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HAL Id: hal-03343071https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03343071v1Preprint submitted on 13 Sep 2021 (v1), last revised 15 Sep 2021 (v2)
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Eléments de description du paysage médiatique françaisAgnès Saulnier
To cite this version:
Agnès Saulnier. Eléments de description du paysage médiatique français. 2021. �hal-03343071v1�
Eléments de description du paysage médiatique français
Agnès Saulnier Institut National de l’Audiovisuel
Bry Sur Marne, France [email protected]
RESUME
Pouvoir s’informer est indispensable au bon fonctionnement
de la démocratie mais de nos jours les médias sont frappés par
la crise de confiance et la perte de repères. Internet a bousculé
l’univers médiatique et pour s’y retrouver il faut se repencher
sur la notion de média afin de fournir un nouvel ensemble de
critères de description des entités médiatiques. D’où vient
l’information ? Comment est-elle financée ? Comment a-t-elle
été produite ? Dans quel but ? Par qui est-elle diffusée ? Pour
quel public ? Autant de questions essentielles à se poser pour
mieux se diriger dans l’écosystème des médias. Notre objet
d’étude porte ainsi sur la définition, l’observation et la
modélisation des médias d’informations. Modéliser le
domaine médiatique est une tâche complexe et délicate que
cet article présente dans son ensemble en prenant en compte
un niveau très fin de description des médias et l’aspect
diachronique lié à l’évolution de la structure juridique des
entités médias, de la structure de production et de la ligne
éditoriale. Le modèle est testé et affiné à l’aide d’une liste de
3000 sites web d’information.
MOTS-CLES Média, média d’information, modèle conceptuel, base de
connaissance, ontologie, système documentaire
1 Introduction
Jusqu’à la fin des années 1990, les médias d’information
contrôlaient toutes les étapes en amont et en aval de la
production médiatique. Avec l’arrivée d’Internet, on assiste à
un brouillage des pistes. De nouvelles pratiques sociales sont
apparues avec le développement de nouveaux accès et modes
de production de l’information. Un ensemble de nouveaux
acteurs gravite désormais autour des médias traditionnels.
Cependant, si Internet a engendré un plus grand pluralisme
des sources d’information, ce phénomène n’est pas sans
risque. D’une part, avec ces nouveaux canaux, des
informations peuvent être diffusées sans contrôle ni
responsabilité, créant de fait une concurrence sauvage à
l’information journalistique. D’autre part, nous assistons aussi
à une concentration de certains médias traditionnels dominés
par un petit nombre d’acteurs. De nouveaux systèmes de
repères doivent ainsi être développés pour aider les
utilisateurs à s’orienter dans ce nouveau paysage médiatique
assez protéiforme.
L’enjeu de ce travail est de définir les contours du paysage
médiatique actuel, de proposer une grille d’observation des
médias d’information sur laquelle peut reposer une
modélisation conceptuelle du domaine médiatique. Une liste
de 3000 médias français a été recensée afin de pouvoir aider à
l’élaboration et aux tests du modèle. Cette modélisation
débouchera plus tard sur la définition formelle d’une
ontologie et la réalisation d’une base de connaissance
médiatique. Il s’agit ainsi de fournir des critères de
description des entités médiatiques afin d’aider les différents
utilisateurs à répondre aux questions qu’ils se posent : Qui
produit l’information ? Qui la finance ? Qui la diffuse ?
Comment circule-t-elle ? Comment et pourquoi évolue la ligne
éditoriale ? Pour mieux répondre à ces questions, nous avons
besoin d’aller vers une plus grande finesse de description que
celle des systèmes déjà existants et aussi de tenir compte de
l’aspect diachronique lié à l’évolution des médias. La base de
connaissances ainsi constituée sera utilisée pour aider le
grand public à détecter les fake news ou les biais idéologiques,
pour donner accès à une grille de lecture en vue de l'éducation
aux médias, et pour analyser l'évolution de la production
médiatique par les chercheurs.
2 Contour du paysage médiatique
Qu’appelle-t-on média de nos jours ? C’est à cette première
question qu’il convient de répondre tant cette dénomination
recouvre maintenant de réalités différentes. La presse, les
ondes hertziennes, TF1, Nice-Matin, la radio, la télévision, le
cinéma, les journaux, Internet, Facebook ou Twitter, autant
d’exemples qui montrent le caractère protéiforme des médias
et la difficulté d’établir une catégorie homogène. Avec l’arrivée
d’Internet, il convient de s’interroger sur la notion de média
car il est difficile de bien cerner les entités médiatiques
actuelles. Redéfinir la notion de média est une tâche bien trop
ambitieuse mais au regard de définitions déjà existantes, nous
allons recenser les diverses définitions et évolutions pour
proposer un contour élargi du domaine médiatique
« traditionnel » constitué de la presse, la télévision et la radio.
Notons que nous n’aborderons que la notion de média
Eléments de description du paysage médiatique français A. Saulnier
d’information et non les médias faits pour se divertir, se
cultiver ou consommer, ce qui exclue de notre étude la
publicité ou les livres.
2.1 Approche théorique des médias
La provenance étymologique se situe dans le mot latin
« media » (pluriel du mot neutre « medium ») qui signifie
« milieux » et par extension « intermédiaires ». Au regard de
cette étymologie, un média peut donc tout d’abord être défini
comme l’interface entre l’émetteur et le récepteur d’un
message. Une autre origine provient vers les années 1950 de
l’abréviation du terme mass media, expression américaine
utilisée pour désigner toutes les techniques qui permettent
d’atteindre une audience étendue, diverse et dispersée. Sous
cet angle, le mot média représente les moyens de
communications de masse (presse, radio, TV, cinéma et
affichage). Historiquement les médias ont souvent été associés
à des systèmes techniques mais plusieurs auteurs, comme
Olivier Bomsel [1] soutiennent que cela doit être remis en
cause avec le numérique.
Si l’on définit les médias comme support de circulation d’un
message, ils existent depuis l’Antiquité. Platon, Lessing,
Herder, Hegel ou Nietzsche se posent comme autant de
précurseurs d’une théorie du médium, aussi différentes soit
leurs pensées. Dans les années 1830, Alexis de Tocqueville [2]
a présenté les médias en tant que remèdes aux effets pervers
de la démocratie et défini leurs rôles selon trois ordres :
critiquer le pouvoir, éduquer les foules et créer du lien social.
Mais l’étude des médias s’est plus profondément développée
avec le début d’une réflexion sur les dispositifs techniques qui
reposent essentiellement sur la Théorie des médias, la
médiologie et l’archéologie des médias. Marshall McLuhan,
l’un des pères fondateur de la Théorie des médias, a
popularisé le mot « media » à la fin des années 1960, en
donnant un sens très large aux médias, les définissants sous
l’angle des supports et non sous l’angle des contenus des
messages : « The medium is the message » [3]. Dans la même
lignée des théories de McLuhan s’est formé la médiologie
française avec Régis Debray et Daniel Bougnoux. Pour eux, la
pensée est tributaire de la technique. Le médium n’est alors ni
un mass-média, ni un moyen, mais un « dispositif
véhiculaire », c’est-à-dire un moyen permettant la
transmission d’un message [4].
Ces définitions techno-centrées sont cependant très larges
dans le sens où elles risquent ainsi d’identifier les médias à
tous les processus de communication, or le domaine des
médias exclue la sphère des relations interpersonnelles. Pour
cette raison, Olivier Bomsel, dans un article de The
Conversation en partenariat avec le séminaire PSL datant de
Novembre 2017, appelle média « toute signification, tout
message, tout récit destiné à l’usage public ». De nombreux
chercheurs en sciences de l’information et de la
communication ont proposé des définitions. Selon Patrice
Flichy, « un média trouve sa définition dans l’articulation
d’une technique, d’un mode de financement et d’un contenu »
[5]. Rémy Rieffel [6] ajoute la notion de public et Bernard
Miège [7] celle de régularité de publication. Benoit Lafon a
repris ces notions et a proposé un acronyme ME.D.I.A.TS [8]
pour qualifier cinq dimensions des médias : le Modèle
Economique, représente le modèle d’affaire visant à
pérenniser l’organisation; le Discours (ou production
médiatique) prend en considération l’analyse des contenus en
lien avec les pratiques sociales de consommation ; l’Institution
qui fait référence à l’organisation du média et son cadre légal ;
le terme Acteurs qui désigne les différentes catégories
d’acteurs utilisant les médias, à savoir les publics ainsi que les
promoteurs d’information visant à être médiatisés (avec tout
particulièrement le rôle de collectif visant à médiatiser les
causes, le rôle des relations publics ainsi que celui des
annonceurs) ; les Techniques en Société qui représentent les
dispositifs techniques médiatiques et communicationnels.
Avec le développement d’Internet comme nouveau support de
communication, se pose la question de savoir si Internet est
un média. Dans sa définition des médias de masse, Wikipédia
place Internet au même niveau que la presse, l’affichage, le
cinéma, la radiodiffusion et la télévision. Dans le langage
courant, Internet est aussi qualifié de média. Des spécialistes
des médias le qualifient aussi ainsi, tel Eric Sherer qui affirme
qu’ « Internet est bien devenu le média global du XXIe siècle »
[9]. Cependant, beaucoup d’autres défendent les limites
d’Internet en tant que média. Pour Francis Balle, c’est le Web
qui est un média (cité dans [10]), ce à quoi Jean-Marie Charon
répond qu’il n’est pas possible de conclure pour savoir si
Internet est un média ou le support de nouveaux médias, mais
on ne peut pas nier pour autant que sur Internet soient
présentes diverses informations de type journalistiques [11].
Nous inclurons ainsi Internet en tant que support média, avec
toutes les applications associées qui aident à mettre des
contenus en ligne, dans notre étude.
2.2 Fin de l’hégémonie des médias de masse
Les médias de masse ont perdu leur statut hégémonique. Le
numérique a remplacé le « journalisme vertical » par un
« journalisme horizontal ». Selon l’ancienne logique des
médias de masse « one to many », l’information descendait
des grands médias vers le public. Cette intégration verticale
permettait aux médias de contrôler toute la chaîne de valeur
médiatique : création, édition-publication, diffusion,
consommation. Avec le flux actuel d’information en réseaux
« many to many », l’information provient d’acteurs plus variés,
peut être publiée sur différents canaux et circule parmi les
internautes sous des formes différentes. Benoît Lafon [8]
précise que l’extension du domaine médiatique suit un double
mouvement: tout d’abord du côté des médias de diffusion, on
assiste à un renouvellement de l’offre grâce aux techniques
Eléments de description du paysage médiatique français A.Saulnier
numériques (pures players, chaine youtube..) ainsi qu’à
multiplication des moyens d’accès (podcast, TV de rattrapage,
archives en ligne…); dans le même temps, du côté des réseaux
de mise en relation, la chaîne de valeur s’étoffe de nouvelles
activités comme la ré-éditorialisation de contenus par des
usagers (Facebook, Twitter), l’éditorialisation des échanges,
l’éclosion de commentaires et de recommandations sous
forme de forum ou de micro-médiatisation. A ceci, il faut
ajouter le rôle considérable des nouveaux intermédiaires de
l’information. Tous les maillons de la chaine médiatique sont
donc bouleversés.
Figure 1 : Cartographie des supports médias
Nous pouvons dresser une cartographie des supports médias
(Figure 1). Les médias traditionnels (TV, radio, presse) se
voient opposés aux nouveaux médias sur Internet par rapport
à la nature des supports. D’autre part les médias de masse se
voient opposés aux médias sociaux par rapport au mode de
diffusion verticale vs horizontal. A l’intersection se trouve le
Web sur Internet qui peut être considéré comme un média de
masse qui diffuse un contenu original de une vers plusieurs
personnes (la masse). Au contraire, les médias sociaux sur le
Web 2.0 ont une technique de diffusion de structure
« rhizomatique » où tout le monde est à la fois diffuseur et
récepteur. Fred Cavazza, blogueur reconnu dans le domaine
des médias sociaux, propose tous les ans sur son blog un
panorama détaillé des médias sociaux. Nous avons sélectionné
dans les structures les plus couramment utilisées pour
partager ou diffuser des informations d’actualité : plateformes
de blogs, réseaux sociaux (ex Facebook, Twitter), plateformes
de partage (vidéo ex Youtube, photo ex Flickr, podcasts ex
iTunes). Nous n’avons pas mentionné le Web 3.0 (web
sémantique) car il n’en est qu’à ses débuts. Remarquons que
l’email peut aussi être considéré comme un support média
comme l’atteste l’exemple de Brief.me.
2.3 Confusion entre information et communication
De nos jours, Internet véhicule un grand nombre
d’informations qu’il est important de pouvoir distinguer car le
terme information tend à se confondre avec celui de contenu,
faisant disparaitre la valeur ajoutée journalistique. François
Demers parle de communication publique pour repositionner
le journalisme contemporain [12]. Sur le web nous pouvons
voir le mélange de sources médiatiques, formelles et
informelles que nous avons résumé dans la Figure 2.
Figure 2 : Information générale et politique sur Internet
Différents types de contenus se partagent les arènes du débats
publics : l’information journalistique produit par les médias
traditionnelles et les agences de presses, l’information
personnelle qui peut prendre la forme de journalisme citoyen,
la communication institutionnelle émise par des sources
reconnues ou encore la communication politique pratiquée
par des organisations ou des personnes politiques. Benoit
Lafon a utilisé le concept de médiatisation pour intégrer les
nouveaux phénomènes sociaux et communicationnels. « La
médiatisation consiste en la mise en média d’individus, de
groupes ou d’institutions par la construction de produits
médiatiques formalisés, dans une visée stratégique,
impliquant des pratiques collectives de consommation » [13,
p163]. Nous inclurons ainsi tous ces nouveaux acteurs de
médiatisation dans notre domaine en veillant à bien les
distinguer.
2.4 Un domaine médiatique étendu
Les médias historiques se sont transformés et le domaine
médiatique s’est étendu dans plusieurs directions depuis
l’avènement d’Internet (Figure 3). En premier lieu nous avons
déjà constaté que les médias actuels ne sont plus assimilables
à leurs supports. Ils ont aussi vu se développer une large
concurrence sur Internet, non seulement avec la création de
médias pure players mais aussi avec la présence de sites
d’informations détenus par des acteurs institutionnels,
politiques ou même par de simples citoyens. Les médias
traditionnels se sont transformés grâce à l’apport des
Eléments de description du paysage médiatique français A. Saulnier
nouvelles technologies : un média provenant de la presse
écrite peut désormais avoir son site web, éditer des blogs de
citoyen et même produire des vidéos diffusés notamment sur
YouTube. Les formes de journalismes se sont multipliées avec,
par exemple, le « live journalisme » ou le journalisme de liens.
Enfin les infomédiaires ont bouleversé l’accès à l’information
avec l’essor des moteurs de recherche et des réseaux sociaux.
C’est donc ce domaine médiatique ainsi étendu qu’il convient
de modéliser.
Figure 3 : Extension du domaine médiatique
3 Grille d’observation
Avant de pouvoir proposer une modélisation conceptuelle du
domaine médiatique, il est utile de relever tous les termes
descriptifs utiles, ainsi que les typologies déjà existantes, pour
construire une grille d’observation conjointe des médias
traditionnels et issus d’Internet.
3.2 Analyse des besoins
Dans un objectif d’éducation aux médias (ex site du CLEMI) ou
pour aider le grand public à s’orienter dans ce nouveau
domaine médiatique, il faut pouvoir répondre aux questions
posées par Harold Lasswell en 1948, et toujours très actuelles,
qui nous indiquent à quoi doit pouvoir répondre la base de
données «Qui, dit quoi, à qui, par quel canal, avec quel effet ? ».
Ce à quoi nous pouvons ajouter les notions de contexte et de
code qui ont été mentionnés dans le modèle de Roman
Jakobson en 1963. La détection de fakenews est un problème
très complexe à la fois pour les définir et les identifier. Notre
base ne prétend pas fournir la solution pour faire le tri entre
« bonne » et « fausse » information mais fournir des critères
pour aider à cette tâche. Pour repérer les fake news, Claire
Wardle [14] membre de la coalition international des
journalistes First Draft News, propose d’analyser l’écosystème
de l’information suivant trois critères à savoir les types de
contenus, les intentions des auteurs et les mécanismes de
diffusion. Nous pouvons aussi nous référer à l’état de l’art de
Xinyi Zhou et Reza Zafarani [15] qui présentent différentes
méthodes de détections manuelles et automatiques sous
quatre angles : les fausses connaissances véhiculées, le style
d’écriture, les modèles de propagation et la crédibilité de la
source. Enfin les chercheurs, mais aussi parfois le grand
public, ont besoin de données extérieures par exemple sur les
propriétaires, fondateurs ou audiences, ainsi que sur les liens
possibles avec les autres publications. Le Tableau 1 synthétise
l’ensemble de ces besoins que nous allons détailler par la
suite.
Métadonnées administratives (identification)
Aspect technique (format et transmission du message)
Aspect contenu (modèle éditorial)
Aspect organisation (propriétaire, éditeur, statuts juridiques)
Aspect économique (modèle financier)
Aspect usage (type de producteurs, auteurs-contributeurs)
Tableau 1 : Dimensions de la grille d’observation
La base de données quant à elle devra pouvoir répondre à des
requêtes spécifiques. Nous pouvons nous référer aux
opérations classiques concernant les systèmes documentaires,
même si nous ne nous positionnons pas au niveau des
documents mais au niveau des publications médiatiques
(titres produits par un média). Le FRBR a émis des
spécifications (trouver, identifier, choisir, obtenir) qui sont
relatées par la BNF. Nous pouvons ajouter celle de l’IFLA
Library Reference Model (LRM) de 2017 (naviguer) et celle du
modèle FRAD (justifier). Enfin nous pouvons ajouter des
besoins utilisateurs plus spécifiques : comparer des
publications entre elles, évaluer la qualité pressentie d’un
contenu (à l’aide de comparaisons ou de données extérieures).
3.2 Modèles de référence
S’il existe beaucoup de travaux théoriques sur l’analyse des
médias, peu d’entre eux tentent de modéliser en même temps
les anciens et les nouveaux médias. Au sein de l’ouvrage
collectif « Médias et médiatisation » [13], Benoit Lafon a
présenté les principaux concepts et a réalisé une synthèse des
travaux de recherche sur ce sujet. Il a lui-même proposé le
modèle ME.D.I.A.TS que nous avons déjà cité pour définir les
médias. De son coté, Jean-Marie Charon [16] a aussi étudié
l’écosystème médiatique et a modélisé les différents acteurs
de l’information, en précisant les rôles, leur organisation, le
contenu de leur activité, leur production ainsi que le rapport
au public et les interrelations qu’ils ont les uns avec les autres
(compétitions, mutualisation…). Les acteurs concernent aussi
bien les éditeurs, les agences que les centres de formation, les
infomédiaires, les annonceurs ou bien même le public. Enfin,
Axel Bruns [17] a étudié les processus de communication
d’informations avec l’intégration des plateformes de médias
sociaux et leur impact sur le journalisme. Tous ces travaux
Eléments de description du paysage médiatique français A.Saulnier
sont très enrichissants mais ne fournissent pas de grille
directement exploitable.
Sadok Hammami [18] a quant à lui réalisé une grille
d’observation pour étudier la presse électronique tunisienne.
Franck Rebillard et Ghislaine Chartron [19] ont aussi proposé
une grille d’analyse des médias numériques formalisée par
des « modèles de publication » qui s’appuie sur les acteurs, les
modes de financement et la valeur des contenus. Plus tard, en
2010, Emmanuel Marty, Franck Rebillard, Nikos Smyrnaios et
Annelise Touboul [20] ont proposé une typologie des sites
web d’information générale et politique qui reposait sur les
catégories suivantes :
presse en ligne (versions internet de médias existants),
webzines (publications collectives internet),
blogs (publications individuelles internet),
sites participatifs (publications collaboratives internet),
portails (composantes informationnelles de plates-
formes multiservices),
agrégateurs (regroupements automatisés d'informations
d'actualité).
Cette typologie a été mise à jour en 2012 par Emmanuel
Marty, Franck Rebillard, Stéphanie Pouchot et Thierry Lafouge
[21] qui ont cartographié l’espace web à partir de l’analyse de
200 sites web d’information générale et politique à caractère
essentiellement national. Ils ont proposé une typologie plus
restreinte, à laquelle il faut ajouter le caractère professionnel
ou amateur.
médias en ligne (provenant de la presse, TV ou radio),
sites natifs de l’Internet (webzine et site participatif),
blogs,
infomédiaires (portails et agrégateurs).
Pour terminer nous pouvons citer une infographie du paysage
médiatique, délivrant une modélisation beaucoup plus
subjective et poétique, qui a été donnée par Anne-Sophie
Novel dans son blog lesmediaslemondeetmoi.com. Cette carte
représente le paysage protéiforme médiatique en fonction de
ses propriétés. Elle n’est bien sûr pas exhaustive mais montre
bien la diversité des médias. Tous ces travaux sont très
intéressants à prendre en compte mais nous souhaitons aller
plus loin dans le niveau de description.
3.3 Aspect technique
L’aspect technique décrit le type de support ainsi que le
format physique de la publication. Du point de vue des
supports, comme nous l’avons déjà vu, Internet fait partie du
domaine médiatique étudié, avec tout particulièrement le Web
et les médias sociaux. Les formats physiques de publication
dépendent directement des supports de diffusion.
Les deux formats de publication de la presse écrite (format
papier) les plus connus sont le journal et le magazine. On peut
ajouter à cette liste les revues, les mooks, les newsletters ou
les bulletins de presse. Si on veut obtenir une plus grande
précision de description, les cahiers correspondent à des
pages spéciales dans les journaux. Pour la télévision, comme
pour la radio, nous n’avons pas besoin de décrire les normes
de transmission (numérique, analogique) ni les modes de
diffusion (ondes hertziennes, ADSL, …). Il pourra aussi être
utile de tenir compte des formats de diffusion de contenu
audiovisuel : podcast, streaming, live, replay, vidéo à la
demande.
3.4 Aspect contenu
L’aspect contenu repose sur la ligne éditoriale du média qui
qui détermine la manière d’adresser un message au public. La
ligne éditoriale définit à la fois la nature des contenus
proposés ainsi que leur mise en forme.
La presse dispose déjà de nombreux systèmes de
classification. La nature peut tout d’abord correspondre à la
cible du public. On distingue ainsi la presse généraliste
(d’information générale et politique), de la presse spécialisée
(correspondante à l’âge des lecteurs ou à leur centre
d’intérêt), et la presse professionnelle (orientée métier). La
presse professionnelle tendant à disparaitre sur le Web pour
se fondre avec la presse spécialisée. La nature du contenu peut
aussi être définie par sa thématique, mais il existe autant de
listes de thématiques que de sources qui les utilisent (BNF
Gallica, Press directory, Catalogue des Messageries Lyonnaises
de Presse, Presstalis, Giga Press…). Ensuite, la presse est
couramment classifiée par périodicité (quotidien,
hebdomadaire..) et par périmètre (national, régional…). Il
existe un grand nombre de familles de presse qui proposent
des classifications exclusives considérant ces différents
critères. Nous pouvons nous référer aux typologies de Patrick
Eveno [22], Jeanne Bordeau [23] ainsi que celle utilisée par
l’ACPM, Press directoty, Giga Presse, Presstalis, Presse News
ainsi que le ministère de la culture (La-presse-en-chiffres) et
le Sénat. Ces familles s’accordent généralement sur le
découpage en PQN (Presse Quotidienne Nationale), PQR et
PHR (Presse Quotidienne et Hebdomadaire Régionale), PGI
(Presse Gratuite d’Information). En revanche d’autres familles
incluent dans cette typologie des notions de thématique ou de
public cible, certaines utilisent la notion de magazine tandis
que d’autres préfèrent la classe PHN (Presse Hebdomadaire
Nationale). Parfois sont ajoutées des classes supplémentaires
(presse associative, syndicale..). La presse en ligne ne contient
pas que du texte et des photos mais aussi de l’audio et de la
vidéo. Les sites web de presse traditionnelle peuvent faire
référence au classement du titre papier associé. Pour les
autres sites d’information, il n’existe pas de famille qui soit
déjà en mode d’exploitation.
La radio admet aussi des familles reconnues qui reposent sur
plusieurs critères. Tout d’abord l’Inathèque propose une
classification en radio généraliste publique, généraliste privée
Eléments de description du paysage médiatique français A. Saulnier
et thématique (économie, musique, divertissement). Le
classement en radios de service public et en radios privées
sont quant à elles divisée par le Conseil supérieur de
l’audiovisuel en 5 catégories (A : radios associatives ; B :
radios commerciales indépendantes ; C : radios commerciales
locales ou régionales ; D : radios commerciales thématiques à
vocation nationale ; E : radios commerciales généralistes à
vocation nationale). Mais les radios peuvent aussi être
classées en fonction du type de programmes qu’elles diffusent.
Pour la télévision, le CSA propose une catégorisation en
chaînes nationales gratuites, nationales payantes et locales ou
régionales. L’Inathèque a développé une classification pour la
consultation de ses archives qui repose essentiellement sur le
critère de cible du public (généraliste, information continue,
jeunesse, sports et loisirs,… ainsi que territoires pour les
télévisions régionales ou étrangères). Les émissions
audiovisuelles peuvent aussi être classifiées par thématique
(magazine TV, Talkshow, JT, documentaire…). Nous pouvons
nous référer à l’Ina ou directement aux chaînes.
En revanche, pour Internet, il n’existe pas de famille
officiellement reconnue. Nous pouvons nous inspirer de la
littérature [21] pour proposer une taxonomie. Nous pouvons
ainsi distinguer les sites Web, les blogs et les portails, auquel
nous pouvons ajouter les Web TV et radio ainsi que les
plateformes de contenu qui gèrent des contenus qu’elles ne
créent pas. Nous distinguons aussi le portail d’actualité qui
rassemble un ensemble d’actualités provenant d’autres sites
web et qui propose un lien vers ces sites (Google actualités), le
portail Web qui contient des ressources et des services et sert
de passerelle vers le Web (Google, Yahoo), et le portail média
qui regroupe plusieurs médias appartenant à un même réseau
(lefigaro.fr, francetvinfo.fr, reussir.fr, mutu.fr).
La notion de genre journalistique permet aussi de classer les
différents contenus des productions médiatiques. Toutes les
productions ne se ressemblent pas car elles peuvent avoir été
réalisées avec des techniques différentes pour des finalités
différentes. Le reportage, la brève, l’interview ou l’éditorial en
sont des exemples. Comme le relate Roselyne Ringoot et Jean-
Michel Utard. « Le genre retenu va déterminer en amont le
processus de production (modalités de recueil de
l’information, temps passé) et en aval le type d’écriture » [24].
Ainsi les genres peuvent aider à trier les différents organes
d’information car chaque journal va exploiter différemment
les potentiels des genres : « la typologie des genres est une
question capitale pour le discours de la presse, car elle touche
à l’identité même du journal ». La définition des genres
journalistiques est ainsi à mettre en relation avec les
catégories du journalisme. Nous pouvons par exemple citer
celle d’Erik Neveu [25]. Journalistes et linguistes ont proposé
de nombreuses typologies des genres journalistiques, la
plupart étant plus particulièrement orientées vers la presse
écrite [26, 27, 28, 29].
Conséquences du numérique, de nouvelles pratiques
journalistiques sont nées récemment. Le live journalisme
répond au besoin d’instantanéité du journalisme
« conventionnel » tandis que le « journalisme au long cours »
se renouvelle grâce à de nouveaux formats et de nouvelles
formes de narration. Le journaliste Louis Haushalter a
proposé dans un article d’Owni du 23 septembre 210 une
typologie assez complète qui distingue six types de
Webjournalisme : le « flash journalism » (traitement de
l’information brute), le « live journalism » (forme de
journalisme textuel ou vidéo qui consiste à faire vivre les
évènements au public en direct), le « narrative journalism »
(genre hybride entre le journalisme et la littérature), le « data
journalism » (données brutes livrées aux internautes avec
différentes méthodes de visualisation, tableaux, schémas,
infographies interactives), le « blog journalism » (technique
du blog appliquée au journalisme professionnel ou amateur),
le « talk journalism » (journalisme d’interaction qui rassemble
le traitement des réactions et témoignages des internautes).
Nous pouvons ajouter à cette liste le « link journalisme »
(travail manuel de veille pour proposer des liens sur un sujet
précis) et le « fact-checking » (travail de vérification des
médias et de contrôle de la véracité des propos tenus par des
personnalités politiques dans l’espace public). Ces catégories
ne sont bien sûr pas exclusives. Par exemple, les publications
de pure players type Rue89 sont souvent au croisement du
narrative journalism, du talk journalism et – parfois – du data
journalism. A côté de ces différents genres journalistiques se
trouvent aussi sur les web des agrégateurs automatiques
d’actualité ou des portails multi-services. Techniquement les
portails multi-services proposent des informations achetées à
des tiers (actu.orange.fr propose des dépêches de l’AFP)
tandis que les agrégateurs de contenu proposent une sélection
d’hyperliens qui renvoient vers des informations éditées par
des sites d’information extérieurs.
3.5 Aspect organisation
L’aspect organisation (ou institutionnel) recouvre le cadre
légal dans lequel le média doit exercer son activité. Plusieurs
acteurs sont impliqués dans cette tâche. Le rôle de l’éditeur
est central dans un média. En effet, le producteur de contenu
peut tout à fait être indépendant du média contrairement à
l’éditeur. C’est l’éditeur qui définit les règles éditoriales. La
diffusion de contenu est assuré par les distributeurs
(Presstalis) pour la presse et des diffuseurs (TDF) pour les
publications radio et télé. L’éditeur agit donc comme un
médiateur entre les producteurs de contenu et les
consommateurs. Michaël E. Sinatra et Marcello Vitali-Rosati
[30] leur ajoutent comme fonctions le fait de légitimer les
contenus et de les mettre en circulation.
Du point de vue légal, l’entreprise de presse n’est pas
obligatoirement définie ni régie par un statut particulier.
« Aucune obligation particulière n’est prévue quant à la forme
Eléments de description du paysage médiatique français A.Saulnier
juridique que doit revêtir une société éditant une publication
de presse, qu’elle soit éditée sous forme papier ou sous forme
électronique » telles sont les recommandations apparaissant
sur le site culture.gouv.fr1 . Il n’est donc pas aisé d’identifier
ces sociétés. Néanmoins, pour la presse papier, il existe un
régime de déclaration prévu par la loi du 29 juillet 1881, ainsi
que des formalités de dépôts (dépôt administratif et judiciaire,
dépôt légal auprès de la Bibliothèque nationale qui fournit
l’attribution d’un code d’identification de la publication ISSN,
dépôt auprès de la DGMIC pour une diffusion nationale).
L’enregistrement auprès de la CPPAP ouvre des droits, à des
services d’aide à la presse proposés par le ministère de la
culture. En ce qui concerne la presse en ligne, le décret n°
2009-1340 du 29 octobre 2009 est venu préciser la définition
du service de presse en ligne figurant à l'article 1er de la loi
n°86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime
juridique de la presse. Il s’applique à tout service de
communication au public en ligne, édité à titre professionnel
par une personne physique ou morale, qui a la maîtrise
éditoriale de son contenu. Ce statut accorde aussi des
avantages notamment fiscaux ou d’accès à des fonds d’aide. La
CPPAP gère aussi la reconnaissance de service de presse en
ligne. Les sites Internet personnels et les blogs, édités à titre
non professionnel, ne sont pas concernés par ce statut de
presse en ligne relevant de la CPPAP.
Jean-Marie Charon [31] fait remarquer qu’il est important de
distinguer les éditeurs de contenu, qui ont fait le choix de
s’inscrire dans le cadre éditorial et juridique des éditeurs de
presse en ligne (Mediapart), des éditeurs de services
(Linternaute, CCM Benchmark, Aufeminin.com) qui n’ont pas
signé la convention collective des journalistes mais celle
beaucoup moins contraignante des secteurs de services
(Syntec). Le journaliste professionnel se voit remplacé par un
rédacteur de contenu qui n’a pas des obligations de rédaction
(nouveauté, vérification des informations, objectivité). Notons
pour terminer que si un blog n’a pas un statut de presse en
ligne, il est néanmoins un « éditeur de services de
communication publique en ligne » et à ce titre, il est soumis à
des lois comme tout site Internet. Il faut se référer à la Loi
pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN)2, qui
encadre la responsabilité du bloggeur en cas de litige relatif à
des contenus illicites ou préjudiciables. Ainsi par exemple, il
est obligatoire de publier des « mentions légales » sur un blog
comme sur tout autre site web. C’est toujours l’éditeur qui
reste responsable du traitement de l’information. La nature du
Producteur quant à elle permet de mieux distinguer les
contenus journalistiques des autres contenus.
1 https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Presse/Aides-a-la-Presse/Presse-papier-presse-en-ligne-quel-statut, consulté le 14 juin 2021 2 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000801164/, consulté le 14 juin 2021
Il existe d’autres acteurs externes qui participent à
l’organisation des médias : les propriétaires et groupes
médias qui possèdent les médias, ainsi que les annonceurs, les
régies publicitaires, et encore les marques. Regardons de plus
près le rôle des marques. Les marques jouent en effet un rôle
important car les médias traditionnels confrontés au
chamboulement de leur activité et aux nouveaux usages
(réseaux sociaux, multi supports, délinéarisation des
contenus, programmes à la carte) doivent repenser leur
identité. La marque permet aux médias d’émerger dans la
bataille de l’attention et de fidéliser les consommateurs sur
l’ensemble des supports. Ainsi que le soutient Olivier Bomsel
[32], la marque permet de signaliser une offre quand celle-ci
est éclatée sur le web.
3.6 Aspect économique
Comme l’affirme Pierre Rimbert dans un article du Monde
diplomatique datant de décembre 2014, les médias sont
soumis à une ambivalence : « l’information est pensée comme
un bien public, mais produite comme une marchandise ». Les
médias sont soumis à la loi du marché et doivent trouver un
moyen de se financer faute de quoi ils sont voués à
disparaître.
Avant Internet, il existait deux modèles d’affaire, le modèle
éditorial fondé sur la vente à l’unité (livre, disque) et le
modèle de flot fondé sur la programmation et le flux (TV-
radio). La presse quant à elle, pouvait s’appuyer sur un double
financement, à savoir celui des lecteurs et celui des
annonceurs. Ainsi pour s’informer sur le sport par exemple, le
lecteur achetait le journal et ne lisait que les articles relatifs au
sport, tout en supportant financièrement l’intégralité du
journal, en particulier les reportages plus chers à produire. Et
la vente des journaux en kiosque ou par abonnement était
complétée par le revenu de la publicité et des petites
annonces. Ce modèle à double financement a été décrit par
Nathalie Sonnac [33] en tant que « marché à deux versants »
car la vente d’un double produit génère des effets de réseau
croisés entre le marché des médias et le marché de la
publicité. Exception typiquement française, l’Etat apporte
aussi une troisième source de subvention par l’intermédiaire
d’aide à la presse pour tenter de garantir un certain
pluralisme des médias. En ce qui concerne l’audiovisuel, le
secteur public tient une place importante dans l’offre
d’information avec France Télévisions et Radio France qui
détiennent la plus grande rédaction de France. L’AFP, est
également financée par l’Etat.
De nos jours, le modèle est passé de l’économie matérielle à
celui de l’économie immatérielle. Si nous dressons un constat
de nos jours, nous pouvons tout d’abord constater que les
géants du web, les fameux GAFA (Google, Amazon, Facebook,
Apple), ont récupéré une bonne partie du revenu provenant
des petites annonces et de la publicité. Dans leur livre [34],
Eléments de description du paysage médiatique français A. Saulnier
Gérôme Guibert, Franck Rebillard, Fabrice Rochelandet
expliquent qu’une concentration économique s’est formée
autour de ces plateformes. Ensuite, l’offre s’est démultipliée.
Pour s’informer sur le sport, le lecteur consulte maintenant un
média spécialisé et n’achète plus un journal pour lire juste une
rubrique. Une partie du public est donc perdue. Enfin, le
modèle de la gratuité a capturé une bonne part du lectorat. Le
modèle de double financement avait commencé à vaciller au
début des années 2000 avec la naissance des journaux gratuits
comme Métro, mais celui touchait un public différent
principalement constitué de non-lecteurs ou de lecteurs
occasionnels de la presse payante. La gratuité de l’information
sur le Web a en revanche révolutionné le mode de
consommation de l’information. Une partie du public est
maintenant convaincu qu’il ne faut pas payer pour avoir de
l’information. Et cela n’est pas sans conséquence sur le
contenu produit par les médias, car pour un média
exclusivement financé par la publicité, il faut offrir aux
annonceurs un produit attractif, où l’audience est l’indicateur
principal de sa mesure. Or maximiser l’audience revient à
choisir des contenus qui plaisent au plus grand nombre, ce qui
ne favorise pas une diversification des contenus mais au
contraire une uniformisation des contenus. Le modèle
économique agit donc sur le contenu, alors que l’objectif des
médias traditionnels est d’informer, l’objectif des médias
gratuits, ainsi que des réseaux et plateforme, est de faire le
plus d’audience possible pour maximiser le revenu apporté
par les annonceurs. Cet effet réseau a été détaillé par Nathalie
Sonnac [35, 36]. La perte de valeur a engendré un changement
dans le modèle économique qui est passé d’une économie de
la rareté à une économie de l’abondance. Ainsi, l’attention
devient la plus précieuse ressource de valeur. Yves Citton [37]
explique ainsi que de nos jours nous avons accès à une
quantité d’informations bien supérieure aux capacités
attentionnelles dont nous disposons pour en prendre
connaissance. Dès lors l’attention devient la nouvelle rareté.
Et cette rareté se situe non plus du côté de la production des
informations mais du côté de la réception. L’attention peut se
calculer par exemple avec le Google Page Rank qui a remplacé
l’audimat. Dominique Cardon a proposé plusieurs métriques
de l’attention qui sont la popularité, l’autorité, la réputation et
la prédiction [38]. Diverses traces laissées par l’attention des
internautes peuvent servir de données à collecter (vues, liens,
likes, recommandations). Dans ce modèle, les médias ou sites
d’info fournissent ainsi de l’information que les GAFA
transforment en attention qui peut être ensuite revendue à
des annonceurs. Comme l’a rappelé Tim Wu, dans son livre
Les marchands d’attention [39], l’exploitation de l’attention ne
relève pas d’une démarche d’information mais d’un processus
de création de valeur. Les GAFA font ainsi un usage
commercial des données privées qu’ils collectent
gratuitement. En plus de s’enrichir par les publicités, ils
s’enrichissent aussi par les données qu’ils pourront revendre.
Ainsi, les logiques économiques réduisent l’information à sa
seule valeur commerciale. C’est ce que Bourdieu avait
dénoncé en développant le concept de « marchandisation de
l’information ». Une information ne devient pertinente que si
elle est rentable, ce qui sert les intérêts des propriétaires au
détriment du collectif.
Face au problème économique, les médias traditionnelles ont
développé différentes solutions qui reposent sur une
optimisation et réduction des coûts de production
(optimisation organisationnelle, diminution de la taille des
rédactions), des tentatives de consolidation de marché et
d’économie d’échelle (concentration des médias) ainsi que
l’investissement dans des solutions techniques apportées par
le numérique (diversification des supports et des services,
développement de portails, personnalisation des contenus).
De nombreuses données sont ainsi intéressantes à collecter,
qui concernent aussi bien les modes de paiements (gratuité,
abonnement, mode freemium..), les subventions publiques ou
les plans d’aide ponctuels des GAFAM, les publicités, l’appel au
don ou le crowdfunding, mais aussi la proposition de services
et de formations, ou encore les mouvements de fusion. Il sera
aussi utile d’intégrer des données extérieures sur les
audiences, diffusions, fréquentation, nombre d’abonnés,
provenant par exemple de l’ACPM, Alexa ou Médiamétrie.
3.7 Aspect usage
Les caractéristiques des producteurs de contenu ainsi que des
auteurs/contributeurs sont des éléments très utiles pour
prédire les usages escomptés. Journalistes professionnels et
communicants se retrouvent en effet sur le Web et la frontière
entre ces deux domaines devient de moins en moins visible.
Leurs productions se voient forcées de cohabiter. Les
communicants ont essentiellement pour rôle de promouvoir à
l’image des institutions politiques et organisations officielles.
Leur intérêt peut-être à la fois social et politique. Des experts
et des citoyens peuvent aussi développer le même intérêt. En
politique peuvent aussi cohabiter des acteurs officiels à coté
de militants ou de groupes d’intérêt politique. Enfin il ne faut
pas oublier un troisième intérêt, financier cette fois-ci, qui
comme nous l’avons déjà vu motivent tout spécialement les
services liés aux moteurs de recherche ou aux réseaux
sociaux. La Figure 4 qui recense ces usages est cependant très
théorique car derrière le journalisme, et tout particulièrement
le journalisme de communication, on peut voir les intérêts
financiers des annonceurs et publicitaires. De même les
médias citoyens peuvent avoir un intérêt financier par
exemple dans les cas de site de « clickbait ».
Notons que la notion de journalisme professionnel est difficile
à définir. Nous nous reposerons donc sur la loi Brachard 1935
à laquelle nous pouvons ajouter les notions de déontologie et
les méthodologies journalistiques. Rappelons-le, le
journalisme doit être mené en respectant une certaine
éthique. Armande Saint-Jean [40] affirme que « Les
Eléments de description du paysage médiatique français A.Saulnier
fondements philosophiques sur lesquels s’appuie l’éthique
journalistique peuvent être ramenés à trois concepts clés : la
liberté, la vérité et la responsabilité. » A côté des
professionnels, les amateurs ont pris une place indéniable
dans les médias mais n’ont pas les mêmes contraintes de
publication. Il est donc important de pouvoir les identifier. Ils
peuvent jouer à la fois des rôles au sein de la création, de
l’édition et de la diffusion de la production journalistique
(Figure 5). La frontière avec le journalisme professionnel est
parfois difficile à trouver, comme dans le cas du youtubeur et
journaliste Hugo Travers. En effet il exerce du journalisme
citoyen lorsqu’il s’exprime aux jeunes sur sa chaine YouTube
sous le pseudo Hugo Décrypte, mais il réalise cependant un
travail journalistique très sérieux d’enquête et d’interview
pour sa chaîne et il a d’autre part rejoint la chaîne LCI en tant
que chroniquer.
Figure 4 : Intérêts divergents sur le Web
Regardons de plus près les types de journalisme sur le Web.
Le journalisme citoyen est une production ou diffusion
d’informations d’actualité gérées par des non-professionnels.
Nous avons choisi d’inclure l’enjeu social dans la définition du
journalisme citoyen afin de le séparer des publications de
communication politique. Il existe par exemple de nombreux
blogs, comme celui de Maître Eolas. Le Crieur de la Villeneuve
qui est un journal du quartier de la Villeneuve à Grenoble,
citoyen et participatif, accréditée par la SPILL et la CPPAP sera
classé Journalisme citoyen et participatif. Le journalisme
social est une extension du journalisme citoyen car il ajoute
une validation des productions amateurs des professionnels.
Café Babel et Blasting News en sont des exemples significatifs.
Le journalisme participatif implique la participation
d’amateurs extérieurs au média, média qui peut être lui-même
citoyen ou professionnel. Nous distinguons plusieurs niveaux
de participation intégrée (ex Rue 89) ou juxtaposée (ex Le
blog du Monde). Remarquons qu’il existe aussi des
plateformes communautaires de journalisme citoyen
participatif (ex Agoravox) qui se rapprochent très fortement
du journalisme social. La différence repose sur la validation
des contenus qui n’est pas faite par des professionnels mais
par des rédacteurs amateurs qui ont déjà publiés au moins 4
articles. Le journalisme professionnel est quant à lui illustré
aussi bien par les sites en ligne de médias traditionnels (ex
LeMonde.fr) que par des pure players (ex Médiapart). Enfin le
journalisme collaboratif correspond à la collaboration de
plusieurs médias professionnels dans le cadre d’enquêtes. Il
est pratiqué par des journalistes professionnels et parfois
amateurs. CrossCheck a par exemple été un projet de
journalisme collaboratif pour lutter contre la désinformation
en ligne pendant les dix semaines qui ont précédées les
élections présidentielles de 2017.
AM Journalisme
citoyen
Production ou diffusion d’info d’actualité par des non-professionnels avec un enjeu social
Blog, site web, web TV, tweet,….
PRO-
AM
Journalisme
social
Journalisme citoyen encadré par des professionnels
Création amateur d'article, reportage TV, interviews, … validée par des professionnels
AM
ou
PRO
Journalisme
participatif
Journalisme citoyen ou pro avec participation d’amateurs
Participation juxtaposée : blog, commentaire, chat, forum
Participation intégrée : co-production de contenu
PRO
Journalisme
collaboratif
Collaboration entre journalistes professionnels appartenant à des médias différents
Enquêtes, investigation, …
Journalisme
professionnel
Journalisme exercé à « titre professionnel »
Productions journalistiques gérées par des professionnels (selon loi Brachard 1935)
Médias traditionnels en ligne, medias pure player
Figure 5 : Type de journalisme sur le Web
Afin de décrire les différents types de journalisme présent sur
un site Web, il est utile de pouvoir décrire très finement la
structure du site pour le cas échéant distinguer un blog d’un
site de média en ligne. L’ajout de données extérieurs peut
aussi apporter des indications précieuses pour mieux cerner
un média. Ainsi nous pourrons lier des informations relatives
au fondateur du média, à des récompenses ou condamnations.
Il est aussi important d’indiquer les médias parodiques ou
satiriques ainsi que les médias d’opinion. L’orientation
politique n’est pas facile à trouver mais quand cela est
Eléments de description du paysage médiatique français A. Saulnier
possible elle pourra aussi être indiquée avec l’origine de la
source. Nous pouvons aussi remarquer que la fachosphère qui
est constitué par l’extrême droite sur Internet, constitue un
sous-groupe intéressant à analyser car elle est très présente
sur le Web. La fachosphère se nomme elle-même site de
« réinformation » et se présente comme une alternative aux
médias traditionnels. Selon Gaël Stephan et Ysé Vauchez [41],
les sites de réinformation ont en effet un double
positionnement à la fois informationnel et militant. Le terme
de fachosphère regroupe des familles très différentes mais les
sites se référencent beaucoup entre eux. De manière plus
générale, les liens du média étudié vers les sites amis, ou au
contraire les liens de listes extérieures (CPPAP, SPILL,
syndicats, associations…) sont des indicateurs à répertorier. Il
est même possible de décrire encore plus finement les liens en
analysant les pourcentages de copié-collé comme l’ont fait
Julia Cagé, Marie-Luce Viaud et Nicolas Hervé [42].
4 Modélisation du domaine médiatique
Le modèle conceptuel de la base de données est une
représentation simplifiée de la réalité qui est destinée à
réaliser des tâches particulières. Notre modèle doit décrire de
manière homogène des médias très divers et tenir compte de
contraintes spécifiques :
Niveau très fin de description (blog d’un site de presse).
Aspect diachronique (changement de nom, de règle
éditoriale, fusion avec un autre média).
Notion de provenance (valeurs multiples provenant de
plusieurs familles de presse).
Commençons par répertorier les modèles existants répondant
à nos usages afin de les appliquer, de les adapter, de les
assembler ou de s’en inspirer pour proposer notre propre
modèle.
4.1 Ontologies et bases de connaissance de référence
Du point de vue des bases de connaissances généralistes déjà
existantes, Wikidata et DBpedia sont à ce jour probablement
les plus complètes. Elles fournissent un grand ensemble de
connaissances semi-structurées sur le principe du Linked
Open Data. Elles référencent ainsi un grand nombre de médias
via l’utilisation d’identifiants uniques mis en relation entre
bases et fournissent leur lot d’informations sous forme
d’ensemble de couples propriétés-valeurs. Nous proposons ici
une structure plus fine de description. Par exemple lemonde.fr
n’est pas décrit comme une entité de Wikidata. Il manque
donc une finesse de description des sous-entités qui ont des
propriétés spécifiques. En revanche, nous pouvons remarquer
que la notion de provenance est centrale dans Wikidata, ce qui
permet de sourcer et de dater une instance. Notons que la BNF
constitue aussi une ressource intéressante mais elle est axée
sur les œuvres littéraires et non sur les périodiques.
En ce qui concerne les ontologies, Emilio Sanfilippo [43] a
effectué un état de l’art assez général sur celles dédiées aux
entités d’information. Les ontologies sont constituées de
classes et de propriétés. Les classes représentent des concepts
(objets, concrets ou abstraits, du monde réel) qui peuvent être
organisées en taxonomie (hiérarchie). Les propriétés incluent
des attributs (ayant pour valeur un texte libre ou un type de
données particulier) et des relations (vers d’autres classes ou
ressources identifiables). Regardons les ontologies
spécialisées dans les systèmes documentaires. Le Dublin Core,
la plus ancienne des ontologies du domaine documentaire, est
toujours utile pour décrire un document bibliographique sur
le web. Elle est toujours très utilisée et propose des
extensions. BIBO gère l’aspect physique des items. CIDOC CRM
est un modèle assez générique fondé sur la modélisation
événementielle mais est spécialisé dans la description des
objets patrimoniaux. FRBR est quant à lui particulièrement
bien adapté aux bibliothèques. Il fournit une représentation
simplifiée et schématique de l’activité de catalogage en
s’appuyant sur trois groupes d’entités : les œuvres, les agents
et les sujets. Les œuvres sont décomposées en différents
niveaux : œuvre (création intellectuelle), expression (édition),
manifestation (publication), et item (exemplaire matériel).
Cependant on lui a souvent reproché de ne pas être bien
adapté aux publications en série comme l’ont démontré
Patrick Le Bœuf et François-Xavier Pelegrin [44] avec
l’exemple du Petit Phare. Une harmonisation des modèles
CIDOC et FRBR a été faite avec FRBROO qui a lui-même
débouché sur PRESSOO, modèle mieux adapté aux périodiques
avec la classe règle éditoriale Z12 où chaque paramètre
(fréquence, formatage, titre…) conduit à une instanciation de
la règle, ce qui permet de ne pas répéter toutes les
caractéristiques d’une publication en série à chaque fois que
l’une seule change. Pour terminer citons BibFrame qui se
rapproche de FRBR mais ne modélise que trois classes
d’objets : œuvre, instance et item. Il existe d’autres ontologies
utiles. FOAF est une ontologie modélisant les personnes et les
relations qu’elles entretiennent entre elles. Une extension a
été proposée pour les réseaux sociaux [45]. SIOC permet aussi
de décrire les objets utilisés dans les réseaux sociaux ainsi que
leur interaction.
4.2 Proposition de modélisation
Nous souhaitons proposer une modélisation du domaine
médiatique qui repose sur un aspect diachronique et qui
permette une grande exhaustivité de description des entités.
Les concepts principaux, que l’on retrouve aussi sous le nom
de classes, correspondent aux éléments de la chaine de
production médiatique : Producteur de contenu, Editeur,
Participant, Maison mère et Propriétaire (Figure 6). Nous nous
sommes inspirés de BibFrame et FRBR, en distinguant le
Produit médiatique (œuvre) de ses Publications médiatiques
(instance), ce qui permet d’identifier et de relier les
publications sur différents supports (presse papier, web,
Eléments de description du paysage médiatique français A.Saulnier
réseaux sociaux…) à un même produit. Afin de rendre la base
un peu plus accessible et interopérable, chacune des classes
est typée à l’aide du schéma (RDF>type) et de classes
(FOAF :organization…) déjà existantes sur le Web. Les
instances font aussi référence à des URIs (identifiant Wikidata,
FOAF…) pour identifier les ressources sur le Web.
Figure 6 : Schéma général du modèle conceptuel
Pour être le plus exhaustif possible, nous avons introduit des
relations partonomiques «tout-parties » qui permettent
notamment de décrire le blog d’un site de presse en ligne, ce
qui permet dans cet exemple de distinguer les participations
des journalistes de celles des internautes. Les relations
associatives servent quant à elles à associer des produits
(supplément de…) ou à décrire des restructurations de médias
(fusion…) tandis que les relations hiérarchiques « est un »
peuvent décrire des liens d’appartenance (hiérarchie).
Remarquons que les relations peuvent aussi être spécialisées
en sous-relations, ce qui permet de distinguer un éditeur de
service d’un éditeur de contenu, les publications sur différents
supports ou encore les différents rôles de participant. Plus
précisément, détaillons la relation Participant. Cette relation
se développe en sous-relations pour définir les différents rôles
possibles que la personne opère dans la publication (rôle chef
de rédaction, rôle journaliste, rôle rédacteur, …). Elle pointe
vers la classe Participant qui peut être de type personne ou
groupe. Une instance de Personne pourra posséder des
attributs relatifs à cette entité nommée (date de naissance,
activité…) et des URIs (identifiants Wikidata, VIAF…) pour
l’identifier sur le Web. Remarquons que celle-ci sera
autonome, c’est-à-dire que ses valeurs seront indépendantes
du contexte lié à la publication. Il sera alors possible de
récupérer d’autres propriétés la concernant sur le Web pour
enrichir la base. Deux publications pourront ainsi pointer vers
la même personne si elle intervient dans les deux publications
même avec un rôle différent. Notons enfin que les propriétés
peuvent aussi porter des attributs, comme un pourcentage
d’appartenance en ce qui concerne la relation Propriété.
La complétude des attributs contribue aussi à une plus grande
exhaustivité de description. Les attributs ont pour valeur un
texte libre ou une catégorie appartenant à une typologie (liste
de vocabulaire contrôlé ou taxonomie). Les typologies
reposent sur le principe d’exclusivité des différentes
catégories proposées. En revanche, suivant leur nature, un
attribut pourra être attribué à une catégorie unique ou
plusieurs catégories de la typologie. Par exemple pour la
nature des producteurs de contenu, il s’agit de distinguer les
constituants des arènes du débat public (Figure 2) et de les
organiser dans une taxonomie. Enfin les autres attributs
servent à décrire les diverses caractéristiques que nous avons
identifiées (technique, contenu, organisation, modèle
économique, public, usage). Nous pouvons nous inspirer du
modèle PRESSOO pour les règles éditoriales. Nous y ajoutons,
entre autre, une typologie de types de journalisme et de
nature de contenu. A titre d’exemple, les attributs concernant
le modèle économique décrivent aussi bien les subventions
extérieures reçues que les modes de paiement (abonnement,
freemium…), le financement par crowdfunding, l’utilisation de
publicité, la proposition de services et d’évènementiels, ou
encore l’appel au don. Des métadonnées extérieures peuvent
aussi enrichir le modèle en procurant des données d’audience
(ACPM, Alexa). D’autre part, des indications d’orientations
politiques, des référencements (CPPAP, SPIIL, syndicats…),
tout comme le signalement de récompenses ou de
condamnations, sont autant d’éléments précieux pour obtenir
des critères de reconnaissance des médias Pour terminer,
notons que pour rendre la base plus interopérable, il sera
possible de faire appel, dès que possible, à des relations
d’ontologies déjà existantes, comme par exemple celle du
Dublin Core pour l’attribut Titre.
En ce qui concerne la modélisation du temps, il s’agit de poser
un intervalle temporel sur chaque propriété. Pour accrocher
une date, tout comme une source de provenance, il est par
exemple techniquement possible de réifier les propriétés afin
qu’elles portent certains de ces attributs.
4.3 Tests à l’aide d’une liste d’autorité
Une liste d’autorité constitué de 3000 sites web d’information,
et 1000 titres de presse papier en relation, a été constituée en
croisant des sources de données de différents types : CPPAP,
BNF, SPIIL, Upreg, ACPM, encyclopédies et annuaires (Giga
presse, Press directory, Giga Presse, Decodex,…), projets EMM
ou Netguide.com, Alexa (agence de référencement des sites
internet), articles de presse (liste de sites d’extrême droite, de
presse alternative, de blogs…). Cette première liste a été
complétée par des sites amis apparaissant sur la première
page des sites web. Cette liste contient les titres, URL, et les
descripteurs produits par les différentes sources de données.
Eléments de description du paysage médiatique français A. Saulnier
Elle reflète des profils très divers à savoir des sites web
d’organisme de presse ou audiovisuel, des médias pure player,
des sites d’agrégation, des blogs personnels, ainsi que des
sites d’information produits et édités par diverses
organisations ou institutions (parti politique, ONG,…).
Figure 7 : Extraits Relations de la modélisation du Figaro
Figure 8 : Extraits Attributs de la modélisation du Figaro
Cette liste d’autorité, destinée à fournir des instances dans la
future base de connaissance, a servi à deux types de test. Tout
d’abord, une sélection d’une vingtaine de sites représentatifs
de la liste a permis d’évaluer la structure générale et la
souplesse du modèle conceptuel. A titre d’illustration, les
figures 7 et 8 retracent un extrait de la modélisation du Figaro
qui est un exemple emblématique de stratégie éditoriale [46].
Par manque de place, cette illustration a omis des classes, des
relations et des attributs, mais atteste néanmoins de la
nécessité d’avoir accès à une modélisation très fine. Nous
pouvons voir la cohabitation de CCM Benchmark, spécialisé
dans les services, au côté de la Société du Figaro spécialisé
dans les médias. CCM Benchmark édite en effet
linternaute.com, produit par des rédacteurs ne relevant pas de
la convention collective des journalistes. Différents types de
contributeurs interviennent dans le site, c’est pourquoi il est
utile de pouvoir distinguer Figarovox qui est un forum
(rédacteurs non professionnels encadrés par des
professionnels), Figaro blogs (rédigés par des bloggeurs),
Figaro golf qui est une plateforme mettant à la fois à
disposition des articles de journalistes et des données
extérieurs (résultat), Figaro Live (type de journalisme
particulier). Enfin, nous pouvons modéliser le blog d’Ivan
Rioufol qui a été édité sur le site du Figaro avant d’être édité
par l’auteur en personne depuis mars 2021. L’historique du
blog permet ainsi d’enrichir le contexte autour du blog.
Figure 9 : Extraits de la modélisation de francesoir.fr
A côté de l’exemple du Figaro qui illustre le besoin de disposer
d’une modélisation la plus précise possible, nous pouvons
citer francesoir.fr (figure 9) qui démontre l’importance de la
modélisation diachronique. La publication francesoir.fr est en
effet reliée à deux produits médiatiques différents, France-Soir
(2013-2019) et FranceSoir (depuis 2019). Plus précisément,
ce site est dirigé depuis 2019 par l’entrepreneur Xavier
Azalbert qui a repris la marque et le site web du journal
quotidien France-Soir dont le format papier a disparu. Il est
édité par l’éditeur de service Shopper Union France. De nos
jours, les contributeurs ne sont plus des journalistes mais des
bénévoles, le plus souvent anonymes. Remarquons que les
deux modélisations du figaro.fr et de francesoir.fr permettent
ainsi de bien différencier les contributions des journalistes
professionnels des autres contributions (rédacteur, blogueur,
journalisme participatif). Citons aussi le site Presse-citron qui
est passé de la nature de blog personnel rédigé et édité par
son fondateur Eric Dupin à la nature de site web avec une
équipe de rédaction en 2011, et qui a été racheté en 2018 par
Eléments de description du paysage médiatique français A.Saulnier
Keleops AG. Les exemples sont nombreux pour démontrer que
les médias sont des entités évolutives qui présentent de
nombreux changements dans le temps affectant aussi bien les
attributs que les relations.
France Info est un autre exemple emblématique qui démontre
cette fois l’importance de la classe Producteur. En effet,
plusieurs producteurs, à savoir France Télévisions, Radio
France, France Médias Monde et l’INA, participent à la
création de contenus. Dans d’autres cas, la classe Producteur
permet d’identifier un mouvement politique ou un syndicat
derrière un produit médiatique. La classe Participant, quant à
elle, peut jouer un rôle dans l’analyse des relations entre
médias. Par exemple, Youssef Hindi (essayiste et conférencier)
fédère autour de lui plusieurs publications. Il est en effet
contributeur du site Egalité et réconciliation, et intervient
aussi sur Algérie patriotique, le Cercle des volontaire, Arrêt sur
Info et Culture populaire, faisant ainsi apparaitre des liens
supplémentaires entre des publications.
En second lieu, la liste a aussi été analysée à la main dans son
ensemble pour aider à définir les typologies d’attributs. La
définition des typologies est un travail long et itératif pour
réussir à tenir compte conjointement de tous les profils de
site. Les descripteurs des différentes sources ont été exploités
dans ce travail. La liste a été particulièrement utile pour
affiner les typologies de nature de producteur, de thématique
et de format de publication. Les attributs (figure 6) ont été
partiellement testés sur les deux-tiers de la liste : 1148 sites
de presse, 243 sites de média audiovisuel, 310 médias pure
player, 77 blogs personnels et 122 sites d’information divers.
Le dernier tiers de la liste, formé d’un titre et d’un url, reste à
décrire.
5 Conclusion
Les journalistes professionnels n’ont plus le monopole de
l’information, l'éditeur de contenu se voit concurrencé par des
éditeurs de service, et les supports de diffusion se sont
multipliés. Afin de pouvoir modéliser ce nouveau paysage
médiatique protéiforme, il faut tout d’abord définir son
périmètre, puis observer son fonctionnement pour identifier
les entités à décrire à l’aide d’une grille, et enfin proposer un
modèle où les entités sont représentées dans des classes, leur
lien entre elles dans des propriétés et leurs caractéristiques
dans des attributs. La modélisation obtenue permet de
réaliser une classification commune pour un ensemble de
médias très différents. La particularité du modèle obtenu
repose sur un très fin niveau de description et sur l’évolution
diachronique des entités La démarche mise en place s’appuie
sur trois spécificités : l’analyse très fine du domaine
médiatique, l’utilisation de ressources disponibles sur le web
(ontologie, URI) et le développement à la main de typologie à
l’aide d’une liste d’autorité. Dans un futur travail, ce modèle
devra être implémenté sous la forme d'une base de données
avec des règles externes ou d'une base de connaissances
structurée à partir d’une ontologie formelle. La recherche
diachronique sera une question importante à évaluer.
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