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http://lib.uliege.ac.be http://matheo.uliege.be
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Auteur : Lippinois, Romain
Promoteur(s) : Ernst, Damien; 2770
Faculté : Faculté des Sciences
Diplôme : Master en sciences et gestion de l'environnement, à finalité spécialisée en énergies renouvelables
Année académique : 2017-2018
URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/5058
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un document par extrait ou dans son intégralité, l'utilisateur citera de manière complète les sources telles que
mentionnées ci-dessus. Toute utilisation non explicitement autorisée ci-avant (telle que par exemple, la modification du
document ou son résumé) nécessite l'autorisation préalable et expresse des auteurs ou de leurs ayants droit.
Faculté des Sciences Département des Sciences et Gestion de l’Environnement
Faculté des Sciences, de la Technologie et de la
Communication
Année académique 2017-2018
Etude des enjeux d’un projet d’Hydro-électrification rurale à Madagascar.
Le cas de la microcentrale d’Amberivery.
Mémoire présenté par Lippinois Romain
en vue de l’obtention des grades de
Master en Sciences et Gestion de l’Environnement – finalité Energies Renouvelables
(ULiège)
Master en Développement Durable – finalité Énergie-Environnement (Uni.lu)
AIDER
Auteur du présent document :
Lippinois Romain, [email protected]
Rédigé sous la direction de Mr Damien Ernst, Mr Frank Scholzen et Mme Dorothée Denayer.
Copyright
Toute reproduction du présent document, par quelque procédé que ce soit, ne peut être réalisée qu'avec l'autorisation de l'auteur et de l'autorité académique de l’Université de Liège et de l’Université du Luxembourg. L'autorité académique est représentée par les promoteurs membres du personnel enseignant de l’ULiège et de l’Université du Luxembourg. Le présent document n'engage que son auteur.
Résumé
L’approche sociotechnique se voyant, encore aujourd’hui, trop peu appliquée sur le terrain, ce travail
tente de proposer une réflexion visant à confronter l’approche théorique qu’est l’approche
technique nécessaire à la mise en œuvre d’une centrale hydroélectrique face à l’approche
pragmatique qu’est l’approche sociale de l’électrification rurale en société africaine et plus
précisément à Madagascar.
Cette étude se voit proposer une analyse des enjeux liée à l’hydro-électrification rurale du village
d’Amberivery Mazava au Nord de Madagascar afin de réaliser l’ampleur des acteurs d’enjeux d’une
telle introduction tout en assurant la conservation des interactions entre l’homme et la nature.
Après avoir introduit le contexte général du pays, une étude du site d’Anthohakabe sera proposée.
Enfin, les différents types d’enjeux auxquels pourraient faire face les milliers d’acteurs impactés par
l’introduction d’une centrale hydro-électrique seront développés.
Mots clefs :
Centrale hydro-électrique, Electrification rurale, Energie renouvelable, Développement durable,
Impactes.
Abstract
As the socio-technical approach is still not applied enough in the field, this work is aiming the
comparison of the theoretical approach that is the technical approach required to implement a
hydroelectric power station with the pragmatic approach that is the social approach of rural
electrification in African society and more precisely in Madagascar.
This study is therefore to propose an analysis of the stakes related to the rural hydro-electrification
of the village of Amberivery Mazava in the North of Madagascar in order to realize the scale of the
actors of stakes of such an introduction while ensuring the conservation of interactions between man
and nature.
After introducing the general context of the country, a study of the Anthohakabe site will be
proposed. Finally, the different types of issues that could be faced by the thousands of stakeholders
impacted by the introduction of a hydroelectric power plant will be developed.
Key words:
Hydroelectric Power Station, Rural Electrification, Renewable Energy, Sustainable Development,
Impactes.
Remerciements,
J’aimerais, avant tout, remercier tous les membres du bureau de Tany Meva qui m’ont guidé, conseillé et informé durant cette expérience et cet apprentissage. Merci pour leur démarche cohérente, cherchant des réponses techniques appropriées à la protection des ressources de leur riche Grande Ile. Merci à mon maître de stage Mr Tantely sans qui tout cela n’aurait pas été possible. Je le remercie également pour sa profonde amitié et son rôle de pilote au quotidien. Merci à Volana pour son attention à mon égard. Merci à tous les gens qui ont permis d’élargir davantage ma réflexion : je pense à Séverine Blanchais Berthet, Mr Milson Ratsaraefadahy, Monika, le Pr José Andriamampianina mais aussi Mr François Mélard, Mme Dorothée Denayer et Mr Clément Deconinck. Je remercie particulièrement mes parents, ma sœur et mes amis pour m’avoir soutenu dans ce projet d’apprentissage. A tous mes relecteurs et à leurs judicieux conseils de rédaction. A toutes les personnes qui m’ont soutenu face à ce défi qui pouvait leur sembler utopique. A mon amoureuse Nour, Et à tous ceux qui prendront la peine de lire ce document. J’aimerais enfin remercier l’Afrique et tout ce qu’elle m’a apporté.
Table des matières
LISTE DES TABLEAUX ...........................................................................................................
LISTE DES FIGURES ..............................................................................................................
LISTE DES ABRÉVIATIONS ....................................................................................................
INTRODUCTION ................................................................................................................ 1
DÉMARCHE DE L’ÉTUDE .................................................................................................... 2
OBJECTIF........................................................................................................................... 3
CHAPITRE 1 : MISE EN CONTEXTE ...................................................................................... 4
1. MÉTHODOLOGIE .................................................................................................................. 4
2. PRÉSENTATION DE LA ZONE D’ÉTUDE ........................................................................................ 5
2.1. Madagascar ............................................................................................................. 5
2.2. Démographie ............................................................................................................ 6
2.3. Climat ....................................................................................................................... 7
2.4. Politique de développement .................................................................................... 7
3. CADRE ÉNERGÉTIQUE MALGACHE ............................................................................................. 9
3.1. Etat général de l’électrification .............................................................................. 11
3.2. Electrification rurale ............................................................................................... 12
3.3. Transition vers le renouvelable .............................................................................. 12
4. CADRE INSTITUTIONNEL ....................................................................................................... 15
5. CADRE ENVIRONNEMENTAL .................................................................................................. 16
6. CADRE SOCIO-ÉCONOMIQUE ................................................................................................. 18
6.1. La Santé .................................................................................................................. 18
6.2. L’Education ............................................................................................................. 19
6.3. Le Genre ................................................................................................................. 19
7. CADRE SOCIOLOGIQUE ......................................................................................................... 21
8. OBSTACLES À L’ÉLECTRIFICATION DURABLE ............................................................................... 24
8.1. Financier ................................................................................................................. 24
8.2. Institutionnel .......................................................................................................... 24
8.3. Technologique ........................................................................................................ 24
CHAPITRE 2 : ETUDE DU CAS D’AMBERIVERY ................................................................... 25
1. MÉTHODOLOGIE ................................................................................................................ 25
2. PRÉSENTATION DU SITE ........................................................................................................ 26
2.1. Situation environnementale ................................................................................... 27
2.1.1. Climat ................................................................................................................. 27
2.1.2. Géologie ............................................................................................................. 28
2.1.3. Risques sismiques ............................................................................................... 29
2.1.4. Hydrologie .......................................................................................................... 29
2.1.5. Couvert végétal .................................................................................................. 29
2.2. Situation démographique ...................................................................................... 30
2.3. Situation éducative ................................................................................................ 31
2.4. Situation sanitaire .................................................................................................. 31
2.5. Situation ethnique .................................................................................................. 32
2.6. Sécurité ................................................................................................................... 33
2.7. Transport ................................................................................................................ 33
2.8. Association des femmes ......................................................................................... 33
CHAPITRE 3 : ENJEUX SUR L’ELECTRIFICATION DU VILLAGE D’AMBERIVERY ..................... 34
1. MÉTHODOLOGIE ................................................................................................................ 34
2. ENJEUX ............................................................................................................................. 35
2.1. Enjeux Géographiques ........................................................................................... 36
2.2. Enjeux institutionnels ............................................................................................. 37
2.3. Enjeux environnementaux ...................................................................................... 38
2.4. Enjeux économiques ............................................................................................... 42
2.5. Enjeux techniques .................................................................................................. 53
2.5.1. Amont ................................................................................................................. 56
2.5.2. Bâtiment centrale ............................................................................................... 57
2.5.3. Aval ..................................................................................................................... 59
2.6. Enjeux socio-culturels ............................................................................................. 61
3. IMPACTS GLOBAUX .............................................................................................................. 65
4. LIMITES DE L’ÉTUDE ............................................................................................................ 67
CONCLUSION .................................................................................................................. 70
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 72
ANNEXES .............................................................................. ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.
Liste des Tableaux
Tableau 1: Transition 2020 vers un régime plus renouvelable du secteur de l'énergie à Madagascar
(Rabarivelo, 2010). ................................................................................................................................ 14
Tableau 2: Caractéristique technico-économique du projet ................................................................ 26
Tableau 3: Nombre de la population de la Commune de Beandrarezona, décembre 2009 (AIDER,
2016)...................................................................................................................................................... 30
Tableau 4: Impacts probables pendant la phase de préparation (AIDER, 2016). ................................. 38
Tableau 5: Impacts probables pendant la phase de construction (AIDER, 2016). ................................ 38
Tableau 6: Impacts probables pendant la phase d'exploitation (AIDER, 2016). ................................... 39
Tableau 7: Impacts probables pendant la phase d'entretien (AIDER, 2016). ....................................... 39
Tableau 8: Segmentation socio-économique des ménages .................................................................. 43
Tableau 9: Pourcentage du taux d’activité agricoles et d’élevage des ménages d'Amberivery (AIDER,
2016)...................................................................................................................................................... 44
Tableau 10: Recensement des infrastructures publiques et catégorisation par segment des ménages
(AIDER, 2016). ........................................................................................................................................ 45
Tableau 11: Classification des ménages cibles (AIDER, 2016). .............................................................. 46
Tableau 12: Evolution du nombre de ménages cibles par catégories (AIDER, 2016). .......................... 46
Tableau 13: Consommation en énergie substituable par l'électricité des ménages dans le village cible
(AIDER, 2016). ........................................................................................................................................ 47
Tableau 14:Consommation des trois catégories de ménages pour la première année (AIDER, 2016). 48
Tableau 15:Consommation des activités commerciales pour la première année (AIDER, 2016). ........ 48
Tableau 16:Energie consommé par les infrastructures sociales et administratives pour la première
année (AIDER, 2016). ............................................................................................................................. 49
Tableau 17: Evolution annuelle de l'énergie consommée (AIDER, 2016). ............................................ 49
Tableau 18:Evolution annuelle d'énergie consommée par les clients ciblés (AIDER, 2016). ................ 50
Tableau 19: Courbe de puissance journalière de l'année 1 d'Amberivery (AIDER, 2016). ................... 50
Tableau 20: Courbes de puissance journalière de l'année 30 d'Amberivery (AIDER, 2016). ................ 51
Tableau 21 : Prix mensuel de l'énergie avant et après l'hydro électrification rurale ........................... 51
Tableau 22: Débits d’écoulement moyens mensuels de l'Amberivery à Amberivery (AIDER, 2016). .. 53
Tableau 23: Débit caractéristiques en m³/s .......................................................................................... 54
Tableau 24: Puissance électrique disponible ........................................................................................ 55
Tableau 25: Caractéristique du barrage (AIDER, 2016). ........................................................................ 56
Tableau 26: Perte de charge (AIDER, 2016). ......................................................................................... 58
Tableau 27: Caractéristiques de la turbine (AIDER, 2016). ................................................................... 59
Liste des Figures
Figure 1 : Carte de répartition ethnique de Madagascar (Wikipédia) .................................................... 5
Figure 2 : Evolution de la population de Madagascar entre 1951 et 2017 (Countrymeters). ................ 6
Figure 3:Contribution des différentes sources dans la fourniture d'énergie à Madagascar
(WWF,2012). ........................................................................................................................................... 9
Figure 4 : Evolution de la consommation en électricité en fonction des catégories de consommateurs
(WWF,2012). ......................................................................................................................................... 10
Figure 5: Schématisation des liens entre les sources d'énergies (WWF,2012). .................................... 10
Figure 6: Localisation géographique des principales chutes hydroélectriques potentielles
(Andriamampianina, 2013).................................................................................................................... 13
Figure 7: Localisation de la zone d'étude (AIDER, 2016). ...................................................................... 27
Figure 8: Température de l'air relevée à Bemanevika (AIDER, 2016). .................................................. 28
Figure 9:Pluviométrie mensuelle relevée à Bemanevika (AIDER, 2016). .............................................. 28
Figure 10: Cartographie d'Anthohakabe d'après la carte géologique du service géologique
d'Ampandrianomby – Antananarivo (AIDER, 2016). ............................................................................. 28
Figure 11: Vue sur le village d'Amberivery(AIDER, 2016)...................................................................... 30
Figure 12: Centre de santé de Base 2 de Beandrarezona (AIDER, 2016). ............................................. 32
Figure 13: Stèle en pierre habillée de lamba (AIDER, 2016). ................................................................ 33
Figure 14: Lieu d'emplacement des ouvrages du bâtiment central d'Amberivery ............................... 36
Figure 15: Illustration montrant la surélévation de la lame d'eau (AIDER, 2016). ................................ 41
Figure 16: Eglise FJKM d'Amberivery (AIDER, 2016). ............................................................................ 44
Figure 17: Atelier de couture d'Amberivery (AIDER, 2016)………………………………………………………………. 46
Figure 18: Epicerie d'Amberivery (AIDER, 2016). .................................................................................. 45
Figure 19: Variation des débits mensuels d'Amberivery ....................................................................... 54
Figure 20 : Courbe de puissance classée (AIDER, 2016). ....................................................................... 55
Figure 21: Vue du dessableur en construction (AIDER, 2016). ............................................................. 57
Figure 22: Principe de fonctionnement de la turbine Banki (Andriamampianina, 2013). .................... 58
Figure 23: Diagramme de choix de turbine (Andriamampianina, 2013). .............................................. 59
Figure 24: Photographie du réseau basse tention du village d'Amberivery (AIDER, 2016). ................. 60
Figure 25: Comparaison entre une stèle de recueillement de Tsimihety et un poteau d'électrification
dans le village d'Amberivery (AIDER, 2016). ......................................................................................... 62
Figure 26: Volonté des ménages à se raccorder au réseau d'Amberivery ............................................ 67
Liste des Abréviations
A : Ampère
ADER : Agence de Développement de l’Electricité Rurale
AIDER : Association des Ingénieurs pour le Développement des Energies Renouvelables
Ar : Ariary (1 euro = 3740 Ar) CEM : Charte de l’Environnement Malagasy
CO² : Dioxyde de Carbone
CTE : Comité Technique d’Evaluation
DVD : Digital Versatile Disc
EIE : Etude d’Impacts Environnementaux
FIMJA : Fikambanana Mitantana Ala Ketsan’Amberivery GEF : Global Environnemental Facility
IPC : Indice de Perception de la Corruption
JIRAMA : Jiro sy Rano Malagasy
MDP : Mécanisme de Développement Propre
MDRM : Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache
MECIE : Mise en Comptabilité des Investissements avec l’Environnement
MEH : Ministère des Energies et des Hydrocarbures
MRPA : Managed Resources Protected Areas
NAP : Nouvelle Aire Protégée
ONE : Organisme National de l’Electricité
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ORE : Office de Régulation de l’Electricité
PAGOSE : Projet d’Amélioration de la Gouvernance et des Opérations dans le Secteur de l’Electricité
PHEDER : Pico Hydro Electricité au service du Développement Rural
PME : Petite et Moyenne Entreprise
PND : Plan National de Développement
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
PREE : Programme d’Engagement Environnemental PSE : Paiement pour Service Ecosystémique
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'enfance
V : Volt
VCD : Video Compact Disk
VCS : Verified Carbon Standard
VVS : Vy Vato Sakelika
W : Watt
WWF : World Wide Fund for natur
1
Introduction
La gestion de l'eau et de l'énergie sont les deux défis majeurs du siècle. L'énergie, elle, est considérée par de nombreuses institutions (Banque Mondiale, Union Européenne, Nations Unies, …) comme étant un élément participant à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement et la réduction de la pauvreté. (OMD,2015) C’est un fait, l’énergie permet d’introduire et d’alimenter une série de services tels que l’eau potable, les hôpitaux, les écoles, les moyens de communication, l’éclairage, … Ainsi, le développement économique évolue généralement de pair avec le développement énergétique. Malheureusement, pour des raisons économiques, les gouvernements favorisent le plus souvent l’utilisation d’énergies fossiles sans tenir compte de certains enjeux. Cependant, le changement climatique nous oblige à mener des campagnes de développement énergétique propre, que ce soit dans les pays déjà industrialisés ou ceux en cours de développement. D’un point de vue énergétique, le challenge s’avère donc être le développement d’énergies renouvelables afin d’émettre le moins possible de gaz à effet de serre. Face à cela, la problématique de l’électrification rurale d’un pays en voie de développement se doit d’être tournée vers le renouvelable. Cependant, l’introduction de l’électricité dans une région non électrifiée s’avère être chose complexe. Elle demande généralement de gros investissements, s’opère généralement dans des zones reculées, aux consommations faibles et d’une population bénéficiant de petits moyens financiers. C’est pourquoi, l’électrification rurale a toujours été plus coûteuse que l’approvisionnement des zones urbaines. Ainsi, les technologies décentralisées se voient être davantage adaptées aux zones rurales reculées. De plus, l’énergie renouvelable s’avère être plus équitablement répartie sur la surface de la terre que les énergies fossiles. Celle-ci se voit adaptée tant à la centralisation qu’à la décentralisation des réseaux. C’est pourquoi, à long terme, il revient moins cher de développer des technologies renouvelables décentralisées génératrices d’électricité que d’assurer l’arrivage d’un combustible fossile ou d’un réseau électrique à provenance lointaine. Cependant, l’introduction rurale des technologies ne s’est pas toujours vue adaptée. Par exemple, des fours solaires ont été proposés à des femmes qui cuisent habituellement leur nourriture avant l'aube ou après le crépuscule, le soleil y étant bien trop brûlant la journée. De plus, ces fours solaires ne se sont pas vus adaptés aux techniques utilisées pour la préparation des plats locaux obligeant les femmes à rester debout pour préparer les aliments. De telles maladresses ne peuvent qu'être causées par une mauvaise connaissance du milieu d'intervention des bénéficiaires. Plusieurs éléments sont donc primordiaux afin de garantir le fonctionnement durable d’une technologie. Il convient donc d’établir une analyse complète de facteurs afin d’éviter de provoquer des crises locales dont les effets perturberaient les plus-values recherchées à travers les projets d’introduction (Lippinois, 2016). Le présent travail traite la problématique de l’électrification rurale par une microcentrale hydroélectrique du village d’Amberivery dans le Nord de Madagascar. Le but de ce travail est d’évaluer un tel projet selon plusieurs enjeux. En effet, travailler à optimiser la gestion des énergies, d'une part, en diffusant des techniques durables en zones en voie de développement tout en respectant toutes les relations préexistantes d’autre part, m’a semblé intéressant à approfondir.
2
Démarche de l’étude
Lors de ces quatre dernières années, et ce de manière espacée, j’ai eu l’occasion de passer un an et demi de mon temps à Madagascar. Que ce soit dans le biocombustible ou l’hydroélectricité, j’ai chaque fois eu l’occasion de travailler dans le cadre d’un projet d’introduction d’une technologie au sein d’une collectivité. J’ai commencé par travailler sur une étude de faisabilité de l’introduction d’un charbon végétal pour par la suite effectuer une étude sociale intitulée « L'introduction d'un biocombustible à Madagascar : un bouleversement social néfaste dans la vie des femmes ? ». Pour réaliser la présente étude j’ai eu la chance d’intégrer, durant 3 mois, l’équipe de la Fondation
Tany Meva. La Fondation Tany Meva est une institution de financement durable qui a pour objectif
d’accroître les ressources financières au profit des communautés et de l’environnement afin de faire
face aux défis environnementaux du pays. Tany Meva soutient un grand nombre de petites initiatives
durables et s’avère capital à la transition écologique que traverse l’Afrique entière.
Ce stage m’a permis de me plonger au cœur même de la problématique de l’électrification rurale, de
me rendre compte du fonctionnement d’un organisme de financement et de rencontrer un grand
nombre de personnes influentes dans le milieu. J’ai effectué deux mois de stage en bureau et un mois
d’interview d’une série d’organismes que j’ai pu introduire grâce à mon maitre de stage Mr Tantely
Rakotoarimanana, responsable du projet PHEDER1. Le projet PHEDER a pour objectif de contribuer au
programme national d’électrification rurale « Energie II » en renforçant le développement local par la
valorisation des pico-centrales hydroélectriques. En effet, grâce aux informations techniques récoltées
sur les projets de centre hydrauliques soutenus par PHEDER, j’ai pu développer à la fois sur les impacts
de la libéralisation de l’énergie malgache ainsi que les impacts culturels et les enjeux socio-
économiques de l’électricité en milieu rural. Ce projet, en lien avec certains cours de mon Master, m’a
inspiré ce sujet de mémoire.
Durant mon Master, j’ai été fortement marqué par la découverte de l'approche sociotechnique. Elle
se définit par une vision large prenant en compte à la fois les contraintes imposées par les propriétés
techniques d’une technologie mais également la configuration dynamique de leurs usages et ce, par
l’étude des interactions des acteurs en situation. Cette approche multidisciplinaire unificatrice étudie,
dans le secteur de l’innovation, la succession des évènements, l’irréversibilité des choix effectués ainsi
que l’évolution des illusions techniques et sociales. (Akrich, 1989)
La découverte de l'approche socio-technique a beaucoup influencé la manière avec laquelle j’ai voulu
traiter ce sujet de l’électrification rurale. En effet, ce concept m'avait été vulgarisé pour la première
fois par mon professeur de développement durable Mr Stassart, ce qui m'a permis par la suite de le
confronter à toute une série de situations. De multiples autres sources d’inspiration se sont ensuite
ajoutées naturellement en fonction des rencontres que j’ai pu faire à l’Université mais aussi durant
mon stage. Tout au long du chemin de lecture qui s'est vu s'ouvrir à moi, je me suis vu influencé tantôt
par des professeurs comme Mr Mélard qui m'a demandé d'approfondir « la construction d’un système
socio-technique, esquisse pour une anthropologie des techniques » (Akrich, 1989) et tantôt par
d’autres auteurs proposés lors de mes recherches à mots clefs.
1 Pico Hydro Electricité au service du Développement Rural
3
Objectif
L’objectif de ce travail est d’avant tout de confronter les connaissances acquises durant ce master à un sujet qui me tient à cœur. Dans une analyse hétéroclite (sociologique, économique, historique et ethnographique) de la
technique, Flichy nous dit que « l'histoire de la technique et de ses usages se construit selon trois lignes
entremêlées : celles du hasard, de la nécessité et du vouloir humain, individuel et collectif. La technique
doit être analysée dans un contexte socioculturel, institutionnel et organisationnel qui comprend
plusieurs ressources, plusieurs types de connaissances et des réseaux d'influences qui se croisent »
(Flichy, 2003).
Partant de là, ce travail se veut lui aussi hétéroclite et tente de proposer une réflexion visant à
confronter l’approche théorique qu’est l’approche technique nécessaire à la mise en œuvre d’une
centrale hydroélectrique face à l’approche pragmatique qu’est l’approche sociale de l’électrification
rurale en société africaine et plus précisément à Madagascar.
Cette étude cherche à forger un regard critique et non pas à valoriser ou dévaloriser certaines
pratiques plus que d’autres. Cela pourrait éventuellement permettre aux décideurs locaux de remédier
aux contraintes existantes ou de faire des choix pour des démarches appropriées.
Il recèle d’indicateurs tant qualitatifs que quantitatifs. Ces informations n'ont pas la prétention d'être
exhaustives mais visent à fournir une base pour d'autres discussions, car il est jugé beaucoup plus facile
de travailler s'il y a déjà quelque chose à discuter.
Ce travail tente d’illustrer une démarche rationnelle de l’électrification rurale, d’une technologie donnée pour un endroit donné tout en assurant la conservation des interactions harmonieuses entre l’homme et la nature. Ce travail a pour but d’aider les promoteurs et les exploitants à évaluer et à gérer les enjeux environnementaux, sociaux et économiques souvent contradictoires qui peuvent surgir aux étapes de la mise en place des infrastructures, de l’exploitation et de la gestion d’installations hydroélectriques.
4
CHAPITRE 1 : MISE EN CONTEXTE
1. Méthodologie
Ce travail se veut centré principalement sur les enjeux que l’introduction d’une technologie donnée pourrait impacter dans un endroit donné. Sachant que le nombre d’acteurs (humains ou non humains) est infini et variable en fonction du temps, la détention d’un maximum d’informations concernant le contexte d’une technologie peut favoriser la prise en compte des potentiels changements de position des détenteurs d’enjeux au cours du temps. Ainsi, ce type d’étude se doit de prendre en compte le point de vue d’un maximum d’acteurs qui seront touchés par ses changements. Pour ce faire, une étude des réformes passées, présentes ainsi que futures se doit d’être établie. C’est pourquoi, les deux premiers chapitres de cette étude ont pour but d’expliquer l’environnement dans lequel ces enjeux évoluent. Ces séries d’informations balayent d’une part le contexte général du pays et d’autre part, l’ensemble des informations clefs de la zone étudiée. Cette mise en place du cadre s’avère capitale pour la bonne compréhension des tenants et aboutissants d’un projet d’introduction d’une technologie étrangère comme celui exposé dans le cadre de ce travail. Dès lors, chaque rubrique développée dans le cadre de ce chapitre se verra justifiée par la suivante. De manière plus explicite, le chapitre 1 propose une introduction au contexte général malgache.
L’histoire du pays se voit résumée et d’autres apports théoriques en lien avec la problématique y sont
joints.
Un cadre énergétique y est développé, principalement inspiré par le diagnostic du secteur énergie
2012 à Madagascar de WWF mais également par un rapport d’assistance au développement
énergétique de 2015 du Ministère de l’Energie et des Hydrocarbures de Madagascar.
Un cadre social y est également développé afin d’introduire les concepts se référant au cas d’étude
qui suit. Ce cadre sociologique a été principalement inspiré d’un de mes anciens travaux :
« L’introduction d'un biocombustible à Madagascar : un bouleversement social néfaste dans la vie des
femmes ? »
De plus, la conférence « L'entreprise d'Etat JIRAMA: quelles stratégies jusqu'en 2020? » m’a permis d’amasser un grand nombre d’informations fiables sur les chiffres, les faits réels et les stratégies envisagées de l’entreprise.
5
2. Présentation de la zone d’étude
2.1. Madagascar
Madagascar est la cinquième plus grande île du monde située dans l’Océan Indien, au sud-est de l’Afrique. La Grande Île, parfois appelée « l’île Rouge » en référence à la latérite qui colore ses plateaux, s’étire sur 1 580 km du nord au sud et 500 km d'est en ouest. Le peuple malgache est issu d’immigrations successives remontant selon les historiens au Vème siècle avant J-C. Le peuple malgache a depuis longtemps été une terre aux multiples influences. Autour de l'an zéro, des austronésiens2 en provenance d'Indonésie colonisent Madagascar. L’île s’est ensuite métissée et enrichie d’autres peuplades colonisatrices (indiens, africains ou encore arabes) attirées par sa beauté, sa fertilité et sa prospérité (Casas, 2007). En effet, du XVème au XVII siècle plusieurs petits royaumes prennent le contrôle de ses terres fécondes pour ainsi décomposer le territoire en dix-huit ethnies hétéroclites. En 1885, la France y introduit son protectorat. De 1896 à 1905, le général Galliéni, ‘’pacifie’’ drastiquement l'Ile. De cette façon, près de 100 000 malgaches, sur une population qui en contenait 2,5 millions, ont été décimés en vue de développer une politique de colonisateur dans tous les domaines. Dès 1913, des nationalistes médecins et intellectuels merina3, forment la Vy Vato Sakelika (V.V.S : ‘’Fer, pierre, réseau’’), une société secrète militant pour la liberté et l'égalité des droits. Ceux-ci seront rapidement arrêtés, condamnés, puis amnistiés en 1921 (Dom, 2013). A partir de 1946, le combat pour la restauration de l’indépendance est mené par le Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache (MDRM), dirigé par Raseta et Ravoahangy (Ravelonjatovo, 2014). Ils remportent les premières élections générales de janvier 1947. En mars 1947, éclate une insurrection, suivie d’une
terrible répression entraînant la disparition de dizaines
de milliers de personnes, menant à la dissolution du
MDRM (Casas, 2007).
Après la défaite en Indochine des Français en 1954, l’acheminement vers l’indépendance s’accélère pour aboutir à sa proclamation le 26 juin 1960 (Casas, 2007). Le peuple malgache traverse ensuite trois Républiques pour récemment être dirigé par Marc Ravalomanana. Celui-ci s’étant autoproclamé président le 26 juin 2002 face à son arrivée en tête au 1er tour des élections nationales (46 % voix contre 40 % pour l’ancien dirigeant Ratsiraka). Enfin, le 16 mars 2009, suite à de nombreuses manifestations orchestrées par le maire d’Antananarivo Andry Rajoelina, le président malgache Ravalomanana est amené à démissionner pour éviter des bains de sang. Andry Rajoelina réussit donc un coup d’Etat qui gangrènera le pays dans une profonde corruption. Cependant, le 17 janvier 2014, l’élection de Hery Rajaonarimampianina a été officialisée. Celui qui
2 La plupart des habitants de l’Asie du Sud-Est insulaire (Indonésie, Philippines, Malaisie) parlent des langues austronésiennes. 3 Régime politique imposé par les colonisateurs.
Figure 1 : Carte de répartition ethnique de Madagascar (Wikipédia)
6
aurait dû être la doublure de Andry Rajoelina entreprend un rapprochement avec son ennemi juré Marc Ravalomanana. Ainsi, Madagascar n’est pas au bout de ses difficultés politiques. L’impact de la politique coloniale ne peut être négligé. Ce bref historique des évènements marquants
du pays explique une stagnation des décisions environnementales du pays pour cause de manque de
moyens en outre face à sa forte augmentation démographique. Ainsi, les défaillances du
gouvernement mis en place s’avèrent être la source même des problèmes énergétiques de la Grande
Ile. Ce travail permettra d’en prendre conscience.
2.2. Démographie
Selon les dernières données disponibles de la Banque mondiale (2013), 81.3% de la population totale vit avec moins d’un euro par jour. La figure 2 nous montre l’évolution de la population.
Figure 2 : Evolution de la population de Madagascar entre 1951 et 2017 (Countrymeters).
La transition démographique de Madagascar a débuté, comme beaucoup de pays colonisés, grâce au
déclin de la mortalité due à l’arrivée des colonisateurs français. Depuis les années 1960, la croissance
démographique de la Grande Île s’est accélérée. Comme bon nombre de pays en développement, la
population malgache rassemble davantage une population jeune que vieille. La dimension moyenne
des familles est de 6 personnes par ménage. Les jeunes de moins de 15 ans représentent près de la
moitié de la population totale et les personnes âgées de plus de 65 ans correspondent à peine à 4 %
(Razafimanjato, 2017).
Le taux de fécondité4 de 4,7 varie en fonction que la zone soit rurale ou urbaine. Le taux de mortalité5
de 7,5 relève, quant à lui, de l’environnement socio-économique. Ainsi, le niveau de vie engendrera,
par exemple, une malnutrition et l’éducation favorisera ou non l’accès aux services sanitaires et
notamment à la vaccination (Razafimanjato, 2017).
La croissance démographique joue généralement un rôle important dans la dégradation de
l’environnement. Les modes de production et de consommation de la plupart des malgaches s’avèrent
sommaires et donc peu impactants. Cependant, les émissions par tête, dues au haut taux de fécondité
de Madagascar, impactent, quant à elles, de manière non négligeable, le changement climatique.
4 Nombre moyen d’enfants mis au monde pour 1000 habitants 5 Nombre moyen de décès pour 1000 habitants.
7
2.3. Climat
Madagascar se situe dans la partie occidentale de l’Océan Indien, au sud-est de l’Afrique. Elle est la
cinquième île du monde avec une superficie de 587 295 km² et se détache du continent Africain par le
canal du Mozambique, large de 400km. Madagascar a pour voisins l'archipel des Comores, La Réunion,
mais aussi l'île Maurice et les Seychelles.
Madagascar est découpée en cinq zones climatiques :
• Au Nord-Ouest, la région reçoit des pluies annuelles abondantes pendant la mousson de décembre à avril. Le climat est de type équatorial et les températures varient de 15 à 37 °C.
• Sur toute la côte Est, règne un climat équatorial très humide. La côte rectiligne est exposée annuellement aux alizés et aux cyclones dévastateurs, entre les mois de janvier et mars.
• La grande région de l’ouest de Madagascar est, quant à elle, moins pluvieuse. Principalement caractérisée par ses savanes, les températures y varient de 10 à 37 °C.
• Au centre de l’île, les Hautes Terres se trouvent à une altitude qui varie de 1 200 à 1 500 m. Le climat y est de type subtropical avec des températures annuelles moyennes de l’ordre de 20 °C.
• L’extrême sud de la Grande Île est, lui, très sec. Les pluies y sont rares et l’amplitude thermique y est très élevée allant de -6 °C à 40 °C. Le climat est de type subdésertique (Dubois V.).
L’île subit l’influence des alizés et de la mousson. Il existe deux types de saisons : o La saison des pluies, autrement dit la saison chaude, s’étale du mois de novembre
jusqu’en avril. o La saison sèche, autrement dit la saison fraîche, s’étale quant à elle du mois de mai à
celui d’octobre. De plus, la région océanique tropicale comprenant entre autres l’île de la Réunion, l’archipel des Comores, Madagascar et Maurice, est considérée comme étant une zone de convergence intertropicale. Elle est dès lors, régulièrement frappée durant la période cyclonique, de début novembre jusqu'à fin mai. Les conditions climatiques spécifiques se voyant changer, des décisions politiques se doivent d’être prises afin que les impacts du changement climatique soient le plus négligés possible au niveau de l’appauvrissement des ressources du pays.
2.4. Politique de développement
De par sa grande biodiversité, Madagascar détient un potentiel de ressources colossales.
Malheureusement, les ressources naturelles du pays s’épuisent qualitativement et quantitativement.
Ainsi, depuis le début des années 1980, la Grande île subit une crise écologique grave qui semble
s’amplifier encore aujourd’hui (Blanc-Pamard C./Boutrais J., 2001).
Toutes les forêts de Madagascar sont considérées comme Domaine privé de l’Etat. Ces forêts se composent des forêts classées et des forêts non classées. Il y a trois catégories de forêts classées : Réserves naturelles intégrales, Réserves spéciales et Parcs Nationaux (Code forestier Madagascar -Loi
n° 97-017). L’affectation de forêts naturelles à des personnes physiques ou morales est presque inexistante. L’arbre représente 92% de l’énergie consommée par la population de par sa facilité d’accès et sa gratuité (WWF, 2012). Ceci implique un phénomène de déforestation important alimenté à la fois par la filière bois énergie mais également par l’exploitation minière, le brulis6 et la vente de bois rares vers
6 Technique culturale traditionnelle qui consiste à incendier une parcelle en vue de pouvoir la cultiver ou la transformer en prairie afin de nourrir les zébus.
8
la Chine. Le non-respect des lois engendre un grignotage des forêts et des conséquences dramatiques sur la biodiversité malgache. Le fléau de la corruption à Madagascar s’étend jusqu’aux membres du gouvernement. Ces derniers entretiennent des liens étroits avec les mafias, qui déforestent et brutalisent les défenseurs des forêts en toute impunité, et les importateurs chinois assurant la grande majorité des achats de bois de rose7, d’écorces de Prunus africana8, d’ébène, de palissandre ou encore d’autres bois précieux sensibles de par leur valeur élevée sur le marché international, comme le bois de mangrove (Ramambazafy J.,2014). L’IPC9 est en baisse depuis 2008. Néanmoins, selon les estimations de 2014, 28 personnes sur 100 se voient cautionner la corruption. Les résultats des actions de contrôle de la corruption restent donc mitigés (Transparency International, 2014). La création d’aires protégées en 2003 a permis d’influencer ce taux de déforestation. Cependant, le
mode d’utilisation de la forêt par les Malgaches continue à conduire vers une destruction du milieu
naturel. Ainsi, l’écosystème se voit encore et toujours fragilisé, ce qui influence les modes de vie et de
production des Malgaches.
La déforestation appauvrit non seulement la terre, mais aussi les personnes (Klein, 2002).
Cette déforestation induit une série de conséquences. Tout d’abord, l’érosion et le lessivage des sols
conduisent à une mise en danger des habitats recelant une myriade d’espèces endémiques et de
plantes potentiellement médicinales mais se voit également impacter les ressources en eaux. Ensuite,
la destruction des coraux et l'augmentation du taux de carbone atmosphérique aggravent le problème
du changement climatique.
L’analyse économique des politiques environnementales de Madagascar a un caractère
multidimensionnel. Sa stratégie se doit d’aller au-delà des revenus, prenant en compte des éléments
de contexte évoqués plus haut, une analyse à dimension géopolitique, les dynamiques des ONG, des
firmes multinationales ou encore d’autres acteurs non étatiques comme des bailleurs de fonds ou la
disponibilité de subsides.
En réponse à cette crise socio-économique, la reconstruction du pays selon le Plan National de
Développement envisage de travailler sur la réconciliation nationale, la mise en œuvre d’un ensemble
de réformes structurantes et en profondeur ainsi que la réalisation immédiate d’actions et mesures
urgentes et à impact rapide. Ces dernières devront se traduire par des résultats concrets et tangibles,
perceptibles à court terme et ce, sous forme d’amélioration notable de la vie quotidienne de la
population et notamment des couches les plus vulnérables (PND, 2015).
Cette reconstruction comprend tout d’abord, selon le Président de la République de Madagascar, un renforcement des fondations avec un processus de croissance inclusif. Celles-ci doivent ainsi mettre en exergue, en cohérence et en phasage urgences et réformes à long terme. Ensuite, une consolidation des piliers qui seront les garants de la solidité du développement durable : il s’agit des richesses et des patrimoines que nous devons créer et léguer à nos générations futures. Et enfin, une superstructure formée comme tel : « Bâtir un nouveau Madagascar, un Madagascar fort et ainsi léguer aux générations futures un pays apaisé, uni et prospère, qui aura réussi à devenir un leader mondial de la valorisation et de la préservation de son immense capital naturel en se basant sur une croissance forte et inclusive au service du développement équitable et durable de tous les territoires » (PND, 2015).
7 Bois rare aux veines rosées utilisé en parfumerie et ébénisterie 8 Prunier d’Afrique vulnérable car son écorce détient des propriétés contre les troubles de la vessie 9 L’Indice de Perception de la Corruption
9
3. Cadre énergétique malgache
Le Secteur énergétique malgache se divise en trois sous-secteurs :
• Sous-secteur du bois énergie (92%)
• Sous-secteur des hydrocarbures (7%)
• Sous-secteur de l’Energie renouvelable (1%)
Figure 3:Contribution des différentes sources dans la fourniture d'énergie à Madagascar (WWF,2012).
La consommation annuelle de bois en 2015 correspondait à 18,3 millions de m³ dont 56% a été
directement utilisé en bois de chauffe et 44% avait été transformé en charbon de bois (MEH, 2015).
La principale demande sur le marché énergétique malgache s’avère être la consommation domestique.
Elle se limite à deux besoins principaux :
• la cuisson, satisfaite par le Bois Energie.
• l’éclairage, satisfait par le pétrole et l’Electricité.
Cependant, les ménages consomment ces énergies de manière intermittente dans la journée : trois fois par jour pour la cuisson et juste durant une partie de la soirée pour l’éclairage (Figure 4). De plus, les ménages moyens ne détiennent que de petits revenus. Le défi énergétique pour les ménages consiste donc à assurer la rentabilité tout en proposant des produits énergétiques correspondant à leur pouvoir d’achat. Pour ce qui est du secteur productif, le gasoil constitue, quant à lui, le produit pétrolier le plus utilisé
dans le secteur économique (54% de l’importation d’hydrocarbures) (WWF, 2012).
L’industrie et les PME consomment, quant à elles, 44% de la production d’énergie électrique à Madagascar en 2011. Ceci reflète le faible dynamisme du secteur économique malgache notamment dans le secteur secondaire, créateur de valeur ajoutée et d’emploi (WWF, 2012).
Madagascar importe la totalité des produits hydrocarbures dont il a besoin. La production d’Energie
électrique est assurée par des centrales thermiques qui sont essentiellement exploitées par la JIRAMA
et quelques entreprises privées. L’utilisation du gasoil pour alimenter les groupes électrogènes
correspond à 13% du gasoil importé. Le secteur du transport consomme, quant à lui, plus de 80% de
ce gasoil importé. C’est la croissance de ce secteur qui entraine l’augmentation de la demande en
gasoil (WWF, 2012).
10
Figure 4 : Evolution de la consommation en électricité en fonction des catégories de consommateurs (WWF,2012).
Le défi énergétique pour le secteur économique consiste donc à renforcer sa rentabilité auprès de ces industriels tout en permettant leur développement (WWF, 2012). Ainsi, à en juger par l’augmentation de la population, les incitations au développement et les intentions de la Jirama10, la demande est encore appelée à augmenter. En effet, celle-ci a atteint 585 000 MWh en 2012 et devrait atteindre 2 millions MWh en 2030 pour finalement atteindre 7 millions MWh en 2050. Malgré les efforts entrepris, la capacité de production actuelle ne parvient pas à répondre à cette demande croissante, surtout avec l’essor du secteur industriel et la montée du prix du pétrole. Ajoutons à cela, l’absence d’une vision globale de ces sous-secteurs. Chaque entité semble se cantonner à la promotion de son sous-secteur malgré le fait qu’elle s’adresse aux mêmes clients. Il n’y a pas d’informations suffisamment compilées sur le secteur ce qui rend difficile l’obtention d’une vision globale du secteur énergie. Cette vision d’ensemble permettrait de combiner les efforts et de préserver les ressources naturelles : sol, ressources hydroélectriques, ressources forestières compte tenu du fait que ces ressources sont interdépendantes (WWF, 2012).
Figure 5: Schématisation des liens entre les sources d'énergies (WWF,2012).
10 Entreprise publique des services d’eau et d’électricité du pays.
11
Une gestion cohérente ainsi qu’une synergie entre les sous-secteurs devrait permettre de mieux les protéger et les valoriser afin de satisfaire les besoins énergétiques du pays (WWF, 2012).
3.1. Etat général de l’électrification
A Madagascar, seulement 14% de la population a accès à l’électricité. (Jirama,2014)
Cet accès est assuré par le réseau de la société d’Etat JIRAMA créée en 1975. La JIRAMA (Jiro sy Rano
Malagasy11) approvisionne différentes zones par le réseau de l’agence ADER12 créée en 2002. Cette
structure promeut et développe l’électrification en milieu rural grâce au Ministère en charge de
l’Energie.
La Jirama exploite aujourd’hui 114 centres :
• 22 d’entre eux appartiennent à deux réseaux interconnectés : Antananarivo et Fiananrantsoa.
• 5 d’entre eux sont, quant à eux, des grands centres autonomes : Tamatave, Majunga, Diego Suarez, Tuléar et Nosy-Be.
Les 87 centres restants sont de petits et moyens centres autonomes dont environ 30 se situent en zones rurales avec une puissance installée de moins de 250kW chacun. La Jirama assure ses approvisionnements en électricité à travers deux productions principales. Les centrales thermiques à gas-oil ou fuel lourd qui prédominent la production, suivies par les centrales hydrauliques (Jirama, 2014). Malgré qu’une réforme du secteur de l’Energie électrique ait été opérée en 1999, la production
d’Energie électrique est quasiment assurée par la Société d’Etat Jirama.
Cette réforme a eu pour but d’ouvrir, à de nouveaux opérateurs, la possibilité d’intervenir au sein du
secteur afin, d’une part, de relayer l’Etat malgache dans le financement de l’infrastructure électrique
du pays et, d’autre part, de promouvoir l’efficacité et la qualité du service offert aux usagers par le jeu
de la concurrence (Jirama, 2014). Cependant, la Jirama détient toujours le monopole et est détenue à
100% par l’Etat. De plus, comme les terres appartiennent aux communes, les exploitants ne sont que
reconnus propriétaires des installations réalisées sous concession ou autorisation, ce qui conduit les
concepteurs de projets à se faire manger petit à petit par l’Etat trop gourmand.
L’Etat se permet donc de réaliser ses politiques dans le secteur de l’eau et de l’électricité tout en
poursuivant un but lucratif. Malheureusement, avec un bilan constamment négatif, la Jirama ne cesse
de réclamer des subventions de plus en plus importantes à l’Etat. Le réseau ne parvient plus à répondre
aux besoins du consommateur et cela se traduit par des délestages pour toutes les villes de la Grande
Ile.
Ce déficit s’explique principalement par un prix de vente inférieur aux coûts de production mais
également par des locations de générateurs onéreuses, une mauvaise gestion commerciale et des
pertes d’énergie au niveau du transport, des vols d’électricité, de câbles. Si des efforts de transparence
sont aujourd’hui effectués par la Jirama, la disponibilité des informations est encore insuffisante pour
que les citoyens puissent comprendre facilement les raisons de cette pratique suicidaire pour
l’entreprise.
11 Traduction : eau et d’électricité de Madagascar. 12 Agence de Développement de l’Electricité Rurale
12
Le gouvernement a ainsi obtenu un appui de la Banque Mondiale grâce au projet Pagose13 tandis que la Jirama prévoit un plan d’affaires de 2016 à 2019 et vise le retour à l’équilibre opérationnel d’ici 2020 à travers différentes mesures : 1. Renouvellement de l’équipe dirigeante 2. Revue des contrats des fournisseurs 3. Réhabilitation des infrastructures de transport et planification des investissements 4. Sécurisation de la facturation 5. Réduction des vols de courants auprès des usagers (en effet, début 2017 une opération de détectage des vols a été effectuée et plus d’un millier de cas de vols d’électricité ont été rapportés) (Jirama, 2014).
3.2. Electrification rurale
Dans les pays industrialisés, un mécanisme de financement entre clientèle urbaine et rurale permet de
contrebalancer le surcoût de l’électrification des campagnes dû à la faible consommation et à la
dispersion des abonnés (Fondation Energie pour le Monde, 2007).
Un tel mécanisme n’est pas possible à Madagascar car la grande majorité de la population habite en
milieu rural. Selon les statistiques du MEH14 de 2014, 78% de la population malgache se trouve en
milieu rural et 22% en milieu urbain. Seulement 4,75% des ménages en milieu rural bénéficie d’un
accès à l’électricité contre 51% des ménages en milieu urbain.
Ainsi, une grande partie de la population se trouve à une distance éloignée d’un réseau de distribution ou d’une station électrique. Le réseau de distribution malgache se limite à huit grandes villes. La capitale Antananarivo détient le
plus gros poids démographique. Ensuite, arrive la ville de Tamatave suivie par Antsirabe, Fianarantsoa,
Mahajanga, Tuléar, Diego Suarez, Fort Dauphin et Morondava. Face à cette répartition inégale de la
population, la Jirama ne parvient pas à apporter une abordabilité ainsi qu’une sécurité des services
électriques fiables.
Bien entendu, des efforts ont déjà été entrepris sur la construction de mini-réseaux (144 réseaux ont été construits, dont 104 sont encore fonctionnels). Cependant, tout cela reste encore insuffisant (MEH,2014). Compte tenu du coût élevé de l’électricité mais également des différentes pertes techniques et du
faible nombre d’abonnés, la Jirama, qui tente déjà de garder la tête hors de l’eau, ne peut s’intéresser
grandement au monde rural.
Afin d’assurer un service de l’électricité en milieu rural cohérent, il est donc indispensable de
développer une multitude de réseaux décentralisés autonomes.
3.3. Transition vers le renouvelable
Madagascar dispose d’importants potentiels en matière de ressources énergétiques renouvelables en fonction des régions qui restent peu valorisées : Tout d’abord, les ressources solaires et éoliennes se voient exploitées de manière marginale par des villageois mais pourraient être davantage valorisées. En effet, la ressource éolienne dans le Sud et dans le Nord du pays atteint une vitesse de vent supérieure à 7m/s. La ressource solaire est, quant à elle,
13 Projet d’Amélioration de la Gouvernance et des Opérations dans le Secteur de l’Electricité 14 Ministère des Energies et des Hydrocarbures
13
de 2 000 kWh/m² avec un ensoleillement de 2.800 heures/an favorable pour la cuisson et le chauffage de l’eau (WWF,2012). Ensuite, le potentiel exploitable de biomasse du pays est difficile à établir. Cependant, un grand nombre de cabosses de noix de coco, de bagasses de cannes à sucre, de déchets forestiers ou encore de balles de riz peut être transformé en charbon végétal sur base de campagnes de formation et d’intégration dans les pratiques culturelles malgaches. De plus, l’existence de terrains de cultures exploitables est de 16 millions d’hectares. 1/16 de ces terrains pourrait suffire pour la production d’agrocarburant. Enfin, le potentiel théorique hydroélectrique du pays a été estimé à environ 7 800MW par une mission cadrage de 2015 du MEH alors que seulement 127 MW sont actuellement valorisés. Grâce à son climat et son relief, Madagascar possède un potentiel hydrique réparti de façon hétérogène.
Figure 6: Localisation géographique des principales chutes hydroélectriques potentielles (Andriamampianina, 2013).
14
Ce potentiel est loin d’être épuisé. Il est donc urgent de mettre en œuvre une politique adaptée afin d’optimaliser la gestion de l’eau en vue de son utilisation rationnelle. Les eaux de surface occupent environ 2 000 km² de la surface nationale. Les eaux de pluie constituent la source primaire de cette eau douce. Pour toutes ces raisons, on peut dire que le secteur hydroélectrique est prometteur. L’offre excède largement la demande. L’électrification rurale demeure un vaste chantier. Avec le désengagement de l’Etat, une part prépondérante est offerte aux initiatives privées et aux collectivités publiques pour gérer au mieux la concession du service public de l’électricité, ce qui ramène à l’échelle locale, communale ou régionale la gestion des infrastructures. Bien entendu, ce chiffre doit être pris avec une certaine prudence, au regard des évolutions potentielles de la géologie dues à l’érosion, et des changements d’hydrométrie provoqués par la déforestation et le changement climatique (MEH, 2014). Cependant, il montre qu’un grand manque à gagner se situe dans le domaine hydroélectrique.
Plusieurs politiques par le passé ont tenté d’améliorer le secteur énergie (MEH, 2015). Tout d’abord, le projet « ENERGIE I » a été mis en œuvre afin de réduire les impacts environnementaux relatifs à l’utilisation du bois. Cela a eu comme conséquence un accroissement du nombre d’abonnés résidentiels dans la capitale. Ensuite, le projet « ENERGIE II » a été négocié en vue de la réhabilitation et de la construction des centrales hydroélectriques. Cependant, les prix de l’électricité se sont vu augmenter ce qui a amené la réforme du secteur électrique. Enfin, c’est le projet « ENERGIE III » qui a été lancé. Ce programme ambitieux visait à fournir en électricité 80% de la population. Pour ce faire, les concessionnaires des centrales existantes ont dû investir dans de nouvelles installations. Le contrat de concession n’obligeait pas pour autant les opérateurs à garder leur prix d’électricité très bas car, à long terme, l’activité devait être viable par le système de recouvrement des coûts. S’en est suivie en 2004 la Politique Nationale des Mines et des Hydrocarbures qui avait pour but de renforcer le rôle de surveillance des prix à la pompe. Afin de valoriser ces potentiels et de mobiliser des financements, la Jirama a effectué un plan de perspective 2020 : Tableau 1: Transition 2020 vers un régime plus renouvelable du secteur de l'énergie à Madagascar (Rabarivelo, 2010).
15
Bien entendu, nous pouvons observer une légère différence par rapport aux statistiques de l’année 2012 citée plus haut. Cependant, cet objectif 2020 visant à couvrir la moitié de la demande en énergie renouvelable se doit d’être analysé. En effet, le Ministère de l’Energie ne considère pas uniquement le charbon végétal comme étant un combustible renouvelable. Les bois des plantations gérées font également partie intégrante de ce chiffre contrairement aux bois issus des forêts naturelles. De plus, il a été supposé, dans ces calculs, que la répartition de la demande totale d’énergie sur les secteurs sera approximativement constante, or, on estime que la demande en énergie aura doublé d’ici 2020. Notons également que l’électricité ne représente que 4 à 6 % du total des énergies demandées dans le Bilan, même vers 2020. Malheureusement, les cibles de ces mesures politiques n’ont jamais été approchées pour des raisons de manque de fonds, manque de coordination des secteurs impliqués et d’inexistence de cadre juridique clair pour leur mise en application. L’inexistence de politique spécifique sur la principale énergie utilisée, la biomasse forestière et agricole, constitue une lacune importante à l’amélioration de la gestion de la filière (MEH, 2015). Enfin, Madagascar se situe dans une zone où de nombreuses découvertes de réserves pétrolières ont
été faites ces dernières années. D’importants gisements d’hydrocarbures sont en voie d’exploitation à
l’Ouest de la Grande Ile. L’United States Geological Surveys estime qu’en moyenne, les ressources
techniquement récupérables non découvertes dans ces bassins sont de l’ordre de 10,8 milliards de
barils de pétrole et 5 milliards de barils de liquides de gaz naturel. Sachant que le volume de gasoil
consommé par Madagascar est estimé à environ 730 000 m³ pour l’année 2020 et à 1 million de m³
pour l’année 2050, de telles réserves pourraient permettre au pays de vivre sur ses réserves durant
plus d’un million d’années.
Ce potentiel permettrait à Madagascar de limiter voire même mettre un terme à son importation de
ressources fossiles car le pays importe la totalité des produits pétroliers dont il a besoin. Mais, cela
favoriserait également à contribuer à une opportunité de développement économique autonome
même si ces pratiques ne correspondent en aucun cas à une stratégie énergétique inclusive et durable.
C’est une réalité, le système économique malgache ne génère pas assez de financements pour l’exploitation et l’utilisation rationnelles du potentiel des ressources énergétiques renouvelables (hydraulique, solaire, éolien…). Il se voit donc fortement dépendre d’organismes extérieurs ce qui contraint son autonomie. De ce fait, les ressources naturelles du pays se voient être aux mains de concessions étrangères qui, face au relais de la croissance de l’économie mondiale, ne délaisseront pas facilement leur mainmise sur de tels gisements de richesses. 4. Cadre institutionnel
L’accélération de la dégradation des ressources naturelles est en partie due à des échecs de planifications centralisées. Une gestion raisonnée de l’exploitation des ressources est essentielle à la préservation du pays (Bidou J-E, Droy I, Fauroux E,2008). Selon le code de l’eau créé en 1999 à Madagascar, l’eau est caractérisée par de multiples facettes. Se présentant sous différentes formes (eaux de surface, eaux souterraines), l'eau est indispensable à toute activité humaine, et si elle est mal gérée, elle réduit de façon vitale le potentiel utilisable et indispensable à la survie de l’espèce non seulement humaine mais aussi animale et végétale. L’eau nécessite ainsi une politique de conservation, d'amélioration, d'utilisation durable, de protection et de gestion rationnelle, liée à la nature de ses ressources.
16
Comme l’électrification rurale n’est pas rentable à Madagascar, des apports financiers extérieurs sont nécessaires. Elle ne peut donc se concevoir qu’avec l’accord de différentes institutions nationales (Fondation Energie pour le Monde, 2007) : Le cadre institutionnel du secteur de l'énergie à Madagascar est caractérisé par sa multi-sectorialité. En effet, un grand nombre de ministères interagissent avec la société civile, le secteur privé, les ONG et les entités de coopération régionale et sous-régionale. Le Ministère de l’Energie et des Hydrocarbures est l’organe central de développement et de mise en œuvre de la politique du secteur énergie avec comme assistance administrative l’ORE et l’ADER.
• L’Office de Régulation de l’Electricité (ORE) est un organe technique, consultatif, et exécutif, spécialisé dans le secteur Electricité chargé de : - déterminer et publier les prix réglementés d’électricité, - surveiller le respect des normes de qualité du service électrique, - contrôler et faire respecter les principes de la concurrence
• L’Agence de Développement de l’Electrification Rurale (ADER), a pour mission d’accroitre le taux d’accès à l’électricité dans les zones rurales et périurbaines sans capacité électrique, ou avec une installation de capacité inférieure à 250 kW. Pour mener à bien cette mission, l’ADER gère le Fonds National de l’Electricité(FNE) alimenté par une redevance sur les consommations d'électricité des abonnés, des transferts directs de l'Etat, et un appui des bailleurs de fonds. Le FNE subventionne l’ADER afin qu’elle cofinance de nouveaux projets d’électrification.
Selon le Décret MECIE15 , tout projet d’investissements publics ou privés doit faire l’objet d’une étude d’impacts. Ces études d'impact prennent la forme soit d'une étude d'impact environnemental (EIE), soit d’un Programme d’Engagement Environnemental (PREE). L’Organisme National de l’Electricité est le seul organisme habilité à établir ou à valider un "screening" sur la base du descriptif succinct du projet et de son milieu d’implantation (MECIE, 2004). Malheureusement, le cadre réglementaire et institutionnel malgache comporte des lacunes. De ce fait, par manque de cohérence dans leurs textes de lois, ils ne peuvent appréhender pleinement l’évolution. Ces défaillances impactent la large palette que touchent les plans d’action pour l’eau et l’assainissement adoptés par le Conseil de gouvernement le 3 mai 1995 ainsi que le plan national d’action pour le redressement social. 5. Cadre environnemental
Les aménagements hydroélectriques interagissent avec leur environnement humain et naturel, comme toutes les infrastructures créées par l’homme. Les impacts peuvent donc être négatifs ou positifs de manière forte ou faible.
Le régime hydrique se voit dépendre des précipitations. Cependant, l’homme a amorcé un dérèglement climatique influençant actuellement le cycle de l’eau. La dégradation des ressources hydroélectriques se voit liée à la pollution, la déforestation, la mauvaise gestion de l’espace naturel et aux aléas climatiques. En effet, les émissions de CO² mondiales retardent l’arrivée des saisons des pluies de plusieurs mois jusqu’à diminuer les moyennes de précipitations annuelles. De plus, l’évapotranspiration des végétaux ou encore leur capacité à stocker l’eau et réguler ses flux dans les cours d’eau se voit changer à cause de la déforestation. Si la surface forestière des vallées en aval d’une centrale hydraulique se voit rasée, c’est tout un système de rétention d’eau qui se voit supprimé. Ces facteurs constituent alors un blocage à l’expansion des centrales hydroélectriques. Les infrastructures subissent, par exemple, de lourdes pertes pendant les saisons cycloniques : rupture de poteaux, de pylônes et écroulement de barrages sont autant de dégâts qui occasionnent des coupures
15 Mise en Comptabilité des Investissements avec l’Environnement.
17
d’électricité. Ainsi, le changement climatique joue un rôle dans l’ensemble des enjeux environnementaux. Afin de lutter contre ce réchauffement, Madagascar doit tout d’abord mettre un terme à la déforestation de sa forêt primaire et travailler à la restauration des écosystèmes forestiers. Cependant, le gouvernement de Madagascar n’a, pour le moment, pas abordé le problème avec les méthodes adéquates. Il est indispensable d’intégrer les communautés locales dans la politique de gestion durable de l'environnement afin de fournir de nouvelles incitations pour des pratiques agricoles durables (Klein, 2002). Le problème se situe au niveau de la plupart des agriculteurs pauvres ne possédant pas la terre qu'ils cultivent. Ils ne se soucient donc pas beaucoup de l’avenir de leur agriculture. A l’inverse, devenir propriétaire de leurs terres, les inciterait à les préserver davantage contre tout appauvrissement. Il se voit donc fortement dépendre d’organismes extérieurs ce qui contraint son autonomie. Ensuite, pour lutter contre la mauvaise gestion de l’espace naturel malgache, la Politique Nationale de l’Environnement a défini en 1990 un cadre général et son application dans la Charte de l’Environnement Malagasy. En son article 2, elle définit l’Environnement comme étant l’ensemble des milieux naturels et artificiels, y compris les milieux humains et les facteurs sociaux et culturels qui intéressent le développement national. Elle édicte également, dans son article 10, que les projets d’investissements publics ou privés, qu’ils soient soumis ou non à l’autorisation ou à l’approbation d’une autorité administrative, susceptibles de porter atteinte à l’Environnement doivent faire l’objet d’une étude d’impact, compte tenu de la nature technique et de l’ampleur desdits projets ainsi que de la sensibilité du milieu d’implantation. Cet article de la CEM16 a été repris et détaillé par un cadre règlementaire constitué de règles et de procédures de gestions des ressources établi par le Décret MECIE17 de 1999. Cette directive impose un processus à suivre afin d’établir une évaluation environnementale. Avant tout projet de centrale hydroélectrique, son promoteur doit soumettre à l’ONE « une fiche de tri préliminaire » qui rassemble les informations générales sur le projet et les promoteurs. Cette fiche permet d’évaluer si le projet doit ou non faire l’objet d’une étude d’impact environnemental poussée ou d’une PREE18. Si l’ONE le décide, et notamment si le projet est situé en « zone sensible », le projet d’implantation a besoin de réaliser une étude d’impact adressée à l’ONE19 pour prendre en compte les préoccupations environnementales à toutes les phases de la réalisation d’un projet. Les projets de plus de 150kW sont voués à être connectés avec la Jirama tandis que ceux de moins de 150kW devront suivre les démarches de validation d’une EIE par l’ONE et l’ADER. L’EIE20 sert à prévoir et à déterminer les conséquences écologiques et sociales, positives et négatives, d’un projet. Ce dossier doit faire ressortir des mesures scientifiques, techniques, socio-économiques ainsi que souligner le matériel envisagé pour supprimer, réduire et éventuellement compenser les conséquences dommageables de l’investissement sur l’environnement. Une fois que l’avis de recevabilité a été émis par l’ONE, une évaluation environnementale et technique par le CTE21 est effectuée ainsi qu’une évaluation sur le lieu d’implantation par le public, les autorités locales et le promoteur. Une fois ces démarches réalisées, un permis environnemental (en cas de projet) ou un certificat de conformité (en cas d’entreprise en activité) peut être remis par l’ONE. Par la suite, un suivi par cahier de charges environnementales conduit par l’ONE sera effectué.
16 Charte de l’Environnement Malagasy 17 Mise En Compatibilité des Investissements avec l’Environnement. 18 Programme d’Engagement Environnemental 19 Organisme National de l’Electricité 20 Etude d’Impacts Environnementaux 21 Comité Technique d’Evaluation
18
Afin de garantir la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les cours d’eau, un débit minimal restant dans le lit naturel de la rivière entre la prise d’eau et la restitution des eaux en aval de la centrale a été fixé en France en 1984. Ce Débit de restitution également appelé Débit réservé s’est ensuite établi en Europe puis dans un nombre croissant d’autres pays. Madagascar ne détient encore aucune règlementation concernant ce débit réservé. Cependant, l’EIE demande d’en établir une de +-5%. Dès lors, un système de suivi et d’évaluation peut aider à répondre aux exigences de flexibilité et de responsabilité continue tout en pouvant fournir des informations sur l'efficacité et la durabilité du programme si seulement si ce système s’avère fonctionner de manière rationnelle. Face à cela, sachant que la recherche d’équilibre entre la protection de la nature et les droits de l’homme n’est pas une science figée, des améliorations de fond mais également d’application de la loi malgache se doivent d’être appliquées. De plus, une réhabilitation de l’organisme ONE ne serait pas de trop sachant qu’aucune certitude ne nous amène à penser que l’organisme cautionne certains projets miniers en échange d’un fameux bakchich, pratique assez répandue à Madagascar vu son taux d’IPC.
6. Cadre socio-économique
Selon la Banque Mondiale, la première utilisation de l’électricité en région rurale des pays en voie de
développement est l’éclairage. La nuit tombe généralement assez tôt à Madagascar, aux alentours de
17h30. L’éclairage ainsi que la télévision représentent à eux deux plus de 80% de la consommation
électrique (MEH, 2015). Cette consommation d’électricité pour l’éclairage se traduit par la possibilité
qu’ont les familles à étendre leur plage horaire d’activités ce qui favorise plusieurs tâches. Tout
d’abord, la scolarité des enfants, leur permettant de bénéficier de plus de temps pour étudier. Ensuite,
l’éclairage réduit le temps entre la préparation du repas et l’heure à laquelle il est consommé. Ainsi,
plus besoin de le préparer lorsque qu’il fait jour pour ensuite devoir le réchauffer. Ceci étant, une
diminution du combustible et donc du temps d’approvisionnement se voit également observée
(Barnes & Cabraal, 2005).
Bien entendu, tout dépend de l’utilisation qu’en font les populations. Ainsi, l’utilisation de l’électricité
se voit différer en fonction des classes. En effet, la classe moyenne est plus en mesure de payer des
frais d’électricité que la classe inférieure. L’enjeu économique se transforme donc en enjeu socio-
culturel car chaque famille détient des priorités différentes dépendant par exemple de leur pratique
génératrice de revenus (paysans, éleveurs, commerçant, fonctionnaire...).
Sachant que les formes d’interactions entre technologie et société ne sont pas prévisibles, le
développement économique peut être favorisé grâce à la prise en compte de plusieurs paramètres
tels que la santé, l’éducation ou encore le genre. Ces paramètres jouent le rôle d’impacts socio-
économiques (Kanagawa, M. & T. Nakata, 2005).
6.1. La Santé
La santé impacte le développement économique lorsqu’une maladie fait subir des pertes de membres actifs de la famille. Elle peut engendrer des diminutions de la productivité agricole pouvant toucher les revenus familiaux. L’exemple le plus représentatif à Madagascar est la lampe à pétrole. Trois quarts de la population utilise des lampes à pétrole pour s’éclairer la nuit (MEH, 2015). L’inhalation des polluants de l’air émis par les lampes mais également par la combustion du charbon dans les foyers traditionnels
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malgaches engendre des problèmes oculaires et pulmonaires si une mauvaise ventilation des habitations se voit observée. Dès lors, l’accès à l’eau potable, aux moyens de communication ainsi que l’implantation de centres de santé s’avèrent donc primordiaux à la stabilité économique rurale.
6.2. L’Education
L’accès à l’électricité lié à l’éducation permet également de favoriser le secteur économique. En effet, l’éclairage à ampoule permet aux enfants d’approfondir davantage leurs travaux en soirée. Une étude effectuée au Vietnam a montré que les enfants qui ont bénéficié de l’électricité à la maison devancent de deux années les enfants qui n’y ont pas eu accès (Cabraal, 2005).
6.3. Le Genre
Les femmes ou les hommes ne sont pas affectés de la même manière par l’accès à l’électricité. En effet, la femme s’avère beaucoup moins investie dans le secteur économique que l’homme. Cependant, de par les tâches ménagères de routine qu’elle effectue (cuisine, approvisionnement du bois et de l’eau, soins des enfants, entretien de la maison, travail de la terre…), c’est pourtant elle qui est la première concernée par l’accès à l’électricité domestique. De plus, les femmes produisent la moitié de la nourriture mais ne perçoivent que 10 % des revenus et 1% des titres de propriété (UNICEF, 2007). Cette pauvreté est liée à un accès et un contrôle insuffisant aux ressources et aux différentes formes de capital (humain, physique, financier, ...). Leur pauvreté est conditionnée par la personne qui décide de leur allouer cette énergie à savoir leur mari.
Que ce soit dans la sphère domestique ou encore pour une question d’agriculture, de santé ou de démographie, l’implication de la femme dans le consensus et le développement a depuis longtemps été sous-évaluée (Lippinois, 2016). C'est un fait, longtemps, la femme n'a pas eu le droit de s'exprimer à la mesure de ses responsabilités. « Aujourd'hui, c'est une certitude, le manque d'attention apportée à la demande de ces femmes est en partie responsable des échecs parfois rencontrés dans la mise en œuvre des projets de développement. L'implication des femmes en tant qu'actrices à part entière est désormais une condition d'efficacité des efforts consentis en matière de développement » (AFD, 2002). Pour les réduire, « il faut comprendre le mécanisme des rapports de genre, c'est-à-dire en quoi les rapports de genre sont structurants au niveau d'une société et de son développement, sans se focaliser exclusivement sur la femme » (CIT, 2014-2017). « En exploitant au mieux les talents, on peut s'assurer que les femmes et les hommes aient les mêmes chances d'apporter leur pierre à l'édifice, aussi bien dans la sphère familiale qu'au travail, ce qui engendrera le bien-être de la société » (OCDE, 2012). Le manque d'accès aux soins, à l'éducation et au marché du travail sont les trois principaux domaines de discrimination de la femme (AFD, 2002).
• L'accès aux soins de santé sexuelle et reproductive se voit tout d'abord affecté. La vulnérabilité face à certaines maladies ou sur le plan nutritionnel fait également partie des principales causes de discrimination.
• Si l'école n'est pas située dans le village, les mères gardent plus facilement les jeunes filles que les garçons à la maison pour qu'elles n'échappent pas au contrôle parental mais également pour les aider aux tâches ménagères. Cela induit des difficultés d’accéder aux connaissances en vue d’acquérir les aptitudes voulues pour bien suivre l’évolution de la technologie du marché du travail et pour s’y adapter (AFD, 2002). Si elles accèdent à la scolarité, les jeunes filles peuvent être confrontées à des obstacles particuliers : les mariages précoces, les conditions de sécurité ainsi que les violences sexuelles qui ont pour conséquences l'échec et l'abandon scolaire.
• Les facteurs sociaux, institutionnels, culturels, sont autant d'obstacles à l'entrée des femmes sur le marché du travail. Elles occupent les secteurs les moins valorisés et retirent
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une part généralement faible des produits et revenus issus de leur contribution à l'activité économique. Elles s'impliquent davantage dans les activités non comptabilisées dans l'économie nationale comme le travail domestique, l’éducation des enfants, le soin aux personnes dépendantes et l'approvisionnement en bois et en eau (AFD, 2002).
Ces trois domaines et plus particulièrement l'éducation s'avèrent être un levier clé pour le développement à des niveaux divers. L’éducation favorise leur participation au marché du travail, leur autonomisation et leur conscience du droit à disposer de leur corps, notamment sur l'âge du mariage et des premières grossesses ou sur le nombre d'enfants souhaités. L’éducation agit également de manière indirecte sur le bien-être et le capital humain des enfants dont elles s'occupent. Par ce biais, l’éducation des filles est vue comme un facteur essentiel dans la réalisation d'un possible dividende démographique, participant à la fois à la diminution des taux de fécondité et à l'amélioration du capital humain de la population active (AFD, 2002). A l’inverse, l’électricité peut également renforcer les inégalités hommes/ femmes. Par exemple, une petite quantité d'électricité à la maison le soir peut améliorer la qualité de vie de certains membres de la famille, leur permettant de lire ou de regarder la télévision, alors que pour les femmes, cela peut simplement prolonger le fardeau de la journée (Energypedia). Montrer que l’accès à l’électricité serait bénéfique à la production d’activités économiques est difficile à justifier. En effet, une fois l’électricité introduite, celle-ci peut remplacer les fours traditionnels alimentés au bois ou à un combustible vert à base de biomasse. Cela peut donc jouer un rôle dans la lutte contre la déforestation et l’appauvrissement des sols. L’introduction de machines dans le but de soulager et/ou d’accélérer le travail de l’homme peut également simplifier l’effort et augmenter le rendement. Tout comme les moyens de communication peuvent servir à maintenir au courant les populations sur les prix du marché (Cabraal, 2005). Cependant, l’électrification rurale n’est pas le seul paramètre qui favorisera le développement économique d’une zone. Un marché se doit également d’être créé afin que les activités perdurent et fructifient. Pablo del Rio (2006) a résumé les différents rôles que peut jouer l’électrification rurale d’un point de vue socio-économique dans l’accomplissement des objectifs du millénaire :
• Réduction de la pauvreté en créant des emplois grâce au transfert de technologies
• Promouvoir les ressources locales par la création d’activités durables et fiables.
• Diminuer l’exode rurale
• Assurer l’éducation primaire universelle afin de proposer de bonnes conditions de travail aux écoles et d’attirer les enseignants dans des zones rurales où le niveau de vie des habitants est confortable. De bonnes conditions d'éclairage sont nécessaires pour étudier les leçons du lendemain.
• Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes : le manque d'accès à l'électricité contribue à l'inégalité entre les sexes parce qu'elle libère les femmes des tâches domestiques.
• Réduire la mortalité infantile : problèmes respiratoires dus à la pollution de l'air dans les maisons causés par les combustibles traditionnels qui favorisent des maladies.
• Améliorer la santé maternelle : la pollution à l'intérieur de la maison, le manque d'électricité pour les centres de santé, l'éclairage pour les naissances nocturnes et la lourde charge physique de jour de la mémoire contribuent à la mauvaise santé maternelle.
• Combattre les maladies : l'électricité pour la communication par radio et la télévision peut aider à diffuser des informations utiles sur la santé publique.
• Assurer la durabilité de l'environnement : production d'énergie conventionnelle, distribution et consommation ont des effets négatifs sur l'environnement local, régional et mondial.
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L’égalité entre les sexes s'avère être un puissant facteur de développement durable, de croissance et de lutte contre la pauvreté (Lippinois,2016). L'approche au développement durable met l'accent sur le fait que le progrès n'est pas uniquement économique mais bien qualitatif. La répartition inégalitaire des revenus ainsi que la dégradation de l'environnement nous montrent bien les limites du système de développement actuel. Accoler l'adjectif « durable » au substantif « développement » fait que l'on donne un critère exogène au développement. Ainsi, le développement durable se doit de prendre en compte ce que le développement a oublié : la place du territoire et la dimension temporelle (Stassart, 2016). L’importance du programme de développement et des politiques gouvernementales du pays se voit fortement influencé par les impacts qu’aura l’accès à l’électricité.
7. Cadre sociologique
L’électrification rurale renouvelable se doit d’avoir pour but d’introduire un produit durable capable de s’insérer dans un équilibre sans le déstabiliser et cela en vue de développer un savoir pratique qui permettait de faire perdurer l’utilisation de ce produit (Lippinois, 2016). Ceci nous amène à introduire des approches sociales afin de pérenniser le projet d’introduction.
Madeleine Akrich montre la genèse simultanée du système technique considéré comme étant un objet
par rapport à son environnement, son contexte. Selon Akrich, quand un projet avance, il redéfinit le
marché. La trajectoire du projectile résulte du jeu combiné de l'énergie du mobile et de la résistance
du milieu dans lequel il est propulsé. L’innovation peut être très souvent arrêtée par la présence
d’obstacles de grande inertie comme la résistance au changement ou encore la force sociale. Elle peut
également poursuivre très loin sa route en bousculant ce qui se trouve sur son passage créant des
impacts tantôt positifs, tantôt négatifs.
L’utilisation de nouvelles techniques modifie l'environnement dans lequel celles-ci ont été introduites.
La puissance des techniques est en effet rarement montrée du doigt. Pour Ogburn, les objets
techniques sont essentiellement définis par ce qu’ils font, par leurs “fonctions”.
« Les causes de l’invention sont avant tout sociales. Le progrès scientifique est rarement à l’origine des
inventions. Il arrive même souvent que les inventions précèdent le développement des sciences qui
leur sont associées (la culture, la démographie, les aspirations des inventeurs, ...) ». L'évolution de ces
facteurs qui génère de nouveaux besoins varie en fonction d'un certain nombre d'indicateurs tels que
le prix ou encore les relais humains en lien avec l'objet. Une fois que les inventions sont diffusées, elles
deviennent elles-mêmes le moteur de changements sociaux. Ainsi, Ogburn considère que « les
automobiles ont causé le développement des motels » alors qu'il dénie le fait que « Denis Papin a
inventé la machine à vapeur ». Pour que l’automobile puisse accéder au rang de cause, il faut que
suffisamment d’individus aient choisi d’utiliser ce nouveau moyen de locomotion. Les besoins des
utilisateurs et l'utilisation qu'ils en feront de l'objet ne sont parfois pas nécessairement identifiés par
les inventeurs.
En effet, il n’existe aucune théorie capable de décrire ou rendre prévisibles les formes d’interaction
entre technologie et société. « Une innovation qui réussirait du premier coup à produire une machine
performante, c’est-à-dire qui réalise par son existence le monde dont elle est l'inscription, serait douée
de facultés divinatoires hors du commun. »
Comment dès lors pouvons-nous prendre les devants ?
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D’où les objets tirent-ils leur énergie cinétique ?
Selon Akrich, lorsqu’une innovation voit le jour sur le marché, celle-ci ne peut perdurer seulement si elle parvient à créer des liens inédits entre différents acteurs. Qu’ils soient humains ou non-humains, la fidélité de ces acteurs n’est jamais sans failles par rapport au scénario imaginé par l’innovateur. Pour y parvenir, il est important de construire, au travers de l’objet, différents dispositifs d’intérêts qui permettront à l’objet d’être en prise avec son environnement. « Le modèle de l'intéressement souligne l'existence de tout un faisceau de liens qui unissent l'objet à tous ceux qui le manipulent. » Le résultat d'une telle description est un diagramme sociotechnique qui combine deux genres que l'on a tendance à séparer :
• L’analyse technologique qui se limite à la description de l'objet ainsi que ses propriétés intrinsèques
• L’analyse sociologique de l'objet, c'est-à-dire des milieux dans lesquels il se déplace et sur lesquels il produit des effets.
Que le sort d'un projet dépende des alliances qu'il permet et des intérêts qu'il mobilise, explique pourquoi aucun critère, aucun algorithme ne permettent d'assurer a priori son succès. Or, les choix techniques effectués tout au long du processus d’innovation impliquent que l’on fasse un certain nombre d’hypothèses sur la nature et l’organisation de cet environnement. Ces hypothèses sont ensuite ajustées et/ou redéfinies lors de l’avancement du projet de départ. L’analyse sociotechnique aboutit à une description opératoire des objets techniques ou, autrement dit, permet de cerner les épreuves auxquelles l’innovation sera soumise durant son développement. Processus d'innovation : Tout d’abord, un script réaliste doit être proposé dans lequel les acteurs prévus (humains ou non humains) sont prêts à tenir les rôles prévus par le dispositif. Cette étape ainsi que toutes les autres se doit d’être établie en toute transparence afin que l’ensemble des rôles, droits et devoirs du collectif local, des futurs abonnés, des opérateurs et des institutions nationales chargées de l’électricité soient correctement expliqués et précisés à tous les protagonistes. Ensuite, un travail de formation des acteurs locaux est à effectuer. Une fois l’innovation introduite dans le réseau, on réélabore, par la négociation, un consensus sur la répartition des compétences entre les différents actants participants du couple objet-environnement. L’organisme chargé de suivre et d’accompagner le projet doit garder une relation de proximité et de confiance tout au long de la période d’introduction. Ce qui compte, c'est de composer avec les forces en présence, savoir lâcher certaines prérogatives qui, hier encore, étaient fondamentales en vue de formuler de nouvelles exigences pour tirer parti d'une situation imprévue. Ce consensus de mise à l'épreuve doit permettre de stabiliser le projet et de ne pas le rigidifier. Vient ensuite l’arrivée de souscriptions qui sont des sortes de conditions préalables inscrites dans le dispositif technique. Elles apparaissent uniquement lorsqu'un décalage se voit observé entre ce qui est supposé de l'environnement et ce qui s'en manifeste. Ce sont, en quelque sorte, toutes les accusations de discrimination qui installent une relation de cause à effet entre la conception du dispositif et l'exclusion de certains types d'utilisateurs. Ce concept très mobile met en relation des éléments et des acteurs très divers dont on ne peut mesurer le poids relatif qu'à posteriori. Les humains tout comme les éléments techniques peuvent s'avérer défectueux en situation de fonctionnement réel. La gestion des humains semble, cependant, poser davantage de problèmes que la gestion des acteurs non humains. En effet, la place des utilisateurs dans la technologie constitue une pièce maîtresse du dispositif de par la relative richesse des opérations qui leur incombent (achat, stockage, utilisation pour des tâches culinaires et domestiques). Ils modifient profondément les produits et les agencements dans lesquels ils interviennent en redéfinissant les performances des dispositifs et leurs propres compétences d'utilisateurs. Les utilisateurs jouent dans le processus d'innovation un rôle primordial :
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• Ils spécifient par rapport à leur propre environnement les qualités, au sens presque physique du terme, du produit.
• Ils développent un savoir pratique qui permet de routiniser l'utilisation du produit.
• Ils expérimentent la mise en place de réseaux qui permettront ultérieurement de diffuser et de commercialiser le produit.
Leur travail peut être décrit comme une série d’expériences qui visent à produire l'alignement entre
un objet et le contexte dans lequel il doit s’intégrer. De par leurs propres comportements, leurs
habitudes et leurs relations avec les autres, la position des utilisateurs tout comme celle de
l'innovateur, redéfinit l'environnement.
Considérant ceci, la différence de sexe des utilisateurs se voit jouer un rôle dans la stabilisation d'un produit avec son environnement (Lippinois, 2016). Le genre est un concept qui renvoie à la répartition des rôles et la nature des relations entre les femmes
et les hommes. Ces rôles ont historiquement, le plus souvent, été défavorables aux femmes et sont à
l'origine de nombreuses inégalités observées encore aujourd'hui.
L’importance de l’inclusion des femmes dans la croissance, l’agriculture, la santé, l’alimentation ou
encore la démographie est peu évoquée dans la planification du développement (Stamp, 1989). Cette
invisibilité d’incidences a pour origine l’inégalité de la femme dans le secteur de l’enseignement. (Berg
et Whitaker, 1986).
Le rôle des sexes constitue une variable clé dans la situation économique de tout pays (Tinsley, 1985).
En effet, la femme a généralement une force de travail double de celle de l'homme (AFD, 2002). Les
hommes emploient souvent les méthodes modernes pour les cultures à récoltes monnayables, tandis
que leurs épouses continuent à cultiver pour obtenir des récoltes vivrières selon les méthodes
traditionnelles. Il en résulte un déclin relatif de la productivité du travail des femmes, ce qui provoque
une régression de leur statut dans l’agriculture » (Boserup, 1970 : 56).
La modernisation des technologies au profit des hommes induirait des transformations dans la division
sexuelle des tâches productives.
De ces études descriptives a émergé l'idée que les politiques de développement ont un impact négatif
sur les conditions de vie de ces femmes et qu'elles constituent une ressource humaine sous-utilisée,
indispensable au développement économique (Cain, 1981).
Dans bien des cas, les projets et les programmes féminins marginalisent les intérêts des femmes au lieu de les intégrer aux grandes activités de développement. Ils maintiennent et reproduisent généralement la division existante des tâches entre les sexes et ne donnent pas aux femmes les aptitudes et les connaissances voulues pour bien suivre l'évolution de la technologie du marché du travail et s'y adapter. L'approche « projets » est nécessaire car ces derniers donnent aux femmes pauvres la possibilité d'exploiter des ressources, d'exercer un certain pouvoir et de prendre des décisions, occasion que beaucoup n'auraient pas autrement (OIT, 1985).
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8. Obstacles à l’électrification durable
Plusieurs obstacles peuvent expliquer la faiblesse du développement des énergies renouvelables à
Madagascar.
8.1. Financier
Le coût d’une centrale hydroélectrique est inabordable comparé à celui d’un groupe électrogène. La
situation économique du pays n’est pas favorable à une politique d’énergie renouvelable tournée vers
le monde rural. Les aides financières délivrées par le pays restent insuffisantes pour investir dans des
techniques à investissements initiaux élevés et à temps de retour conséquent. De plus, l’accès aux
crédits de grosses sommes se voyant difficile, il est encore plus aisé, voire impossible, aux populations
des couches sociales défavorisées d’avoir un accès facile à des subventions pour ce type de projet
(Gbossou, 2013). Seuls les recours aux partenariats extérieurs de coopération ou d’aide au
développement permettent de réunir les sommes nécessaires. Malheureusement, ces acteurs de
coopération s’avèrent encore trop peu nombreux à s’engager sur ces chantiers pour des raisons
d’affectation de fonds et de redevances (Fondation Energie pour le Monde, 2007).
8.2. Institutionnel
Tout d’abord, l’insuffisance du cadre réglementaire malgache ne favorise pas le développement de
l’hydroélectricité. En effet, certaines réglementations semblent inexistantes ou inadaptées comme par
exemple, la présence d’une loi sur le débit réservé, qui à aucun moment n’est prise en compte. Ensuite,
l’application de ces lois mais également des programmes et stratégies déployées semble
dysfonctionner car les objectifs sont rarement atteints.
8.3. Technologique
L’implantation d’une centrale en milieu rural requiert une maintenance qui implique la présence d’un
technicien à identifier, former et accompagner pendant plusieurs années (Fondation Energie pour le
Monde, 2007). Le faible niveau de formation des ressources humaines et donc des besoins réels des
personnes concernées peuvent causer des erreurs de dimensionnement.
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CHAPITRE 2 : ETUDE DU CAS D’AMBERIVERY
1. Méthodologie
Maintenant que le contexte théorique a pu être ratissé, ce nouveau chapitre cherche à établir une
analyse d’une centrale hydroélectrique pleinement plongée dans l’environnement éclairci
précédemment.
Ce chapitre établit une analyse de la centrale hydro-électrique 70 kW du site d’Antohakabe du cours
d’eau d’Amberivery en vue de desservir en électricité le village de Amberivery Mazava. Cette mise en
place du contexte présente le site et balaye la situation démographique, environnementale, éducative,
sanitaire et ethnique du village.
Afin d’optimiser la durabilité du projet, plusieurs interactions propres au site d’Anthakabe sont à prendre en compte. Cette partie consiste à identifier les enjeux entre chaque activité et les différentes composantes de l’environnement. L’identification s’est faite sur base des préoccupations majeures des différents segments du public mais également grâce à l’étude d’impacts environnementaux et sociaux sur la Nouvelle Aire Protégée de Bemanevika. La collecte de ces informations s’est établie sur plusieurs séjours passés en territoire Malgache, grâce
à un grand nombre de rencontres mais également durant des périodes de réflexion en Belgique sur la
problématique malgache. Un grand nombre de travaux, vérifiés et accumulés au fil du temps, m’ont
également permis, par leur lien direct ou indirect, d’émettre des conclusions concernant le cas d’étude
malgache.
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2. Présentation du site
Le site d’Antohakabe se trouve dans le Fokontany22 d’Amberivery, au Nord-Ouest de Madagascar dans la commune rurale de Beandrarezona, district de Bealanana, région Sofia. Ce site abrite désormais un barrage poids au fil de l’eau relié à une centrale hydroélectrique de 35kW vouée à être transformée en centrale de 70kW si la demande s’avère augmenter comme supposé. Ce projet est associé à un autre projet qui est la mise en place de la Nouvelle Aire Protégée de Bemanevika en vue de valoriser les ressources existantes dans cette partie Nord de la Haute Terre de Madagascar. L’installation de la pico centrale hydroélectrique est un projet tripartite entre le Projet MRPA23, la Fondation Tany Meva et The Peregrine Fund 24 partenaire principal de l’Aire Protégée de Bemanevika à laquelle le village appartient. L’installation de 70kW est vouée à alimenter les 213 familles du village d’Amberivery. Tableau 2: Caractéristique technico-économique du projet
Puissance 2 x 35kW
Bassin versant 66,97 km²
Hauteur de chute nette 18,18 m
Hauteur de chute brute 20,2 m
Débit d’équipement 0,56 m³/s
Longueur du réseau 2671 m
Energie produite année 1 37 591 kWh
Prix au kWh 400 Ar/kWh
La centrale d’Antahakabe est en fonctionnement depuis janvier 2017 et a été conçue pour un horizon de 30 ans pouvant fonctionner 12 mois sur 12. La chute Antohakabe se trouve à 20 km de Bealanana en aval du pont, à l’entrée du village et n’est accessible qu’en saison sèche. Les coordonnées GPS du site sont : Latitude : 14°29'0.05"S Longitude : 48°37'35.63"E La centrale se localise dans le site d’Antohakabe, sur la rivière d’Amberivery.
22 Subdivision administrative malgache qui se veut proche du peuple présente dans chaque quartier, hameaux, village ou secteur résultant de la décentralisation du pouvoir central. 23Le Managed Resources Protected Areas est un projet du Ministère de l’Environnement et des Forêts mis en oeuvre par l’Unité de Coordination des Projets Environnementaux de Madagascar. 24(TPF) organisation à but non lucratif de conservation des oiseaux de proie menacés. 75% des oiseaux à Bemanevika sont rares et menacés.
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Figure 7: Localisation de la zone d'étude (AIDER, 2016).
2.1. Situation environnementale
2.1.1. Climat La région est soumise à un climat tropical d’altitude caractérisé par la présence de deux saisons contrastées : une saison chaude et humide qui s’étend du mois de novembre au mois de mars et une saison sèche d’avril à octobre. De par sa situation géographique, son orographie et l’importance de couverture forestière dans son bassin, cette zone dispose d’un microclimat subhumide. La pluviométrie annuelle peut atteindre les 2500 mm voire plus sur la bordure Nord du bassin, sur les pentes de Tsaratanana alors que dans les agglomérations environnantes de la cuvette de l’Ankaizina, la précipitation annuelle n’est plus que de 1200 à 1500 mm.
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Les températures de la zone étudiée s’avèrent, quant à elles, nettement plus fraîches que dans la cuvette d’Ankaizina. En effet, la température moyenne annuelle de l’air atteint 17°C. Le site de campement de Bemanevika dispose de thermomètres et de pluviomètres qui sont relevés de façon continue. Ce sont les seules informations disponibles permettant de caractériser la température et la précipitation dans la zone d’études. Les données climatologiques relevées au site de campement de Bemanevika s’étendent de 2010 à 2015.
Figure 8: Température de l'air relevée à Bemanevika (AIDER, 2016).
Figure 9:Pluviométrie mensuelle relevée à Bemanevika (AIDER, 2016).
Malgré les périodes de sécheresse, ce bilan reflète l’importance du stockage d’eau dans les lacs et marais mais également la réalimentation de la nappe tout comme la ré-humidification des sols.
2.1.2. Géologie
Figure 10: Cartographie d'Anthohakabe d'après la carte géologique du service géologique d'Ampandrianomby – Antananarivo (AIDER, 2016).
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La centrale se situe sur les formations volcaniques nommées basaltiques. Le basalte forme des blocs éparpillés sur le lit de la rivière. Le barrage sera donc construit sur une fondation rocheuse d’assise assez stable.
2.1.3. Risques sismiques Les séismes dans la zone étudiée sont dans la gamme des microséismes. Les magnitudes varient de 3 à 5. Sur l’échelle de Richter, les effets de ces séismes sont souvent ressentis mais causent rarement des dommages. On en observe aussi une magnitude supérieure à 5 à l’Ouest et à l’Est de la zone étudiée. Cette magnitude correspond sur l’échelle de Richter à : Modéré à important. Ces séismes pourront possiblement engendrer de petits dommages de génie civil.
2.1.4. Hydrologie L’Aire Protégée de Bemanevika se trouve sur les contreforts Sud du massif de Tsaratanana. Elle se distingue par sa potentialité en zones humides constituées de quatre lacs, de marais et de marécages. Ces lacs de grandes profondeurs sont de véritables réserves d’eau permanente. La NAP Bemanevika constitue un important réservoir d’eau pour les bassins versants avoisinants et alimente les cours d’eau de la région comme la rivière d’Amberivery. Le bassin versant de la rivière Amberivery est un bassin d’altitude couvant une superficie de 66 km² variant de 1125 m à 1668 m. Il se situe sur un plateau entaillé de vallées en dessous des contreforts de la partie Sud du massif de Tsaratanana. Ce bassin présente un relief montagneux suite à des activités volcaniques du début du tertiaire. La rivière d’Amberivery se caractérise, quant à elle, par la présence de nombreux rapides, source potentielle d’énergie hydroélectrique. Les sources se trouvent essentiellement dans les restes de forêts existantes. En matière d’évènements exceptionnels, la population se souvient de trois perturbations principales qui ont engendré des crues rares : ‐ Cyclone Tropical Très Intense Gafilo, en Mars 2004 ‐ Cyclone Tropical Danae, vers la fin du mois de Janvier 2006 ‐ Cyclone Tropical Intense Indlala, en Mars 2007 Ces trois perturbations tropicales étaient rentrées par le Nord Est de l’Océan Indien. Elles ont occasionné des crues exceptionnelles au niveau de la rivière d’Amberivery. De plus, la Direction Météorologique de Madagascar a mentionné qu’au cours de ces 100 dernières années, les séquences sèches s’allongent. Ces séquences sèches se sont également vu constater par la population du village d’Amberivery entre 2009 et 2014. Dès lors, les précipitations se concentrent sur une période relativement courte, d’où l’augmentation de leur intensité durant la saison pluvieuse.
2.1.5. Couvert végétal
D’après la classification de Humbert (1964-1965), la végétation de la région est de type dense humide. Le bassin est recouvert de forêts tropicales avec des savanes herbeuses légèrement boisées et des prairies à galeries forestières le long des cours d’eau. En matière de biodiversité, la NAP recèle 180 variétés de plantes dont 60% sont endémiques de Madagascar. Cet habitat accueille des espèces endémiques phares tels que le fuligule de Madagascar (Aythya innotata), le busard de Madagascar (Circus macrosceles), le caméléon (Calumma hafahafa) et le batracien (Scaphiophryne boribory). Cependant, la couverture forestière est tellement fragmentée que les différents blocs forestiers sont entourés de savanes herbeuses. Les feux de renouvellement de pâturages constituent une menace et une pression majeure sur la zone de Bemanevika. En effet, la recherche de nouvelles herbes pour les
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troupeaux conduit les éleveurs à brûler les savanes selon des pratiques ancestrales menaçant la préservation des richesses écologiques de la zone. Malheureusement, le gouvernement ne veille pas assez à ce que la loi soit appliquée et ces pratiques se voient non réprimandées et donc régulières. Cette exploitation non contrôlée des réserves de bois existants dans la NAP se voit éloigner toujours plus les ressources forestières du village d’Amberivery.
2.2. Situation démographique
La population de la Commune de Beandrarezona a été estimée approximativement à 16 695 habitants en 2010. La dimension moyenne des familles est de 6 personnes par ménage (données prélevées lors de la collecte d’information auprès de 40 ménages) et le taux d’accroissement naturel est relativement faible de l’ordre de 1,25%. Le nombre de la population dans la Commune est indiqué dans le tableau ci-dessous.
Figure 11: Vue sur le village d'Amberivery(AIDER, 2016).
Tableau 3: Nombre de la population de la Commune de Beandrarezona, décembre 2009 (AIDER, 2016).
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Sur l’ensemble de la Commune, la population totale équivaut à 16 695 habitants dont 8 944 (54%) ont moins de 18ans. La population active est de 40%. Cependant, la majorité des naissances et la totalité de la mortalité ne sont jamais enregistrées au niveau de l’état civil. La projection à partir du taux de croissance est donc probablement faussée par ce registre non complet. La catégorie de 18 à 59 ans est la première particularité de ce tableau. En effet, les communes malgaches catégorisent de la sorte car le nombre des 18-59 s’approche généralement de la catégorie des 6 à 17 ans malgré le plus grand intervalle de temps entre les deux âges. Une autre particularité de cette population est aussi la dominance de femmes en effectif. Cette tendance se rapproche du chiffre au niveau national. Il est donc incontournable de promouvoir l’intégration de la femme dans tous les secteurs d’activités du développement et de planifier des projets ou programmes de promotion du genre au niveau de la Commune et de la Région, ce que nous soulignerons plus tard.
2.3. Situation éducative
Le village d’Amberivery bénéficie de deux établissements scolaires, l’un consacré au préscolaire et l’autre à l’école primaire. Ces écoles rassemblaient en 2007, selon un recensement du Peregrine Fund, un total de 329 élèves répartis dans 12 classes. Les problèmes suivants ont été communément rencontrés dans cette Commune :
• Surnombre d’élèves ce qui entraîne une classe mi-temps,
• Trois instituteurs sur six sont des privés,
• Carence en nombre d’instituteurs (en moyenne plus de 40 élèves pour un instituteur),
• Rupture intermittente des enseignants au sein des écoles primaires pour causes diverses,
• Eloignement de l'emplacement des écoles : en moyenne 5 km pour les villages aux alentours du Fokontany,
• Vétusté des bâtiments scolaires, insuffisance de matériel didactique et mobilier scolaire,
• Problème de payement de salaires des instituteurs et des enseignants suppléants, c’est-à-dire ceux qui sont à la charge des parents d'élèves ou Fikambanan’ny Ray Aman-drenin’ny Mpianatra (FRAM25).
Malgré les différents problèmes subsistant au niveau de l'enseignement pour cette Commune, de nombreux efforts sont déployés par les parents et enseignants bien que le domaine de l'éducation des adultes dans la commune soit faible. En effet, 40% des adultes notamment de sexe féminin sont analphabètes ou atteints d’illettrisme.
2.4. Situation sanitaire
La Commune Rurale de Beandrarezona avec ses 12 Fokontany et 16.695 habitants ne dispose que d’un Centre de Base niveau II26 occupé par un seul médecin d’Etat de sexe féminin.
25 Les maîtres FRAM sont des professeurs locaux recrutés et payés par l’association des parents d’élèves afin de prendre en charge l’enseignement de leurs enfants. 26 Centre de santé qui prodigue des soins relatifs essentiels à l’accouchement et des soins de santé de base assurées par un médecin. Ces établissements se trouvent au niveau de chaque Fokontany dans les grandes agglomérations.
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Tout d’abord, l’accessibilité et la disponibilité du centre de santé s’avère être le plus gros inconvénient de ce centre. En effet, en cas de maladie grave, la population est obligée de transporter les malades en brancards équipés de chaise ou de matelas. De plus, il n’est pas rare de faire face à une fermeture du centre pour cause de formations, de réunion entre districts ou d’autres raisons personnelles. Ensuite, l’eau potable, la malnutrition et les maladies sexuellement transmissibles sont les problèmes les plus régulièrement rencontrés dans la localité. En effet, de nombreuses bornes fontaines ne sont plus fonctionnelles pour des raisons d’entretiens ce qui oblige les populations à s’approvisionner dans les rivières polluées. Ce manque d'infrastructures remet en cause la santé de la population surtout pour le Fokontany de Sandrakotahely qui est très loin du District de Bealanana (61 km). On n’y trouve d'ailleurs aucun dépôt de médicaments ni de pharmacie communautaire. Par conséquent, la majorité de la population a recours soit à l'automédication disponible illicitement dans les différentes épiceries des villages, soit à la médecine traditionnelle basée sur les plantes médicinales, soit à un service de femme qui exerce illégalement le métier d’accoucheuse. D'après l’enquête effectuée par l’étude de faisabilité de la centrale d’Amberivery, le paludisme reste la maladie la plus courante qui atteint plus de 50 % de la population. La diarrhée et la maladie respiratoire attaquent sévèrement les enfants. Quant à la tuberculose, elle attaque surtout les personnes âgées de plus de 50 ans dont l'explication est liée au manque de moyens de transports pour l'évacuation des produits.
2.5. Situation ethnique
Les récits des anciens des villages racontent que la région de Sofia fut habitée par les Sakalava vers le 13ème siècle. Les Sakalava se sont déplacés vers le Nord en laissant la place aux Tsimihety. La plupart des Tsimihety qui occupent désormais le village d’Amberivery sont venus du Nord notamment de la zone de Nosy-Be. Les Tsimihety sont généralement des peuples éleveurs aimant s’installer de vallée en vallée. Ce sont également des agriculteurs très dépendants de la cueillette. Cependant, depuis l’indépendance et en fonction du développement des activités agricoles, du commerce et du transport dans la zone, l’afflux de population venue des Hauts plateaux, du Sud-Est et d’autres régions de Madagascar est observé (Figure 1). Les traditions et les us et coutumes des Tsimihety sont bien présents au sein des communautés. En effet, ce peuple détient des habitudes de vie remarquables, encore ancrées aujourd’hui dans les mœurs de la société Tsimihety. Premièrement, pour la demande en mariage, le jeune marié se doit d’offrir une dot aux parents de la jeune fille, symbolisée généralement pas des zébus ainsi qu’une certaine somme d’argent. L’âge du mariage est accepté par la société à partir de 16 ans pour les filles et un peu plus pour les garçons. En cas de séparation, les conditions de partage des biens profitent souvent à l’économie personnelle des femmes à partir du moment où elles quittent leur époux après trois ou quatre ans de fidélité pour partir avec quelqu’un de plus riche. Deuxièmement, pour la cérémonie de respect de l’esprit des ancêtres, la population locale honore l’esprit des morts par l’organisation d’un repas (riz et viande de zébu) et l’installation d’une stèle en pierre munie d’un petit autel pour l’offrande mortuaire.
Figure 12: Centre de santé de Base 2 de Beandrarezona (AIDER, 2016).
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Sur le poteau, le reste de la tête de zébu offert pendant le repas de festin y est présenté. Quelques fois, la stèle est habillée de lamba27 ou en chemise suivant les sentiments des proches du défunt. L’emplacement de la stèle n’a rien à voir avec l’emplacement du tombeau familial. Sur la Figure 13, la stèle se trouve au sommet d’une colline au-dessus du village, mais elle peut également se situer au centre du village avec une construction qui varie en fonction des outils disponibles. Troisièmement, il est interdit de prononcer le mot « laoko28 » dans une certaine partie de la forêt de Bemanevika si on ne désire ne pas se faire mordre par les araignées. Il y a aussi des jours tabous concernant l’élevage de zébus mais cela diffère d’une famille à une autre.
2.6. Sécurité
L’insécurité s’avère être un problème récurrent dans les zones enclavées. En effet, plusieurs villages
de la commune doivent faire face à des vols de zébus, à des feux de brousses non contrôlés, au passage
de trafiquants de cannabis et au passage non contrôlé de personnes venant de différents villages.
Comme la commune ne bénéficie pas de poste avancé de gendarmerie, la sécurité locale est gérée par
une police communale. L’insuffisance de personnel, de matériel et l’inaccessibilité des villages
impliquent la rareté des rondes.
2.7. Transport
La bicyclette et la charrette font partie des moyens de transport les plus utilisés par la population locale. L’absence d’infrastructure routière et le relief limitent fortement les possibilités de déplacement ce qui bloque généralement l’accès au commerce extérieur ou à l’arrivage de professeurs privés. Le transport de matériaux se fait en grande partie grâce aux zébus. Cependant, quelques particuliers et organismes utilisent les motos et les voitures tout terrain pour assurer le déplacement pendant la saison sèche. Par contre, durant les saisons humides, aucun accès n’est possible.
2.8. Association des femmes
Tous les Fokontany de la Commune de Beandrarezona détiennent une organisation de femmes. Chaque association est indépendante et ne bénéficie pas encore de fédération au niveau communal. Ces organisations villageoises de femmes et jeunes filles apportent à celles-ci un certain pouvoir de décision qu’elles n’avaient pas auparavant. Cependant, la défaillance du système de communications et d’informations, le manque de formation et l’analphabétisation ou l’illettrisme sont des facteurs qui ralentissent le bon développement de ces organisations. L’association des femmes d’Amberivery est la seule de la commune à développer la filière de l’artisanat. Les femmes fabriquent des nattes, des sobika29 et différents outils en bois. Cependant, leur enclavement ne leurs permet pas d’exporter leurs produits. 27 Signifie tissu ou pièce emblématique du costume traditionnel malgache. 28 Signifie poisson 29 Panier traditionnel tissé en fibres végétales avec lanière en cuir de zébu.
Figure 13: Stèle en pierre habillée de lamba (AIDER, 2016).
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CHAPITRE 3 : ENJEUX SUR L’ELECTRIFICATION DU VILLAGE D’AMBERIVERY
1. Méthodologie
L’énergie, dans un contexte de développement, nécessite une pleine analyse des rôles des acteurs de
développement dans l’amélioration des conditions de vie des populations pauvres. En effet, l’énergie
influence profondément le bien-être des individus, que ce soit à travers l’accès à l’eau, la productivité
agricole, la santé, l’éducation, la création d’emploi ou la durabilité environnemental (Gbossou, 2013).
Il est en donc essentiel avant chaque introduction, d’établir une étude d’impacts liée à une analyse
d’enjeux qui en découle afin de garantir la pérennité du projet d’introduction.
L’analyse des enjeux se doit de prendre en compte le point de vue d’un maximum d’acteurs qui seront touchés par ces changements. Grâce aux chapitres précédents, nous pouvons désormais mieux comprendre les réformes passées, présentes ainsi que futures concernant notre cas d’étude. Les aménagements hydroélectriques interagissent avec leur environnement humain et naturel, comme toutes les infrastructures créées par l’homme. Le projet d’hydro électrification rural détient un nombre inconsidérable d’acteurs d’enjeux. En effet, sachant que par exemple, la consommation d’aérosols chinois réchauffant l’atmosphère jouerait un rôle dans la vente des nattes conçues grâce à la bonne irrigation des graminées et en vue de payer la facture d’électricité du ménage. Nous faisons face à un nombre incalculable d’acteurs d’enjeux. L'ordre qui vous sera présenté n'est pas dénué de sens. Chaque tentative d'explication des enjeux proposés ci-dessous tentera de mettre le doigt sur le critère qui amènera le changement d’enjeux. Sachant que chaque cas d’introduction est différent, ce travail tente de centrer l’entièreté de sa réflexion sur la problématique de l’électrification malgache et non sur l’électrification dans un pays en développement de manière générale. De manière plus explicite, ce chapitre tente de développer le maximum d’enjeux qui influenceront ou
non la pérennité du projet.
Afin d’établir la sélection d’acteurs d’enjeux la plus large et cohérente possible, une série de rencontres de membres influant dans le domaine de l’hydro-électrification rurale à Antananarivo, proposées en grande partie par mon maître de stage, a été organisé durant un mois vers la fin de mon stage. Ainsi, j’ai pu bénéficier de la vision de : -Mr Tantely Rakotoarimanana, chef du projet PHEDER à la Fondation Tany Meva qui m’a ouvert les portes du milieu des énergies à Antananarivo, à qui j’ai pu poser un grand nombre de questions. -Mr Milson Ratsaraefadahy, chef de Services Etudes des bureaux de l’ADER qui m’a permis d’ouvrir ma réflexion sur les enjeux environnementaux. -Mme Monika des bureaux du GIZ30 Madagascar, qui a été la première à me briefer sur les exigences institutionnelles pour les projets de génération, distribution et vente d’électricité. -le Pr José Andriamampianina de l’Institut des Sciences et Technologie d’Antananarivo, qui m’a ouvert les yeux sur la réelle libéralisation de l’énergie au sein du pays grâce à des cas concrets. -Mme Séverine Blanchais Berthet ancienne directrice de l’ONG l’Homme et l’Environnement, qui a pu me faire part de son expérience sociale au sein de différents projets introduits par l’Homme et l’Environnement. -Hoby Rakotomalala stagiaire à Tany Meva qui a effectué l’enquête sur les 120 ménages sur laquelle une partie du travail est basé,
30 Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) est une coopérative de développement durable allemande active à Madagascar.
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Une fois rentré en Belgique, d’autres personnes influentes ont également participé à l’étoffement de ma réflexion : -Mr Sebastien Epicum de l’Uliège, a apporté un regard technique sur mon travail. -Mme Dorothée Denayer de l’Uliège, m’a permis d’ouvrir ma réflexion à une approche plus rationnelle qu’était ma réflexion initiale.
En partant du principe que les technologies renouvelables amenant l’énergie affectent de manière
significative la palette des différentes activités, voici les questions que l’on pourrait se poser :
Qu’est-ce qu’un enjeu ?
Quels sont les enjeux à prendre en compte afin d’éviter un maximum d’incidents face au dispositif
d’introduction de la centrale hydroélectrique du village d’Amberivery ?
Qui sont les détenteurs, acteurs de ces enjeux ?
2. Enjeux
Un enjeu se définit communément par ce que l’on risque, ce qui est à perdre ou à gagner au sein d’un jeu, sous forme d’argent, d’objet ou encore d’honneur. Les enjeux, au sein du développement durable, se doivent, quant à eux, de concilier le progrès social et économique tout en sauvegardant l'équilibre naturel de la planète. Ainsi, l’enjeu majeur s’avère intégrer trois domaines afin que le domaine économique se voit être sur le même pied d’égalité que l’environnemental et le social (Stassart, 2016). Un enjeu peut être de différentes natures mais peut également se voir varier au cours du temps (Pfeifle et Campos 2008). Le nombre d’acteurs se voit donc variable et infini. Face à cela, un certain choix se doit d’être fait entre les acteurs importants et les autres acteurs concernés ayant moins de pouvoir. Le projet d’hydro électrification rural détient un nombre incalculable d’acteurs d’enjeux et la recherche doit s’efforcer de couvrir un maximum le spectre des acteurs qui ont quelque chose à gagner ou à perdre de la réforme. Ces deux dimensions peuvent être étudiées dans le temps et/ou en fonction de paramètres du contexte qui sont modifiés. En effet, certains n’ont pas d’influence au moment de la mise à l’agenda ou de la formulation mais peuvent tout à coup être très influents au moment où il s’agit de mettre en œuvre, et inversement (Pfeifle et Campos 2008). La recherche d’enjeux doit donc couvrir tout le spectre des acteurs qui ont quelque chose à gagner ou
à perdre de la réforme car le rôle des acteurs est central dans la mise en œuvre et l'appropriation d'un
changement (Gilson, 1997). L’analyse ne sera correcte que si elle assure une variabilité maximale des
acteurs étudiés (Pfeifle et Campos 2008).
Pour une raison de simplification, les enjeux ont été classés en cinq catégories : Enjeux Géographiques,
Enjeux Institutionnels, Enjeux Environnementaux, Enjeux Economiques, Enjeux Techniques, Enjeux
Socio-culturels. Ce fractionnement s’est volontairement vu se séparer des enjeux énergétiques car la
plupart de leurs contributions se voient appartenir à plusieurs catégories. Les enjeux techniques,
environnementaux ainsi qu’économiques ont été en grande partie possibles grâce aux informations
provenant de l’étude de faisabilité de la microcentrale hydroélectrique de Bemanevika.
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2.1. Enjeux Géographiques
Pour mener à bien la construction d’un réseau décentralisé, plusieurs paramètres se doivent d’être pris en compte dans la réflexion. En raison de son enclavement, de son potentiel hydroélectrique mais surtout de sa localisation par
rapport à la Nouvelle Aire Protégée, Amberivery a été sélectionné sans élaboration d’étude de
priorisation.
Face à cela, une étude de faisabilité a été réalisée afin de confirmer la rentabilité et la possibilité de
mise en œuvre de la centrale de manière durable sur le site d’Antohakabe. Elle jugea que les habitants
d’Amberivery étaient les plus enclins à un bon développement, aussi bien économique que social, tout
en étant capable de protéger la Nouvelle Aire Protégée. Cette sélection s’est également faite grâce à
la bonne dynamique qui règne au sein de l’association des femmes du village ce qui a fait pencher la
balance des partis preneurs du projet d’électrification.
Cette étude de faisabilité s’est vue munie d’une étude géologique et géotechnique approfondie des
emplacements des ouvrages soulevant la question du relief, de la perméabilité du sous-sol, de la
stabilité des talus ainsi que les risques sismiques et l’estimation des conséquences pour les ouvrages.
S’en est ensuite suivie une étude hydrologique qui a établie l’hydrologie, la topographie et la géologie
du site mais également l’influence qu’y a le couvert végétal en vue d’estimer un bilan hydrique du site
ainsi que sa variation dans le temps. Cette étude a permis d’estimer les débits moyens mensuels et
annuels afin d’en déduire la puissance disponible sur site confirmant la possibilité de l’installation de
la centrale en fonction du milieu.
Une procédure comme celle-là permet le maintien de l’intégrité d’une écologie durable, l’amélioration de l'efficacité économique et l'amélioration de l'équité sociale si et seulement si, la manière dont elle est appliquée s’avère pertinente. Malheureusement, les suivis de projets par l’ONE, bien que soulignés dans leurs procédures, se voient généralement passer à la trappe. En effet, selon le Décret MECIE, pour chaque introduction de centrale hydraulique, un reboisement
pour garantir l’utilisation durable des ressources en eau est demandé. Cependant, l’ONE n’est pas très
regardante dans la plupart des projets car son suivi s’avère de temps à autre inexistant. Dans le cadre
du projet Amberivery, une amélioration du bassin versant se verra observer grâce à la création de la
NAP de Bemanevika.
Figure 14: Lieu d'emplacement des ouvrages du bâtiment central d'Amberivery
37
2.2. Enjeux institutionnels
Plusieurs autorités administratives s’avèrent jouer le rôle d’acteurs d’enjeux dans le déroulement rationnel du projet. En effet, mis à part les communautés concernées par l’électrification, ces acteurs peuvent avoir plusieurs provenances. Tout d’abord, les acteurs ayant un impact direct s’avèrent être, bien entendu, les habitants d’Amberivery. Les communautés concernées ou susceptibles d’être concernées à un moment donné peuvent également être touchées par les petites et moyennes entreprises ainsi que les ONG ou une série de birdwatchers qui s’y implanteront en réaction au projet. Certes, ces acteurs détiennent un certain pouvoir sur l’approbation du changement. Cependant, les acteurs du comité de pilotage du projet détiennent un rôle central dans la mise en œuvre et l’approbation de la technologie. Ce comité se voit constitué des représentants de la commune et du district, des représentant gestionnaires de la NAP, du comité de gestion FIMJA mais également d’autres acteurs considérés quant à eux comme les représentants officiels. Ces détenteurs d’enjeux sont les institutions publiques et privées partenaires du projet comme le MRPA, la fondation Tany Meva, l’ONG The Peregrine Fund, les opérateurs d’électrification rurale, l’ADER, l’AIDER, le PNUD31, le Ministère de l’environnement, de l’écologie et des forêts et le GEF32. Enfin, la société civile détient aussi un rôle prépondérant dans l’introduction d’un tel changement. D’un point de vue énergétique, la pertinence du programme est vérifiée par l’ONE. Compte tenu de l’envergure des installations, la centrale hydroélectrique produisant une puissance inférieure à 500kW, selon les dispositions légales du Décret MECIE, doit être soumise à une fiche de tri préliminaire permettant d’évaluer si le projet doit ou non faire l’objet d’une étude d’impact environnemental poussée. Comme l’élaboration de la centrale hydroélectrique s’accompagne d’un barrage de dérivation au fil de l’eau sans réservoir, aucune étude environnementale spécifique n’a dû être réalisée. De plus, selon la procédure de catégorisation de l’ONE, le projet n’a pas non plus nécessité la réalisation d’une EIE car le village d’Amberivery fait partie intégrante des objectifs de la Nouvelle Aire Protégée Bemanevika. Ensuite a suivi une étude de préfaisabilité afin de se faire une idée des principaux problèmes soulevés par le projet et de délimiter les activités à mener. Une étude de faisabilité a pu dès lors être établie afin de prédire et identifier les impacts potentiels, d’analyser et évaluer la grandeur, l’importance et la signification des impacts clés du projet. Elle permettra également de développer des stratégies pour réduire les impacts négatifs. Durant la mise en œuvre du projet, un contrôle et suivi environnemental ont été réalisés pour la mise en œuvre des mesures de protection de l’environnement. Ainsi, des mesures d’atténuation et/ou compensatoires ont été établies et pourront être mises en place. Enfin, afin de dégager les leçons pour les projets futurs, une post évaluation suivie d’un bilan environnemental ont été établi sur base du Plan de Gestion Environnementale et de Sauvegarde Sociale concernant cette NAP. Plusieurs détenteurs d’enjeux s’avèrent appartenir à une institution. En effet, mis à part les communautés concernées par l’électrification, ces acteurs se voient être soit des représentants officiels soit des membres du comité de pilotage du projet. Ainsi, ces acteurs, de manière globale ou locale, varient et n’ont pas tous les mêmes intérêts, pouvoirs et rapidité d’action.
31 Programme des Nations Unies pour le Développement : Organisme de soutien au projet. 32 Global Environnement Facility : Organisme de soutien au projet.
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2.3. Enjeux environnementaux
Les impacts environnementaux des projets hydroélectriques dépendent de la façon dont ils sont conçus. Un projet hydroélectrique peut générer différentes sortes de conséquences, autant positifs que négatifs, de manière lente, rapide, directe et/ou indirecte. Afin de pouvoir procéder à des mesures d’atténuation, les différents effets impactant pendant les phases de construction, d’exploitation et de post-exploitation ont dû être considérés. Les tableaux suivants synthétisent les impacts potentiels du projet sur l’environnement physique, biologique et humain évoqués lors de l’étude de faisabilité du projet. Tableau 4: Impacts probables pendant la phase de préparation (AIDER, 2016).
Tableau 5: Impacts probables pendant la phase de construction (AIDER, 2016).
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Tableau 6: Impacts probables pendant la phase d'exploitation (AIDER, 2016).
Tableau 7: Impacts probables pendant la phase d'entretien (AIDER, 2016).
Ceci étant, l’atténuation des impacts vise à avoir une meilleure intégration possible du projet au milieu. A cet égard, l’étude de faisabilité du barrage a développé les actions prévues aux différentes phases de la réalisation afin de soit éliminer ou réduire l’intensité des impacts négatifs soit de favoriser ou maximiser les influences jugées positives. Voici les précautions soulevées avant la conception du barrage : Au niveau des risques d’érosion et de glissement concernant les berges de la rivière et de leurs emplacements :
• Placer les ouvrages sur des emplacements stables,
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• Bien ancrer le barrage,
• Mettre en place un système de maintien des pentes aux endroits sensibles (système antiérosif).
Au niveau de la pollution de l’eau :
• Mise en place d’un système de récupération des déchets flottants (bidons, plastiques…) qui dérivent sur les cours d’eau,
• Mise en place d’un système de traitement des eaux usées,
• Mise en place d’un système de déstratification,
• Limitation de la durée de rétention des eaux dans le réservoir,
• Faire des suivis et contrôles des moteurs ainsi que les appareils mécaniques pour éviter les fuites d’huiles, lubrifiants, …
• Mise en place de filtres pour récupérer les fuites d’huile sur les mécanismes ou appareils pour éviter tout déversement dans le canal,
• Concevoir et équiper le barrage de manière à réduire autant que possible les impacts négatifs dans la retenue d’eau ainsi que l’installation en aval d’un ouvrage de restitution sur plusieurs niveaux, de dispositifs d’une injection d’air, de turbines d’aération, des systèmes de déstratification, etc.
Au niveau du débit :
• Bien calculer le débit réservé. De par ses nombreuses cascades sur des rochers, la rivière d’Amberivery présente des conditions d’accès difficiles pour les poissons. Mais pour des raisons environnementales le débit réservé a donc été établi à 10% de l’écoulement, soit 0,18m³/s. Pendant l’exploitation, une échelle graduée visible positionnée sur la vanne de vidange de fond permettra de régler précisément le débit réservé pendant la période d’étiage. Pendant le reste de l’année, le débit réservé sera assuré par le seuil déversant.
Au niveau des changement des conditions de vie de la faune et de la flore (circulation, perturbation de leur habitat) :
• Afin de construire les ouvrages, l’eau du canal devra être déviée temporairement, asséchant une partie de celle-ci. Un débit réservé écologique sera maintenu dans la zone court-circuitée, c’est-à-dire entre la prise d’eau et le canal de fuite. Ce débit est nécessaire afin de préserver l’habitat et l’irrigation des champs de cultures en aval.
• Respecter la continuité de la rivière, non seulement pour la faune sauvage vivant dans son lit mais également pour le transit sédimentaire. Afin de garantir cette continuité, création d’un minimum dans la partie détournée du cours d’eau.
• Installation de grilles pour éloigner les poissons de la prise d’eau
• Etablissement d’un programme de reboisement de la vallée et des berges lié aux initiatives de la Nouvelle Aire Protégée Bemanevika.
Au niveau des déchets solides :
• Triage des déchets par types, origines (ménagers, industriels) et caractéristiques (dangereux, inerte et non dangereux),
• Réduction des déchets dangereux tant que possible,
• Eviter la contamination des ressources en eau en respectant le Code des eaux et les normes de rejet, en particulier la norme relative à la réutilisation des eaux épurées dans l’irrigation,
• Assurer la séparation des déchets recyclables et des déchets ultimes de manière à favoriser la valorisation des déchets,
• Répertorier tous les déchets transportés sur un registre qui sera mis à la disposition des autorités compétentes,
41
• Mettre en place des procédures pour éviter les déversements des produits chimiques, des hydrocarbures et des lubrifiants,
• Informer les autorités concernées de tout risque présentant un danger potentiel sur l'environnement ainsi que les moyens de contrôle mis en place.
Au niveau de la sécurité :
• Prévision d’un système de protection contre les incendies (extincteurs portatifs et mobiles, protection par l’eau et protection par mousse).
Ceci étant, les mesures post installation font partie des fonctions de maintenance du technicien travaillant tous les jours sur place. Un entretien des grilles, des machines et un relevé quotidien des puissances assure le bon fonctionnement de la centrale. Cependant, il n’y a aucune certitude que chacune des mesures d’atténuation ait bien été effectuée compte tenu des conditions économiques et techniques du projet. Soulignons que le système de barrage équivaut juste à surélever le lit de la rivière afin de faciliter les calculs de débit. Cette élévation sur toute la longueur du cours d’eau n’impacte en rien la destruction de la faune aquatique car la présence de la cascade de 18 mètres de haut, juste après, faisait déjà partie du cadre naturel avant la construction du barrage. De plus, l’installation mise en place est un barrage de dérivation au fil de l’eau sans réservoir, ce qui minimise relativement ses impacts environnementaux. Puisque les centrales au fil de l’eau ne nécessitent pas de
réservoir et ne détournent qu'une partie de l'eau du cours d'eau pour alimenter la turbine, ils n'ont
qu'un faible impact sur la faune et la flore locales. Cependant, ils ont tendance à créer de petites mares
peu profondes pouvant causer des problèmes tels que la sédimentation ou l'eutrophisation. Cela peut
affecter la qualité de l'eau et entrainer l'émission de gaz à effet de serre. Une diminution de la qualité
de l'eau peut, en outre, provoquer des maladies transmises par l'eau et affecter ainsi la situation
sanitaire de la population. De plus, les espèces aquatiques peuvent être affectées et ainsi décider de
migrer à cause du changement d’état de l'habitat.
La facilité d’'approvisionnement en électricité peut, à long terme, produire une croissance
démographique. Ainsi, la pression sur les ressources naturelles et le risque d'érosion dans les zones
proches de la centrale se verraient augmenter. Cette augmentation du taux de dégradation peut
entraîner une accumulation de la charge sédimentaire de la rivière ainsi qu'une réduction de la
capacité de rétention des sols, ce qui peut entraîner une légère alternance du débit.
Cependant, la zone est relativement habituée aux changements de débit dues aux moussons annuelles. Soulignons qu’aucune zone n’a dû être inondée car la surface d’aménagement ou la superficie des installations à bétonner s’avère minime. De plus, puisque le site est inhabité, aucun villageois n’a dû être délogé. Les enjeux environnementaux clés abordés comprennent donc les impacts potentiels sur la qualité de l’eau de même que ceux sur la biodiversité (faunes et flores) et les activités des villageois comme l’agriculture. D’autres enjeux, comme les effets sonores provoqués par la centrale pouvant perturber les habitats aux alentours du site n’entrent pas en jeu car personne, mis à part le technicien, ne vit à une distance bruyante du bâtiment de la centrale.
Figure 15: Illustration montrant la surélévation de la lame d'eau (AIDER, 2016).
42
Afin d'assurer une utilisation durable des terres et donc un approvisionnement durable en électricité,
il est très important de gérer le bassin versant avec soin. Ce rôle s’est vu confié aux acteurs de
préservation de la NAP de Bemanevika.
2.4. Enjeux économiques
Chaque mardi, le marché d’Amberivery permet aux habitants de commercer. Cependant, l’offre en
produits agricoles est loin de satisfaire les demandes de la région. En effet, la transformation des
matières premières à moyenne ou grande échelle n’est pas observée faute d’électricité. Face à la
rareté du commerce, l’électrification semble être une idée séduisante. En effet, l’électricité pourra
dynamiser le développement économique local, participer au désenclavement du village, favoriser les
partenariats divers ou encore aider à valoriser les ressources humaines locales.
Cependant, l’hydroélectricité est une technologie onéreuse. Le gouvernement malgache n’a pas la
possibilité de financer de telles infrastructures. Ainsi, afin d’introduire un service électrique de
proximité qualitatif et durable tout en créant un minimum d’inégalités, la tarification de l’électricité
envers les ménages se doit d’être la plus réduite possible.
Pour ce faire, ce projet pilote est réalisé suite à la collaboration de MRPA33(73,5%), la Fondation Tany
Meva (4,8%), l’ADER34(12,7%), l’AIDER35 (8,2%) et l’ONG The Peregrine Fund, l’AIDER36 et surtout des
communautés locales (0,7%).
Le financement de la centrale est assuré, en grande partie, par un système de PSE. Ce système implique
un mécanisme de marché pour compenser les propriétaires et les usagers du bassin-versant afin de
modifier leurs comportements car le changement de pratique peut affecter la disponibilité et/ou la
qualité des ressources en eau pour les populations bénéficiaires d’électricités, en aval. Le taux du
mécanisme PSE a été défini lors d’une négociation ou un consensus entre les parties prenantes d’une
part, et l’évaluation de la valeur des services écosystémiques, d’autre part.
La gestion de la centrale est de type communautaire. Dès lors, 30% des recettes reviennent aux
gestionnaires du fond PSE en compensation pour la protection du bassin versant et 70% des recettes
est donné à l’association FIMJA qui a pour rôle de gérer les frais de fonctionnement de la centrale.
Les fournisseurs sont donc les usagers du bassin versant (ménages paysans y résidant et exploitant des
ressources et l’association VOI FIMAKA37) tandis ce que les bénéficiaires sont l’exploitant ou le
gestionnaire de la centrale (le comité de gestion mise en place) ainsi que les usagers de l’électricité (les
213 ménages du Fokontany Amberivery et la commune rurale de Beandrarezona présentée par le
Fokontany Amberivery).
De plus, dans la lutte contre le changement climatique, une nouvelle opportunité d’alimenter le
financement de la centrale est également en cours. En effet, la Fondation Tany Meva a entamé des
démarches afin de calculer l’impact carbone d’une série de centrales dont celle d’Amberivery. Le projet
VCS (Verified Carbon Standart) est un projet de diffusion de la technologie pico hydroélectricité à
33 Managed Resources of Protecte Areas, Fondation malgache de création, gestion et financement d’aires protégées 34 Agence de Développement de l’Electrification Rurale 35 Association des Ingénieurs pour le Développement des Energies Renouvelables 36 Association des Ingénieurs pour le Développement des Energies Renouvelables 37 Fikambanana Mitantana Ala Ketsan’Amberivery. Association créée en juin 2003, pour le transfert de gestion des ressources naturelles renouvelables à Amberivery.
43
travers le marché de crédits carbone créé lors du Protocole de Kyoto en février 2005. En effet, grâce
au concept de Mécanisme de Développement Propre (MDP), tout projet réduisant les émissions de
gaz à effet de serre dans un pays en développement peut se voir bénéficier d’un certain nombre de
crédits carbone en fonction de l’équivalent Tonne de CO² évité par ses installations renouvelables.
En vue de limiter les enjeux économiques et d’adapter l’offre aux spécificités locales, l’étude de faisabilité du projet d’Amberivery a effectué une estimation des consommations électriques sur base d’une sensibilisation. Afin de saisir au mieux le contexte local, des enquêtes individuelles auprès de 120 ménages d’Amberivery ont été effectuées : Le Fokontany de Beandrarezona dénombre un total de 1278 habitants au sein du village d’Amberivery réparti en 213 familles. Avant toute chose, une estimation de la demande la plus proche du réel état de la consommation des ménages a dû être réalisée. Pour ce faire, une segmentation de la population se doit d’être réalisée. En effet, l’élaboration d’une typologie est indispensable pour comprendre le fonctionnement des exploitations familiales (Dieng, A. et Gueye, A. 2005). Les ménages cibles ont donc été divisés en trois catégories selon leurs catégories professionnelles car ce sont elles qui influencent leurs revenus, leur type d’habitat ainsi que le nombre d’appareils domestiques qu’ils utilisent.
Répartition des Ménages Catégorie 1 (Riche)
Catégorie 2 (Moyen)
Catégorie 3 (Pauvre)
Revenus moyens non agricoles (Ar/an) 1 157 000 137 200 644 000
Revenus moyens agricoles (Ar/an) 974 300 506 300 786 700
Revenus moyens totales (Ar/an) 1 157 000 632 000 138 500
Catégorisation socioprofessionnelle Fonctionnaire, Transporteur, Exploitant agricole
Agriculteur, Eleveur moyen
Travailleur journalier, cultivateur, petit éleveur
Habitat Maison en brique et toit en tôle
Maison en terre battue ou en brique avec un toit en tôle ou en bozaka38
Maison en terre battue avec toi en bozaka
Possession de zébus Entre 5 et 15 Inférieure à 5 Entre zéro et 2 Tableau 8: Segmentation socio-économique des ménages
La majorité de la population s’avère vivre de l’agriculture et de l’élevage. Les sources de revenus et les principales activités des paysans dans la Commune sont :
• L’agriculture avec 70% des revenus dont : o 60% de riziculture o 10% de cultures contre saison comme les haricots
• L’élevage (Bovin, Porcin, Volailles) avec 20% des revenus
• La pêche et l’artisanat avec les 10% finaux
38 Mot malgache qui signifie biomasse (paille ou autre)
44
Tableau 9: Pourcentage du taux d’activité agricoles et d’élevage des ménages d'Amberivery (AIDER, 2016).
L'agriculture familiale détient une place primordiale dans l'alimentation et la survie des ménages
d’Amberivery. Ces familles travaillent la terre sur des petits terrains morcelés et sous-équipés sur base
de techniques traditionnelles. Aucune infrastructure n’est encore présente dans les périmètres vu le
problème d’eau qui pèse actuellement sur les agriculteurs ainsi que celui d’évacuation des produits.
Les activités sont variées, mais elles ne suffisent généralement pas à nourrir correctement les ménages
toute l'année.
Les activités commerciales de la ville se limitent à quatre épiceries, deux salles de vidéo, un atelier de couture et un atelier d’ouvrage du métal. En effet, pour des raisons de sécurité et de fraicheur, il n’est pas dans les habitudes culturelles malgaches de stocker les biens de consommation du quotidien chez eux. Ainsi, les épiceries sont visitées chaque jour par un grand nombre d’habitants. Le village se voit également doté de quatre églises.
Figure 16: Eglise FJKM d'Amberivery (AIDER, 2016).
0102030405060708090
100
%
Type d'activité
Taux d'activité agricole et d'élevage
45
Figure 17: Atelier de couture d'Amberivery (AIDER, 2016). Figure 18: Epicerie d'Amberivery (AIDER, 2016).
Actuellement, les ménages utilisent des bougies et des lampes à pétrole pour l’éclairage, seules les épiceries utilisent des groupes électrogènes et des panneaux solaires comme sources d’énergie électrique. Le principal enjeu économique visé dans le cadre du projet d’électrification rurale du village d’Amberivery est la création d’activités productives de revenus des villageois. Cela pourrait maximiser les retombées économiques pour les personnes, les entreprises, les collectivités mais également pour le gouvernement malgache. De cette création d’activités productives de revenus se verra découler une série d’autres enjeux dont : - La création de micro entreprises de transformation en milieu rural : rizeries, fermes et petites unités de production agroalimentaire, - Le développement des activités commerciales par l’utilisation de réfrigérateurs,
Afin de bien dimensionner la centrale pour optimiser sa durabilité, une évaluation de la demande se
doit d’être réalisée. Pour ce faire, il faut traiter les informations socio-économiques du village afin de
simuler l’évolution de la consommation en fonction des années et des montants des tarifs proposés.
Cette simulation permettra de prévoir la puissance de la centrale pouvant être installée en vue de
satisfaire la demande du projet fixé à 30 ans.
Premièrement, dénombrons les infrastructures consommatrices du village :
Tableau 10: Recensement des infrastructures publiques et catégorisation par segment des ménages (AIDER, 2016).
46
L’utilisation de l’électricité se voyant différer en fonction des classes, s’offrir une installation électrique
n’est pas donné à tout le monde. Seule une partie de la population peut envisager d’accéder au service
électrique.
Tableau 11: Classification des ménages cibles (AIDER, 2016).
En considérant que le taux d’évolution annuelle du nombre de ménages cibles est de 1,25 % (égal au taux de croissance de la population), le tableau suivant montre l’évolution annuelle du nombre de ménages cibles par catégorie. Tableau 12: Evolution du nombre de ménages cibles par catégories (AIDER, 2016).
Maintenant que nous avons une estimation du nombre d’habitants pour chaque année, nous devons rechercher la consommation en énergie substituable par l’électricité des ménages. Pour ce faire, le tableau suivant décrit la consommation moyenne en énergie des ménages ainsi que le montant des dépenses que les ménages déclarent vouloir payer pour les différents services électriques proposés.
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Tableau 13: Consommation en énergie substituable par l'électricité des ménages dans le village cible (AIDER, 2016).
Catégories Consommation moyenne en énergie substituable par l’électricité
Valeur monétaire de la consommation en énergie substituable par l’électricité en Ar/mois
Valeur monétaire de la volonté à payer l’électricité
Catégorie 1 (Aisé) • 3 bougies/jour
• 6 piles/mois
• +-10 à 15 litres d’essence/mois
62 500
[3000 à 10 000]
Catégorie 2 (Moyen) • 1 à 2 bougies/jour
• 8 piles/mois
16 000 [1000 à 6000]
Catégorie 3 (Pauvre) • 1 à 1,5litres de pétrole/mois
2 500 à 3 750 [500 à 3000]
Dès lors, on peut déduire que les ménages les plus riches investissent en moyenne 18% de leurs
revenus mensuels dans l’énergie, que les ménages moyens investissent 14% de leurs revenus et que
les plus pauvres investissent en moyenne 6%. Ce poste de dépense des foyers s’avère correspondre
aux 11% (8 euros sur un budget de 70 euros) annoncés par le rapport de la Fondation d’Energie pour
le monde de 2012.
En considérant que le taux d’évolution annuelle du nombre de clients augmente de 1,25%, il est estimé
que dans 30 ans, il y aura la présence de non plus quatre mais six épiceries, non plus deux mais trois
salles de vidéo et non plus quatre mais cinq églises.
De plus, les besoins pour les infrastructures communautaires se verront également évoluer :
Les écoles qui, hier, utilisaient l’éclairage de manière occasionnelle, surtout durant la période des
examens se verront, demain, utiliser du matériel audiovisuel (télévision, lecteur DVD) et d’éclairage
pour les cours du soir.
Les éclairages publics qui, hier, étaient inexistant dans le village se verront présents à tous les
croisements.
Les églises qui, hier, n’avaient que des dépenses liées à l’éclairage se verront, demain, utiliser du
matériel audio-visuel (synthétiseur et amplificateur pour les messes) ainsi que davantage d’éclairage.
Deuxièmement, estimons les consommations d’énergie pour chaque type de demandeurs :
En sachant que, pour les lampes à pétrole, 1 litre de pétrole coûte 3000 Ar à Amberivery. L’éclairage
par lampe à pétrole revient à 100 Ar/soir/lampe en moyenne, soit 3 000 Ar/mois/lampe (prix qui varie
suivant la durée de l’éclairage désirée).
Pour les radios, elles ne fonctionnent qu’avec des piles qui coûtent de 500 à 700 Ar suivant leur taille.
Les ménages qui détiennent une radio dépensent en moyenne 2 400 Ar/mois pour les piles de leur
radio.
Concernant les téléviseurs et lecteurs VCD, ils fonctionnent sur une énergie fournie par une batterie.
On estime qu’une batterie est chargée une fois par mois soit environ 5000 Ar/charge ou 200 Ar par
jour.
48
Ménages :
Tableau 14:Consommation des trois catégories de ménages pour la première année (AIDER, 2016).
Activité productives :
Tableau 15:Consommation des activités commerciales pour la première année (AIDER, 2016).
49
Hypothèse : Les appareils utilisés dans la salle de vidéo fonctionnent deux jours sur sept, ceci donne
environ un coefficient d’utilisation 0,3.
Infrastructures sociales et administratives :
Tableau 16:Energie consommé par les infrastructures sociales et administratives pour la première année (AIDER, 2016).
Hypothèses :
- Les appareils utilisés dans les infrastructures sociales (écoles) fonctionnent cinq jours sur sept, ceci donne environ un coefficient d’utilisation 0,7. - Les appareils utilisés dans les infrastructures religieuses (églises) fonctionnent un jour sur sept, ceci donne environ un coefficient d’utilisation 0,1. En sommant l’ensemble des consommations, nous obtenons une demande d’environ 37 591 kWh. Maintenant que nous avons une estimation de la consommation de la première année, il nous faut la reporter pour les trente années à venir en fonction du taux d’évolution annuelle des consommateurs : Tableau 17: Evolution annuelle de l'énergie consommée (AIDER, 2016).
50
Dès lors, nous pouvons observer qu’en 30 ans la consommation d’électricité se verra augmenter d’environ 12 000 kWh pour atteindre après 30 ans environ 51 000 kWh/an. Nous sommes maintenant capables d’établir le bilan général annuel de la demande en électricité : Tableau 18:Evolution annuelle d'énergie consommée par les clients ciblés (AIDER, 2016).
Troisièmement, évaluons désormais la puissance journalière maximale pour la première et la dernière année. Pour ce faire, nous avons estimé les heures creuses et les heures de forte consommation sur base d’une journée typique. Tableau 19: Courbe de puissance journalière de l'année 1 d'Amberivery (AIDER, 2016).
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Tableau 20: Courbes de puissance journalière de l'année 30 d'Amberivery (AIDER, 2016).
Grâce à ces puissances journalières et plus précisément aux pics de consommations observés entre 18 et 22h, nous pouvons déterminer la puissance à installer au niveau de la centrale :
• La puissance à installer pour l’année 1 est de 25kW
• La puissance à installer pour l’année 30 est de 35 kW La demande d’électricité, en début de projet, équivaut à une puissance de 25kW. Cependant, tous les ouvrages du génie civil sont dimensionnés pour une puissance de 70 kW car, d’une part, la demande a tendance à augmenter avec le temps mais, d’autre part, un développement économique local est attendu grâce à l’implantation de petites et moyennes entreprises de revalorisation de produits locaux. Maintenant que la demande a été estimée et que les puissances maximales ont été établies, le prix du kWh doit être calculé sur base de la capacité qu’ont les différentes catégories de la population à payer les dépenses en électricité. En effet, afin d’être certain que les consommateurs puissent être à même de payer les factures, la capacité moyenne à payer des consommateurs se doit d’être la même voir inférieur. C’est pourquoi, le prix coût moyen de reviens durant 30 ans valant 620 Ar/ kWh a été réduit à 400
Ar/kWh afin de ne pas pénaliser la classe la plus pauvre. Le tableau ci-dessous compare pour chaque
catégorie le prix moyen mensuel investi dans l’énergie avant et après l’installation de la centrale
hydroélectrique, sur base d’un prix au kWh égale à 400 Ariary.
Tableau 21 : Prix mensuel de l'énergie avant et après l'hydro électrification rurale
AVANT APRES
Catégorie 1 62 500 Ar 21 240 Ar
Catégorie 2 16 000 Ar 5 040 Ar
Catégorie 3 2 500 à 3 750 Ar 2 520 Ar
Epicerie 62 500 Ar 19 896 Ar
Le fait d’établir le prix au kWh sur base des revenus de la catégorie la moins riche permet de limiter la
discrimination et d’augmenter l’inclusion sociale au processus d’électrification rurale.
52
La facturation ainsi que la collecte des frais de l’électricité des abonnés est effectuée mensuellement
par un comité de gestion appelé FIMJA, spécialisée dans les redevances perçues par l’électrification
rurale. Ainsi, chaque mois, sur base du relevé des consommations, les frais accumulés par la trésorerie
FIMJA du village, sont collectés pour ensuite être transférés à une institution de microfinancement à
Bealanana.
L’ensemble de ces points forme les enjeux économiques clés comprenant les impacts potentiels sur la
sécurité, la santé, mais surtout le besoin de maximiser les retombées économiques positives pour les
personnes, les entreprises et les collectivités ainsi que pour le gouvernement malgache.
L’estimation de la demande d’un réseau décentralisé se voit jouer un rôle primordial dans l’analyse d’enjeux économiques. En effet, dans un système autonome comme celui de l’hydro électrification du village d’Amberivery, la charge électrique produite se doit d’être égale à la demande en électricité. L’estimation de la demande s’avère donc être la base du dimensionnement de la centrale car la réinjection du surplus de production sur le réseau central est impossible. La gestion de la charge est donc un point important à assurer. C’est pourquoi, un bon dimensionnement est primordial afin d’éviter les fluctuations de production. A l’inverse, une mauvaise gestion des charges peut engendrer une pénurie temporaire d’électricité et donc des pertes économiques. Dès lors, l’objectif étant une autoconsommation à 100%, plusieurs points se doivent d’être soulevés afin d’optimiser le profil de production par rapport à celui de la consommation. Afin d'atténuer ces impacts potentiels sur la santé économique du projet mais également sur la sécurité des abonnés, des optimisations techniques et des programmes stricts de prévention doivent être mis en place.
53
2.5. Enjeux techniques
Selon Akrich, la fidélité de ces acteurs n’est jamais sans failles par rapport au scénario imaginé. Pour faire perdurer l’électrification dans le village d’Amberivery, il est important de combiner à la fois l’analyse sociale et l’analyse technique. Le dimensionnement du barrage s’avère jouer un rôle important pour la durabilité de l’installation
mais également pour son bon fonctionnement. C’est pourquoi, les possibilités d’utilisation finale se
doivent d’être établies dans une étude de faisabilité.
Avant tout, afin de connaître la vitesse de rotation de la turbine et donc la puissance de la centrale,
nous devons calculer le débit de l’installation. En effet, si les paramètres régionaux et/ou les résultats
ne sont pas jumelés à une bonne connaissance du site étudié, le dimensionnement de l’installation se
verra basé sur des estimations erronées. C’est pourquoi, un intérêt tout particulier se doit d’être porté
sur les calculs de débits.
Plusieurs méthodes d’estimation des débits existent. Le débits moyen mensuel a été estimé grâce à
un modèle appelé « Pluie – Débit » basé sur la répartition pluviométrique moyenne mensuelle dans le
bassin versant et la lame annuelle d’écoulement de la rivière de Beandrarezona qui est un bassin de
référence adjacent au bassin versant d’Amberivery. Voici les moyennes de 2010 à 2013 (obtenues
grâce au bilan hydrique de référence en Annexe 9) :
Tableau 22: Débits d’écoulement moyens mensuels de l'Amberivery à Amberivery (AIDER, 2016).
« P » étant les précipitations moyenne en millimètres, « Q » étant le débit moyen mensuel en m³/s et « Le » étant la lame d’eau écoulée en millimètres.
Figure 19: Variation des débits mensuels d'Amberivery
La Figure 19 illustre bien la saison humide qui débute au mois de décembre. Sur base de ces relevés, le débit moyen interannuel a pu être estimé à 1,75 m³/s soit 43,8 l/s/km². Un coefficient moyen d’écoulement de 64 % a également pu être calculé en faisant le rapport de la quantité d’eau annuelle écoulée sur la quantité d’eau annuelle précipitée. Ensuite, Afin d’établir la courbe des débit classés, nous avons dû calculer le débit caractéristique d'étiage (DCE). Ce DCE est le débit au-dessous duquel l'écoulement descend dix jours par an, autrement dit c’est le débit journalier égalé ou dépassé 355 jours dans l’année. Il correspond au niveau le plus bas du cours d’eau. Faute de données journalières de débit, l’évaluation des débits caractéristiques d’écoulement a été effectuée sur la base des données de débits mensuels d’écoulement, en supposant que la moyenne mensuelle représente la 15ème valeur du mois considéré. Quant à la DCC, il est déduit de la valeur du rapport moyen de l’ordre de 4,7 du DCC/DC1 des petites rivières dans le bassin fluvial. Tableau 23: Débit caractéristiques en m³/s
DCC DC1 DC3 DC6 DC9 DCE
14,9 3,18 2,54 1,52 0,993 0,725
Où : DCC = Débit Caractéristique de Crue, c’est le débit moyen journalier dépassé 10 jours dans l’année. DC1 = Débit journalier égalé ou dépassé 30 jours dans l’année. DC3 = Débit journalier égalé ou dépassé 90 jours dans l’année. DC6 = Débit journalier égalé ou dépassé 180 jours dans l’année. DC9 = Débit journalier égalé ou dépassé 270 jours dans l’année. DCE = Débit journalier égalé ou dépassé 355 jours dans l’année. Face à cela, la puissance disponible sur site en adéquation avec la demande a pu être calculée. La puissance disponible est donnée par cette relation : P = 9.81 x R1 x R2 x Hb x Q x(1‐p1) x (1‐p2)
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Avec R1: Rendement de la turbine: 0,76 (turbine Banki) R2: Rendement de l’alternateur avec la transmission mécanique : 0,90 p1: Perte hydraulique: 10% p2: Perte en ligne: 4% Hb: Chute brute: 20,2m. Q: Débit d’équipement (m³/s): reste du débit caractéristique et des débits réservés calculé par le tableur Excel. En considérant les paramètres ci‐dessus, on a comme résultat après calcul : Tableau 24: Puissance électrique disponible
Garantie (jour/an) 90 180 270 355 Module
Débit caractéristique (m³/s)
2,54 1,52 0,993 0,725 1,75
Débit réservé (m³/s) 0,09
Débit Q (m³/s) 2,37 1,35 0,82 0,55 1,58
Puissance (kW) 290,23 165,06 100,38 67,50 193,28
Où : Le module étant la représentation de la moyenne des moyennes annuelles, Le débit réservé étant 10% du module soit 0,18 m³/s pour les deux turbines, soit 0,09 m³/s par turbine. D’une autre manière, on peut traduire ce tableau par la courbe suivante :
Figure 20 : Courbe de puissance classée (AIDER, 2016).
Cette courbe nous montre bien qu’une certaine puissante peut-être produite toute l’année. Compte tenu, des paramètres définis sur la puissance disponible précédente, avec une hauteur de chute de 18 m, pour une puissance nominale de 35 kW, le débit d’équipement est de 0,28m³/s. Pour une puissance nominale de 70 kW, le débit d’équipement équivaut quant à lui à 0,56 m³/s.
56
Vu que la construction de réservoirs en amont du barrage impacterait de manière trop importante l’environnement, une installation au fil de l’eau est décidée. Pour des raisons économiques, le barrage de dérivation est de type « poids », de profil trapézoïdal, construit en béton, de 10 m de longueur et d’une hauteur maximale de 1,5 m au point le plus bas. La crête du barrage (au niveau de la prise d’eau) est ancrée sur une fondation rocheuse fixée à l’altitude de 1098m. Afin de répartir les informations techniques concernant le barrage, la zone hydrique a été séquencée
en trois parties : Amont, Bâtiment centrale et Aval.
2.5.1. Amont L’optimisation en amont se déroule avec une étude de la stabilité de l’installation. En effet, la stabilité
du barrage ainsi que le choix de la turbine par rapport au débit sont primordiaux en vue d’optimiser la
longévité de l’installation.
Le basalte étant une roche friable, une fondation rocheuse d’assise stable se doit d’être construite. Dès lors, une stabilité à la fois élastique, au glissement et au renversement est à assurer. Toutes les conduites ont donc été posées sur des massifs d’ancrage en maçonnerie. Plusieurs précautions se doivent également d’être prises. Voici un résumé des caractéristiques clefs de cette stabilité :
Tableau 25: Caractéristique du barrage (AIDER, 2016).
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La prise d’eau est implantée latéralement sur la rive droite du cours d’eau et est intégrée dans un muret de protection à 2 m en amont de la rive droite du barrage. L’ouvrage est dimensionné pour un débit de 0,56 m³/s fonctionnant comme un orifice noyé muni de grilles inclinées à 45°. Les enquêtes menées auprès des responsables du fokontany d’Amberivery ont souligné le caractère peu variable de l’écoulement de la rivière Amberivery en période sèche. Cependant, des hausses de débits lors de crues exceptionnelles sont à envisager lors de la saison des pluies. C’est pourquoi, le tracé en amont du barrage doit veiller à tenir compte de la stabilité du terrain tout en assurant une pente convenable. Du fait de l’importante charge sédimentaire en période d’averse due aux activités anthropiques intensives comme le défrichement dans le bassin et la pratique de feux de brousse pour le renouvellement des pâturages, l’avant du canal d’une longueur de 3 m relie la prise d’eau avec le dessableur. Le dessableur ou bassin de décantation est dimensionné pour éliminer les sédiments de diamètre supérieur à 0,2 mm, car en période de forte crue, l’eau de la rivière charrie d’importante quantité de branches d’arbre sèches. Pour assurer l’évacuation du trop-plein durant ces périodes, un déversoir latéral ainsi qu’en bout de chaine a pour fonction de vidanger le fond afin d’évacuer les sables contenus dans l’ouvrage. La conduite d’amenée implantée le long de la rive droite est dimensionnée pour transiter le débit d’équipement de 0,56 m³/s de la rivière jusqu’à la chambre de mise en charge rectangulaire construite en béton armé. La hauteur d’eau minimale afin de mettre en charge les conduites forcées est d’1,72 m. Cet ouvrage ayant pour capacité moyenne de 5,68 m³ est dimensionné pour permettre une alimentation correcte de la conduite forcée équipée d’un dégrilleur pour empêcher la pénétration des corps flottants. Enfin, deux conduites en acier, de diamètre de 400 mm et ayant chacune 46 m de longueur, guident l’eau de la chambre de mise en charge jusqu’à l’entrée des turbines.
2.5.2. Bâtiment centrale Le plancher de la centrale se situera à l’altitude 1077,77 m. Le bâtiment de la centrale est en brique de terre cuite avec une ossature en béton armé. Il est constitué d’une salle de machine de 20 m² et d’un axe à turbines placé à une altitude de 1078,47 m. Le canal de restitution est, quant à lui, en maçonnerie de moellons jusqu’à une distance de sécurité dans le cours d’eau permettant d’éviter les affouillements, ayant une section rectangulaire dimensionnée de telle façon que la centrale ne soit pas inondée en période de crue. Concernant la perte de charge, il est nécessaire de vérifier tous les ouvrages en amont des turbines afin qu’elle n’excède pas les pertes hydrauliques prévues. Ces pertes sont récapitulées dans le tableau suivant :
Figure 21: Vue du dessableur en construction (AIDER, 2016).
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Tableau 26: Perte de charge (AIDER, 2016).
Ajoutons également que chacune des conduites sera équipée d’une vanne « papillon » manuelle conçue de manière à pouvoir couper le débit maximum de la turbine en toute situation.
Compte tenu de la hauteur de chute disponible (18,18 m) et de l’équipement (2 x 0,28 m³/s), nous choisissons la turbine Banki ou Crossflow. C’est une turbine à action à flux transversal. L’eau entre par un côté de la turbine et sort par le côté opposé. Ainsi, en traversant deux fois les aubes, ce flux présente deux avantages : une puissance transmise améliorée et aubes nettoyées des débris qui pourraient obstruer la turbine. La turbine Banki possède également un autre avantage incontestable. Elle détient un dimensionnement facile et une construction simple qui peut être effectuée artisanalement par un bon bricoleur. Ainsi, ses aubes de section cylindrique (Figure 22) peuvent être obtenues par découpage de portions de tubes circulaires en acier, en laiton ou même en plastique, ce qui a conduit la turbine à présenter un meilleur rapport qualité-prix du fait qu’elle puisse être fabriquée à Madagascar. Le dimensionnement d’une turbine doit prendre en compte des données topographiques, hydrologiques, géologiques, géotechniques, environnementales et financières liées aux coûts des ouvrages civils. Un diagramme de choix des petites turbines est présenté sur la Figure 23 suivi d’un tableau reprenant les principales caractéristiques de la turbine sélectionnée.
Figure 22: Principe de fonctionnement de la turbine Banki (Andriamampianina, 2013).
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Figure 23: Diagramme de choix de turbine (Andriamampianina, 2013).
Tableau 27: Caractéristiques de la turbine (AIDER, 2016).
Désignation Unités Valeur
Nombre de turbine prévu 2
Débit nominal par unité de turbine m³/s 0,28
Hauteur de chute nette m 18,18
Vitesse de rotation tr/min 579
Vitesse d’emballement tr/min 1041
Vitesse spécifique tr/min 79,94
Diamètre de la roue mm 300
Puissance à l’arbre de la turbine kW 40
Rendement de la turbine % 76
Le projet envisage la pose de deux unités turbines 35 kW. Cependant, la deuxième sera installée au fur et à mesure de l’évolution de la demande. Concernant le générateur, un alternateur synchrone triphasé 400 V de 50 Hz, autorégulé a été choisi. Il détient un rendement de l’ordre de 93% avec une vitesse de rotation 1500 tr/mn. L’auxiliaire de la centrale comporte une alimentation en courant alternatif de 220 V qui alimente le circuit électrique de l’usine comportant deux prises de courant, deux lampes intérieures ainsi que deux extérieures. Cette installation séparée par rapport à l’injection au réseau, est protégée par un disjoncteur et la consommation sera comptée par un compteur d’énergie active. Concernant les matériaux de branchement, les câbles utilisés sont de type torsadé 4 x 16mm² pour les utilisateurs en triphasé et 2 x 16mm² pour les utilisateurs en monophasé.
2.5.3. Aval L’installation d’un site hydroélectrique à proximité des villages limite les pertes d’énergie (pertes par
effet Joule) durant le transport d’électricité en raison des faibles distances entre les abonnés et la
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centrale hydroélectrique, distances qui minimisent aussi les coûts d’infrastructures relatifs à ce
transport : poteaux, pylônes, câbles, etc.
L’énergie électrique produite via la centrale hydroélectrique d’Antohakabe est transportée vers le village d’Amberivery moyennant une ligne triphasée aérienne Basse Tension. La ligne part de la centrale d’Antohakabe en se dirigeant vers le Nord pour arriver à Amberivery. Le tracé suit généralement la piste menant à ce village. Ce réseau utilise des poteaux en bois d’eucalyptus traité pour les supports d’une longueur de 9 m et d’un diamètre de 0,15 m.
La longueur du réseau est estimée à 2671m, qui comprend les lignes principales et les lignes secondaires. Les câbles sont de type torsadé munis d’une gaine isolante constituée de polyéthylène réticulé de couleur noire. Les tensions de distribution sont de 380V entre phases (pour les utilisateurs en triphasé) et de 220V entre phase et neutre (pour les utilisateurs en monophasé). Les prises de terre sont placées au niveau des supports sur tous les 400m dans la ligne et/ou au bout de la ligne. Chaque unité du réseau d’éclairage publique comprend un luminaire, une console, une platine et une lampe de 23W. La commande de l’allumage et l’extinction se font à l’aide d’un minuteur. L’énergie consommée est comptée par un compteur monophasé 5-15A et un disjoncteur différentiel est servi pour la protection contre les court-circuits.
Si chacun des critères du plan d’infrastructure se voit respecté, bon nombre d’impacts peuvent être
atténués.
Figure 24: Photographie du réseau basse tention du village d'Amberivery (AIDER, 2016).
61
2.6. Enjeux socio-culturels
Une alternative induit systématiquement des modifications dans la communauté dans laquelle elle est intégrée. Parfois peu soulignée et même dissimulée, l’introduction d’une quelconque invention n’est jamais sans conséquences. Lorsqu’on souhaite modifier une pratique, il est important de prendre en compte le point de vue des personnes touchées par la modification de la technologie. L’hydro-électrification rurale du village d’Amberivery représente des changements de pratiques inscrites, tout au long des générations, dans les structures socio-culturelles des populations concernées. Afin que les communautés puissent exploiter le mieux possible le potentiel de l’approvisionnement en
électricité, l’enjeu socio-culturel associe à la fois les enjeux culturels et sociologiques.
Tout d’abord, les enjeux culturels concernent l’identification et la formation des acteurs de proximité par la présence de la Fondation Tany Meva et de l’AIDER via un travail de formation et d’accompagnement. Travailler en toute transparence avec l’ensemble des acteurs s’avère crucial pour la pérennité du projet. L’ensemble des rôles, droits et devoirs du collectif local, des futurs abonnés, des opérateurs et des institutions nationales chargées de l’électricité se doit d’être correctement expliqué et précisé à tous les protagonistes. Dans le cadre du projet, la sensibilisation des habitants d’Amberivery a été effectué d’une part, par
des réunions regroupant une poignée de la population concernée mais également par la visite d’une
stagiaire de la Fondation Tany Meva. Durant un mois, Hoby Rakotomalala a rendu visite à 120 familles
sur les 213 ménages d’Amberivery. Malheureusement, cette visite s’est davantage centrée sur la
collecte d’informations sur base d’enquêtes que sur une sensibilisation approfondie de l’ensemble des
villageois. Dès lors, un manque de sensibilisation ajustée à la culture et aux coutumes locales laisse à
soupçonner un manque de transparence aux yeux des villageois. Cette étape se voyant sous-estimée,
une forme d’handicap chez certains nouveaux utilisateurs est à envisager. En effet, l’ignorance de
certains travers dus à l’électricité comme par exemple, la formule de payement par abonnement ou
encore la possible dépendance face à l’accès à la mondialisation, sont des travers à connaitre avant de
se lancer dans le monde de la consommation. Néanmoins, une mission sur site afin de former les
bénéficiaires à l’utilisation de l’électricité en toute sécurité a été réalisée. Un travail de formation des
acteurs locaux a donc été effectué.
Durant l’installation de la centrale, le FIMJA encadré par l’AIDER a formé un technicien en vue de
prendre en charge le suivi, l’exploitation et la maintenance journalière de la centrale.
Pour ce faire, une première sélection de quatre techniciens a été faite par les habitants bénéficiaires du projet. Une seconde sélection a, ensuite, été effectuée par l’AIDER selon des critères de compétences, de technicité, de relation sociale et de dynamisme. C’est donc Mr Damien (le technicien actuel d’Antohakabe) qui s’est vu répondre au mieux à la plupart de ces critères. En plus de son assistanat lors de l’installation des machines, des formations pratiques lui ont été proposées au niveau de la centrale de production. Par la suite, le technicien spécialisé de l’AIDER s’est chargé de sa formation en l’encadrant périodiquement sur les opérations concernant le réseau électrique basse tension. Une fois l’innovation introduite dans le réseau, il apparaît important de réélaborer, par la négociation, un consensus sur la répartition des compétences entre les différents actants participants du couple objet-environnement. En effet, l’organisme chargé de suivre et d’accompagner le projet doit garder une relation de proximité et de confiance tout au long de la période d’introduction. C’est pourquoi,
62
occasionnellement, la Fondation Tany Meva effectue une visite sur terrain afin d’inspecter une partie des installations mais également afin de proposer des réunions publiques vouées à affiner le suivi et le lien social. Ensuite, les enjeux sociologiques visés dans le cadre de ce projet sont les impacts sur la santé et la sécurité. Bien entendu, comme nous l’avons vu dans le cadre sociologique du chapitre 1, il n’existe aucune théorie capable de décrire ou rendre prévisible les formes d’interactions entre technologie et société. Une série d’autres enjeux se voient impactés lors de l’électrification du village d’Amberivery. Selon Ogburn, pour que l’introduction d’une technologie fonctionne, il faut que suffisamment d’individus aient choisi de l’utiliser. En effet, si la demande en électricité est élevée, mieux se portera la pérennité de la centrale hydraulique. C’est pourquoi, une technologie se verra davantage utilisée si celle-ci s’avère être utilisée, entre autres, par un leadership au sein d’une communauté. Chaque village malgache détient un Chef de village qui a pour devoir de défendre l’intégrité du village au péril de sa vie. Il est la référence morale du village et a généralement été choisi par la collectivité afin de la représenter. Il occupe donc généralement la position de leadership et détient un pouvoir d’influence important pour de nombreux villageois. Raymond, dit Zamany Mourad, est le Chef traditionnel du village d’Amberivery. Depuis la mise en fonctionnement de la centrale, pour montrer sa satisfaction, Raymond a décidé de rebaptiser le village du nom d’Amberivery « Mazava » qui signifie le village éclairé. Ce signe de reconnaissance en dit long sur l’acceptation de l’électricité au sein du village et pérennise grandement le projet face aux diverses résistances au changement possibles. Cependant, aucune certitude qu’une quelconque force sociale ne puisse pas impacter voire détourner le projet. Lors de la construction du barrage, les habitants sont mis à contribution. Le chantier se voit
généralement avancer grâce aux hommes du village et accessoirement aux enfants qui ont pour rôle
de casser des pierres. A l’aide d’un marteau et d’une grosse pierre qui sert d’appui, les enfants qui ne
vont pas à l’école concassent des pierres pour en faire du gravier placé sous les coffrages de béton.
Cette pratique peut engendrer des traumatismes et ainsi affecter leur épanouissement psychologique.
De plus, les efforts fournis durant l’acheminement ou la transformation des matériaux en plein soleil
peuvent s’avérer dangereux pour la santé physique, voir à long terme fatals, pour les pères de famille
les plus faibles.
Les premiers impacts observables une fois que
l’électrification est en place dans le village sont
généralement liés à l’éclairage public.
Premièrement, dans l’inconscient collectif du
langage par les symboles, la pose des poteaux
électriques autour et dans le village (Figure 25)
s’avère se rapprocher, à s’y méprendre, des
stèles de recueillement aux morts appelées
rangolahy39.
Dès lors, si l’entièreté de la population ne se voit
pas sensibilisée à l’introduction du réseau
électrique, c’est tout un rite qui se voit supprimé.
Une part de la population proche des mœurs de la société Tsimihety pourrait se voir impactée par ce
39 Trad : stèle funéraire traditionnelle malgache
Figure 25: Comparaison entre une stèle de recueillement de Tsimihety et un poteau d'électrification dans le village d'Amberivery (AIDER, 2016).
63
bouleversement car autour de cet acte s’est tissé tout un système de fonctionnement social modifiant
ainsi la structure communautaire.
De plus, une perturbation des us et coutumes se verrait observer par le fait que les populations n’aient
plus envie d’assimiler leurs stèles jugées trop similaires au modèle du poteau électrique.
Malgré cela, l’éclairage dans les rues améliore la sécurité la nuit. Elle réduit les vols de bétail et diminue
les risques de harcèlement et d’agression sexuelle des femmes qui participent à la diffusion des
maladies sexuellement transmissibles.
L’installation de l’électricité au sein des ménages abonnés ré-établit le statut social et repositionne les
inégalités. En effet, l’électrification des ménages amène une amélioration du confort domestique sur
plusieurs niveaux. Tout d’abord, l'électricité améliore considérablement la qualité de vie des femmes
et les soulage d'une grande partie du travail difficile et non rémunéré, actuellement nécessaire pour
s'occuper de leur famille (Energypedia).
En effet, la charge du combustible des foyers est revue à la baisse car le feu ne joue plus le rôle de
lampe et les repas peuvent être préparés après le coucher du soleil juste avant de passer à table grâce
à l’éclairage (et non plus réchauffés après préparation à la lumière naturelle). Les aliments peuvent
être conservés grâce au frigo permettant d’éviter l’approvisionnement en nourriture quotidienne,
d’améliorer le régime alimentaire et ainsi de diminuer la malnutrition. L’utilisation de récepteurs
électroménagers apporte également un gain de temps aux ménagères, ce qui augmente leur temps de
loisirs et d’activités culturelles. Nous assistons donc à une modification des habitudes quotidiennes et
sociales des femmes (Robert, 1994).
La réduction du combustible induit une diminution de la déforestation tout comme une amélioration
des conditions sanitaires des communautés engendrée par la diminution de la pollution de l’air et des
risques d’incendies. L’électricité impliquera donc une modification de l’environnement. De plus, grâce
à la conservation des vaccins dans le Centres de Santé ainsi que l’installation de pompes à eau
souterraine, le village se voit devenir davantage attrayant, entre autres, aux yeux des potentiels
médecins et/ou professeurs cherchant à s’installer avec leurs familles. En effet, l’électrification joue
un grand rôle dans la lutte contre l’exode rural.
L’amélioration progressive du mode et du niveau de vie des villageois fait également évoluer
progressivement les mentalités vers l’accès à la mondialisation favorisant la communication et
l’autoformation des villageois. La hausse de l’utilisation des outils de communication, comme le
téléphone ou la radio, implique une meilleure conscience du monde extérieur ainsi qu’une
augmentation des connaissances de la communauté. La télévision ou l’expansion de la TV-cratie au
sein du village joue un grand rôle dans l’évolution des mentalités. En effet, la télévision, en particulier
Canalsat, détient un potentiel d’influence de culture élevé. Elle colporte des publicités à une
population chaste au consumérisme. Elle peut colporter le sexe et la violence dans les clips et films, ce
qui peut engendrer des bouleversements dus à des modifications de comportements. Des offenses à
certaines valeurs religieuses, à certains points de vue sur l’homosexualité ou encore à certains points
de vue politiques peuvent se voire impacter la communauté chaste de tout conflit d’intérêt.
L’arrivée des chaines hi-fi dans un village aux habitations sans aucune isolation sonore se voit
également chambouler une certaine tranquillité. En effet, l’augmentation des nuisances sonores est à
envisager même si les troubles de voisinages se voient punis pas la loi malgache. Des déménagements
de maisons vers des emplacements plus calmes, hors du village, sont donc à prévoir. En effet, nous
l’avons vu, selon Ogburn, une fois que les inventions sont diffusées, elles deviennent elles-mêmes le
moteur de changements sociaux.
64
Si l’éclairage est utilisé en vue d’augmenter le temps d’étude des enfants, il jouera un rôle notable
dans l’amélioration du niveau d’éducation des enfants mais également pour l’alphabétisation des
adultes en cours du soir. La scolarité des filles se verra également favorisée si, bien entendu, cet
enseignement se voit intégrer l’égalité des sexes. L’électricité permettra de prolonger le temps
d’études et permettra l’arrivée de nouveaux outils pour affiner la pédagogie habituellement appliquée.
Cependant, il semble important à souligner que l’électricité n’est pas l’unique facteur annonciateur
d’un meilleur enseignement. Les politiques de développement ont, généralement, un impact négatif
sur les conditions de vie des femmes (Cain, 1981). Si l’enseignement en tant que tel ne s’avère pas
tendre vers l’égalité fille-garçon et l’inclusion sociale, bon nombre d’inégalités resteront inchangées et
ne profiteront pas au bon développement du village car les femmes constituent une ressource
humaine sous-utilisée, indispensable au développement économique (Cain, 1981).
Nous l’avons vu, le rôle des sexes constitue une variable clé dans la situation économique de tout pays
(Tinsley, 1985). Bien que l’électricité permettra d’augmenter les possibilités de commercialisation et
entrainera de nouvelles activités génératrices de revenus, la mise en place de projet d’intégration des
femmes aux activités économiques pourra donner aux femmes la possibilité d'exploiter des ressources,
d'exercer un certain pouvoir et de prendre des décisions (OIT, 1985).
Dès lors, les artisans et artisanes, auront par exemple, la possibilité de travailler au-delà des heures de
la journée tout en améliorant leur productivité grâce à la mécanisation et à la transformation. Les
commerçants et/ou commerçantes, auront, quant à eux, la possibilité d’offrir des produits frais et de
rester ouvert plus tard le soir (Fondation Energie pour le Monde, 2007).
Cependant, selon Akrich la fidélité de ces acteurs n’est jamais sans failles par rapport au scénario imaginé par l’innovateur. L’expansion d’enjeux d’intérêt et de pouvoir d’un tiers ou de plusieurs acteur(s) peut amener à la destruction des communautés. C’est pourquoi, une sélection des nouvelles entreprises, vouées à s’installer à Amberivery afin de profiter du prix de l’électricité, se doit d’être réalisée. C’est pourquoi, un appel à projet a été lancé par Tany Meva afin de donner la possibilité de voir naître des entreprises durables aux ambitions éthiques. Toujours selon Akrich, on ne peut mesurer le poids relatif qu'ont les acteurs qu’à posteriori. Les
humains tout comme les éléments techniques peuvent s'avérer défectueux en situation de
fonctionnement réel. En effet, les utilisateurs, de par la relative richesse des opérations qui leur
incombent (achat, stockage, utilisation pour des tâches culinaires et domestiques), peuvent modifier
profondément les produits et les agencements dans lesquels ils interviennent.
Sachant cela, la différence de sexe des utilisateurs se voit jouer un rôle dans la stabilisation d'un produit avec son environnement (Lippinois, 2016). La répartition des rôles et la nature des relations entre les femmes et les hommes s’avèrent donc à nouveau entrer en jeu.
65
3. Impacts globaux
Les impacts sont les modifications du milieu physique, naturel et humain engendrées par les activités
du projet.
Certaines caractéristiques peuvent être considérées comme positives en termes socio-économiques
mais négatives en termes d'environnement et vice versa. Par exemple, la construction de routes a des
impacts négatifs sur l'environnement car une déforestation se produit. Cependant, des effets socio-
économiques positifs en termes d'accès accru au marché touristique ou autre se voient observés. Il est
donc important de prendre conscience des interdépendances complexes entre les impacts
environnementaux et socio-économiques positifs et négatifs ainsi que les avantages qui peuvent varier
entre les groupes de population en termes de revenus en fonction de la localisation de leurs ménages
(Energypedia).
Ce tableau relève les principaux impacts positifs et négatifs en fonction des catégories soulevées ci-
dessus. Malgré le fait qu’un tableau comme celui-ci ne soit jamais définitivement complet, il nous
permet tout de même de réaliser les secteurs les plus impactés.
66
Impacts Institutionnelles
Impacts Techniques Impacts Environnementaux Impacts Economiques Impacts socio-culturels
- Remise à niveau de la capacité institutionnelle des organisations locales - Etablissement d’un lien de partenariat entre les acteurs et les parties prenantes du projet - Etablissement d’un climat de partenariat entre les structures étatiques décentralisées - Concurrence déloyale entre le village électrifié d’Amberivery et les autres non-électrifiés - Urbanisation
- Formation et diffusion des capacités humaines pour l’innovation hydroélectrique.
- Réduction anthropique sur le couvert forestier grâce au remplacement du combustible pour les besoins en éclairage - Risque de perturbation de l’équilibre écologique - Modification du paysage - Risque de perturbation de l’équilibre écologique par l’introduction de nouvelles espèces amenées par le tourisme - Réduction des gaz à effets de serre
- Réduction des dépenses face à l’augmentation du prix du pétrole - Développement économique local grâce aux flux financiers et petits métiers qui vont se créer. - Amélioration de la génération des revenus des paysans -Développement de partenariat régional, national et international - Développement touristique avec l’implantation d’ONG ou l’arrivée de birdwatschers - Création d’emploi - Risque d’inflation - Valorisation économique de la culture locale - Ouverture de l’économie locale - Renforcement de capacité des acteurs locaux - Déséquilibre lors des distributions des avantages liés à l’arrivage du tourisme - Augmentation du prix des consultations pour couvrir les charges d’électricités - Possibilité de paiement via téléphone mobile - Possibilité de mise en place d’un système d’échanges alternatif dans le cadre d’un réseau d’économie sociale et solidaire.
- Reduction des maladies grâce à l’arrivage de davantage de médecins grâce au confort créé - Réduction des mortalités infantiles - Reduction de l’insécurité grâce à l’éclairage - Migration et émigration - Chamboulement des classes sociales - Surpopulation de la zone électrifiée - Redynamisation sociale : renforcement des structures sociales organisationnelles locales dont l’association des femmes - Dégradation progressive de la valeur sociale locale sous l’influence de la mondialisation -Perturbation des habitudes locales, tabous et interdits sous l’influence de la mondialisation - Bouleversement des comportements causé par la télévision - Perturbation des us et coutumes avec la suppression du rite du rangolahy - Risque de conflits d’intérêts entre les populations locales et les populations étrangères - Risque d’insécurité face à l’enrichissement de la population - Colportassions de la technique hydro-électrique dans l’éducation des jeunes du village - Augmentation des nuisances sonores dues aux chaines hifis - Amélioration de la qualité de vie des femmes et soulagement d'une partie des tâches des femmes - Amélioration du niveau d’alphabétisation si l’éclairage est utilisé pour augmenter le temps d’étude
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4. Limites de l’étude
Une analyse complète en vue de l'introduction d'une technologie se doit de prendre en compte, entre autres, l'origine de la demande de changement technologique (Lippinois, 2016). Malheureusement, cette question s’avère rarement soulevée ou plutôt régulièrement mise à la trappe puisque l’électrification est perçue par beaucoup comme allant de pair avec la réduction de la pauvreté. En effet, aucune étude de priorisation n’a été effectuée lors du choix du site d’Antohakabe. Ce choix
fut proposé, à l’origine, par l’organisme The Peregrin Fund en réaction à la création de la NAP. Face à
cela, l’AIDER et la Fondation Tany Meva se sont chargées d’établir les études préliminaires, comme la
reconnaissance de site, afin de définir si un site s’avérait plus propice qu’un autre.
Après que l’AIDER ait réalisé l’étude de faisabilité et l’étude d’avant-projet, une discussion, suivie d’une
convention entre la Fondation Tany Meva, l’ADER et les autres acteurs du projet s’est vue désigner
l’AIDER pour la mise en œuvre du projet.
Lorsqu’un projet d’électrification comme celui-ci est mis en œuvre, la grande question humaine qui se
doit d’être posée est : « Les villageois sont-ils demandeurs d’une telle opération ? »
Pour tenter de répondre à cette question, une enquête auprès de 120 ménages sur 230 a été
effectuée40. Les résultats obtenus par l’enquête concernant la volonté des ménages à se raccorder au
réseau malgré les inconvénients causés par leurs sources de revenus nous montrent une nette majorité
en faveur du raccordement.
Figure 26: Volonté des ménages à se raccorder au réseau d'Amberivery
Le choix des acteurs à inclure ou exclure de cette hydro-électrification rurale se voit crucial à l’analyse du spectre d’enjeux qui suit. C’est pourquoi, l’enquête de souhait des ménages de se raccorder ou non au réseau doit s’efforcer de couvrir l’ensemble du spectre des clients potentiels qui ont quelque chose à gagner ou à perdre dans la réforme, ce qui n’a pas été fait. En effet, l’ensemble des familles du village n’a pas été entièrement balayé par le recensement. De plus, ce recensement ne s’est vu réalisé que lors de la construction du barrage, ne laissant pas vraiment le choix aux habitant concernés. Même si en interrogeant la moitié des familles, nous pouvons nettement distinguer la tendance du oui par rapport au non, quelle certitude pouvons-nous avoir du réel intérêt collectif, si les personnes interrogées sont les plus enclins au dialogue et/ou au changement de pratiques ?
40 Voir Questionnaire Annexe 10
89%
11%
Volonté des ménages à se raccorder au réseau
OUI NON
68
Le développement de la technologie hydroélectrique se doit d’être transparent, et cela également
dans la mobilisation de l’avis des communautés. Si les consommateurs n'ont pas accès à des
informations exactes et faciles à comprendre sur la technologie, ils ne seront pas en mesure de faire
des choix responsables. En effet, connaitre la réelle volonté collective sur l’introduction de l’électricité
est chose complexe. Un consensus collectif n’est jamais totalement objectif, surtout quand l’analyse
des volontés des communautés est faite par un organisme qui, avec ou sans l’accord de l’ensemble de
la population, aura déjà pour volonté l’introduction d’une technologie. Ces pratiques peuvent s’avérer
risquées car un manque de sensibilisation et d'information sur la technologie ainsi que sur ses
avantages et inconvénients peut se voir détourner le projet des volontés recherchées au sein des
communautés.
Les projets sont, en règle générale, apportés comme étant révolutionnaires le plus souvent à une
population ignorant les effets négatifs que l’électricité pourra avoir sur leur manière de consommer
ainsi que leur future dépendance à la mondialisation. Ces promoteurs de projets électriques avides
d’étendre leur rayon d’action ainsi que leur marge, opèrent dans un monde capitaliste totalement
ignoré de ceux qui se verront par la suite engrenés par un nouveau confort de vie. Le développement
économique, accompagné de son bras droit l’électricité, semble vouloir se développer partout où
l’homme occupe l’espace. Dès lors, l’électricité peut se voir comparée à un parasite. Bien entendu,
nous l’avons vu, l’électricité commence son chemin par l’éclairage pour ensuite alimenter les
télévisions, les chaines hi-fi et les frigos. Elle s’installe chez les plus riches pour ensuite proliférer dans
les classes inférieures dans le but de suivre le « progrès » qui leur est amené comme un outil qui
changera leur vie. C’est l’angle d’attaque du consumérisme. Face à cela, afin de payer les factures
d’électricité toujours plus conséquentes, certains éleveurs, par exemple, se voient obligés de
s’endetter ou de se séparer d’une de leur bête et donc de leur outil de travail. Une fois ce parasite
installé, il utilise la télévision ou encore la radio pour continuer à manipuler toujours plus son hôte en
le mitraillant de publicités pour ainsi créer de nouveaux besoins. Cette spirale capitaliste peut ainsi
causer de nombreux torts à ceux qui n’ont pas conscience des travers de ce système. L’éducation est
donc primordiale si on souhaite sortir les ignorants de la répression.
Pour s'assurer que le système fonctionne avec succès, il est primordial que les populations puissent :
• Connaître et comprendre leurs droits,
• Etre consultées et aidées à prendre des décisions,
• Aider à construire et exploiter le système (pour qu'elles sachent comment cela fonctionne)
• S'engager à continuer à travailler en payant leurs frais, tout en constatant que leurs frais sont
utilisés correctement,
• Bénéficier du projet (Energypedia).
Pour ce faire, le Fonds d'électricité renouvelable pour les zones éloignées a établi des principes qui
favorisent cette mobilisation communautaire.
Il est tout d’abord important de s'assurer que les personnes dont la voix n'est pas toujours entendue
(comme par exemple les femmes ou certains ménages plus pauvres) soient encouragées à s'exprimer.
C’est l’avis de toute la communauté qui doit être pris en compte. Favoriser une prise de décision
commune en développant les organisations locales semble primordial si l’on souhaite s’établir sur base
d’une éthique correcte et/ou une justice sociale.
69
Bien entendu, certaines personnes peuvent ne pas vouloir abandonner leurs intérêts individuels au
bénéfice plus large de la communauté dans son ensemble, ce qui peut créer des tensions au sein des
communes et des organisations d’où l’utilité d’un leadership proche du peuple (Energypedia).
De nos jours, la mondialisation n’a pas de frontières. Madagascar connaît une évolution plus que
surprenante en termes de nouvelles technologies grâce principalement à l’accès à la téléphonie
mobile, à internet et aux médias. Un grand nombre de ces introductions semble ne pas respecter la
notion de développement fondé, suivant à tout prix une volonté d’importation de nouvelle technologie
pouvant bouleverser tout un peuple jusqu’alors inconscient des divers impacts que celles-ci
engendrent sur leur mode de vie.
70
Conclusion
Après une mise en contexte abordée par le prisme d’une approche énergétique à Madagascar, et plus précisément dans le village d’Amberivery, nous avons parcouru les différents enjeux liés à hydro électrification rurale. Ceci nous amène à conclure que l’électrification rurale à Madagascar demeure aujourd’hui, plus que jamais, un vaste chantier. Nous l’avons vu, moins de 5 % des ménages en milieu rural bénéficient d’un accès à l’électricité, ce malgré l’immense potentiel du pays en matière de ressources énergétiques renouvelables. Le secteur énergétique malgache semble manquer d’une vision globale qui lui permettrait de combiner ses efforts tout en préservant les ressources naturelles concernées. L’autonomie du pays semble être commanditée par un gouvernement trop gourmand et par des organismes extérieurs qui ensemble ont une mainmise sur de multiples gisements de richesses du pays. Chaque secteur se voyant intrinsèquement lié, il semble indispensable de mieux considérer les communautés locales dans la politique de gestion durable de l'environnement. Une piste serait de rendre le peuple propriétaire de ses terres tout en permettant aux citoyens, de transformer eux-mêmes leurs matières premières, grâce à l’électricité. Cette étude avait pour but d’illustrer une démarche rationnelle de l’électrification rurale en s’appuyant sur une analyse d’enjeux. Ces derniers sont souvent contradictoires et peuvent surgir à différentes étapes du projet (mise en place des infrastructures, de l’exploitation, gestion des installations). L’étude réalisée se veut d’éclairer les promoteurs et les exploitants lors de l’évaluation et la gestion de ces enjeux. L’étude plaide en faveur d'une large perspective sur les enjeux mettant l'accent sur une approche
multidisciplinaire. Les perspectives visées dans le cadre de cette hydro-électrification rurale ont
soulevé plusieurs points tels que le contexte global du transfert, l'environnement, le contexte social,
les capacités technologiques des pays receveurs, les caractéristiques des technologies proposées, les
stratégies et la démarche technique de transfert, les compétences de différents acteurs institutionnels,
les compétences des intervenants par l’éducation ainsi que l'influence des rapports de pouvoir
existants entre les genres des acteurs participants. L’établissement de tels liens entre les différents
secteurs s’avère typique de l’approche exogène qu’est celle du développement durable.
Nous l’avons vu, une analyse d’enjeux d’un projet d’hydro-électrification rurale détient un nombre
considérable d’acteurs d’enjeux variables dans le temps. Ce travail vous a présenté une seule palette
de la masse innombrable que constitue l’ensemble des enjeux liés à un projet d’une telle envergure.
En effet, ce projet de taille raisonnable s’est vu sélectionné afin d’approfondir au mieux l’étude de ses
impacts. Permettre l’accès à l’électrification rurale dans le respect de l’environnement est un travail
de longue haleine qui demande de mettre en place des outils adaptés et durables. En effet, anticiper
les rôles de chaque acteur afin d’assurer une viabilité n’est pas une mince affaire. C’est pourquoi, les
organisations privées préfèrent, dans un premier temps, investir dans les centrales thermiques plus
simples à dimensionner.
A Amberivery, les impacts environnementaux sont minimes par rapport à ce que peut impacter
l’électricité au niveau social. Malgré leurs impacts indirects, les enjeux sociaux, généralement négligés,
ont été majoritaires, en grande partie car le projet ambitionnait d’introduire l’électricité dans un
endroit où elle n’était pas préexistante. Cependant, nous l’avons vu les acteurs sociaux sont tout aussi
interdépendants que les acteurs techniques et ignorer l’approche sociale, c’est risquer de provoquer
des crises locales dont les effets perturberaient les plus-values recherchées à travers le projet (Robert,
1994). Qu’importe l’introduction, elle aura toujours des retombées. Perçu positivement chez certains
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ou négativement chez d’autres, le rôle des acteurs est central dans la mise en œuvre et l'appropriation
d'un changement (Gilson, 1997). C’est pourquoi, une attention toute particulière doit être portée sur
les acteurs d’enjeux qui gravitent autour d’un projet d’introduction.
A Amberivery, si l’on part du principe que l’électricité se devait d’y être établie, l’hydroélectricité
semble être de loin la solution la plus adaptée. En effet, bien que de nombreux points aient été
soulevés dans le cadre de ce travail, la centrale d’Antohakabe pourrait être considérée comme une
technologie faiblement impactante, si on la compare, bien entendu, à l’introduction d’une plus grosse
centrale hydroélectrique ou encore à d’autres alternatives renouvelables ou non.
De tels projets, bien que d’ores et déjà bien approchés par l’ensemble des acteurs ayant fait émerger
la centrale d’Antohakabe, pourraient se voir recommander une approche « faire mieux », afin
d’assurer un équilibre social au sein de la zone étudiée.
Tout d’abord, la sensibilisation du village à l’arrivée de l’électricité devrait, à mon sens, être prise
davantage au sérieux. Les réunions ouvertes à tous sont un début, mais il me semble important de
proposer des séances d’informations à l’ensemble des concernés. Cette sensibilisation se doit d’être
équitablement établie au niveau des genres et des âges. Inclure les pratiques de sécurité en utilisant
des femmes et les enfants de plus de seize ans dans des activités de démonstration et de formation
favoriserait l’adhésion à tous plutôt qu’à un seul représentant de la famille.
Ensuite, se concentrer davantage sur les avantages directement liés aux projets plutôt que sur la
stimulation d’une productivité génératrice de revenus pourrait absoudre la niche d'exclusion entre les
abonnés et les non-abonnés et, par ce fait, permettre à un plus grand nombre d’en
bénéficier. L’éducation s’avère être le socle du progrès dans la lutte contre la pauvreté. Elle offre des
informations en matière de santé, de nutrition et d’agriculture ce qui permet d’offrir des bases saines
et durables aux acteurs de demain. Cependant, l’éducation en milieu reculé se doit aujourd’hui d’être
accompagnée d’infrastructures, de routes et d’électricité car la grande majorité des professeurs
voulant bien exercer en milieu rural exige un confort de vie que la ville leur a conféré. C’est pourquoi,
certains peuvent penser que la scolarisation sans l’électricité n’est plus faisable. D’autres diront qu’elle
sert à appâter les potentiels professeurs à s’installer en milieu précaire. Toujours est-il que l’électricité
ne doit pas être introduite seule. Une multitude de secteurs doivent être adaptés afin que l’objectif
économique soit atteint sans grabuge. De plus, l’électricité allège certaines tâches accomplies par la
femme, celle-ci pourrait s’intégrer aux grandes activités génératrices de revenus. Soutenir le
développement des projets de femmes, ou d’associations les représentants, pourrait leurs donner la
possibilité d'exploiter des ressources, d'exercer un certain pouvoir et de prendre des décisions qui
pourraient faire fructifier l’accomplissement économique des ménages.
L’analyse proposée dans ce mémoire interroge sur l’introduction d’une centrale hydroélectrique en
milieu rural à Madagascar avec une vision et un apport de solutions occidentales. Bien entendu, pour
qu’une mise en pratique concrète soit possible, il faut qu’une approche politique soit prise en compte.
L’électricité peut être considérée comme une piste durable face à la crise politique du pays, si et
seulement si, celle-ci s’accompagne d’une approche hétéroclite fondée.
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