le sphinximmobile et silencieux.

    Quand il sera las de marcher toujours sans arri-ver jamais, c'est l qu'il se reposera, et alors lesphinx et la croix parleront tour tour pour leconsoler.

    Je suis le rsum de la sagesse antique, dira lesphinx; je suis la synthse de l'homme. J'ai unfront qui pense et des mamelles qui se gonflentd'amour; j'ai des griffes de lion pour la lutte, desflancs de taureau pour le travail et des ailes d'aiglepour monter vers la lumire..Je n'ai t compris dans les temps anciens que par l'aveugle volontairede Thbes, ce grand symbole de la mystrieuseexpiation qui devait initier l'humanit l'ternellejustice; mais maintenant l'homme n'est plus l'en-

    4

  • 56 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.faut maudit qu'un crime originel fait exposer lamort sur le Cythron ; le pre est venu expier son tour le supplice de son fils; l'ombre de Laus agmi des tourments d'OEdipe ; le ciel a expliquau monde mon nigme sur cette croix. C'est pour-quoi je me tais en attendant qu'ellemme s'ex-plique au monde': repose-toi, Aaswrus, car c'estici le terme de ton douloureux voyage.

    Je suis la clef de la sagesse venir, dira lacroix; je suis le signe glorieux du stauros que Dieua fix aux quatre points cardinaux du ciel, pourservir de double pivot l'univers.

    J'ai expliqu sur la terre l'nigme du sphinx,en donnant aux hommes la raison de la douleur;j'ai consomm le symbolisme religieux en ralisantle sacrifice. Je suis l'chelle sanglante par o l'hu-manit monte vers Dieu et par o Dieu descendvers les hommes. Je suis l'arbre du sang, et mesracines le boivent par toute la terre, afin qu'il nesoit pas perdu, mais qu'il forme sur mes branchesdes fruits de dvouement et d'amour. Je suis lesigne de la gloire, parce que j'ai rvl l'honneur;et les princes de la terre m'attachent sur la poitrine

  • des braves. Un d'entre eux m'a donn une cin-quime branche pour faire de moi une toile; mais

  • D I S C O UR S P R L I MI N A I R E . 57je m'appelle toujours la croix. Peut-tre celui quifut le martyr de la gloire prvoyait-il son sacrifice,et voulait-il, en ajoutant une branche la croix,prparer un chevet sa propre tte ct de celledu Christ. J'tends mes bras galement droite et gauche, et j'ai galement rpandu les bndic-tions de Dieu sur Madeleine et sur Marie; j'offrele salut aux pcheurs, et aux justes la grce nou-velle; j'attends Can et Abel pour les rconcilier etles unir. Je dois servir de point de ralliement auxpeuples, et je dois prsider au dernier jugementdes rois; je suis l'abrg de la loi, car je porte critsur mes branches : Foi, esprance et charit. Jesuis le rsum de la science, parce que j'expliquela vie humaine et la pense de Dieu. Ne tremblepas, Aaswrus, et ne redoute plus mon ombre; lecrime de ton peuple est devenu celui de l'univers,car les chrtiens aussi ont crucifi leur Sauveur;ils l'ont crucifi en foulant aux pieds sa doctrine decommunion, ils l'ont crucifi en la personne despauvres, ils l'ont crucifi en te maudissant toi-mme et en proscrivant ton exil; mais le crimede tous les hommes les enveloppe tous dans lemme pardon; et toi, le Can humanitaire, toi,rain de ceux que doit racheter la croix, viens te

  • 58 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

    reposer sous l'un de ses bras encore teint du sangrdempteur! Aprs toi viendra le fils de la secondesynagogue, le pontife de la loi nouvelle, le succes-seur de Pierre; lorsque les nations l'auront proscritcomme toi, lorsqu'il n'y aura plus d'autre cou-ronne que celle du martyre, et lorsque la perscu-tion l'aura rendu soumis et doux comme le justeAbel, alors reviendra Marie, la femme rgnre,la mre de Dieu et des hommes; et elle rconci-liera le Juif errant avec le dernier des papes, puiselle recommencera la conqute du monde pour lerendre ses deux enfants. L'amour rgnra lessciences, la raison justifiera la foi. Alors je re-deviendrai l'arbre du paradis terrestre, l'arbre dela science du bien et du mal, l'arbre de la liberthumaine. Mes immenses ranieaux ombragerontle monde entier, et les populations fatigues sedlasseront sous tnon ombre; mes fruits seront lanourriture des forts et le lait des petits enfants; etles oiseaux du ciel, c'est--dire ceux qui passenten chantant, ports sur les ailes de l'inspirationsacre, ceux-l se reposeront sur mes branchestoujours vertes et charges de fruits. Repose-toidonc, Aaswrus, dans l'esprance de ce bel avenir;car c'est ici le terme de ton douloureux voyage.

  • D I S C O U R S P R L I M I N A I R E . 59Alors le Juif errant, secouant la poussire de ses

    pieds endoloris, dira au sphinx : Je te connaisdepuis longtemps! zchiel te voyait autrefoisattel ce chariot mystrieux qui reprsente l'uni-vers et dont les roues toiles tournent les unesdans les autres; j'ai accompli une seconde fois lesdestines errantes de l'orphelin du Cythron ;comme lui, j'ai tu mon pre sans le connatre ;lorsque le dicide s'est accompli , et lorsque j'aiappel sur moi la vengeance de son sang, je mesuis condamn moi-mme l'aveuglement et l'exil. Je te fuyais et je te cherchais toujours, cartu tais la premire cause de mes douleurs. Mais tuvoyageais pniblement comme moi, et par des che-mins diffrents, nous devions arriver ensemble;bni sois-tu, gnie des anciens ges ! de m'avoirramen au pied de la croix !Puis, s'adressant la croix elle mme, Aaswrus

    dira en essuyant sa dernire larme : Depuis dix-huit sicles, je te connais, car je t'ai vue portepar le Christ qui succombait sous ce fardeau. J'aibranl la tte et je t'ai blasphme alors, parce queje n'avais pas encore t initi la maldiction; ilfallait ma religion l'anathme du monde pour luifaire comprendre la divinit du maudit; c'est

  • 60 DOGME ET RITUEL DE LA HAUTE MAGIE.

    pourquoi j'ai souffert avec courage mes dix-huitsicles d'expiation, vivant et souffrant toujours aumilieu des gnrations qui mouraient autour demoi, assistant l'agonie des empires, et traversanttoutes les ruines en regardant toujours avec anxitsi tu n'tais pas renverse; et aprs toutes les con-vulsions du monde, je te voyais toujours debout !Mais je ne m'approchais pas de toi, parce que lesgrands du monde t'avaient profane encore, etavaient fait de toi le gibet de la Libert sainte ! Jene m'approchais pas de toi, parce que l'inquisitionavait livr mes frres au bcher en prsence deton image; je ne m'approchais pas de toi, parceque tu ne parlais pas, tandis que les faux ministresdu ciel parlaient, en ton nom, de damnation et devengeances; et moi, je ne pouvais entendre quedes paroles de misricorde et d'union ! Aussi, dsque ta voix est parvenue mon oreille, j'ai sentimon coeur chang et ma conscience s'est calme !Bnie soit l'heure salutaire qui m'a ramen au piedde la croix !

    Alors une porte s'ouvrira dans le ciel et la mon-tagne du Golgotha en sera le seuil, et devant cette

  • porte, l'humanit verra avec tonnement la croixrayonnante garde par le Juif errant qui aura

  • D I S C O U R S P R L I M I N A I R E . 61dpos ses pieds son bton de voyage, et par lesphinx qui tendra ses ailes et aura les yeux bril-lants d'esprance comme s'il allait prendre un nou-vel essor et se transfigurer!

    Et le sphinx rpondra la question de la croixen disant : Dieu est celui qui triomphe du mal parl'preuve de ses enfants, celui qui permet la dou-leur, parce qu'il en possde en lui le remde ter-nel; Dieu est celui qui est, et devant qui le maln'est pas.

    Et la croix rpondra l'nigme du sphinx :L'homme est le fils de Dieu qui s'immortalise enmourant, et qui s'affranchit, par un amour intelli-gent et victorieux, du temps et de la mort; l'hommeest celui qui doit aimer pour vivre, et qui ne peutaimer sans tre libre; l'homme est le fils de Dieuet de la Libert!

    Rsumons ici notre pense. L'homme, sorti des mains de Dieu, est esclave de ses besoins et de sonignorance; il doit s'affranchir par l'tude et letravail. La toute-puissance relative de la volont,confirme par le Verbe, rend seule les hommesvraiment libres, et c'est la science des anciensmages qu'il faut demander les secrets de l'manci-pation et des forces vives de la volont.

  • 62 DOGME ET RITUEL DE LA UAITTE MAGIE.Nous rapportons aux pieds de l'enfant de Beth-

    lem l'or, l'encens et la myrrhe des anciens mages,maintenant que les rois de la terre semblent lerenvoyer dans la crche. Que les pontifes soientpauvres, mais qu'ils prennent d'une main le sceptrede la science, le sceptre royal .de Salomon, et del'autre la houlette de la charit, la houlette dubon Pasteur; et ils commenceront seulementalors tre vraiment rois dans ce monde et dansl'autre !

  • INTRODUCTION.

    A travers le voile.de toutes les allgories hira-tiques et mystiques des anciens dogmes, traversles tnbres et les preuves bizarres de toutes lesinitiations, sous le sceau de toutes les crituressacres, dans les ruines de Ninive ou de Thbes, surles pierres ronges des anciens temples et sur laface noircie des sphinx de l'Assyrie ou de l'gypte,dans les peintures monstrueuses ou merveilleusesqui traduisent pour les croyants de l'Inde les pagessacres des Vedas, dans les emblmes tranges denos vieux livres d'alchimie, dans les crmoniesde rception pratiques par toutes les socitsmystrieuses, on retrouve les traces d'une doctrinepartout la mme et partout soigneusement cache.La philosophie occulte semble avoir t la nourriceou la marraine de toutes les religions, le levier .secret de toutes les forces intellectuelles, la clef de

  • 64 DOGME. DE LA HAUTE MAGIE .toutes les obscurits divines, et la reine absoluede la socit, dans les ges o elle tait exclusi-vement rserve l'ducation des prtres et desrois.

    Elle avait rgn en Perse avec les mages, quiprirent un jour, comme prissent les matres dumonde, pour avoir abus de leur puissance ; elleavait dot l'Inde des plus merveilleuses traditionset d'un luxe incroyable de posie, de grce et deterreur dans ses emblmes; elle avait civilis laGrce aux sons de la lyre d'Orphe; elle cachaitles principes de toutes les sciences et de tous lesprogrs de l'esprit humain dans les calculs auda-cieux de Pythagore ; la fable tait pleine de sesmiracles, et l'histoire , lorsqu'elle entreprenait dejuger cette puissance inconnue, se confondait avecla fable ; elle branlait ou affermissait les empirespar ses oracles, faisait plir les tyrans sur leur trneet dominait tous les esprits par la curiosit ou parla crainte. A cette science, disait la foule, rien n'estimpossible: elle commande aux lments, sait lelangage des astres et dirige la marche des toiles ;la lune, sa voix, tombe toute sanglante du ciel;les morts se dressent dans leur tombe et articulenten paroles fatales le vent de la nuit qui siffle dans

  • I N T R O D U C T I O N . 6 5leur crne. Matresse de l'amour ou de la haine,la science peut donner son gr aux coeurshumains le paradis ou l'enfer ; elle dispose loisirde toutes les formes et distribue comme il lui platsoit la beaut, soit la laideur; elle change tour tour, avec la baguette de Circ, les hommes enbrutes et les animaux en hommes; elle disposemme de la vie ou de la mort, et peut confrer ses adeptes la richesse par la transmutation desmtaux, et l'immortalit par sa quintescence et sonelixir compos d'or et de lumire ! Voil ce qu'avaitt la magie depuis Zoroastre jusqu' Mans, depuisOrphe jusqu' Apollonius de Thyane , lorsquele christianisme positif, triomphant enfin desbeaux rves et des gigantesques aspirations del'cole d'Alexandrie, osa foudroyer publiquementcette philosophie de ses anathmes, et la rduisitainsi tre plus occulte et plus mystrieuse quejamais.

    D'ailleurs, il courait sur le compte des initis oudes adeptes des bruits tranges et alarmants; ceshommes taient partout environns d'une influencefatale : ils tuaient ou rendaient fous ceux qui se

  • laissaient entraner par leur doucereuse loquenceou par le prestige de leur'savoir. Les femmes qu'ils

    T. I. 5

  • 06 DOGME Dtt LA HAUTE MAGIE.

    aimaient dvenaient des Stryges, leurs enfants dis-paraissaient dans leurs convepticules noctqrnes, etl'on parlait tout bas eu frissonnant de sanglantesorgies et d'abominables festins. On avait trouvdes ossements. dans les souterrains des ancienstemples, on avait entendu des hurlements pendantla nuit; les moissons dprissaient et les troupeauxdevenaient languissants quand le magicien avaitpass. Des maladies qui dfiaient l'art de la mde-cine faisaient parfois leur apparition dans le monde,et c'tait toujours, disait-on, sous les regards veni-meux des adeptes. Enfin, un cri universel derprobation s'leva contre la magie, dont le nomseul devint un crime, et la haine du vulgaire seformula par cet arrt: Les magiciens au feu ! comme on avait dit quelques sicles plus tt : Leschrtiens aux lions !

    Or, la multitude ne conspire jamais que contreles puissances relles; elle n'a pas la science dece qui est vrai, mais elle a l'instinct de ce quiest fort.

    Il tait rserv au xvur sicle de rire la foisdes chrtiens et de la magie, tout en s'engouantdes homlies de PeanJacques et des prestigesde Cagliostro.

  • INTRODUCTION. 67Cependant, au fond de la magie il y a la science,

    comme au fond du christianisme il y a l'amour; et,dans les symboles vangliques, nous voyons leVerbe incarn ador dans son enfance par troismages que conduit une toile (le ternaire et lesigne du microcosme), et recevant d'eux l'or, l'en-cens et la myrrhe : autre ternaire mystrieux sousl'emblme duquel sont contenus allgoriquement les plus hauts secrets de la cabale.

    Le christianisme ne devait donc pas sa haine la magie ; mais l'ignorance humaine a toujourspeur de l'inconnu. La science fut oblige de secacher pour se drober aux agressions passionnesd'un amour aveugle ; elle s'enveloppa dans de nou-veaux hiroglyphes, dissimula ses efforts, dguisases esprances. Alors fut cr le jargon de l'alchi-mie, continuelle dception pour le vulgaire altrd'or et langue vivante seulement pour les vraisdisciples d'Herms.

    Chose singulire ! il existe parmi les livressacrs des chrtiens deux ouvrages que l'gliseinfaillible n'a pas la prtention de comprendre etn'essaye jamais d'expliquer : la prophtie d'z-chiel et l'Apocalypse; deux clavicules cabalistiquesrserves sans doute dans le ciel aux commen-

  • 6 8 D O G M E D E L A H A U T E M A G I E .tairas des rois mages ; livres ferms de sept sceauxpour les croyants fidles, et parfaitement clairspour l'infidle initi aux sciences occultes.

    Un autre livre existe encore ; mais celui-l, bienqu'il soit en quelque sorte populaire et qu'on puissele trouver partout, est le plus occulte et le plusinconnu de tous, parce qu'il contient la clef de tousles autres; il est dans la publicit sans tre connudu public; on .ne s'avise pas de le trouver o il est,et l'on perdrait mille fois son temps le cherchero il n'est pas si l'on en souponnait l'existence. Celivre, plus ancien peut-tre que celui d'Hnoc, n'ajamais t traduit, et il est crit encore tout entieren caractres primitifs et sur des pages dtachescomme les tablettes des anciens. Un savant dis-tingu en a rvl, sans qu'on l'ait remarqu, nonpas prcisment le secret, mais l'antiquit et laconservation singulire; un autre savant, mais d'unesprit plus fantastique que judicieux, a pass trenteans tudier ce livre, et en a seulement souponntoute l'importance. C'est, en effet, un ouvragemonumental et singulier, simple et fort commel'architecture des pyramides, durable par cons-quent comme elles; livre qui rsume toutes lessciences, et dont les combinaisons infinies peuvent

  • I N T R O D U C T I O N . 8 9rsoudre tous les problmes ; livre qui parle enfaisant penser; inspirateur et rgulateur de toutesles conceptions possibles; le chef-d'oeuvre peuttre de l'esprit humain, et coup sr l'une desplus belles choses que nous ait laisses l'antiquit;clavicule universelle, dont le nom n'a t compriset expliqu que par le savant illumin GuillaumePostel; texte unique, dont les premiers caractresseulement ont ravi en extase l'esprit religieux desaint Martin, et eussent rendu la raison au sublimeet infortun Swedenborg. Ce livre, nous en parle-rons plus tard, et son explication mathmatique etrigoureuse sera le complment et la couronne denotre consciencieux travail.

    L'alliance originelle du christianisme et de lascience des mages, si elle est une fois bien dmon-tre, ne sera pas une dcouverte d'une mdiocreimportance, et nous ne doutons pas que le r-sultat d'une tude srieuse de la magie et de lacabale n'amne les esprits srieux la conci-liation, regarde jusqu' prsent comme iml:eossi-ble, de la science et du dogme, de la raison etde la foi.

    Nous avons dit que l'glise, dont l'attribut sp-cial est le dpt des clefs, ne prtend pas avoir

  • 70 DOGME DE LA HAUTE MAGIE.

    celles de l'Apocalypse ou des visions d'zchiel.Pour les chrtiens et dans leur opinion, les clavi-cules scientifiques et magiques de Salomon sontperdues. Il est cependant certain que, dans le do-maine de l'intelligence gouvern par le VERBE, riende ce qui est crit ne se perd. Seulement leschoses dont les hommes cessent d'avoir l'intelli-gence n'existent plus pour eux, du moins commeverbe; elles rentrent alors dans le domaine desnigmes et du mystre:

    D'ailleurs, l'antipathie et mme la guerre ou-verte de l'glise officielle contre tout ce qui rentredans le domaine de la magie, qui est une sorte desacerdoce personnel et mancip, tient des cau-ses ncessaires et inhrentes mme la constitu-tion sociale et hirarchique du sacerdoce chrtien.L'glise ignore la magie, parce qu'elle doit l'ignorerou prir, comme nous le prouverons plus tard ;elle n'en reconnat pas moins que son mystrieuxfondateur a t salu dans son berceau par les trois

    mages; c'est--dire par les ambassadeurs hirati-ques des trois parties du monde connu, et des troismondes analogiques de la philosophie occulte.

    Dans l'cole d'Alexandrie, la magie et le chris-tianisme se donnent presque la main sous les aus-

  • I N T R O D U C T I O N . 7 1pices d'Ammonius Saccas et de Platon. Le dogmed'Herms se trouve presque tout entier dans lescrits attribus Denis l'Aropagite. Synsiustrace le plan d'un trait des songes, qui devaitplus tard tre comment par Cardan, et composd'hymnes qui pourraient servir la liturgie del'glise de Swedenborg, si une glise d'illuminspouvait avoir une liturgie. C'est aussi , cette po-que d'abstractions ardentes et de logomachies pas-sionnes qu'il faut rattacher le rgne philosophi-que de Julien, nomm l'Apostat, parce que, danssa jeunesse, il avait fait , contre-coeur, professiondu christianisme. Tout le monde sait que. Julieneut le tort d'tre un hros de Plutarque hors desaison, et fut, si l'on peut parler ainsi, le bon Qui-chotte de la chevalerie romaine ; mais ce que toutle monde ne sait pas, c'est que Julien tait un illu-min et un initi de premier ordre; c'est qu'ilcroyait l'unit de Dieu et au dogme Universel dela Trinit; c'est en un mot, qu'il ne regrettait duvieux monde que ses magnifiques symboles et sestt.op gracieuses images. Julien n'tait pas Un paen,c'tait un gnostique entich des allgories du poly-thisme grec et qui avait le malheur de trouver lenom de Jsus-Christ moins sonore que celui d'Or-

  • phe. L'empereur en lui paya pour les gots decollge du philosophe et du rhteur; et aprs qu'ilse fut donn lui-mme le spectacle et le plaisird'expirer comme paminondas avec des phrasesde Caton , il eut dans l'opinion publique , djtoute chrtienne, des anathmes pour oraison fu-nbre et une pithte fltrissante pour dernireclbrit.

    Enjambons les petites choses et les petits hommesdu Bas-Empire et arrivons au moyen ge... Tenez,prenez ce livre : lisez la septime page, puis as-seyez-vous sur le manteau que je vais tendre etdont nous ramnerons un pan sur nos yeux... Latte vous tourne, n'est-ce pas, et il vous semble quela terre fuit sous vos pieds? Tenez-vous ferme et neregardez pas... Le vertige cesse; nous y somms.Levez-vous et ouvrez les yeux, mais gardez-vousbien de faire aucun signe ni de prononcer aucuneparole de christianisme. Nous sommes dans un pay-sage de Salvator Rosa. C'est un dsert tourment quisemble se reposer aprs la tempte. La lune ne paraitplus au ciel; mais ne voyez-vous pas danser despetites toiles dans la bruyre`? N'entendez-vous pasvoler autour de vous des oiseaux gigantesques quisemblent en passant mu rm urer des paroles tranges ?

    72 DOGME DE LA HAUTE MAGIE.

  • I N T R O D U C T I O N . 7 3Approchons en silence de ce carrefour dans lesrochers. Une rauque et funbre trompette se fait en-tendre; des torches noires s'allument de tous cts.Une assemble tumultueuse se presse autour d'unsige vide ; on regarde et l'on attend. Tout coupchacun se prosterne, et l'on murmure : Le voil ! levoil ! c'est lui ! Un prince tte de bouc arrive enbondissant; il monte sur le trne; il se tourne etprsente l'assemble en se baissant une figurehumaine qui tout le monde vient, cierge noir enmain, donner une salutation et un baiser, puis ilse redresse avec un rire strident et distribue sesaffids de l'or, des instructions secrtes, des mde-cines occultes et des poisons. Pendant ce tempsdes feux s'allument, le bois d'aulne et la fougrey brlent ple-mle avec des ossements humainset de la graisse de supplicis. Des druidesses cou-ronnes d'ache et de verveine sacrifient avec desfaucilles d'or des enfants soustraits au baptme etprparent d'horribles agapes. Les tables sont dres-ses : les hommes masqus se placent auprsdes femmes demi nues, et l'on commence lefestin des bacchanales; rien n'y manque, exceptle sel, qui est le symbole de la sagesse et de l'im-mortalit. Le vin coule flots, et laisse des taches

  • DOGME DE LA HAUTE MAGIE.

    Semblables , celles du sang; les propos obscneset les folles caresses cotnmeneent; voil toute l'as-semble qui est ivre de vin, de crimes, de luxureet de chansons; on se lve en dsordre, et l'oncourt former des rondes infernales... Arriventalors tous les monstres de la lgende, tous les fan-Mmes du cauchemar; d'normes crapauds embou-chent la flt contresens, et soufflent en sepressant les flancs avec leurs pattes; des scarabesboiteux se mlent la danse, des crevisses jouentdes castagnettes, des crocodiles font guimbardesde leurs cailles, des lphants et des mammouthsarrivent vtus en Cupidon et lvent la jambe ehdansant. Puis les rondes perdues se brisent et sedispersent... Chaque danseur entrane en hurlantune danseuse chevele. . Les lampes et les chan-delles de suif humain s'teignent en fumant dansl'ombre... On entend et l des cris, des clatsde rire, des blasphmes et des rles... Allons,rveillez-vois et ne faites pas le signe de la croix : jevous ai remis chez vous et vous tes dans votre lit.Vous tes un peu fatigu, un peu bris mme, devotre voyage et de votre nuit ; mais vous avez vuune chose dont tout le monde parle sans la con-natre; vous tes initi des secrets terribles

  • I N T R O D U C T I O N . 7 5

    comme ceux de l'antre de Trophonius : vous avezassist au sabbat ! II vous reste maintenant nepas devenir fou, et vous maintenir dans unecrainte salutaire de la justice, et une distancerespectueuse de l'glise et de ses bchers !

    Voulez-vous voir encore quelque chose de moinsfantastique, de plusrel. et vritablement mmede plus terrible? Je vous ferai assister au supplicede Jacques de Molay et de ses complices ou de sesfrres dans le martyre... Mais, ne vous y trompezpas, et ne confondez pas le coupable avec l'inno-cent. Les templiers ont-ils rellement ador Bapho-met ? ont-ils donn une accolade humiliante laface postrieure du bouc de Mends? Quelle taitdonc cette association secrte et puissante qui a misen pril l'glise et l'tat, et qu'on tue ainsi sansl'entendre ? Ne jugez rien la lgre; ils sont cou-pables d'un grand crime : ils ont laiss