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Dossier de candidature pour l’obtention du prix EpE – Metronews 2016 Des poissons pour manger mes déchets Réduire la quantité de déchets organiques incinérés Réutiliser ces déchets pour nourrir des poissons Recréer des denrées alimentaires après minéralisation de ces déchets Frank DAVID Paris, mars 2016 Miam !

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Dossier de candidature pour l’obtention du prix

EpE – Metronews 2016

Des poissons pour manger mes déchets

Réduire la quantité de déchets organiques incinérés

Réutiliser ces déchets pour nourrir des poissons

Recréer des denrées alimentaires après minéralisation de ces déchets

Frank DAVID

Paris, mars 2016

Miam !

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Préambule

Réduire les déchets ménagers organiques est un enjeu majeur pour la ville de demain.

Alors que dans les zones rurales le compostage est largement répandu et les nutriments

réintégrés dans la production alimentaire via les jardins domestiques ou le maraîchage,

l’essentiel des restes alimentaires des villes termine encore dans des usines d’incinération.

Pourtant, ces déchets sont en majorité constitués d’eau et leur combustion ne permet aucun

bénéfice énergétique. Par ailleurs, certains nutriments qu’ils contiennent sont issus de

sources non renouvelables et sont condamnés à être de plus en plus précieux. C’est le cas

notamment du phosphore, qui fait l’objet d’études scientifiques récentes (Cordell & White,

2015)1 et dont les stocks s’épuisent et nous rendent de plus en plus dépendants de l’industrie

minière.

Il existe néanmoins une réelle dynamique visant à valoriser ces déchets, notamment

via les composteurs de pied d’immeubles qui connaissent un développement important.

Cependant ces systèmes, bien que très efficaces et faciles à maîtriser, ne sont pas toujours

bien acceptés par la population. En effet, leur fonctionnement nécessite la putréfaction, peu

attractive tant du point de vue de l’apparence que prennent les déchets que de leur odeur, et

le produit de leur décomposition peut être difficile à valoriser localement. Il est parfois

employé pour des jardinières de balcon ou des pots d’intérieur, mais les volumes produits

dépassent rapidement les capacités d’une utilisation domestique. Ainsi, afin de valoriser

massivement les déchets organiques ménagers – épluchures de légumes, pain sec, restes de

plats – il est nécessaire de développer un système permettant à la fois de les minéraliser

rapidement et d’une façon attrayante, et de réemployer localement le produit de leur

minéralisation pour produire des végétaux sur des petites surfaces et en absence d’un sol

naturel de qualité, comme c’est majoritairement le cas dans les villes.

Parce qu’elle offre à la ville de demain un système de réduction des déchets ludique,

écologique et efficace, l’aquaponie répond à un défi majeur du 21e siècle : nourrir

durablement l’humanité sans compromettre l’avenir des générations futures.

1 Cordell, D. & White, S., 2015. Tracking phosphorus security: indicators of phosphorus vulnerability in the global food

system. Food Security 7, 337–350.

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Des poissons pour manger mes déchets 1

Introduction à l’aquaponie

Définition

L’aquaponie est le résultat d’une association entre l’aquaculture, c’est à dire

production d’animaux aquatiques – poissons et crustacés essentiellement – et l’hydroponie.

Le fonctionnement de l’hydroponie repose sur la production de végétaux hors sol, grâce à une

solution nutritive qui apporte aux racines les nutriments dont elles ont besoin. Dans ce

système écologiquement vertueux, l’unique intrant provient de l’alimentation des animaux.

Les végétaux utilisent les rejets des poissons ou crustacés, préalablement transformés par des

bactéries, et purifient l’eau qui retourne dans le bassin aquacole (voir schéma 1). Il existe de

nombreuses adaptations techniques du principe, notamment en ce qui concerne les matériaux

utilisés pour supporter les végétaux. Plusieurs ouvrages retracent l’histoire de ce concept et

dressent un bilan des méthodes envisageables, qui fait l’objet de recherches croissantes depuis

les années 1980 mais qui peine à se développer en Europe2. De manière générale, le système

peut-être séparé en trois compartiments ayant chacun un rôle bien défini : le bassin aquacole,

le filtre bactérien et le support végétal.

Schéma 1 : Fonctionnement d’un système aquaponique classique

2 On peut citer notamment « Aquaponic Gardening: A Step-by-Step Guide to Raising Vegetables and Fish Together » de

Sylvia Bernstein, et « The Complete Idiot’ Guide to Aquaponic Gardening » de Meg Stout.

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Des poissons pour manger mes déchets 2

Observation d’un phénomène naturel

Comme l’oiseau pour les avions, comme les éclairs pour l’électricité, ce sont des

phénomènes naturels qui servent de modèle au fonctionnement de l’aquaponie. Les cours

d’eau de plaine sont généralement situés sur des aquifères alluviaux, formés d’éléments

minéraux d’une granulosité grossière et constituant des nappes phréatiques (voir schéma 2).

L’eau s’écoule non seulement à l’air libre mais aussi entre les interstices laissés par le

substrat. Ces cours d’eau sont essentiellement nourris par une matière organique d’origine

terrestre, notamment les feuilles d’arbres3. Un ensemble d’organismes contribuent à leur

décomposition : microorganismes, insectes, crustacés, poissons, etc. Chacun d’eux rejette une

partie de la matière consommée sous forme minérale, réutilisable directement ou après

transformation bactérienne par les végétaux. Les plantes dont les racines plongent directement

dans la nappe phréatique, en connexion avec l’eau libre, bénéficient de la majeure partie de

ces nutriments et poussent selon les principes que l’homme a très récemment nommés

« aquaponie ».

Schéma 2 : Cours d’eau de fond de vallée connecté à une forêt alluviale (adapté de www.randonature.ch)

Un autre exemple concerne les forêts de palétuviers, situées sur les côtes tropicales et

soumises à l’action de la marée. L’élévation du niveau de l’eau apporte les nutriments

jusqu’au pied des arbres qui sont parfois situés à plusieurs kilomètres du cours d’eau. Lorsque

l’eau se retire, les racines ont de nouveau accès en abondance à l’oxygène atmosphérique

indispensable à leur survie et à leur croissance.

3 David, F. & Boonsoong, B., 2014. Colonisation of leaf litter by lotic macroinvertebrates in a headwater stream of the

Phachi River (western Thailand). Fundamental and Applied Limnology 184, 109–124.

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Des poissons pour manger mes déchets 3

Emergence en France et perspectives

Alors que le concept d’aquaponie ainsi que ses différentes applications possible ont

donné lieu à de nombreuses études depuis maintenant plusieurs années en Australie,

notamment à travers les travaux de Murray Hallam, et dans des pays où les terres cultivables

sont rares et l’accès à l’eau difficile, comme Israël, c’est seulement très récemment que

l’Europe et la France se sont penchés sur ces pratiques. Néanmoins, l’année 2015 a été

marquée par une véritable révolution de l’aquaponie, aussi bien de la part des acteurs

susceptibles de développer la filière en France que du grand public. Au moins 8 start’up

commercialisent – ou s’apprêtent à commercialiser – depuis peu un système en kit à

l’intention des particuliers4. Plusieurs entreprises proposent de développer des installations à

vocation commerciale5, notamment en réponse à des appels d’offre portant sur l’agriculture

urbaine. Enfin, l’ITAVI, Institut Technique AVIcole, cunicole et aquacole, a récemment

publié une large synthèse de l’état des connaissances techniques, économiques et

réglementaires liées à l’aquaponie afin d’aider et d’accompagner les porteurs de projet en

France6. Par ailleurs, l’enseignement secondaire s’est aussi emparé du concept en proposant

aux élèves des projets à l’interface entre plusieurs enseignements. La construction d’un

système aquaponique fait ainsi l’objet, pour l’année scolaire 2015-2016, dans plusieurs

collèges, de projets transversaux mettant en lien les enseignements de technologie, de

physique chimie et de biologie. A plus grande échelle, le projet Nomades des Mers a pour

objectif de développer des systèmes autonomes de production de biens et services et les

scolaires sont invités à participer à leur développement7.

4 Permacube® (http://www.permacube.fr) ; CitizenFarm® (http://citizenfarm.fr) ; Aquapouss’®

(http://www.aquapouss.fr) ; Risebox® (www.risebox.co) ; myfood® (http://myfood.eu) ; UrbanLeaf®

(http://www.urban-leaf.com) ; Farm Up® (http://www.farmup.fr) ; et enfin le bloggeur Grégory Biton

(http://aquaponie.net)

5 Osmose® (http://www.projet-osmose.com) ; Aquaprimeur® (http://www.aquaprimeur.fr) ; Aquaculture Management

Project® (http://www.amp-aquaculture.com) ; UrbanFarmers AG® (https://urbanfarmers.com) ; Aquaponie Valley®

dans la Drôme ; et enfin Acra® dans le Lot et Garonne

6 Foucard P., Tocqueville A., Gaumé M., Labbé L., Lejolivet C., Baroiller J.F., Lepage S. & Darfeuille B., 2015. L’aquaponie,

une association vertueuse des poissons et des végétaux en eau douce : synthèse technique, économique, et

réglementaire. Projet APIVA® (AquaPonie, Innovation Végétale et Aquaculture). Accessible à l’adresse suivante :

https://projetapiva.wordpress.com/documents-ressources-apiva/

7 Expédition maritime en catamaran dont l’objectif est de devenir entièrement autonome. Détails à l’adresse suivante : nomadedesmers.org/

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Des poissons pour manger mes déchets 4

Fonctionnement du système

Concept général

Le système proposé ci-après (voir schéma 3) s’inscrit dans la dynamique du

développement de l’aquaponie. Il incluse en effet l’agriculture urbaine, l’utilisation de

surfaces perdues et la réduction de déchets. Sa vocation est avant tout de réduire à la source la

part de déchets organiques ménagers incinérés en les utilisant pour nourrir diverses espèces de

poissons, sans qu’un traitement préalable autre qu’un broyage grossier soit nécessaire. Les

dimensions de ce système, sa forme et l’assemblage des différents compartiments, lui

confèrent une très forte capacité d’adaptation à l’environnement auquel il est destiné. Par

ailleurs, il n’a pas besoin d’être lié au sol et peut donc être installé sur un toit, sur une surface

bétonnée ou sur une terre peu fertile, voire stérile. L’objectif est que les poissons effectuent

un tri des déchets et en consomment une grande partie (notamment pain, riz, pâtes et autres

produits riches en céréales et difficiles à décomposer lors d’un compostage classique). Les

déchets non consommés sont ensuite transférés dans un lombricomposteur, rincés des diverses

sauces et graisses pouvant les recouvrir et qui risqueraient de nuire à son équilibre biologique.

Schéma 3 : Système aquaponique adapté à la valorisation des déchets organiques ménagers

L’un des avantages du système repose dans l’attrait ludique du nourrissage des

poissons, qui peut être effectué directement par les adhérents au projet. Des supports végétaux

permettent de réutiliser immédiatement la fraction des déchets minéralisée par les poissons

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Des poissons pour manger mes déchets 5

afin de recréer de la ressource. Ces productions offrent aux adhérents un complément

alimentaire d’une grande fraîcheur. Un tel atout est particulièrement intéressant pour les

herbes aromatiques, qui perdent rapidement leur saveur après récolte et dont les prix sont

élevés. Les poissons donnent à l’installation un caractère ludique, en stimulant l’intérêt et la

curiosité des adhérents. Ils peuvent être consommés, mais en quantité bien moins importantes

que ce qu’il est possible de produire de végétaux. En effet, les aliments avec lesquels ils sont

nourris couvrent leurs besoins nutritionnels mais sont bien moins énergétiques que des

aliments commerciaux spécialement formulés pour optimiser leur croissance. Toutefois, en

élevage commercial, le taux de conversion de l’aliment est proche de 1, c’est à dire qu’1 kg

d’aliment produit 1 kg de poisson. Ainsi, même en estimant un taux de conversion 10 fois

supérieur pour ce système, on peut encore espérer produire 1 kg de poisson pour 10 kg de

déchets non incinérés.

Compartiment aquacole

Le compartiment aquacole est le lieu d’accueil des déchets organiques ménagers. Il

doit permettre aux poissons de consommer l’ensemble des aliments assimilables et de

transporter les restes vers un bac de récupération pour un transfert vers le lombricomposteur

(voir paragraphe correspondant). Le broyage préalable des déchets permet d’améliorer les

possibilités d’ingestion par les poissons. Ceci peut être réalisé simplement à l’aide d’un

broyeur à pommes actionné par un volant mécanique. Un tel système est très avantageux dans

la mesure où il n’utilise aucune source d’énergie et qu’il ne présente par conséquent aucun

danger pour ses utilisateurs, même si il s’agit d’enfants. Afin d’assurer un bon transit des

déchets, le bassin aquacole doit avoir une forme rectangulaire suffisamment allongée, avec

l’arrivée de l’eau à une extrémité et la sortie à l’autre extrémité. Des obstacles placés sur le

trajet alternativement en surface et au fond du bac permettent de ralentir le transit des déchets,

leur laissant notamment le temps de s’humidifier afin d’être plus facilement consommés (pain

sec par exemple). Lorsqu’ils bougent et qu’ils vont chercheur la nourriture, les poissons

permettent aux déchets d’être remis en suspension dans la colonne d’eau et d’atteindre le bac

de récupération. Le déversement d’un trop-plein depuis le compartiment aquacole permet de

garder un niveau d’eau constant dans le bac principal, tandis que le bac de récupération a une

hauteur variable selon le niveau de remplissage des bacs de culture (voir paragraphe

correspondant). Une simple grille placée sous la cascade créée par le trop plein permet de

récolter les déchets non consommés.

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Des poissons pour manger mes déchets 6

Les poissons proposés pour le peuplement du système sont l’amour blanc

(Ctenopharyngodon idella), la tanche (Tinca tinca) et la carpe Koï (Cyprinus carpio), tous

trois d’acquisition aisée. L’amour blanc – aussi appelé carpe herbivore – est réputé pour être

un grand consommateur de végétaux non décomposés. Introduit dans les écosystèmes français

dans les années 1950 pour faire face aux invasions de végétaux aquatiques dans les lacs peu

profonds, notamment les gravières, il s’agit du poisson dont l’élevage est le plus répandu au

monde8. La tanche est un poisson de fond autochtone des eaux françaises. Sa chair est fine et

de grande qualité. Elle se nourrit de particules fines en décomposition et de petits organismes

pouvant se développer dans le sédiment. Enfin, la carpe Koï apporte une dimension esthétique

au système grâce à ses couleurs. Elle n’est pas vouée à la consommation et il est recommandé

de n’en introduire qu’un ou deux individus, afin qu’elle n’entre pas en compétition pour

l’accès aux ressources nutritives avec les poissons consommables.

Compartiment bactérien

Une fois les déchets transportés dans le bac de récupération, un second tri s’effectue

avec la grille (voir schéma 3 ; page 4). Les déchets retenus par celle-ci doivent être

régulièrement vidés dans un bac de lombricompostage (voir paragraphe correspondant). Les

éléments fins sont retenus par un substrat de filtration, pouvant être constitué de tout matériau

non toxique et poreux, comme par exemple de la pouzzolane. Des escargots du genre

planorbes (Planorbarius sp.), communément employés en aquariophilie, consomment ensuite

ces éléments et évitent ainsi un colmatage du substrat. Les éléments dissous, quant à eux, sont

transformés par la flore bactérienne présente dans le substrat de filtration. Ceci concerne en

majeure partie l’ammoniaque, qui est excrété majoritairement par les branchies des poissons

et devient toxique lorsqu’il est présent en trop grande concentration. Une fois transformé en

nitrates par les bactéries nitrifiantes, l’ammoniaque constitue l’un des nutriments les plus

déterminants de la croissance végétale. Les autres nutriments sont en partie rejetés

directement sous forme assimilable par les poissons, et en partie libérés par la décomposition

de composés dissous par d’autres microorganismes, appartenant au groupe des protistes

hétérotrophes (c’est le cas des sucres, des graisses, des acides aminés libres, etc.). L’eau qui

arrive au niveau de la pompe est ainsi débarrassée à la fois des particules en suspension qui

8 FishStatJ v. 2.12.4. Global Production by production source 1950-2013 (Release date: March 2015). Rome, Italy:

Food and Agriculture Organization of the United Nations. Logiciel disponible à l’adresse suivante :

http://www.fao.org/fishery/statistics/software/fishstatj/en

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Des poissons pour manger mes déchets 7

pourraient nuire à son bon fonctionnement et des substances qui pourraient être toxiques pour

les plantes du compartiment végétal.

Compartiment végétal

Le système généralement retenu en aquaponie pour des systèmes de maintenance aisée

à vocation domestique est celui du lit de culture (voir schéma 3 ; page 4). L’eau arrive en

continu dans un bac étanche rempli de billes d’argiles. Un exutoire au fond du bac est équipé

d’un siphon automatique – le plus commun étant le siphon cloche – qui permet une vidange

du système dès que le niveau d’eau atteint une limite donnée. Une fois le siphon enclenché, le

lit de culture se vide de son eau jusqu’à ce que le niveau soit suffisamment bas pour

désamorcer le siphon. Ce principe permet de créer un effet de marée. L’eau apporte les

nutriments nécessaires à la croissance des plantes tandis que l’assèchement permet à l’air de

pénétrer dans les interstices du substrat et d’apporter de l’oxygène aux racines. Les racines

ayant a disposition, en abondance, à la fois des nutriments et de l’oxygène, elles n’ont pas

besoin de s’étendre pour maximiser leur surface de captage, et il est possible de diminuer

considérablement l’intervalle entre les plants afin d’obtenir une grande production sur des

petites surfaces. Les plantes n’utilisent alors qu’une faible part de leur énergie pour accéder

aux ressources et leur croissance en est facilitée.

Lombricomposteur

Les déchets retenus par la grille située entre le bassin aquacole et le filtre bactérien

sont régulièrement transférés vers un lombricomposteur. Le lombricompostage est une

pratique visant à élever dans un milieu fermé des vers de terre à partir de déchets organiques.

En effet, ceux-ci étant capables de consommer et d’utiliser les fibres végétales pour leur

croissance, ils jouent un rôle de décomposeur pour les déchets apportés au système et non

consommés par les poissons. Cela permet de produire un liquide hautement nutritif

communément appelé « thé de vers » et composé de nutriments, tannins, vitamines et autres

composés pouvant améliorer la croissance des végétaux, ainsi qu’un compost aux propriétés

permettent d’améliorer les cultures des sols ou des jardinières de balcon. Le « thé » peut être

incorporé tel quel au filtre bactérien pour être transporté vers les lits de culture tandis que le

lombricompost sera distribué aux adhérents du projet. A l’issue de ce processus, la totalité des

déchets a été transformée et valorisée.

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Des poissons pour manger mes déchets 8

Dimensionnement du système

Difficultés et choix réalisés

Le dimensionnement du système, et notamment le rapport qui doit exister entre

surface de production végétale et volume de production aquacole, est une préoccupation

récurrente en aquaponie (voir synthèse de l’ITAVI). Néanmoins, ce dimensionnement n’est

déterminant que dans le cas d’une production qui se veut optimisée afin de rentabiliser au

maximum les surfaces et les matériaux employés. Dans un système dont la vocation est de

valoriser des déchets organiques, il convient de rester en dessous du point limite au-delà

duquel les plantes n’arrivent plus à assimiler l’intégralité des nutriments qui leur sont

apportés. Ce risque est bien réel lorsqu’un aliment riche en protéines est employé pour la

croissance des poissons, car l’aliment est rapidement digéré et une quantité importante de

nutriments est libérée rapidement. Dans le cas d’un système basé sur les nutriments libérés

par les déchéts organiques ménagers, l’apport est bien plus progressif et moins important en

quantité. Il faut donc prévoir que les plantes seront nourries en deçà de leur capacité à

assimiler des nutriments. Néanmoins, la croissance obtenue reste importante, comparé à ce

qu’il est possible d’obtenir en pleine terre, en raison de la capacité de la plante à absorber les

nutriments et la réduction de l’énergie perdue par l’accroissement des racines.

Estimation des volumes d’intrants

La réflexion proposée ici pour le dimensionnement du système se base sur la quantité

de déchets que l’on envisage de traiter. Selon les données fournies par l’ADEME, Agence De

l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie, la quantité de déchets ménagers produite par

une personne est d’environ 450 kg/an, dont 25% correspondent à des déchets qualifiés de

putrescibles9 – essentiellement des déchets de cuisine. Pour un ménage moyen – 2,3

personnes selon l’INSEE, Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques – la

quantité quotidienne de déchets valorisables par le système aquaponique proposé ici s’élève

donc à 700 g. La densité d’élevage des poissons proposés pour ce projet peut atteindre 50 à

70 kg/m3 d’eau en élevage intensif (voir synthèse de l’ITAVI). Afin de garder une marge de

sécurité en cas de croissance importante des volumes de déchets ménagers apportés – par 9 Déchets : Chiffres clés. ADEME, édition 2015. 96p. Disponible à l’adresse suivante : http://asp.zone-

secure.net/v2/index.jsp?id=6878/9267/59195

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Des poissons pour manger mes déchets 9

l’augmentation du nombre d’adhérents – et aussi pour maintenir une densité d’élevage

écologiquement acceptable, la densité retenue sera de 10 kg/m3. C’est aussi la densité de

poissons rouges qui a été choisie pour le pilote EDAP, Expérimentation et Démonstration en

Aquaponie à vocation Pédagogique, du lycée professionnel de Guérande « Olivier

Guichard »10. Le taux d’alimentation des poissons est généralement situé entre 2 et 5% du

poids vif par jour, selon l’espèce, le stade de croissance et la température. Sachant que

l’aliment proposé est très pauvre en protéines et plus riche en eau qu’un aliment commercial,

nous élèverons cette valeur à 20%. Supposons que 70% des déchets apportés au système

soient consommés par les poissons. Le calcul du volume d’élevage nécessaire pour traiter les

déchets produits par un foyer adhérent au projet se décompose comme suit :

m = 10 (kg/m3) * 0,2 = 2 kg de déchets valorisables /j/m3 de bassin aquacole peuplé

d = 0,7 (kg) * 0,7 ≈ 0,5 kg de déchets produits /j/foyer

d / m = 250 L de bassin aquacole nécessaire pour valoriser les déchets d’un foyer

Le système ne nécessitant pas d’accès à un sol perméable comme l’exigent les cultures

conventionnelles de plantes, il est particulièrement adapté aux toitures plates qui couvrent de

nombreux immeubles. Ces toitures représenteraient, uniquement pour la ville de Paris, une

superficie totale potentiellement cultivable de 100 ha, selon Pénélope Komitès, adjointe à la

mairie de Paris. En revanche, elles sont parfois limitées au niveau de la portance admissible.

Ainsi, les bassins aquacoles auront une hauteur d’eau maximale de 75 cm, soit 750 kg/m2 au

sol. Cette valeur est, bien sûr, tout à fait adaptable selon les conditions exigées, sans toutefois

être inférieure à 40 cm de hauteur d’eau pour conserver des conditions d’élevage acceptables

pour les poissons. Avec 1 m2 de surface de bassin aquacole, il est donc possible de valoriser

les déchets de 3 foyers.

La superficie des lits de culture dépend de la quantité d’aliments apportée aux

poissons. Lors de l’utilisation d’aliments commerciaux riches en protéines, celle-ci se situe

entre 50 et 100 g/m2 (voir synthèse de l’ITAVI). De même que pour le calcul de la ration

journalière des poissons, cette valeur sera augmentée en raison de la faible teneur en protéines

de l’aliment considéré. Selon les données de fournies par l’ADEME11, les déchets organiques

ménagers contiennent 1% d’azote, soit 10 g d’azote par kg de déchets. Un aliment aquacole 10 Descriptif du projet expérimental à l’adresse suivante : https://projetapiva.wordpress.com/autres-projets-

daquaponie-en-france/

11 Campagne nationale de caractérisation des ordures ménagères : résultats année 2007 (derniers résultats publiés).

ADEME. 31p. Disponible à l’adresse suivante : http://www.ademe.fr/resource-archive/13509

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Des poissons pour manger mes déchets 10

moyen, quant à lui, contient 37% de protéines, qui contiennent elles mêmes 16% d’azote soit

60 g d’azote par kg d’aliment. Il sera considéré ici qu’1 m2 d’élevage aquacole, soit 750 L

d’eau, ou la quantité de déchets produite quotidiennement par 3 foyers – soit 2,1 kg – pourra

nourrir 3 m2 de plantes sur lits de culture.

L’ensemble des données utilisées et obtenues pour le dimensionnement du système

sont répertoriées dans le tableau ci-dessous :

Evaluation des coûts

Les dépenses induites par la réalisation du projet peuvent être classées en 11

catégories et estimées au mieux selon des tarifs approximatifs. Elles ont été calculées pour 2

systèmes de capacité variable – 12 foyers adhérents et 60 foyers adhérents – afin de mesurer

l’échelle à laquelle le projet mérite d’être réalisé.

Liste des dépenses :

1- Conception des plans et réalisation du projet

2- Fabrication des compartiments en panneaux OSB

3- Imperméabilisation des compartiments à l’aide d’une bâche EPDM

4- Réalisation du circuit d’eau en plomberie PVC

5- Acquisition d’une grille en métal pour la récupération des déchets non consommés

6- Remplissage des lits de culture à l’aide de billes d’argile (30 cm de hauteur)

7- Installation d’un substrat de filtration constitué de pouzzolane

8- Acquisition et branchement d’une pompe à eau (débit 3X le volume d’élevage)

9- Acquisition et installation d’un broyeur à déchets de type « broyeur à pommes »

10- Introduction des poissons

11- Suivi régulier par un professionnel

Dénomination de la donnée Valeur retenue

a- Quantité de déchets produite par foyer 700 g/j

b- Densité d'élevage des poissons 10 kg/m3

c- Taux d'alimentation des poissons 20%

d- Fraction des déchets consommables par les poissons 70%

e- Volume de bassin nécessaire par foyer : (a*d)/(b*c) 250 L

f- Volume de bassin acceptable sur une toiture 750 L/m2

g- Ratio surface végétale/surface de bassin 3

h- Surface de bassin aquacole nécessaire pour 12 foyers : 12/(f/e) 4 m2

i- Surface de support végétal nécessaire pour 12 foyers : h*3 12 m2

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Des poissons pour manger mes déchets 11

Les dépenses induites par la réalisation du système aquaponique sont répertoriées

dans le tableau ci-dessous :

Sources de financements

Pour qu’un tel projet puisse fonctionner de manière pérenne, il est indispensable qu’il

soit supporté par ses adhérents. Il peut être réalisé à l’échelle d’un immeuble, d’un groupe

résidentiel ou d’un quartier. Comme le montre le tableau ci-dessus, il n’est pas nécessaire de

construire le projet à grande échelle pour diminuer grandement ses coûts. Cependant, afin de

faciliter les démarches administratives, il est préférable que la partie logistique et financière

soit gérée par l’organisme en charge de la gestion des lieux d’hébergement de l’installation,

comme un syndicat de copropriété ou un bailleur social. La partie technique, quant à elle, aura

plus intérêt à être suivie par un groupe ou une association incluant des habitants participant au

projet et sensibilisée à la recherche de solutions pour des villes plus économes en énergie et

moins productrices de déchets. C’est le cas des collectifs à l’initiative de jardins partagés ou

de composteurs de pied d’immeuble. Dans le meilleur des cas, la totalité du financement

pourra être obtenue auprès des adhérents au projet (environ 600 euros par foyer). Le plus

probable est qu’une partie, voire la totalité, soit investie par un gestionnaire d’immeuble ou de

copropriété. Les lits de culture pourront alors être loués à l’année à certains adhérents afin

d’amortir les coûts. A raison de 20 € par mois par lit de culture d’1 m2, une structure pourrait

être amortie en 5 ans pour un système accueillant les déchets de 12 foyers et en 3 ans pour 60

foyers, ceci en incluant des frais d’entretien.

Pour 12 foyers Pour 60 foyers

(4 m2 bac aquacole + 12m2

lits de culture) (20 m2 bac aquacole + 60m2

lits de culture)

1- Plans 1 200 € 1 900 €

2- Panneaux OSB 1 500 € 7 500 €

3- Bache EPDM 700 € 3 500 €

4- Plomberie PVC 400 € 2 000 €

5- Grille 100 € 150 €

6- Billes d'argile 2 000 € 10 000 €

7- Filtre bactérien 150 € 300 €

8- Pompe à eau 500 € 1 000 €

9- Broyeur à déchets 350 € 350 €

10- Poissons 900 € 4 500 €

11- Suivi et entretien 1200 € / an 2400 € / an

Coût total 7 800 € + 1200 €/an 31 200 € + 2400 €/an

Coût / foyer 650 € + 100 €/an 520 € + 40 €/an

Page 14: EpE – Metronews 2016data.over-blog-kiwi.com/0/80/17/73/20160321/ob_dac...2 On peut citer notamment « Aquaponic Gardening: A Step-by-Step Guide to Raising Vegetables and Fish Together

Des poissons pour manger mes déchets 12

On remarque toutefois qu’une grande partie des coûts est due à un suivi par un

professionnel, afin de garantir le fonctionnement du système. Et d’éviter que celui-ci ne se

détériore rapidement par manque d’entretien. Il est possible de réduire, voire de supprimer ces

coûts, selon l’implication de l’entité en charge de la partie technique du projet. De même, il

est possible de réduire les coûts de conception et de réalisation en faisant appel, par exemple,

à des paysagistes désireux d’utiliser le projet comme vitrine pour faire connaître leurs

réalisations ou à un travail collaboratif des adhérents. Enfin, de plus en plus de groupes de

biologie participative se développent en France, comme La Paillasse – à Paris et à Lyon – ou

les FabLab. Dans ces structures, des porteurs de compétences se regroupent et travaillent au

développement et à la réalisation de projets innovants de tous types. Ces groupes sont à

l’initiative de plusieurs projets liés à l’aquaponie et peuvent être intéressés par la conception

d’un système aquaponique à vocation de recyclage des déchets organiques ménagers. Par

ailleurs, en tant que défenseurs de la connaissance « open source », ils proposent en libre

accès les résultats issus de leurs expériences12.

12 Carnet de bord de la réalisation du module aquaponique de La Myne, la Paillasse Saône, disponible à l’adresse

suivante : https://hackpad.com/Hackuaponie-La-MYNE-pyl7jBhfYVF et présentation du système aquaponique du Bio-

FabLab de Toulouse disponible à l’adresse suivante : http://www.artilect.fr/bio-fablab-projet-011/

Page 15: EpE – Metronews 2016data.over-blog-kiwi.com/0/80/17/73/20160321/ob_dac...2 On peut citer notamment « Aquaponic Gardening: A Step-by-Step Guide to Raising Vegetables and Fish Together

Des poissons pour manger mes déchets 13

Conclusion

Il est aisément possible de réduire nettement les volumes de déchets organiques

ménagers qui terminent aujourd’hui dans des usines d’incinération. Sur un immeuble de 60

foyers, cette réduction pourrait représenter plus de 15 tonnes par an, environ 100 kg/personne.

De plus, il est tout à fait possible de réutiliser les nutriments issus de ces déchets pour

recréer des ressources alimentaires localement, et tout cela pour un investissement minime,

environ 600 euros par foyer. Enfin, permettre aux urbains de s’approprier localement et à

petite échelle les principes des cycles biologiques est un pas gagné vers une écologie

citoyenne et solidaire.

Schéma 4 : Fonctionnement d’un système aquaponique destiné

à la valorisation des déchets organiques ménagers

« L’approche de l’Elevage, aussi bien animale que végétale, évolue, s’enrichit, fait

débat et s’ouvre à la société qui doit prendre sa part dans les réflexions. Différents vocables

sont apparus pour tenter de qualifier ces approches : Développement durable, Intensification

Ecologique, Ecologie Industrielle, etc. L’aquaponie pourrait rentrer dans l’une ou plusieurs

de ces approches, mais l’essentiel est ailleurs. Faire des « rejets » (azote, phosphore...), vu

comme des « déchets » dans un système pris isolément (élevage de poisson, [foyer urbain]),

une ressource pour d’autres compartiments (filtre biologique, végétaux..) semble relever du

bon sens. »

Propos de Aurélien TOCQUEVILLE, Responsable Service Aquaculture de l’ITAVI